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La filiation légitime est la filiation (transmission de la parenté) qui caractérise

les enfants conçus ou nés alors que leurs parents étaient unis par le mariage. Dans
de nombreux pays, le statut d'enfant légitime est opposé à celui d'enfant naturel.
En France
Introduction

En France, l'usage distinguant entre enfants légitimes et enfants naturels selon la


situation matrimoniale de leurs parents date du XIVe siècle1. Ce concept est repris
dans le Code civil de 1804.

La filiation légitime est alors indivisible : elle est établie en bloc pour le
couple marié ou pour aucun des deux. Ainsi l’enfant adultérin a matre (si dans le
couple adultérin, la femme était la personne engagée dans les liens du mariage)
pouvait être établi comme l’enfant du couple de sa mère (le mari de celle-ci étant
établi comme son père). Si le mari le désavouait, il ne pouvait pas être reconnu
par l’amant de sa mère (sauf légitimation ultérieure, mais sa filiation maternelle
restait établie après le désaveu). L’enfant adultérin a matre dont l’acte de
naissance ne porte pas le nom du mari pouvait être reconnu par un autre homme (le
plus souvent, l’amant en question) mais la femme qui l’avait mis au monde ne
pouvait établir de lien de filiation avec lui2.

L’enfant adultérin a patre (si dans le couple adultérin, l’homme était la personne
engagée dans les liens du mariage), quant à lui, ne pouvait être reconnu que par sa
mère (hors légitimation ultérieure). Dans le cas d’un enfant issu d’un double
adultère, sa filiation ne pouvait être établie avec aucun de ses auteurs3.

La loi du 3 janvier 1972 sur la filiation 4 conserve la distinction entre enfants


légitimes et naturels mais rompt avec l’inégalité induite en posant le principe
d’égalité des enfants légitimes et naturels, notamment en matière d’héritage5. La
filiation légitime devient aussi divisible : une personne mariée peut établir sa
filiation avec un enfant indépendamment de son conjoint.

Jusqu'à l'adoption de la loi du 3 décembre 20016, les différences entre les deux
catégories de filiation tenaient davantage aux conditions de leur établissement,
qu'à leurs conséquences : ainsi, face à un héritage, un enfant adultérin n'était
pas traité à égalité avec un enfant légitime5. Ainsi, la France fut condamnée par
la Cour européenne des droits de l'homme, le 1er février 2000 dans un arrêt
Mazurek7, à propos de la discrimination entre deux frères, dans une affaire
d'héritage.

Cependant, cette différence entre enfant légitime et enfant naturel n'existe plus
aujourd'hui. En effet, l’ordonnance du 4 juillet 20058, entrée en vigueur le 1er
juillet 2006, ratifiée par la loi du 16 janvier 20099, a unifié les conditions
d'établissement et de contestation de la filiation des « enfants nés de parents
mariés » et des « enfants nés de parents non mariés ».
Droit antérieur

L'ancien article 314 du code civil, issu de la loi de 1972, énonçait que « l'enfant
né avant le cent quatrevingtième jour du mariage est légitime et réputé l'avoir été
dès sa conception ». C'était pour l'établissement de la filiation légitime,
rattachant l'enfant aux époux, la consécration de la célèbre jurisprudence Degas
favorisant ainsi l'établissement de la filiation légitime (Civ. 8 janvier 1930, DP
1930. 1. 51). Cependant, l'ancien article 314 autorisait le mari à désavouer
l'enfant en apportant la preuve de sa non-paternité, mais aussi « sur la seule
preuve de la date de l'accouchement, à moins qu'il n'ait connu la grossesse avant
le mariage, ou qu'il ne se soit, après la naissance, comporté comme le père ».
Principe

À la conception de l'enfant pendant le mariage, le nouvel article 312 du code civil


ajoute la naissance de l'enfant pendant le mariage, qui donne donc pareillement
lieu à l'application de principe de la présomption de paternité afin d'établir la
filiation paternelle à l'égard du mari de la mère. Cela suppose, là aussi, que
l'acte de naissance de l'enfant mentionne le nom du mari en qualité de père. La
naissance dans le mariage étant source de l'établissement de la filiation
paternelle, la conception dans le mariage n'est plus la cause exclusive de
l'application de la présomption de paternité.
Fondement

La légitimité de la filiation n'étant plus en cause, on relève ainsi une extension


directe et générale du domaine d'application de la présomption de paternité pour
l'établissement originaire de la filiation paternelle. Elle correspond bien aussi
au fondement général de la présomption de paternité. Par le mariage avec la mère,
l'enfant étant déjà conçu, le mari accepte d'être le père de l'enfant de sa femme.
Le mariage est le fondement général de la présomption de paternité. De la sorte,
elle recouvre souvent la vérité de la filiation paternelle, les parents de l'enfant
déjà conçu se mariant pour établir de manière ainsi simplifiée la filiation
maternelle et paternelle à l'égard de leur enfant. En ce sens, l'extension du
domaine principal de la présomption de paternité est opportune. Il suffit donc de
vérifier, par rapport à la date du mariage, que l'acte de naissance de l'enfant
comporte et l'indication du nom de la mère et l'indication du nom du mari en
qualité de père, celui-ci procédant souvent à la déclaration de naissance (C. civ.,
art. 56).

