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INTRODUCTION

Les successions et libéralités constituent un élément de la théorie de la propriété.


L’article 711 du Code civil prévoit que « la propriété des biens s'acquiert et se transmet par
succession, par donation entre vifs ou testamentaire, et par l'effet des obligations ».
Ce sont des modes de transmission des biens. La transmission s’entend toujours d’une mutation de
propriété. Celui qui recueille un bien, recueille nécessairement le bien qui appartenait à quelqu’un
d’autre.
La transmission de propriété présente ici une particularité : transmission à titre gratuit.

Les successions sont réglementées aux articles 720 à 892 du Code civil et les libéralités aux
articles 893 à 1099-1 du même Code.

Le terme succession, pris dans une acceptation étroite, désigne la transmission de l’hérédité aux
personnes qui s’y trouvent appelées par la loi.
La succession intéresse ainsi les conséquences légales du décès d’un individu sur le patrimoine du
décédé.

La libéralité est un acte juridique, donation entre vifs ou legs, qui permet à une personne de disposer
à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou ses droits au profit d’une autre personne.
Il est ainsi reconnu et laissé à la volonté de l’homme le droit de transmettre tout ou partie de ses
biens.

L’étude des libéralités devrait être rattachée à celle des contrats spéciaux. Cependant, la libéralité,
telle que celle véhiculée par un testament, est également un acte successoral puisque le testateur, en
disposant de ses biens pour après sa mort, organise sa succession (succession testamentaire).

Deux institutions fondamentales du droit des successions traduisent le lien entre successions légales
et libéralités :
- la réserve héréditaire ;
- le rapport des libéralités.

La réserve héréditaire est une parte de la succession du de cujus réservée à certains héritiers
désignés par la loi et cette partie de la succession ne peut être ni léguée, ni donnée à d’autres
personnes.
La réserve héréditaire est une limite d’ordre public à la libre disposition de ses biens à titre gratuit.

Le rapport des libéralités oblige l’héritier qui en est tenu à restituer à la succession ce qu’il a reçu du
de cujus par libéralités.
Certaines libéralités, qualifiées de rapportables, ne sont alors considérées que comme de simples
avances sur la part successorale légale de l’héritier.

La liquidation est l’opération i vise à déterminer ou évaluer la masse des biens à partager et à
déterminer la part qui revient à chacun. Elle intéresse l’actif mais également le passif de la
succession.
Le partage, qui suppose une pluralité de successeurs, s’inscrit dans la continuité de la liquidation de
l’actif et du passif de la succession qu’il ne fait que concrétiser.

Section 1 : Définition de la succession


D’un point de vue sémantique, la succession reçoit un double sens. Notre droit connaît deux types
de successions.

I- Double sens du mot succession

On appelle succession la transmission du patrimoine d’une personne décédée à une ou plusieurs


personnes vivantes. En ce sens, on dit qu’une personne succède à une autre.

Mais, par une application dérivée de son emploi premier, le mot succession désigne aussi
l’ensemble des biens et des droits transmis au décès. Pris en ce sens, on parle de succession
mobilière, succession importante.

Le même mot sert donc à désigner à la fois le fait de la transmission et la chose transmise.

Il n’y a pas d’expression juridique pour désigner la personne décédée qui laisse la succession.
Dans la pratique judiciaire, on l’appelle le de cujus : expression qui n’a aucun sens en elle-même.
Expression couramment usitée. Le législateur a fini par l’employer. Même si la volonté du
législateur moderne, qui s’est exprimée lors de la réforme du 27 juin 2006, est de rendre accessible
et donc dépoussiérer le vocabulaire en la matière, l’expression de cujus reste bien utile puisqu’elle
permet, en l’absence d’une autre expression aussi brève, de désigner la personne de la succession
dont on parle.

II- La succession : mode légal ou volontaire de transmission des biens

La succession est le mécanisme juridique qui opère le transfert des biens et des droits d’une
personne qui décède dans le patrimoine d’une autre qui lui survit : article 711 du Code civil.
Dans toute succession, c’est un fait qui provoque le transfert des biens et ce fait est la mort.

Cependant, la cause efficiente immédiate de ce transfert varie suivant cette cause, on distingue un
transfert légal et un transfert volontaire.

Le mode légal de transférer les biens et les droits d’une personne décédée est qualifié de succession
légale ou ab intestat. Cette dernière expression signifie une succession par une personne qui n’a pas
exprimé de volonté particulière pour le transfert de ses biens le jour où il décèdera.

Les modes volontaires de transférer sont qualifiés soit de succession contractuelle, soit de
succession testamentaire.
Dans la succession testamentaire, les biens sont attribués en respectant la volonté du de cujus
lequel, dans un acte unilatéral appelé testament, a désigné la personne, le légataire, à laquelle il
entend que tout ou partie de ses biens, constituant le legs, lui reviennent à son décès.

Dans la succession contractuelle, le transfert de la propriété des biens a comme cause immédiate
une convention appelée institution contractuelle.
Par cette convention, une personne, l’instituant, donne de son vivant à une autre personne, l’institué,
tout ou partie de ses biens qu’elle laissera à son décès.
L’institution contractuelle est une donation de biens à venir. Elle n’est admise que dans certains cas
et présente une nature hybride puisqu’elle tient à la fois de la donation en tant que contrat et du legs
par son objet (biens à venir).

La loi désigne et qualifie les personnes amenées à recueillir le patrimoine du de cujus. Elles sont
appelées successibles, successeurs, héritiers.
Le terme successible désigne une aptitude à recueillir une succession.
Par exemple, le grand-père paternel du de cujus est un successible, comme le conjoint survivant.
Rien ne dit qu’il succédera effectivement au de cujus.

Le terme successeur désigne la personne appelée à la succession ouverte par le décès d’un individu
que ce soit à titre d’héritier ou à titre de légataire.
Le successeur est un successible qui succède effectivement.

Le terme héritier est employé dans des sens très différents.


Au sens précis du terme, l’héritier est la personne qui succède au de cujus par la loi seule et ce par
opposition au légataire qui lui succède par la volonté du de cujus en vertu d’un testament.
Toutefois, le terme héritier est parfois employé dans un sens plus large. Il désigne alors la personne
qui succède au de cujus soit en vertu de la loi, soit en vertu d’un testament.
Enfin, le terme héritier désigne aussi les successeurs qui succèdent au défunt : successeurs réguliers
par opposition au successeur dit irrégulier qui est l’Etat, lequel ne succède qu’aux biens.

Section 2 : Aperçu historique


L’histoire du droit des successions et des libéralités, en tant qu’élément du droit patrimonial de la
famille, reflète l’évolution des deux institutions que sont le patrimoine et la famille auxquelles il
convient d’associer l’allongement de la durée de la vie humaine.

I- L’enfant naturel

Le Code civil de 1804, à la différence de l’ancien droit, n’a pas entendu écarter les enfants naturels
dits simples.
Le Code civil de 1804 ne leur a cependant pas accordé des droits aussi étendus que sous la
législation révolutionnaire.
Ils ne succédaient qu’à leur père et mère et n’avaient aucun droit sur les biens de leurs autres
parents naturels.

Pour les enfants adultérins, aucun droit et impossibilité d’établir le lien de filiation. Seuls des
aliments pouvaient leur être accordés.

Depuis 1804, trois dates :


La loi du 25 mars 1986, à la différence du Code civil de 1804, a reconnu à l’enfant naturel simple
la qualité d’héritier sans toutefois modifier son infériorité successorale.
Il avait toujours une part réduite dans la succession des père et mère et aucun droit pour les autres
membres de la famille.
Pour les enfants adultérins, même situation qu’en 1804.

La loi du 3 janvier 1972 a placé sur un pied d‘égalité les enfants naturels simples avec les enfants
légitimes.
Si les enfants adultérins étaient reconnus héritiers, ils ne pouvaient prétendre, lorsqu’ils étaient en
concours avec le conjoint survivant ou des enfants légitimes du de cujus, qu’à la moitié de ce qu’ils
auraient eu si eux-mêmes avaient été des enfants légitimes.

La loi du 3 décembre 2001 a supprimé toute discrimination à l’égard de l’enfant adultérin après
que la France ait été condamnée par la CEDH, le 1er février 2000, affaire Mazurek.
Les droits successoraux des enfants adultérins sont identiques à ceux des enfants légitimes et
naturels.
Aujourd’hui, il n’existe plus aucune différence entre enfant adultérin, légitime ou naturel.

La situation des enfants incestueux reste particulière dans la mesure où il existe entre les père et
mère de ces enfants un empêchement à mariage pour cause de parenté : article 161 du Code civil.
Ainsi, lorsque la filiation est étable à l’égard de l’un des parents, il lui est interdit de l’établir à
l’égard de l’autre parent : la prohibition de l’inceste est absolue.

L’enfant né d’un inceste ne succèdera qu’à un seul de ses parents et à la famille de ce parent.

II- Le conjoint survivant

Plusieurs étapes législatives :


Dans le Code de 1804, le conjoint survivant est moins bien traité que dans l’ancien droit où il
existait le douaire. Si la femme ne succédait pas à son époux en tant qu’héritier, il lui était accordé
des droits en tant que veuve et ce au moyen de deux institutions : le régime matrimonial et un gain
de survie dénommé le douaire des les pays de coutume.

Les rédacteurs du Code civil ont refusé tout droit successoral au conjoint survivant en présence des
parents du de cujus. Il n’est appelé qu’à la succession à défaut de successibles y compris les
collatéraux au 12ème degré.

Dans un système successoral reposant à l’origine sur la parenté par le sang, comment faire place au
simple allié qu’est le conjoint survivant ?

Les lois des 9 mars 1891 et 9 avril 1925 ont octroyé au conjoint survivant un droit successoral en
usufruit d’un quart ou d’un demi selon les hypothèses.
Ces deux lois ont ainsi attribué au conjoint survivant une situation très spéciale : celle d’un
successible épisodique à titre viager.
En concours avec des parents du de cujus, le conjoint survivant n’avait droit qu’à un usufruit
destiné à ne durer que le temps de son existence donc un simple droit de passage.
Cet usufruit rappelle le douaire que la législation révolutionnaire avait supprimé et que le Code civil
de 1804 n’avait pas rétabli.
Le douaire était destiné à la veuve alors que l’usufruit est réservé à la veuve comme au veuf.
La loi de 1891 donne au conjoint survivant dans le besoin un droit à des aliments que doit supporter
la succession du prédécédé.

Les lois du 31 décembre 1930 et 26 mars 1957 ont affirmé la possibilité d’un concours en pleine
propriété du conjoint survivant avec certains parents du de cujus. Pour se faire, la technique de la
fente a été utilisée par le législateur.
On a permis à l’époux survivant de prendre la moitié revenant aux ascendants ordinaires dans la
ligne paternelle ou maternelle où ils ne sont pas présents.

La loi de 1957 a étendu l’hypothèse où lorsqu’il n’y a qu’un ou plusieurs ascendants dans une ligne
et dans l’autre ligne que des collatéraux ordinaires, le conjoint survivant élimine purement et
simplement ces derniers.
Cette loi a ainsi modifié l’ordre des héritiers en faisant en quelque sorte permuter le conjoint
survivant avec les collatéraux ordinaires.
Si à son décès le défunt ne laisse que des collatéraux ordinaires, le conjoint survivant recueillera
l’intégralité de la succession en pleine propriété.
Cette loi marque le déclin naissant de la parenté collatérale dont le conjoint survivant tend à prendre
sa place.
La loi du 3 décembre 2001 constitue, pour une grande part, le droit positif actuel. Le conjoint
survivant avance encore dans l’ordre des héritiers puisqu’il prime dorénavant les collatéraux
privilégiés et les ascendants autres que les père et mère du de cujus.
En l’absence de descendants et des père et mère du défunt, le conjoint survivant recueille toute la
succession en pleine propriété.
Cette loi participe aussi au déclin de la parenté collatérale. Elle entérine le phénomène de la
nucléarisation de la famille réduite ainsi au noyau dur que constituent le conjoint, les enfants et les
père et mère du de cujus.

Cependant, en souvenir des anciens biens propres du droit coutumier, le législateur de 2001
reconnaît toutefois deux prérogatives aux collatéraux privilégiés et aux ascendants lorsqu’ils sont
éliminés de la succession : un droit aux aliments pour les ascendants s’ils sont dans le besoin et un
droit de retour au profit des collatéraux privilégiés leur attribuant, à certaines conditions, le droit à
la moitié des biens que le de cujus avait reçu de ses père ou mère par succession ou libéralité.

Le conjoint survivant n’est pas sans droit de succession lorsqu’il se trouve en présence d’héritiers
qui succèdent au défunt. Il concourt avec ces héritiers.
Cette situation n’est pas nouvelle mais la part revenant au conjoint survivant a été augmentée.
Depuis cette loi de 2001, en présence d’enfants communs, le conjoint survivant recueille à son
choix l’usufruit de la totalité des biens qui existent au décès ou la propriété du un quart de ces biens.
Le conjoint survivant, qui se trouverait dans le besoin, peut demander à la succession une pension
alimentaire.
Pour la première fois, le législateur de 2001 crée pour le conjoint survivant une réserve d’une
quotité d’un quart de la succession.

La loi de 2001 accordé d’autres prérogatives au conjoint survivant dont la plus significative
concerne la résidence familiale : un droit viager et un droit temporaire d’usage et d’habitation sur
ladite résidence.

La loi du 23 juin 2006 entend aussi réformer en profondeur le droit des successions et des
libéralités. Ainsi, la situation du conjoint survivant est encore améliorée puisqu’avec cette loi les
ascendants du de cujus, y compris ses père et mère n’étant plus des héritiers réservataires, le de
cujus peut les écarter totalement de la succession par exemple en léguant tous ses biens à son
conjoint ce qu’il peut faire si les deux poux n’ont eu aucune descendance.
C’est le droit des libéralités, avec la loi de 2006, qui a reçu un nouveau souffle.

III- L’essor des libéralités transgénérationnelles

La loi de 2006 témoigne de la volonté du législateur d’adapter le Code civil aux réalités sociales,
économiques et familiales aux réalités contemporaines.
En prenant acte de l’allongement de la durée de vie, la loi favorise les libéralités
transgénérationnelles en reconnaissant à tout parent la possibilité d’établir par donation ou
testament un partage anticipé de ses biens au profit non seulement de ses enfants mais surtout au
profit de ses petits enfants.

La loi de 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, combinée avec celle du 3 décembre 2001,
entrée en vigueur le 1er juillet 2002, constitue le droit positif actuel en la matière.

La loi TEPA, loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, datant du 21 août 2007
intervenue en matière fiscale, a posé certaines règles.
PARTIE 1 :
LA DEVOLUTION SUCCESSORALE
La dévolution successorale consiste à déterminer les personnes appelées à recueillir les biens d’un
individu, personne physique, décédé.
Notre droit consacre deux modes de transfert de la succession : succession légale et succession
volontaire qui comprend elle-même la succession testamentaire et la succession contractuelle.

A la question qui recueille la succession, l’existence de deux types de succession apporte deux types
de réponses :
- détermination légale des personnes qui recueillent la succession ;
- détermination volontaire.

La loi est ainsi opposée au pouvoir de la volonté individuelle.

CHAPITRE PRELIMINAIRE :
L’OUVERTURE DE LA SUCCESSION
Section 1 : Le moment de l’ouverture de la succession
La succession, au sens du Code civil, ne concerne que les personnes physiques. Elle s’ouvre lorsque
prend fin la personnalité juridique de ces personnes.

Dans notre droit actuel, circonstance qui met fin à personnalité juridique d’une personne physique
est sa mort naturelle : article 720 du Code civil.

Depuis la loi du 31 mai 1854, il n’existe plus de mort civile qui entraînait la privation de son vivant
de la personnalité juridique d’un individu.

Il y a des cas où la mort est incertaine. Dans cette hypothèse, le droit différencie deux situations :
l’absence et la disparition.

I- Le décès d’une personne physique

La personnalité juridique disparaît donc à la mort naturelle de l’individu. Le décès est la cause de
l’ouverture de la succession accompagnée de la question fondamentale de la preuve de ce décès.

A- Le décès, cause d’ouverture de la succession


1- L’importance de a date du décès

La détermination du moment exact de l’ouverture d’une succession est importante et ce à plusieurs


points de vue.

C’est à ce moment qu’il faut se placer pour déterminer les personnes habiles à succéder au défunt.
C’est à ce moment qu’existera une indivision entre les héritiers et que remontera plus tard l’effet
déclaratif du partage.
Dans l’hypothèse d’un conflit de lois dans le temps et en l’absence de dispositions de transition,
c’est à cette date qu’il faudra se placer pour savoir la date applicable.

2- Définition de la mort

Il n’existe pas de définition légale de la mort et c’est pourtant de la nature du décès que dépend le
moment même où il survient.

Jusque dans les années 1960, on admettait le critère de l’arrêt définitif et spontané du poumon et du
cœur.
Depuis lors, les progrès de la science ont contribué à remettre en question ces critères.

Selon la définition de l’OMS, on exige 3 électroencéphalogrammes pour que la mort soit


démontrée. Le décès d’une personne physique correspond à sa mort cérébrale.

B- La preuve du décès
Il n’y a pas de difficultés particulières lorsque la certitude de la mort et le moment où cette mort a
eu lieu sont établis.
En revanche, des règles particulières vont s’appliquer dans l’hypothèse d’une concomitance de
morts.
Le doute ne porte alors plus sur le principe même de la mort des personnes en cause, mais sur le
moment de leur mort les unes par rapport aux autres.

1- Les règles générales

Le fait même du décès ne peut se prouver, en principe, que par l’acte du décès : articles 78 et
suivants du Code civil.
Cet acte est dressé par l’officier d’état civil de la commune où le décès a eu lieu et à laquelle la mort
de la personne a dû être déclarée.
Cet acte doit mentionner, entre autres, le jour, l’heure et le lieu du décès : article 79 du Code civil.

La date de l’ouverture de la succession s’établit, en principe, par la production de cet acte de décès.

Comme la déclaration du décès à l’officier d’état civil est faite soit par un parent du défunt, soit par
une personne possédant sur l’état civil du défunt les renseignements les plus complets et les plus
exacts qu’il sera possible, les indications portées sur l’acte de décès n’ont de force probante que
jusqu’à preuve du contraire. Tout moyen de preuve est possible car le décès n’est qu’un fait
matériel.

Si aucune information sur le décès n’est possible, le décès doit être réputé s’être produit le jour où il
est constaté par l’état civil. Il s’agit d’une présomption simple : Cass. Civile 1ère, 28 janvier 1957.

Dans l’hypothèse de l’absence, la date du décès s’établit par la production d’un extrait du registre
des décès sur lequel la transcription du jugement déclaratif d’absence a été faite.
L’ouverture de la succession correspond à la date de cette transcription.

Dans l’hypothèse de la disparition, la succession s’ouvre à la date du décès judiciairement déclaré et


la production soit d’une copie du jugement déclaratif du décès, soit d’un extrait du registre des
décès où le dispositif du jugement a dû être transcrit, prouvera la date de l’ouverture de la
succession.

2- Les comourants

L’hypothèse de base est la suivante : plusieurs personnes, parentes entre elles, périssent dans un
même événement alors qu’il peut paraître utile de déterminer l’ordre des décès.
Exemple : une mère et sa fille mineure périssent toutes les deux dans un tremblement de terre à leur
domicile.
Il peut paraître utile de savoir qui a survécu l’une à l’autre, la mère et la fille ayant, à priori,
vocation à succéder l’une à l’autre.

Pour être déclarées comourantes, les personnes doivent, d’une part, avoir péri dans un même
événement, c’est-à-dire un événement unique. La cause de la mort doit donc être la même. Il ne
suffirait pas que les deux parents soient morts en même temps mais de cause différente.
D’autre part, lorsque deux personnes périssent dans un même événement, l’une au moins de ces
personnes doit avoir vocation à succéder à l’autre : article 725-1 alinéa 1er du Code civil.

Ces conditions remplies, deux situations peuvent être différenciées :


- La preuve de l’ordre des décès peut être rapportée soit directement (exemple : preuve
médicale), soit par induction et ce à l’aide de présomptions de faits (exemple : la
jurisprudence a considéré qu’une présomption pouvait être tirée de l’âge des personnes
concernées). L’article 725-1 du Code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, pose dans
son 1er alinéa la règle aux termes de laquelle l’ordre des décès peut se prouver par tous
moyens.

- Il est impossible d’établir directement ou indirectement l’ordre des décès.


Les rédacteurs du Code civil de1804 avaient retenu u système de présomptions dont
l’objectif était de déterminer lequel des parents avait survécu à l’autre.
Les anciens articles 720 et suivants du Code civil fondaient ces présomptions sur des
vraisemblances assez discutables. La loi présumait que c’était le plus fort qui avait survécu.
Pour savoir qui était le plus fort, elle se fondait à la fois sur l’âge et sur le sexe.
La loi du 3 décembre 2001 a supprimé ce système de présomptions pour renouer avec une
réglementation ancienne dont on trouve l’origine en droit romain.
L’article 725-1 alinéa 2 du Code civil prévoit que dans l’hypothèse où l’ordre des décès ne
peut être établi, la succession de chacune des personnes en cause sera dévolue sans que
l’autre y soit appelée.
La succession de chacune de ces personnes est donc régie comme si l’autre n’avait pas
existé.
Exemple : une tante et sa nièce périssent dans un même événement. La tante avait comme
seule parente cette nièce alors que cette dernière laisse deux enfants. De ces deux personnes,
la nièce a bien vocation à succéder à sa tante (ce n’est pas le cas de la tante car sa nièce
laisse des descendants). Dans cette hypothèse, la succession de la tante et de la nièce seront
réglées séparément comme si l’autre n’avait pas existé.

La suppression du système des présomptions en 2001 n’est pas rétroactive. L’article 725-1 n’est
entré en vigueur que le 1er juillet 2002.
Cependant, la jurisprudence avait, dès avant la loi de 2001, appliqué, à plusieurs reprises, la solution
reprise par le législateur de 2001 lequel n’a donc fait qu’entériner cette jurisprudence : CA Douai,
16 janvier 1995.

L’article 725-1 du Code civil, comme les anciens articles 720 et suivants par la place qu’ils
occupent ou qu’ils ont occupé dans le Code civil et par leur rédaction même, ne concernent que la
succession légale à l’exclusion des transmissions qui reposent sur une institution contractuelle ou
une disposition testamentaire.

La suppression du système des présomptions n’est pas la seule innovation de la loi de 2001.
Le dernier alinéa l’article 725-1 du Code civil prévoit la représentation.

Pour reprendre l’exemple vu précédemment, les enfants de la nièce, en tant que collatéraux
privilégiés peuvent représenter leur auteur prédécédé dans toute succession où ce dernier était
appelé.
En application du dernier alinéa de l’article 725-1, les enfants de la nièce pourront venir à la
succession de leur tante pour représentation de leur mère.

Seuls les descendants et les collatéraux bénéficient de la représentation successorale.

II- L’incertitude du décès : l’absence et la disparition


A- L’absence

D’un point de vue juridique, l’absent est un individu dont on ne sait pas s’il est vivant ou mort. Il a
quitté son domicile depuis longtemps sans avoir donné depuis de ses nouvelles.
Prévu dès 1804, le système actuel de l’absence est issu d’une loi du 29 décembre 1977 : articles
112 à 132 du Code civil.
Ce système se décompose en deux éléments :
- la présomption d’absence
- la déclaration.

La succession s’ouvre par la transcription du jugement déclaratif d’absence sur le registre des décès.
L’absent est alors considéré comme mort : article 128 du Code civil.

Toutefois, comme un doute subsiste sur la survie éventuelle, le législateur a prévu que le jugement
déclaratif sera nul au cas où l’absent réapparaîtrait. La succession est alors censée ne s’être jamais
ouverte.

B- La disparition

La disparition, prévue aux articles 88 à 92 du Code civil, est une institution plus récente
puisqu’elle date de l’ordonnance du 23 août 1958.
Le disparu est la personne dont le corps n’a pas été retrouvé mais dont le décès est soit certain, soit
quasi-certain parce que sa disparition s’est produite dans des circonstances de nature à mettre sa vie
en danger : Cass. Civile 1ère, 14 mars 1995.
Le tribunal rendra un jugement déclaratif de décès qui fixe la date de la mort.

Toutefois, si le disparu revient, il est possible alors de demander l’annulation du jugement et la


succession est alors censée n’avoir jamais été ouverte.

Section 2 : Le lieu d’ouverture de la succession


Le lieu d’ouverture de la succession présente deux grands intérêts :
- Quant à la détermination de la loi applicable à la dévolution de la succession ;
- Quant à la compétence du tribunal pour toute question relative à la succession.

La détermination de la loi applicable relève du DIP.

Aux termes de l’article 720 du Code civil, la succession s’ouvrant au dernier domicile du défunt, le
tribunal compétent et celui du dernier domicile du défunt.
TITRE 1 :
LA DEVOLUTION LEGALE

Il s’agit ici d’étudier comment la loi détermine les personnes qui seront appelées à recueillir les
biens d’un individu décédé.
Des considérations multiples et d’ordre divers peuvent faire préférer tel ou tel héritier.

SOUS-TITRE 1 :
LA THEORIE GENERALE DE LA VOCATION
HEREDITAIRE

Dans la succession légale, c’est la loi qui désigne ceux qui héritent. Pour se faire, elle exige de ces
derniers certaines qualités pour succéder et organise la dévolution de la succession selon certains
principes directeurs.

CHAPITRE 1 :
LES QUALITES REQUISES POUR SUCCEDER

Ceux qui peuvent être appelés à une succession sont les successibles. Sont successibles les membres
de la famille du défunt qualifiés aussi d’héritiers en ce qu’ils sont des personnes qui succèdent à une
autre personne.
Est également successible, sous certaines conditions, l’Etat qui succède non à une personne mais à
ses biens. Succédant aux biens, l’Etat est dénommé successeur irrégulier.
Aujourd’hui, seul l’Etat est un successeur irrégulier qui ne fait alors que recueillir une succession
sans héritier, sans maître.

Les articles 725 à 729-1 du Code civil exigent des membres de la famille du défunt, appelés à
recueillir une succession de qualité différente formant autant de conditions, de se trouver réunis au
jour de l’ouverture de la succession.
Les dispositions légales relatives aux qualités requises pour succéder ont fait l’objet d’une réforme
partielle en 2001.
La loi de 2006 n’en a pas pour l’essentiel modifié les règles à l’exception de l’article 754 du Code
civil.

Les deux qualités requises sont :


- Exister au jour de l’ouverture de la succession ;
- Ne pas être indigne.

Section 1 : L’existence du successible

L’article 725 alinéa 1er du Code civil prévoit que « exister c’est être né au jour du décès ou à tout
le moins être conçu à la condition toutefois de naître vivant et viable ».

L’article 725 alinéa 2 du même Code vient préciser que peut succéder celui dont l’absence est
présumée selon l’article 112 du Code civil.

I- L’enfant né ou simplement conçu

Une vieille règle du droit romain veut que les successions s’ouvrent seulement au profit de
personnes qui ont déjà l’existence, au moins à l’état d’enfant conçu au jour du décès du défunt.

On considère comme déjà né, l’enfant qui n’est encore que conçu toutes les fois qu’il y va de son
intérêt.
La date de conception ne pouvant être connue scientifiquement avec certitude, la loi a tenté de
cerner la période pendant laquelle la conception a pu avoir lieu et déterminer, au sein de cette
période, le moment où elle a lieu.

L’article 311 alinéa 1er du Code civil prévoit qu’il est présumé que la grossesse peut durer au
minimum 180 jours et au maximum 300 jours.
La date légale de conception de l’enfant se situe donc dans la période qui s’écoule entre le 300 ème et
le 180ème jour qui précède la naissance de l’enfant.
Cette période légale de conception de 121 jours court à compter de la date de l’accouchement et se
compte par jour.

L’article 311 alinéa 2 du même Code prévoit que l’enfant ou son représentant pourra choisir, dans
cette période légale de conception, le jour qui lui convient parce que plus favorable à ses intérêts :
présomption du moment le plus favorable.

Les présomptions édictées par l’article 311 sont simples.


L’enfant conçu au moment du décès pourra succéder puisqu’il existera à ce moment au sens de
l’article 725 du Code civil.

L’entrée massive dans les mœurs du recours à la procréation assistée a interpelé les juristes sur les
conséquences que cette nouvelle forme de procréation pouvait entraîner su la filiation et le droit des
successions.

La question se pose de savoir si une femme mariée peut être inséminée avec le sperme congelé
de son mari décédé et si l’enfant ainsi conçu pourrait succéder à son père ?
L’article 311-2 du Code civil condamne la procréation post mortem.

Dans un arrêt du 9 janvier 1996, la Cour de cassation n’a pas admis l’implantation des embryons
dans une affaire où le mari était décédé entre la FIV et cette implantation.
II- L’enfant né vivant et viable

La personnalité juridique est l’aptitude à jouir de diverses prérogatives juridiques qui peuvent
exister avant la naissance.
Cependant, la naissance reste la condition de principe de l’octroi de la qualité de sujet de droit.
Quelque soit l’hypothèse, enfant simplement conçu ou enfant né au jour du décès de son parent, il
est nécessaire que cet enfant naisse vivant et viable : articles 311-4 et 725 alinéa 1er du Code civil.

L’enfant mort né ne peut donc pas succéder et pour être viable l’enfant doit présenter un état de
développement suffisant et être doté d’organes propres à assurer sa survie.
Né non viable, l’enfant ne peut pas succéder.

L’enfant né est présumé né viable. Il appartiendra à ceux qui le contestent d’en rapporter la preuve.

III- Le présumé absent


L’enfant peut-il succéder puisqu’aussi bien au décès d’une personne parente de l’enfant,
l’existence physique de ce dernier est douteuse ?
Il faut différencier les deux phases de la procédure de l’absence.
La présomption d’absence constitue la première phase de la procédure aux termes de laquelle le
juge des tutelles désigne une personne chargée d’assurer une gestion efficace des biens du présumé
absent, le tout sous contrôle judiciaire.
Si l’absent réapparaît, il pourra obtenir main levée des mesures prises.
Lors de cette première phase, l’absent est présumé existé et peut prétendre recueillir une succession.

Au terme de la seconde phase de la procédure, la déclaration d’absence peut être prononcée.


L’absent est donc considéré comme mort et ne peut plus hériter.
Les successions ouvertes après le jugement déclaratif d’absence lui échapperont : article 128 du
Code civil.

Section 2 : L’absence d’indignité successorale


L’indignité est l’exclusion de la succession édictée à titre de peine contre l’héritier qui s’est rendu
coupable de tords graves envers le défunt et sa mémoire.

L’indignité successorale se fonde ainsi sur des motifs personnels à l’indigne.


La nature juridique de l’indignité successorale est discutée. Pour la majorité des auteurs et la Cour
de cassation, il s’agit d’une sanction civile à caractère pénal, une peine privée : Cass. Civile 1ère, 18
décembre 1984.
Pour d’autres auteurs comme M. Grimaldi, il s’agit d’une incapacité.

Du caractère pénal de l’indignité, il résulte que l’interprétation des textes qui la prévoit est
l’interprétation stricte. Les causes d’indignité prévues aux articles 726 et 727 du Code civil sont
limitatives en raison de sa nature de peine privée.
L’interprétation stricte des textes entraîne que l’indignité ne frappe que les successeurs ab intestat.
Les successeurs testamentaires ne peuvent être privés de leurs legs que par application des règles
sur l’ingratitude : articles 954 et 1046 du Code civil.
L’arrêt de 1984 est une parfaite illustration du caractère limitatif des causes d’indignité.
La Cour de cassation a refusé d’étendre l’indignité au père d’un meurtrier déclaré lui-même indigne
de succéder à ses enfants.
La solution est justifiée par le simple point de vue historique. L’ancien droit connaissait le système
de l’arbitraire des peines. Les juges étaient libres de prononcer l’indignité toutes les fous que bon
leur semblait.
A ce système, la Révolution française a substitué le principe « nul crime, nulle peine sans loi ».
La loi du 3 décembre 2001 a substantiellement modifié les règles relatives à l’indignité successorale
énoncées aux articles 726 à 729-1 du Code civil.

I- Les cas d’indignité successorale

La loi du 3 décembre 2001 distingue deux variétés d’indignité :


- Une indignité de plein droit : article 726 du Code civil ;
- Une indignité facultative : article 727 du Code civil.

Toutefois, le législateur reconnaît au défunt, victime postérieurement aux causes d’indignité des
articles 726 et 727 du Code civil et à la connaissance qu’il en a eu, la liberté par une déclaration
expresse de volonté en la forme testamentaire de maintenir l’indigne dans ses droits héréditaires ou
lui faire une libéralité universelle ou à titre universel : article 728 du Code civil.

A- L’indignité de plein droit

L’article 726 du Code civil prévoit deux cas d’indignité de plein droit lesquels, constatés aux
conditions du texte, s’imposent sans aucun pouvoir d’appréciation reconnu au juge. Ils s’imposent
aussi au notaire liquidateur.
Il s’agit :
- De la condamnation pour peine criminelle pour meurtre ou tentative de meurtre. L’assassinat
et l’empoissonnement sont assimilés au meurtre alors que l’homicide involontaire et
l’homicide par imprudence sont exclus : article 726-1 du Code civil.

- De la condamnation comme auteur ou complice à une peine criminelle pour avoir


volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la
mort du défunt sans intention de la donner.

L’indignité successorale découle de la condamnation de l’auteur des faits et pas des faits commis.
L’indignité successorale sera exclue si la condamnation ne peut être prononcée du fait de la
prescription de l’action publique.

B- L’indignité facultative

Les causes sont énumérées à l’article 727 du Code civil. Le législateur de 2001 a prévu que,
hormis les cas prévus à l’article 726, l’indignité successorale doit être laissée à l’appréciation du
juge.

L’article 727 énumère 5 cas qui pourront conduire à une déclaration d’indignité successorale par le
juge lequel doit donc être saisi. C’est le TGI qui, à la demande d’un autre héritier ou à défaut, du
Ministère public, sera donc saisi. La demande doit être formée dans les six mois du décès si la
condamnation lui est antérieure ou dans les six mois de la condamnation si elle lui est postérieure :
article 727-1 du Code civil.
Les deux premiers cas reprennent les cas de l’article 726 du Code civil en les soumettant à des
peines correctionnelles.
Le premier cas vise « celui qui est condamné comme auteur ou complice à une peine correctionnelle
pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt ».

La loi du 3 décembre 2001 a étendu l’application de l’indignité successorale à la complicité de


meurtre ou de coups et blessures ayant entraîné la mort sas intention de la donner comme le prévoit
le deuxième cas décrit à l’article 727 du Code civil.

Le troisième cas sanctionne l’héritier qui aurait voulu nuire à la probité du défunt en portant contre
lui un témoignage mensonger dans une procédure criminelle.

Le quatrième cas concerne la passivité de l’héritier, si cette passivité constitue le délit de non-
assistance à personne en danger.

Concernant le cinquième cas, l’ancien article 727 du Code civil déclarait indigne l’héritier qui avait
porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse, c'est-à-dire une accusation
susceptible d’entraîner pour le parent calomnié le prononcé de la peine capitale. Ce cas été repris
par le législateur de 2001 en tenant compte de l’abolition de la peine de mort votée en 1981. Ce cas
vise dorénavant la dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque pour les faits dénoncés, une
procédure criminelle était encourue.

La loi de 2001 a supprimé la cause d’indignité successorale visant l’héritier majeur qui, au courant
du meurtre du défunt, ne l’aurait pas dénoncé à la justice.
Elle a aussi supprimé l’exception selon laquelle si l’héritier était soit un ascendant, soit un
descendant du meurtrier, soit son époux, soit ses frères ou sœurs, oncle ou tante, neveu ou nièce
(ancien article 728 du Code civil).

Le dernier alinéa de l’article 727 du Code civil précise que l’indignité successorale pourra être
déclarée si ceux qui ont commis les actes mentionnés aux 1° et 2° de l’article 727 sont décédés et
qu’en raison de ce décès l’action publique n’a pu être exercée ou s’être éteinte.
Le juge devra être saisi et exercera son pouvoir d’appréciation pour déclarer l’auteur des faits
énoncés à l’article 727 du Code civil indigne ou non de succéder.

II- Les effets de l’indignité successorale

L’indigne est exclu de la succession et est déchu de ses droits successoraux. L’indignité
successorale a une portée cependant limitée et, dans certains cas, présente un caractère rétroactif.
A- Portée limitée de l’indignité successorale

Cette portée limitée se manifeste de différentes manières.


Tout d’abord, l’indignité successorale n’intéresse que la succession ab intestat.
Puis, elle n’intéresse que la succession de celui à l’égard duquel l’héritier s’est mal conduit.
L’indigne conserve ses droits dans toute autre succession.
Enfin, les enfants de l’indigne ne sont pas exclus de la succession par la faute de leur auteur :
article 729-1 du Code civil.

Avant la loi du 3 décembre 2001, les descendants de l’indigne étaient exclus d’une succession s’ils
y étaient appelés avec la représentation successorale.
Représentant leur auteur, la loi leur ôtait tout droit dans la succession pour laquelle ce dernier en
avait été exclu comme indigne.
Depuis 2001, la loi reconnaît aux descendants de l’indigne le droit de venir à la succession même
appelés avec le secours de la représentation successorale : article 729-1 du Code civil.
Dorénavant, appelés de leur chef ou par représentation, les enfants de l’indigne ne subissent donc
plus la faute de leur auteur.

Dans le cas où les enfants de l’indigne seraient encore mineurs, leur auteur est privé du droit de
jouissance légal sur les biens recueillis par lesdits enfants. L’indigne ne pourra en aucun cas
réclamer sur les biens de la succession l’usufruit que la loi accorde aux père et mère sur les biens de
leur enfant mineur.

B- Rétroactivité de l’indignité successorale

La succession est enlevée à l’indigne pour le total ou pour la part qui lui revenait. Cette part est
attribuée à ceux qui étaient en concours avec lui o à son défaut.
Cette attribution s’opère parfois en vertu d’une résolution rétroactive du titre d’héritier de l’indigne
dans l’hypothèse où les conditions de l’indignité successorale n’ont été réunies que postérieurement
au décès de celui à la succession duquel l’indigne a été appelé.
Exemple : condamnation pour meurtre postérieure à l’ouverture de la succession.

La rétroactivité de l’indignité successorale, lorsqu’elle a lieu d’être, emporte un certain nombre de


conséquences.
L’article 729 du Code civil prévoit que d’une part l’indigne doit rendre tous les fruits et revenus
qu’il a perçu depuis l’ouverture de la succession. D’autre part, à l’égard des tiers qui ont pu traiter
avec l’indigne, il y a lieu de régler l’effet de l’indignité successorale en application de deux règles :
- Si les tiers, qui ont traité avec l’indigne, ont commis une erreur commune, ils peuvent se
prévaloir de la théorie d’héritier apparent. En conséquence, les actes passés avec les tiers de
bonne foi, relativement aux biens successoraux que l’indigne a recueilli, doivent être
maintenus.

- Dans l’hypothèse où l’apparence ne peut pas jouer, les tiers, qui ont acquis un bien de
l’indigne, voient leurs droits rétroactivement anéantis : règle « nemo plus juris ».
Cependant, si ces tiers sont des possesseurs de bonne foi, ils pourront conserver les fruits
qu’ils ont perçus.

CHAPITRE 2 :
LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA
DEVOLUTION LEGALE

L’étude des principes directeurs de la dévolution légale conduit à trois constats :


- Le défunt peut laisser un grand nombre de parents au degré successible. Tous ne sont pas
traités sur le même pied d’égalité. La loi établit une hiérarchie entre eux, laquelle se traduit
par un double principe : la répartition des héritiers en ordre et en degré.
Ce double principe est complété par la prise en considération des autres éléments de la
structure de la parenté que sont la tête, la souche et les branches. Cet ensemble constitue les
règles de base de la dévolution légale.

- D’autres règles régissent la dévolution légale en correction de certaines de ces règles de base
de la dévolution légale successorale.
Ces principes sont la représentation successorale et la fente. Les lois des 3 décembre 2001 et
23 juin 2006 ont apporté en la matière de profondes modifications.

- En règle générale, a loi détermine les héritiers en ne tenant pas compte ni de la nature, ni de
l’origine des biens. C’est le principe de l’unité de la succession. Ce principe connaît
cependant des tempéraments voire des exceptions. Les lois sont intervenues pour en
augmenter le nombre.

