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UNIVERSITE DE KINSHASA
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PRIVE ET JUDICIAIRE

MANUEL DES QUESTIONS SPECIALES DE PROCEDURE CIVILE

Deuxième licence en droit


NICOLAS KABASELE
Professeur

CRDS 2017
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Introduction
01. Objectif du cours. – L’objectif poursuivi par l’étude des questions spéciales de la
procédure civile est de permettre aux étudiants d’approfondir des procédures
particulières, qui se déroulent dans certaines matières qui sont toutes aussi
importantes dans la vie pratique du juriste, que la procédure de droit commun. Il
s’agit, en effet, d’analyser des procédures particulières à certaines matières, qui ont
été déjà vues ; mais, qui n’ont pas été suffisamment approfondies. On peut citer
notamment les questions de divorce [cours de droit civil des personnes, en premier
graduat], de la procédure en matière du droit de travail[ étudiée en première licence],
[, de la prise à partie, de l’arbitrage [troisième graduat]).
02. Sources. Enumération. – Comme on peut s’en rendre compte, les questions
spéciales de procédure civile ne sont pas réglementées dans un seul et même texte de
loi. Elles peuvent ainsi être retrouvées dans divers textes légaux. Ainsi, la procédure
en matière de divorce est incorporée aux articles 546 à 577 du Code de la famille ;
celle relative à la matière du travail est réglementée respectivement aux articles 297 à
317 de la loi n° 015-2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail et 1 à 47 de la loi
n° 016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des
tribunaux du travail. Quant à l’arbitrage, il est régi par l’acte uniforme du droit
OHADA relatif à l’arbitrage.
Il faut aussi ajouter la loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la
procédure devant la Cour de cassation portant procédure devant la Cour de
cassation, pour les procédures de prise à partie, de renvoi des juridictions et de
règlement des juges.
03. Plan sommaire. - Le plan du cours se présente de la manière suivante :
Partie I. Procédures particulières à certaines matières
Titre I. Procédures devant les juridictions de fond
Chapitre I. Divorce
Chapitre II. Affaires du travail
Chapitre III. Procédures simplifiées de recouvrement
Titre II. Procédures devant la Cour de Cassation
Chapitre I. Prise à partie
Chapitre II. Renvoi de juridiction
Chapitre III. Règlement des juges
Partie II. Arbitrage
Chapitre 1. Notions générales
Chapitre 2. Constitution du tribunal arbitral
Chapitre 3. Instance arbitrale
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Chapitre 4. Sentence arbitrale


Chapitre 5. Reconnaissance, exécution et voies de recours contre la sentence arbitrale

04. Bibliographie. - Sans être exhaustive, les étudiants peuvent recourir, à titre
indicatif, et avec intérêt à la liste bibliographique suivante :
1. BRANLAR (J.P), Procédure civile et voies d’exécution, Sirey, Paris, 1983.
2. N. KABASELE - KABASELE, La contribution du procès arbitral à la sécurité
juridique et judiciaire, Thèse, UNIKIN, 2010.
3. N. KABASELE - KABASELE, OHADA et Droit congolais de l’arbitrage. Quel
apport ? Kinshasa, 2010.
4. N. KABASELE – KABASELE, Procédures simplifiées de recouvrement et voies
d’exécution du système OHADA, Kinshasa 2013.
5. N. KABASELE - KABASELE, Droit de l’OHADA. Economie des dispositions de
l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, Kinshasa 2013.
6. KALONGO MBIKAYI, Code civil et commercial congolais, CRDJ, KINSHSA, 1997.
7. KATUALA KABA KASHALA, Code judiciaire zaïrois annoté, ASYST,
KINSHASA, 1995.
8. MUKADI BONYI, Litiges individuels du travail, KINSHASA, 1997.
9. MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, KINSHASA,
1999.
10. MUKADI BONYI, Droit du travail, CRDS, BRUXELLES, 2008.
11. MUKADI BONYI et al, Cinquante ans de législation post coloniale au Congo –
Zaïre. Quel bilan? CRDS, BRUXELLES, 2010.
12. NSAMPOLU IYELA, Exécution des décisions rendues en matière de droit privé
par les juridictions de droit écrit, in RJZ, 60eme année, KINSHASA, 1986.
13. TSHILENGI WA KABAMBA, Droit judiciaire, T1, Droit et voies d’exécution des
jugements, KINSHASA, 2011.
Partie I. Procédures particulières à certaines matières
Titre I. Procédures devant les juridictions de fond
Chapitre I. Divorce
05. Base de la matière. – Le divorce est réglementé par les articles 546 à 577 de la loi
numéro 87 – 010 du 1er août 1987 portant Code de la famille. Cette loi a été modifiée
en date du 15 juillet 2016 par la loi modifiant et complétant la loi numéro 87 – 010 du
1er août 1987 portant Code de la famille. La procédure en matière de divorce est
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introduite et jugée dans la forme ordinaire, c'est-à-dire suivant les règles de droit
commun, sous réserves des règles particulières relatives à l’instance de conciliation.
06. Action attitrée. Seuls les époux peuvent exercer l’action en divorce. – L’action en
divorce, qui est prononcé suite à la destruction irrémédiable de l’union conjugale,
n’appartient qu’aux seuls époux. Si l’époux demandeur est interdit, son tuteur peut,
en son nom, demander le divorce avec l’autorisation du conseil de famille.
07. Absence de l’énumération des causes du divorce. Destruction irrémédiable de
l’union conjugale. – On peut noter que le Code de la famille n’énumère pas les
causes de divorce, comme c’est fut le cas dans le Code civil livre 1 er. Néanmoins, la
séparation unilatérale, qui s’est prolongée pendant trois ans au moins, constitue une
présomption de la destruction irrémédiable de l’union conjugale. De même,
l’absence, qui s’est prolongée pendant deux ans ainsi que la déclaration d’absence,
constituent une présomption irréfragable de la destruction irrémédiable de l’union
conjugale.
08. Deux phases sont instituées.- Le Code de la famille institue dans la procédure en
divorce deux phases de procédure à suivre, à savoir : l’instance de conciliation, la
première phase ; et, la phase juridictionnelle proprement dite : l’action en divorce, la
seconde.
Section 1. Instance de conciliation
Paragraphe 1. Déroulement de la procédure
09. Requête en divorce. Quid de l’assignation ? – La première phase commence par
la requête introduite par l’époux demandeur. Celui qui demande le divorce adresse
au président du tribunal de paix de la résidence de l’autre époux ou de la dernière
résidence conjugale une requête orale ou écrite. La requête doit être motivée. Le
requérant doit joindre à sa requête: l’acte de mariage, les actes de naissance et les
actes de décès des enfants des époux.
En matière de divorce, il peut être fait recours à l’assignation dans l’hypothèse de la
non – comparution de l’autre époux ; le président commet un huissier pour lui
notifier une assignation ; si celui – ci ne comparait pas à la date ainsi fixée, il est
considéré comme refusant toute conciliation (article 558 du Code de la famille).
C’est une innovation apportée par la nouvelle loi.
10. Convocation des époux par le président du tribunal. – Le président du tribunal
convoque le requérant. Si le requérant ne répond pas, la requête ne pourra être
réintroduite qu’après un délai de six mois, sauf en cas de force majeure. Le président,
par cette tentative de conciliation unilatérale, explique au requérant la gravité de la
requête introduite. Si le requérant persiste dans sa décision, le président du tribunal
de paix ordonne aux époux, par lettre missive avec accusé de réception, de
comparaitre devant lui aux lieu et heure qu’il indique.
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A l’audience indiquée, les parties comparaissent à huit clos devant le président du


tribunal de paix et hors de la présence de leurs conseils.
En cas de non-conciliation de l’époux demandeur à cette deuxième séance, il est
présumé s’être désisté de sa requête, sauf cas de force majeure. Mais, en cas de la
non – comparution de l’autre époux, le président commet un huissier pour lui
notifier une assignation. Si celui-ci ne comparait pas à la date fixée, il est considéré
comme refusant toute conciliation.
11. Pouvoirs reconnus aux juges de prendre des mesures indispensables. - Puisque
la désorganisation du ménage est déjà en cours dès cette première phase de la
procédure, l’article 560 du Code de la famille donne au juge les pouvoirs de prendre,
en cas d’urgence, les mesures indispensables dans l’intérêt des époux eux-mêmes,
comme dans celui des enfants. C’est le cas notamment: de la décision de la résidence
séparée, de l’inventaire des biens, de l’octroi de la pension alimentaire, de la garde
des enfants.
Ces mesures sont appelés provisoires parce que d’une part, elles cesseront lors du
jugement définitif ; et, d’autre part, elles peuvent toujours être modifiées. Mais, elles
sont immédiatement applicables même si l’un des époux interjette appel. Ces
mesures sont prises par voie d’ordonnance et sont susceptibles d’appels.
Paragraphe 2. Clôture de la première phase
12. Etablissement des procès – verbaux de conciliation ou de non conciliation.- La
phase de conciliation prend fin avec l’établissement par le juge, du procès – verbal de
conciliation ou de non conciliation suivant que le juge a constaté la conciliation des
époux ou non. A ce sujet, l’article 562 du Code de la famille précise que le président
du tribunal dresse un rapport constatant le déroulement des instances avec leurs
résultats.
13. Etablissement du procès – verbal de conciliation: fin de la procédure de divorce.
– Enfin d’audience, le président dresse un rapport du déroulement des instances en
conciliation. Ce rapport doit également constater s’il y a eu conciliation ou non. La
conciliation met fin à la procédure de divorce, les époux devant reprendre la vie
conjugale comme auparavant.
14. Etablissement du procès – verbal de non conciliation: poursuite de l’action en
justice. – Ici, il y a échec de la conciliation. Le juge a tout tentée, mais en vain. Les
conseils qu’il a donnés aux époux et le temps qu’il a mis pour amener les époux à la
conciliation n’ont pas suffi pour aboutir au résultat escompté. Ainsi, en cas d’échec
de conciliation, la partie diligente peut faire saisir, par le président, le tribunal en
vue d’obtenir le divorce. D’où, la phase juridictionnelle proprement dite.
Section 2. Phase juridictionnelle proprement dite : action en justice
Paragraphe 1. Déroulement
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15. Saisine du tribunal de paix. – Il appartient au président de saisir le tribunal de


