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« Les juges de la nation ne sont que la bouche qui prononce les paroles de la
loi » Cette célèbre citation du penseur politique Montesquieu, limite très clairement le
rôle du juge. Aux yeux de Montesquieu, le pouvoir normatif, c’est-à-dire le pouvoir
de créer des normes, n’est alors pas de la compétence du juge.
En France, les Principes Généraux du Droit (PGD) sont des règles de portée
générale dont la source est non écrite, ce sont des normes découvertes par le juge,
dégagés par la jurisprudence. Leur violation constitue donc une illégalité.
En droit administratif, les PGD s’imposent à l’administration, pour ce qui est de leur
valeur dans la hiérarchie des normes, la doctrine est très largement partagée, pour
certains comme le professeur R. Chapus, les PGD ont une valeur infralégislative et
supradécrétale car le juge administratif contrôle l‘administration donc il lui est
possible de rendre des normes s‘imposant à celle-ci mais il est protecteur de la loi, il
ne peut pas rendre de norme s‘imposant au législateur. D’autres affirment qu’ils ont
une valeur constitutionnelle, depuis que le conseil constitutionnel a reconnu un PGD
dans son arrêt « protection des sites » de 1969. Comme toutes pensées, elles sont
discutables, toujours est-il que cette expression à été consacré après la libération par
un célèbre arrêt du conseil d’état statuant an assemblée du 26 octobre 1945, Aramu et
autres que nous aurons l’occasion de revoir.
Ces évolutions de pensée nous amènent à nous demander si le juge
administratif, judiciaire ou constitutionnel a le pouvoir de créer des normes. On se
demande si le juge n’est qu’un « automate » qui prononce les paroles de la loi ou bien
s’il a compétence pour mettre en place un cadre normatif à travers la jurisprudence.
Le juge Français est apte à définir des principes et à interpréter la loi, mais peut-on
parler de création normative ?
La réponse à cette question est très partagée, les auteurs ont des théories très
divergentes et c’est un sujet qui suscite beaucoup de débats. Cependant on remarquera
que toutes ces opinions mènent à une situation juridique instable et parfois
dangereuse. Pour comprendre comment le juge tente d’exercer au mieux son rôle de
protecteur, nous verrons dans une première partie que le pouvoir restreint du juge se
heurte à une instabilité juridique (I) et que même si l’on va vers une reconnaissance
progressive du rôle du juge, celle-ci reste limité (II).
Cependant l’article 4 du code civil dispose que « le juge qui refusera de juger,
sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être
poursuivi comme coupable de déni de justice. » Ainsi l’article 5 qui limite le pouvoir
du juge se heurte en parti à l’article 4. Il est du devoir du juge d’interpréter la loi et de
la combler la disparité juridique lorsque la loi est silencieuse, obscure ou insuffisante.
B - La nécessité d’interpréter la loi et de combler la disparité
juridique :
Dans un arrêt du Conseil d’état, mai 1944, Dame veuve Trompier de Gravier, le juge
reconnaît l’existence d’un principe générale de respect des droits de la défense. Il ne
parle pas encore de PGD mais ce principe est bien le fruit d’une véritable volonté du
juge de protéger les administrés par la création même de ce principe.
Il utilise alors pour la première fois le terme de PGD toujours dans un arrêt du conseil
d’état d’octobre 1945, arrêt Aramu et autres. Les PGD sont alors reconnus de manière
explicite et formellement intégrés à la légalité.
En ce sens, le juge a donc un pouvoir de création puisque les PGD résultent d’une
véritable volonté du juge de contrôler d’autant plus étroitement l’administration et
protéger les administrés.
Il va en effet continuer de les protéger en créant ces PGD fondés sur des notions
fondamentales comme l’égalité dans l’arrêt Denoyez et Chorques de mai 1974, ou
encore la sécurité juridique dans l’arrêt de mars 2006 KPMG et autres.
En ce sens on peut parle d’un pouvoir normatif du juge, d’autres contesteraient cette
idée en soulevant que le juge ne crée par de norme puisqu’il reprend des principes
existant dans d’autres textes et que la création de la norme ne vient pas de la norme en
elle-même mais du statut qui lui est désormais conféré.
Dans l’arrêt Koné de 1996, le conseil d’état, saisi d’un recours dirigé contre le décret
d’extradition de M. Koné, a consacré le principe selon lequel la France doit refuser
l’extradition d’un étranger lorsqu’elle lui est demandé dans un but politique. Le CE
consacre la valeur de PFRLR de la règle posée par la loi de 1927. Ainsi il ne crée pas
une norme mais donne une valeur de PFRLR au principe posée par la loi de 1927. En
reprenant ce principe et en lui conférant une valeur constitutionnel puisque les PFRLR
font partie intégrante du bloc de constitutionnalité, on peut se demander si le conseil
d’état n’étend pas son pouvoir d’interprétation des normes au-delà de ce que permet la
conception de la séparation des pouvoirs en France.
Il est donc certain que le juge intervient au-delà de sa compétence posé par les normes
et principes qui régissent la France, mais la question de savoir si le juge est créateur
de norme repose dans la conception même de la création de la norme à savoir s’il crée
une norme à partir d’un texte dont il reprend les principes d’une norme déjà existante
et qu’il leur confère une valeur plus importante lorsqu’elles deviennent des PGD, c’est
l’hypothèse de l’arrêt Koné, mais de bien d’autres encore.
Ou bien si l’on considère que le juge crée un PGD dont le principe n’est issu d’aucun
texte. Ainsi l’arrêt Blanco de 1873 est une véritable innovation jurisprudentielle, en ce
sens le juge crée véritablement un PGD.
Cela n’empêche pas la doctrine d’être partagé, toujours est-il que l’influence des juges
tend incontestablement à être de plus en plus importante se pose alors le problème de
la sécurité juridique ainsi que la question de la légitimité.
Cependant, admettre que le juge ait un pouvoir de création conduirait à une instabilité
juridique et à une contradiction avec les normes et principes Français. En effet, les
normes n’émanerait pas du pouvoir législatif et contredirait donc la compétence même
du pouvoir législatif, mais surtout se poserait la question de la légitime. Les juges ne
sont pas élus, en ce sens il ne représentent pas l’expression de la volonté des citoyens.
Portalis pose d’ailleurs très clairement cette limite au pouvoir du juge « un juge est
associé à l’esprit de législation, mais il ne saurait partager le pouvoir législatif ».
En France il n’est donc pas de la compétence du juge de créer des normes.
De plus se pose une limite intrinsèque, le juge a bien entendu pour rôle de protéger la
loi, il ne faut donc pas lui même qu’il viole la loi ou qu’il la détourne.