Section 1 : Les règles de base de la dévolution légale


Les bases renvoient à une parenté hiérarchisée dont le classement par ordre et la proximité du degré
rendent compte.
La tête, la souche et les branches viennent les compléter.

I- Les ordres d’héritiers

La répartition des héritiers en ordre successif figure à l’article 734 du Code civil. Ce texte a été
modifié par la loi du 3 décembre 2001.
L’ordre successoral est fondé sur l’ordre des affections présumées du défunt et à ce premier critère,
on a ajouté celui du devoir de famille.
Ces deux critères aboutissent au même résultat : la préférence est donnée au plus proche parent du
défunt.

La parenté est le rapport existant entre deux personnes qui descendent l’une de l’autre ou qui
descendent l’une et l’autre d’un auteur commun.

Les alliés du défunt ne sont pas parents du de cujus, ils ne succèdent donc pas au défunt.
Toutefois, l’allié du défunt, qui est son conjoint qui lui survit, est désormais un héritier à part
entière.
Il ne figure cependant pas dans cette hiérarchie car le conjoint survivant n’est éliminé par aucun des
ordres d’héritiers tels qu’exposés à l’article 734 du Code civil.

Ce texte figure sous une section 1 intitulée « Des droits de parents en l’absence de conjoint
successible ».

La loi de 2001 a maintenu les quatre ordres traditionnels d’héritiers :


- Celui des descendants ;
- Celui des père et mère, des frères et sœurs et descendants de ces derniers ;
- Celui des ascendants autres que les père et mère ;
- Celui des collatéraux autres que les frères et sœurs et descendants de ces derniers.

Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d’héritiers qui exclut les suivants.

L’ordre des descendants réunit les enfants et leurs descendants qui succèdent à leurs père et mère,
aïeuls, ou autres ascendants.

Les frères et sœurs et leurs descendants sont des collatéraux du défunt. Leur auteur commun est leur
père et/ou mère. Ils sont qualifiés de collatéraux privilégiés par rapport aux autres parents
collatéraux du de cujus qui sont dénommés les collatéraux ordinaires lesquels appartiennent au
quatrième ordre.
Les père et mère du défunt sont des ascendants, parents en ligne directe, qualifiés parfois de
privilégiés par rapport aux autres ascendants du de cujus dénommés alors ascendants ordinaires. Ils
sont qualifiés d’ascendants privilégiés lorsqu’ils concourent avec des collatéraux privilégiés du
défunt.

La loi du 3 décembre 2001 a maintenu l’existence d’un ordre qualifié de mixte puisqu’il réunit les
père et/ou mère ainsi que les frères et/ou sœurs, et descendants d’eux, du défunt.
La raison d’être de cet ordre est le devoir d’affection supposé identique du défunt.
Ainsi, si le défunt ne laisse à son décès que ses parents ou l’un d’eux et des frères ou des sœurs ou
des descendants d’eux, ils viennent tous à égalité d’ordre mixte.
Ce deuxième ordre d’héritiers n’est cependant pas qu’un ordre mixte puisqu’en toute hypothèse, les
frères et/ou sœurs, ou descendants d’eux, du défunt constituent ce deuxième ordre d’héritiers, ce qui
n’est pas le cas des père et mère du défunt qui, n’étant pas en concours avec des collatéraux
privilégiés, redeviennent alors des ascendants appartenant au troisième ordre.

Par exemple, si le défunt ne laisse à son décès que des grands-parents et des frères et sœurs, ces
derniers, appartenant au deuxième ordre d’héritiers, éliminent de la succession les grands-parents
qui, eux, appartiennent au troisième ordre.

Si le défunt laisse à son décès son père et sa grand-mère maternelle, le père n’éliminera pas la
grand-mère maternelle car il appartient alors comme elle au troisième ordre. Dans cette hypothèse,
le père du défunt perd sa qualité d’ascendant privilégié n’étant pas en concours avec des
collatéraux privilégiés du de cujus.

Cette situation des père et mère, nous la devons à la loi du 23 juin 2006. En effet, la loi du 3
décembre 2001 avait crée un doute comme en témoigne la lecture seule de l’article 734 du Code
civil lorsqu’elle précise la composition du troisième ordre d’héritiers « ascendants autres que les
père et mère ».
Au lendemain de cette loi, la question se posait de savoir si le législateur n’avait pas alors entendu
priver définitivement les père et mère du défunt auquel cas ces père et mère appartiendraient en
toute hypothèse au deuxième ordre d’héritiers et ainsi en concours avec d’autres ascendants les
éliminerait.
La question est aujourd’hui réglée grâce à la loi du 23 juin 2006.

Le troisième ordre d’héritiers est celui des ascendants du défunt. Cet ordre comprend tous les
parents en ligne directe ascendante : père et mère, grands-parents, arrières grands-parents…
En présence de collatéraux privilégiés, les père et mère du défunt concourent avec ces derniers.
A défaut de descendants et de collatéraux privilégiés, les ascendants évincent tout autre parent du
défunt.

Le quatrième ordre, constitué des collatéraux ordinaires (cousins, tantes, oncles…) c'est-à-dire ses
parents en ligne collatérale autre que les frères et sœurs et descendants d’eux, n’est appelé à la
succession du défunt qu’à défaut de tout autre parent.

II- Le degré de parenté

La préférence donnée au plus proche parent fait de la proximité du degré une règle essentielle.
Le Code civil de 1804 avait fixé au 12ème degré la successibilité en ligne collatérale. Pour des
raisons politiques et financières, la loi du 31 décembre 1917, toujours en vigueur, a écarté au-delà
du 6ème degré la vocation successorale ab intestat dans la ligne collatérale : article 745 du Code
civil.
Les parents en ligne directe, ascendants ou descendants, ne sont pas limités par le degré de parenté à
l’égard du défunt, la durée de la vie humaine suffit à en limiter le nombre.

A- La portée de la règle de la proximité du degré

Cette règle signifie que l’héritier au degré le plus proche exclut tous les autres héritiers. Toutefois,
cette règle ne joue qu’à l’intérieur de chaque ordre successoral : article 744 alinéa 1er du Code
civil.
Il n’y a donc pas lieu de considérer les degrés de parenté respectifs de deux héritiers appartenant à
des ordres différents.

Enfin, cette règle impose qu’au sein d’un même ordre successoral, les héritiers de degré égal se
partagent la succession par part égale et par tête : article 744 alinéa 2 du Code civil.

B- La mise en œuvre de la règle de la proximité du degré

L’application de cette règle impose que l’on détermine le degré de parenté pour chaque héritier.
Cette détermination s’appuie sur l’existence de deux rapports de parenté : en ligne directe et en
ligne collatérale.

1- La parenté en ligne directe

La ligne directe est la suite des degrés entre personnes qui descendent l’une de l’autre : descendants
et ascendants.
Le lien de parenté entre toutes ces personnes est plus ou moins proche. Calculer la distance qui
sépare deux parents c’est préciser le degré de parenté.
Le degré de parenté en ligne directe se calcule en partant de la personne concernée et en comptant le
nombre de générations qui la sépare de son parent : article 743 alinéa 1er du Code civil.

2- La parenté en ligne collatérale

La ligne collatérale est la suite des degrés entre deux personnes qui ne descendant pas des unes des
autres, mais qui descendent d’un auteur commun : collatéraux privilégiés et collatéraux ordinaires.
Le degré de parenté se calcule en ligne collatérale par le nombre de générations qui sépare les
parents depuis l’un des parents jusque, mais non compris, l’auteur commun et depuis cet auteur
commun jusqu’à l’autre parent : article 743 alinéa 2 du Code civil.

Outre le degré, la ligne directe ou collatérale, la loi prend en compte d’autres éléments de la
structure de la parenté telle la tête, la souche et les branches.

III- La tête, la souche et les branches

Ces éléments se situent au-dessous du degré.

A- La tête

Certains parents sont exclus de la succession en vertu de la règle des ordres et à l’intérieur d’un
ordre, certains autres parents sont exclus en vertu de la règle des degrés.

Les parents, qui ne sont pas éliminés en application de ces deux règles, se partagent la succession
par tête c'est-à-dire qu’ils prennent chacun dans la succession une part égale.
Le partage par tête traduit l’égalité des individus d’une même génération.

B- La souche

La loi a institué une autre sorte d’égalité des héritiers à côté et même parfois en concurrence avec
l’égalité des individus que traduit le partage de la succession par tête. Il s’agit du partage de la
succession par souche : article 753 du Code civil. C’est une technique particulière, à savoir la
représentation successorale, qui impose le partage de la succession par souche.

Certains héritiers, descendants et collatéraux privilégiés, sont dans certaines hypothèses appelés à la
succession du défunt en représentation de leur auteur en raison, par exemple, du prédécès de ce
dernier.
Le partage par souche st nécessaire pour éviter une inégalité.
Ainsi, toutes les personnes qui descendent d’un auteur commun, lequel pouvant être un enfant, un
frère ou une sœur du de cujus, appartiennent à une même souche.

DC

A+ B+

C D G E+ F

I H
La souche, en tant que telle, n’est pas dotée d’une vocation héréditaire. Elle n’est prise en compte
que dans l’aménagement de certaines règles de base de la dévolution successorale dont la
représentation n’est qu’une des manifestations.
Une même souche peut produire elle-même plusieurs souches appelées sous-souches.
Le partage de la succession se fera alors par subdivision de souche et à l’intérieur d’une souche ou
subdivision d’une souche, il se fera alors par tête : article 753 du Code civil.

Les lois du 3 décembre 2001 et 23 juin 2006 ont profondément modifié la vision traditionnelle de la
représentation.
Partant des ces modifications, l’égalité des souches apparaît alors comme la véritable finalité de la
vocation successorale.

C- Les branches paternelles et maternelles

Le terme branche a substitué, par la loi de 2001, le terme de ligne.


Dans certaines hypothèses dont la technique de la fente rend compte, la succession est divisée en
deux parties : une pour la branche paternelle et l’autre pour la branche maternelle.
Dans la branche paternelle se trouvent tous les parents qui se rattachent au défunt par le père, ce
sont les parents consanguins.
Dans la branche maternelle se trouvent tous les parents qui se rattachent au défunt par la mère, ce
sont les parents utérins : article 746 du Code civil.

Les parents qui figurent dans les deux branches sont des parents germains.

La division de la succession par branche ne s’impose qu’aux ascendants et collatéraux autres que
les frères et sœurs du défunt et descendants d’eux. La division par branche est inapplicable aux
descendants parce que, comme le de cujus lui-même, ils se rattachent aux deux branches.
Section 2 : La fente et la représentation successorale : aménagement
des règles de base de la dévolution légale
La fente et la représentation successorale sont représentées comme deux techniques qui régissent la
dévolution successorale. Elles existaient avant 1804 et le Code civil les a reprises.
Les lois du 3 décembre 2001 et du 23 juin 2006 ont modifié la conception et la vision traditionnelle
de la représentation successorale.

Le système de la fente tend à assurer l’égalité des branches paternelles et maternelles.


A l’origine, la fente aménageait la règle des ordres successoraux en ce sens que cette dernière règle
jouait dans chaque branche. La fente atténuait la portée de la règle de la proximité du degré dans la
mesure où pouvait succéder à égalité un parent du côté paternel de degré plus éloigné avec l’autre
parent du côté maternel d’un degré plus proche du défunt.
Aujourd’hui, la fente ne modifie le système des ordres successoraux. Elle ne fait qu’atténuer la
règle de la proximité du degré.

La représentation, en matière successorale, n’est pas la représentation des volontés mais une
représentation de la personne elle-même.
La représentation successorale permet à un héritier, appelé représentant, de prendre la place d’un
autre héritier, appelé représenté, pour venir à la succession d’un de ses parents.
Jusqu’aux lois de 2001 et de 2006, la représentation successorale était avant tout conçue comme une
technique destinée à corriger un résultat injuste d’un ordre naturel des décès perturbés, tel le
prédécès d’un enfant du défunt.
Aujourd’hui, si la représentation successorale corrige toujours l’injustice d’un ordre des décès
perturbés, son second rôle, celui d’assurer l’égalité des souches, réapparaît au premier plan ce qui
n’est pas sans conséquence.

Sous-section 1 : La fente successorale


Le Code civil de 1804 n’a pas retenu le système de la fente de l’ancien droit des pays de coutume
lequel différencie selon l’origine et la nature des biens.
En effet, et à l’exemple du droit révolutionnaire, les rédacteurs de 1804 ont étendu le système à
toute la succession, c'est-à-dire à tous les biens.

La fente successorale du Code civil est une technique de répartition des biens composant une
succession unique.

La fente consacre l’idée d’un devoir égal du défunt à l’égard de chacune des deux familles. La fente
tend à faire régner l’égalité entre les branches.
Depuis la loi du 26 mars 1957, la fente successorale ne modifie plus le système des ordres
successoraux, elle atténue seulement la règle de la proximité du degré, règle de base de la
dévolution légale.

2 situations :
- Celle du droit commun de la fente successorale ;
- Celle particulière de la succession de l’enfant adopté simple.

I- Le droit commun de la fente successorale


A- Le domaine de la fente successorale
La fente successorale n’est prévue que lorsque la succession d’un défunt n’est dévolue qu’à des
ascendants ou des collatéraux : articles 747 à 750 du Code civil.
En ligne ascendante et en ligne collatérale, la loi divise en deux parts égales la succession, l’une
pour les parents maternels, l’autre pour les parents paternels. La succession est ainsi fendue.

Les ascendants sont tous les ascendants du défunt, y compris ses père et mère. La loi de 2006 a en
effet levé la difficulté née au lendemain de la loi du 3 décembre 2001, difficulté de l’interprétation
du 2° de l’article 734 du Code civil.
Ce texte a semblé, pour certains auteurs, placer les ascendants, autres que les père et mère, dans le
troisième ordre d’héritiers, cependant que ces derniers relevaient eux du deuxième ordre.
L’article 734 du Code civil ainsi interprété excluait les grands-parents de la succession dès lors que
le défunt laissait son père et/ou sa mère.
Désormais, l’hésitation n’est plus de mise. L’article 738-1 du Code civil, issu de la loi de 2006, est
clair.

Quant aux collatéraux, il ne s’agit que des collatéraux ordinaires, c'est-à-dire autres que les frères et
sœurs du défunt et descendants d’eux : article 749 du Code civil.
Jusqu’à la loi du 26 mars 1957, les collatéraux ordinaires pouvaient, à défaut de parents ayant rang
préférable dans leur branche, venir concurrencer, grâce à la fente successorale, des parents de
l’autre branche, ascendants en particulier, et ainsi monter d’un ordre. La fente modifiait alors la
règle des ordres successoraux.
La loi de 1957 a accru le droit successoral des ascendants en leur reconnaissant le droit à
l’intégralité de la succession lorsqu’ils sont en concours avec des collatéraux ordinaires, même ceux
appartenant à la branche à laquelle les ascendants n’appartiennent pas.
Pour les collatéraux ordinaires, la fente ne joue donc plus depuis 1957 qu’à l’intérieur de leur ordre.
La fente successorale ne modifie plus la règle des ordres successoraux.

B- Les effets de la fente successorale

Le système de la fente successorale a pour finalité d’assurer l’égalité des banches. Elle est une
technique de répartition de la succession. Elle est aussi une technique qui corrige la règle de base de
la dévolution légale qui est la règle de la proximité du degré.

1- La fente : technique de répartition de la succession

Lorsque la succession a lieu d’être fendue, elle est divisée en deux parts égales : une pour la
branche paternelle, l’autre pour la branche maternelle.
La moitié de la succession attribuée à chaque branche lui reste acquise tant qu’il y a des héritiers
pour la représenter.

Lorsqu’une branche n’est plus représentée, c'est-à-dire vacante, il s’opère alors une dévolution au
profit de l’autre branche : dévolution de branche à branche → article 748 du Code civil. La
branche représentée recueille ainsi l’intégralité de la succession.
Ce principe de dévolution de branche à branche s’explique par le fait que, malgré la fente, il n’y a
pas deux successions différentes, mais une succession unique à répartir entre plusieurs héritiers.

La dévolution de branche à branche ne se produit que dans deux cas :


- Au profit des ascendants d’une branche quand il n’y en a pas dans l’autre ;
- Au profit des collatéraux ordinaires d’une branche quand il n’y en a pas dans l’autre.

Une fois la fente opérée, il ne se fait ensuite aucune division nouvelle de la succession : il n’y a pas
de refente. Pourtant, les parents du père du défunt se subdivisent à leur tour.
Le Code civil de 1804 a supprimé le système des refentes successives qui se pratiquait autrefois.

2- La fente : principe correcteur de la règle de la proximité du degré

La fente successorale, en ce qu’elle divise la succession entre les branches, est une technique qui
corrige la règle de la proximité du degré entre les parents qui appartiennent à chaque branche.
Exemple : un défunt laisse à son décès son oncle paternel et le fils d’une tante maternelle. Le défunt
ne laisse que des collatéraux ordinaires. En application de l’article 749 du Code civil, la succession
se fend en deux : une part revient à la branche paternelle et l’autre à la branche maternelle, et ce à
égalité.
Dans la branche paternelle, l’oncle est parent du défunt au 3ème degré et dans la branche maternelle,
le cousin du défunt est parent au 4ème degré.
La fente corrige la règle de la proximité du degré puisque le cousin n’est pas exclu de la succession
par l’oncle, parent paternel d’un degré plus proche.

Cependant, la règle de la proximité du degré retrouve application dans chaque branche et le partage
de la succession se fera alors à degré égal par tête.
Exemple : le défunt laisse un oncle paternel, le fils de sa tante maternelle et la fille de sa tante
paternelle.
Dans la branche paternelle, l’once élimine la fille de la tante paternelle. L’oncle recevra alors la
moitié de la succession, m’autre moitié reviendra au cousin.

II- La succession ordinaire de l’adopté simple

A côté du droit commun, l’article 368-1 du Code civil, modifié par la loi du 23 juin 2006 prévoit
dans son alinéa 2 une autre hypothèse de fente et ce dans la succession de l’adopté simple.
Toutefois, il ne s’agit pas de fendre une succession entre ces deux branches maternelles et
paternelles, mais de répartir la succession entre deux familles.

Avant la loi du 3 décembre 2001, la loi prévoyait une autre fente qui avait pour objet de régler le
concours entre collatéraux privilégiés nés de lits différents. Ainsi, les collatéraux germains du
défunt prenaient part dans les deux branches alors que les collatéraux utérins et consanguins ne
prenaient part que dans leur branche.
La loi de 2001 a supprimé cette fente particulière qui était la seule hypothèse où la fente
successorale et la représentation jouaient concurremment alors qu’en principe l’égalité des branches
exclut l’égalité des souches.

L’article 368-1 du Code civil concerne la succession d’un enfant qui a fait l’objet d’une adoption
simple. Ce type d’adoption ne rompt pas les liens de l’enfant avec sa famille d’origine.
La dévolution des biens de l’adopté simple se fait selon deux règles différentes :
- A la condition que l’adopté décède sans descendant et en l’absence de conjoint successible.
L’article 368-1 alinéa 1er du Code civil prévoit que les biens reçus à titre gratuit par l’adopté
soit de l’adoptant, soit de ses père et mère d’origine font retour à ceux dont ils proviennent
ou à leurs descendants : succession anomale.

- L’alinéa 2 prévoit que le surplus des biens qui constitue la succession ordinaire se partage
par moitié ente les deux familles d’origine et adoptive.

Lorsque la succession ordinaire de l’adopté simple est ainsi divisée entre les deux familles, la
dévolution s’opérera dans chacune de ces deux familles selon les règles classiques applicables en la
matière sans préjudice toutefois du conjoint survivant sur l’ensemble de la succession.
En l’absence de conjoint survivant et dans l’hypothèse où il n’existe aucun parent au degré
successible dans l’une des familles, de nombreux auteurs considèrent que la fente se referme au
profit de la famille qui est seule représentée et qui recueillera alors la totalité des biens : unicité du
patrimoine respectée.
Sous-section 2 : La représentation successorale
La vision traditionnelle de la représentation successorale telle qu’issue du Code de 1804 a été
profondément modifiée par les lois de 2001 et de 2006.

I- Notion et rôles de la représentation successorale


A- Définition de la représentation successorale

Aux termes de l’article 751 du Code civil, modifié par la loi du 23 juin 2006, la représentation
successorale est définie comme une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les
représentants aux droits du représenté.

La fiction juridique est une technique qui permet de supposer vrai un fait qui ne l’est pas. Ainsi, le
droit, en faisant de la représentation successorale une fiction, entend faire comme si les héritiers
représentants d’un parent, successeurs du défunt, étaient celui-là même qu’ils représentent.

Cette définition légale qui fait de la représentation successorale une fiction, a toujours été critiquée.
Pour nombre d’auteurs, le législateur n’a pas besoin en pareil cas d’établir une fiction. Il eut été
préférable de considérer la représentation comme une simple mesure légale d’équité pour certains et
destinée à assurer à des descendants plus éloignés, la transmission de biens héréditaires toutes les
fois où leurs auteurs n’en profitent pas eux-mêmes.
Le législateur d’avant 2001 a ainsi été conduit à faire du prédécès du descendant une condition de la
représentation successorale, ce qui dans certains cas pouvaient être injuste.

Avant la loi de 2001, on exigeait du représenté qu’il soit décédé avant l’ouverture de la succession
et qu’il ait été apte à recueillir la succession e son vivant. On ne pouvait représenter une personne
vivante, donc un renonçant, et le représenté ne devait pas être indigne de succéder à la succession
du défunt.

La loi de 2001 a permis la représentation d’un indigne : article 729-1 du Code civil et celle de
2006 a permis la représentation d’un renonçant : article 754 in fine du Code civil.

La vision traditionnelle de la représentation successorale se trouve ainsi modifiée ce qui n’est pas
sans conséquence sur les différents rôles que peut jouer la représentation.

B- Rôles de la représentation successorale

La représentation successorale, en ce qu’elle permet à un héritier de prendre la place d’un autre


héritier plus rapproché pour venir à la succession d’un de ses parents, est avant tout une manière de
succéder.
Ainsi, deux manières de succéder : de son chef ou par représentation. Le premier mode est la règle.
Lorsque sont admis à recueillir une succession, ceux qui se trouvent les plus proches en degré dans
l’ordre des héritiers appelés en premier, ceux-là étant eux-mêmes appelés, succèdent de leur chef.

En revanche, lorsque, par exemple, l’un des enfants du défunt est prédécédé, qu’il des frères et
sœurs, ses propres enfants ne peuvent venir à la succession du défunt de leur chef car il y a des
descendants du premier degré. Ils y viendront en représentation de leur auteur prédécédé.
Avec cet exemple, apparaît l’un des rôles de la représentation successorale à savoir corriger la règle
de la proximité du degré.
La représentation successorale apporte une correction au principe de la dévolution de la succession
d’après la proximité du degré de parenté. Si elle n’existait pas, la dévolution dépendrait du hasard
des décès.

Exemple : les petits-enfants ne recueilleront rien de la succession de leur grand-père qi leur père
était précédé. Ce serait contraire à la volonté du défunt et injuste puisqu’ils auraient dû, si l’ordre
naturel des décès avait été respecté, trouver dans la succession paternelle les biens de leur grand-
père.
L’ordre naturel est ici perturbé car il n’est pas naturel qu’un enfant décède avant son père ou sa
mère.

L’inconvénient de la représentation successorale est de donner à des héritiers de même degré des
parts fortes inégales.
Par exemple, si tous les enfants sont décédés, les petits-enfants ne se partagent pas la succession par
tête. La division se fait par souche. La représentation successorale assure ainsi l’égalité des souches
qui est le second rôle de la représentation successorale.

Exemple : X décède en laissant 5 petits-enfants, 4 de son fils A prédécédé et un de sa fille B


prédécédée.
Avant les lois du 3 décembre 2001 et 23 juin 2006, ce second rôle de la représentation successorale
n’apparaissait pas au premier plan.
Le prédécès du représenté étant une condition de la représentation, celle-ci apparaissait surtout
comme une technique destinée à effacer les effets injustes d’un ordre des décès perturbé.

Aujourd’hui, les choses sont différents puisqu’on peut représenter un indigne ou un renonçant. Le
prédécès du représenté n’est donc plus une condition de la représentation successorale. En
conséquence, le rôle de cette représentation, qui est d’assurer l’égalité des souches, s’en trouve
renforcé : article 753 du Code civil.

En admettant la représentation d’un indigne ou d’un renonçant, on retrouve, de fait seulement, dans
notre droit, une représentation spéciale que le Code civil de 1804 a supprimé : la représentation à fin
de partager. Elle permet de répondre à nombre d’interrogations doctrinales qui ont fleuri après que
la loi de 2006 ait admis la représentation d’un renonçant. Pour nombre d’auteurs, cette
reconnaissance est source d’incohérence. Le renonçant étant censé n’avoir jamais été héritier, on ne
voit pas comment le droit successoral du renonçant a pu être transmis à ses héritiers.
La représentation successorale ne serait donc plus seulement une manière de succéder mais aussi
une manière de partage. A savoir que ce dernier mode n’est pas reconnu en tant que tel par notre
doit positif.

Définition légale de la représentation : faire en sorte que le représentant soit appelé à la succession
aux droits du représenté au moyen d’une fiction juridique, c'est-à-dire faire comme si c’était le
représenté qui venait à la succession.

Il est difficile de comprendre dans ces conditions la cohérence d’un système qui conduit à
considérer que dans l’hypothèse d’une représentation d’un indigne ou d’un renonçant, ce sont ceux-
là même qui viennent à la succession.
Il eut été plus cohérent semble-t-il de reconnaître une représentation spéciale à fin de partager
(comme dans l’ancien droit), soit plus fondamentalement renoncer à voir dans la représentation une
fiction juridique et considérer la représentation comme une simple mesure légale destinée à assurer
à des descendants plus éloignés la transmission de biens héréditaires toutes les fois que leurs
auteurs, en cas de prédécès, n’en profitent pas ou ne peuvent pas en profiter en cas de renonciation
ou d’indignité.

La représentation successorale apparaitrait alors comme une technique beaucoup plus cohérente
permettant de corriger les effets injustes d’un ordre naturel des décès perturbés (exemple : prédécès
d’un enfant), de cantonner au coupable les effets de l’indignité et ne pas faire dépendre les parts de
chacun de l’option faite par le degré précédent en cas de renonciation.

II- Régime juridique de la représentation successorale


A- Domaine de la représentation successorale

La représentation successorale n’existe tout d’abord que dans la succession légale. Il n’y a pas de
représentation par ses descendants du légataire prédécédé : Cass. Civile 1ère, 2 juillet 1924.

La représentation successorale ne concerne ensuite que deux catégories d’héritiers : les descendants
et les collatéraux privilégiés.
La représentation successorale fonctionne en effet exclusivement au profit d’héritiers qui sont,
comme le défunt, la résultante des branches maternelle et paternelle dont il est issu.
La représentation successorale n’est pas admise dans l’ordre des collatéraux ordinaires, ni dans
celui des ascendants. Cela est traduit par l’expression « l’égalité des branches exclut l’égalité des
souches ».

1- L’ordre des descendants

Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 752 du Code civil, la représentation a lieu à l’infini dans la
ligne directe descendante. Cela signifie que les descendants du 3ème degré et à l’occasion ceux du
4ème peuvent concourir avec les enfants successibles au 1er degré.

Exemple :
DC

A B C+

D+

La représentation est également admise dans tous les cas, c'est-à-dire, aux termes de l’alinéa 2 de
l’article 752 du Code civil, soit que les enfants concourent avec les descendants d’un enfant
prédécédé, soit que tous les enfants du défunt étant morts avant lui, les descendants desdits enfants
se trouvent entre eux en degrés égaux et inégaux.
Cela signifie, par exemple, que les petits-enfants viennent toujours par représentation à la
succession du défunt de leur père ou mère prédécédé lorsqu’ils concourent avec des enfants du
défunt.
Cela signifie aussi que les petits-enfants seront appelés à la succession du défunt par représentation
même si tous les enfants du défunt sont prédécédés. Dans ce second cas, les petits-enfants, étant
seuls appelés, se trouvent tous égaux en degré et la représentation peut paraître alors superflue pour
leur permettre de succéder. Elle a cependant lieu et elle aboutit à un partage par souche.
La représentation successorale maintient ici, dans toute sa plénitude, l’égalité des primitives, c'est-à-
dire l’égalité des souches.

Exemple :
DC

A+ B+

C D E F G

Le partage ici ne se fera pas par tête mais par souche : ½ pour A et ½ pour B.

Ainsi, au travers de la formulation de l’alinéa 2 de l’article 752 du Code civil, on retrouve les deux
rôles de la représentation successorale : corriger un ordre naturel des décès perturbé (1er cas) et
assurer l’égalité des souches (2nd cas).

Dans les deux cas, l’alinéa 2 de l’article 752 du Code civil ne vise que l’hypothèse d’un ou
plusieurs prédécès de descendants.
A cette hypothèse, il faut ajouter celle de la renonciation d’un ou plusieurs descendants et celle de
l’indignité d’un ou plusieurs descendants puisque dorénavant on peut représenter un indigne ou un
renonçant.

2- L’ordre des collatéraux privilégiés

Aux termes de l’article 752-1 du Code civil, la représentation est admise au profit des enfants et
descendants des frères et sœurs du défunt. Elle a donc lieu à l’infini comme pour celle des
descendants.
Elle est également admise dans tous les cas, c'est-à-dire, aux termes de l’article 752-1 du Code civil,
soit que les enfants ou descendants d’un frère ou d’une sœur prédécédé concourent avec leur oncle
ou tante, soit que tous les frères et sœurs étant prédécédés, les enfants et descendants se trouvent
entre eux à des degrés égaux ou inégaux.
Là encore, la formulation de l’article 752-1 du Code civil illustre les deux rôles traditionnels de la
représentation successorale.

Exemple :
GMM

B+ X+ A

C D

Les collatéraux privilégiés éliment l’ascendant ordinaire en application de la règle des ordres
successoraux.
C et D viendront à la succession de leur oncle en représentation de leur auteur B prédécédé. Le
partage se fera par souche.
Comme pour l’ordre des descendants, la représentation en ligne collatérale jouera dans l’hypothèse
d’une renonciation d’un ou plusieurs collatéraux ou dans l’indignité d’un ou plusieurs collatéraux.

B- Conditions de la représentation successorale


1- Condition relative au représenté

Les conditions de la représentation successorale, s’agissant du représenté, ont évolué avec les lois
du 3 décembre 2001 et 23 juin 2006.
Antérieurement à ces deux lois, on exigeait du représenté qu’il soit décédé avant l’ouverture de la
succession et qu’il ait été ape à succéder de son vivant au défunt, c'est-à-dire qu’il ne soit pas
indigne.
Depuis les lois de 2001 et 2006, on peut représenter une personne vivante : article 754 in fine du
Code civil.
Et depuis ces lois, peu importe que le représenté n’ait pas été apte à succéder de son vivant au
défunt : article 729-1 du Code civil.

L’unique condition qui demeure est que le représenté doit être l’une des personnes dont la loi admet
la représentation, c'est-à-dire un descendant ou un collatéral privilégié.

2- Conditions relatives au représentant

Il faut que le représentant ait lui-même une vocation personnelle à la succession du défunt et qu’il
réalise en sa personne toutes les conditions nécessaires pour succéder, c'est-à-dire qu’il ait été vivant
ou tout au moins conçu au jour de l’ouverture de la succession, qu’il soit né viable et qu’i ne soit
pas indigne au regard du défunt.
En revanche, aucune aptitude personnelle à recueillir la succession du représenté n’est exigée du
représentant.
Ainsi, il n’est pas nécessaire que le représentant ait accepté la succession du représenté : article 754
in fine du Code civil.
De la même façon, il pourrait succéder à son grand-père en représentation de son père quoi qu’il eut
été écarté comme indigne à la succession paternelle.

Cette absence d’exigence s’explique par le fait que la faculté de venir à la succession par
représentation est propre au représentant.

Des critiques ont été adressées au législateur s’agissant des conditions exigées du représentant au
regard de la succession de la personne laquelle il vient.
Exemple : le représentant (article 751 du Code civil) ne fait que recueillir les droits du représenté. Il
est dès lors difficilement compréhensible que l’on pose des conditions propres au représentant.

Pourquoi un enfant indigne au regard de la succession du défunt ne pourrait-il pas


représenter son père, lequel prédécédé aurait pu lui succéder, le représentant ne faisant que
prendre les droits du père prédécédé ?

Les conditions exigées mettent en évidence le fait que la représentation est une manière de succéder.
Le représentant demeure un héritier du défunt.
Vu sous cet angle, on peut alors comprendre qu’un indigne ne puisse, ni de son chef, ni par
représentation, venir à la succession de celui envers qui il a eu des tords.

C- Effets de la représentation successorale

On peut différencier les effets civils de celui fiscal de la représentation successorale.

1- Les effets civils de la représentation successorale

Aux termes de l’article 751 du Code civil, la représentation successorale a pour effet principal
d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté.
Le représentant exerce dans la succession les droits du représenté, rein de plus, rien de moins.
Il ne prend rien de plus. Ainsi, lors du partage par souche, plusieurs enfants représentant leur auteur
ne prendront à eux tous la part revenant à ce dernier. Quelque soit leur nombre, ils ne seront
comptés que pour une tête, celle du représenté.
Le représentant ne prend rien de moins que ce qui eut été dévolu au représenté.
Ce constat n’a plus d’intérêt aujourd’hui, mais autrefois cela produisait des conséquences
importantes.

Exemple : une petite fille, quand elle était la fille d’un fils aîné, pouvait, en représentant son père
dans la succession de son grand-père, recueillir la préférence d’ainesse qui n’était accordée qu’aux
héritiers mâles.

Les représentants entrent dans le degré du représenté. La représentation successorale corrige la règle
de la proximité du degré.

Il n’y a rien à dire lorsqu’il n’y a qu’une génération d’intervalle. Mais, quand il y a plusieurs degrés
à franchir, la représentation ne peut produire son effet que si tous les degrés intermédiaires sont
vacants. Dans ce cas, le représentant va monter de degré en degré jusqu’au rang utile pour succéder.

Exemple :
DC

A B C+

D+

E+

E, représentant, montera le degré de son père, puis de son grand-père jusqu’au rang utile pour
succéder. Mais, si le représentant rencontre un degré intermédiaire non vacant, il est arrêté et ne
peut prendre cette place. On exprime cette règle en disant que la représentation n’a pas lieu en
sautant ou en omettant un maillon.
La notion de degré non vacant a évolué. Ainsi, avant les lois de 2001 et de 2006, lorsque le
représentant rencontrait à un degré intermédiaire un successible indigne ou renonçant, il était arrêté.
Aujourd’hui, le degré non vacant susceptible d’arrêter le représentant ne peut être que l’hypothèse
où ce dernier rencontre un degré intermédiaire occupé par un successible simplement vivant.

Exemple :
DC

A B+

C (renonçant)

Avant la loi du 23 juin 2006, D serait resté à son degré de parenté à savoir le 3ème degré. C ayant
renoncé à la succession, D n’aurait pas été appelé à la succession du défunt.
Depuis 2006, on peut représenter un renonçant ? donc D viendra à la succession du défunt en
concours avec A.

La représentation produit aussi des effets civils qualifiés de secondaire qui intéressent le partage par
souche.
Ce dernier produit des conséquences dans plusieurs domaines : paiement des dettes, calcul de la
réserve héréditaire et de la quotité disponible ordinaire, option héréditaire…

Exemple : les conséquences de l’option héréditaire. 2 situations possibles :


1ère situation :
DC

A+ B+ C+

D E F G H

Si G renonce à la succession de son grand-père, sa part accroit, non pas celle de tous les héritiers
qui acceptent la succession mais aux héritiers acceptants qui relèvent de la même souche.
D, E, F, G et H viennent à la succession de leur grand-père par représentation de leur auteur
prédécédé et le partage se fait par souche.

2ème situation :
DC

A B C (renonçant)

D E

Avant la loi du 23 juin 2006, les droits du renonçant accroissaient la part des cohéritiers du
renonçant car on ne pouvait représenter un renonçant, donc D et C étaient exclus de la succession.
Aujourd’hui, la part du renonçant accroît à ses représentants car on peut représenter un renonçant et
le partage se fera par souche.

De manière plus générale, si la par du renonçant échoie à ses représentants, elle accroît à leur défaut
à ses cohéritiers et si le renonçant est seul, elle est dévolue au degré subséquent : article 805 du
Code civil.

2- L’effet fiscal de la représentation successorale

Jusque récemment, l’administration fiscale ne prenait pas en compte la représentation successorale


pour le calcul des droits de succession dus par les héritiers lorsqu’ils succédaient et qu’ils étaient
tenus de payer ses droits.
Ainsi, les neveux ou nièces d’un défunt appelés à la succession en représentation de leur auteur,
frères ou sœurs du défunt, ne bénéficiaient pas des 35% puis des 45% applicables aux frères et
sœurs d’un défunt.
On leur appliquait le taux de 55%, taux applicable aux parents du défunt jusqu’au 4ème degré inclus.

La loi de finance rectificative pour 2006 et applicable aux successions ouvertes à partir du 1 er
janvier 2007 a pris acte de la modernisation de la loi civile en matière de représentation
successorale, mais l’administration fiscale maintient sa position.

Il a fallu attendre la loi de finance pour 2009 pour que cette position du fisc soit condamnée.
L’article 777 du CGI prévoit que le taux de 35% puis de 45% s’applique aux frères et sœurs vivants
ou représentés.
Cette nouvelle disposition s’applique pour les successions ouvertes depuis le 1er janvier 2007.

Pour les descendants, autre ordre d’héritier qui bénéficie de la représentation successorale, la
question se pose différemment. En ligne directe, il est prévu pour ces héritiers un taux progressif
selon des tranches de fraction de parts taxables.
Section 3 : L’unité de la succession
La dévolution successorale de la succession se fait, en principe, sans aucune distinction entre les
biens.
La loi détermine les héritiers en ne tenant pas compte ni de la nature, ni de l’origine des biens.
Cependant, ce principe a toujours souffert d’un certain nombre d’exceptions lesquelles, avec les lois
de 2001 et de 2006, se sont substantiellement accrues.

I- Le principe de l’unité de la succession

Le Code civil de 1804 n’a pas repris la logique de l’ancien droit des pays de coutume qui
connaissaient une dévolution successorale fondée sur la nature et l’origine des biens puisque ce
droit distingue deux successions : une succession de biens propres et une succession aux meubles et
acquêts.

Les rédacteurs du Code civil ont posé à l’article 792 ancien le principe de l’unité du patrimoine.
La loi de 2001 n’a pas repris ce texte. Plus aucun texte n’exprime expressément le principe de
l’unité de la succession.
La loi de 2006 n’a pas réintroduit non plus une telle disposition.

Le principe n’en existe cependant pas moins et s’exprime dans certaines limites qui en fixent le
champ d’application. Ce principe ne s’applique pas dans l’ordre interne et, dans cet ordre interne, il
ne vaut dans sa plénitude que pour la dévolution de la succession.

A- Le principe de l’unité de la succession et la règle de conflit de lois

Dans l’ordre international, la règle de conflit de lois française prend en compte la nature des biens
successoraux pour déterminer la loi applicable à leur dévolution.
C’est la loi du dernier domicile du défunt qui règle la dévolution des meubles alors que celle des
immeubles est fixée par la loi du lieu de l’immeuble.
Ce système peut donc conduire à la désignation d’héritiers différents selon qu’il s’agit de meubles
ou d’immeubles et donc conduire à un morcellement des successions internationales.

B- Le principe de l’unité de la succession et le partage

Dans l’ordre interne, le principe de l’unité de la succession ne s’applique que pour la dévolution de
la succession.
S’agissant du partage, il est parfois tenu compte de l’affectation de certains biens successoraux. Ce
sont toutes les règles d’attributions préférentielles : articles 831 à 834 du Code civil.

Exemple : le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l’attribution


préférentielle par voie de partage de la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert
effectivement d’habitation s’il y avait sa résidence à l’époque du décès ainsi que le mobilier qui le
garnit.

II- Les exceptions au principe de l’unité de la succession

L’exception la plus remarquable est la reconnaissance par le Code civil d’une succession anomale à
côté de la succession ordinaire. Elle constitue donc une anomalie par rapport au droit commun.

Par ailleurs, il existe pour certains biens une dévolution particulière. Ces biens ne font pas l’objet
d’une succession distincte mais s’analysent comme autant d’exceptions au principe de l’unité de la
succession puisque l’on tient compte de la nature de ces biens pour en régler la succession.