paix, par une décision de fixation d’audience, soit verbale, si les deux époux sont
présentes, soit par notification, en cas de défaut du défendeur.
En effet, à l’audience de conciliation au cours de laquelle le président du tribunal de
paix constate l’échec définitif de la conciliation, il fixe la date de l’introduction de
l’action en divorce devant le tribunal de paix, en tenant compte éventuellement du
délai d’ajournement.
Cette décision est notifiée verbalement et sur – le – champ aux époux. En cas
d’absence de l’époux défendeur, la décision lui sera notifiée par le greffier.
Si le requérant réside à l’étranger et qu’il a obtenu la dispense de comparaitre, le
président fixe la date d’audience dès qu’il a reçu la décision du requérant de
continuer la poursuite de la cause.
Il lui fait notifier par le greffier la date de l’introduction de l’action en divorce.
16. Surséance de l’action en divorce pendant la période de grossesse. – Aux termes
de l’article 564 du Code de la famille, si, pendant l’instance judiciaire, la femme est en
grossesse, et si elle sollicite la surséance de l’action en divorce pendant cette période,
celle-ci pourra être prolongée pendant la première année de l’enfant né vivant. Il
s’agit de la surséance de l’action en divorce pendant la période de grossesse.
Comme dans la chambre de conciliation, le demandeur qui ne comparait pas en
personne, ni par mandataire à la date de l’introduction de la cause, est présumé s’être
désisté de sa requête, sauf en cas de force majeure [art. 565, CF]. Ainsi, Le tribunal
doit tirer toutes les conséquences qui s’imposent et décréter la fin de non-recevoir,
sauf en cas de force majeure ou cas fortuit. Si, c’est le défendeur qui fait défaut, le
tribunal commettra un huissier pour lui notifier une assignation à comparaitre à une
nouvelle audience. Et, si le tribunal estime la présence du défendeur indispensable, il
peut même lancer un mandat d’amener à sa charge.
17. Instruction de la cause. – Après le rapport du président du tribunal de paix sur le
déroulement de la procédure préalable de conciliation, la cause est instruite dans la
forme ordinaire mais débattue à huis clos ; le jugement est rendu en audience
publique [art.566, CF cette article a été modifiée par la loi modifiant et complétant
la loi numéro 87 – 010 du 1er août 1987 portant Code de la famille]. On a voulu que
l’instruction de la demande en divorce puisse se faire en limitant les atteintes à
l’intimité des familles et en évitant une publicité scandaleuse.
18. Examen des mesures provisoires. Enumération. – En attendant la décision
définitive, le tribunal statue, à la demande des parties ou d’office, sur des mesures
provisoires, savoir : la résidence des époux, la remise des effets personnels, la garde
provisoire des enfants, le droit de visite, la demande d’aliments et des provisions
durant l’instance [art.568, CF]
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19. Admissibilité des actions révocatoires et des demandes reconventionnelles. -


Pendant la procédure de divorce, chacun des époux peut faire annuler les actes
accomplis par l’autre époux en fraude de ses droits [art. 569, CF].
Cette action permet à l’époux victime de faire rentrer les droits qui ont été sortis
frauduleusement du patrimoine de l’autre époux en fraude à ses droits. L’effet
principal est que lesdits droits seront considérés comme n’avoir jamais quittés le
patrimoine de l’époux qui a passé les contrats sur eux.
Le défendeur peut par ailleurs, introduire des actions reconventionnelles en cours
d’instance par des simples déclarations faites à l’audience et actées par le greffier
[art.570, CF].
20. Restriction quant au mode de preuve par témoin. - Le législateur prévoit aussi
des règles restrictives quant à la matière de preuve. En effet, lorsqu’il y a lieu à
l’enquête, elle est faite conformément aux dispositions de droit commun. Toutefois,
les descendants et les domestiques des époux ne peuvent être entendus commun
témoins.
21. Admissibilité de plusieurs décisions. Existence des décisions première et
complémentaire. En matière de divorce, le législateur prévoit que le tribunal peut se
borner, dans une première décision à prononcer le divorce et réserver pour une
décision complémentaire le règlement des questions que soulève le divorce.
En effet, une fois la conviction du juge faite, celui-ci peut, soit rejeter la demande du
divorce, soit prononcer le divorce. Si le juge prononce le divorce, il peut arriver que
d’autres demandes se greffent sur la demande principale, qu’est la demande en
divorce (pension alimentaire et garde des enfants) et ne puissent pas être réglées en
même temps que le jugement ordonnant le divorce. Dans ce cas, une décision
complémentaire doit intervenir dans le six mois après celle qui a prononcé le divorce
(art. 572, CF).
22. Fins de non recevoir et causes d’extinction de l’action. - Les articles 558 et 573 du
Code de la famille énumèrent les cas dans lesquels, l’action en divorce ne peut être
introduite. Il s’agit du décès de l’un des époux, du désistement exprès de l’époux
requérant et de la réconciliation.
L’action en divorce s’éteint par le décès de l’un des époux survenu avant que le
jugement prononçant le divorce soit devenu définitif, soit par la réconciliation des
époux survenue au cours de la procédure en divorce ou après le désistement exprès
de l’époux demandeur [art. 565 et 573, CF].
Toutefois, en cas de désistement, s’il y a eu demande reconventionnelle, celle – ci
demeure.
Paragraphe 2. Jugement du divorce
23. Voies des recours. – Le jugement prononçant ou rejetant le divorce est
susceptible de voies de recours. Les voies de recours ordinaires et extraordinaires
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ainsi que leurs délais ont un effet suspensif en raison de la gravité des conséquences
du divorce pour les époux, les enfants et les tiers.
En cas d’appel, la cause est débattue en chambre du conseil et le jugement rendu en
audience publique. Les demandes reconventionnelles peuvent être formées en appel
sans être considérées comme demandes nouvelles.
L’état des personnes étant disponible, le jugement qui prononce le divorce n’est pas
susceptible d’acquiescement [art.575 CF].
24. Exécution du jugement.- dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle
la décision de divorce n’est plus susceptible de voies de recours, le greffier remet à
chacun des époux un extrait du jugement. Lorsque les voies de recours auront été
épuisées ou le délai de recours aura expiré, les époux auront retrouvé leur liberté. Ils
sont dès lors étrangers, l’un envers l’autre. Vis – à – vis des tiers, les anciens époux ne
pourront se prévaloir du jugement du divorce à l’égard des tiers que moyennant
publicité.
La publicité est organisée de la manière suivante : Dans un délai d’un moi, lorsque la
décision n’est plus susceptible de recours, le greffier remet à chacun des époux, un
extrait du jugement. Le jugement est transcrit en marge de l’acte de mariage et de
naissance des anciens époux. La mention du divorce est portée au livret du ménage
ainsi que dans le registre de commerce, si l’un des époux est commerçant.
25. Dates des effets du jugement du divorce. Enumération. – L’article 577 du Code
de la famille précise les différentes a dates entrainant les effets du jugement du
divorce. Cet article fait une distinction suivant qu’il s’agit des effets personnels du
mariage entre les anciens époux ou selon qu’il s’agit de rapport avec les tiers. Il s’agit
d’abord du jour où il n’est plus susceptible de voies de recours en ce qui concerne les
effets personnels du mariage entre les époux ; ensuite, du jour de la requête en
divorce en ce qui concerne les rapports patrimoniaux entre les époux ; enfin, du jour
de sa mention en marge de l’acte de naissance en ce qui concerne les tiers.
Paragraphe 3. Effets du divorce
26. Divers effets du divorce. Enumération. – Aux termes de l’article 578 du Code de
la famille, le divorce dissout le mariage et met fin aux devoirs réciproques des époux
et a leurs régimes matrimonial. Le divorce produit ainsi un certain nombre d’effets, à
savoir : la dissolution du mariage, la dissolution du lien conjugal ; et les époux
cessent d’être mari et femme. Il se crée pour eux un nouvel état. Chacun reprend sa
liberté et peut contracter une nouvelle union. L’homme peut immédiatement se
remarier. Quant à la femme, elle est tenue de respecter le délai d’attente [délai de
viduité], qui est de 300 jours. Il y a également la cessation des devoirs réciproques
des époux : les anciens époux ne sont plus tenus aux obligations de cohabitation, de
fidélité et d’assistance.
27. Sort de la dot. – Quant au sort de la dot, l’article 579 du Code de la famille s’en
remet à la coutume des parties, tout en précisant que, dans tous les cas, le mari peut
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toujours encore renoncer à demander le remboursement de la dot. Mais, au cas où le


