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Dissertation
L’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme vous paraît-il être
suffisamment protecteur de la liberté matrimoniale ?
Parmi les types d 'union conjugale, le mariage entraîne les effets les plus importants sur
les plans social et juridique : il attribue en effet, un statut différent aux couples. Ceux-ci
sont en plus fortement liés du point de vue juridique que ne le sont les concubins ou les
pacsés. Au niveau patrimonial, les mariés sont ainsi tenus à des devoirs particuliers tels
que l’obligation de contribution des deux époux aux charges du mariage,
proportionnellement à leurs ressources financières ou même l’obligation solidaire entre
époux pour les dettes contractées pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
Par ailleurs, les époux ont des obligations mutuelles, comme le devoir de fidélité.Surtout,
au niveau individuel, le mariage relève de la liberté de chaque individu de s 'unir par cette
institution à un autre individu sans aucune restriction Dès lors, la liberté matrimoniale, qui
comprend la liberté de choisir son conjoint, et de se marier ou non, est une liberté
fondamentale. En France, le principe est reconnu à tous ceux qui résident sur le territoire
de la République, quelle que soit leur situation et a valeur constitutionnelle Dans sa
décision du 13 août 1993, le Conseil constitutionnel a en effet affirmé que « le principe de
la liberté du mariage (...) est une composante de la liberté individuelle » protégée par les
articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.
Ce principe, auquel il ne peut être porté atteinte en dehors des cas prévus par la loi, est
consolidé par les engagements internationaux de la France : le droit au mariage est en
effet garanti par l’article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’Homme (CESDH), qui consacre le droit de toute personne de se marier et de fonder une
famille : «A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de
fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit. » ; et les États
parties au présent Pacte prendront les mesures appropriées pour assurer l'égalité de
droits et de responsabilités des époux au regard du mariage, durant le mariage et lors de
sa dissolution.
Cette consécration au niveau européen est d importance dans la mesure ou elle permet
dans un contexte d'évolution des mœurs de permettre de faire évoluer la jurisprudence en
matière matrimoniale vers une extension des droits pour un plus grand nombre. D 'une
part, par le contrôle de conventionnalité (à l'initiative d'un justiciable) qui permet à tout
individu de contester, devant un juge, l'application qui lui est faite d'une norme en
soutenant que celle-ci est incompatible avec une convention ou un traité international ; et
d'autre part, par le contrôle de proportionnalité, exercé par les juridictions du fond, qui
permet de vérifier la validité des conditions du mariage, sous le contrôle des cours
suprêmes, elles-mêmes sous le contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme.
De ce fait, le principe de la liberté matrimoniale s 'est vu reconnu à des catégories toujours
plus nombreuses : les personnes incarcérées, en sont un bon exemple.
On pourrait donc se féliciter de l apport de cet article 12 de la CESDH dans la mesure ou il
apparaît comme une avancée en matière de reconnaissance des droits fondamentaux
pour le plus grand nombre, cependant , les termes mêmes de l article 12 posent question :
alors qu' au sein même du Conseil de l’Europe, le mariage entre personnes du même
sexe est reconnu dans treize pays, l 'article précité énonce en effet « l'homme et la femme
ont le droit de se marier et de fonder une famille » qu 'en est il de principe de la liberté
matrimoniale pour les personnes de même sexe ? Au delà , qu en est il d' autres
catégories de personnes , celle des personnes transsexuelles par exemple.
Au final, il apparaît intéressant de se poser la question de savoir si l’article 12 de la
Convention européenne des droits de l’homme est il suffisamment protecteur de la liberté
matrimoniale ?
Pour répondre à cette question, il apparaît opportun dans un premier temps de revenir sur
le concept de liberté matrimoniale au regard de l article 12 , ce qui nous permettra de
démontrer dans un deuxième temps que cette protection a une effectivité relative
Pour assurer une effectivité maximale des droits protégés par la Convention, la Cour
européenne des droits de l homme procède à une interprétation restrictive des limitations
aux droits prévus par la Convention Pour ce faire elle opère une distinction entre les
limitations déraisonnables et les limitations admises. Elle considère,par exemple, comme
déraisonnables les limitations visant à empêcher un individu de se marier en général ou
de se marier avec une autre personne en particulier et de ce fait les condamne.
On peut évoquer par exemple la décision rendue par la CEDH en 2010 (arrêt O'
Donoghue) Un ressortissant nigérian ayant obtenu l'asile en Irlande du nord (mais sans
possibilité de travailler) avait souhaité contracter un mariage catholique avec une
ressortissante de double nationalité britannique et irlandaise. Le mariage n'avait pu avoir
lieu car le requérant, en tant qu'individu relevant du contrôle de l'immigration, devait pour
pouvoir se marier, obtenir un certificat nécessitant le versement de frais de dossier dont il
ne pouvait s'acquitter A cette occasion, elle avait rappelé que quelques soient les
réglementations en vigueur , elles ne pouvaient pas priver une catégorie entière de
personnes de leur droit de se marier avec le partenaire de leur choix et qu 'une interdiction
générale imposée à une catégorie de personnes sans distinction eu égard au sérieux et à
la véracité de leur engagement contrevenait à l article 12 de la CEDH en ce qu 'elle porte
atteinte à l 'essence même de ce droit.
Elle condamne également comme une atteinte au droit de se marier du fait de son
caractère disproportionné l’empêchement à mariage existant entre beau-père et belle-fille.
(CEDH, arrêt B et L contre RU, 13 décembre 20051 ).La Cour estime, en effet, que dès
lors que la législation nationale admet le divorce, elle ne doit pas comporter des obstacles
déraisonnables au remariage Au travers de ces deux exemples, on voit bien que l 'article
12 permet de renforcer la protection de la liberté matrimoniale cependant , les termes
mêmes de son énoncé révèle des limites à cette protection.
Du fait de son positionnement par apport aux législations des États parties de la
convention européenne des Droits de l ' Homme, la CDEH n'est pas en mesure d'assurer
une protection de la liberté matrimoniale pour certaines catégories de personne, sur le
seul fondement de l article 12 ; de ce fait elle doit procédé à des combinaisons pour tendre
vers une plus grande égalité.