A- La succession anomale

La succession anomale n’a lieu que dans des circonstances exceptionnelles. La loi l’a institué et
réglementé dans un but particulier, celui de soustraire aux successeurs normaux certains biens qui
avaient été reçus du défunt par succession ou donation.
La succession anomale est une véritable dérogation au principe de l’unité de la succession dans la
mesure où certains biens sont attribués à un héritier par préférence aux autres à raison de la
provenance et de l’origine de ces biens.

Cette succession anomale est encore dénommée droit de retour légal. Cette dernière dénomination
est discutable en raison du risque de confusion avec le droit de retour conventionnel.

Le droit de retour est un droit en vertu duquel un bien, transmis à titre gratuit, retourne, sous
certaines conditions, à celui dont il provient ou à ses descendants.

Le droit de retour légal ou la succession anomale s’exerce, à la différence du droit de retour


conventionnel, à titre de succession.
Le droit de retour légal forme donc, à côté de la succession ordinaire, une succession privilégiée
dont la dévolution a lieu en vertu d’une vocation spéciale et qui a pour objet une classe particulière
de biens.

Aujourd’hui, il n’existe dans notre droit que deux cas de successions anomales :
- Celui du droit de retour légal en cas de décès de l’adopté simple mort sans postérité ;
- Celui, plus récent, du droit reconnu aux frères et sœurs ou descendants d’eux, bien que le
retour légal apparaisse quelque peu dénaturé.

1- La nature successorale du droit de retour légal

Les rédacteurs du Code civil ont opté pour le caractère successif du droit de retour légal. Les
rédacteurs de 1804 ont ainsi suivi le choix opéré dans certaines provinces coutumières de l’ancien
droit où le donateur était appelé à recueillir comme héritier dans la succession du donataire les biens
qu’il lui avait donné. Il existe donc bien une succession anomale à côté d’une succession dite
ordinaire.

Ce caractère successif du droit de retour légal entraîne un certain nombre de conséquences. Ainsi,
les aliénations ou droits réels consentis aux tiers par le donataire sur les biens donnés ou reçus par
succession ne seront pas anéantis.
Le bénéficiaire d’un droit de retour légal peut prendre des partis différents quant à l’option
héréditaire à l’égard des deux successions.
L’autonomie ainsi reconnue à la succession anomale conduit à différencier les biens qui la
composent bien qu’ils ne peuvent entrer en ligne de compte dans la succession ordinaire ni pour le
calcul de la quotité disponible, ni pour le calcul des droits légaux du conjoint survivant bien que ce
point soit discuté, mais la jurisprudence est en ce sens.

De ce que le droit de retour légal a un caractère successif, l’héritier anomal doit avoir les qualités
nécessaires et requises pour succéder. Comme pour l’héritier ordinaire, il dispose de la saisine
héréditaire, il est tenu du passif sur ses biens personnels seulement dans la mesure de la fraction de
l’actif que représentent les biens qui lui reviennent au décès.
La conséquence la plus notable de ce caractère est que l’héritier anomal ne prendra les biens
concernés que s’ils existent et dans l’état où ils se trouvent au décès du donataire.

2- Distinction entre droit de retour légal et droit de retour conventionnel

Le droit de retour légal est donc un véritable droit de succession pour les héritiers qui en
bénéficient. Il ne menace pas les tiers, ayants cause du donataire, et reste stérile si le donataire a
disposé des biens, objets de ce retour légal.

Le retour conventionnel est considéré comme affectant d’une condition résolutoire tacite le droit du
donateur de reprendre le bien donné dans l’hypothèse du prédécès du donataire ou de ses
descendants.
Le bénéficiaire d’un droit de retour conventionnel n’est donc pas, à la différence de celui qui
bénéficie d’un retour légal, un successible. Le mécanisme de la condition a pour conséquence que
les droits réels consentis au tiers par le donataire sur les biens donnés sont anéantis.
Les clauses de retour conventionnel sont prévues aux articles 951 et 952 du Code civil.

3- Les cas de succession anomale


En droit positif, il n’existe que deux cas de succession anomale :
- Le droit de retour légal en cas d’adoption simple : article 368-1 alinéa 1er du Code civil ;
- Le droit de retour légal reconnu aux frères et sœurs ou descendants d’eux : article 757-3 du
Code civil.

a- Le droit de retour légal en cas d’adoption simple

L’article 368-1 alinéa 1er du Code civil est un texte qui a été récemment modifié par la loi du 23
juin 2006.
En cas de décès de l’adopté simple, mort sans postérité et en l’absence de conjoint survivant, d’une
part, les biens donnés par l’adoptant ou recueillis dans sa succession retournent à ce dernier ou à ses
descendants.
D’autre part, les biens que l’adopté avaient reçus à titre gratuit par donation, succession ou legs de
ses père ou mère d’origine reviennent à ces derniers ou leurs descendants.

Le législateur de 2006 s’est préoccupé de la situation du conjoint de l’adopté simple qui, avant cette
loi, n’avait aucun droit sur les biens considérés.
La loi du 23 juin 2006 a modifié l’alinéa 1 er de l’article 368-1 du Code civil afin de circonscrire son
application au cas où le défunt ne laisserait ni descendant, ni conjoint survivant, là est l’apport de la
loi de 2006.
Les biens reçus à titre gratuit par l’adopté simple doivent exister en nature au jour du décès de
l’adopté. Si l’adopté a disposé de ces biens, cela fait obstacle au droit de retour légal.

b- Le droit de retour des frères et sœurs du défunt

L’article 757-3 du Code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, prévoit qu’en cas de prédécès des
père et mère du défunt, les biens que ce dernier avait reçu de ses ascendants, par donation ou par
succession, sont, en l’absence de descendant, dévolus pour moitié aux frères et sœurs du défunt ou
leurs descendants eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l’origine de la
transmission des biens.

Les biens reçus par succession ou donation sont ceux reçus par des ascendants, pas que les père et
mère.
C’est la loi de 2006 qui a élargi ce bénéfice de droit de retour aux biens reçus de tous les
ascendants. La loi de 2001 limitait ce droit aux biens reçus des père et mère seulement.
Cet élargissement apparaît en complément logique des dispositions de la loi de 2006 destinée à
favoriser les libéralités transgénérationnelles puisque les biens objets de ce droit de retour peuvent
être ceux transmis directement au défunt par ses grands-parents.

Les collatéraux privilégiés doivent être capables de succéder. Les bien objets de ce droit de retour,
en tant que succession anomale, doivent se retrouver en nature dans la succession du défunt.
Les droits que le défunt a pu consentir à des tiers sur les biens concernés ne seront pas anéantis.
Les collatéraux privilégiés susceptibles de bénéficier du droit de retour sont les collatéraux, frères,
sœurs ou descendants d’eu, qui partagent avec ce dernier le même auteur qui est à l’origine de la
transmission du bien.
Au regard des principes de la dévolution légale, dans l’hypothèse où le défunt ne laisse ni
descendant, ni ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession : article 752-2 du
Code civil. C’est pourquoi l’article 757-3 du Code civil précise que le droit de retour est accordé
aux frères et sœurs ou descendants d’eux par dérogation à l’article 752-2.
Ainsi, et en conséquence, l’autre moitié des biens que les frères et sœurs du défunt ou leurs
descendants avaient reçus de leurs ascendants seront dévolus au conjoint survivant.

La solution retenue par le législateur de 2001 procède à une quote-part mal taillée dans la mesure où
le droit de retour légal ne porte pas sur la totalité des biens considérés mais sur la moitié.
Les conséquences pratiques d’une telle solution peuvent être à l’origine de nombreuses difficultés
puisque sur les biens concernés, le conjoint survivant et les collatéraux privilégiés se trouvent en
indivision, chacun étant co-indivisaire pour moitié.

S’agissant du conjoint survivant, la question qui se pose est celle de savoir si le droit de retour légal
accordé aux frères et sœurs du défunt ou leurs descendants ne menace pas la réserve héréditaire du
conjoint survivant.
Depuis la loi de 2006, le conjoint survivant peut prétende à un droit de réserve si à défaut de
descendant le défunt laisse un conjoint non divorcé.

Le conjoint peut-il faire valoir sa réserve héréditaire sur les biens mentionnés à l’article 757-3
du Code civil ?
La doctrine est divisée et dans une réponse ministérielle du 11 juillet 2006, le ministère de la justice
a précisé que le droit de retour des collatéraux privilégiés constituant une succession particulière
distincte de la succession légale, les biens qui font l’objet de ce droit de retour sont exclus de la
masse de calcul des droits du conjoint survivant. Se faisant, seule la renonciation des collatéraux
privilégiés peut faire l’échec à l’existence de leur droit de retour et l’existence éventuelle de
dispositions testamentaires contraires, notamment un legs universel au profit du conjoint survivant
ne peut faire échec à son application.
En revanche, une réponse ministérielle du 14 novembre 2006 est venue préciser que le droit viager
d’usage et d’habitation reconnu au conjoint survivant à l’article 754 du Code civil s’exerce même
en présence du droit de retour légal des frères et sœurs, ce qui paraît bien peu cohérent.

Si le droit de retour accordé aux frères et sœurs du défunt semble bien être un cas de succession
anomale, cette dernière se trouve dans sa plénitude dénaturée. Il eut été préférable de trancher
clairement soit en faveur de l’origine des biens, soit en faveur de l’affectif, c'est-à-dire du conjoint
survivant.

B- La dévolution particulière de certains biens : les souvenirs de famille

Si pour le droit de retour légal c’est l’origine de certains biens qui est retenue, ici c’est la nature de
certains biens qui est pris en compte.
Les souvenirs de famille sont des biens meubles dont la valeur morale l’emporte sur la valeur
vénale. Il s’agit de biens qui ont un caractère familial très accentué.
La transmission successorale des souvenirs de famille obéit à des règles originales d’origine
jurisprudentielle.
Cette transmission déroge aux règles du partage mais aussi à celles de la dévolution légale,
successorale et testamentaire.
Les souvenirs de famille sont soustraits de la masse partageable et attribués par préférence à des
membres de la famille. Ces biens pourront être confiés à un parent qui n’est pas d’héritier ou qui
n’est pas celui éventuellement désigné par le testateur dans son testament.
C’est à titre de gardien dépositaire que l’attributaire des souvenirs de famille se les verra remettre.
En principe, il n’a donc pas, sur aucun bien, un droit de propriété.
C’est en cela que la succession des souvenirs de famille n’est pas une succession anomale.

C- Le cas particulier du droit de retour des père et mère du défunt

Aux termes de l’article 738-2 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006, dans l’hypothèse où le
défunt décède sans postérité et que ses père et mère lui survivent, ces derniers peuvent dans tous les
cas exercer un droit de retour sur les biens que le défunt avait reçu d’eux par donation et ce à
concurrence des quotes-parts fixées au 1er alinéa de l’article 738 du Code civil.

L’article 738-2 du Code civil précise ensuite que la valeur de la portion des biens soumise au droit
de retour s’impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.
Enfin, ce texte prévoit que si le droit de retour ne peut pas s’exercer en nature, il s’exercera en
valeur dans la limite de l’actif successoral.
Le législateur de 2006 a ainsi reconnu aux père et mère du défunt donateur un droit de retour sur les
biens que le défunt mort sans descendant a reçu d’eux.
Ce droit de retour ainsi reconnu aux père et mère du défunt soulève de nombreuses questions.

L’article 738-2 du Code civil limite le droit de retour à concurrence des quotes-parts fixées au 1er
alinéa de l’article 738, c'est-à-dire si les père et mère du défunt lui survivent tous les deux, leur droit
de retour s’exercera à hauteur d’1/2, soit ¼ pour chacun des deux ascendants donateurs. Si un seul
lui survit, le droit de retour sera limité à ¼.

La première question est celle de savoir si l’article 738-2 du Code civil entend limiter le droit de
retour par ascendant à hauteur du quart de la succession ou à hauteur du quart des biens donnés.
Le texte de l’article 738-2 du Code civil est assez sibyllin et les avis en doctrine sont partagés.
Selon certains des premiers commentateurs de la loi de 2006, le droit de retour accordé aux père et
mère du défunt serait limité par ascendant au quart de la succession alors que pour d’autres auteurs,
ce droit de retour serait limité au quart des biens donnés.
Retenir un retour dans la limite du quart de la succession a le mérite de calculer la quote-part sur
celle qui constituait la réserve des ascendants qui est désormais supprimé. De plus, les travaux
parlementaires semblent aller dans le sens du quart de la succession.
Cependant certains auteurs considèrent toujours que la lettre de l’article 738-2 conduit à considérer
que l’assiette du droit de retour est d’un quart des biens donnés.

La nature juridique du droit de retour des père et mère du défunt est une autre question que soulève
ce droit de retour.
Les père et mère du défunt sont-ils, pour les biens considérés, héritiers du donataire défunt,
auquel cas le droit de retour serait bien un nouveau cas de succession anomale, ou bien les
ascendants donateurs reprennent-ils ces biens par l’anéantissement rétroactif du titre
d’acquisition du donataire et le retour valant alors, comme le droit de retour conventionnel,
condition résolutoire tacite (à savoir la survenance du décès même du donataire) ?
La question de la nature juridique de ce droit de retour peut avoir une certaine importance. Si le
retour accordé aux père et mère vaut condition résolutoire, il fait tomber les aliénations et charges
réelles que le donataire a pu consentir et qui sont nées de son chef, tandis que si ce droit de retour
est un cas de succession anomale, toutes ces aliénations et charges subsistent mais dan la mesure de
ce qu’il reste en nature des biens donnés au donataire parce que c’est une condition de principe de la
succession anomale.

Il paraît difficile à priori de trancher clairement la question de la nature juridique du retour ainsi
accordé aux père et mère du défunt.
En effet, on constate que ce droit de retour ne disparaît pas du fait que ces biens donnés ne se
retrouvent pas en nature au décès du donataire défunt.
L’article 738-2 du Code civil précise que dans ce cas, ce droit de retour s’exercera toujours mais en
valeur (exemple : aliénation du bien donné).

Ce texte précise que ce droit de retour, lorsqu’il s’exerce en valeur, s’exercera dans la limite de
l’actif taxable. On constate que le droit de retour accordé ainsi aux père et mère du défunt s’impute
sur ces droits successoraux des père et mère.
Cette précision semble ainsi exclure l’existence d’une succession anomale distincte du reste de la
succession qualifiée alors de succession ordinaire.

Malgré tous ces points qui conduisent à s’interroger sur la nature juridique de ce droit de retour,
nombre d’auteurs tranchent en faveur de la nature successorale de ce droit de retour.
Ce qui s’impose en revanche, c’est ce pourquoi le législateur a entendu reconnaître un droit de
retour aux père et mère du défunt.

Dans l’esprit du législateur de 2006, ce droit de retour constitue moins un moyen de conservation
des biens dans les familles qu’une contrepartie à la suppression de la réserve héréditaire des
ascendants que ce même législateur a supprimé.
Toutefois, c’est une contrepartie relative car ce droit de retour ne concerne que ceux qui auront eu,
leur vie durant, les moyens de faire des donations à leurs enfants.
Ce droit de retour devra se concilier, et ce concrètement, avec l’exercice du droit viager et
d’habitation reconnu au conjoint survivant dans l’hypothèse où le bien concerné est la résidence
familiale des époux et que ce bien a été donné par les parents de l’époux défunt.

SOUS-TITRE 2 :
LES DROITS DES SUCCESSIBLES DU
DEFUNT
Il convient de différencier les droits des héritiers du défunt et ceux de l’Etat. L’Etat est un
successible irrégulier qui n’est appelé à la succession que lorsqu’il n’y a ni parents au degré
successible, ni conjoint. La succession est dite alors en déshérence.

CHAPITRE 1 :
LES DROITS DES HERITIERS DU DEFUNT

Il faut faire une différence entre les droits des parents, héritiers du défunt et ceux du conjoint, qui,
lui par le mariage, n’est qu’un allié du défunt.

Section 1 : Les droits de la parenté du défunt en l’absence de conjoint


successible
Les droits de la parenté du défunt en l’absence de conjoint successible sont prévus aux articles 733
à 740 du Code civil et, aux termes de l’article 745, la successibilité en ligne collatérale ne va pas
au-delà du 6ème degré.
Les héritiers parents du défunt sont ses descendants, ses collatéraux privilégiés, ses ascendants et
ses collatéraux ordinaires qui constituent autant de catégorie, autant d’ordre d’héritier.

Sous-section 1 : Les droits des enfants et autres descendants du défunt

Les descendants constituent le 1er ordre des héritiers, ils excluent tous les autres parents du défunt.
Parmi ces descendants, les enfants du défunt sont des parents au 1er degré e ligne descendante, ils
sont appelés au 1er rang et se partagent la succession par tête à égalité de part.

S’il y a des enfants prédécédés, laissant eux-mêmes des enfants ou descendants, ceux-ci viennent
par représentation à la succession de leur auteur prédécédé. Le partage se fait alors par souche. Il en
est de même si les enfants renoncent ou sont déclarés indignes de succéder.

Toutes ces règles ne sont que la traduction de l’application des principes de base et des
aménagements de la dévolution légale, principes qui reposent eux-mêmes sur l’égalité des individus
et des souches.

La loi du 3 janvier 1972, portant réforme de la filiation, a posé un principe : celui de l’égalité des
filiations mettant ainsi fin à la diversité des statuts des enfants dits légitimes, naturels ou adoptés.
Mais, cette loi de 1972 a réservé toutefois, au plan successoral, la situation des enfants naturels
adultérins. Il a fallu attendre la loi du 3 décembre 2001 et après que la France ait été condamnée par
la CEDH pour que cette discrimination au plan successoral disparaisse de notre droit : CEDH, 1er
janvier 2000, arrêt MAZUREK.

L’égalité successorale des enfants et descendants du défunt est donc aujourd’hui quasi-absolue. Il
demeure quelques exceptions mais que l’on peut qualifier de résiduelles.
I- L’égalité successorale de principe des enfants et descendants du défunt

Ce principe de l’égalité et ce quelque soit leur filiation est sur le plan successoral quasi-absolu.
Cependant, cette égalité de principe doit parfois se concilier avec la situation familiale de certains
enfants et descendants, ceux non issus des deux époux tel, par exemple, l’enfant né d’un premier
mariage.

A- L’égalité successorale des enfants et descendants du défunt quelque soit


leur filiation

Quelque soit leur filiation et à condition que cette filiation soit légalement établie, tous les enfants et
descendants du défunt ont, sur le plan successoral, des droits égaux et sont, de principe, héritiers
réservataires du défunt.

Les termes même de filiation légitime et naturelle ne sont plus de mises aujourd’hui depuis
l’ordonnance du 4 juillet 2005 portant réforme du droit de la filiation et entrée en vigueur le 1er
juillet 2006.
Dorénavant, on doit raisonner de manière unique pour une filiation unique. Une loi du 16 janvier
2009 est venue ratifier l’ordonnance de 2005 tout en modifiant le droit positif de la filiation.

Cette simplification s’est matérialisée par l’introduction dans le livre 1 du Code civil d’un titre 7 ème
intitulé « De la filiation ».
Cette égalité de principe est affirmée à l’article 310 du Code civil et, sur le plan successoral, à
l’article 733 du même Code.

B- Le particularisme familial des enfants non issus des deux époux

La notion d’ « enfant non issu des deux époux » doit être précisée. Le terme « issu » est en effet
source de confusion. Il peut être interprété comme renvoyant à une filiation d’origine biologique
seulement. La Cour de cassation a exclu une telle interprétation et a substitué à l’expression
« enfant non issu des deux époux » celle plus claire d’ « enfant non commun des deux époux » :
Cass. Civile 1ère, 8 octobre 1985.

La situation d’enfant non commun aux deux époux recouvre actuellement plusieurs hypothèses :
- Enfant né d’un premier mariage ;
- Enfant né hors du mariage ou hors d’un mariage ;
- Enfant adoptif que le défunt a adopté seul soit simplement, soit plénièrement. L’adoption
plénière de l’enfant de son conjoint crée un lien bilatéral de parenté. Cet enfant a donc la
qualité d’enfant commun aux deux époux : article 356 du Code civil.

Le législateur a considéré qu’il était nécessaire dans une hypothèse de protéger l’enfant non
commun aux deux époux lors du décès du conjoint auteur de cet enfant : articles 1098 et 757 du
Code civil.
Cette hypothèse est celle où cet enfant est en présence du conjoint qui survit à l’époux défunt. Le
législateur est de permettre à l’enfant non commun aux deux époux de ne pas être en situation de
voir les biens de son auteur défunt lui échapper totalement. Cette protection se traduit par l’octroi
d’une prérogative propre à ces enfants non communs aux deux époux.

II- Les exceptions résiduelles à l’égalité successorale des enfants et


descendants du défunt
Ces exceptions sont peu nombreuses donc résiduelles. Elles concernent la situation de certains
enfants adoptifs et celle des enfants incestueux.

A- La situation de certains enfants adoptifs

L’égalité des enfants, quelque soit leur filiation, entraîne une égalité successorale laquelle, de
principe, les enfants adoptifs n’échappent pas.

L’exception est celle de la situation de l’adopté simple dans la succession de la famille de


l’adoptant.
Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière, il est assimilé à l’enfant « dont la filiation
est établie en application du titre VII du présent livre » : article 358 du Code civil.
Il peut donc prétendre recevoir dans la succession de l’adoptant et de sa famille des droits
successoraux égaux à ceux des autres enfants auxquels il est assimilé.

En revanche, quand il s’agit d’une adoption simple, l’alinéa 2 de l’article 368 du Code civil
précise que l’adopté simple et ses descendants n’acquièrent pas la qualité d’héritiers réservataires à
l’égard des ascendants de l’adoptant.
L’adopté simple, et ses descendants, pourra ainsi ne recueillir aucun bien dans la succession d’un
ascendant si l’ascendant a disposé de tous ses biens par donation ou legs à d’autres que l’adopté
simple.

B- Les enfants incestueux

La réforme du droit de la filiation opérée par une ordonnance du 4 juillet 2005 laisse subsister une
discrimination à l’égard de l’enfant incestueux. Cette discrimination est même encore plus sévère
qu’avant puisque l’article 310-2 du Code civil prohibe l’établissement même d’une filiation par
adoption pour ces enfants.

L’enfant incestueux est soumis à un statut particulier. En effet, si les modes d’établissement des
liens de filiation nt la même portée à son égard, la possibilité de faire établir le lien est restreinte.
L’article 310-2 du Code civil prévoit que « S'il existe entre les père et mère de l'enfant un des
empêchements à mariage prévus par les articles 161 et 162 pour cause de parenté, la filiation étant
déjà établie à l'égard de l'un, il est interdit d'établir la filiation à l'égard de l'autre par quelque
moyen que ce soit ». Cet article interdit d’établir le double lien de filiation à l’égard des père et mère
de l’enfant né d’un inceste, du moins dans le cas d’inceste dit absolu, c'est-à-dire lorsqu’aucune
dispense ne peut lever l’empêchement à mariage : article 164 du Code civil.
Cet enfant se trouve ainsi priver de droits successoraux dans la succession de son auteur à l’égard
duquel sa filiation n’a pu légalement être établie.
La filiation incestueuse devient ainsi un empêchement à adoption et donc une infériorité qui frappe
l’enfant ex-qualité, mesure difficilement qualifiable.
Il n’est pas sûr que la CEDH, si elle ne condamne pas le système partiellement prohibitif du droit
français, admette le prolongement conduisant à interdire l’adoption simple.

Sous-section 2 : Les droits des collatéraux privilégiés et père et mère du


défunt
Il convient de différencier deux situations. Ce deuxième ordre d’héritiers est tout d’abord celui des
collatéraux privilégiés, c'est-à-dire des frères et sœurs du défunt et leurs descendants. Mais, c’est
ensuite et aussi un ordre mixte lorsque le défunt laisse à son décès, outre des frères et sœurs et
descendants d’eux, ses deux parents ou l’un d’entre eux. Dans cette hypothèse, les deux parents
deviennent alors des ascendants privilégiés et concourent avec les collatéraux privilégiés.

I- La succession dévolue aux frères et sœurs du défunt et descendants


d’eux

Si e défunt décède sans postérité et s’il laisse des collatéraux privilégiés, en l’absence des père et/ou
mère du défunt, les collatéraux privilégiés recueillent l’intégralité de la succession.
Appelés à la succession de leur chef ou par représentation, les collatéraux privilégiés éliminent les
autres héritiers du défunt qui appartiennent à un ordre subséquent : article 737 du Code civil.

II- La succession dévolue aux frères et sœurs et père et/ou mère du défunt

Lorsque le défunt, mort sans postérité, laisse des frères ou sœurs ou leurs descendants, et ses père
et/ou mère, la loi prévoit une répartition forfaitaire de la succession. Chacun des père et mère reçoit
¼ de la succession et la moitié restante revient aux frères et sœurs ou leurs descendants : article 738
du Code civil.
Si l’un seulement des père et mère a survécu, ce parent alors en concours avec les collatéraux
privilégiés ne pourra prétendre qu’à ¼ de la succession. La portion qui aurait été dévolue au parent
prédécédé se réunit à la moitié des collatéraux privilégiés : article 738 alinéa 2 du Code civil.

Le partage ensuite de la moitié ou des ¾ dévolu aux collatéraux privilégiés se fera conformément à
certaines règles de base de la dévolution légale et à ses aménagements : application de la règle du
degré et celle de la représentation successorale.
Sous-section 3 : Les droits des ascendants
Les ascendants sont les père et mère, les grands-parents, les arrière grands-parents et autres aïeuls
du défunt.
Les ascendants ne sont appelés à la succession du défunt qu’à défaut d’héritiers des deux premiers
ordres.
Exception : lorsque le défunt laisse ses père et/ou mère et des collatéraux privilégiés. Dans cette
hypothèse, les père et mère du défunt concourent avec les frères et sœurs à la succession.

En l’absence de collatéraux privilégiés, les père et mère du défunt retrouvent alors leur ordre
d’origine, celui des ascendants. Ils perdent alors leur statut d’ascendants dits privilégiés. Cette
notion d’ascendant privilégié, comme celle d’ascendant ordinaire, sont des notions relatives.
Si le défunt ne laisse à son décès ni descendants, ni collatéraux privilégiés, mais seulement des
ascendants, ceux-ci excluent de la succession du défunt les collatéraux ordinaires lesquels
appartiennent au quatrième ordre : article 734 du Code civil.
La répartition de la succession d’un défunt qui ne laisse que des ascendants se fait sans discussion
possible depuis la loi du 23 juin 2006 en application des règles de la fente successorale : articles
738-1 et 747 du Code civil.

I- La présence d’ascendants des les deux branches maternelle et


paternelle

Au cœur de l’article 736 du Code civil, issu de la loi du 3 décembre 2001, lorsque le défunt ne
laisse ni descendant, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers, ses père et mère lui succèdent
chacun pour moitié.
Aux termes de l’article 738-1 du Code civil, issu de la loi du 23 juin 2006, lorsque seul le père ou
la mère survit et que le défunt n’a ni descendant, ni frère, ni sœur, ni descendants de ces derniers,
mais laisse un ou des ascendants de l’autre branche que celle de son père ou de sa mère survivant, la
succession est dévolue pour moitié au père ou à la mère et pour moitié aux ascendants de l’autre
branche.

La lecture du premier texte pourrait laisser penser que les père et mère du défunt, lorsqu’ils
survivent tous les deux, lui succèdent chacun pour moitié sans qu’il soit besoin pour cela de fendre
a succession en deux branches. La fente successorale ne jouerait alors que lorsque ne survit au
défunt qu’un seul de ses parents et qu’il existe un ou plusieurs ascendants dans l’autre branche
comme le laisserait entendre le second texte.
Cette lecture combinée des textes est inexacte. Dans toute hypothèse, même celle où le défunt laisse
ses deux parents, il y a lieu de fendre la succession entre ces deux branches maternelle et paternelle.
S’il existe d’autres ascendants, les père et mère les élimineront chacun pour sa branche en
application de la règle de la proximité du degré, sinon à quel titre les père et mère du défunt
recueilleraient-ils la moitié de la succession chacun ?
Lorsque les deux parents du défunt lui survivent, chacun des père et mère élimine dans sa branche
les autres ascendants.
Il est alors exact, d’un simple point de vue concret, que le père et la mère recueillent alors à eux
deux toute la succession et donc pour chacun la moitié.

II- La présence d’ascendants dans une seule branche

Si une seule des branches est représentée, quelque soit l’ascendant qui recueille la moitié dévolue à
cette branche, il a vocation à appréhender l’autre moitié dévolue à la branche vacante. Il y a
dévolution de branche à branche : article 748 dernier alinéa du Code civil.
La dévolution de branche à branche est la conséquence du fait que, malgré la fente, il n’y a pas deux
successions distinctes mais une succession unique répartie entre les héritiers.
Exemple : un défunt laisse sa grand-mère maternelle et sa mère. En application de la règle de la
proximité du degré, la mère élimine la grand-mère et elle recueillera alors toute la succession.

Sous-section 4 : Les droits des collatéraux ordinaires


Les collatéraux ordinaires sont tous les collatéraux autres que les frères et sœurs du défunt et
descendants d’eux. Il s’agit des oncles, tantes, cousins germains…du défunt.
Les collatéraux ordinaires ne sont pas appelés à la succession à l’infini puisqu’aux termes de
l’article 745 du Code civil, les parents collatéraux ne succèdent pas au-delà du 6ème degré.
Leurs droits successoraux sont réglementés aux articles 740 et 749 du Code civil.
La succession du défunt n’est dévolue aux collatéraux ordinaires qu’à défaut d’héritiers des trois
premiers ordres : article 740 du Code civil.
Si le défunt ne laisse que des collatéraux ordinaires, c’est la règle de la fente successorale qui
s’applique : article 749 du Code civil.

Si dans une branche il existe des collatéraux ordinaires et l’autre branche est vacante, il y a alors
dévolution de branche à branche.

Si dans une branche il existe des collatéraux de même degré, ils succèdent alors par tête : article
750 du Code civil.
Section 2 : Les droits du conjoint survivant successible
La situation successorale du conjoint survivant rencontre de l’existence de droits concurrents : l’un
fondé sur la parenté, l’autre sur le mariage, c'est-à-dire le lien d’alliance.

Dans un système successoral qui repose fondamentalement sur la parenté et sur la parenté par le
sang, le conjoint survivant a mis du temps à trouver sa place.
Toutefois, il convient aussi de tenir compte des avantages que peut lui procurer son régime
matrimonial, comme des libéralités que les époux peuvent se consentir.

Le conjoint survivant jouit d’un droit de succession véritable et non d’une simple créance contre
l’hérédité. Cette situation l’oblige, entre autres, à contribuer au paiement des dettes de la succession.
La qualité d’héritier à part entière ne peut lui être contestée même s’il n’apparaît pas en tant
qu’ordre d’héritier.
Ainsi, comme tout héritier, il a la saisine et peut, comme tout héritier saisi, exercer les droits et
actions du défunt sans avoir besoin d’accomplir aucune formalité préalable. Il peut procéder à
l’appréhension matérielle de n’importe quel bien de la succession, ce bien dû-t-il revenir
ultérieurement à quelqu’un d’autre.
Depuis la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant a la qualité d’héritier réservataire et la loi
du 23 juin 2006 en a accru la portée : article 914-1 du Code civil.

Sous-section 1 : Les conditions de la vocation successorale du conjoint


survivant
Outre les conditions communes à tous les successibles, la vocation successorale du conjoint
survivant obéit à des conditions propres qui ont évolué en législation.

I- L’existence d’un mariage valable


Il n’y a pas de droits de succession si le mariage a été déclaré nul. Toutefois, la nullité n’a aucun
effet rétroactif quand le mariage est putatif.

Si l’époux de bonne foi décède avant l’annulation du mariage, la dévolution de la succession


s’accomplit au profit du conjoint survivant à condition que sa bonne foi soit aussi reconnue : article
201 alinéa 1er du Code civil.

Si un des époux décède postérieurement à l’annulation du mariage, les ex-conjoints de bonne foi ne
gardent pas leur vocation successorale réciproque. Il n’y a pas de droits acquis.

Si un des époux était de mauvaise foi et s’il avait, avant le jugement de nullité, recueilli la
succession, il sera tenu de la restituer : article 201 alinéa 2 du Code civil.

En cas de mariage posthume, il n’y a aucun droit de succession au profit de l’époux survivant et
aucun régime matrimonial n’est réputé avoir existé entre les époux : article 171 du Code civil.

II- La non-dissolution du mariage

Le divorce supprime la qualité d’époux en mettant fin au mariage. Seulement, et ce à la différence


d’autres droits étrangers, il est nécessaire en droit français que la décision de divorce soit devenue
définitive, irrévocable pour que soit supprimée la qualité d’époux : article 732 du Code civil.

Le conjoint survivant en instance de divorce peut donc succéder à son conjoint prédécédé.
La loi du 3 décembre 2001 exigeait en outre du conjoint successible, l’absence de jugement de
séparation de corps ayant force de chose jugée prononcé contre lui.
C’est la loi du 23 juin 2006 qui a supprimé cette condition. Ainsi, dorénavant, le conjoint, à qui la
séparation est imputable, n’est plus déchu de son titre d’héritier.
Cette même loi a également supprimé les conditions particulières exigées du conjoint survivant
pour qu’il puisse prétendre à son droit à réserve.

Sous-section 2 : La vocation successorale du conjoint successible


Si la loi du 23 juin 2006 a modifié certaines règles qui intéressent le conjoint survivant, c’est la loi
du 3 décembre 2001 qui en a modifié substantiellement les droits et sa qualité d’héritier à part
entière.

La loi TEPA du 21 août 2007 est venue alléger substantiellement les droits de mutation à titre
gratuit, les droits de succession et de donation.
Ainsi, le conjoint survivant est exonéré des droits de mutation par décès, c'est-à-dire des droits de
succession sans condition autre que la justification de l’existence du lien conjugal : article 796 O
bis du CGI.
S’agissant des droits de donation, ils n’ont pas bénéficié de la loi TEPA.

I- La situation successorale du conjoint survivant en l’absence de


manifestation de volonté du défunt

Le conjoint est placé plus favorablement dans la hiérarchie successorale. Le conjoint survivant,
selon les hypothèses, a des droits successoraux en usufruit ou en propriété et ces droits en pleine
propriété ont été substantiellement accrus.
Le conjoint survivant se voit reconnaître d’autres droits dont les plus significatifs ont pour objet la
dernière résidence occupée à titre principal par ledit conjoint.

A- La place du conjoint survivant dans la hiérarchie successorale

Avant la loi du 3 décembre 2001, le conjoint survivant héritait d’un simple usufruit dans la plupart
des hypothèses.
Ce droit présentait des avantages mais des inconvénients surtout d’ordre économique.
Fondamentalement, ce droit d’usufruit plaçait le conjoint survivant dans une situation précaire
puisqu’il pouvait ne rien recueillir concrètement pour peu que le défunt ait laissé des héritiers
réservataires et qu’il ait disposé à titre gratuit d’une grande partie de ses biens.

La situation successorale du conjoint survivant doit s’apprécier à l’égard d’un ensemble de


prérogatives plus vastes.
Cependant, les auteurs de la loi de 2001 sont partis du constat que les libéralités entre époux ne
concernaient que les couples les plus aisés. Quant au bénéfice du régime matrimonial, celui du
régime légal ne suffit pas à garantir au conjoint survivant qu’il se maintienne dans le logement qu’il
occupait avec son époux.
Or, la situation du plus grand nombre correspond aux données suivantes : les successions s’élèvent
en moyenne à moins de 92 000 euros et sont composées à 80% du logement de la famille et à 20%
d’économies.
Partant de la nécessité de modifier le droit existant, il existait plusieurs solutions susceptibles d’être
retenues.
Pour l’essentiel, ce sont les travaux menés par la profession notariale qui ont inspiré les auteurs de
la loi de 2001 avec une idée force : le choix de la logique affective et l’abandon de la logique du
sang.
Ainsi, le conjoint survivant vient en concours avec les héritiers que sont les descendants du défunt
et ses père et mère : articles 757 et 757-1 du Code civil.
En revanche, le conjoint survivant évince tous les autres parents du défunt : frères, sœurs, neveux,
oncles, tantes… : article 757-2 du Code civil.
Concernant les grands-parents, arrières grands-parents et autres aïeuls, une créance d’aliments
contre la succession l’époux prédécédé est introduite dans le Code civil pour protéger ces
ascendants : article 758 du Code civil.

Quant aux frères et sœurs du défunt et descendants d’eux, le législateur, par dérogation à l’article
752-2 du Code civil, a prévu un droit de retour légal à leur profit.
Si le défunt, mort sans postérité, avait reçu des biens de ses père et mère, soit par succession, soit
par libéralité et si ces biens se retrouvent en nature dans sa succession, ils sont dévolus pour moitié
aux collatéraux privilégiés, l’autre moitié revenant au conjoint survivant.

B- La vocation successorale du conjoint survivant en propriété et en usufruit

La loi du 3 décembre 2001 a accru les droits du conjoint survivant en pleine propriété pour ne
limiter ses droits en usufruit qu’en présence de descendants et pas en toute hypothèse.

1- Les droits en pleine propriété du conjoint survivant

Quelque soit les parents laissés par le défunt, le conjoint survivant peut bénéficier de droits
successoraux en pleine propriété. Seule la quotité d ses droits varie en qualité des parents avec
lesquels le conjoint survivant se trouve en concours.

a- Les différentes quotités du droit en pleine propriété du conjoint survivant

Il faut différencier plusieurs situations :


 Le conjoint survivant est en concours avec des enfants ou autres descendants du
défunt
Le conjoint survivant a un choix entre l’usufruit de la totalité des biens existants au décès du défunt
et la propriété du quart de ses biens à condition que les enfants soient communs aux deux époux.
Dans cette hypothèse, la nature des droits successoraux du conjoint survivant dépend de sa volonté :
article 757 du Code civil.
Tant que le conjoint n’a pas manifesté son choix, ses droits sont incessibles et tout héritier peut
inviter par écrit ledit conjoint à exercer son choix.
Si ce dernier ne prend pas parti dans les trois mois, la loi considère alors que le conjoint a opté pour
l’usufruit. Il en va de même si le conjoint survivant décède avant d’avoir pris parti : articles 758-1 à
758-4 du Code civil.

Dans l’hypothèse où le conjoint est en concours avec des enfants ou descendants d’eux alors que
parmi les enfants du défunt, certains ne sont pas communs aux deux époux, le conjoint ne peut
prétendre qu’à un quart en pleine propriété : article 757 du Code civil.
L’absence de choix du conjoint survivant entre usufruit et pleine propriété vaut-elle aussi
dans l’hypothèse où les enfants non communs sont ceux du conjoint survivant ? La lettre de
l’article 757 du Code civil conduit à répondre par la positive.

 Le conjoint survivant est en concours avec les père et mère du défunt


Selon l’article 757-1 alinéa 1er du Code civil, le conjoint survivant recueille la moitié en pleine
propriété des biens existants au décès, l’autre moitié est dévolue pour ¼ à chacun des deux
ascendants du défunt.

L’article 757-1 alinéa 2 du Code civil prévoit que lorsqu’un seul des père et mère du défunt est
encore vivant, le conjoint survivant recueille les ¾ en pleine propriété des biens existants. La part
qui serait revenue au parent prédécédé ait dévolue au conjoint survivant.

 Le conjoint survivant est en présence d’autres parents du défunt


Le conjoint survivant recueille toute la succession en pleine propriété sous réserve du droit de retour
légal reconnu aux collatéraux privilégiés du défunt : articles 757-2 et 757-3 du Code civil.
Le conjoint survivant élimine ainsi de la succession du défunt les frères et sœurs du de cujus et leurs
descendants, les ascendants, autres que les père et mère, et les collatéraux ordinaires.

b- Calcul et exercice du droit en pleine propriété du conjoint survivant

L’article 758-5 du Code civil précise comment le droit successoral en pleine propriété du conjoint
survivant doit être calculé.
Deux masses de biens sont à différencier : la masse de calcul du droit de propriété du conjoint
survivant et sa masse d’exercice.

L’article 758-5 du Code civil prévoit que le calcul du droit de propriété sera opéré sur une masse
faite de tous les biens existants au décès de l’époux auxquels sont réunis fictivement ceux dont il
aurait disposé soit par acte entre vifs, soit par acte testamentaire au profit de successibles sans
dispense de rapport.
La composition de la masse de calcul tient compte au maximum des intérêts dudit conjoint.