mari sollicite le remboursement de la dot, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner le
remboursement intégral de celle-ci. Il peut, selon le cas, soit refuser le
remboursement, soit d’ordonner le remboursement partiel notamment lorsque la
femme a eu des enfants, lorsque le mariage a été de longue durée ou si l’épouse est
inapte à travailler, soit par vieillesse, soit pour raison de maladie.
28. Sort des libéralités faites entre les époux. – S’agissant des libéralités faites entre
les deux époux à l’occasion ou pendant le mariage sont régies par le droit commun.
Et, l’article 889 du code de la famille dispose que toutes donations entre époux faites
pendant le mariage sont toujours révocables.
29. Accord d’une quotité des biens à l’époux désavantageux. – Le Code de la famille
prévoit, à son article 581, la possibilité pour le tribunal d’accorder à l’époux
désavantageux par le divorce, une quotité des biens sur les fonds propres de l’autre
époux. Ces biens ne constituent pas une indemnité accordée à l’époux innocent. Elles
ne constituent pas non plus une pension alimentaire versée pour celui des anciens
époux qui serait dans le besoin. Il ne faut plus les confondre avec la pension
alimentaire versée au profit des enfants.
30. Prolongement temporaire du devoir de secours en faveur de la femme divorcée.
– Le législateur du 1er août 1987 n’a pas retenu le principe de l’octroi de la pension
alimentaire à l’époux innocent, comme c’est fut le cas dans le Code civil livre 1 er.
Cependant, il prévoit, dans son article 582, le prolongement temporaire du devoir de
secours en faveur de la femme divorcée, pendant la période et pendant l’année qui
suit la naissance de son enfant, si la grossesse a commencé avant le divorce. Ce
devoir est temporaire et cesse dans deux cas : si la non paternité du mari est établie
judiciairement, ou si la femme a reçu une quotité de biens sur les fonds propres de
son ancien mari.
31. Usage provisoire de l’ancienne maison conjugale. – A la demande de l’un des
époux qui occupe, au moment de la transcription du jugement, une maison
appartenant tout ou en partie à l’autre époux, le tribunal de paix peut disposer qu’il
occupera la maison et usera des meubles meublants pendant six mois après la
transcription de la décision.
32. Effets à l’ égard des enfants: la garde des enfants.- Le divorce produit également
des effets quant au sort de la garde des enfants. Le jugement qui prononce le divorce
doit organiser la garde des enfants en fonction de leur intérêt. Il n’est plus question
de soumettre l’attribution de la garde des enfants au critère de l’innocence ou de la
culpabilité des anciens époux. Il doit également organiser les droits de surveillance et
celui de relations personnelles (art. 586 et 587 du Code de la famille).
Les arrangements ou les décisions prises en matière de garde, d’entretien et
d’éducation des enfants ainsi qu’en matière de droit de visite peuvent toujours être
révisées en considération du plus grand avantage des enfants. Les personnes
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0
susceptibles de demander la révision de ces mesures ont été limitées au père, à la
mère et au ministère public (art. 589 du Code de la famille).
33. Sort des biens de l’union conjugale : la dissolution du régime matrimonial.- Le
régime matrimonial des époux sera dissout par l’effet du divorce. Le sort des biens
de l’association conjugale sera réglé d’après le régime matrimonial choisi par les
époux. Si les époux n’ont pas pu choisir un régime matrimonial, celui de la
communauté réduite aux acquêts leur sera appliqué conformément au Code de la
famille [art. 489, CF].
Chapitre II. Procédure en matière de travail
34. Base de la matière. – Les dispositions du Code de procédure civile sont
d’application en matière du travail, sauf celles qui sont contraires à la loi du 16
octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement des tribunaux du
travail.
La procédure en matière du travail est ainsi organisée par les articles 297 à 317 de la
loi n° 015-2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail et par les articles 1 à 47 de
la loi n° 016-2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux du travail.
L’exécution d’un contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur peut se
dérouler sans heurt depuis la date de la conclusion du contrat jusqu’au moment où le
travailleur prend sa retraite. Mais, il n’est pas rare que cette exécution soit émaillée
d’incidents qui affectent la carrière du travailleur. On assiste en ce cas à la naissance
de litiges individuels de travail. Le Code du travail prévoit deux phases pour leur
règlement, la phase administrative devant l’inspecteur du travail et, en cas d’échec, la
phase judiciaire [1].
Ainsi, le droit congolais prévoit en matière du travail deux phases. Il s’agit d’une
part, de la phase administrative, qui a lieu devant l’inspecteur du travail ; et, d’autre
part, de la phase juridictionnelle, qui, elle, se déroule devant le tribunal compétent.
Section 1 : Phase de conciliation ou phase administrative
Paragraphe1. Inspecteur du travail
35. Plan. - On examinera tour à tour les conditions de recevabilité de l’action (§1), le
déroulement de l’instance (§2) ainsi que l’exécution des décisions et les voies de
recours la saisine du travail (§3).
§1. Conditions de recevabilité de l’action
36. Conditions. Enumération. - Outre les conditions de droit commun, notamment
l’intérêt, la qualité, l’objet et la nécessité d’agir dans un certain délai, la recevabilité
de l’action devant le tribunal est subordonnée à la réunion de trois conditions