L'ordonnance abolit la distinction traditionnelle entre filiation légitime,


attachée au mariage des parents de l'enfant, et filiation naturelle, les parents de
l'enfant n'étant pas mariés. Ce faisant, le droit de la filiation intègre les
principes édictés par la Convention européenne des droits de l'homme (Conv. EDH),
dont l'article 8 énonce le droit au respect de la vie privée et familiale, et
l'article 14 le principe d'interdiction de discrimination entre les personnes.
Cette suppression de la distinction entre filiation légitime et filiation naturelle
avait déjà été affirmée par de précédentes réformes en droit de la famille : la loi
no 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille, intégrée par l'ordonnance de
2005 au chapitre 1er, « Dispositions générales », du titre VII, « De la filiation »
(C. civ., art. 311-21 à 311-24) ; et la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à
l'autorité parentale (C. civ., art. 371 à 387).

Les droits successoraux des enfants naturels possédant la qualité d'alsaciens-


lorrains ont été déterminés par plusieurs dispositions de la loi du 1er juin 1924,
maintenues en vigueur : l'enfant naturel né avant le 1er janvier 1925 (date
d'entrée en vigueur de la loi du 1er juin 1924) a les mêmes droits qu'un enfant
légitime, vis-à-vis de sa mère, lorsque sa filiation naturelle résultait de son
acte de naissance (art. 124 – Colmar, 16 septembre 1958, Rec. jur. de l'Est 1958.
323, note Lapp). La reconnaissance d'un enfant alsacien-lorrain né avant le 1er
janvier 1925 pouvait être effectuée selon le droit français (art. 126). Les enfants
adultérins et incestueux ont les mêmes droits successoraux que les autres, depuis
les réformes de 1972 (loi no 72-3 du 3 janvier 19724) et de 2001 (loi no 2001-1135
du 3 décembre 20016), avant que l'ordonnance no 2005-759 du 4 juillet 2005 portant
réforme de la filiation8 supprime, depuis le 1er juillet 2006 (ordonnance, art.
21), les notions mêmes de filiation légitime et de filiation naturelle.
En Suède

En Suède, il existait même jusqu'en 1970 (voir l'article Wikipédia en suédois) un


statut intermédiaire d'enfant « de fiançailles » (Trolovningsbarn (sv)), car les
fiançailles « fortes » (trolovning (sv)) étaient considérées comme une sorte de
prémariage, contrairement aux fiançailles « simples » (förlovning). Les enfants «
de fiançailles » avaient le droit de porter le nom du père et d'hériter des titres
et biens de leurs parents, à la différence des enfants nés hors mariage10.
Succession au trône dans les monarchies
Dans la plupart des royaumes, et notamment en Belgique, la succession au trône est
réservée aux descendants légitimes du fondateur de la dynastie: les enfants
illégitimes en sont exclus.
Bibliographie

Charles Aubry, Charles-Frédéric Rau et André Ponsard, Droit civil français, t.


1, Litec, 1964, 7e éd., § 53 bis nos 206 et 209
Annick Batteur, Droit des personnes, de la famille et des incapacités, LGDJ,
2007, 3e éd.
Alain Bénabent, Droit civil. La famille, LexisNexis Litec, 2003, 11e éd.
Robert Beudant, Paul Lerebours-Pigeonnière et René Rodière, Cours de droit
civil français, t. 2, Rousseau et Cie, 1936, 2e éd., nos 398 et 425
Anne Cadoret, Parenté plurielle : anthropologie du placement familial, Paris,
L’Harmattan, 1995, 230 p. (ISBN 978-2-7384-3213-1, lire en ligne [archive])
Jean Carbonnier, Droit civil, t. 1, Les personnes, PUF, 2000, 21e éd., nos 38
et 50
David Deroussin, Histoire du droit privé (XVIe – XXIe siècle), Paris, Ellipses,
2017, 2e éd. (1re éd. 2010), 517 p. (ISBN 978-2-340-02295-9)
Marcela Iacub, L’Empire du ventre : Pour une autre histoire de la maternité,
Paris, Fayard, coll. « Histoire de la pensée », 2004, 365 p. (ISBN 978-2-213-62118-
0, présentation en ligne [archive])
Alfred Nizard, « Droit et statistiques de filiation en France : Le droit de la
filiation depuis 1804 », Population, vol. 32, no 1, 1977, p. 91-122 (DOI
10.2307/1531592, lire en ligne [archive])

Voir aussi

Enfant de la plantation

Références

Nizard 1977.
Nizard 1977, p. 97.
Cadoret 1995, p. 15.
Loi no 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation [archive].
« Héritage : enfants adoptés, naturels ou non reconnus [archive] », sur Droit-
finances.net.
Loi no 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et
des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral
[archive].
Mazurek c. France (Arrêt (au principal et satisfaction équitable)), no 34406/97,
CEDH 2000-I [lire en ligne [archive]].
Ordonnance no 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation [archive].
Loi no 2009-61 du 16 janvier 2009 ratifiant l’ordonnance no 2005-759 du 4 juillet
2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses
dispositions relatives à la filiation [archive].

(sv) « Trolofning », dans Nordisk familjebok, 1919 (lire en ligne [archive]).

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