Les biens existants au décès sont ceux dont le défunt était encore propriétaire au jour de sa mort et
dont il n’a pas disposé à cause de mort par testament ou institution contractuelle.
La masse de calcul exclut les biens légués.

Les biens ayants faits l’objet d’un droit de retour légal font-ils partis des biens existants ?
Cette question est discutée mais la Cour de cassation a répondu par la négative.

Les autres biens qui composent la masse de calcul sont ceux que les successibles doivent rapporter à
la succession.
Le rapport tend à rétablir l’égalité entre les co-héritiers et donc, à moins d’en avoir été dispensé par
le défunt, les héritiers doivent rapporter à la succession les biens qu’ils ont reçu à titre gratuit et qui
ne constituent alors qu’une avance sur leur part successorale.
La donation est présumée faite en simple avance sur la part successorale alors que le legs, lui, est
présumé fait hors part successorale.

Quant aux libéralités faites à des tiers, elles ne sont pas rapportables et sont donc exclues de la
masse de calcul. Ces libéralités ne sont réunies que fictivement aux biens existants. On ne prendra
en considération que leur valeur et cette valeur est celle fixée au jour du décès du défunt.
Les libéralités adressées au conjoint survivant font-elles parties de cette masse de calcul ? La
question est discutée et le débat est réapparu avec la solution du législateur de 2006 quant à la
question de savoir si le conjoint survivant cumule ou non ses droits successoraux et les libéralités
dont il a pu être gratifiés par le défunt.

De cette masse de calcul se dégage le montant théorique, c'est-à-dire le maximum auquel le conjoint
survivant peut prétendre et la quotité est d’un quart de la masse déterminée.
Le conjoint survivant ne peut exercer son droit légal de propriété que sur des biens libres et non sur
tous les biens qui composent la masse de calcul de son droit pour tenir compte des intérêts des
autres héritiers.

Aux termes de l’article 758-5 du Code civil, le droit légal de propriété du conjoint survivant ne
peut s’exercer ni sur les biens qui ont fait l’objet de libéralités rapportables, ni sur ceux qui font
l’objet de la réserve héréditaire, ni sur ceux qui sont l’objet d’un droit de retour légal.

Le jeu de ces multiples exclusions peut aboutir à ce que cette masse d’exercice n’ait aucune
existence effective et que le droit légal en pleine propriété du conjoint survivant demeure purement
théorique.

2- Les droits en usufruit du conjoint survivant

La seule hypothèse où les droits légaux du conjoint survivant sont en usufruit est celle où, n’étant
en présence que d’enfants communs aux deux époux, le conjoint survivant opte pour la totalité de
ses droits en usufruit.

L’article 757 du Code civil précise que cet usufruit successoral ne peut porter que sur les biens
existants au décès du défunt, ce qui exclut qu’il s’exerce sur les biens donnés par le défunt même
rapportables et sur les biens qui composent la réserve héréditaire.

Faut-il exclure des biens existants soumis à l’usufruit, les biens que le défunt aurait disposés à
cause de mort ? Cette question est discutée.
Avant la loi du 3 décembre 2001, l’usufruit successoral du conjoint survivant était calculé sur une
masse de biens qui, au titre des biens existants, excluait les biens légués.
Cette solution doit, nous semble-t-il, être maintenue car admettre le contraire serait porter atteinte,
en l’absence d’un texte explicite, à la liberté testamentaire.

En raison des inconvénients que peut présenter le démembrement de la propriété, les articles 759 à
762 du Code civil prévoient une conversion de l’usufruit soit en rente viagère (article 759 du Code
civil), soit en capital (article 761 du Code civil).
La faculté de demander la conversion de l’usufruit en rente viagère est d’ordre public et elle est
reconnue aux héritiers nus-propriétaires mais aussi au conjoint survivant lui-même.
Cette conversion concerne tout usufruit : usufruit légal ab intestat mais aussi celui dont le conjoint
survivant serait gratifié par libéralité.
Il ne s’agit donc pas que de protéger les héritiers nus-propriétaires mais aussi de permettre au
conjoint survivant de se débarrasser d’un usufruit dont il ne voudrait plus (article 759 du Code
civil).
Cette demande de conversion peut résulter d’un accord des intéressés et, à défaut d’accord, c’est le
juge qui tranchera avec une limite : le juge ne pourra pas, contre la volonté du conjoint survivant,
ordonner la conversion de l’usufruit qui porte sur le logement qu’il occupe à titre de résidence
principale ainsi que sur le mobilier qui le garnit (article 760 du Code civil).
Une conversion en capital est aussi possible mais aux termes d’un accord entre les héritiers nus-
propriétaires et le conjoint survivant (article 761 du Code civil).

Converti en rente viagère ou en capital, cette conversion de l’usufruit du conjoint survivant ne


produit pas d’effet rétroactif sauf volonté contraire des parties. Cette conversion est comprise dans
les opérations de partage (article 762 du Code civil).

C- Les autres prérogatives reconnues au conjoint survivant successible

La loi reconnaît au conjoint survivant un certain nombre de droits dont les plus significatifs
intéressent la résidence occupée par le conjoint au décès de son époux.

1- Le droit d’habitation et d’usage sur le logement et le mobilier qui le garnit

Ces droits accordés au conjoint survivant sont réglementés aux articles 764 à 766 du Code civil.

a- Caractères et exercice des droits d’usage et d’habitation accordés au


conjoint survivant

Les droits d’usage et d’habitation sont des droits réels réglementés aux articles 625 à 636 du Code
civil. Ces droits réels s’établissent et se perdent de la même manière que le droit réel d’usufruit. On
parle à leur propos de mini-usufruit car le titulaire de ces droits ne jouit pas de l’intégralité des
prérogatives accordées à l’usufruitier et ceux accordés au conjoint survivant encore moins : article
764 alinéas 3, 4 et 5 du Code civil.
Les droits d’habitation et d’usage ont un caractère viager comme l’usufruit, ils s’éteignent au décès
de son titulaire. Ceux accordés au conjoint survivant ont, par ailleurs, un caractère successoral qui
n’est pas d’ordre public puisque le défunt peut priver son conjoint de ce droit viager au logement.
Le caractère successoral du droit viager au logement reconnu au conjoint survivant résulte de ce que
ce droit, aux termes de l’article 765 du Code civil, s’impute sur les droits successoraux que le
conjoint aura recueilli dans la succession.
Si ces droits excèdent le droit viager au logement, le conjoint survivant ne sera pas contraint à
« rembourser » la succession.
Si ces droits sont inférieurs, celui-ci pourra prendre le complément de ses droits dans les biens
existants.

Pour certains auteurs, le caractère successoral du droit viager au logement reconnu au conjoint
survivant présente un aspect particulier : ce droit s’apparente moins au droit successoral proprement
dit qu’à un droit contre la succession.
L’existence d’un délai d’un an, dont le conjoint dispose pour manifester sa volonté de l’exercer, est
différent du délai d’option successorale. Ainsi, l’on peut envisager, mais point très discuté, que le
conjoint survivant renonce à la succession sans que cela le prive, s’il le désire, d’exercer son droit
viager au logement.
Ce délai d’un an est prévu par l’article 765-1 du Code civil.

La nature du logement qu’occupait effectivement le conjoint survivant à titre d’habitation principale


au décès de son époux n’est pas nécessairement la résidence commune des époux. Le législateur a
semble-t-il voulu appréhender plusieurs situations : celle des couples unis mais aussi celle des
couples en crise, c'est-à-dire séparés de fait.
Ce que la loi exige du logement est qu’il constitue, au décès du défunt, l’habitation principale du
conjoint survivant et que ce dernier l’occupe effectivement à cette date.
L’article 764 du Code civil prévoit que lorsque la situation du conjoint survivant évolue et que le
logement grevé des droits d’habitation et d’usage n’est plus adapté à ses besoins, le conjoint peut le
louer à usage seul d’habitation afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions
d’hébergement.

Enfin, d’un commun accord entre le conjoint survivant et les autres héritiers, ces droits d’usage et
d’habitation pourront être convertis en une rente viagère ou en capita : article 766 du Code civil.

b- Evaluation des droits d’usage et d’habitation accordés au conjoint


survivant

Aux termes de l’article 8 de la loi du 3 décembre 2001 et de l’article 762 bis du CGI, il est
précisé que la valeur des droits d’habitation et d’usage est de 60% de la valeur de l’usufruit
déterminé conformément à l’article 669 du CGI.
Le législateur, ici, renvoie au barème fiscal d’équivalence entre l’usufruit et la nue-propriété,
barème qui varie en fonction de l’âge de l’usufruitier et qui est utilisé pour la liquidation des droits
de mutation à titre gratuit.

Exemple : pour un conjoint âgé de 61 à 71 ans révolus, l’usufruit est évalué à 4/10ème et la nue-
propriété à 6/10ème.
Pour un bien valant en pleine propriété 100, l’usufruit est de 40 et la nue-propriété est de 60.

La valeur de l’usufruit une fois déterminée, la valeur des droits d’habitation et d’usage sera égale à
60% de la valeur de l’usufruit.

Pour reprendre l’exemple, les droits d’habitation et d’usage seront égaux à 60% de 40, soit 24.

2- Le droit temporaire au logement et au mobilier qui le garnit

Aux termes de l’article 763 du Code civil, il est reconnu également au conjoint survivant un droit
au logement et au mobilier qui garnit le logement à condition que ce logement soit occupé par le
conjoint survivant au décès à titre d’habitation principale. Ce droit est une droit temporaire, la durée
prévue est d’une année et, à la différence du droit viager d’habitation et d’usage, il ne s’agit pas
d’un droit successoral mais d’un effet direct du mariage et il est d’ordre public : article 763 alinéa
3 du Code civil.

Il faut différencier deux situations :


- Si le logement appartient aux deux époux ou dépend totalement de la succession du défunt,
le conjoint survivant a, de plein droit, pendant une année la jouissance gratuite dudit
logement.

- Si l’habitation du conjoint survivant était assurée au moyen d’un bail à loyers ou s’il
s’agissait d’un logement appartenant pour partie indivise au défunt, les loyers ou indemnités
d’occupation seront remboursés au conjoint survivant par la succession pendant une année
au-fur-et-à-mesure de leur acquittement.

C’est la loi du 23 juin 2006, et à l’initiative du notariat, qui a ajouté à l’hypothèse du logement
assuré au moyen d’un bail à loyers, celle du logement appartenant pour partie indivise au défunt.

Comment la jouissance gratuite accordée au conjoint survivant s’articule avec les droits dont
il est titulaire sur ce logement ? Est-ce que l’exercice de ces droits doit être reporté au terme
du droit temporaire au logement ?
Cette question n’est pas sans intérêt sur le plan fiscal.
En vertu de l’article 669 du CGI, s’agissant du calcul des droits de succession, il est tenu compte
que « des droits ouverts au jour de la mutation de la nue-propriété ». Or, si on admet que le droit
d’usufruit ou le droit viager d’habitation et d’usage ne commence qu’à s’exercer qu’au terme du
délai d’un an, la conséquence sera que les héritiers nus-propriétaires seront taxés lors du dépôt de la
déclaration de la succession sur la valeur de la pleine propriété.

L’instruction ministérielle du 7 avril 2003 a précisé que la coexistence du droit viager


d’habitation et d’usage et du droit temporaire au logement, il convient de prendre en compte l’âge
du conjoint survivant au terme de l’exercice du droit temporaire au logement pour l’application du
barème de l’article 669 du CGI.
L’administration fiscale considère que les deux doits se succèdent dans le temps et que le droit
viager au logement est imposable à partir de l’expiration du droit temporaire.
Cette position de l’administration fiscale est discutable car ces deux droits ne sont pas
juridiquement de même nature et peuvent donc se cumuler simultanément sur la tête du conjoint
survivant.

L’administration fiscale admet que lorsque le défunt était locataire, le montant des loyers peut être
porté au passif e la succession, tout comme le montant des indemnités d’occupation : article 775
quater du CGI et instruction ministérielle du 22 novembre 2007.

En revanche, lorsque le défunt était propriétaire de son logement, l’administration fiscale refuse la
déductibilité du droit temporaire au logement aux motifs que le conjoint survivant, ayant un titre
légal à occuper le logement, bénéficie, en application de l’article 764 bis du CGI, de l’abattement
de 20% prévu sur la valeur d’un tel bien qui sera porté sur la déclaration de succession.

3- Le droit à une pension alimentaire

Aux termes de l’article 767 du Code civil, la succession de l’époux prédécédé doit une pension au
conjoint survivant successible qui est dans le besoin. Cette pension est prélevée sur la succession.
Elle est supportée d’abord par tous les héritiers, et en cas d’insuffisance par tous les légataires
particuliers, et ce proportionnellement à leur émolument.
Cette pension peut être réclamée au terme du délai d’un an à compter du décès ou à partir du
moment où les héritiers cessent d’acquitter les prestations qu’ils fournissaient auparavant au
conjoint.

III- Le rôle de la volonté du défunt

La volonté du défunt est prise en compte par la loi s’agissant de la situation successorale soit
positivement, soit pour en limiter la portée.

A- L’exclusion du droit d’habitation et d’usage sur le logement

Le défunt peut manifester sa volonté d’exclure pour son conjoint le droit d’opter pour les droits
d’usage et d’habitation sur le logement qu’il occupait effectivement jusqu’au décès du défunt.
Cette exclusion doit, selon l’article 764 du Code civil, être exprimée par testament authentique
mais elle reste sans incidence sur les droits d’usufruit que le conjoint recueille en vertu de la loi ou
d’une libéralité qui continuent à obéir à leurs règles propres.
Le choix du testament authentique pour l’expression de la volonté du défunt est justifié par le souci
d’éviter tout mouvement d’humeur de ce dernier.
Cette exclusion ne vaut logiquement que dans l’hypothèse où ledit logement appartient aux époux
ou dépend totalement de la succession.

B- La limite à la liberté du défunt de disposer de ses biens à titre gratuit


Si le conjoint survivant non divorcé est en concours avec des parents du défunt autres que des
descendants, l’article 914-1 du Code civil, modifié par la loi du 23 juin 2006, prévoit que les
libéralités faites par le défunt ne pourront excéder les ¾ des biens de la succession.

Il est reconnu au conjoint survivant successible un droit à réserve d’une quotité égale à ¼ des biens
de la succession dès lors que le conjoint survivant ne se trouve pas en concours avec des
descendants du défunt.

Avant 2006, un droit à réserve n’était accordé au conjoint survivant qu’à défaut de descendant et
d’ascendant du défunt.
Depuis la loi de 2006, seuls les descendants sont reconnus héritiers réservataires.

Le conjoint survivant successible limite ainsi par sa présence la liberté fondamentale du défunt de
disposer de ses biens à titre gratuit.

CHAPITRE 2 :
LES DROITS DE L’ETAT

Aux termes de l’article 811 du Code civil, l’Etat peut prétendre à la succession d’une personne
lorsque celle-ci est décédée sans héritier ou en présence d’une succession abandonnée.

Une personne est considérée décédée sans héritier lorsqu’il n’existe d’une part, aucun héritier au
degré successible parent du défunt, ni conjoint survivant, d’autre part, en l’absence de légataire et
de donataire universel : article 724 dernier alinéa du Code civil.

Une succession est déclarée abandonnée ou vacante d’une part, lorsqu’il ne se présente personne
pour réclamer la succession et qu’il n’y a pas d’héritier connu, d’autre part, lorsque tous les héritiers
connus ont renoncé à la succession et enfin lorsqu’après l’expiration d’un délai de six mois depuis
l’ouverture de la succession, les héritiers connus n’ont pas opté de manière tacite ou expresse :
article 809 du Code civil.

Les successions vacantes sont réglementées aux articles 809 à 810-12 du Code civil.
Le juge est saisi sur requête par toute personne intéressée (créancier, Ministère public…).
Le président du TGI, saisi, confie alors la curatelle de la succession vacante à l’autorité
administrative chargée du domaine. Cette curatelle prend fin soit par l’affectation intégrale de l’actif
de la succession au paiement des dettes et legs, soit par la réalisation de la totalité de l’actif et la
consignation du produit net, soit par la restitution de la succession aux héritiers dont les droits sont
reconnus et soit par l’envoi en possession de l’Etat : article 810-12 du Code civil.

Il peut arriver que le défunt, par testament, institue l’Etat légataire universel. Cela suppose
l’absence d’héritier réservataire. Cette situation témoigne plus une affection à la société qu’une
hargne contre les héritiers.

L’Etat est le dernier dans la liste des bénéficiaires de la succession.

Deux questions peuvent être posées :


- En quelle qualité l’Etat recueille-t-il une succession en déshérence ? En qualité d’héritier ou
de souverain ?
- Comment s’opère la transmission de la succession ainsi acquise ?

Pour la jurisprudence, l’Etat recueille les biens de la succession en vertu d’un droit de souveraineté.
Il recueille donc les successions en déshérence. Au même titre que les biens vacants et sans maître,
il n’est pas un héritier mais exerce un droit de souveraineté.
Pour prendre possession d’une succession, l’Etat doit demander un envoi en possession. Cet envoi
est obtenu du juge judiciaire (compétence du TGI) et fait ainsi de l’Etat un successeur irrégulier :
article 724 dernier alinéa du Code civil.

TITRE 2:
LE POUVOIR DE LA VOLONTE DANS LA
DEVOLUTION SUCCESSORALE
Depuis toujours, dans toutes les législations, les libéralités ont été soumises à un régime plus
rigoureux que les actes à titre onéreux. Plusieurs raisons:
− L'acte désintéressé est suspect au législateur et il est nécessaire de prendre des mesures pour
s'assurer que le volonté exprimée est bien réelle.

− La disposition à titre gratuit est la manifestation du droit individuel poussé à l'extrême et celui
qui dispose ainsi de son patrimoine est susceptible de sacrifier sa famille et ses créanciers.

La distribution des biens ne peut pas dépendre de la seule volonté du propriétaire de ces biens. La
loi se doit de respecter les droits de la famille et des créanciers.
CHAPITRE 1:
LES DIFFERENTS MODES DE DISPOSER A TITRE
GRATUIT

La libéralité est un acte juridique et à titre gratuit. La notion de libéralité tend à isoler les éléments
constitutifs de la libéralité en tant qu'acte juridique à titre gratuit.
La loi du 23 juin 2006 a apporté des modifications importantes sans cependant remettre en cause les
différents types de libéralités reconnus et admis jusqu'alors.
La succession est un mode légal ou volontaire de transférer les biens.
La succession volontaire est déterminée librement par le testateur ou l'instituant qui détermine les
successeurs et les biens qu'il veut transférer.

Section 1: Notion et classification des libéralités


I. La notion de libéralité

La libéralité est un acte juridique à titre gratuit. Il faut alors différencier le gratuit de l'onéreux.
La libéralité se caractérise par deux éléments constitutifs: un élément matériel et un élément moral
qualifié d'intention libérale.

A. La distinction des actes à titre gratuit et ceux à titre onéreux

D'un point de vue économique, la gratuité d'un acte se reconnaît à ce que l'une des parties accomplit
une prestation, transfère un bien sans rien recevoir en échange.
Cette donnée économique ne suffit pas à identifier un acte gratuit sinon cela porterait confusion
avec l'enrichissement sans cause.
Il faut ajouter un élément psychologique qui explique le geste de l'auteur de l'acte.

Les actes à titre gratuit et les contrats sont des contrats unilatéraux en raison de ce que l'absence de
contrepartie à l'engagement du débiteur se manifestera par l'absence d'obligation à la charge de
l'autre partie au contrat.
Cependant, on peut, dans certains cas, considérer certains contrats à titre gratuit comme des contrats
synallagmatiques tels que la donation avec charges mais la classification reste discutée.

B. La distinction des libéralités et des contrats de service gratuit

Cette distinction correspond à une subdivision propre aux actes à titre gratuit. Les libéralités sont
des actes par lesquels une personne s'appauvrit au profit d'une autre. Elle lui transfère la propriété
d'une chose ou lui concède un droit réel: article 893 du Code civil.

Les contrats de service gratuit (= contrats de bienfaisance) sont des actes par lesquels une
personne, sans disposer de ses biens, procure à l'autre partie un avantage gratuit soit dans un service
(exemple: le dépôt), soit dans la concession d'un droit de jouissance (exemple: le prêt à usage), soit
dans le crédit qu'elle lui procure (exemple: le cautionnement → Cass. Civile 1ère, 27 janvier
1982).
Ces contrats ne réalisent pas un appauvrissement d'une des parties, ce n'est qu'un simple manque à
gagner.
C. Les éléments constitutifs de libéralités: acte de disposition à titre gratuit

Pour cerner la notion de libéralités, on pourrait se contenter d'un critère formel tel qu'il se dégageait
par exemple de l'ancien article 893 d'où il résultait qu'il n'y avait de libéralités que là où les formes
des donations ou testaments étaient respectées.
Cependant, la donation entre vifs et le testament peuvent constituer les formes abstraites d'un acte
qui ne contient pas les éléments fondamentaux de la libéralité.
Exemple: le testament par lequel le défunt se borne à régler ses funérailles.

À l'inverse, un acte en apparence à titre onéreux qui, de ce fait, échappe au formalisme des
donations peut déguiser une libéralité.

Il y a des actes neutres qui ne révèlent pas d'emblée ce qu'ils réalisent.


Exemple: la remise de dettes peut être un acte à titre onéreux si elle n'est que le paiement du prix de
cession d'un bien ou elle peut être une libéralité si elle se réalise contre aucune contrepartie et sans
être elle-même la contrepartie de quoique ce soit.

La libéralité comprend deux éléments essentiels:


− Un élément intentionnel;
− Un élément matériel, c'est-à-dire un appauvrissement et un enrichissement corrélatifs.
La réunion de ces deux éléments est indispensable à l'existence d'une libéralité.

1. L'élément intentionnel

L'élément intentionnel est la volonté d'enrichir la personne à qui la personne s'adresse. L'intention
libérale est distincte du consentement dans la mesure où ce consentement peut être vicié et
l'intention libérale existée: affaire Ravel, Cass. Civile 1ère, 8 juillet 1970.

L'élément intentionnel est une notion difficile à cerner. Pour un certain nombre d'auteurs, l'intention
libérale intéresse la cause de l'acte. Elle serait ainsi la cause juridique de l'acte qu'est la libéralité.

Différentes approches:
− Approche affective qui correspond à un sentiment de pure bienveillance;
− Approche abstraite qui correspond à la conscience chez le disposant de ne pas recevoir de
contrepartie.

Lorsqu'il s'agit de différencier l'acte à titre gratuit de l'acte qui ne l'est pas, c'est la conception
abstraite qui est privilégiée.
L'élément intentionnel joue un rôle important dans la qualification de l'acte à titre gratuit qu'est la
libéralité.
Ce rôle est significatif lorsqu'on se trouve dans des hypothèses où l'élément matériel est ambigu au
regard de la différence du gratuit et de l'onéreux. La preuve de l'intention libérale est alors décisive.
De principe, l'intention libérale ne se présume pas et doit donc être prouvée.
Ainsi, en application de l'article 1315 du Code civil, il appartient à celui qui allègue l'existence
d'une intention de donner d'en rapporter la preuve. Cette preuve peut se faire par tous moyens car
l'intention de donner est un fait juridique.

Il existe des circonstances dans lesquelles l'intention libérale fait l'objet d'une véritable présomption:
don manuel.
2. L'élément matériel

Dans la libéralité, le disposant doit s'appauvrir d'un bien et le gratifié doit s'en enrichir
corrélativement.
Il ne suffit donc pas de constater un appauvrissement et un enrichissement, il faut relever entre ces
deux faits un rapport de causalité ou au moins de corrélation.

Si on prend l'exemple d'une donation entre vifs, le donateur s'appauvrit en donnant une chose qui se
trouve dans son patrimoine ou en assumant une obligation qui grèvera son patrimoine. En principe,
tout appauvrissement du donateur, fut-il de valeur infime, peut constituer une libéralité: Cass.
Commerciale, 5 octobre 2004.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les témoins de Jéovah qui cherchaient à établir
que les offrandes reçus par l'association, en raison de leur modicité, échappaient à la taxation fiscale
des dons manuels.

La seule modicité de l'acte ne conduit donc pas à une disqualification de cet acte qui demeure une
libéralité et en l'occurrence une donation.

La libéralité dite modique est une donation prélevée sur les revenus, ce qui la différencie des
présents ou des cadeaux d'usage pour lesquels ce qui est pris en compte est le but de l'acte en
conformité aux usages.
Pour les présents et cadeaux d'usage, il n'apparaît pas nécessaire de protéger le patrimoine du
donateur. Ils échappent ainsi à de nombreuses règles de libéralités (article 852 du Code civil). Ceux-
ci demeurent juridiquement des libéralités.

3. L'exigence cumulative des éléments matériel et intentionnel

Ces deux éléments sont essentiels à l'existence de la libéralité, même si en jurisprudence la notion
de libéralité apparaît en particulier quand est en jeu la qualification d'un acte, comme une fonction
fonctionnelle dans le sens que lorsque la protection des intérêts du donateur est en cause, l'élément
intentionnel est pris en considération.

Si les droits des créanciers sont en péril, c'est l'élément moral qui est pris en considération.

Si les héritiers risquent d'être frustrés dans leur espérance, c'est la notion d'appauvrissement du
donateur qui apparaîtra au premier plan.

Certains auteurs considèrent que c'est justement parce que la jurisprudence ne veut pas donner dans
toutes les circonstances les mêmes notions qu'elle n'a pas tenu de définir la notion de libéralité.
Reste que l'élément intentionnel ne joue pas un rôle négligeable dans la qualification d'un acte.

Pour la jurisprudence, la qualification de libéralité exige deux principes: la constatation des deux
éléments, matériel et intentionnel, qui caractérisent la libéralité: Cass. Civile 1ère, 14 février 1989.

II. Les différents types de libéralités et leur classification

Pour le législateur, il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament:
article 893 du Code civil.
Deux catégories de libéralités sont donc ainsi reconnues: la donation entre vifs et le legs.
Il faut toutefois signaler l'existence de l'institution contractuelle qui procède de par sa nature à la
fois de la donation et du legs.
Ces différentes libéralités obéissent à une classification.

A. Les différentes catégories de libéralités

La donation et le legs sont les deux seuls types de libéralités prévus par la loi. Cette limitation est la
première manifestation de la défiance générale du législateur à l'égard de ces actes de disposition à
titre gratuit que sont les libéralités.

La libéralité n'est pas n'importe quel acte juridique. La plupart des principes du droit commun des
actes juridiques subissent des restrictions significatives.

Le législateur a entendu posé des obstacles à l'accomplissement ou l'efficacité des libéralités. Ce


n'est qu'à l'égard de certaines d'entre elles, à savoir celles consenties au bénéfice de la famille, qu'il
se montre plus favorable.

1. La donation entre vifs

La donation entre vifs est un contrat, en principe, solennel, par lequel une personne, le disposant
ou donateur, se dépouille actuellement et de manière irrévocable d'un bien au profit d'une autre
personne, le gratifié ou donataire, qui accepte ce contrat: article 894 du Code civil.

La donation entre vifs se différencie de la donation à cause de mort usitée dans l'ancien droit et qui
a disparu dans notre droit actuel.
La donation à cause de mort est une libéralité qui se faisait par contrat mais qui produisait à peu
près les effets d'un legs. Son efficacité était subordonnée au prédécès du donateur. Le donataire
survivant conservait le bénéfice de la donation, mais s'il mourait le premier, la donation
s'évanouissait. La donation à cause de mort était révocable au gré du donateur. Elle a disparu de
notre droit en tant que forme particulière de disposition à titre gratuit.

Cependant, cette espèce de donation ne fait pas l'objet d'une prohibition directe, elle est seulement
interdite en tant qu'elle serait incompatible avec les principes établis par le Code pour les donations
et en particulier sa révocabilité.
La donation entre vifs dépouille le donateur de son vivant et est en principe irrévocable.

2. Le legs

Le legs est la libéralité véhiculée par un acte appelé testament. Le testament n'est pas un contrat
mais un acte de volonté unilatérale, établi selon certaines formes légales par lequel une personne,
appelée testateur, peut disposer de tout ou partie de ses biens pour le temps où elle n'existera plus au
profit de personnes dénommées légataires er qu'elle peut révoquer jusqu'à son décès.
Une transmission gratuite de biens à cause de mort ne peut se faire qu'au moyen d'un legs. Le
transfert de la propriété des biens ne se fera qu'au décès du testateur.

Le mot « legs » n'est pas un substantif du verbe « léguer » dans lequel le « s » du nominatif se serait
conservé.
La forme du mot « legs » est moderne car elle ne remonte pas au-delà du XVIème siècle.

3. L'institution contractuelle: entre donation et legs

L'institution contractuelle est une donation mais qui a pour objet tout ou partie des biens que le
donateur laissera à son décès. Il s'agit d'une donation de biens à venir.
L'institution contractuelle est donc un contrat par lequel le bénéficiaire est institué successeur du
disposant dénommé instituant.
Cette libéralité a donc une nature hybride puisque, par sa formation, elle est une donation, mais elle
est un legs par son objet.
Cette libéralité n'est tolérée et admise que dans les rapports familiaux.

Connue de l'ancien droit, elle y jouait un grand rôle puisqu'elle servait à empêcher les jeunes filles,
qui épousaient des aînés de familles nobles, d'être trompées dans leur espérance par une faute
commise par les parents du marié en aliénant leurs biens de leur vivant.
La Révolution supprima cette libéralité. Le Code de 1804 l'a rétablie dans l'intérêt du mariage.
En effet, une libéralité par testament ne conférait aux époux qu'un droit fragile puisque révocable
librement. Une donation entre vifs dépouillerait immédiatement le donateur qui peut être n'y a pas
consenti car il avait besoin de son bien pour vivant.
L'institution contractuelle conciliait tous ces intérêts opposés.

Aujourd'hui, notre droit connaît des institutions contractuelles révocables et irrévocables. Ainsi, il
est permis tout d'abord aux père et mère, autres ascendants ou parents collatéraux des époux et
même à des tiers, par contrat de mariage, de disposer à certaines conditions de tout ou partie de
leurs biens qu'ils laisseront au jour de leur décès et ce, au profit desdits époux et des enfants à naître
de ces époux: article 1082 du Code civil.
La loi permet aussi aux futurs époux par contrat de mariage de se consentir simplement ou
réciproquement une donation de biens à venir: article 1093 du Code civil.
Dans ces deux hypothèses, l'institution contractuelle est de principe irrévocable: articles 1083 et
1093 du Code civil.

La loi autorise aussi les époux durant le mariage à se consentir une donation de biens à venir
laquelle est toujours révocable.
On a beaucoup discuté pour savoir si l'institution contractuelle était une donation à cause de mort.
En général, on la qualifiait de donation entre vifs car elle est irrévocable et que le trait
caractéristique de la donation à cause de mort paraissait être sa révocabilité. Cependant, c'était
donner trop d'importance à la règle « donner et retenir ne vaut ».
Cette question est toujours discutée qui plus est avec l'institution contractuelle de donation entre
époux pendant le mariage qui est révocable.

B. La classification des libéralités

Pour la majorité des auteurs, on peut distinguer les libéralités selon leur nature (contractuelle ou
unilatérale), selon leur objet (biens présents ou biens à venir), selon la force reconnue à la volonté
du disposant de reprendre ce qu'il a légué ou donné.

1. La nature contractuelle ou unilatérale de la libéralité

Pour l'essentiel, cette opposition se traduit par le fait que pour la liberté contractuelle il y a concours
de volonté alors que pour l'acte unilatéral les deux volontés du testateur et du légataire ne sont que
successives. L'acceptation du légataire ne peut intervenir qu'après la mort du disposant alors que
l'acceptation du donataire doit se faire du vivant.

2. L'objet de la libéralité

Disposition à cause de mort, le testament et le legs qu'il contient, n'a pour objet que des biens à
venir définis comme des biens que le défunt laisse à son décès et leur propriété ne s'acquiert pour le
légataire qu'à cette date.
L'article 943 du Code civil prévoit que la donation entre vifs ne peut comprendre que les biens
présents du donateur. Si elle comprend des biens à venir, elle sera nulle à cet égard.

La donation entre vifs implique un transfert actuel et immédiat de la propriété des biens donnés.
De principe, seule la donation de biens présents est valable. On entend par « biens présents », les
biens dont le donateur est déjà propriétaire au jour de la donation mais aussi ceux pour lesquels il
n'a encore qu'un droit suspendu par une condition.
En revanche, ne peut être considéré comme un bien présent un bien que le donateur se propose
acquéreur et sur lequel il n'a encore aucun droit.
La donation de biens à venir est autorisée dans les rapports familiaux.

3. La mesure du repentir: libéralité révocable ou irrévocable

Le testament est révocable ainsi que le legs qu'il véhicule: article 895 du Code civil.
La donation entre vifs est de principe irrévocable: article 894 du Code civil.
La révocabilité du testament est de son essence même portant les dernières volontés du défunt,
celui-ci doit pouvoir le modifier jusqu'à son décès. Le droit de repentir est ici absolu.

Pour les donations, le principe de l'irrévocabilité de ces libéralités doit être précisé afin de mesurer
la portée exacte des exceptions qui y sont apportées.

a. Le principe de l'irrévocabilité spéciale des donations

Le législateur édicte une règle de fond qui, s'agissant des donations, renforce l'irrévocabilité du droit
commun des contrats tel que prévu par l'article 1134 alinéa 2 du Code civil.
Aux termes de ce texte, les conventions ne peuvent être révoquées que par consentement mutuel des
deux parties.

Exception: on peut conventionnellement prévoir la rupture unilatérale par l'une des parties du
contrat conclu: Cass. Civile 1ère, 3 avril 2001.

Cette possibilité de rupture unilatérale a été considérée comme incompatible avec le mécanisme de
la donation. C'est pourquoi l'irrévocabilité du principe des donations entre vifs posée à l'article 894
du Code civil est une irrévocabilité renforcée par rapport à celle du droit commun des contrats.
L'irrévocabilité des donations exclut tout ce qui pourrait permettre au donateur un retour de volonté.
Il ne peut de principe se réserver aucun moyen direct ou indirect ce qu'il a donné. Il ne peut pas se
réserver le droit de repentir conventionnel.

L'irrévocabilité renforcée n'intéresse que les donations et s'applique à tous types de donations
mêmes celles qui ne sont pas faites selon les formes solennelles tel que le don manuel, la donation
indirecte ou déguisée.
Cette irrévocabilité fonde aussi la nullité de principe qui ne porte pas sur des biens présents car
celui qui donne des biens qu'il n'a pas mais qu'il se propose d'acquérir ou des biens qu'il laissera à
son décès a la possibilité de revenir sur son don. Il lui suffit de ne pas acquérir les premiers et de
disposer des seconds avant son décès.
Ce n'est qu'à titre d'exception et en matière familiale que la donation de biens à venir est autorisée et
admise.

Le principe de l'irrévocabilité spéciale, renforcée des donations prohibe certaines clauses comme la
donation faite sous condition qui dépend de la seule volonté du donateur, que cette condition soit
simplement ou purement potestative: article 944 du Code civil.
En revanche, le principe de l'irrévocabilité ne s'oppose pas à ce que la donation soit consentie sous
certaines modalités pourvu que ces modalités ne permettent pas au donateur de revenir sur sa
libéralité.

b. Les limites au principe de l'irrévocabilité spéciale des donations

Le principe de l'irrévocabilité spéciale, renforcée des donations entre vifs connaît un certain nombre
de limites à savoir dans l'hypothèse où la loi admet que la donation puisse être retirée au donataire.
Les causes de révocation des donation sont présentées dans le Code civil comme des exceptions à la
règle de l'irrévocabilité des donations entre vifs: cf intitulé Section 2, Chapitre 4.
Or, il parait difficile de considérer la plupart de ces causes comme de véritables exceptions. Elles
présentent bien plus le caractère d'une résolution fondée sur des cas particuliers qu'une révocation
véritable.
Exemples: donation avec charges pour le donataire alors que ces dernières n'ont pas été exécutées:
article 954 du Code civil.
De même, pour la révocation pour cause d'ingratitude: article 957 du Code civil.
Dans les deux cas, la résolution pourra être demandée par le donateur à titre de sanction.
Les véritables exceptions au principe de l'irrévocabilité sont les donations pour lesquelles on
reconnaît qu'elles sont révocables.

c. La donation de biens à venir ou institution contractuelle

Si le principe de l'irrévocabilité renforcée des donations rend nul les donations de biens à venir, le
législateur en admet l'existence à titre exceptionnel.
Logiquement, cette donation, de par son objet, se doit d'être révocable. Il n'en est cependant pas
ainsi pour toutes les institutions contractuelles admises par la loi.
Il faut préciser la portée exacte de l'irrévocabilité de certaines d'entre elles.

L'institution contractuelle faite entre époux durant le mariage est révocable ad nutum: article 1096
alinéa 1er du Code civil.
Cette donation déroge au principe de l'irrévocabilité renforcée des donations et également à celle du
droit commun des contrats.
Ainsi, l'époux donateur peut revenir à tout moment sur sa donation par une simple déclaration
unilatérale de volonté. La volonté du donateur a la même liberté que le testateur pour revenir sur ce
qu'il a fait.
Le législateur a considéré que de telles donations présentaient un danger particulier: abus
d'influence d'un époux sur l'autre. Cette institution contractuelle produit les effets d'un legs en
raison de son objet et de sa révocabilité.

Pour les institutions contractuelles faites par contrat de mariage soit entre futurs époux, soit par des
tiers ou parents au profit des époux ou enfants à naître sont irrévocables: articles 1082, 1083 et
1093 du Code civil.

L'irrévocabilité de ces donations doit être précisée. Ainsi, ces donations sont affranchies de la règle
« donner et retenir ne vaut », c'est-à-dire du principe de l'irrévocabilité renforcée des donations en
ce sens que le donataire peut disposer de ses biens à titre onéreux jusqu'à son décès.
En revanche, et tel que le précise l'article 1083 du Code civil, le donateur ne peut pas disposer des
biens, objets de l'institution à titre gratuit, sauf pour des sommes modiques ou à titre de récompense.
Par là, s'exprime le trait essentiel de l'institution contractuelle à savoir qu'elle institue un héritier par
contrat et ce dernier est protégé par les dispositions à titre gratuit.
Dans cette mesure, l'institué se trouve dans la situation d'un héritier à réserve.
L'irrévocabilité déclarée de cette institution contractuelle explique le fait que certaines règles des
donations lui soient appliquées (exemple: règle d'imputation des donations).

Section 2: La succession volontaire


La succession est un mode légal ou volontaire de transférer les biens.
La succession testamentaire et la succession contractuelle sont des modes volontaires de transférer
puisqu'en vertu de la loi elle-même, c'est par la volonté du propriétaire, aujourd'hui défunt, que les
biens passent de son patrimoine à celui de son légataire ou son institué: articles 895 et 957 du
Code civil.

Si les qualités requises par la loi pour succéder s'imposent pour l'essentiel à toutes les catégories de
successeurs, légaux ou volontaires, la détermination du successeur comme celle des biens qu'il
recueille oppose les deux types de succession.
Dans la succession légale, la loi détermine les successeurs et les biens qu'il recueille. Il convient
d'interpréter éventuellement les textes en suivant les règles d'interprétation des lois.

Dans la succession volontaire, le successeur étant déterminé librement ainsi que les biens recueillis,
il peut se poser le problème d'interprétation de la volonté du testateur ou de l'instituant. Ce sont
alors les articles 1156 et suivants qui s'appliqueront.

I. La succession testamentaire

Toute personne peut, en principe, disposer de ses biens en les attribuant à son décès à une ou
plusieurs personnes déterminées. Le droit de tester est un attribut du droit subjectif de propriété. Ce
droit, cependant, n'est pas absolu en ce sens qu'il se doit de respecter l'impératif d'un ordre public
successoral telle l'existence d'un droit à réserve au profit de certains héritiers.

A. La portée de la volonté du testateur dans la détermination du


successeur

C'est la question de l'institution d'héritiers qui est ici posée. Pour l'essentiel, le Code civil de 1804
est resté fidèle à l'idée du droit coutumier que le testateur ne peut pas faire des héritiers. Sont seuls
héritiers les héritiers par le sang. Il est seulement permis au testateur de faire des legs et la personne
appelée à bénéficier par testament de tout l'actif successoral ne portera pas le titre d'héritier
testamentaire mais celui de légataire universel.

Une fois cette distinction de principe précisée, le Code civil a, cependant, effacé toutes les
différences entre l'héritier testamentaire et le légataire universel, au moins lorsque ce dernier ne se
trouve pas en concours avec des héritiers réservataires puisque dans ce cas le bénéficiaire du legs
sera réduit au montant de la quotité disponible: article 967 du Code civil.