1
. Mukadi Bonyi, Droit du travail, Bruxelles, 2008, p.633
1
1
spécifiques : l’existence d’un procès – verbal de non – conciliation (I), la saisine du
tribunal par voie de requête (II) et le respect des délais d’intentement de l’action (III).
I. Existence du procès - verbal de non – conciliation
37. Obligation de conciliation préalable.- Les litiges individuels de travail ne sont
recevables devant les tribunaux de travail que s’ils ont été préalablement soumis à la
procédure de conciliation à l’initiative de l’une des parties devant l’inspecteur du
travail du ressort.
L’inspecteur du travail procède à un échange de vues sur l’objet du litige et vérifie si
les parties sont disposées à se concilier. A la fin des échanges de vues, l’inspecteur du
travail établit un procès – verbal constatant ou non la conciliation.
En cas d’échec total ou partiel de la tentative de conciliation, le litige peut être soumis
au tribunal du travail. Les parties doivent attendre la signature du procès – verbal de
non conciliation avant travail avant d’introduire l’action en justice. Est irrecevable
l’action en justice fondée sur un procès-verbal de non conciliation établi avant
l’action en justice mais, non signé par l’inspecteur du travail et les parties après
l’introduction de l’action en justice.
En l’espèce, le procès-verbal de non conciliation de l’action en justice.
La cour d’appel a jugé cette action prématurée et, partant irrecevable pour violation
de l’article 200 du Code du travail.
38. Sanction de l’absence de conciliation préalable. - Le juge qui statue sur le fond
d’un litige individuel du travail non soumis à la procédure de conciliation préalable
doit relever d’office cette omission et déclarer l’action irrecevable. La Cour suprême
de justice peut soulever d’office un moyen tiré de cette violation lorsqu’elle constate
qu’il n’existe pas au dossier de procès – verbal de non - conciliation. Ce moyen
entraine cassation totale sans renvoi.
N’est pas fondée, l’exception tirée de l’irrecevabilité de l’action originaire du salarié
pour non-respect de la procédure de conciliation préalable devant l’inspecteur du
travail dès lors qu’il ressort des éléments de la cause que la confusion sur la
coexistence de deux sociétés dotées chacune d’une personnalité juridique distincte,
avec un numéro distinct du NRC et d’identification nationale est le fait de
l’employeur qui ne peut plus se prévaloir de sa propre turpitude.
En l’espèce, la question posée était la suivante : une entreprise qui utilise une certaine
dénomination, sur les papiers entêtes contenant les lettres de suspension du contrat
de travail du salarié, de notification de son licenciement et de l’attestation de fin
service, et qui est convoquée sous cette dénomination, à l’inspection du travail où elle
a été représentée par son attaché juridique, peut – elle soulever l’exception
d’irrecevabilité tirée du non respect de la procédure de conciliation, en alléguant
qu’elle a une personnalité juridique distincte de celle de l’entreprise dont elle a
1
2
pourtant utilisé la dénomination ? La Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a répondu à
cette question par la négative.
En effet, après avoir utilisé la mention BRALIMA CIB, tant dans les lettres de
suspension du contrat, de notification du licenciement que dans l’attestation de fin de
service et après avoir été représentée sous cette dénomination à l’audience de
conciliation, la BRALIMA était malvenue d’invoquer sa propre turpitude et à
prétendre que sa dénomination était BRALIMA SARL. Outre, le fait qu’il s’agissait là
d’une turpitude de sa part, on relèvera également que ce comportement s’analysait
en une manœuvre dilatoire destinée à retarder l’issue du procès. Il ne ressort pas des
éléments du dossier que cette prétention avait été soulevée lors de la conciliation à
l’inspection du travail. Elle était donc arrivée trop tard pour être prise en
considération par la cour.
39. Actualisation du procès – verbal.- L’article 299 du CT dispose que la procédure
de conciliation préalable est interruptive des délais de prescription prévus à l’article
317 du présent code, sous réserve toutefois que la demande devant le tribunal du
travail en cas de non conciliation, soit formée dans le délai maximum de douze mois
à compter de la réception du procès - verbal de non conciliation par la partie la plus
diligente.
Un travailleur détenteur d’un procès – verbal de non conciliation qui laisse écouler le
délai légal prévu par cette disposition peut - il solliciter de l’inspecteur du travail
compétent l’actualisation dudit procès – verbal ?
Dans un arrêt du 5 juillet 1996, la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe relève que le
travailleur ne peut contourner la prescription qui frappe son action (…) en sollicitant
un second procès – verbal de non – conciliation. Cette procédure n’est pas prévue par
le Code du travail plus spécialement l’article 300 relatif aux attributions de
l’inspecteur du travail en cas de conflit individuel du travail. Etant donné que les
prescriptions légales en matière sociale revêtent un caractère d’ordre public et sont
d’interprétation stricte, le second procès – verbal de non conciliation produit par le
travailleur doit être rejeté.
Nous approuvons, avec le professeur MUKADI BONYI, la décision prise par la Cour
d’appel. Le Code du travail ne permet pas, en effet, à l’inspecteur du travail de
refaire une deuxième conciliation aux fins d’autoriser les parties à saisir valablement
le tribunal. En conséquence, l’action initiée sur base d’un procès – verbal établi au
cours de la deuxième conciliation sera déclarée irrecevable.
40. Caducité du procès – verbal. Sanction. - Mais, quelle sera la solution au cas où la
partie saisit le tribunal sur base d’un procès – verbal établi depuis plus de douze
mois ? En d’autres termes, quelle est la sanction de la caducité d’un procès – verbal
de non conciliation ?
La question a été longtemps controversée en doctrine et en jurisprudence.
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La Cour suprême de justice l’a tranchée dans un arrêt du 5 juin 1998. Lorsque le
procès – verbal de non – conciliation est déjà caduc, l’action en justice l’ayant été hors
le délai de douze mois prévu par l’article 299 CT, l’interruption de la prescription est
non avenue par application de l’article 639 du CCLIII.
41. Absence de l’employeur aux séances de conciliation.- L’employeur
régulièrement convoqué à l’audience de conciliation préalable devant l’inspecteur du
travail du ressort et qui refuse de se présenter peut – il soulever l’exception
d’irrecevabilité tirée du non-respect de la procédure prévue par l’article 300 du CT ?
La jurisprudence réserve une réponse négative à cette question. Dans un arrêt du 25
janvier 1996, la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a admis la validité du procès de
non – conciliation dressé par l’inspecteur du travail après quatre convocations
envoyées à l’employeur et bien réceptionnées par lui. Ces convocations prouvent à
suffisance que l’inspecteur du travail a procédé aux échanges de vues prévus à
l’article 300 du CT.
La même juridiction a adopté une position identique dans un autre arrêt daté du 17
aout 1995 : « est régulier en ce qu’il respecte la procédure prévue par l’article 300 du
CT, le procès – verbal de non – conciliation de litige individuel de l’employeur qui a
refusé de répondre aux convocations dont il accusé réception ».
La Cour d’appel de Lubumbashi a rejeté l’exception d’irrecevabilité de l’action
originaire du salarié pour défaut de production d’un procès - verbal de non –
conciliation soulevée par l’employeur, qui soutenait n’avoir jamais reçu les
convocations de l’inspecteur du travail alors que le salarié avait produit, outre les
convocations, la preuve de la transmission de celles – ci à l’employeur.
L’absence de l’employeur à l’audience de conciliation, en dépit de plusieurs
convocations qui lui ont été régulièrement adressées, prouve qu’il n’est pas disposé à
se concilier sur base de normes prévues par la législation sociale.
L’employeur a donc tout intérêt à se présenter à l’audience de conciliation pour y
faire valoir son point de vue. Son absence à cette audience ne lui est pas profitable et
ne peut, en aucun cas, empêcher la poursuite de l’action en justice ainsi que les
conséquences néfastes qu’elle entraine généralement pour lui au plan des dommages
intérêts souvent excessifs.
La loi du 16 octobre 2002 coupe court à toute velléité de la part de la partie qui ne
comparait pas ou qui ne se fait présenter à la troisième invitation dument reçue.
L’inspecteur du travail établit un procès – verbal valant constat de non – conciliation.
La jurisprudence décide, à bon droit, que n’est pas fondé le moyen tiré de
l’irrégularité du procès – verbal de non – conciliation en l’occurrence, son caractère
non contradictoire, lorsque la comparution des parties à l’audience de conciliation est
intervenue à des dates différentes et que la signature dudit procès – verbal a été
organisée à l’absence de l’employeur.
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42. Non reprise du point de vue de l’une des parties.- La Cour d’appel de
Kinshasa/Gombe a jugé que n’est pas nul le procès - verbal de non – conciliation
dressé par un inspecteur du travail matériellement et territorialement compétent qui
ne reprend pas le point de vue de l’employeur exprimé lors de la séance de
conciliation par son avocat - conseil. Dès lors que l’employeur a été mis à même de
contredire les allégations du travailleur formulées dans sa plainte devant l’inspecteur
du travail, les droits de la défense ont été respectées. Il n’a donc pas subi un préjudice
du moment qu’il a reconnu et maintenu le licenciement sans préavis pour faute
lourde pris contre le travailleur. Celui – ci ne peut souffrir des erreurs commises par
les préposés de l’administration.
Il résulte de cet arrêt que le procès – verbal de non – conciliation est valable au regard
de l’article 300 du Code du travail dès lors qu’il constate la non – conciliation des
parties, même si le point de vue de l’une d’elles n’y est pas reproduit.
43. Forme du procès - verbal.- Ni la loi, ni la jurisprudence n’imposent aucune forme
selon laquelle le procès – verbal de non - conciliation doit être dressé. En
conséquence, le défaut pour l’une des parties de contresigner un procès – verbal de
non - conciliation alors qu’elle a été dument invitée, comme l’attestent les différentes
convocations versées au dossier, ne peut remettre en cause la véracité du fait énoncé
par l’inspecteur du travail.
L’article 300 du Code du travail ne prescrit pas les mentions que doit contenir le
procès – verbal de non - conciliation à peine de nullité. Il s’en suit que l’omission du
jour de son établissement n’enlève nullement audit procès – verbal sa validité
d’autant qu’il ressort des mentions y contenues qu’il a été dressé à une époque bien
déterminée.
La jurisprudence considère que la dénomination du procès – verbal est sans
incidence sur sa validité. C’est ainsi qu’elle décide que n’est pas irrecevable pour
défaut de production du procès – verbal de non – conciliation, l’action mue par le
travailleur qui produit aux débats un procès – verbal de carence établi par
l’inspecteur du travail constatant la non – conciliation résultant de la carence ou du
refus de comparaître de l’employeur, la loi n’ayant ni réglementé le qualificatif à
coller au procès–verbal à établir, ni prévu une sanction à cet effet.
Sous l’empire de l’ordonnance – loi du 9 août 1967, l’établissement d’un procès–
verbal de carence valant constat de non - conciliation du travail totale était prévu en
matière de conflit collectif du travail. La doctrine recommandait, s’agissant des litiges
individuels du travail, d’éviter toute confusion dans l’emploi du qualificatif à coller
au procès –verbal, même si aucune sanction n’était comminée par la loi. Elle
suggérait de s’en tenir au prescrit légal, en établissant un procès-verbal de non–
conciliation, même en l’absence d’une partie, la jurisprudence considérant que cette
absence signifiait que la partie concernée n’était pas disposée à se concilier sur base
des normes de la législation sociale.
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La loi du 16 octobre 2002 a mis fin à toute tergiversation sur cette question. Si à la
troisième invitation dument reçue, une partie ne comparait pas ou ne s’est pas
représenté, l’inspecteur du travail établit un procès-verbal de carence valant constat
de non - conciliation. Les dispositions du Code du travail précitées ne prescrivant
aucune forme dans laquelle le procès-verbal de non-conciliation doit être produit, il
ne peut être fait grief à la Cour d’appel d’avoir admis la photocopie du procès-verbal
susvisé.
44. Nature juridique du procès-verbal. – Le procès-verbal de non-conciliation est un
acte administratif constatant un fait, mais non comportant une décision et constitue,
partant, une simple attestation. On ne peut donc pas l’attaquer en annulation devant
la section administrative de la Cour d’appel. Il fait foi jusqu’à preuve littérale
contraire.
45. Absence de preuve de convocation.- Il a été jugé que n’est valable, le procès-
verbal de non conciliation établi par l’inspecteur du travail en l’absence de toute
preuve que l’employeur a été atteint par les trois convocations que le travailleur
prétend lui avoir remises. Un tel procès-verbal viole le prescrit des articles 298 et 315
du Code du travail.
46. Procès-verbal. – La Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a admis la régularité d’un
procès-verbal de non - conciliation signé par un inspecteur du travail qui était en
détachement. L’intéressé avait reçu de ses chefs l’ordre de vider sa saisine en mettant
à jour les dossiers en instruction et de ne pas en accepter des nouveaux.
47. Procès-verbal signé par un autre inspecteur du travail.- Un procès-verbal de
non-conciliation d’un litige individuel du travail signé par un inspecteur autre que
celui qui a procédé à un échange de vues entre les parties est – il irrégulier au point
d’entraîner l’irrecevabilité de l’action originaire du travailleur ?
Se fondant sur l’article 300 du Code du travail, la Cour d’appel a décidé que n’est pas
fondé le moyen tiré de l’irrégularité du procès-verbal de non-conciliation dans la
mesure où ce procès-verbal a été signé par l’inspecteur du travail du ressort
conformément à l’article 300 du Code du travail. Le fait que les parties ont été
verbalisées par un autre inspecteur du travail du ressort est sans incidence sur la
validité dudit procès-verbal.
La procédure devant l’inspecteur du travail a pour finalité de concilier les parties
litigantes. Il est indiqué que l’inspecteur qui a procédé à l’échange de vues et tenté
d’obtenir leur conciliation puisse aller jusqu’au bout de la procédure en signant le
procès-verbal de non-conciliation. Si, pour des raisons indépendantes de sa volonté,
il se voit obligé de se substituer un collègue, celui-ci devrait instruire de nouveau
l’affaire, même sommairement, avant de signer un procès-verbal qui scelle la
conciliation ou la non - conciliation des parties. On pourrait ainsi éviter toute
suspicion de fraude de la part d’une partie qui se prévaut d’un procès-verbal établi
par un inspecteur autre que celui qui a entendu les parties.
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48. Non reprise de certaines réclamations du travailleur.- Plus controversée en
jurisprudence, est la question de savoir si la juridiction saisie d’un procès-verbal de
non – conciliation, qui ne contient pas certaines réclamations du travailleur peut
néanmoins prendre celles-ci en considération. La Cour d’appel de Matadi a répondu
favorablement à cette question. Et la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a statué dans
le même sens dans une espèce légèrement différente.
49. Absence de signature d’une partie.- Aux termes de l’article 300 du Code du
travail, le procès-verbal est signé par l’inspecteur du travail et les parties. Celles-ci en
reçoivent ampliation. Se fondant sur cette disposition, la Cour d’appel de
Lubumbashi a décidé qu’un procès-verbal de non - conciliation non signé par l’une
des parties manque l’un des éléments essentiels pour son établissement. Il ne saurait
exister en tant que tel, et entraine l’irrecevabilité de l’action originaire.
C’est donc à juste titre que la Cour d’appel de Kisangani et celle de Kinshasa ont jugé
que le refus par l’une des parties de signer le procès-verbal de non - conciliation
après échange de vues devant l’inspecteur du travail territorialement compétent n’a
pas pour effet d’entraîner l’irrecevabilité de l’action en justice. La Cour d’appel de
Mbuji-Mayi a jugé dans le même sens que l’absence de signature d’une des parties au
bas du procès-verbal de non - conciliation est assimilée à la signature du procès-
verbal sous réserve. Elle justifie sa position par le souci de ne pas préjudicier aux
intérêts des parties.
La doctrine approuve cette solution car, selon elle, rejeter un procès-verbal de non-
conciliation au motif qu’il ne porte pas la signature de l’employeur risque de mettre
les travailleurs dans une situation d’insécurité juridique en ce sens que la procédure
juridictionnelle sera vouée à l’échec du fait que l’une des parties refuse de signer
pour échapper à ses engagements.
50. Existence de deux procès-verbaux de non - conciliation.- Lorsqu’il existe deux
procès-verbaux de non-conciliation de litige individuel du travail, dont la régularité
du premier n’est ni contestée ni contestable, la recevabilité de l’action reste acquise
par la production de ce premier procès-verbal, le second étant superflu. La non
comparution de l’employeur lors de l’établissement du second procès-verbal de
conciliation étant le fruit de sa propre astuce ne peut lui servir de moyen de défense
sans violer l’adage nemo auditur.
51. Représentation des parties.- Les parties peuvent se faire représenter aux séances
de (non) conciliation. La jurisprudence décide qu’est irrégulier et entraine
l’irrecevabilité de l’action originaire du travailleur, le procès-verbal de non -
conciliation établi en présence d’un agent de l’employeur qui déclare n’être pas
compétent pour traiter ladite affaire étant donné qu’il n’a jamais reçu mandat de la
société pour poser des actes de gestion.
De même, est nulle et partant entraine la nullité du procès-verbal de non-conciliation,
la représentation du travailleur par un secrétaire national de son syndicat
d’affiliation qui ne dispose d’aucun mandat valable à cet effet.
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II. Saisine du tribunal
52. Saisine par voie de requête verbale ou écrite.- Le tribunal est saisi par une
requête écrite ou verbale du demandeur ou de son conseil. La requête écrite est
déposée entre les mains du greffier qui en accuse réception ou elle est adressée au
greffier par lettre recommandée à la poste contre récépissé. Elle est datée et signée
par son auteur.
La requête est actée par le greffier et signée conjointement par ce dernier et par le
déclarant. La requête écrite ou l’acte dressé sur requête verbale par le greffier doit
contenir l’identité, la profession et le domicile des parties. Une ampliation du procès-
verbal de non - conciliation ou de conciliation partielle, dressé par l’inspecteur du
travail doit obligatoirement y être jointe.
La requête est inscrite à sa réception dans un registre des affaires du travail (art. 26
de la loi du 16 octobre 2002).
53. Saisine par voie d’assignation.- L’article 26 de la loi du 16 octobre 2002 sur les
tribunaux du travail met fin à la controverse qui avait surgi en jurisprudence et en
doctrine sur le point de savoir si le tribunal du travail pouvait être valablement saisi
par voie de requête ou par voie d’assignation.
On rappellera que la Cour d’appel de Kinshasa avait, dans un premier temps, admis
comme valable la saisine par voie de requête. Elle avait jugé qu’en supprimant les
chambres des affaires du travail, le législateur n’avait pas pour autant modifié même
implicitement la disposition du Code de procédure civile qui imposait à tous ceux
qui saisissent le tribunal en matière des affaires du travail de le faire comme par le
passé, c'est-à-dire par voie de requête adressée au Président de juridiction et non
directement au défendeur par voie d’assignation. En saisissant le juge par voie
d’assignation, le demandeur n’a pas respecté les règles de procédure qui sont
pourtant impératives.
La Cour d’appel de Kinshasa avait, par la suite, modifié sa position en considérant :
(i) qu’aucune nullité sur la saisine ne peut résulter du fait que l’action originaire a été
introduite par voie de requête et non par voie d’assignation, (ii) que cette violation
d’une forme non substantielle ne peut pas rendre nulle la saine du juge dans la
mesure où les droits de la défense ont été respectés, (iii) que du reste, il est de
jurisprudence constante que les mentions que contiennent les exploits ne sont pas
prescrites à peine de nullité, les exploits sont valables si les droits de la défense sont
respectés, ce qui relève de l’appréciation du juge.
La Cour d‘appel de Kinshasa avait admis qu’en vertu du Code de l’organisation et de
compétence judicaires, en matière du travail, le tribunal était aussi valablement ainsi
par voie de requête ou par assignation.
La Cour d’appel de Bandundu avait, pour sa part, admis la régularité de la saisine,
par assignation, du tribunal statuant en matière du travail, au motif selon elle, que les
chambres du travail avec la procédure spéciale de requête n’existaient plus.
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La Cour d’appel de Mbuji-Mayi statuait dans le même sens. Selon elle, en l’absence
d’une procédure spéciale instituée par le législateur pour les demandes en matière
des conflits de travail adressées aux tribunal de droit commun, il y avait lieu de faire
application des règles et des principes de droit commun de procédure, notamment
ceux contenus dans le Code de procédure civile.
La solution adoptée a été critiquée par la doctrine, qui la trouvait contraire à la loi et
au droit.
Apres la promulgation de la loi du 16 octobre 2002, la controverse a été relancée en ce
qui concerne la période de transition. Cette loi prévoit que jusqu’à l’installation des
tribunaux du travail, les juridictions de droit commun demeurent compétentes pour
connaître des litiges individuels du travail (L. du 16 octobre 2002, art. 45).
Celles-ci doivent-elles être saisies par voie de requête ou par voie d’assignation ?
La question reste controversée tant en jurisprudence qu’en doctrine. Alors que la
pratique actuelle révèle que d’une manière générale les parties saisissent le tribunal
en matière de litiges individuels du travail par voie d’assignation, la jurisprudence
est divisée sur cette question.
Certaines décisions admettent que durant la période de transition, le tribunal est
valablement saisi aussi bien par assignation que par requête.
D’autres décisions admettent exclusivement l’assignation. Un arrêt de la Cour
d’appel de Bukavu va même jusqu’à affirmer que l’application de la procédure en
matière du travail par la requête préalable, écrite et dûment signée par le demandeur
ou par celle verbale du demandeur mais actée par le greffier de la juridiction, est
valablement appliquée dans les villes où les tribunaux de travail ont été installés, il
en est ainsi de la ville de Kinshasa.
A la date de l’arrêt précité de la Cour d’appel de Bukavu, aucun tribunal du travail
n’était installé à Kinshasa.
C’est donc pour d’autres motifs que certaines juridictions de Kinshasa et d’autres
provinces ont admis exclusivement la requête et décrété l’irrecevabilité de toute
action par voie d’assignation. Cette dernière solution est soutenue par une partie de
la doctrine.
III. Délai d’intentement de l’action.
54. Plan. - L’action en justice n’est recevable que si elle est intentée avant l’expiration
du délai de prescription, lequel est susceptible d’interruption. Il n’est pas sans intérêt
de s’attarder d’abord sur le fondement de cette prescription (A) avant d’examiner le
délai de celle-ci (B) ainsi que son interruption (C).
A. Fondement de la prescription
55. Nature libératoire ou présomption de paiement ?- Dans un arrêt du 22
novembre 1966, la Cour d’appel de Kinshasa avait jugé que la prescription annale en
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matière salariale ne repose pas sur une présomption de paiement. Elle peut être
invoquée par le débiteur qui reconnait n’avoir pas payé. Cela revient à considérer
qu’en matière du travail, la prescription a une libératoire. Elle éteint la dette de
salaire une fois qu’elle est acquise. Il s’agit d’une solution inique, qui porte atteinte à
la finalité même du droit du travail qui est la protection de l’être économiquement
faible qu’est le travailleur.
Les deux Cours d’appel de Kinshasa ont par la suite, abandonné cette position. Dans