Le mot « légataire » s'applique donc aujourd'hui à des personnes qui ont des droits bien différents.
Le légataire universel recueille le patrimoine du défunt comme le ferait un héritier.
Le légataire particulier n'a le droit qu'à un bien particulier comme le donataire.

B. Les dispositions testamentaires

La loi ne reconnaît d'effet qu'à la volonté du testateur si celle-ci revêt la forme d'un testament. La
forme est ici nécessaire pour donner force juridique à la volonté.
Le testament, en conséquence, peut être fait non seulement pour disposer de ses biens mais aussi
pour régler certaines modalités de la dévolution légale.
Le testateur qui peut transmettre ses biens à ses héritiers a le droit de dire à quelles conditions ils les
recueilleront.
Il existe une diversité de contenu des dispositions testamentaires.

1. Le legs

Il existe 3 catégories de legs:


− Le legs universel;
− Le legs à titre universel;
− Le legs particulier ou à titre particulier.

La disposition la plus importante est la désignation d'un légataire universel. Ce dernier est appelé à
recueillir toute la succession et il a une vocation éventuelle au tout: article 1003 du Code civil.
Cela signifie que si le légataire n'obtient qu'une partie des biens c'est soit parce qu'il existe d'autres
légataires, soit parce qu'il existe des héritiers réservataires. Si tous ces concurrents font défaut, c'est
lui qui recueillera la totalité des biens car il a vocation au tout.

Le legs à titre universel est celui qui donne droit seulement à une partie des biens: article 1010 du
Code civil.
Ce peut être une quote-part de l'universalité des biens ou une quote-part des immeubles ou des
meubles.
Cette énumération contenue dans l'article 1010 du Code civil semble limitative puisque ce texte
ajoute que tout autre legs ne forme qu'une disposition à titre particulier.
Il faut tenir compte de la jurisprudence laquelle a reconnu comme legs à titre universel, le legs en
usufruit de la totalité des biens ou de la quotité disponible ou encore d'une quote-part de la
succession.

Le legs particulier ou à titre particulier permet au testateur de disposer d'une ou plusieurs choses
au profit de bénéficiaires particuliers. Si le testament contient seulement des legs particuliers, il y a
dévolution légale de la succession. L'héritier doit acquitter les legs particuliers. Si le testament
désigne un légataire universel, la charge des legs particuliers tombe sur le légataire universel.

Le legs est dit caduque lorsqu'il ne peut produire ses effets malgré la volonté du testateur. La
caducité du legs n'est en fait pas autre chose qu'une impossibilité d'exécution (exemple: décès du
légataire avant le testateur: article 1039 du Code civil).

Le legs est révoqué lorsqu'il a a été valable mais vient ensuite à tomber pour cause postérieure. Tout
legs est révocable du vivant du testateur par sa seule volonté. Toutefois, il est des hypothèses où
cette disposition testamentaire peut être révoquée en justice à un moment où le legs est devenu
définitif par le décès du testateur. Ainsi, les legs sont révocables pour inexécution des conditions et
ingratitude envers le testateur: articles 1046 et 1047 du Code civil.

Il ne faut pas confondre la caducité et la révocation du legs avec sa réduction. Le legs est réductible
quand il dépasse la quotité disponible et la réduction peut conduire à faire tomber totalement le legs
si le testateur a déjà disposé de toute la quotité disponible par donation. Dans ce cas, le legs sera
déclaré caduque car il ne pourra pas être exécuté.

2. L'exhérédation

L'exhérédation est la disposition par laquelle le testateur exclut de sa succession un héritier qui
serait appelé par la loi à raison de sa parenté.
Aucun texte ne définit l'exhérédation pour la raison que celle des héritiers réservataires n'est plus
possible dans notre droit.
En revanche, en l'absence d'héritiers réservataires, le testateur peut ruiner complètement les
espérances de ses héritiers présomptifs, non réservataires par définition.

L'exhérédation peut se présenter sous deux formes différentes:


− Elle est faite à titre principal;
− Elle est faite à titre conditionnel et elle est alors insérée dans le testament à titre de « clause
pénale ».
Exemple: pour le cas où les héritiers n'exécuteraient pas les dispositions testamentaires voulues
par le testateur. L'exhérédation apparaît ici comme une sanction de l'inexécution du testament
d'où l'expression « clause pénale ».

3. L'exécution testamentaire

L'exécution testamentaire est l'accomplissement d'un mandat que le testateur donne à une
personne afin de surveiller, après son décès, l'exécution de ses dernières volontés: article 1025 du
Code civil.
La situation et les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire sont réglés aux articles 1025 à 1034 du
Code civil tels que modifiés par la loi du 23 juin 2006.

II. La succession contractuelle

La succession contractuelle est exceptionnelle. L'institution contractuelle traduit la volonté du


légataire de lever certains obstacles mis à l'efficacité ou à l'accomplissement des libéralités lorsque
certaines d'entre elles sont destinées à la famille.

L'institution contractuelle est de nature hybride par la forme, c'est une donation entre vifs, et par son
objet, c'est un legs en ce qu'elle permet au donataire ou institué de recueillir les biens du donateur
ou instituant décédé; en un mot, de lui succéder.

L'institution contractuelle, en tant que donation, constitue un contrat qui exige le consentement de
l'instituant et de l'institué. Ce contrat est soumis aux règles de forme des donations. L'instituant doit
avoir, au jour de l'acte, la capacité de donner et non pas seulement celle de tester. Certains aspects
des effets de l'institution contractuelle s'apparentent à ceux de la donation. Ainsi, lorsque
l'institution contractuelle dépasse la quotité disponible, elle est réduite en principe à sa date comme
toute donation et non comme un legs c'est-à-dire avant toutes les donations.
Cette solution ne vaut avec certitude que pour l'institution contractuelle faite par contrat de mariage
en raison de son irrévocabilité.

En tant que legs, l'institution contractuelle peut être faite au profit de personnes qui n'existent pas
encore lors de l'acte mais qui existent au moment du décès. La capacité du bénéficiaire de recevoir à
titre gratuit est celle de recevoir par testament.
Par ailleurs, l'objet de l'institution contractuelle peut être universel ou à titre universel comme pour
les legs.
Enfin, pour les causes de caducité, l'institution contractuelle est, comme un legs, privée d'effet en
cas de prédécès de son bénéficiaire.

Les effets de l'institution contractuelle conduisent à différencier deux temps.


A. Les effets de l'institution contractuelle antérieurement au décès

Avant l'ouverture de la succession, les effets de l'institution contractuelle sont distincts s'agissant de
la situation du disposant et celle de l'institué.
1. La situation de l'instituant

L'institution contractuelle est une donation de biens que le défunt laissera à son décès, c'est donc
une donation de succession.
Comme en matière de testament, la succession n'étant pas encore ouverte, aucune transmission
immédiate de la propriété des biens ne peut avoir lieu lors de la conclusion de l'acte.
Pour l'institution contractuelle par contrat de mariage, l'instituant ne peut plus, en principe, rien faire
qui aille à l'encontre de son engagement. En principe, si les actes à titre gratuit, donation ou legs,
des biens objets de l'institution sont exclus, les dispositions à titre onéreux ne sont pas interdites.
Durant la vie de l'instituant, pour cette variété qu'est l'institution contractuelle par contrat de
mariage, l'institué est un héritier auquel on a garanti une vocation successorale, à savoir un titre qui
confère les droits d'un héritier.

Pour l'institution contractuelle entre époux durant le mariage, elle fonctionne comme un legs.

L'institué héritier n'est pas garanti de recevoir au décès de l'instituant les biens objets de la donation.
L'instituant peut révoquer ad nutum.

2. La situation de l'institué

L'institué se trouve exactement dans la situation d'un héritier. Il en a la qualité mais en tant
qu'héritier, il n'a aucun droit actuel, il n'a qu'un droit éventuel quant à l'émolument: Cass. Civile
1ère, 16 juillet 1981.

L'institué ne peut donc pas empêcher le donateur de dissiper sa fortune en en disposant à titre
onéreux. Il ne peut même pas prendre des mesures conservatoires en dehors des cas prévus par la
loi.

B. Effets de l'institution contractuelle à l'ouverture de la succession

Quand la succession de l'instituant s'ouvre, l'institué, qui est un véritable héritier contractuel, est
amené à se prononcer de la même façon qu'un successible appelé par la loi ou par le testament du
défunt à condition que le donataire institué soit encore vivant et capable de succéder au de cujus.

S'agissant de l'institution contractuelle faite par contrat de mariage, cette institution peut être faite
par des tiers aux futurs époux ou aux enfants à naître. Dans ce cas, quand le donataire est prédécédé,
le droit de recueillir de la succession de l'instituant s'ouvre au profit de ses enfants ou descendants
issus du mariage. Ceux-ci recueillent la succession de leur chef, ils ne viennent pas comme héritiers
de leur père ou mère prédécédé, ils sont eux-mêmes donataires de l'instituant bien qu'ils ne fussent
encore ni conçus, ni nés au jour de la donation.

Comme ils sont investis d'un droit qui leur appartient en propre, les enfants du donataire peuvent
recueillir de l'institution contractuelle bien que le donataire vivant ait renoncé à la succession du
donateur.
Certes, l'alinéa 1 de l'article 1082 du Code civil n'a prévu que le cas du prédécès de l'époux donateur
parce que c'est le fait qui donne ordinairement ouverture aux droits des enfants, mais on ne peut
tirer de là un argument a contrario pour refuser à ceux-ci le droit d'accepter après la renonciation du
donataire en première ligne.

Pour l'institution contractuelle faite par contrat de mariage, l'institué peut attaquer toute donation
qui porte atteinte à son droit et, en principe, l'action ouverte à l'héritier contractuel devrait être la
revendication.
La jurisprudence lui reconnaît à tout le moins une action personnelle en restitution contre les
donataires postérieurs: Cass. Civile 1ère, 24 février 1969.

en acceptant la succession du défunt ou la partie de cette succession qui lui est attribuée, l'institué
en devient propriétaire de la même façon qu'un héritier, c'est-à-dire avec effet rétroactif au jour du
décès.

CHAPITRE 2:
LES REGLES GENERALES APPLICABLES AUX
LIBERALITES

La libéralité, en tant qu'acte juridique, doit, pour être valable, satisfaire aux conditions empruntées
au droit commun des actes juridiques.
Cependant, on constate en la matière un certain particularisme par rapport aux règles applicables à
tout acte juridique, illustration de la méfiance du législateur à l'égard des actes de dispositions à titre
gratuit que sont les libéralités.

Section 1: Le formalisme des libéralités


Le formalisme exigé par la loi pour la donation et le testament ne tend pas seulement à extérioriser
la volonté, il est également destiné à protéger la ou les parties à l'acte en attirant leur attention sur
l'importance de l'acte envisagé et au-delà d'elles à défendre les intérêts de la famille.

I. Formalisme et donations
Le Code civil exige que la donation soit faite par acte authentique devant notaire dans la forme
ordinaire des contrats.
La solennité est requise à peine de nullité de la donation: article 931 du Code civil.
La règle de forme paraît donc impérative. Il n'en est rien. Le Code civil prévoit l'emploi de la forme
solennelle pour l'acte destiné à constater le contrat de donation.
Mais, une donation peut résulter de toute opération juridique dans laquelle une personne, mue par
une intention libérale, transmet à une autre un élément de son patrimoine. En ce sens, la donation
est un phénomène économique. Il existe donc diverses manières de réaliser une donation.

A. La donation notariée

Aux termes de l'article 931 du Code civil, l'acte portant donation doit être passé devant notaires.
L'emploi du pluriel au mot « notaire » date du temps où selon l'ancien article 9 de la loi du 25
ventôse an XI. Cet acte devait être reçu, comme les autres actes, par deux notaires ou par un notaire
assisté de deux témoins.
La loi du 28 décembre 1966, modifiant cet article 9, autorise la réception de la donation par un seul
notaire.

L'acceptation de la donation doit être manifestée en termes exprès, soit dans le même acte que
l'offre de donation, soit dans un acte authentique ultérieur qu'il faut alors notifier au donateur:
article 932 du Code civil.

Toutes ces formalités sont requises à peine de nullité de la donation. Dès lors, l'acte sous seing privé
par lequel une personne s'engagerait à céder à une autre un bien meuble ou immeuble avec une
intention libérale serait nul.
Cette nullité de la donation est une nullité absolue du vivant du donateur: article 1339 du Code
civil.
Elle devient relative après son décès puisque nulle en la forme, elle peut être confirmée par les
héritiers du donateur: article 1340 du Code civil.

B. Les donations dites informelles


Il existe différentes manières de réaliser une donation. Il existe des dons manuels, des donations
indirectes et des donations déguisées.
Elles sont parfois dénommées donations informelles ou donations hors étude pour les opposer à la
donation constatée en la forme notariée.

1. Le don manuel

On définit traditionnellement le don manuel comme la donation d'un meuble corporel réalisée par
simple tradition. De là, le nom de ce genre de donation signifie donation de la main à la main.

a. La propriété d'une chose transférée par tradition réelle

Le don manuel consiste dans la tradition réelle d'un objet mobilier à la personne que l'on veut
gratifier. Cette tradition réelle constitue par elle-même un acte juridique abstrait, c'est-à-dire
indépendant de sa cause. Il peut donc servir de soutien à une donation comme à toute autre
convention.
Depuis le Code civil, la validité du don manuel n'a jamais été sérieusement remis en cause.
Aujourd'hui, il est unanimement admis en doctrine et en jurisprudence: Cass. Civile 1ère, 11 juillet
1960.

Le changement survenu dans la composition des patrimoines a eu pour conséquence un


développement croissant du don manuel, en particulier dans les rapports familiaux.
Parallèlement, on assiste à une dématérialisation de la tradition par la réalisation du don manuel au
moyen de la remise d'un chèque ou d'un virement de compte à compte. Ces dons manuels sont
reconnus valables en jurisprudence: Cass. Commerciale, 19 mai 1998.

Ces nouveaux procédés conduisent à s'interroger sur la permanence de la définition classique


traditionnelle du don manuel.

La tradition réelle de l'objet donné, élément constitutif du don manuel, présente par nature un aspect
formel. Elle se réalise par un geste, c'est-à-dire remise de la main à la main.
Cependant, la tradition est aussi un mode de transfert et en tant que tel, la tradition n'assure que le
transfert de la possession du bien meuble. C'est pourquoi le champ d'application du don manuel doit
de principe coïncider avec celui de l'article 2276 du Code civil pour que l'on puisse envisager la
validité du transfert de la propriété.

Dans les hypothèses où la tradition est dématérialisée, il peut apparaître difficile d'y voir encore un
don manuel tel que classiquement défini. En réalité, ce qui importe pour la jurisprudence ce n'est
pas tant le respect de la définition classique du don manuel qui importe que celui de l'article 894 du
Code civil et la définition de la donation qu'il contient.
Les nouveaux modes de transfert de la possession d'un bien meuble se doivent d'assurer le
dessaisissement actuel et irrévocable du donateur.
La seule question qui se pose en définitive est donc celle de la compatibilité du procédé choisi avec
les règles impératives de la donation en général et non celles particulières du don manuel.
C'est l'exigence d'un dépouillement actuel et irrévocable de la part du donateur qui fonde la
jurisprudence laquelle reconnaît et valide les dons manuels réalisés au moyen de nouveaux modes
de transmission: Cass. Civile 1ère, 5 février 2001; Civile 1ère, 23 janvier 2001; Civile 1ère, 10
février 1993.

b. La preuve du don manuel

La preuve de l'existence d'un don manuel est une illustration de ce que l'élément intentionnel de la
donation fait dans certaines circonstances l'objet d'une véritable présomption.

Plusieurs hypothèses à distinguer:


− Celle de la preuve du don manuel par le donataire qui se trouve en possession du bien;
− Celle de la preuve du don manuel par le donataire qui n'est pas en possession du bien ou le
donateur ou ses héritiers agissant en révocation ou réduction contre le donataire;
− Celle de la preuve du don manuel par un tiers.

La jurisprudence est claire en la matière. Le possesseur qui prétend avoir une chose en, don manuel
bénéficie d'une présomption et il appartient à la partie adverse de rapporter la preuve de l'absence
d'un tel don ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur du bien ne réunit pas les
conditions pour être efficace.
La présomption dont bénéficie le possesseur est la conséquence de l'application de l'alinéa 1 de
l'article 2276 du Code civil qui, dans notre hypothèse, joue en tant que règle de preuve puisque ce
qui est en cause c'est la réalité même du transfert de la propriété du bien meuble au possesseur.
Ce dernier va se prévaloir de sa possession en tant que présomption de titre sous-entendu titre de
propriété. Il appartient alors à ceux qui entendent contester l'existence du titre de faire tomber cette
présomption. Il s'agit le plus souvent des héritiers du défunt. Pour se faire, il dispose de plusieurs
moyens:
− Tout d'abord, en démontrant l'absence de titre, l'absence de don.
La possession, ici, n'est pas contestée, elle opère présomption de titre et le titre dont il s'agit est un
don manuel. Il appartiendra donc aux héritiers de démontrer l'absence d'intention libérale pour que
soit établie l'absence de don manuel et donc l'absence de titre.

− Démontrer que la possession dont se prévaut le détenteur du bien meuble est viciée.
Le système repose sur la possession et pour être efficace, c'est-à-dire productrice d'effets de droit
dont celui de présumer l'existence d'un titre, la possession doit être non viciée.
Les héritiers, dans ce cas, ne vont pas s'attaquer à la qualité même de possesseur du défendeur mais
aux qualités de sa possession. Et c'est au jour du prétendu don manuel qu'il conviendra alors de se
placer pour déterminer si les qualités de la possession permettaient ou pas de présumer l'existence
de ce don: Cass. Civile 1ère, 4 avril 1984.
Sur ce terrain, c'est le vice d'équivoque qui est le plus souvent avancé et le plus souvent caractérisé.
Ce vice peut résulter de la cohabitation du défendeur, donataire supposé, avec le défunt sans que, a
priori, pour la jurisprudence, le concubinage n'emporte automatiquement équivoque de la
possession.

2. La donation indirecte

La donation indirecte est celle qui résulte qu'un acte juridique qui ne présente pas les caractères
d'un acte de donation mais qui oblige celui qui le passe à une prestation sans contrepartie.

Cet acte réalise une donation s'il est fait dans une intention libérale. La donation indirecte peut
résulter d'un acte qui est par lui-même un acte abstrait, c'est-à-dire dont la cause n'est pas indiquée.
La donation, dans ce cas, n'est pas déguisée puisque l'acte n'est en soi ni à titre onéreux, ni à titre
gratuit.
Exemple: remise d'une somme d'argent au moyen de la remise d'un chèque.
Cette remise est qualifiée de don manuel une fois l'intention de donner non contestée. Or, le chèque
est un mécanisme abstrait puisqu'il ne nous renseigne nullement de lui-même sur la cause de sa
remise à un tiers.
Certains auteurs considèrent que l'intention libérale établie, la qualification de donation indirecte
apparaît plus appropriée que cette retenue en jurisprudence de don manuel.

La donation indirecte peut résulter aussi de la stipulation contenue dans un acte juridique, lequel
acte est généralement à titre onéreux.
Lorsque la stipulation est faite au profit d'un tiers, celui-ci profite indirectement de l'acte passé entre
les parties. Il y a une libéralité accessoire incluse dans un acte qui est fait à titre onéreux et qui
échappe par suite à toute exigence de forme.
Exemple: l'assurance-vie ou l'assurance-décès au profit d'un tiers. Cette assurance est elle-même
sous-tendue par le mécanisme de la stipulation pour autrui.

3. La donation déguisée

La donation déguisée est celle qui est faite sous l'apparence d'un contrat à titre onéreux. La
simulation consistant à feindre l'existence d'une contrepartie qui en réalité ne doit pas être fournie.
Exemple: le donateur vend le bien qu'il entend donner et n'exige pas le prix fixé fictivement dans
l'acte.

C'est ainsi que l'achat pour autrui entre époux mariés sous le régime de la séparation de biens a
longtemps été considéré comme le procédé le plus usuel pour effectuer une donation déguisée entre
époux.
Exemple: un époux acquiert à titre onéreux un bien grâce à des deniers qui lui ont été donnés à titre
gratuit par son conjoint.

Si, de principe, la libéralité faite sous le couvert d'un acte à titre onéreux est valable (Cass. Civile
1ère, 27 octobre 1993), la donation, déguisée entre époux a longtemps été déclarée nulle (ancien
article 1099 du Code civil).
La loi du 26 mai 2004, entrée en vigueur le 1er mai 2005 et portant réforme du divorce, a supprimé
la nullité des donations déguisées entre époux qui sont désormais valables.

II. Les formes du testament

Le testament est un acte unilatéral et c'est un acte solennel. Le principe du formalisme ne reçoit ici
aucune entorse parce que la volonté unilatérale du disposant ne peut acquérir de valeur juridique
qu'en s'exprimant de la manière déterminée par la loi.
Le testament requiert en premier lieu pour sa validité un écrit: article 895 du Code civil.
En second lieu, cet écrit doit être rédigé dans des formes précises et prescrites à peine de nullité.

Le Code civil offre trois formes principales de testament. Depuis la loi du 29 avril 1994, le Code
civil offre une quatrième forme qui est celle du testament international.

A. Le testament olographe

Le testament olographe doit satisfaire à trois conditions: il doit être écrit en entier de la main du
testateur; il doit être daté et signé par lui: article 970 du Code civil.
Le testament olographe est ainsi très proche d'un testament sous signature privée.
Les conditions exigées à l'article 970 le sont à peine de nullité du testament.
La date et la signature du testament olographe donne lieu à un abondant contentieux: Cass. Civile
1ère, 14 janvier 2003; 11 février 2003; 10 mai 2007.
B. Le testament public ou authentique

Comparer au testament olographe, le testament authentique ou public présente l'inconvénient de ne


pas être totalement secret. En revanche, il présente sur lui l'avantage d'être conservé par le notaire et
d'être ainsi protégé au maximum contre toute falsification ou destruction.

Le testament authentique est celui qui est reçu par un notaire et son formalisme est particulièrement
sourcilleux. Ainsi, le testament doit être dicté par le testateur devant deux notaires ou un seul notaire
accompagné de deux témoins: article 971 du Code civil.
Soit le notaire écrit lui-même, soit il fait écrire à la main ou mécaniquement. Il donne ensuite
lecture du testament et fait du tout, mention expresse dans l'acte: article 972 du Code civil.
Testateur, témoins s'il y en a et notaire(s) apposent leur signature dans l'acte: articles 973 et 974 du
Code civil.

C. Le testament mystique

Le testament mystique est un testament secret soumis à un formalisme à mi-chemin entre le


testament olographe et le testament authentique.
Le terme « mystique » est pris dans son sens primitif et veut dire secret.
Cette forme de tester présente l'avantage de permettre à quelqu'un qui, par exemple, ne peut pas
écrire mais qui doit savoir lire, de faire son testament avec plus de secret encore qu'en comporte la
forme authentique: articles 976 à 979 du Code civil.
C'est la forme la moins usitée du testament.

Section 2: Le consentement des parties


Parce qu'elles sortent du cycle économique normal, les libéralités sont vues avec méfiance par le
législateur et le consentement en est une illustration. Le consentement fait l'objet de dispositions
plus rigoureuses qu'en droit commun et il est protégé d'une façon spéciale par lui.

I. L'expression du consentement

Le testament contient l'expression actuelle de la volonté du testateur bien qu'il ne produise effet
qu'après sa mort.
La déclaration de volonté diffère du simple projet et de l'acceptation, du légataire ne peut intervenir
qu'après le décès du testateur.
Il y a donc deux volontés successorales et non un concours de volonté.

La donation, qui est un contrat, suppose l'échange des consentements et le Code exige une
acceptation spéciale et expresse du donataire, acceptation qui doit intervenir avant le décès du
donateur: article 932 du Code civil.

C'est à propos du consentement du disposant, donateur ou testateur, qu'une rigueur plus grande est
constatée par rapport au droit commun des actes juridiques.
Aux termes de l'article 901 du Code civil, modifié par la loi du 23 juin 2006, « Pour faire une
libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par
l'erreur, le dol ou la violence ».

A. L'insanité d'esprit

Les donations et testaments peuvent être attaqués après le décès de leur auteur pour cause d'insanité
d'esprit.
Il est largement admis que l'article 901 exige une raison plus éclairée, ne volonté plus ferme que
pour s'obliger dans un contrat.
L'insanité d'esprit, au sens de ce texte, comprend, tel que déterminé en jurisprudence, toutes les
variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée
ou sa faculté de discernement déréglée: Cass. Civile, 4 février 1941.

L'insanité d'esprit est sanctionnée par la nullité relative de l'acte. Elle ne peut être demandée que par
les successeurs universels, légaux ou testamentaires du défunt. Cette action en nullité est soumise à
la prescription abrégée de l'article 1304 du Code civil, c'est-à-dire 5 ans: Cass. Civile 1ère, 11
janvier 2005.

B. Les vices du consentement

La théorie des vices du consentement contenue dans les articles 1109 et suivants du Code civil est
appliquée de façon plus rigoureuse en jurisprudence s'agissant des libéralités qu'en matière des actes
à titre onéreux.
Aux termes de l'article 901 du Code civil, la libéralité peut être annulée pour violence, erreur et
dol. Cette disposition résulte de la loi du 23 juin 2006, antérieurement, le Code n'en disait rien.
C'est la jurisprudence qui a appliqué très largement les notions d'erreur, de dol et de violence en
partant du principe que le consentement doit être libre.

Ainsi, l'erreur sur la personne du bénéficiaire est, en matière de libéralité, une cause de nullité, l'acte
étant fait intuitu personae. Il y a toutefois peu d'exemples en jurisprudence.
En revanche, l'erreur sur les motifs, les mobiles est plus largement admise. Cependant, cette erreur
est souvent sanctionnée sur le terrain de la cause.

S'agissant de la violence, elle est appréciée en considération de sa nature à faire pression sur une
personne raisonnable. On tient compte pour cette appréciation de l'âge et de la condition des
personnes.

Pour le dol, on parle, à propos des testaments, de captation, de suggestions. Le dol vicie le
consentement de l'auteur d'une libéralité même s'il émane d'un tiers. C'est une règle propre aux
libéralités: Chambre des requêtes, 27 juin 1888.
La nullité de la libéralité n'est encourue autant que sont réunis les éléments habituels, les
caractéristiques du dol.

II. La protection du consentement: les incapacités de disposer et de recevoir

Le Code civil contient des règles particulières relatives à la capacité et au pouvoir de faire ou
recevoir des libéralités.
L'objectif du législateur, en édictant ces règles, est de disposer le disposant contre lui-même ou
contre les tiers trop influents.

Comme pour tout acte juridique, la capacité, en matière de libéralités, est la règle. Toute personne
est capable, a priori, de disposer et de recevoir à titre gratuit si elle n'en est pas déclarée incapable
par la loi: article 902 du Code civil.

Les incapacités, en matière de libéralités, en tant que technique de protection du consentement, sont
plus nombreuses qu'en droit commun. Il existe des incapacités de jouissance et d'exercice et
certaines sont absolues et d'autres relatives.

L'incapacité est de jouissance lorsqu'elle prive un individu d'un droit de disposer ou de recevoir à
titre gratuit. Dans ce cas, l'incapable ne peut agir seul mais aucune autorisation ne peut l'habiliter à
le faire et personne n'a qualité pour le faire en son nom.

L'incapacité n'est que d'exercice lorsqu'un l'incapable ne peut agir mais une autorisation ou une
représentation peut y pallier.

L'incapacité, par ailleurs, peut être absolue. Elle empêche alors l'incapable de faire des libéralités
quelqu'en soit le bénéficiaire ou de recevoir à titre gratuit quelque soit le donateur ou le testateur.

L'incapacité est dite relative lorsqu'elle empêche l'incapable de disposer ou de recevoir à titre
gratuit à l'égard de certaines personnes seulement.

A. L'incapacité du mineur non émancipé

Il faut distinguer son incapacité de disposer à titre gratuit et celle de recevoir des libéralités.
Aux termes de l'article 903 du Code civil, le mineur âgé de moins de 16 ans ne pourra aucunement
disposer à titre gratuit sauf ce qui est prévu aux articles 1095 et 1398, c'est-à-dire l'hypothèse du
mineur autorisé à contracter mariage.
Il s'agit d'une incapacité de jouissance pour laquelle toutefois il convient de différencier la donation
et le testament.
Il ne peut faire aucune donation d'importance sauf s'il est marié: articles 1095 et 1398 du Code
civil.
Pour le testament, le mineur non émancipé n'est totalement incapable que jusqu'à 16 ans. Au-dessus
de cet âge, il peut léguer que la moitié de ce dont il pourrait disposer s'il était majeur: article 904 du
Code civil.

Quant à l'incapacité de recevoir des libéralités, celle du mineur non émancipé est une incapacité
d'exercice et elle est absolue.
Le système est assez complexe. En résumé, il confère, en principe, au représentant légal du mineur
la qualité pour accepter les libéralités dont il est le bénéficiaire mais également la possibilité pour
les ascendants du mineur de passer outre à l'inaction de ce représentant. La loi leur confère pour se
faire un pouvoir autonome d'acceptation: articles 935 et 463 du Code civil.

B. Les incapacités fondées sur une présomption de captation

Le Code civil rend nul pour défaut de capacité les libéralités consenties dans des circonstances où il
est à craindre que le disposant ne subisse trop d'influence du bénéficiaire de l'acte. Il s'agit ici
d'incapacité relative.
Ainsi, par exemple, il convient de craindre l'influence sur les malades de personnes qui, à l'approche
de la mort, les soignent dans leur corps et dans leur esprit. Les médecins, ministres du culte sont
incapables de recevoir des libéralités des personnes qu'ils traitent ou assistent durant la maladie dont
elle décède: article 909 du Code civil.

Au surplus, craignant que le disposant ne tente d'échapper à la prohibition qui résulte de ce texte, en
instituant un proche d'un incapable, par exemple lequel aurait pour fait de rétrocéder les biens qu'il
aurait reçu, le législateur présume alors que la libéralité faite par interposition d'une personne est
nulle: article 911 du Code civil.

Ce texte a été modifié par la loi du 23 juin 2006 mais dispose toujours que les libéralités consenties
au profit d'une personne incapable par l'entremise de ses père et mère, enfants ou conjoint sont
nulles.
La loi nouvelle vise outre la personne physique, les personnes morales et la présomption
d'interposition d'irréfragabilité est désormais devenue une présomption simple.

Section 3: La cause et les conditions impossibles, illicites ou immorales


La cause joue deux rôles en matière de libéralités: un rôle de qualification des libéralités et un rôle
de contrôle des libéralités.
La cause immorale ou illicite entraîne, en application de l'article 1131 du Code civil, la nullité de
la libéralité toute entière, ce qui n'est pas différent du droit commun des actes juridiques.
En revanche, l'hypothèse de la condition impossible ou immorale obéit, en matière de libéralité, à
un régime différent du droit commun.

I. L'article 900 du Code civil: la condition impossible, illicite ou immorale

Aux termes de l'article 1172 du Code civil, la convention conclue sous la condition d'une chose
impossible ou contraire aux bonnes moeurs ou prohibée par la loi est nulle.
Pour les libéralités, c'est seulement la condition et non la libéralité toute entière qui, ainsi qualifiée,
sera réputée non écrite: article 900 du Code civil.
La justification de ce texte est politique. Les révolutionnaires ont craint que ceux qui leur étaient
hostiles ne fassent des libéralités accompagnées de conditions et charges contraires à l'esprit
nouveau. Si seule la condition illicite est annulée, le donateur n'est plus alors assuré de retrouver
son bien si la condition n'est pas exécutée. Il réfléchira alors avant de se montrer particulièrement
« généreux ».

L'article 900 ne peut être appliqué tel quel que lorsque la libéralité est accompagnée d'une véritable
condition ou d'une véritable charge, c'est-à-dire d'une condition au sens juridique de ce terme ou
d'une obligation pour le bénéficiaire d'accomplir une prestation positive ou négative.
Les deux, conditions et charges, doivent donc être dissociables de la libéralité.
En revanche, lorsque la condition et la charge sont indissociables de la libéralité, on ne se place plus
sur le terrain de l'article 900 mais sur celui de la cause de la libéralité.

II. La cause illicite ou immorale dans les libéralités

L'absence de cause ou la fausse cause entraîne la nullité de la libéralité. Par exemple, le disposant
croit à tord qu'il n'a aucun parent. En application de l'article 1131 du Code civil, l'obligation sur une
cause illicite ne peut avoir aucun effet et la libéralité qui a une cause illicite ou immorale sera
également déclarée nulle: articles 1131 et 1133 du Code civil.

Un exemple illustre l'illicéité ou l'immoralité de la cause motif d'une libéralité: celui des libéralités
entre les concubins adultères.
Les concubins se sont souvent consentis des donations ou des legs pour pallier l'absence de régime
matrimonial et de vocation successorale.
Aujourd'hui, le régime applicable aux concubins pacsés rend peut être moins utile le recours aux
libéralités bien que les lois du 23 juin 2006 et 21 août 2007 leur offrent des avantages fiscaux non
négligeables.

Pour les concubins non pacsés, leur situation fiscale demeure inchangée.
Le concubin ne crée pas en lui-même et n'a jamais crée d'incapacité de disposer ni de recevoir à titre
gratuit et ce même dans l'hypothèse d'un concubin adultère.
La jurisprudence n'a jamais annulé une libéralité pour cause immorale ou illicite du fait de la seule
constatation que le concubinage était adultère: Chambre des requêtes, 8 juin 1926.
Cette jurisprudence a été critiquée en doctrine car si l'adultère n'est plus sanctionné pénalement
depuis 1975, il demeure un manquement au devoir de fidélité entre époux.
Aussi bien, certains auteurs ont-ils proposé de différencier la nullité pour cause immorale et celle
pour cause illicite ce qui permettrait d'annuler une libéralité faite entre concubins adultères pour
illicéité de la cause, violation de l'obligation de fidélité entre époux.
La crainte de ces auteurs est de voir consacrer la licéité d'une polygamie de fait. Reste que la nullité
de la libéralité ne peut valoir sanction de la violation du devoir de la fidélité, cette violation est
sanctionnée sur le terrain du divorce.

Si la libéralité entre concubins adultères n'a jamais été annulée pour cause d'adultère, la
jurisprudence, jusqu'à l'arrêt du 3 février 1999, subordonnait néanmoins la validité des libéralités
entre concubins adultères à l'examen des mobiles, des motifs qui les inspiraient.
Ainsi, était déclarée nulle pour immoralité et illicéité de la cause, la libéralité motivée soit pour
favoriser la création de la relation adultère, pour la maintenir ou la reprendre, soit pour rémunérer
cette relation.
En revanche, la libéralité qui avait pour objet de procurer à son bénéficiaire une certaine sécurité
matérielle ou bien encore pour réparer le préjudice causé par une rupture était tenue pour valable.
Si la recherche et la constatation d'un mobile immoral ou illicite relevait du pouvoir souverain des
juges du fond, en revanche, la qualification d'illicéité ou d'immoralité de la cause restait soumise au
contrôle de la Cour de cassation. C'est dans l'exercice de ce contrôle que sa première chambre
civile, dans un arrêt du 3 février 1999, a abandonné sa jurisprudence concernant les libéralités
entre concubins adultères, jurisprudence consacrée par un arrêt rendu en Assemblée plénière le 29
octobre 2004. Jurisprudence acquise: Cass. Civile 1ère, 25 janvier 2005.
CHAPITRE 3:
L'ORDRE PUBLIC SUCCESSORAL

L'existence d'un ordre public successoral limite la volonté du défunt quant à la liberté de disposer à
titre gratuit de ses biens.
Cet ordre public s'exprime principalement mais non exclusivement à propos des règles de la
dévolution légale avec l'institution d'un droit à réserve au profit de certains héritiers et le principe de
la prohibition des pactes sur succession future.

Section 1: La réserve héréditaire


La présence d'une famille proche limite la liberté du disposant qui ne pourra l'exercer que sur une
fraction seulement de sa future succession, fraction qualifiée alors de quotité disponible.
La portion de l'hérédité qui se trouve assignée au bénéficiaire désigné par la loi, par une
transmission inattaquable reçoit le nom de réserve héréditaire.

I. Nature et caractères de la réserve héréditaire

Aux termes de l'article 912 du Code civil, tel qu'issu de la loi du 23 juin 2006, la réserve
héréditaire est définie comme « la part de biens et droits successoraux dont la loi assure la
dévolution libre de charges à certains héritiers dits réservataires, s'ils sont appelés à la succession
et s'ils l'acceptent ».

Les fondements historiques de la réserve héréditaire sont la légitime romaine et la réserve


coutumière.
La légitime romaine était, dans les pays de droit écrit, considérée moins comme une quote-part de
l'hérédité que comme une portion de biens attribuée à chacun des légitimaires individuellement en
vertu des liens du sang. Ainsi, il n'était pas nécessaire d'accepter l'hérédité pour réclamer la légitime
contre les héritiers institués par le défunt ou donataires de ce dernier.
La légitime était une créance accordée à certains parents et l'expression privilégiée d'un devoir
alimentaire de famille.

La réserve coutumière était un mécanisme de la succession ab intestat ce qui suppose qu'elle ne soit
pas attribuée qu'aux seuls héritiers désignés, venant au rang utile et prenant la qualité d'acceptant.
À la différence du droit romain, cette réserve était fixée invariablement quelque soit le nombre de
ceux qui pourraient y prétendre: réserve des quatre quintes (4/5).
La réserve coutumière était ainsi une fraction de l'hérédité de la succession.

Le Code de 1804 a fait, en la matière, œuvre de transaction en puisant le régime de la réserve


héréditaire aux sources de la légitime romaine et de la réserve coutumière.

La réserve héréditaire du Code civil est le résultat de ce compromis. Ce compromis, s'il existe
toujours, a été cependant bien ébranlé par la loi du 23 juin 2006, loi qui marque une véritable
rupture avec notre tradition successorale.
Avec la loi de 2006, l'équilibre trouvé par les codificateurs de 1804 penche désormais et très
nettement en faveur de la légitime du droit romain.
Les manifestations de cette inclination sont nombreuses.
Exemple: en posant à l'article 924 du Code civil le principe d'une réduction des libéralités en valeur
et non plus en nature des libéralités excessives qui portent atteinte à la réserve héréditaire, la
fonction de conservation de l'héritage dans la famille n'est plus remplie par la réserve, laquelle
apparaît désormais plus comme un prolongement après la mort de l'obligation alimentaire du défunt
à l'égard des réservataires.

La physionomie traditionnelle de la réserve héréditaire s'est également transformée en ce qu'elle


s'est resserrée autour du foyer. Elle n'est désormais, depuis les lois du 23 décembre 2001 et du 23
juin 2006, accordée qu'aux seuls descendants et au conjoint survivant.
La loi de 2006, plus précisément, si elle a maintenu la réserve des descendants, elle a surtout
amélioré celle du conjoint survivant et sacrifiée celle des ascendants.

Les caractères de la réserve héréditaire s'en trouvent également modifiés.


Si elle est toujours d'ordre public et permet ainsi à l'héritier réservataire de faire déclarer nulles les
clauses restrictives ou de repousser les actes nés du chef du défunt qui porterait atteinte à sa réserve,
son caractère traditionnel de collectif a été quelque peu atterré.

La réserve héréditaire traditionnelle porte sur une quote-part de l'hérédité attribuée collectivement
aux héritiers à réserve.
Arrêt du 18 février 1818: La Cour de cassation en avait déduit que la renonciation d'un enfant ne
devait avoir aucune incidence sur le montant de la quotité disponible et sur celui de la réserve.

Aujourd'hui, les choses sont quelque peu différentes puisqu'aux termes de l'article 913 alinéa 2 du
Code civil, tel que modifié par la loi de 2006, l'enfant qui renonce à la succession n'est plus, en
principe du moins, compris dans le nombre d'enfants laissés par le défunt (nombre d'enfants qui
détermine le taux de la réserve héréditaire et donc de la quotité disponible).
La renonciation d'un enfant sans postérité profite dorénavant à la quotité disponible et il est ainsi
permis au défunt d'exercer plus librement sa liberté de donner ou de léguer et ce qui répond aux
préoccupations du législateur moderne.
II. Attributions et détermination du montant de la réserve héréditaire

Les liens particuliers qui unissent les deux époux ont justifié l'adoption de règles dérogatoires au
droit commun s'agissant de la quotité disponible en présence d'héritiers réservataires. L'ensemble de
ces dispositions constitue la QDS entre époux.

A. La réserve héréditaire et la quotité disponible ordinaire

A défaut de descendants et de conjoint survivant non divorcé, les libéralités par acte entre vifs ou
testamentaires pourront épuiser la totalité des biens: article 916 du Code civil.

La loi du 23 juin 2006 a restreint la catégorie des héritiers réservataires en ne l'attribuant désormais
qu'aux descendants et au conjoint non divorcé du défunt. Ainsi, en particulier, les ascendants sont
donc privés d'une réserve dans la succession du défunt.

1. La réserve des descendants

L'article 913-1 du Code civil prévoit que sont héritiers réservataires tous les descendants du défunt
et ce quelque soit leur filiation.
À ce principe, il convient d'apporter certains correctifs. Ainsi, en cas d'inceste absolu, l'enfant
incestueux, ne pouvant voir sa filiation juridiquement établie qu'à l'égard d'un seul se ses auteurs, ne
pourra jamais prétendre à une réserve dans la succession de l'autre auteur.
De même, les enfants, qui ont fait l'objet de l'adoption plénière, sont dans la même situation que
tout enfant issu de la filiation biologique.
En revanche, l'enfant adopté simple n'est héritier réservataire qu'à l'égard du ou des adoptants et pas
des ascendants de ces derniers: article 368 du Code civil.

La réserve, reconnue à tous les descendants, varie dans son montant selon le nombre d'enfants que
le défunt laisse à son décès. Ainsi, aux termes de l'article 913 du Code civil, si le défunt ne laisse
qu'un enfant, la réserve héréditaire est égale à ½; si deux enfants, la réserve héréditaire est égale à
2/3; si trois enfants ou plus, la réserve héréditaire est égale à ¾.
En réalité, l'article 913 détermine le montant de la quotité disponible et pas celui de la réserve
héréditaire.

Cette réserve héréditaire des descendants soulève deux questions principales:


− Que faut-il entendre par le terme « enfant » employé à l'article 913 du Code civil?
− Que faut-il entendre par l'expression « laissé au décès » contenue dans ce même texte?

a. Sens du terme « enfant » employé dans l'article 913 du Code civil

L'article 913-1 du Code civil précise qu'il faut entendre sous le terme « enfant » les descendants en
quelque degré que ce soit encore qu'ils ne doivent être comptés que pour l'enfant dont ils tiennent la
place dans la succession du disposant.
Ainsi les descendants, qu'ils viennent par représentation ou de leur chef à la succession du défunt,
ne seront comptés que pour l'enfant qui est leur auteur.

L'article 913-1 du Code civil date de 1972. Le législateur de l'époque a entendu, en retenant la
formule « dont ils tiennent la place », clore la discussion qui s'était élevée antérieurement quant à
savoir s'il ne fallait pas limiter la catégorie des enfants laissés par le défunt, en cas de prédécès de
l'un d'eux, à la seule hypothèse où son ou ses descendants sont appelés à la succession par
représentation.
Depuis l'intervention législative de 1972, cette discussion est close malgré la résistance de certains
juges du fond: CA Rennes, 29 octobre 1986.

b. Sens de l'expression « laissés au décès » contenue dans l'article 913 du


Code civil

Jusqu'à la loi du 23 juin 2006, il fallait entendre par cette expression les enfants, même renonçants
ou indignes de succéder.
Le second et dernier alinéa de l'article 913, tel que modifié par la loi de 2006, ne comprend
désormais dans le nombre d'enfants laissés par le défunt que les enfants qui acceptent la succession
et les indignes.
Pour les renonçants, ils sont exclus sauf ceux qui sont représentés ou tenus au rapport d'une
libéralité en application de l'article 845 du Code civil, c'est-à-dire si le disposant a expressément
exigé le rapport en cas de renonciation de l'héritier gratifié.

Deux hypothèses peuvent être distinguer:


 Hypothèse dans laquelle l'enfant renonçant à la succession n'a pas de descendants
Il n'est plus compté dans la détermination des taux de la quotité disponible et de la réserve
héréditaire.

 Hypothèse dans laquelle la souche de l'enfant renonçant n'est pas défaillante


Si le renonçant a des descendants, ceux-ci sont appelés à la succession du défunt par le jeu de la
représentation successorale. Exerçant les droits du représenté, ils lui empruntent sa part de réserve
en vue de la détermination des taux de la quotité disponible et de la réserve héréditaire.
La réserve du représenté est maintenue non au profit de l'autre enfant mais à celui de son ou ses
représentants, c'est-à-dire au profit de la souche.

2. La réserve du conjoint survivant

C'est la loi du 3 décembre 2001 qui a accordé un droit à réserve au conjoint survivant sous certaines
conditions: qu'il ne soit pas divorcé, qu'il n'existe pas contre lui de jugement de séparation de corps
passé en force de chose jugée et qu'il ne soit pas engagé dans une instance en divorce ou en
séparation de corps.

La loi du 23 juin 2006 a amélioré la situation du conjoint réservataire puisque d'une part, elle a
supprimé certaines conditions posées par la loi de 2001, d'autre part, elle lui a reconnu un droit à
réserve dès que le défunt ne laisse aucun descendant.

Aujourd'hui, le conjoint survivant non divorcé a le droit, selon l'article 914-1 du Code civil, à une
réserve égale à ¼ lorsque le défunt ne laisse aucun descendant. Les autres conditions posées par la
loi de 2001 sont supprimées.

B. La quotité disponible spéciale ente époux

Pour que la question de la détermination de la quotité disponible entre époux se pose, il convient
d'une part, que le conjoint ait bénéficié de libéralités véritables, d'autre part, qu'il se trouve en
présence d'héritiers réservataires, c'est-à-dire de descendants.
Lorsque l'époux gratifiant ne laisse aucun héritier réservataire, il peut disposer de toute sa fortune,
de tout son patrimoine en faveur de son conjoint comme il aurait pu le faire au profit d'un étranger:
article 916 du Code civil.

Avant la loi du 23 juin 2006, lorsque l'époux gratifié se trouvait en présence d'héritiers réservataires,
la quotité disponible, et par voie de conséquence la réserve héréditaire, variait suivant que le ou les
réservataires étaient des ascendants ou des descendants.
Aujourd'hui, elles ne varient qu'en présence de descendants.

Aux termes de l'article 1094-1 du Code civil, pour le cas où l'époux laisserait des enfants ou des
descendants issus ou pas du mariage, il pourra disposer en faveur de l'autre époux soit de la
propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d'un étranger c'est-à-dire la quotité disponible
ordinaire, soit d'un quart de ses biens en pleine propriété et les ¾ en usufruit, soit encore de l totalité
de ses biens en usufruit seulement.

La loi du 23 juin 2006 a ajouté à l'article 1094-1 un alinéa à savoir que « sauf stipulation contraire
du disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a
été disposé en sa faveur et sans que cette limitation soit considérée comme une libéralité faite aux
autres successibles ».

L'article 1094-3 du Code civil prévoit que « les enfants ou descendants pourront, nonobstant toute
stipulation contraire du disposant, exiger, quant aux biens soumis à usufruit, qu'i soit dressé un
inventaire des meubles ainsi qu'un état des immeubles, qu'il soit fait emploi des sommes et que les
titres au porteur soient, au choix de l'usufruitier, convertis en titres nominatifs ou déposés chez un
dépositaire agrée ».

A l'article 1098 du Code civil et au profit des seuls enfants non communs aux deux époux, il est
prévu que chacun d'eux, en ce qui concerne sa part de succession, et sauf volonté contraire et non
équivoque du disposant, aura la faculté de substituer à l'exécution de la libéralité, faite en propriété
au conjoint survivant, l'abandon de l'usufruit de la part de succession qu'il eut recueilli en l'absence
de conjoint survivant.

En présence de libéralités faites en pleine propriété au profit du conjoint survivant, l'égalité entre les
enfants issus du mariage des époux et ceux non issus des deux époux risque d'être rompue puisque
ces libéralités en pleine propriété ne profiteront qu'aux premiers qui, lors du décès du gratifié,
retrouveront les biens dans la succession du gratifié.

La faculté de substitution reconnue aux enfants non communs aux deux époux peut-elle
s'exercer dans l'hypothèse où le conjoint survivant a été gratifié d'une libéralité mixte?
La substitution, dans ce cas, n'intéresserait que le quart en pleine propriété. La Cour de cassation a
répondu par la négative: Cass. Civile 1ère, 4 octobre 1988.

C. La combinaison de la quotité disponible ordinaire et de la quotité


disponible spéciale entre époux

Cass. Civile 1ère, 26 avril 1984: depuis cet arrêt, un certain nombre de règles ont été définies
concernant la combinaison des deux quotités disponibles.

Chacun des gratifiés ne pourra prétendre à plus du disponible que la loi lui permet de recevoir. Le
plafond des libéralités que le défunt peut consentir n'est plus constitué, comme avant cet arrêt, par la
plus forte quotité disponible en présence mais par la quotité disponible ordinaire majorée de ce que
lui ajoute le disponible spécial entre époux, autrement dit l'usufruit de la réserve héréditaire des
descendants (cette dernière se trouvera alors en nue-propriété).

Les libéralités consenties à des bénéficiaires autres que le conjoint survivant s'imputent
exclusivement sur le disponible ordinaire alors que celles consenties au conjoint survivant
s'imputent principalement sur le disponible ordinaire si elle est en pleine propriété et sur l'excédant
résultant du disponible spécial entre époux, c'est-à-dire la réserve si elles ne sont qu'en usufruit.

III. La réduction des libéralités pour atteinte à la réserve héréditaire

La protection de la réserve héréditaire impose la réduction des libéralités faites par le défunt qui
excèdent la quotité disponible ordinaire.
Pour savoir s'il y a lieu de réduire une libéralité, il est nécessaire, dans un premier temps, de
déterminer les montants de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.
Après avoir chiffré chacune de ces deux masses, il convient de procéder à l'imputation des
libéralités. Cette opération permettra de connaître si c'est la réserve héréditaire ou si c'est la quotité
disponible qui est diminuée par la libéralité.
Ces deux opérations constituent un préalable indispensable à l'exercice effectif du droit de critique
accordé aux héritiers réservataires qu'est l'action en réduction des libéralités qui excèdent la quotité
disponible.

A. Masse de calcul de la quotité disponible ordinaire

Aux termes de l'article 922 du Code civil, modifié par la loi du 23 juin 2006, trois opérations
successives sont à différencier, desquelles il résulte que la quotité disponible et la réserve
héréditaire se calculent sur la masse du patrimoine du défunt tel qu'il aurait été composé à son décès
s'il n'avait pas fait de libéralités.

Ces trois opérations sont:


− La détermination et l'estimation des biens existants au décès;
− La déduction du passif;
− La réunion fictive des biens donnés entre vifs et leur estimation.

1. Détermination et estimation des biens existants au décès

En principe, tous les biens du défunt existants dans son patrimoine lors de son décès et dont il est
encore propriétaire font partis de la masse de calcul de la quotité disponible.

Il convient de comprendre parmi ces biens ceux qui font l'objet d'un legs ainsi que ceux qui font
l'objet d'une institution contractuelle.

Les créances que le défunt pouvait encore détenir contre, par exemple, un de ses héritiers sont aussi
comprises dans les biens existants.

En revanche, certains biens ayant appartenus au défunt ne sont pas compris dans la masse de calcul
de la quotité disponible, comme les biens qui n'ont aucune valeur pécuniaire ou les droits
patrimoniaux viagers.

On ne doit pas compter non plus dans la masse de calcul de la quotité disponible les biens qui font
l'objet d'une succession anomale à condition toutefois que les biens se retrouvent dans la succession
du défunt donateur.
Si les biens objets d'une succession anomale ont été légués, cette succession anomale ne s'ouvrant
pas, lesdits biens sont compris dans la succession ordinaire.

Sont aussi exclus les biens faisant l'objet d'un droit de retour conventionnel.

Les biens existants sont estimés à l'ouverture de la succession dans l'état où ils se trouvent à cette
date.

2. La déduction du passif

La quotité disponible se calcule sur l'actif net. Il convient donc de déduire les dettes du défunt.
L'article 922 du Code civil indique que la réunion fictive des biens donnés doit être postérieure à
la déduction du passif. Cette solution paraît logique puisqu'aux termes de l'article 921 alinéa 1 du
Code civil, les créanciers ne peuvent pas bénéficier de la réduction des libéralités.
Or, si la déduction du passif ne se faisait qu'après avoir réuni fictivement les biens donnés, dans
l'hypothèse où le passif est supérieur à l'actif, l'excédant des dettes devrait être imputé sur les biens
donnés.

La déduction du passif tel que prévu par l'article 922 peut conduire à deux situations:
− Si l'actif excède le passif, on obtient alors l'actif net existant auquel on réunit fictivement les
biens donnés;

− Si la déduction du passif dégage un solde négatif, on ne peut imputer ce solde sur la valeur des
biens donnés. Ce solde doit alors être tenu pour nul. La masse de calcul de la quotité disponible
sera égale à la valeur des biens donnés.

3. La réunion fictive des biens donnés entre vis et leur estimation

La réunion aux biens existants après déduction des dettes des biens donnés entre vifs est d’ordre
public. Le donateur ne peut écarter cette réunion des biens donnés.
Cette réunion de biens donnés entre vifs à l’actif net existant n’est que fictive, il ne s’agit que d’une
pure opération comptable qui n’oblige le créancier à aucun restitution réel.
Les legs faisant partie de l’actif, il s’agit de tous les biens dont le défunt à disposer par donation
entre vif quelqu’un soit la nature et peu importe la qualité du gratifié, héritier réservataire ou
étranger.

Aux termes de l’article 922 du Code civil les biens donnés doivent être évalués d’après leur état au
jour de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession c'est à dire au décès.
Si le donataire a aliéné les biens qui lui ont été donnés, il est tenu compte de la valeur de ces biens à
l’époque de l’aliénation, et s’il y a eu subrogation il est tenu compte de la valeur des nouveaux
biens au décès, à l’ouverture de la succession.

Le législateur de 2006 a modifié l’article 922 dans cette dernière hypothèse, intégrant ce faisant les
solutions acquises déjà en jurisprudence. Ainsi, s’il y a eu subrogation il est tenu compte des
nouveaux biens au jour du décès mais d’après leur état au jour de l’acquisition.

Ensuite, il est dorénavant précisé « que si la dépréciation des nouveaux biens était en raison de leur
nature inéluctable au jour de leur acquisition il n’est pas tenu compte de la subrogation ». Il s’agit
d’une innovation importante de la loi de 2006 et elle concerne par exemple les biens dits de
consommation pour lesquelles une décote est inévitable comme une voiture. Dans une telle
hypothèse il sera réunit fictivement la valeur des biens donné à l’époque de leur aliénation.
Les cohéritiers du donataire qui eux ont investi dans du durable comme la pierre ne doivent pas être
pénalisé par rapport au donataire qui lui a réinvesti dans du périssable.

Toutefois, dans l’hypothèse où ce serait le disposant lui même qui aurait donné un tel bien,
périssable, la nouvelle règle posée par l’article 922 du Code civil ne devrait pas s’appliquer.

Quant à la subrogation, il convient de tenir compte du fait que ce bien a pu être acquis en partie
avec des fonds provenant d’une autre origine que le produit de l’aliénation des biens donnés, dans
cette hypothèse on ne prendra alors en compte que la mesure de la participation de la valeur du bien
donné qui a été aliéné dans l’acquisition du nouveau bien, on procède à un calcul proportionnel.

Il se peut que les biens donnés est fait l’objet d’une amélioration ou d’une détérioration depuis la
donation jusqu’à l’ouverture de la succession, les plus valus ou moins valus fortuites ne seront pas
retranché de la valeur des biens donnés estimé en principe au jour du principe. Ainsi, à la limite, en
cas de perte fortuite du bien la valeur prise en considération pourra être nul sauf éventuellement à
prendre en compte à l’indemnité d’assurance versé consécutivement à cette perte fortuite.

Hors ces hypothèses, il est tenu compte d’une part de l’augmentation de valeur du bien donné en
raison des améliorations apportés par le donataire comme d’autre part il est tenu compte des
détériorations imputables du fait ou de la faute du donataire.
En cas d’amélioration, il convient de soustraire le montant de ces améliorations de la valeur qui doit
être réunis fictivement. En cas de détérioration, il conviendra d’ajouter le montant qui correspond à
cette détérioration à la valeur qui doit être réunis fictivement.
Les améliorations profitent au donataire et les détériorations doivent être supportées par le
donataire.

Les trois opérations effectuées, biens existants au décès, déduction du passif et réunion fictive des
biens donnés entre vif, permette de calculer la quotité disponible ordinaire et par conséquence la
réserve héréditaire. Il ne reste qu’à comparer les libéralités fait par le dé cujus avec la quotité
disponible ainsi calculer, c’est l’opération dite d’imputation des libéralités. Cette opération permet
de constater et de mesurer l’excès éventuel qui traduit l’atteinte à la réserve héréditaire.

B. L’imputation des libéralités

Cette imputation obéit à un certain nombre de règle prévu aux articles 919-1 et 919-2 et 923 du
Code civil. L’ensemble de ces règles conduit à distinguer la question de l’ordre d’imputation des
libéralités et la question du secteur d’imputation.

1. L’ordre d’imputation des libéralités

Aucun texte du Code civil ne règle expressément l’ordre dans lequel les différentes libéralités faites
par le dé cujus doivent être imputés.
En revanche, la loi prévoit l’ordre dans lequel les libéralités doivent être réduites lorsqu’il a été
constaté après imputation que ces libéralités dépassent la quotité disponible (article 923 du Code
civil). L’ordre d’imputation des libéralités est l’ordre de réduction de libéralités inversées.
Ainsi, on impute d’abord les donations entre vifs et ceux dans leur ordre chronologique puis ensuite
les legs et libéralités assimilés comme institution contractuelle entre époux.

2. Le secteur d’imputation

L’imputation des libéralités ne présente aucune difficulté particulière lorsque l’on se trouve en
présence de libéralités faites à des étrangers ou à des héritiers non réservataires. Le gratifié n’ayant
aucun droit sur la réserve héréditaire, la libéralité ne peut s’imputer que sur la quotité disponible et
en conséquence elle devient réductible dés qu’elle dépasse le montant de la quotité disponible.

Le système apparaît plus complexe lorsque les libéralités ont été adressées à des héritiers
réservataires. En effet, d’une part certaines de ces libéralités tendent à composer la part de réserve
du gratifié, d’autre part l’héritier réservataire gratifié peut ne pas accepter la succession, perdant
ainsi sa qualité de successeur ab intestat.
Aux termes de l’article 919-1 du Code civil, la do nation faite en avancement de part successorale
à un héritier réservataire qui accepte la succession s’impute sur sa part de réserve et subsidiairement
sur la quotité disponible sauf s’il en a été convenu différemment dans l’acte de donation.

En revanche, la donation faite en avance de parts successorale à un héritier réservataire qui renonce
à la succession du disposant est traité comme une donation faite hors part successorale et aux termes
de l’article 919-2 du Code civil elle s’impute alors que la quotité disponible, l’excédent étant
sujette à réduction.

L’article 919-1 du Code civil prévoit une exception à cette règle lorsque l’héritier réservataire
renonçant est astreint au rapport en application des dispositions de l’article 845 du code civil. Dans
ce cas, il est traité comme un héritier acceptant pour la réunion fictive, l’imputation et le cas échéant
la réduction de la libéralité qui lui a été consenti.

L’article 919-2 du Code civil pose la règle selon laquelle toute libéralité faite hors part
successorale s’impute sur la quotité disponible.
Il faut retenir aussi et ce aux termes de l’article 843 du Code civil que toute donation entre vif est
présumé faite en avance sur la part successorale alors qu’un legs est réputé être fait hors part
successorale.

C. La réduction des libéralités

La réduction ne peut être demandée qu’autant que la quotité disponible est dépassée après
imputation des libéralités faite par le défunt.
La loi du 23 juin 2006 a, en la matière, innové puisque le principe est dorénavant celui de la
réduction en valeur de la libéralité qui dépasse la quotité disponible et quant à l’exercice du droit à
réduction. Cette loi de 2006 en permet la renonciation et ce de manière anticipé.
La question de la réduction des libéralités commande que soit déterminé l’ordre dans lequel les
libéralités réductibles seront réduites.

1. L’ordre de réduction des libéralités

Aux termes de l’article 923 du Code civil, on réduit tout d’abord les legs et libéralités assimilés
puis ensuite les donations entre vifs et ceux en commençant par la plus récente en date, c'est-à-dire
par la dernière donation en remontant de la dernière aux plus anciennes.

S’agissant des dispositions testamentaires, c'est-à-dire des legs, il est prévu à l’article 926 du Code
civil que la réduction se fera au marc le franc sans aucune distinction entre les legs universels et les
legs particuliers.
L’article 926 du Code civil veut ainsi que l’on fasse subir au legs une réduction proportionnel à
leur valeur puisque prenant tous effet au décès ils sont de principe d’exécution simultané.

Exemple : la réduction des legs au marc le franc est une technique proportionnelle. Chaque legs est
amputé d’une quote-part du trop légué égale à la fraction qu’il représente de l’ensemble des legs.
Soit deux enfants A et B, la masse de calcul de la quotité disponible est égal à 180, nous avons deux
legs particuliers l’un de 50 et l’autre de 25 consenti respectivement à A et B. la quotité disponible
est égal à 1/3 et la réserve héréditaire à 2/3 et ceux en application de l’article 913 du code civil. En
chiffre la quotité disponible est égale à 60 et la réserve globale à 120. L’imputation concurrente des
legs révèle un excédent à 15.
On additionne les legs : 75
On déduit le montant de la quotité disponible : 75 – 60 = 15
Il y lieu de déduire les legs. A supporte la réduction proportionnellement à ceux que représente son
legs par rapport à l’ensemble des legs soit 50 sur 75, son legs est donc imputé de 10 de sorte qu’il
ne recevra que 50- 10= 40.
Quand à B il contribue à l’effort de soin legs 25 sur 75 la réduction qu’il doit supporter est donc de
5 donc il ne recevra que 25-5=20.

Ces réductions proportionnelles se font sans aucune distinction entre les legs universelles et les legs
particuliers. Cependant, il faut tenir compte du fait que le légataire universel supporte en toute
hypothèse la charge des legs particuliers et donc l’émolument du légataire universel doit être
calculé, déduction faite, du ou des legs particuliers.

Toutefois, le testateur peut déclarer de manière expresse qu’il entend que tel legs soit acquitté par
préférence aux autres et le legs ainsi préféré ne sera ainsi réduit qu’autant que la valeur des autres
legs ne rempliraient pas la réserve légale (article 927 du Code civil). Donc on déduira le legs non
préféré et après le legs préféré.

2. Le principe de la réduction en valeur

L’article 924 du Code civil issu de la loi du 23 juin 2006 pose le principe d’une réduction de
libéralité en valeur et ce que le gratifié soit un successible ou non. La réduction en valeur d’une
libéralité se solde par le versement d’une indemnité dite indemnité de réduction (article 924 alinéa
1).

Cependant, aux termes de l’article 924-1 du Code civil, il est permis au gratifié d’exécuter la
réduction de sa libéralité en nature par dérogation à l’article 924 du Code civil. Cette réduction en
nature pourra être exécutée lorsque le bien donné ou légué appartient encore au gratifié et que le
bien soit libre de toute charge. La faculté reconnue au gratifié d’exécuter la réduction des libéralités
en nature s’éteint si dans le délai de 3 mois à compter de la date à laquelle un héritier réservataire
l’a mise en demeure de prendre parti, le gratifié n’exprime pas son choix (article 924-1 dernier
alinéa).

Hormis ce cas où le gratifié choisit d’exécuter la réduction de sa libéralité en nature, il reste une
hypothèse où ce type de réduction s’impose, c’est celle où le gratifié, débiteur de l’indemnité de
réduction, est insolvable et qu’il a aliéné le bien objet de la libéralité (article 924-4 nouveau).
Le texte prévoit alors que les héritiers réservataires pourront exercer l’action en réduction ou en
revendication contre les tiers détenteurs des immeubles objets des libéralités et qui ont été aliéné par
le gratifié sauf si le donateur et tous les héritiers réservataires présomptifs ont consenti à l’aliénation
du bien donné.
De même, s’agissant des biens légués dans l’hypothèse où les héritiers réservataires ont consenti à
l’aliénation du bien, objet du legs. L’action contre le tiers détenteur sera une action en réduction si
la donation n’est réductible que partiellement et une action en revendication si la donation est
réductible pour le tout.

A la suite de l’action dirigée contre lui, le tiers doit restituer en nature de qui excède la quotité
disponible. Il peut toutefois éviter la perte de son droit en payant aux héritiers réservataires la
somme que le donataire aurait versé s’il aurait été solvable, quitte alors au tiers d’exercer contre le
gratifié une action récursoire ultérieur.
Tel était le régime applicable avant la loi de 2006 à l’article 924-4 du code civil, on suppose que ce
régime est applicable à l’identique.

Lorsque la réduction s’exécute en nature le donataire restituera les fruits de ce qui excède la portion
disponible et ceux à compter du jour du décès du donateur si la demande en réduction est faite dans
l’année du décès sinon du jour de la demande (article 928 du Code civil).
3. L’exercice du droit à réduction

a. Les titulaires du droit à réduction

Aux termes de l’article 921 du Code civil, la réduction des dispositions entre vifs ne pourra être
demandée que par ceux au profit desquelles la loi fait la réserve par leurs héritiers ou ayant causes.
Ainsi, ni les donataires, ni les légataires, ni les créanciers du défunt ne peuvent demander cette
réduction ni en profiter.
Les héritiers réservataires sont donc seuls titulaires du droit à réduction, de l’action en réduction.

L’article 921 du Code civil n’envisage que la réduction des dispositions entre vifs. En effet ,
s’agissant des legs, les héritiers réservataires n’ont pas besoin d’exercer une action pour faire valoir
leur droit à réduction, il leur suffit de refuser la délivrance des legs au légataire dans la mesure où
leur legs est excessif.

Pour les donations entre vifs, en revanche, la réduction s’opère par voie d’action et cette action aux
termes du dernier alinéa de l’article 921 du Code civil se prescrit désormais par 5 ans à compter
du décès ou à 2 ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de la portée atteinte à leur
réserve sans jamais pourvoir excéder 10 ans à compter de l’ouverture de la succession.

b. La renonciation au droit à réduction

Cette innovation de la loi de 2006 est prévue aux articles 929 à 930-5 du Code civil. La loi de
2006 reconnaît la possibilité d'une renonciation anticipée à l'action en réduction. Il s'agit d'une
innovation car, de principe, on ne peut renoncer à un droit qu'une fois ce droit né et acquis.

S'agissant de ce droit, il a toujours été possible d'y renoncer, mais une fois la succession ouverte.
Depuis la loi de 2006, tout héritier réservataire présomptif peut renoncer à exercer une action en
réduction dans une succession non ouverte: article 929 du Code civil.
Cette renonciation anticipée s'analyse en un véritable pacte de famille qui requiert l'acceptation du
défunt pour que le ou les renonçants soient engagées: article 929 alinéa 1.
Cette renonciation anticipée est strictement encadrée par la loi car si elle accroît ainsi le pouvoir de
disposer du de cujus, elle est une atteinte au principe de prohibition des pactes sur succession future.
Ainsi, la renonciation anticipée à l'action en réduction est un acte solennel puisqu'à peine de nullité,
elle ne peut être établie que par un acte authentique reçu par deux notaires, le second ayant été
désigné par le Président de la Chambre des notaires: articles 930 du Code civil et 11 du 25
Ventôse an XI, modifié par l'article 34 de la loi de 2006.

La renonciation requiert des conditions de capacité rigoureuses: article 930-1 du Code civil.

Cette renonciation a une portée et un objet déterminés. Ainsi, elle doit toujours être faite au profit
d'une ou plusieurs personnes déterminées et elle ne peut avoir pour objet que l'action en réduction.
Les droits du renonçant dans la succession du défunt ne sont toutefois pas touchés par cette
renonciation, pas plus que sa qualité d'héritier réservataire: article 929 alinéa 1 du Code civil.

Il est reconnu au renonçant la possibilité exceptionnelle de demander en justice la révocation de sa


renonciation anticipée. La révocation n'est possible que dans trois hypothèses:
− En cas d'inexécution de l'obligation alimentaire du défunt à son égard;
− Si le renonçant se trouve, au décès, dans un état de besoin et que l'exercice de ses droits dans la
réserve ferait disparaître cet état de besoin;
− Si le bénéficiaire de la renonciation s'est rendu coupable d'un crime ou délit contre la personne
du renonçant: article 930-3 et 4 du Code civil.
Une certaine polémique s'est élevée en doctrine par articles interposés s'agissant des effets de la
renonciation anticipée à l'action en réduction.
Exemple: un défunt laisse deux enfants. Les biens existants à son décès sont de 180. Il a donné à sa
concubine un bien évalué à 120.
La masse de calcul de la quotité disponible est égale à 300. Laissant deux enfants, la réserve globale
est égale à 200 et la quotité disponible est égale à 100. Par voie de conséquence, la réserve
individuelle de chacun des deux enfants est égale à 100.
La donation faite à la concubine s'impute sur la quotité disponible et on constate alors qu'elle
l'excède à concurrence de 20. L'un des deux enfants a renoncé à son action en réduction.

L'effet de cette renonciation varie selon les auteurs.


Ainsi, pour M. Pillebout, la donation faite à la concubine est réductible à hauteur de 20. L'enfant qui
n'a pas renoncé à ce droit de critique doit recevoir sa réserve à savoir 100.
L'enfant renonçant à son action en réduction subit, pour cet auteur, les effets de la donation et ne
recevra donc que 80. La donation est donc consolidée comme l'ont voulu les intéressés en l'espèce.
Cet auteur dénonce la position de ceux qui « entendent remettre en cause l'opinion dominante des
auteurs et praticiens et donc la sienne ».

selon les auteurs qui se tromperaient, M. Sauvage, l'effet de la renonciation est limité dans notre
exemple à la moitié de la partie réductible de la donation, soit 10.
Ainsi, l'enfant qui n'a pas renoncé à son droit de critique reçoit 100 et le renonçant reçoit 90.
Pour M. Pillebout, cette solution est peu rationnelle, le renonçant étant en quelque sorte contraint de
recevoir une partie de la réduction, 10, malgré sa renonciation.
La solution de M. Pillebout n'est pas admissible. La renonciation anticipée à l'action en réduction
est un acte solennel que tout héritier réservataire présomptif peut exercer. Seul le renonçant renonce
à son action.
Reste qu'une donation entre vifs, lorsqu'elle est réductible, reste réductible. Si un seul des héritiers
réservataires présomptifs renonce à son droit de critique, cela ne vaut que pour lui. Il ne peut
renoncer à ce droit de critique pour les autres héritiers réservataires.

C. L'indemnité de réduction due par le gratifié

La loi réglemente l'indemnité de réduction due par le gratifié d'une libéralité réductible: articles
924-2 et 924-3 du Code civil.
Deux questions à étudier: le calcul et le paiement de cette indemnité de réduction.

Aux termes de l'article 924-2, l'indemnité de réduction due par le bénéficiaire d'une libéralité
réductible se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur
aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet (la loi de 2006
n'a pas modifié cette solution).

L'objectif du législateur est de faire en sorte que les résultats de la réduction en valeur soient
équivalents à ceux que produiraient la restitution en nature du bien donné ou légué dans l'hypothèse
d'une réduction totale de la libéralité.

Cette règle d'évaluation de l'indemnité de réduction s'inscrit dans un large ensemble législatif et
jurisprudentiel qui tend à assurer l'équilibre réel des règlements égalitaires malgré la vicissitude de
la monnaie. C'est la consécration de la dette de valeur.
En effet, l'indemnité de réduction liquidée selon la valeur des biens à l'époque du partage et non pas
au décès du défunt prend en compte les intérêts du ou des créanciers de cette indemnité, c'est-à-dire
des cohéritiers. Le valorisme monétaire, ici, protège ces créanciers contre l'érosion monétaire et
compense la perte des plus-values.
Dans l'hypothèse d'une réduction totale de la libéralité, c'est la valeur intégrale du bien apprécié à
l'époque du partage qui est due par le bénéficiaire de la libéralité aux héritiers réservataires. Si la
réduction de la libéralité n'est que partielle, il y a nécessité d'estimer à l'époque du partage ou de
l'aliénation la portion réductible de la libéralité qui fait partie de la réserve héréditaire. Il y a donc
lieu à l'application d'une méthode proportionnelle. L'effet correcteur de ce calcul proportionnel est
concentré sur la période allant du décès au partage de la succession car c'est au décès que l'on
calcule la quotité disponible et la réserve héréditaire et que l'on détermine la mesure de ce qui doit
être réduit.

Dans l'hypothèse où il y a eu subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction tient compte de la


valeur des nouveaux biens à l'époque du partage d'après leur état à l'époque de l'acquisition.
Comme pour l'application de l'article 922, l'article 924-2 du Code civil prévoit toutefois que si la
dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur
acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.

Quant à son paiement, l'indemnité de réduction est payable au moment du partage sauf accord entre
cohéritiers: article 924-3 du Code civil.
Ce texte précise que lorsque la libéralité a pour objet un des biens pouvant faire l'objet d'une
attribution préférentielle, des délais peuvent être accordés par le tribunal s'ils ne l'ont pas été par le
disposant lui-même sans toutefois que ces délais dépassent 10 ans à compter du décès.
Dû par une héritier réservataire, le paiement de l'indemnité de réduction se fait en moins prenant et
en priorité par voie d'imputation sur ses droits dans la réserve: article 924 dernier alinéa du Code
civil.
Ainsi, il prendra moins dans ses droits que ses cohéritiers.
Le règlement en moins prenant suppose que le débiteur ait des droits dans la masse des biens de la
succession à partager. Ainsi, lorsque le gratifié n'a pas de droit dans ces derniers biens ou vient au
partage mais n'a que des droits inférieurs au montant de l'indemnité dont il est redevable, le
règlement de cette indemnité se fera en numéraire.

L'article 924-3 du Code civil précise qu'à défaut de convention ou stipulation contraire, les
sommes dues au titre du paiement d'une indemnité de réduction sont productives d'intérêts au taux
légal à compter de la date à laquelle le montant de l'indemnité a été fixée, c'est-à-dire au partage,
c'est-à-dire dans l'hypothèse où le gratifié a bénéficié de délais de paiement comme le prévoit
l'article 924-3 alinéa 2. Hypothèse confirmée dans un arrêt du 21 mai 1985 de la première
chambre civile de la Cour de cassation.

Quant à la question de restitution des fruits lorsque la réduction des libéralités se fait en nature, le
donataire doit restituer les fruits de ce qui excède la portion disponible à compter du jour du décès:
article 928 du Code civil.

Quid si la réduction de la réduction se fait en valeur. La Cour de cassation dans son arrêt rendu
en 1985 n'a, dans un premier temps, pas admis une telle solution dans l'hypothèse d'une réduction
en valeur.
Cette position peut se comprendre dans la mesure où le gratifié, le donataire restant propriétaire du
bien qui lui a été donné, n'a pas à restituer les fruits pris en eux-mêmes.

Toutefois, on peut se demander si la valeur des fruits encaissés depuis le décès ne serait pas due. Si
on répond positivement à cette question, on affirme l'équivalence des résultats entre une réduction
en nature et une en valeur.
En 1989, dans un arrêt rendu le 21 juin, la Cour de cassation a admis une telle solution. Le
donataire doit restituer à compter du jour du décès du disposant l'équivalent pécuniaire des fruits
perçus de la portion des biens donnés sur laquelle porte la réduction et ce jusqu'au partage.
Solution logique dès l'instant où le législateur rend le gratifié débiteur d'une indemnité de réduction
liquidée, déterminée de principe au moment du partage (article 924-2 du Code civil) et non plus
donc au moment du décès comme tel était le cas avant l'intervention législative de 1971. En effet, le
calcul de l'indemnité de réduction au moment du partage ne compense que l'érosion monétaire et la
perte des plus-values du bien mais non celle des fruits.

Section 2: La prohibition des pactes sur succession future


Pour de nombreux auteurs, les motifs avancés pour justifier cette prohibition sont incertains et
complexes. Cette complexité et cette incertitude sont dues pour une grande part aux rédacteurs du
Code civil qui n'ont donné aucune définition du pacte prohibé.
Deux motifs essentiels se sont toutefois imposés au fil du temps:
− Caractère immoral du pacte sur succession future;
− Sauvegarder la liberté de tester.

Le premier motif est dicté par l'idée qu'est immoral le pacte qui incite à désirer la mort de celui qui
à disposer en sa faveur.
Ce critère du pacte sur succession future a perdu de sa pertinence. Bon nombre de dispositions en
droit civil ne peuvent être rattachées à cette idée.

Le second motif s'appuie sur l'idée que la pacte sur succession future est contraire à la liberté de
tester. Le contrat, la convention sur une succession future crée une situation définitive. Celui qui a
été institué héritier est sûr de garder cette qualité. Or, l'un des principes essentiels du droit
successoral est que, jusqu'au dernier moment, une personne doit être en mesure de modifier les
dispositions qu'elle a pris relativement à la dévolution de la succession.
La révocabilité du testament est incompatible avec l'irrévocabilité du contrat.

Le principe de la prohibition des pactes sur succession future a évolué dans le sens d'un net recul.
Ce recul s'est imposé en raison de plusieurs facteurs.
Tout d'abord, la multiplication en droit successoral moderne des atteintes portées au principe.
Multiplication elle-même fondée sur de nouvelles données économiques et sociales comme
l'allongement de la durée de vie humaine qui implique une transmission successorale plus tardive
d'où le besoin d'organiser sa succession en particulier au profit de ses petits-enfants.
Puis, affaiblissement des motifs traditionnels.

La question de la prohibition des pactes sur succession future s'est déplacée sur un plan purement
technique. Ce qui caractérise dorénavant ce pacte c'est avant tout le fait qu'il porte sur l'attribution
ou l'abdication d'un droit qui n'est qu'un droit éventuel.

La loi de 2006 a sensiblement augmenté les atteintes au principe de la prohibition des pactes sur
succession future en même temps qu'elle a étendu le champ d'application des pactes antérieurement,
mais exceptionnellement, autorisés.

I. Le pacte prohibé: attribution ou abdication d'un droit éventuel

Malgré la multiplication des atteintes au principe de la prohibition des pactes sur succession future,
le principe demeure.
Il est énoncé à quatre reprises: articles 722, 770, 1130 et 1389 du Code civil.
Ce principe reste un garde-fou utile à une liberté successorale plus étendue aujourd'hui et dont on
peut craindre, dans certains cas, un usage arbitraire.
Un certain équilibre doit être voulu et maintenu entre un ordre public successoral rénové et une
autonomie accrue, reconnue à la volonté.

Le Code civil ne donne pas de définition sur le pacte sur succession future. C'est à la jurisprudence
que l'on en doit sa définition.
Constitue un pacte sur succession future toute convention qui intervient en considération d'une
succession non encore ouverte et par laquelle une partie se fait attribuer ou abdique des droits
purement éventuels dans cette succession.

Le pacte prohibé implique l'existence d'un accord de volonté synonyme de contrat. Ne peuvent donc
être annulés, en principe, comme pactes sur succession future que les renonciations
conventionnelles. En principe car la jurisprudence a soumis les actes unilatéraux à la prohibition de
l'article 1130 du Code civil: Cass. Civile 1, 17 mars 1987.

L'objet de l'engagement prohibé est une succession non ouverte, future ou un élément de cette
succession. Ainsi donc, le pacte pourra porter sur l'ensemble ou sur une quote-part seulement des
droits qui figureront dans la succession ou bien encore sur un bien ou sur un droit déterminé.
On aurait pu considérer que le pacte prohibé est exclusivement un pacte universel mais la
jurisprudence a rejeté cette approche.

Le droit dont la convention prévoit l'attribution ou l'abdication est un droit simplement éventuel.
Cela se comprend aisément lorsque le pacte a pour objet l'ensemble de la succession.
Tant qu'une personne vit, son patrimoine est chose changeante et il est alors impossible, lors de la
conclusion du pacte, de déterminer la consistance actuelle des droits héréditaires. Ces droits ne se
fixeront qu'une fois la succession ouverte.