un arrêt du 23 décembre 2004, la Cour d’appel de Kinshasa/MATETE a décidé que la
prescription de l’action en paiement de salaire repose sur une présomption de
paiement. Celle-ci disparait dès la réclamation formulée par le travailleur et la
créance tombe sous la prescription trentenaire.
La Cour d’appel de Kinshasa/Gombe a, pour sa part, jugé dans son arrêt du 12 juillet
2005 que les courtes prescriptions, telles que celles des actions en paiement des frais
de voyages et de transport sont fondées sur une présomption de paiement. Celle-ci
disparait et la créance tombe sous l’empire de la prescription trentenaire en cas de
réclamation formulée par le travailleur auprès de l’employeur ou d’arrêté de compte
intervenue entre parties.
La position ainsi adoptée par les deux cours d’appel est partagée par la doctrine
congolaise. Celle-ci considère que les courtes prescriptions, et plus spécialement
anale de l’article 317 du Code du travail sont fondées sur une présomption de
paiement. Elle justifie ce fondement par la rapidité du paiement. En effet, le salaire
doit être payé très strictement à l’échéance et le législateur a estimé qu’au bout d’un
temps assez bref, le paiement devait être présumé avoir été effectué. En raison du
caractère alimentaire du salaire, il est supposé que le travailleur n’a pu faire crédit à
son employeur.
La jurisprudence suit généralement l’opinion de la doctrine en admettant que les
courtes prescriptions telles que les actions en paiement des frais de voyage et de
transport, sont fondées sur une présomption de paiement.
Il faut reconnaitre que les courtes prescriptions prévues par le Code du travail n’ont
pas une nature libératoire. Elles n’éteignent pas la dette de salaire.
Cette solution est la seule qui va dans le sens de la finalité poursuivie par le code du
travail : la protection du travailleur. Elle est d’autant plus logique que dans la
pratique, certains employeurs restent en défaut de payer la rémunération depuis
plusieurs années
Admettre qu’ils sont libérés de leur obligation de payer ladite rémunération après
écoulement d’un certain laps de temps reviendrait à nier la finalité ci-dessus. Pareille
solution serait aussi inéquitable et immorale. Elle s’inscrivait en marge de la tendance
développée dans la plus part de pays francophones qui admettent que les courtes
prescriptions en matière de salaire sont fondées sur une présomption de paiement.
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La jurisprudence de ces pays confirme le caractère de présomption de paiement de
cette courte prescription établie par la loi.
B. Délai de prescription
56. Prescription triennale.- Les actions naissant du contrat du travail se prescrivent
par trois ans après le fait qui a donné naissance à l’action (C. trav. Art. 317, aliéna 1 er).
La même disposition existait dans l’ordonnance-loi du 9 aout 1967 (art. 152, al. 1er).
Le délai de trois ans ne commence à courir effectivement qu’à partir de la rupture par
l’une des parties. Tel n’est pas le cas si la rupture n’a jamais été notifiée.
57. Cas d’application.- L’application de la règle ci-dessus énoncée ne semble pas
soulever les difficultés particulières quant aux délais de prescriptions prévus par la
loi. C’est ainsi qu’il a été jugé que doit être déclaré hors délai de trois ans imparti par
cette disposition.
L’action en dommage et intérêt fondée sur un contrat de travail doit être déclarée
prescrite et irrecevable pour prescription lorsque son exercice a eu lieu en dehors du
délai légal. Il en est ainsi de l’action introduite dix ans après l’obtention du procès-
verbal de non-conciliation. Le manque de moyens financiers dont se prévaut le
travailleur ne constitue pas un cas de force majeure qui l’exonérerait de son
obligation d’observer le délai prévu par la loi.
58. Prescription annale. - Les actions en paiement du salaire se prescrivent par un an
à compter de la date à laquelle le salaire est dû.
1° Notion de salaire. Le terme salaire doit être entendu dans son sens strict. En vertu
de l’article 7,h) du Code du travail, le salaire ou traitement doit être distingué de la
rémunération puisqu’il ne constitue qu’un des éléments de celle-ci, au même titre
que, par exemple les primes, les gratifications, la valeur des avantages en nature,
l’allocation des congés ou l’indemnité compensatoire de congé, l’indemnité de vie
chère.
Dans la mesure où le législateur une disposition particulière, l’article 7 du Code du
travail, aux définitions des termes employés, c’est uniquement en fonction de l’article
7,h) que doit évidemment se faire l’interprétation du terme salaire de l’article 317 du
Code du travail. Cette définition prime toutes autres références quelconques ; elle
énonce clairement les différents éléments de la rémunération et distingue ainsi le
salaire ou traitement des autres éléments, parmi lesquels, notamment l’indemnité de
vie chère, les primes, les gratifications, les sommes versées pour prestations
supplémentaires, la valeur des avantages en nature, etc.
2° Cas d’application. Il a été jugé qu’est prescrite, la demande du travailleur portant
sur ses salaires prétendument impayés introduite plus d’un an à dater de son
licenciement dès lors qu’il est établi que la prescription n’a pas été interrompue
notamment par la réclamation du travailleur devant l’inspecteur du travail. Il en est
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de même de l’action en réclamation des salaires introduite plus de deux ans après la
date à laquelle ceux-ci étaient dus.
3° Détermination du délai. Pour déterminer le délai applicable, il convient de
rechercher au préalable la nature juridique de l’avantage réclamé. En application de
la jurisprudence de la cour suprême de justice, l’action en paiement du salaire ou des
suppléments de salaire se prescrit par un an ; celle en réclamation d’autres éléments
qui, comme le salaire, forment la rémunération, se prescrit par trois ans.
Mais, il n’est pas toujours aisé de déterminer les éléments qui font partie du salaire
ou traitement et ceux qui, comme le salaire, font partie de la rémunération.
59. Prescription biennale. - Les actions en paiement des frais de voyage et de
transport se prescrivent par deux ans après l’ouverture du droit au voyage, en cours
d’exécution, ou après la rupture de ce dernier.
La jurisprudence n’a pas manqué de rappeler cette exception dans certains cas qui lui
étaient soumis.
Ne sont pas prescrites les demandes en frais de voyage et de transport introduites
après les actes interruptifs de prescription et avant l’expiration du double du délai
initial de deux ans.
L’exigence de l’expiration du double de délai initial de deux ans manque de base
légale. Comme l’a si bien décidé la cour suprême de justice, l’article 317 du Code du
travail ne fixe pas la durée maximum de l’interruption de la prescription en matière
du travail. C’est en matière pénale qu’il est admis que les interruptions de la
prescription ne peuvent avoir pour effet de proroger l’action publique au-delà du
double primitif.
C. Interruption
60. Causes. - Les causes d’interruption de la prescription sont énumérées par l’article
317, alinéa 2 du Code du travail. Il s’agit de :
1° La citation en justice. La plainte de l’employeur, l’ouverture du dossier répressif
ainsi que de l’instruction pré juridictionnelle constituent des actes interruptifs de la
prescription.
2° l’arrêté de compte intervenu entre les parties mentionnant le solde dû au
travailleur et demeure impayé. Lorsque l’employeur s’engage par une convention à
payer au travailleur outre le décompte final, une libéralité laissé à son appréciation,
cet accord ne peut valoir compte arrêté et réglé au sens de l’article précité. L’arrêté de
compte établi par l’employeur et demeuré impayé au travailleur nonobstant la
réclamation de paiement faite par celui-ci constitue un acte interruptif de la
prescription de l’action née du contrat de travail.
Un arrêté de compte non présenté au travailleur par l’employeur et demeuré impayé
peut-il être considéré comme un acte interruptif de la prescription ?
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L’arrêt précité contient une réponse positive. Et pourtant, la lecture attentive de
l’article 317 du Code du travail révèle que la prescription n’est interrompue que par
un arrêté de compte intervenu entre les parties mentionnant le solde dû au
travailleur et demeuré impayé. Il résulte de cette disposition que pour qu’il y ait
arrêté de compte, il faut que les deux parties déterminent, après discussion, la
balance de leurs rapports.
Selon la doctrine, l’arrêté de compte est un acte par lequel une personne approuve un
compte qui lui est rendu par une autre. En l’espèce, le travailleur n’avait jamais
obtenu de l’employeur la note intitulée liquidation de compte fin contrat établie par
l’employeur ; a fortiori, il ne l’avait pas approuvée. On ne peut donc pas soutenir,
comme l’a admis l’arrêt, l’existence d’un arrêté de compte ayant interrompu la
prescription.
3° la réclamation formulée par le travailleur auprès de l’employeur, par lettre
recommandée avec avis de réception. L’exception l’irrecevabilité de l’action
originaire du travailleur tirée de la prescription n’est pas fondée dès lors qu’il résulte
des éléments du dossier que l’employeur avait reçu les réclamations du travailleur et
avait même proposé un début de solution. De telles réclamations ont eu pour effet
d’interrompre la prescription conformément à l’article 317 du code du travail.
La décision susvisée a admis l’interruption de la prescription en l’absence de la lettre
recommandée avec avis de réception. Elle a pris ainsi en compte la réclamation
formulée par lettre missive et établie par les éléments du dossier.
4° la réclamation formulée par le travailleur devant l’inspecteur du travail, sous
réserve des dispositions de l’article 299 du présent Code. La réclamation tendant à
obtenir les arriérés de salaire lors de la procédure de conciliation devant l’inspecteur
du travail interrompt la prescription.
C’est à tort que certains arrêts affirment que cette réclamation suspend la
prescription. Il n’y pas lieu de confondre l’interruption et la suspension de la
prescription. Lorsque la prescription est suspendue, le temps déjà écoulé sera pris en
considération dans le calcul quand cessera la cause de la suspension. L’interruption
entraine, quant à elle, l’effacement du temps déjà écoulé avant la survenance de la
cause de l’interruption. Dans la suspension, il s’agit d’une simple parenthèse qui
s’ouvre et qui se referme pour laisser continuer à s’écouler. Dans l’interruption, les
compteurs sont remis à zéro ; le temps écoulé est effacé.
Il a été jugé qu’un procès-verbal de non-conciliation établi par un inspecteur du
travail territorialement incompétent n’interrompt pas la prescription. Le premier juge
ayant déclaré irrecevable la première action, ledit procès-verbal devient
automatiquement caduc.
L’article 299 du Code du travail dispose que cette procédure est interruptive des
délais de prescription prévus à l’article 317 du présent Code, dès la réception de la
demande de conciliation à l’inspection du travail, sous réserve toutefois que la
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demande devant le tribunal du travail, en cas de non-conciliation, soit formée dans le
délai maximum de douze mois à compter de la réception du procès-verbal de non-
conciliation par la partie la plus diligente.
Sous l’empire de la législation antérieure, la demande devant le tribunal du travail
devant être formée dans le délai de six mois à compter de l’audience de conciliation.
L’article 299 du Code du travail ne fixe pas la durée maximum de l’interruption de la
prescription en matière du travail.
Lorsque le procès-verbal de non-conciliation est déjà caduc, l’action en justice l’ayant
été hors délai de douze mois prévu par l’article 317 du Code du travail, l’interruption
de la prescription est non avenue par application de l’article 639 du Code civil livre
III.
Il résulte de cette décision que la sanction de la caducité du procès-verbal de non-
conciliation est la non-interruption de la prescription. En d’autres termes, le
dépassement du délai de douze mois prévu à l’article 299 du Code du travail fait
perdre au justiciable qui n’a pas agi dans ce délai le bénéfice de l’interruption de la
prescription. La Cour suprême fonde sa position sur l’article 639 du Code civil, livre
III. Celui-ci dispose que si le demandeur (…) laisse périmer l’instance (…),
l’interruption est regardée comme non avenue.

Chapitre 3. Procédures simplifiées de recouvrement

61. Introduction. - L’acte uniforme institue des nouvelles procédures : l’injonction de


payer et l’injonction de délivrer ou de restituer. Il semble que ces procédures
simplifiées de recouvrement sont peu couteuses et permettent plus rapidement au
créancier l’obtention d’un titre exécutoire (2).
Section 1ère. Injonction de payer
Par 1. Conditions
62. Créance liquide. Certaine et exigible. - Le recouvrement d’une créance certaine,
liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer. Il
s’en suit que les créances conditionnelles ou simplement éventuelles ne peuvent pas
donner lieu à la procédure d’injonction de payer (3).
63. Créance contractuelle. Engagement résultant de l’émission ou de l’acceptation
de tout effet de commerce, ou d’un chèque. - La procédure d’injonction de payer
peut être introduite lorsque :
1) la créance a une cause contractuelle ;

2
. ASSI – ESSO (A.M.), Commentaires de l’Acte uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, OHADA. Traité et actes uniformes commentés
et annotés, Juriscope, 2002, p.699.
3
. Idem, p.699.
2
4
2) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de
commerce, ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante
ou insuffisante.
Par 2. Procédure
64. Requête (4). – Aux termes de l’article 3, la demande est formée par requête auprès
de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure effectivement le
débiteur ou l’un d’entre eux en cas de pluralité de débiteurs.
Les parties peuvent déroger à ces règles de compétence au moyen d’une élection de
domicile prévue au contrat.
L’incompétence territoriale ne peut être soulevée que par la juridiction saisie de la
requête ou par le débiteur lors de l’instance introduite par son opposition.
65. Contenu de la requête. - La requête doit être ou adressée par le demandeur, ou
par son mandataire autorisé par la loi de chaque Etat partie à la représenter en
justice, au greffe de la juridiction compétente.
Elle contient, à peine d’irrecevabilité :
1) les noms, prénoms, profession et domiciles des parties ou, pour les personnes
morales, leurs forme, dénomination et siège social ;
2) l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des
différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.
Elle est accompagnée des documents justificatifs en originaux ou en copies certifiées
conformes.
Lorsque la requête émane d’une personne non domiciliée dans l’Etat de la juridiction
compétente saisie, elle doit contenir sous la même sanction, élection de domicile dans
le ressort de cette juridiction (5).
Par 3. Décision d’injonction de payer
66. Accorde de la décision d’injonction de payer. - Aux termes de l’article 5 de
l’acte uniforme, si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée en
tout ou partie, le président de la juridiction compétente rend une décision portant
injonction de payer pour la somme qu’il fixe.
67. Cas du refus de la décision d’injonction de payer. - Si le président de la
juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête, sa décision est sans
recours pour le créancier sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun.
68. Conservation de la requête et de la décision d’injonction de payer par le
greffier. - La requête et la décision portant injonction de payer sont conservées à titre
de minute entre les mains du greffier qui en délivre une expédition au demandeur.
Les documents originaux produits à l’appui de la requête sont restitués au
demandeur et leurs copies certifiées conformes sont conservées au greffe (6).
En cas de rejet de la requête, celle-ci et les documents produits sont restitués au
requérant.

4..
Bien que n’étant pas définie par l’acte uniforme, la requête est l’acte par lequel un justiciable
réclame directement d’une autorité judiciaire une décision de sa compétence.
5
. Art. 4 de l’Acte uniforme précité.
6
. Art. 6 de l’Acte uniforme précité.
2
5
69. Signification des copies certifiées conformes de l’expédition de la requête et de
la décision d’injonction de payer. - Aux termes de l’article 7, une copie certifiée
conforme de l’expédition de la requête et de la décision d’injonction de payer
délivrée conformément aux dispositions de l’article précédent est signifiée à
l’initiative du créancier à chacun des débiteurs par acte extrajudiciaire.
La décision portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été signifiée
dans les trois mois de sa date.
70. Signification de la décision. Contenu. Mentions prévues à peine de nullité. – A
peine de nullité, la signification de la décision portant injonction de payer contient
sommation d’avoir :
- soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par la décision ainsi
que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
- soit, si le débiteur entend faire valoir des moyens de défense, à former
opposition, celle-ci ayant pour objet de saisir la juridiction, de la demande
initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
Sous la même sanction, la signification :
- indique le délai dans lequel l’opposition doit être formée, la juridiction devant
laquelle elle doit être portée et les formes selon lesquelles elle doit être faite ;
- avertir le débiteur qu’il peut prendre connaissance, au greffe de la juridiction
compétente dont le président a rendu la décision d’injonction de payer, des
documents produits par le créancier et, qu’à défaut d’opposition dans le délai
indiqué, il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par
toutes voies de droit à payer les sommes réclamées(7).

Par 4. Voies de recours contre la décision d’injonction de payer


I. Opposition
71. Opposition. Acte extrajudiciaire. - Le recours ordinaire contre la décision
d’injonction de payer est l’opposition. Celle-ci est portée devant la juridiction
compétente dont le président a rendu la décision d’injonction de payer.
L’opposition est forcée par acte extrajudiciaire.
72. Délai pour former l’opposition. Quinze jours. – Suivant les termes de l’article 10,
l’opposition doit être formée dans les quinze jours qui suivent la signification de la
décision portant injonction de payer. Le délai est augmenté, éventuellement, des
délais de distance.
Toutefois, si le débiteur n’a pas reçu personnellement la signification de la décision
portant injonction de payer, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai
de quinze jours suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la
première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponible en tout ou en
partie les biens du débiteur.
73. Nature des délais. Délais francs. - Aux termes de l’article 335, les délais prévus
dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

7
. Art. 8 de l’Acte uniforme précité.
2
6
recouvrement et des voies d’exécution sont des délais francs. Il s’agit donc de tous
les délais prévus dans cet acte uniforme.
74. Mentions de l’opposition prévues à peine de nullité. Enumération. –
L’opposant est tenu, à peine déchéance, et dans le même acte que celui de
l’opposition :
- de signifier son recours à toute les parties et au greffe de la juridiction ayant
rendu la décision d’injonction de payer ;
- de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une
date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de
l’opposition (8).
75. Tentative de conciliation par la juridiction. – La juridiction saisie sur opposition,
suivant les prescrits de l’article 12, procède à une tentative de conciliation. Si celle-ci
aboutit, le président dresse un procès-verbal de conciliation signé par les parties,
dont une expédition est revêtue de la formule exécutoire.
Si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statue immédiatement sur la
demande en recouvrement, même en l’absence du débiteur ayant formé opposition,
par une décision qui aura les effets d’une décision contradictoire.
76. Charge de la preuve de la créance. Application du droit commun. Requérant de
la décision d’injonction. – Celui qui a demandé la décision d’injonction de payer
supporte la charge de la preuve de sa créance (9).
77. Effet de la décision rendue sur opposition. Substitution à la décision portant
injonction de payer. – Aux termes de l’article 14, la décision de la juridiction saisie
sur opposition se substitue à la décision portant injonction de payer.
II. Appel
78. Délai pour former appel. Trente jours. - La décision rendue sur opposition
susceptible est d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie.
Toutefois, le délai d’appel est de trente jours à compter de la date de cette décision.
Par 5. Effets de la décision portant injonction de payer.
79. Demande de la formule exécutoire. Délai. Quinze jours. Effet. – En l’absence
d’opposition dans les quinze jours de la signification de la décision portant injonction
de payer ou, en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier
peut demander l’apposition de la formule exécutoire de cette décision.
Celle-ci produit tous les effets d4une décision contradictoire et n’est pas susception
d’appel (10).
80. Procédure d’obtention de la formule exécutoire. - La demande tendant à
l’apposition de la formule exécutoire est formée au greffe par simple déclaration
écrite ou verbale.
La décision est non avenue si la demande du créancier n’a pas été présentée dans les
deux mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur.

8
. Art. 11 de l’Acte uniforme.
9
.Art. 13 de l’Acte uniforme.
10
. Art. 16 de l’Acte uniforme.
2
7
Les copies certifiées conformes des documents produits par le créancier et conservés
provisoirement au greffe lui sont restitués sur sa demande dès l’opposition ou au
moment où la décision est revêtue de la formule exécutoire.
81. Tenue de registre de demande d’injonction à payer dans chaque greffe du
tribunal. - Il est tenu au greffe de chaque juridiction un registre, coté et paraphé par
le président de celle-ci, et sur lequel sont inscrits les noms, prénoms, professions et
domiciles des créanciers et débiteurs, la date de l’injonction de payer ou celle du
refus de l’accorder, le montant et la cause de la dette, la date de la délivrance de
l’expédition, la date de l’opposition si elle est formée, celle de la convocation des
parties et de la décision rendue sur opposition.
Section 2. Procédure simplifiée tendant à la délivrance ou à la restitution d’un
bien meuble déterminé
Par 1. Procédure
82. Principe. - Aux termes de l’article 19, celui qui se prétend créancier d’une
obligation de délivrance ou de restitution d’un bien meuble corporel déterminé, peut
demander au président de la juridiction compétente d’ordonner cette délivrance ou
restitution.
83. Requête à déposer au greffe de la juridiction compétente. – L’article 20 prévoit
que la demande de délivrance ou de restitution est formée par requête déposée ou
adressée au greffe de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure
effectivement le débiteur de l’obligation de délivrance ou de restitution. Les parties
peuvent déroger à cette règle de compétence au moyen d’une élection de domicile
prévue au contrat.
L’incompétence ne peut être soulevée que par la juridiction saisie de la requête ou
par le débiteur lors de l’instance introduite par son opposition.
84. Mentions de la requête prévues à peine de nullité. Enumération. – A peine
d’irrecevabilité, la requête contient :
- les noms, prénoms, professions et domiciles des parties et, pour les personnes
morales, leur dénomination, leur forme et leur siège social ;
- la désignation précise du bien dont la remise est demandée.
Elle est accompagnée de l’original ou de la copie certifiée conforme de tout document
justifiant cette demande.
85. Absence de recours contre la décision de rejet. – Si la juridiction saisie rejette la
requête, sa décision est sans recours pour le créancier, sauf à celui-ci à procéder selon
les voies de droit commun.
Par 2. Décision portant injonction de délivrer ou de restituer
86. Demande fondée. Effet. - Si la demande paraît fondée, le président de la
juridiction compétente rend une décision au pied de la requête portant injonction de
délivrer ou de restituer le bien litigieux.
La requête et la décision d’injonction sont conservées à titre de minute entre les
mains du greffier qui en délivre une expédition au demandeur.
2
8
Les documents originaux produits à l’appui de la requête sont restitués au
demandeur et des copies certifiées conformes sont conservées au greffe (11).
87. Cas du rejet de la demande. Effet. – Suivant l’article 24, en cas de rejet de la
requête, celle-ci et les documents produits sont restitués au requérant.
88. Signification de la décision portant injonction de restituer. – L’article 25 dispose
que la décision portant injonction de délivrer ou de restituer, accompagnée des
copies certifiées conformer des pièces produites à l’appui de la requête, est signifiée
par acte extrajudiciaire à celui qui est tenu de la remise, à l’initiative du créancier.
89. Mentions de la signification prévues à peine de nullité. Énumérations. - La
signification contient, à peine de nullité, sommation d’avoir, dans un délai de quinze
jours :
- soit à transporter, à ses frais, le bien désigné en un lieu et dans les conditions
indiquées,
- soit, si le détenteur du bien à des moyens de défense à faire valoir, à former
opposition au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par déclaration
écrite ou verbale contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande
d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite, faute de quoi la
décision sera rendue exécutoire.
La décision portant injonction de délivrer ou de restituer est non avenue si elle n’a
pas été signifiée dans les trois mois de sa date.
Par 3. Voies de recours
90. Opposition puis appel. - Aux termes de l’article 26, l’opposition contre la
décision d’injonction de délivrer ou de restituer est soumise aux dispositions des
articles 9 à 15 de l’Acte uniforme.
En l’absence d’opposition dans le délai prescrit à l’article 16 ci-dessus, le requérant
peut demander au Président de la juridiction compétente l’apposition de la formule
exécutoire sur la décision.
Les conditions de la demande sont celles prévues par les dispositions des articles 17
et 18 de l’Acte uniforme (12).