En revanche, la notion de droit éventuel devient plus difficile à mettre en œuvre lorsque ce droit se
rapporte à un bien ou un droit déterminé. La catégorie des droits éventuels est ignorée du Code civil
de 1804. Le droit éventuel ne peut révéler sa nature que si on l'oppose au droit affecté d'une
condition suspensive et au droit affecté d'un terme suspensif.

Ces deux techniques du droit des obligations ont permis à la jurisprudence de tourner la prohibition
des pactes sur succession future et ainsi vider quelque peut de son sens l'objet de l'article 1130 du
Code civil.

A. Les techniques du droit conditionnel et du droit affecté d'un terme


suspensif

Le droit éventuel est le droit qui est susceptible de naître d'une circonstance déterminée comme
une ouverture de succession par exemple, sans que toutefois cette circonstance emporte à coup sûr
l'attribution de l'avantage du bénéfice patrimonial envisagé.

Le droit conditionnel suppose une condition et si cette condition se réalise, le droit naîtra et ce de
manière rétroactive.
Cependant, la condition dont dépend l'existence d'un droit est un événement de réalisation
incertaine.
Alors que le droit éventuel peut, au contraire, être lié à un événement dont la réalisation est certaine.
C'est précisément le cas pour le doit qui naîtra à l'ouverture de la succession. Reste que, comme tout
pour la condition, il y a incertitude sur le point de savoir si la survenance de cet événement
emportera création du droit.

Le droit éventuel peut aussi être opposé au droit affecté d'un terme suspensif. Dans le cas où ce
terme a été stipulé, l'obligation existe. Seule son exigibilité est différée. Quand le terme est échu,
l'exécution peut se dérouler ainsi qu'il a été prévu.
Le droit éventuel, au contraire, s'enveloppe d'incertitude puisqu'on ne sait même pas s'il naîtra un
jour.

B. L'utilisation jurisprudentielle de ces deux techniques: la clause


d'accroissement et la promesse post mortem

La jurisprudence, en usant des techniques du droit conditionnel et du droit affecté d'un terme
suspensif, a permis de tourner la prohibition des pactes sur succession future.
Il lui a suffi de considérer le décès soit comme une condition, soit comme un terme suspensif.
Tel a été le cas pour la promesse post mortem et la clause d'accroissement.

Pour la clause d'accroissement, l'hypothèse peut être la suivante: deux ou plusieurs personnes
achètent un bien, le plus souvent un immeuble, et conviennent que le survivant sera réputé avoir été
seul propriétaire dès le jour de l'acquisition.
Chaque acquéreur est donc copropriétaire de la part de son ou ses cocontractants sous la condition
suspensive du prédécès de celui-ci ou de ceux-ci. En même temps, chacun est propriétaire de sa part
sous la condition résolutoire de son prédécès: Cass. Civile 1, 11 janvier 1983.
La clause d'accroissement échappe ainsi à la prohibition des pactes sur succession future. Le
survivant peut soutenir que son droit est né avant l'ouverture de la succession, avant le décès du
prédécédé et qu'il a toujours été propriétaire du bien en cause.

Pour la promesse post mortem, le défunt en puissance, qui désire attribuer un droit sans se
dépouiller de son vivant, peut échapper à la prohibition des pactes sur succession future en faisant
naître le droit dès la convention mais en ne repoussant son exigibilité qu'au décès.
Ici, nul besoin de recourir à la rétroactivité. C'est l'exigibilité du droit et non sa naissance qui est
subordonnée à l'ouverture de la succession.
Ainsi, l'élément éventuel fait défaut, ce qui exclut la qualification de pacte successoral.

La validité de principe du contrat personne moral n'a jamais été mise en doute. Il est admis, par
exemple, que le défunt en puissance puisse imposer à sa succession le paiement d'une créance qu'il
a fait naître de son vivant.
Le problème se complique lorsqu'il s'agit du transfert de la propriété d'un bien prévue après le
décès. Tel est le cas, par exemple, d'une promesse unilatérale de vente dont l'option ne peut être
levée qu'après le décès du promettant.

Après avoir été réticente à admettre la validité de telles opérations, la Cour de cassation a fini par
reconnaître le bien fondé du raisonnement selon lequel l'engagement du promettant peut exister du
vivant du défunt, son exécution seule étant retardée au décès et portée sur un bien devenu
indisponible et non sur un élément aléatoire d'une succession future: Cass. Civile 1, 5 mai 1986.

C. Exemples de pactes prohibés

Sont qualifiés, par exemple, de pactes sur succession future attribuant ou abandonnant un droit
éventuel, la renonciation avant le décès au bénéfice d'une institution contractuelle, le bénéficiaire
étant titulaire sur la succession du disposant d'un droit seulement éventuel quant à son objet: Cass.
Civile 1, 16 juillet 1981.

Ou bien encore, l'acte par lequel une personne reconnaît devoir une certaine somme et stipule que
cette somme sera prélevée à son décès sur la part revenant à tel de ses héritiers: Cass. Civile 1, 4
octobre 2005.
II. Les pactes validés

Le droit successoral moderne a validé, dans certaines circonstances, ce qui constitue sans
contestation possible des pactes sur succession future.
C'est dans l'ensemble le souci de l'efficacité économique qui a conduit le législateur à valider de tels
pactes.
Celui du 23 juin 2006 a étendu la champ d'application des pactes antérieurement permis en même
temps qu'il autorise des pactes antérieurement prohibés.

A. La clause commerciale

La clause commerciale est la clause d'attribution à titre onéreux d'un bien propre, attribution
contenue dans un contrat de mariage.
Au décès de l'un des époux, le survivant pourra se faire attribuer moyennant indemnité de la
succession, le bien propre du conjoint prédécédé, le plus souvent un fonds de commerce, d'où le
nom de la clause: article 1390 du Code civil, issu de la loi de 1965.
Une telle clause porte manifestement atteinte à la liberté de tester qui implique que jusqu'à son
décès, le disposant soit libre de ses biens. En cela, une telle clause est contraire à la prohibition des
pactes sur succession future.

On constate aussi que c'est le souci d'efficacité économique qui impose une telle disposition. En
effet, toute activité économique implique une politique à long terme. Dans ce cas, le testament
n'apparaît n'apparaît plus comme le moyen le plus adapté pour assurer la continuité, la pérennité
d'une unité économique ou d'un ensemble à finalité économique.
L'efficacité économique impose que le fonds de commerce, l'exploitation agricole, généralement
objet de la clause commerciale, soit soustrait au testament révocable pour être soumis à la
convention.

La loi de 2006 a étendu le champ d'application de la clause commerciale en codifiant la


jurisprudence de la Cour de cassation, jurisprudence qui a admis la validité d'une clause
commerciale qui a pour objet non pas l'attribution d'un bien en propriété mais la simple concession
d'un bail portant sur l'immeuble appartenant en propre à l'époux prédécédé et dans lequel
l'entreprise attribuée ou acquise est exploitée.
L'article 1390 du Code civil tel qu'issu de la loi du 13 juillet 1965 n'avait pas envisagé la validité
d'une telle clause.
Cass. Civile 1, 29 avril 1985.

B. La donation-partage

La donation-partage est traditionnellement définie comme la libéralité qui permet à un ascendant


de procéder de son vivant au partage de sa propre succession entre ses descendants.
La distribution des biens de la succession est alors immédiate. La donation-partage se distingue du
testament-partage qui lui fixe alors la répartition des biens pour après le décès du testateur.
La donation-partage, en tant qu'instrument d'anticipation successorale, est un pacte sur succession
future autorisé par la loi: article 1075 du Code civil.

Si, traditionnellement, la donation-partage répartissait irrévocablement et immédiatement les biens


présents du donateur entre ses seuls descendants, la loi de 2006 en a étendu le domaine
d'application: article 1075 du Code civil.
Ainsi, le disposant peut dorénavant organiser une donation-partage en faveur d'autres héritiers que
ses seuls descendants (exemples: frère, soeur, ascendants).
Le nouvel article 1075-1, issu de la loi de 2006, ouvre également la donation-partage au profit de
descendants de degré différent et qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs.
Cette nouvelle disposition constitue l'une des plus significatives exceptions à la prohibition des
pactes sur succession future dans la mesure où il s'agit tout à la fois d'anticiper la succession du
disposant mais également celle de la génération intermédiaire laquelle consent ainsi que la
génération la plus jeune soit allotie en ses lieu et place: article 1078-4 du Code civil.

Le législateur de 2006 a ainsi pris acte de l'allongement de la durée de vie humaine en permettant la
donation-partage transgénérationnelle.

Le nouvel article 1076-1 consacre la possibilité pour les époux de réaliser une donation-partage
conjonctive, c'est-à-dire une donation conjointement prise par les deux époux et ce en faveur des
enfants issus d'unions différentes.
La donation-partage conjonctive où les deux parents encore en vie confondent leurs biens respectifs
pour les partager entre les enfants était implicitement consacrée par la loi.
Celle de 2006 l'autorise au profit d'enfants issus de mariages différents. Le législateur a pris acte de
l'existence de plus en plus fréquente de familles recomposées.

Section 3: Les substitutions fidéicommissaires


La substitution fidéicommissaire est la stipulation par laquelle le disposant impose au gratifié de
conserver sa vie durant les biens qui lui ont été donnés ou légués et ce pour les transmettre à son
décès à une autre personne désignée par le disposant lui-même.

Toute substitution contient en réalité deux libéralités: l'une au profit de la personne gratifiée en
première ligne, le grevé, et la seconde au profit de celui ou de ceux qui doivent la recueillir à la
mort du grevé qu'on appelle les appelés parce qu'ils sont appelés à bénéficier de la substitution.
Cette substitution porte le nom de fidéicommissaire parce qu'elle trouve son origine dans le fidéi
commi romain lequel repose sur la fidéi, c'est-à-dire la bonne foi, confiance.
En droit romain, il était utilisé parfois pour gratifier successivement plusieurs personnes.
Il y a substitution fidéicommissaire lorsque trois éléments sont cumulativement réunis: une
double libéralité successive, une double charge pour le grevé et une transmission au second
bénéficie au décès du premier.
Les deux libéralités doivent prendre effet successivement.

L'article 896 du Code civil, tel qu'issu de la loi de 2006, pose le principe de l'interdiction d'une
telle substitution sauf dans le cas où elle est autorisée par la loi.
Antérieurement, l'article 896 posait seulement le principe de l'interdiction et ce sous peine de nullité
absolue. Seules certaines de ces substitutions étaient autorisées lorsqu'elles intervenaient dans le
cadre familial et un cadre familial restreint: anciens articles 1048 et 1049.

La loi de 2006 a élargi le champ d'application des substitutions permises par l'introduction dans le
Code civil de la libéralité résiduelle et de la libéralité graduelle.

I. Les libéralités résiduelles

Le nouvel article 1057 du Code civil prévoit que « il peut être prévu dans une libéralité qu'une
personne sera appelée à recueillir ce qui subsistera du don ou du legs fait à un premier gratifié à la
mort de celui-ci ».

Le législateur de 2006 a ainsi consacré une pratique déjà validée en jurisprudence appelée de legs
des résiduaux.
La jurisprudence n'a eu qu'à traiter que des dispositions testamentaires. Un testateur consent une
libéralité à une première personne en précisant que ce qu'en laissera, c'est-à-dire le résidu, celle-ci à
son décès reviendra à une autre.

La loi de 2006 consacre la donation résiduelle. Le premier gratifié n'est soumis qu'à une seule
obligation: celle de transmettre le reliquat des biens donnés ou légués à son décès au gratifié en
second. Aucune obligation de conservation que ce soit en nature ou en valeur n'est imposée au
premier gratifié: article 1058 du Code civil.
Le premier gratifié peut ainsi disposer à titre onéreux des biens donnés ou légués. En revanche, il ne
peut en disposer par testament car admettre cette possibilité heurterait son obligation de rendre les
biens à son décès au second bénéficiaire.

Quant à la faculté de disposer des biens, objets de la libéralité résiduelle par donation entre vifs, le
disposant peut en priver le premier gratifié. Cependant, l'interdiction de disposer des biens par
testament ou donation entre vifs est exclue lorsque le premier gratifié est héritier réservataire et que
les biens qui lui ont été donnés l'ont été en avance de part successorale: article 1059 du Code civil.

II. Les libéralités graduelles


La libéralité graduelle est la libéralité « grevée » d'une charge comportant l'obligation pour le
donataire ou le légataire de conserver les biens ou droits qui en sont l'objet et de les transmettre à
son décès à un second gratifié désigné dans l'acte: articles 1048 et suivants du Code civil.

La libéralité graduelle déroge de manière significative à la prohibition des pactes sur succession
future et vide pratiquement de sa substance le principe certes maintenu de la prohibition des
successions futures.

La loi de 2006 élargi tout d'abord le cercle des bénéficiaires des libéralités graduelles.
Antérieurement, le Code civil ne tolérait les successions futures que lorsqu'elles grevaient les
descendants du disposant, ou à défaut ses frères et soeurs au profit de leurs propres enfants nés ou à
naître: ancien article 1048 du Code civil.
Aujourd'hui, la libéralité graduelle est ouverte à toute personne physique ou morale sous réserve
qu'elle ait la capacité de recevoir à titre gratuit.

Le législateur de 2006 autorise ensuite que la charge puisse, avec l'accord de l'héritier réservataire,
dépasser la quotité disponible: article 1054 alinéa 2 du Code civil.
Les anciennes successions futures autorisées ne fonctionnaient qu'à hauteur de la quotité disponible,
autrement dit la charge ne pouvait être imposée sur la réserve.
Sur ce point, la loi de 2006 assouplit notablement l'ordre public successoral et la protection de la
réserve héréditaire qui en est normalement l'un des buts.
Toutefois, l'acceptation par l'héritier réservataire de ce que la charge puisse porter sur tout ou partie
de sa réserve est limitée à la condition qu'elle bénéficie de plein droit à l'ensemble de ses enfants
nés ou à naître sans exception ni préférence: article 1054 alinéas 2 et 4 du Code civil.

Le grevé est tenu d'une double charge: conserver et transmettre les biens à son décès au gratifié en
second.
L'obligation de conserver qui pèse ainsi sur le grevé est celle de conserver les biens en nature:
article 1049 du Code civil.
Limite: lorsque la libéralité graduelle porte sur des valeurs mobilières et ce afin de ne pas paralyser
la gestion du portefeuille de titres: article 1049 alinéa 2 du Code civil.
Sous cette réserve, les biens objets d'une libéralité graduelle sont ainsi frappés d'une inaliénabilité
de fait.

Le nouvel article 1053 du Code civil interdit d'imposer au second gratifié la double obligation qui
pèse sur le grevé de conserver et de transmettre.

Dans l'hypothèse du prédécès du second gratifié, le nouvel article 1056 du Code civil prévoit que
le prédécès ou sa renonciation de la libéralité graduelle a pour effet d'intégrer les biens ou droits qui
faisaient l'objet de la libéralité à la succession du grevé.
Ce n'est que si l'acte le prévoit expressément que les héritiers du second gratifié pourront recueillir
la libéralité graduelle. L'acte peut également désigner un second gratifié.

Ces règles s'appliquent aussi aux libéralités résiduelles.


PARTIE 2:
LA TRANSMISSION DE LA SUCCESSION

Les droits et obligations d'une personne décédée ne disparaissent pas au jour du décès, ils passent à
ses héritiers ou légataires qui prennent sa place dans le rapport juridique comme tout patrimoine.
Le patrimoine successoral comprend un actif et un passif.
L'actif successoral, d'une part, se transmet selon certains modes, certaines modalités, d'autre part,
tous les biens et droits du défunt ne sont pas transmissibles.

Quant au passif successoral, outre que sa composition doit être précisée, il pèse sur les successeurs
un certain nombre d'obligations.

Il convient de rendre compte que la transmission du patrimoine successoral n'a pas un caractère
automatique. Le caractère facultatif de cette transmission explique l'existence d'une option
successorale.

CHAPITRE 1:
L'OPTION SUCCESSORALE

Si la transmission des droits et obligations se fait de plein droit au décès d'un individu, elle ne
s'impose pas à l'héritier. L'héritage est facultatif « nul n'est héritier qui ne veut ». Le successible
dispose ainsi d'une option qui lui permet soit d'accepter, soit de répudier la succession.
La loi du 23 juin 2006 a apporté de nombreuses modifications au droit de l'option successorale:
articles 768 à 808 du Code civil.

Section 1: Théorie générale de l'option successorale

I. Les titulaires de l'option


Tous les successibles dont titulaires à priori de l'option successorale et peu importe leur titre,
héritier, légataire ou institué contractuel et peu importe leur vocation, universelle, à titre universel
ou à titre particulier.

Cependant, le Code civil n'a rien dit du droit d'option des légataires. La dévolution du legs, comme
celle de la succession ab intestat, suppose un acte de volonté du bénéficiaire. En un certain sens, le
légataire, quelque soit l'objet de son legs, a toujours un droit d'option à exercer. Il accepte le legs ou
il y renonce.
Toutefois, ici, il s'agit de la transmission de la succession envisagée en tant qu'universalité. Il s'en
suit que seul le légataire universel saisi est amené à prendre partie dans la succession.

Lorsqu'il existe des héritiers réservataires c'est à ces héritiers que revient le droit d'option.
L'exécution du legs intéresse les rapports du légataire avec la succession et non pas l'attribution de
la succession elle-même.
II. Les caractères de l'option
A. Le caractère volontaire de l'option

L'option successorale est volontaire, c'est une manifestation unilatérale de volonté destinée à
produire des effets de droit.
Dès lors, comme tout acte juridique, pour éviter aux incapables mineurs, par exemple, de devoir
supporter un passif supérieur à l'actif, la succession qui leur est dévolue ne peut être acceptée qu'à
concurrence de l'actif net ou répudié: article 461 du Code civil.

Le conseil de famille pourra l'autoriser à accepter purement et simplement si l'actif dépasse


manifestement le passif: article 461 du Code civil.

B. Le caractère transmissible de l'option

Lorsqu'un successible meurt sans avoir pris partie à propos de la succession qui lui est échue,
l'option successorale est transmise à ses propres héritiers.
Depuis la loi de 2006, chacun de ces derniers exerce l'option pour sa part.
La liberté d'option est donc reconnue aux héritiers de celui qui est décédé sans avoir opté: article
775 dernier alinéa du Code civil.

C. Les caractères indivisible et rétroactif de l'option successorale

L'option successorale est indivisible en ce sens que la succession ne peut être acceptée pour une
partie et répudiée pour l'autre.
La loi du 23 juin 2006 a formalisé le principe d'indivisibilité de l'option antérieurement reconnue:
article 769 alinéa 1 du Code civil.
Cependant, il est rappelé à l'alinéa 2 que celui qui cumule plus d'une vocation successorale à une
même succession a pour chacune d'elle un droit d'option distinct. Ainsi, l'héritier qui est à la fois
successible ab intestat et institué légataire, peut répudier l'une et accepter l'autre.

L'effet rétroactif de l'option successorale est également réaffirmé par la loi du 23 juin 2006. Le
nouvel article 776 du Code civil dispose qu'une fois exercée, son effet remonte au jour du décès,
c'est-à-dire au jour de l'ouverture de la succession.

III. Le délai de l'option successoral

Une fois la succession ouverte, les successibles peuvent exercer leur option. En effet, l'option
successorale ne peut être exercée avant l'ouverture de la succession: article 770 du Code civil.
C'est l'application de la prohibition des pactes sur succession future.
Toutefois, le législateur octroie un délai au successeur pour qu'il puisse se décider en connaissance
de cause. Ainsi, aux termes de l'article 771 du Code civil, tel qu'issu de la loi du 23 juin 2006,
l'héritier ne peut être contraint à opter avant l'expiration d'un délai de 4 mois à compter de
l'ouverture de la succession.
Pendant ce délai, l'héritier dispose d'une exception dilatoire. Il ne peut être contraint par quiconque
à prendre partie. Les créanciers qui voudraient le contraindre verraient la procédure suspendue
jusqu'à expiration du délai.

À l'expiration de ce délai, l'héritier pourra être sommé par acte extra-judiciaire de prendre partie et
ce à l'initiative soit d'un créancier à la succession, soit d'un autre héritier ou d'un héritier de rang
subséquent, voire de l'Etat: article 771 alinéa 2 du Code civil.
Dans cette hypothèse, l'héritier aura deux mois pour opter ou pour solliciter un délai supplémentaire
à condition de justifier de motifs sérieux et légitimes: article 772 alinéa 1 du Code civil.
À l'expiration du délai de 2 mois ou du délai supplémentaire, l'héritier qui n'aura pas pris partie sera
réputé acceptant pur et simple: article 772 alinéa 2 du Code civil.

À défaut de sommation, l'héritier conserve, aux termes de l'article 773 du Code civil, sa faculté
d'opter et le délai de prescription de l'option successorale a été réduit, par la loi du 23 juin 2006, de
30 ans à 10 ans: article 780 du Code civil.
Si au terme de ce délai décennal, l'héritier n'a pas pris partie, il est réputé renonçant.

Le délai de l'option successorale est un délai de prescription ce qui implique qu'il peut être suspendu
ou interrompu. La prescription ne courra pas contre celui qui ne peut valablement agir: article 780
alinéas 3, 4 et 5 du Code civil.
Exemple: la prescription décennale ne court pas tant que le successible a des motifs légitimes
d'ignorer l'existence de son droit: article 780 alinéa 5 du Code civil.

Section 2: Les différentes modalités de l'option successorale


L'article 768 du Code civil prévoit que l'héritier peut accepter la succession purement et
simplement ou y renoncer. Il peut également accepter la succession à concurrence de l'actif net
lorsqu'il a une vocation universelle ou à titre universel.

Pour les successeurs aux personnes, les héritiers, légataires universels ou à titre universel, l'option
successorale est donc à 3 branches: soit accepter purement et simplement, soit accepter à
concurrence de l'actif net, soit renoncer à la succession.
En revanche, pour les successeurs aux biens que sont les légataires particuliers, l'option n'est qu'à
deux branches: accepter purement et simplement ou renoncer car le légataire particulier n'est pas
tenu des dettes et charges de la succession: article 871 du Code civil.

I. L'acceptation pure et simple de la succession

L'acceptation pure et simple peut se réaliser de trois manières:


− L'acceptation de la succession est expresse lorsque dans un acte écrit, le successible prend la
qualité d'héritier. L'acte peut être authentique ou sous seing privé: article 782 du Code civil.

− L'acceptation de la succession peut être tacite lorsque le successible saisi fait un acte qui
suppose nécessairement son intention d'accepter et qu'il n'aurait le droit de faire qu'en qualité
d'héritier acceptant: article 782 du Code civil.

− L'acceptation de la succession peut être forcée. Il en est ainsi lorsque l'héritier s'est rendu
coupable de recel ou de divertissement des biens de la succession: article 778 du Code civil. Il
en va de même lorsque le successible a tardé à exercer son option: article 790 du Code civil.
Ou bien encore lorsque l'héritier a omis sciemment et de mauvaise foi de comprendre dans
l'inventaire des éléments actif et passif de la succession: article 800 du Code civil.

Le législateur de 2006 a entendu sécuriser les conditions de l'acceptation tacite de la succession et


ce en prévoyant les actes qui peuvent être accomplis sans entraîner acceptation tacite de la
succession: article 784 du Code civil.
Ce texte reprend l'essentiel des apports de la jurisprudence. Ainsi, les actes purement conservatoires
ou de surveillance et les actes d'administration provisoires peuvent être accomplis sans valoir
acceptation tacite pure et simple de la succession.
Une fois que l'héritier a accepté purement et simplement la succession, il ne peut plus y renoncer, ni
accepter à concurrence de l'actif net: article 786 alinéa 1 du Code civil.

L'héritier acceptant pur et simple répond indéfiniment des charges et dettes de la succession. Il y est
tenu ultra vires successionis, c'est-à-dire sur les biens de la succession qu'il recueille mais également
sur ses biens personnels: article 785 du Code civil.

Toutefois, concernant les legs de somme d'argent, il est prévu à l'article 785 alinéa 2 du Code civil
qu'il n'en est tenu qu'à concurrence de l'actif successoral net des dettes.

Pour atténuer les effets parfois dommageables de ce choix, le législateur de 2006 a prévu la
possibilité pour l'héritier d'introduire une demande de décharge de son obligation à une dette
successorale qu'il avait des motifs légitimes d'ignorer au moment de l'acceptation: article 786
alinéa 2 du Code civil.

II. L'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net

C'est l'ancienne acceptation sous bénéfice d'inventaire. Elle est réglementée aux articles 787 à 803
du Code civil.
La loi du 23 juin 2006 a entendu simplifier cette modalité de l'option successorale. Ainsi, l'héritier
qui entend n'accepter la succession qu'à concurrence de l'actif net doit en faire la déclaration au
greffe du TGI dans le ressort duquel la succession est ouverte: article 788 du Code civil.
Cette déclaration est accompagnée ou suivie de l'inventaire de la succession qui comporte une
estimation article par article des éléments de l'actif et du passif de la succession: article 789 alinéa
1 du Code civil.

L'héritier qui fait ce choix évite la confusion des patrimoines et l'obligation indéfinie aux dettes et
charges de la succession. Il n'est tenu de ces derniers qu'intra vires successionis, c'est-à-dire jusqu'à
concurrence de la valeur des biens qu'il a recueilli dans la succession: article 791 du Code civil.

Tant que la prescription du droit d'opter n'est pas acquise contre l'héritier qui a accepté à
concurrence de l'actif net, il peut révoquer cette acceptation en acceptant purement et simplement la
succession: article 801 du Code civil.

III. La renonciation à la succession

La renonciation est la déclaration expresse du successible qui entend ne pas réclamer son droit
héréditaire.
La renonciation à une succession ne se présume pas: article 804 alinéa 1 du Code civil.
La déclaration doit être faite au TGI dans le ressort duquel la succession s'est ouverte.
L'héritier qui renonce à la succession est censé n'avoir jamais été héritier.
Sous réserve des dispositions de l'article 845 du Code civil, la part du renonçant échoie à ses
représentants, à défaut elle accroît à ses cohéritiers et si l'héritier renonçant est seul, sa part est
dévolue au degré subséquent: article 805 du Code civil.

L'héritier qui renonce à la succession n'est pas tenu du passif excepté des frais funéraires auxquels il
est tenu à proportion de ses moyens: article 806 du Code civil.

Tant que la prescription du droit d'opter n'est pas acquise contre le renonçant, il peut révoquer sa
renonciation en acceptant purement et simplement la succession à condition que la succession n'ait
pas déjà été acceptée par un autre héritier et que l'Etat n'ait pas déjà été envoyé en possession:
article 807 du Code civil
CHAPITRE 2:
LA TRANSMISSION DU PATRIMOINE

La transmission de la propriété des biens et des droits a lieu de plein droit au moment du décès.
L'héritier, dit-on, continue la personne du défunt. Reste que n'est pas héritier qui ne veut et le
légataire ou l'héritier dispose ainsi d'un droit d'option.
L'acceptation confirme seulement son titre et la renonciation le fait disparaître. Ces actes de volonté
sont relatifs à l'acquisition de la vocation successorale et non à la transmission des biens et des
droits sinon les biens seraient vacants et sans maître.

La transmission du patrimoine successoral est avant tout la transmission d'un actif. Les obligations
du défunt sont également transmises à ses successeurs universels et cette transmission du passif est
la contrepartie de la transmission de l'actif successoral.

Section 1: Les obligations des successeurs


Les obligations du défunt sont transmises à ses successeurs universels. Plusieurs questions se
posent:
− Dans quelle mesure le successeur universel est-il tenu du passif héréditaire?
− Qui des charges de la succession et du paiement des legs particuliers.
− L'institution de la séparation des patrimoines destinée à remédier à l'inconvénient pour les
créanciers successoraux de la confusion du patrimoine successoral et du patrimoine personne de
l'héritier.

I. Le paiement des dettes de la succession

Les dettes dont il s'agit sont les dettes héréditaires proprement dites à l'exclusion donc des legs
particuliers.

A. L'obligation aux dettes

Il s'agit de préciser de quelles dettes le successeur universel est tenu et dans quelle mesure il y est
tenu.

1. La consistance du passif héréditaire

Le passif successoral se compose des dettes qui obligeait le défunt et peu importe leur origine
(légale, contractuelle et extra-contractuelle).
Les dettes se distinguent classiquement des charges de la succession lesquelles charges naissent
après le décès en suite directe (frais funéraires ou frais de liquidation et de partage de la succession).
Les charges sont toutefois, et en principe, assimilées aux dettes héréditaires proprement dites
s'agissant du paiement du passif successoral sous réserve qu'elles soient exécutoires avant le partage
sur les biens successoraux et sans que les héritiers puissent, en acceptant la succession qu'à
concurrence de l'actif net, soustraire leur paiement de leurs biens personnels.
2. L'étendue de l'obligation aux dettes

Les obligations du défunt pèsent, en principe, sur les successeurs universels ou à titre universel et ce
quelque soit la nature de leur titre (loi, testament ou contrat): articles 870 et 871 du Code civil.
Le légataire particulier n'est donc pas tenu des dettes et charges de la succession excepté l'action
hypothécaire sur l'immeuble légué.

Quant au conjoint survivant, il est soumis à un régime particulier lorsqu'il ne succède qu'en usufruit.
Usufruitier universel, le conjoint survivant doit seulement contribuer au paiement des dettes avec le
nu-propriétaire dans les termes de l'article 612 du Code civil.

Le successeur tenu du passif successoral est en principe tenu ultra vires successionis, c'est-à-dire
au-delà de l'actifs des biens qu'il recueille: article 785 du Code civil.
Ce n'est que s'il accepte qu'à concurrence de l'actif net que le successeur n'est tenu qu'intra vires
successionis, c'est-à-dire dans la limite de ce qu'il recueille.

Cette obligation ultra vires est fondée sur le titre universel. Le fait d'avoir recueilli le patrimoine ou
une fraction du patrimoine du défunt entraîne celui d'être obligé personnellement aux dettes.
L'héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession, s'il répond
indéfiniment des dettes et charges, il n'est toutefois tenu des legs de somme d'argent qu'à
concurrence de l'actif successoral net des dettes: article 785 alinéa 2 du Code civil.

B. La répartition du passif successoral

La répartition du passif héréditaire conduit à différencier l'obligation à la dette, la contribution à la


dette et la manière dont se fait le règlement du passif successoral.

1. L'obligation à la dette

L'obligation à la dette intéresse les rapports entre le créancier successoral et les successeurs qui sont
concernés. Le principe, ici, est celui de la division du passif héréditaire. Il en résulte que les
successeurs ne peuvent être condamnés solidairement au paiement des dettes successorales et c'est
le créancier qui devra supporter l'insolvabilité de certains successeurs excepté les droits de mutation
pour lesquels les héritiers ab intestat sont tenus solidairement.

Ce principe de la division du passif héréditaire est exclu si la dette est indivisible ou si la dette est
hypothécaire ou encore si le défunt a voulu faire acquitter la totalité d'une dette par l'un de ses
héritiers: articles 873 et 1220 du Code civil.

La division du passif successoral se fait au prorata des parts héréditaires: articles 873 et 1220 du
Code civil.

La loi du 23 juin 2006, et ce pour les créanciers du défunt et les légataires de somme d'argent,
prévoit la possibilité de demander à être préféré sur l'actif de la succession à tout créancier
personnel de l'héritier: article 878 alinéa 1 du Code civil.
Comme il est prévu que tous les créanciers personnels de l'héritier peuvent demander à être préféré
à tout créancier du défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession: article
878 du Code civil.

La jurisprudence a cependant admis une limite à l’indivision du principe de la division du passif


successoral.
Depuis l’arrêt Frécon, rendu par la Chambre des requêtes le 24 décembre 1912, la
jurisprudence admet, et ce jusqu’au partage de la succession, les créanciers héréditaires à poursuivre
globalement les héritiers devant le tribunal du lieu d’ouverture de la succession.
Le législateur a repris cette jurisprudence puisque depuis la loi de 1976 sur l’indivision, il est prévu
à l’article 815-17 du Code civil que les créanciers successoraux peuvent saisir les biens indivis et
se faire payer sur l’ensemble des biens successoraux. Ce texte n’a pas été modifié par la loi de 2006.

Les créanciers successoraux qui agissent avant le partage de la succession sont ainsi assurés d’être
payés lorsque la succession est solvable.
En effet, pendant l’indivision successorale, ils ne sont pas soumis au concours des créanciers
personnels des héritiers qui eux subissent l’interdiction faite aux créanciers de saisir la part de son
débiteur dans un bien indivis : article 815-17 alinéa 2 du Code civil .
Les créanciers successoraux pourront saisir l’ensemble des biens indivis et se faire payer sur cet
ensemble. Il y a là une atteinte au principe de la division des dettes successorales.

Toutefois, les créanciers successoraux demeurent en concours sur les biens indivis avec les
créanciers de l’indivision dont les créances ont pour origine la conservation ou la gestion des biens
indivis : article 815-17 alinéa 1 du Code civil.

La division des dettes n'a donc de réalité qu'une fois que l'indivision successorale a cessé, c'est-à-
dire au partage de la succession.

2. La contribution à la dette

La contribution à la dette intéresse les rapports des successeurs entre eux.


Principe: le passif se répartit entre eux proportionnellement à la vocation de chacun.
La division se fait au prorata de leur part héréditaire.

Il convient cependant de réserver la volonté différente du défunt voire celle des successeurs eux-
mêmes. Aucun règlement n'est nécessaire lorsque chacun des successeurs a payé sa part de la dette.
Si un héritier a payé plus que sa part, cet héritier dispose d'un recours contre les cohéritiers mais il
est tenu alors de diviser son action. Il ne peut réclamer à chacun de ses cohéritiers que la part de
celui-ci dans la dette: article 1221 du Code civil.

3. Le mode de règlement du passif héréditaire

La transmission successorale a pour effet que le patrimoine du défunt se confond avec celui de ses
successeurs universels. Les rapports obligatoires qui existaient entre le défunt et les créanciers
existent donc désormais entre les créanciers et les successeurs du défunt.

La loi du 23 juin 2006 prévoit, dans l'hypothèse où l'héritier n'a accepté qu'à concurrence de l'actif
net, une procédure de paiement qui ressemble à ce qui existe en matière de procédures collectives.
L'article 796 du Code civil prévoit qu'une hiérarchie s'impose. Les créanciers inscrits, titulaires
d'une sûreté, sont payés selon le rang de leur sûreté. Les créanciers inscrits chirographaires sont
désintéressés dans l'ordre des déclarations et enfin est effectué le paiement des legs de sommes
d'argent.

Hors ce cas et celui de la séparation des patrimoines, aucune liquidation collective de la succession
n'est donc organisée. Ainsi, pour les créanciers successoraux le principe demeure: le prix de la
course.
II. Le paiement des legs particuliers

Les légataires particuliers se présentent, en général, comme créanciers du montant de leurs legs.
Toutefois, cela n'est vrai que pour les legs de chose de genre et plus particulièrement des legs de
sommes d'argent.
Pour les legs de corps certain, le légataire devient propriétaire par l'effet du décès. Il a une action
réelle en revendication et le successeur n'en est pas débiteur à proprement parlé.

A. La nature des legs de sommes d'argent

Bien que les légataires de sommes d'argent soient considérés comme des créanciers ils ne sont
jamais payés qu'après les créanciers du défunt. Cette priorité a toujours été admise en pratique en
application d'un adage « nemo liberalis nisi liberatus »: personne n'a le droit de faire des libéralités
avant de s'être libéré envers ses créanciers.
Cette priorité a été réaffirmé par la loi du 23 juin 2006 à l'article 785 alinéa 2 du Code civil.

Le droit du légataire d'une somme d'argent constitue une catégorie à part.


Le legs est un mode de disposition à titre gratuit. Il ne peut donc avoir pour objet que les biens qui
sont dans le patrimoine du disposant. Ce qui lui confère un caractère spécial c'est qu'il porte non pas
sur un bien déterminé mais sur une valeur qui se trouve dans le patrimoine du testateur.

Le droit du légataire que l'on est naturellement conduit à assimiler à un droit de créance a donc une
nature propre. Le successeur est tenu des legs proterem en tant qu'attributaire des biens héréditaires
et le légataire a une hypothèque légale sur les immeubles de la succession.
Ainsi, se justifie pour les legs de sommes d'argent la règle nemo liberalis nisi liberatus.

La valeur des biens recueillit par le successible est diminuée de tout ce qui est nécessaire pour
désintéresser les créanciers.
Ainsi, s'explique également qu'en cas d'insuffisance d'actif tous les legs soient soumis à réduction
aussi bien les legs de sommes d'argent.

B. L'obligation aux legs

L'analyse du droit du légataire permet de prendre parti lorsqu'il s'agit de déterminer l'étendue de
l'obligation au legs.
La question est de savoir si le successible a l'obligation indéfinie de payer les legs.

1. L'étendue de l'obligation

Dans l'ancien droit, la solution n'a jamais fait de doute. Il était de tradition, qu'à la différence des
dettes dont l'héritier pur et simple était tenu ultra vires, les legs faits par le défunt n'étaient jamais
dus qu'intra vires, c'est-à-dire jusqu'à concurrence des biens de l'actif successoral.

La jurisprudence a eu, à plusieurs reprises, l'occasion d' affirmer que cette obligation est indéfinie
dès lors que l'héritier ou le légataire a la saisine. Puis que les légataires universels saisis ou non sont
tenus d'acquitter ultra vires les legs consentis par le dé cujus: Cass. Civile 28 mai 1968.

2. La sanction de l'obligation

Le légataire particulier d'une somme d'argent a une double action pour obtenir son paiement:
− Action personnelle contre les héritiers ab intestat et les légataires universels ou à titre universel.
− Action hypothécaire.

L'existence même de cette hypothèque légale a été, sous l'empire du Code civil controversée. Elle
est prévue aujourd'hui aux articles 2400-4° et 1017 du Code civil.

C- La répartition de la charge des legs

Aux termes de l'article 1017 du Code civil, la charge des legs de somme d'argent se répartit entre
les héritiers au prorata de la part et portion dont chacun profite dans la succession.
C'est la conséquence logique de l'idée que le legs de somme d'argent est l'acte de disposition à titre
gratuit d'une valeur qui est incluse dans la succession et l'héritier est tenu de fournir cette valeur en
tant qu'attributaire des biens de la succession.
Si donc il y a deux ou plusieurs héritiers, l'obligation se divise en proportion de la part de chacun
dans l'actif et ceci vaut pour les légataires universels ou à titre universel.

III. La séparation des patrimoines

Par l'effet de la transmission héréditaire, le patrimoine du défunt se confond avec le patrimoine de


l'héritier. Cette confusion des patrimoines présente un danger pour les créanciers.
Si le défunt était solvable tandis que son héritier est ruiné, les créanciers du défunt qui étaient sûrs
d'être payés intégralement vont se trouver lésés par le concours des créanciers personnels de
l'héritier.
La loi a alors permis aux créanciers successoraux de demander la séparation des patrimoines, c'est-
à-dire de distinguer entre les mains de l'héritier deux masses de biens avec le passif correspondant
pour se faire payer sur les biens laissés par leur débiteur décédé et ceux à l'exclusion de tous les
autres.

La séparation des patrimoines évitait le concours des créanciers successoraux avec les créanciers
personnels de l'héritier sur les biens du défunt.

La loi de 2006 est venue bilatéraliser le privilège de séparation des patrimoines en donnant la
possibilité aux créanciers personnels de l'héritier de demander à être préféré à tout créancier du
défunt sur les biens de l'héritier non recueillis au titre de la succession: article 878 alinéa 2 du
Code civil.

Le législateur de 2006 a tenu à supprimer la suppression d'inégalité faite aux créanciers personnels
de l'héritier.
En effet, en raison de la confusion du patrimoine due à l'obligation ultra vires, il se voyait
concurrencer par les créanciers successoraux sur le patrimoine personnel de l'héritier.
Mais du fait du privilège de séparation des patrimoines bénéficiant aux créanciers successoraux, les
créanciers personnels de l'héritier ne pouvaient poursuivre leur créance sur le patrimoine personnel
de l'héritier.
L'article 878 du Code civil issu de la loi de 2006 accorde aussi ce privilège aux légataires de
somme d'argent.

La séparation des patrimoines est aujourd'hui réglementée aux articles 878 à 881 du Code civil.
Le bénéfice de la séparation des patrimoines s'analyse en un droit de préférence ou privilège
accordé à certains créanciers qui tiennent leur titre du défunt ou de l'héritier et ce droit de préférence
s'exerce sur les biens du défunt ou ceux de l'héritier.
Au final, tout se passe comme si l'héritier avait un double patrimoine.
Section 2: La transmission des biens et des droits
Tous les biens et droits du défunt ne sont pas transmissibles. La transmission des biens et droits
transmissibles du défunt s'opère selon diverses modalités.
Par ailleurs, la succession ainsi transmise obéit à certaines règles de gestion et d'administration.
L'héritier, le successeur, pour que soit assurée la transmission du patrimoine successoral, doit
imposer sa qualité, c'est-à-dire en rapporter la preuve.

I. Biens transmissibles et modes de transmission


A. Les biens et les droits transmis

Il convient de retenir que pour qu'il y ait transmission, il faut que le défunt soit propriétaire du bien
ou titulaire du droit.
Ainsi, il n'y a pas transmission héréditaire lorsque le bien est acquis à l'héritier au jour du décès et
en raison du décès sans avoir jamais figuré dans le patrimoine du dé cujus.
Dans l'hypothèse de l'héritier nu-propriétaire d'un bien dont le défunt avait l'usufruit, le décès de
l'usufruitier permet la reconstitution de la pleine propriété sur la tête de l'héritier sans qu'il y ait
aucune transmission.

Tous les biens patrimoniaux qui se trouvent dans le patrimoine du défunt compose sa succession et
passe à l'héritier. Celui-ci recueille tout le patrimoine en entier et le confond avec son patrimoine
propre, réserve faite de quelques exceptions comme par exemple l'usufruit ou les créances payables
jusqu'au décès.

Les droits extra-patrimoniaux ne sont pas toujours en principe compris dans le patrimoine transmis
à l'héritier ainsi les actions extra-patrimoniales, à moins que le défunt ne les aient introduites avant
son décès.

B. Les modes de transmission

Cette transmission est soit universelle, soit à titre particulier. La transmission universelle s'opère au
profit de l'héritier ou du légataire universel ou à titre universel.
La transmission à titre particulier s'opère au profit du légataire d'un bien déterminé.

Lorsque la transmission est universelle, elle a pour conséquence que l'héritier ou le légataire est
investi dès le décès des droits du dé cujus.

Lorsque la transmission est à titre particulier, le légataire d'un bien déterminé devient propriétaire de
ce bien dès le décès alors que dans le cas de legs de sommes d'argent, le légataire au jour de décès
est immédiatement constitué créancier de la succession.

II. L'administration de la succession transmise

Deux institutions pour l'administration de la succession transmise:


− La saisine héréditaire
− Le mandat posthume

A. La saisine héréditaire

Les successeurs du défunt sont, en tant que continuateurs de la personne du défunt, investis de plein
droit dès le moment du décès non seulement de la propriété mais aussi de la possession de
l'hérédité. Une formule traduit cela le mort saisit le vif.

Le terme saisine est un mot germanique qui veut dire possession. Cependant, la saisine a un
caractère particulier qui n'appartient pas au simple fait de possession tel que nous le comprenons
aujourd'hui.
Ainsi, un héritier saisi (qui a la saisine) peut ne pas avoir en fait la possession des biens héréditaires
concrètement.

On peut définir la saisine comme simplement l'habilitation légale reconnue à l'héritier ou au


légataire universel à l'effet d'exercer les droits et actions du défunt sans avoir besoin d'aucune
formalité préalable.

La saisine remplit une double utilité:


− D'une part, elle protège les successeurs à qui elle est donnée de l'immixtion de ceux qui n'en
bénéficient pas.
− D'autre part, elle permet que l'administration des biens de la succession puisse être utilement
poursuivie dans l'intérêt de tous par les successeurs saisis seuls habilités de plein droit et quand
bien même ses successeurs ne devraient au final recueillir aucun bien de la succession.

1. Les attributaires de la saisine héréditaire

Il existe des attributaires de principe et des cas particuliers.


Seuls les héritiers du défunt sont saisis de plein droit car c'est l'idée de la continuation de la
personne du défunt qui est à la base de cette saisine. Sont donc, de principe, saisis de plein droit les
héritiers ab intestat (article 1004 du Code civil) et en l'absence d'héritier réservataire les légataires
universels (article 1006 du Code civil).

En présence d'héritiers réservataires, le légataire universel ou le légataire particulier devra demander


la délivrance de son legs.

Il existe des hypothèses, des cas particuliers où certains successeurs saisis de principe ou de part la
loi seront privés de la saisine. Et inversement des successeurs non saisis de principe qui en
bénéficieront.
Il s'agit tout d'abord du légataire universel institué par testament olographe ou mystique: article
1008 du Code civil. Ce légataire universel n'est pas saisi de plein droit même en l'absence d'héritier
en raison de la fragilité du titre qui l'a institué.
Un envoi en possession, formalité particulière, sera nécessaire, lequel correspondra à une
vérification judiciaire du testament.

Il s'agit ensuite du légataire universel ou à titre universel et du légataire particulier, lesquels sont
aussi héritiers ab intestat du défunt.
La jurisprudence considère alors que ces légataires, qui de part la loi n'ont pas la saisine, seront
néanmoins dispensés de demander la délivrance de leur legs en raison de leur qualité d'héritier qui
elle leur donne la saisine de plein droit: Cass. Civile 1, 29 octobre 1979.

La situation du conjoint survivant: le conjoint survivant, en tant qu'héritier, bénéficie de part la


loi de la saisine héréditaire: article 724 du Code civil.
S'il est institué légataire, il est dispensé de demander la délivrance de son legs: Cass. Civile 1, 20
novembre 2001.
2. Les effets de la saisine héréditaire

L'héritier saisi a le droit de se mettre en possession des droits du défunt mobilier et immobilier sans
avoir à remplir aucune formalité. Ainsi, l'héritier saisi peut donc se mettre immédiatement à la tête
de l'administration de la succession et percevoir les fruits et revenus des biens qui la compose.
La saisine du légataire universel est la même que celle des héritiers sur ce point.

L'héritier saisi a qualité pour exercer les actions de toute nature appartenant au défunt et pour
défendre celles qui appartenaient à des tiers pour défendre le dé cujus.

B. Le mandat posthume

Le mandat posthume est une autre des innovations de la loi de 2006. Ce mandat s'avérera utile
particulièrement lorsque les héritiers ne seront pas aptes à administrer eux-mêmes la succession soit
en raison de leur handicap, soit dans l'hypothèse d'un patrimoine successoral complexe comprenant
une entreprise qui nécessite certaines compétences de gestion.
Le mandat posthume est réglementé aux articles 812 à 812-7 du Code civil .

Pour l'essentiel, il faut retenir que le mandant est le futur défunt et le mandataire peut être une ou
plusieurs personnes physiques ou morales comme une association ou un héritier. Le notaire chargé
du règlement de la succession ne peut toutefois être désigné comme mandataire: article 812 du
Code civil.

Le mandat doit être donné et accepté en la forme authentique (article 812-1 du code civil)et ce en
raison de l'importance de ce mandat et du fait que la nomination d'un mandataire posthume limite
les pouvoirs de l'héritier saisi.

Quant à son régime, le mandat posthume est soumis aux articles 1984 à 2010 du Code civil.

III. La sanction de la transmission de la succession

On se trouve dans la situation suivante: l'héritier a acquis de plein droit la propriété des droits et des
obligations du défunt et la saisine l'autorise sans aucune formalité à les appréhender.
Toutefois, un tiers détient certains de ses biens, et ce tiers refuse de les restituer à l'héritier. L'héritier
dispose de moyens juridiques pour obtenir la restitution des biens héréditaires de ce tiers. Ces
moyens sont différents selon ce que le tiers avance pour justifier son refus.

A. La preuve non contentieuse de la qualité d'héritier

Le tiers, ici, ne conteste pas qu'il n'est qu'un simple détenteur des biens héréditaires mais par
précaution et prudence, et avant de restituer les biens, entend que celui qui se prétend héritier
établisse sa qualité.
La preuve de la qualité d'héritier s'établit par tous moyens.
En pratique, cette preuve s'effectuera par un acte de notoriété reçu par notaire: article 730-1-3-4 du
Code civil.
Celui qui se prévaut d'un tel acte est présumé avoir des droits héréditaires et ce dans la proportion
qui s'y trouve indiqué dans l'acte.
B. La preuve contentieuse de la qualité d'héritier

L'hypothèse d'une preuve contentieuse conduit à distinguer deux situations:


 Le tiers se prétend propriétaire des biens en vertu d'un titre, par exemple un contrat passé
par le défunt
L'héritier dispose de l'action en revendication qui appartient à tout propriétaire.

 Le tiers se prétend propriétaire des biens en qualité de successeur


L'héritier dispose d'une action particulière : l'action en pétition d'hérédité. Cette action appartient à
l'héritier ou légataire universel. Selon les auteurs sa nature juridique varie.
Pour certains, il s'agit d'une action réelle, pour d'autres il s'agit d'une action personnelle car le litige
a pour objet une qualité de la personne.
L'action en pétition de l'héritier se prescrit par 10 ans depuis la loi de 1996: articles 780 et 781 du
Code civil.
Une fois l'action en pétition réussit, le défendeur doit restituer au demandeur les biens qu'il détenait.
Si le défendeur était de mauvaise foi, il devra restituer tous les fruits perçus jusqu'au jour de la
demande.
PARTIE 3:
LA LIQUIDATION ET LE PARTAGE DE LA
SUCCESSION
La liquidation est l’opération qui vise à déterminer à évaluer la masse des biens à partager et la
part qui revient à chacun. Elle intéresse l’actif et le passif de la succession.
Quant au partage à proprement dit de la succession qui suppose une pluralité de successeurs, il
s’inscrit dans la continuité de la liquidation de l’actif et du passif de la succession qui ne fait que
concrétiser la liquidation de la succession.

Plusieurs situations peuvent se présenter.


Lorsque le défunt ne laisse qu'un seul successeur, légal ou volontaire, celui-ci, après avoir remis les
biens légués à titre particulier, il prend tous les biens qui constituent la masse héréditaire sans qu'il
soit question de partage à proprement dit.
En revanche, lorsque le défunt laisse plusieurs successeurs universels ou à titre universel, une fois
remis les biens légués à titre particulier, la masse héréditaire est en état d'indivision si toutefois ses
successeurs ont des droits de même nature sur les mêmes biens.

Ainsi, et par exemple, en cas de concours entre un héritier du défunt et le conjoint survivant lorsque
ce dernier succède en usufruit, il n'y a pas indivision entre eux, les deux successeurs n'ayant pas des
droits de même nature.

L'indivision est une propriété collective. La pluralité de successeurs universels ou à titre universel
conduit à une véritable liquidation de l'actif qui consiste à évaluer les éléments de l'actif pour
chiffrer les droits des parties et les droits se réduisent alors à des parts mathématiques.
Ensuite, il y a lieu d'allotir chacune des parties. C'est le partage proprement dit de la succession.
Le partage, qui suppose une pluralité de successeurs, met fin à l'indivision successorale et conduit à
composer et à attribuer les lots qui reviendront à chaque héritier.

Les choses sont cependant parfois un peu plus complexe.


Ainsi, la masse des biens à partager entre les cohéritiers ne se réduit pas nécessairement aux seuls
biens que le défunt a laissé à son décès et n'a pas légué à titre particulier.

Deux mécanismes pour l'essentiel sont susceptibles de modifier la composition de la masse des
biens à partager:
 Le rapport des libéralités
Ce rapport oblige l'héritier, qui a reçu une libéralité du défunt en avance sur sa part, à en rendre
compte à ses cohéritiers.

 La réduction des libéralités qui prive d'effet les libéralités qui excèdent la quotité
disponible et porte ainsi atteinte à la réserve héréditaire
Il s'agit alors de reporter, au moment de la liquidation de l'actif, le montant réévalué de la réduction
constatée au décès. Cette réévaluation pouvant, selon les circonstances, être intégrée dans la masse
héréditaire à partager.

À ces deux mécanismes il faut joindre le rapport des « dettes ».


CHAPITRE 1:
L'INDIVISION SUCCESSORALE

S'il y a deux ou plusieurs héritiers aux droits de même nature, la dévolution de la succession crée
une indivision qui est une forme particulière de la propriété.
À la propriété privative du défunt se trouvent substitués les droits de l'héritier sur une quote-part. Il
y a copropriété.

Le régime de l'indivision relève de l'étude générale de la propriété.


La loi de 2006 a entendu améliorer la gestion de l'indivision successorale en apportant des
modifications de fond.
Cette loi ne se contente pas d'assouplir le régime de l'indivision, elle en modifie la nature en
retenant la règle de la majorité pour certains actes.
La règle précédente de l'unanimité des coindivisaires empêchait l'expression d'un véritable intérêt
collectif. La règle de la majorité que la loi de 2006 installe est, au contraire, une véritable technique
d'expression d'un intérêt collectif.
Ce constat n'est pas sans conséquence quant à la question de savoir si l'indivision a ou non la
personnalité morale.
Pour certains auteurs, l'expression d'un véritable intérêt collectif que la loi de 2006 favorise semble
devoir rendre inévitable l'abandon par la Cour de cassation de sa jurisprudence refusant toujours
encore à l'indivision la personnalité morale: Cass. Civile 3, 25 avril 2001; Cass. Civile 3, 3
octobre 2007.
Un arrêt rendu récemment par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 mai 2008
a pu d'ailleurs être interprété dans le sens d'une reconnaissance.

L'indivision successorale est actuellement réglementée par les articles 815 à 815-18 du Code civil.

Section 1: La composition de la masse indivise


La masse des biens en indivision est composite.

I. Les biens existants

Figurent dans la masse indivise les biens dont le défunt était propriétaire lors de son décès. Encore
convient-il de distinguer les biens corporels des créances et des dettes.

Ainsi, quant aux dettes, elles sont, en principe, exclues de l'indivision puisqu'à l'instant du décès,
elles se divisent de plein droit entre les héritiers: article 1220 du Code civil.
Cependant, il convient de nuancer ce fait puisque les créances successorales, jusqu'au partage,
conservent le patrimoine successoral comme gage indivisible. La division des dettes ne s'imposent
pas à eux: article 815-17 du Code civil.

Quant aux créances, la jurisprudence a décidé que la division ne se produit que dans les rapports
entre les héritiers et le débiteur. Elle ne se produit pas dans les rapports des cohéritiers entre eux. Si
donc les créances n'ont pas été encaissées durant l'indivision, elles sont comprises dans le partage et
soumises à l'effet déclaratif du partage.
II. Les biens rapportés

Font également partis de la masse des biens indivis ceux qui avaient été donnés par le défunt à l'un
des successibles et qui sont soumis au rapport.
Si le rapport est en nature, c'est le bien même qui se trouve replacer dans l'indivision.
Si le rapport est en valeur, c'est une valeur pécuniaire qui se trouve alors indivise.

III. Les fruits et les revenus des biens indivis

Logiquement, les fruits et les revenus de chaque bien devraient appartenir à l'héritier dans le lot
duquel figure le bien en cause, l'attribution des lots à chaque héritier se faisant au moment du
partage proprement dit de la succession.

Toutefois, la complication des comptes qu'une telle solution implique a conduit la jurisprudence,
puis le législateur a édicté que « les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à
l'indivision »: article 815-10 alinéa 2 du Code civil.
Lorsque les fruits et revenus des biens indivis résultent du travail d'un indivisaire, ce dernier a droit
à une rémunération: article 815-12 du Code civil.

IV. Les biens subrogés aux biens successoraux

Aux termes de l'article 815-10 du Code civil, sont de plein droit indivis, par l'effet d'une
subrogation réelle, les créances et les indemnités qui remplacent les biens indivis ainsi que les biens
acquis avec le consentement de l'ensemble des indivisaires en emploi ou remploi de biens indivis.
Exemple: une indemnité d'assurance qui remplace l'immeuble indivis détruit.

Section 2: Le fonctionnement de l'indivision successoral


L'ensemble des biens indivis étant considéré comme une masse autonome et indépendante, il faut
pourvoir à sa gestion. La loi prévoit que les cohéritiers indivisaires ont la possibilité de se doter
d'une organisation plus structurée par la conclusion de conventions relatives à l'exercice des droits
indivis: articles 1873-1 à 1873-18 et 815-1 du Code civil.

Se faisant, on différencie le régime légal de l'indivision et le régime conventionnel.


S'agissant du régime légal de l'indivision, la loi de 2006 a modifié nombre de règles jusque là
applicables pour en dynamiser la gestion. Ainsi, les nouvelles dispositions applicables à l'indivision
successorale conduisent à différencier les actes qu'un indivisaire peut faire seul, ceux qui requièrent
l'unanimité et les actes qui peuvent être accomplis à une majorité qualifiée.

I. Les actes qui requièrent l'unanimité des consentements des indivisaires

Jusqu'à la loi de 2006, les actes juridiques relatifs aux biens indivis exigeaient, en règle générale,
l'unanimité des consentements des intéressés. Cette règle de l'unanimité occasionnait souvent des
difficultés pratiques puisque l'accord de tous n'était pas toujours facile à obtenir.

Cette règle n'a pas disparu avec la loi de 2006. Cependant, désormais, seuls les actes les plus graves
demeurent soumis à cette règle: article 815-3 alinéa 2 du Code civil.
Il en va ainsi pour les actes de disposition des biens indivis à l'exception toutefois de la vente des
meubles indivis lorsque le produit de cette vente est destiné à payer les dettes et charges de
l'indivision.
L'unanimité des consentements des indivisaires est également requise pour tous les actes qui, aux
termes de l'article 815-3 alinéa 2 du Code civil, ne ressortissent pas à l'exploitation normale des
biens.
Exemple: lorsqu'il s'agira de changer la destination d'un bien. Ainsi une cour d'appel a pu
considérer que requérait le consentement de tous les indivisaires l'exploitation nouvelle d'un marais
à des fins apicoles et non plus salicoles.

II. Les actes qui peuvent être faits à la majorité des 2/3 des droits indivis

L'article 815-3 alinéa 1 du Code civil énonce les actes qui peuvent être accomplis par un ou
plusieurs indivisaires à la majorité qualifiée. Cette règle constitue une dérogation à la règle
classique de l'unanimité.

Il s'agit de tous les actes d'administration relatifs aux biens indivis.


Il s'agit ensuite de l'hypothèse où un ou plusieurs indivisaires souhaite conférer un mandat
d'administration générale à un indivisaire ou à un tiers.
Il s'agit aussi et enfin de la vente des biens meubles indivis pour acquitter les dettes et charges de
l'indivision. Ce dernier acte peut être conséquent lorsque, par exemple, il s'agira de valeurs
mobilières comme des parts de SCI.

III. Les actes qu'un indivisaire peut faire seul

La loi du 23 juin 2006 a maintenu le droit pour chaque indivisaire d'effectuer seul les mesures
nécessaires à la conservation des biens indivis en ajoutant toutefois une nouvelle disposition selon
laquelle un indivisaire peut effectuer les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis
même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence: article 815-2 du Code civil.

Le législateur de 2006 a entendu remettre en cause la jurisprudence qui se montrait restrictive en la


matière en faisant de l'urgence une condition de la qualification même des mesures nécessaires à la
conservation des biens indivis: Cass. Civile 3, 9 octobre 1996.

Section 3: La cessation de l'indivision successorale


Le Code civil pose, en principe, que « nul n'est contraint de demeurer dans l'indivision »: article
815 du Code civil.
Le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention.
Chaque indivisaire peut ainsi demander qu'à sa part mathématique sur l'ensemble des biens soit
substitué un droit privatif et exclusif sur les biens déterminés.
Mais la loi prévoit également la possibilité pour les indivisaires de maintenir conventionnellement
l'indivision, voire, sur la demande de l'un d'eux, le maintien de l'indivision par décision judiciaire.
CHAPITRE 2:
LA FORMATION DE LA MASSE DES BIENS A
PARTAGER

La masse héréditaire n'a pas seulement une certaine valeur, elle est composée de biens concrets
laissés par le défunt ou ramenés dans la succession par le jeu du rapport ou des réductions des
libéralités.

La formation de la masse des biens à partager entre les cohéritiers ne suppose pas seulement que
l'on estime les biens que les cohéritiers se partageront, elle suppose également que l'on détermine de
façon précise les biens concrets que les successeurs pourront espérer recevoir à la suite du partage.

L'article 825 du Code civil, issu de la loi de 2006, est venu combler une lacune importante du
Code civil en donnant une définition de la masse partageable laquelle, jusqu'alors, n'était précisée
dans aucun texte.
La masse des biens à partager comprend les biens existants à l'ouverture de la succession, ou ceux
qui leur ont été subrogés, et dont le défunt n'a pas disposé à cause de mort, ainsi que les fruits y
afférents. Elle est augmentée des valeurs soumises à rapport ou à réduction, ainsi que des dettes des
copartageants envers le défunt ou envers l'indivision.
Aux termes de ce texte, il convient donc de joindre aux biens existants, tels que définis par ailleurs
pour l'application de l'article 922 du Code civil, les libéralités soumises au rapport successoral et le
produit de la réduction des libéralités.
Font également partis de la masse des biens à partager, les dettes des copartageants qu'elles soient
dues envers le défunt ou envers l'indivision.

Section 1: Le rapport des libéralités


Le rapport est l'acte par lequel un héritier, appelé avec d'autres à recueillir une succession, joint à
la masse des biens existants à partager certains biens ou valeurs provenant du défunt.

Le rapport des libéralités permet de rétablir l'égalité entre les copartageants en astreignant l'un d'eux
à remettre dans la masse soit en valeur, soit en nature le bien qui lui avait été donné ou légué dans la
limite de la quotité disponible.

Comme, par hypothèse, le défunt n'avait pas eu l'intention d'avantager son successible, on tient
compte de la libéralité sous forme d'un rapport dans le règlement de la succession de manière que
les attributions aient lieu sur un pied d'égalité: article 843 du Code civil.

I. Personnes soumises et personnes bénéficiaires du rapport successoral


A. Personnes tenues au rapport successoral

Aux termes de l'article 843 du Code civil, tout héritier venant à une succession, même ayant
accepté à concurrence de l'actif net, doit rapporter tout ce qu'il a reçu du défunt en avance de part
successorale. Tel est le principe.
Ainsi, seul l'héritier ab intestat et acceptant est tenu au rapport successoral, à l'exclusion donc des
légataires universels ou à titre universel.

Aux termes de l'article 857 du Code civil, le rapport successoral n'est dû, par ailleurs et en
principe, que par le cohéritier à ses cohéritiers. Ainsi, ni les légataires, ni les créanciers de la
succession ne peuvent en bénéficier.
Les legs s'exécutent sur les biens existants et les créanciers successoraux ne peuvent se faire payer
sur les biens rapportés.

Le passif successoral, quant à la composition de la masse à partager, se déduira en conséquence des


biens existants et préalablement aux rapports des libéralités.
En concret, la règle qui veut que les rapports des libéralités ne soient dûs qu'à ses cohéritiers ne vaut
que dans l'hypothèse de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net car en cas
d'acceptation pure et simple, il y a confusion des patrimoines et le créancier successoral devient
alors un créancier personnel de l'héritier.

Il existe d'une part des situations particulières et, d'autre part, la loi de 2006, sans avoir totalement
renouvelé la matière, a apporté certaines modifications aux dispositions existantes.

Quant aux situations particulières, il convient de citer les articles 847 et 848 du Code civil.
Le principe est que l'héritier ne rapporte que les donations qui lui ont été faites personnellement.
L'ancien droit, et pour que l'égalité entre les enfants s'impose, avait posé des présomptions
d'interposition de personnes. Ainsi, une libéralité faite au père du successible était présumée faite
personnellement à ce dernier.

Les rédacteurs du Code civil ont abandonné ces présomptions et il est ainsi précisé à l'article 847
du Code civil, qu'en cas de dons ou de legs fait au fils de celui qui se trouve successible à l'époque
du décès, ces dons et legs sont toujours réputés faits avec dispense de rapport. Tout se passe comme
si le don ou le legs avait été fait à un non parent du défunt.

L'article 848 du Code civil envisage, lui, la situation inverse: un don fait au père de celui qui est
appelé à la succession du donateur. Ce n'est que dans l'hypothèse où le fils vient à la succession du
donateur de son chef qu'il n'est pas tenu de rapporter le don fait à son père quand bien même, par
ailleurs, il aurait accepté la succession de ce dernier.
Si le fils vient par représentation à la succession du donateur, il doit rapporter ce qui avait été donné
à son père et ce quand bien même ce fils aurait répudié la succession de son auteur.

Quant aux modifications de la loi de 2006, deux hypothèses sont à envisager: celle visée à l'article
846 du Code civil et celle visée à l'article 845 du même Code.

En premier lieu, l'article 846 du Code civil prévoit que sauf clause contraire expresse, le donataire
non héritier présomptif lors de la donation mais se trouve successible au jour du décès, ne doit pas
le rapport.
Avant 2006, la qualité d'héritier était celle du décès.

En second lieu, en principe, l'héritier qui renonce à la succession n'est pas tenu au rapport
successoral.
Depuis la loi du 23 juin 2006, un tel héritier peut y être tenu si le disposant a expressément exigé ce
rapport: article 845 du Code civil.
En ce cas, et comme le prévoit l'alinéa 2 de l'article 845 du Code civil, le renonçant devra alors
indemniser les héritiers de l'excédant que lui confère la donation par rapport à la part qu'il aurait eu
s'il avait accepté la succession du donateur. Il s'agirait donc plus ici, et selon certains auteurs, d'une
indemnisation en valeur que d'un véritable rapport successoral.
B. Les personnes bénéficiaires du rapport successoral

Seuls les héritiers ab intestat sont bénéficiaires du rapport des libéralités et seuls ces héritiers
pourront demander chacun et personnellement ce rapport à l'exclusion donc des légataires: article
857 du Code civil.
Cette règle est une illustration du principe de réciprocité. Seules les personnes tenues au rapport
peuvent le demander.

Dans l'hypothèse assez fréquente d'une donation consentie conjointement par les deux époux, cette
libéralité sera rapportée à chacune des deux successions et pour moitié: article 849 alinéa 2 du
Code civil.

II. Les libéralités soumises au rapport successoral

L'article 843 du Code civil invite à distinguer les legs des donations entre vifs. Ainsi, les legs ne
sont rapportables que si le testateur l'a décidé car, de principe, le legs est présumé fait hors part
successorale et donc non rapportable.

Quant aux donations entre vifs, elles sont présumées faites en avancement de part et sont donc, et ce
quelque soit la forme de la donation, de principe, soumises au rapport successoral.

Il appartient au donateur d'en disposer autrement. Cependant, cette dispense de rapport se doit d'être
précisée. Ainsi, si la donation porte atteinte à la réserve héréditaire, l'excédant soumis à réduction
sera lui soumis au rapport successoral.

Certains actes ne peuvent se voir appliquer de telles présomptions. Par ailleurs, si la donation est
présumée faite en avancement de part et rapportable, cela ne vaut, et en principe, que pour l'héritier
ab intestat acceptant (sauf disposition de l'article 845 du Code civil).
Parmi ces actes, citons d'une part les présents d'usage (article 852 du Code civil), mais également
le bénéfice d'un contrat d'assurance-vie (article L132-13 du Code des assurances et Chambre
mixte, 23 novembre 2004).

S'agissant des présents d'usage, une double condition est exigée:


− Satisfaire à un usage (anniversaire, mariage...).
− Comme le prévoit l'article 852 du Code civil, il est tenu compte de la fortune, des ressources du
disposant.
Le caractère de présent d'usage s'apprécie à la date où il est consenti.

Quant au bénéfice d'un contrat d'assurance-vie mixte, ce bénéfice est de principe hors succession.
Cela s'explique par le mécanisme de la stipulation pour autrui.
Ce faisant, quand le bénéfice d'un contrat d'assurance-vie s'analyse comme une libéralité, il n'est pas
rapportable à la succession.
L'article L132-13 du Code des assurances prévoit que ce ne sont que des primes qualifiées de
manifestement excessive, eu égard aux ressources du stipulant, qui sont rapportables à la
succession.

III. Le régime du rapport des libéralités

Le régime légal du rapport des libéralités a été profondément modifié par la loi du 3 juillet 1971 et
par celle du 23 juin 2006 sans renouveler totalement la matière. Elles ont modernisé des règles
jusqu'alors applicables.
Le régime légal du rapport des libéralités a un caractère supplétif. Il appartient aux volontés
autonomes de moduler l'obligation du gratifié en aménageant le cadre juridique que la loi leur
propose.

Deux impératifs émergent du régime légal du rapport des libéralités:


− Egalité des copartageants.
− Sécurité du gratifié.

Le premier impératif conduit à évaluer les biens rapportables à l'époque du partage et à faire jouer la
subrogation au fil des mutations qui affectent ces biens avant l'époque du partage par emploi,
remploi ou reconstitution.

Le second impératif aboutit à ériger le rapport en moins prenant en solution de principe et à prendre
en compte la valeur du bien au temps de l'aliénation lorsque le gratifié s'en est défait avant le
partage.

Ces deux impératifs n'ont pas été remis fondamentalement en cause par la loi du 23 juin 2006.
L'étude du régime légal du rapport des libéralités conduit ainsi à différencier tout d'abord les
principes de base du rapport dans l'hypothèse la plus simple où l'objet de la libéralité existe encore
entre les mains du gratifié à l'époque du partage.
D'autre part, les solutions qui se déduisent de ces principes à l'épreuve de certaines péripéties tenant
pour l'essentiel aux vicissitudes de l'objet donné.

A. Les principes de base du rapport des libéralités

Dans l'hypothèse simple où l'objet de la libéralité se trouve entre les mains du gratifié à l'époque du
partage et où la volonté des parties n'a pas dérogé aux dispositions de la loi, les principes qui
régissent la rapport des libéralités sont:
− Le rapport se fait en moins prenant et en valeur: article 858 du Code civil, tel que modifié
par la loi du 23 juin 2006. Il se fait en moins prenant sauf dans le cas de l'article 845 alinéa 2 du
Code civil auquel renvoie l'alinéa 1 de l'article 858.
Il se fait en valeur sauf stipulation contraire dans l'acte de donation.

− Le rapport est dû de la valeur du bien à l'époque du partage: article 860 alinéa 1 du Code
civil. La première chambre civile de la Cour de cassation, est venue précisée, dans son arrêt
rendu le 4 octobre 2005, que la valeur vénale du bien au jour du partage est constituée par le
prix qui pourrait en être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande et ce en tenant compte de
l'état du bien donné avant la donation et les clauses de l'acte constatant l'acte.

− Cette valeur du bien s'apprécie d'après l'état du bien à l'époque de la donation: article 860
du Code civil.

L'héritier débiteur d'un rapport en moins prenant n'est tenu d'effectuer aucune restitution en nature à
la masse héréditaire et le gratifié acquittera alors le rapport sur s part héréditaire.
Figurera donc dans la masse des biens à partager une valeur, la valeur du bien donné ou légué au
moment du partage et qui est rapportable.
La valeur rapportable de la libéralité au moment du partage s'analyse en une dette, valeur fluctuant
avec le prix du bien et ce jusqu'au terme du partage. L'héritier gratifié est débiteur d'une dette de
valeur.

Plusieurs questions se posent en conséquence de ce que l'héritier est débiteur d'une dette de valeur.
Le législateur de 2006, confirmant la jurisprudence de la Cour de cassation, précise ainsi à l'article
856 du Code civil que « les fruits des choses sujettes à rapport sont dus à compter du jour de
l'ouverture de la succession. Les intérêts ne sont dus qu'à compter du jour où le montant du rapport
est déterminé ».
Pour les intérêts: Cass. Civile 1, 4 octobre 1988.

De ce que enfin la valeur du bien rapportable s'apprécie d'après l'état du bien à l'époque de la
donation. Cette règle se rencontre du fait que lorsque l'évaluation du bien s'opère à l'époque du
partage, le succession bénéficie des plus-values et supporte les moins-values advenues au bien
donné entre la date de la donation et celle du partage.
Toutefois, cette règle ne s'applique qu'aux fluctuations de valeur advenues fortuitement. Elle ne
concerne pas les améliorations et les dépréciations imputables au fait du donataire.
Il sera tenu compte, dans l'évaluation des biens, des améliorations faites par le donataire, comme il
sera tenu compte en sa défaveur des dépréciations du bien donné dont il est à l'origine.

B. Les péripéties affectant le bien donné

Tout d'abord, le bien donné peut périr et l'article 845 alinéa 1 du Code civil prévoit que le bien qui
a péri par cas fortuit et sans la faute du donataire, n'est pas sujet à rapport.
Toutefois, l'indemnité qui a pu être perçue en remplacement de ce bien est soumise au rapport.

Si le bien donné a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu'il avait à l'époque de
l'aliénation.
Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, le rapport sera dû de la valeur du nouveau bien à
l'époque du partage: article 860 du Code civil.

Enfin, dans l'hypothèse où le bien donné est une somme d'argent, le rapport est égal à son montant:
article 860-1 du Code civil.
Cependant, si cette somme donnée a financé l'acquisition d'un bien, le rapport est alors dû de la
valeur de ce bien au partage d'après son état à l'époque de l'acquisition: article 860-1 du Code civil.

Section 2: Le « rapport » de dettes

Toutes les créances d'un successeur sont comprises dans la masse des biens à partager entre les
cohéritiers.
Il peut s'agir par exemple de dettes envers le défunt comme le prêt fait à l'un des cohéritiers, prêt
non remboursé à la date du décès du défunt.

La question s'est posée à la Cour de cassation le 29 juin 1994 de savoir ce qui devait être
« rapporté » à la masse des biens à partager lorsque le prêt d'une somme d'argent a été employée à
l'acquisition d'un bien.
Devait-on « rapporter » le montant nominal du prêt ou la valeur du bien acquis grâce à la
somme prêtée?
Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation, en 1994, pose deux principes:
− Le « rapport » de dettes n'obéit pas aux règles du rapport de dons de l'article 869 du Code civil
(devenu l'article 860-1).

− Le cohéritier, débiteur d'une dette envers le dé cujus, doit réaliser le « rapport » de sa dette en
moins prenant sur sa part et non en effectuer le paiement.

S'agissant de ce second principe, il convient de préciser que, contrairement à ce que laisse penser au
premier abord la lecture de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, le « rapport » en moins prenant
n'est pas le seul mode de règlement pour le débiteur.
En réalité, rien n'interdit à l'héritier débiteur de s'acquitter de sa dette en numéraire par le paiement à
condition qu'il s'exécute avant le partage.
Ce que la Cour de cassation a entendu dire est qu'à partir de l'instant où l'héritier débiteur préfère
attendre le partage pour s'acquitter de sa dette, alors il ne pourra le faire qu'en moins prenant par
imputation sur sa part successorale. Dans ce cas, le montant de la dette sera « rapportée » dans la
masse des biens à partager.

Section 3: Le produit des libéralités réductibles


La réduction des libéralités prive d'effet les libéralités qui excèdent la quotité disponible et porte
atteinte à la réserve héréditaire.

S'agissant de la composition de la masse des biens à partager entre les cohéritiers, il s'agit de
reporter, au moment de la liquidation de l'actif successoral, le montant réévalué de la réduction
constatée au décès en application de l'article 922 du Code civil.
Ainsi donc figure dans la masse des biens à partager la fraction réductible réévaluée au partage sur
la réduction en valeur de la totalité de la libéralité réévaluée également au moment du partage.

Comme pour le rapport des libéralités, la réduction en valeur d'une libéralité a posé certaines
difficultés dues pour l'essentiel du fait que celui qui est débiteur d'une telle indemnité de réduction
est débiteur d'une dette de valeur qui fluctue avec la valeur du bien et ce jusqu'au jour du partage,
c'est-à-dire au jour de la liquidation de la succession.

Ces difficultés intéressent d'une part, le calcul des intérêts dus par le débiteur de l'indemnité de
réduction sur le montant de cette indemnité et d'autre part, celle d'une éventuelle restitution des
fruits sous forme ici de leur équivalence pécuniaire puisqu'on est face à une réduction en valeur et
non en nature.

Ces mêmes difficultés se posent pour le rapport des libéralités. La loi du 23 juin 2006 a réglé ces
difficultés en reprenant les acquis jurisprudentiels: article 924-3 du Code civil; Cass. Civile 1, 29
juin 1989; Cass. Civile 1, 2 juin 1992.

Ce qu'il convient de comprendre est que les deux questions, intérêts et fruits, sont liées. Si
l'indemnité de réduction est productive d'intérêts à compter du décès du défunt, la question de la
restitution des fruits ne se pose pas. En effet, les intérêts qui sont dus, compensent alors la perte des
fruits et des plus-values du capital (on peut dire que les intérêts constituent les fruits de l'argent).

En revanche, si l'indemnité de réduction n'est productive d'intérêts qu'à compter du partage comme
l'a d'abord admis la jurisprudence puis admis le législateur de 2006 (article 924-3 alinéa 2 du Code
civil), se pose alors la question de savoir si l'équivalent pécuniaire des fruits perçus depuis le décès
du dé cujus n'est pas alors dû par le débiteur de l'indemnité de réduction.
Cette question se pose car l'indemnité de réduction, calculée au moment du partage, ne comble que
l'érosion monétaire et la perte des plus-values mais ne compense pas la perte des fruits.

En conséquence, comme l'ont tout d'abord retenu les juges, l'indemnité de réduction n'est productive
d'intérêts qu'à partir du partage: article 924-3 alinéa 2 du Code civil.

Quant aux fruits, la jurisprudence de la Cour de cassation retient que le débiteur de l'indemnité de
réduction est redevable de l'équivalent pécuniaire des fruits perçus du décès jusqu'au partage: arrêts
du 29 juin 1989 et du 2 juin 1992.

Remarque: l'article 928 du Code civil précise que lorsque la réduction se fait en nature, le
donataire doit restituer les fruits de ce qui excède la quotité disponible à compter du jour du décès
du donateur si la demande en réduction a été faite dans l'année du décès, sinon au jour de la
demande.
CHAPITRE 3:
LE PARTAGE PROPREMENT DIT DE LA
SUCCESSION

Il n'y a lieu à un partage de la succession que dans l'hypothèse où il existe une pluralité de
successeurs qui se trouvent en indivision au décès du défunt.
Le partage proprement dit de la succession met fin à l'indivision successorale et il a pour but de
modifier le régime de la propriété des biens successoraux, à savoir que la propriété privative est
alors reconstituée et ce au moyen de la répartition des biens entre les différents héritiers.
Cette transmutation se réalise par un fractionnement de la masse indivise en un certain nombre de
lots qui sont attribués aux différents successeurs.

Le partage est aujourd'hui réglementé aux articles 816 à 842 et 883 à 892 du Code civil.

La loi du 23 juin 2006 a entendu moderniser les opérations de partage et l'ensemble des dispositions
nouvelles s'applique à toutes les indivisions successorales existantes au jour de l'entrée en vigueur
de la loi (1er janvier 2007) et s'applique également aux successions ouvertes et non encore
partagées à cette date, sauf s'il existe une instance en cours.

Le législateur de 2006 n'a cependant pas bouleversé totalement la matière puisque certaines règles
nouvelles ne font que consacrer la jurisprudence et d'autres clôturent des évolutions déjà réalisées.
Ainsi, la loi du 23 juin 2006, parachevant l'évolution amorcée en pratique, prévoit aux articles 830
et 832-8 du Code civil, la continuité de l'action d'une entreprise qui devient un principe essentiel
lorsqu'une telle entreprise est comprise dans la masse successorale.

La loi du 23 juin 2006 maintient deux formes de partage:


− Le partage amiable.
− Le partage judiciaire de la succession.
Sachant toutefois que la loi entend promouvoir le partage amiable de la succession qui se trouve
donc être la règle.

Le partage est amiable lorsque la répartition des biens indivis a lieu par le libre accord des
indivisaires: articles 835 à 839 du Code civil.

Le partage est judiciaire lorsqu'il doit se faire par voix de tirage au sort des lots à la suite d'une
procédure devant le tribunal du lieu de l'ouverture de la succession. Le partage judiciaire de la
succession s'imposera dans l'hypothèse d'un désaccord entre les cohéritiers. Cependant, si ce
désaccord vient à disparaître, il est permis aux cohéritiers, une fois les lots formés, de convenir de
leur attribution et ainsi échapper à l'aléa du tirage au sort.

Qu'il soi amiable ou judiciaire, le partage de la succession obéit à certaines règles communes
comme il obéit, selon sa forme, à des dispositions spécifiques.
Ainsi, le partage amiable est réglementé par les articles 835 à 839 du Code civil et le partage
judiciaire par les articles 840 à 842 du Code civil.

Section 1: Les règles communes aux partages amiable et judiciaire de


la succession

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