Titre II. Procédure devant la Cour de Cassation

Chapitre 1 : Prise à partie

91. Principe. Exclusion des règles du droit commun.- Le droit congolais a exclu
l’application aux magistrats des règles de la responsabilité civile de droit commun
organisées par les articles 258 et 259 du Code civil livre III. Ces articles dont la
reproduction des articles 1382 et 1383 du Code civil français ( 13). Ici, le magistrat qui

11
. Art. 23 de l’Acte uniforme.
12
. Art. 27 de l’Acte uniforme.
13
. MUKADI BONYI Jr, La responsabilité des magistrats. Etude comparative des droits congolais et
français, CRDS, Bruxelles 2009, p 37.
2
9
manque à ses devoirs ou commet des fautes professionnelles est poursuivi suivant
une procédure spéciale, qui est la procédure de prise à partie organisée par la loi
organique n°13/010 du 11 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation.

92. Présentation. - On exposera d’abord les cas d’ouverture de la prise à partie (1)
avant d’en décrire la procédure (2).

Section 1. Causes d'ouverture de prise à partie

93. Notions. - La prise à partie est un procès en responsabilité fait à un magistrat


dans les deux cas limitativement énumérés par la loi. En effet, l’article 55 de la loi
organique n°13/010 du 11 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation dispose que tout magistrat de l’ordre judiciaire peut être pris à partie dans
les cas suivants, à savoir :
1° s’il y a eu dol ou concussion commis par un magistrat soit dans le cours de
l’instruction, soit lors de la décision rendue ;
2° s’il y a déni de justice.

94. Définitions. Dol, concussion et déni de justice. - Le dol est défini comme une
violation volontaire du droit par le magistrat pour aboutir à une conclusion erronée
dans le but d’accorder un avantage indu à une partie. Il se caractérise par la
mauvaise foi, par des artifices et des manœuvres qui donnent à la décision une
valeur juridique apparente. L’erreur grossière du droit est équipollente au dol (14).

La concussion, est aux termes de l’article 57 de la loi organique, le fait pour un


magistrat, d’ordonner de percevoir, d’exiger ou de recevoir ce qu’il savait n’être pas
dû ou excéder ce qui est dû, pour droits, taxes, impôts, revenus ou intérêts, salaires
ou traitements. Le magistrat est assimilé au fonctionnaire et sanctionné non
seulement pénalement, mais également par la voie de la prise à partie. Il est, au
regard de la loi, agent public de l’Etat et à ce titre, soumis aux sanctions disciplinaires
et pénales (15).

14
. Art. 56 de la loi précitée
15
. Décret – loi n°017-2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite de l’agent public de l’Etat, JO,
n° spéc., 15 janvier 2003, p 4, art. 1 er 29. MUKADI BONYI Jr, La responsabilité des magistrats. Etude
comparative des droits congolais et français, CRDS, Bruxelles 2009, p 42.
3
0

Il y a déni de justice, lorsque les magistrats refusent de procéder aux devoirs de leur
charge ou négligent de juger les affaires en état d’être jugées ( 16). Le déni de justice
est constaté par deux sommations faites par l’huissier et adressées au magistrat huit
jours d’intervalle au moins (17).

Jugé que n’est pas fondée la requête en prise à partie introduite pour dol contre les
magistrats qui ont commis des erreurs de droit et à charge desquels la requérante ne
parvient pas à établir aucun fait précis, surtout lorsqu’elle a encore la possibilité de
faire rectifier ces erreurs de droit par un pourvoi en cassation.

Le requérant doit donc établir un fait fautif précis justifiant le comportement dolosif
imputé au magistrat ; celui-ci doit avoir adopté au cours de l’instruction de la cause
ou lors de la décision un comportement coupable d’où il résulterait un acte de malice
ou l’intention de nuire.

Remarquons que les deux causes de prise à partie ci-dessus s’adressent aussi bien
aux magistrats assis qu’aux magistrats debout, la loi ne fait aucune distinction. Pour
l’officier du Ministère Public, le dol ou la concussion doit se produire au cours de
l’instruction pré juridictionnelle et c’est au cours de cette instruction que le déni de
justice doit apparaître.

A notre avis, peut être pris à partie, l’officier du Ministère Public qui, sans raison bien
motivée, ne donne pas lecture de son avis après la clôture de débats se rapportant à
un procès civil, endéans les quinze jours de la communication du dossier.

Section 2. Action en prise à partie

Par 1. Personnes susceptibles d’être prises à parties

16
. Art. 58 de la loi organique précitée
17
. Idem
3
1
95. Enumération. - Magistrats soumis au statut. – L’article 55 de la loi organique
précitée énonce que « tout magistrat » peut être pris à partie. En principe, comme le
souligne monsieur MUKADI BONYI Jr ( 18), aucune difficulté particulière ne devrait
être suscitée à cet égard. Seuls les magistrats doivent être pris à partie. A cet égard,
sont successibles d’être pris à partie, les magistrats sont régis par le statut des
magistrats, actuellement la loi organique n°06/020 du octobre 2006( 19). Il faut
entendre par- là aussi bien les magistrats du siège (juges) que ceux du ministère
public (20).

96. Magistrats de la Cour des Comptes ? On peut se demander si les magistrats de


la Cour des comptes, qui sont exclus du champ d’application du statut des magistrats
de l’ordre judiciaire et administratif, peuvent être pris à partie. A ce sujet, MUKADI
BONYI Jr estime que la question ne semble pas avoir été tranchée dans la pratique.
Mais, compte tenu de la généralité des termes utilisés par la loi qui vise « tout
magistrat », on devrait admettre la prise à partie des magistrats de la Cour des
comptes (21). Cette position pourrait être confortée par le fait que l’ordonnance – loi
n°87-031 du 22 juillet 1987 relative à la procédure devant la Cour des Comptes, qui
prévoit expressément le recours en cassation et le recours en révision contre les arrêts
de la cour des comptes, n’exclut pas la prise à partie. En vertu du principe général de
droit suivant lequel ce qui n’est pas interdit est permis, la victime d’un magistrat de
la cour des comptes aurait des fortes chances de voir son action en prise à partie
déclarée recevable.

Par. 2. Personnes exclues à la procédure de prise à partie.

97. Personnes exclues. Enumération. – Ne peuvent être pris à partie : 1° les juges
consulaires tels qu’établis par la loi n°002/2002 du 3 juillet 2002 portant organisation
des tribunaux du commerce ; 2° les juges assesseurs des tribunaux du travail visés
par la loi n°016/2002 du 16 octobre 2002 portant création, organisation et

18
. MUKADI BONYI Jr, op. cit, p44.
19
. JO n° spéc. du 25 octobre 2006.
20
. MUJKADI BONYI ET KATUALA KABA KASHALA, op cit, p102.
21
. Idem, p45.
3
2
fonctionnement des tribunaux du travail ; 3° le juge « notable » du tribunal de paix
(22) ; 4° officiers ministériels (greffiers et huissiers) et les officiers de police judiciaire.
N’ayant pas la qualité de magistrat, ils répondent de leurs fautes professionnelles
devant les autorités disciplinaires ou devant les tribunaux ordinaires suivant la
procédure de droit commun (23) et 5° les arbitres (24). La responsabilité des arbitres est
mise en cause suivant les règles de droit commun. En effet, en cas de fautes
professionnelles commises par les arbitres les dispositions des articles 258 et 259 du
Code civil livre III seront d’application (25).

Section 3. Procédure de prise à partie

98. Présentation. - La procédure de prise à partie comprend deux phases : la


procédure et l’action devant la Cour. Elle produit également certains effets (26).

Par. 1. Déroulement de la procédure

99. Saisine de la Cour. Requête introduite dans un délai de douze mois. – Aux
termes de l’article 59, la Cour est saisie par une requête qui doit, sous peine
d'irrecevabilité, être introduite dans un délai de douze mois, par un avocat, à
compter du jour du prononcé de la décision ou de la signification de celle-ci selon
qu'elle est contradictoire ou par défaut ou dans le même délai à dater du jour où le
requérant aura pris connaissance de l'acte ou du comportement incriminé.

22
. Aux termes de l’article 10 de la loi organique portant organisation, fonctionnement et composition
des juridictions de l’ordre judiciaire, le Tribunal de paix siège au nombre de trois juges en matière
répressive, d'un seul juge en matière civile. Toutefois, il siège au nombre de trois juges lorsqu'il y a
lieu de faire application de la coutume locale. Dans ce cas, deux des trois juges sont des notables
du lieu désigné par le Président de la juridiction.
Le notable ainsi assumé prête, devant le président, le serment suivant : « Je jure de respecter la
Constitution et les lois de la République Démocratique du Congo et de remplir loyalement et
fidèlement, avec honneur et dignité, les fonctions qui me sont confiées ».

23
. Rubbens (A), Le droit judiciaire privé zaïrois, tome 2, PUZ, KINSHASA 1978, n°243, p248
24
. L’arbitrage est défini comme étant une juridiction que la volonté des parties confère exclusivement à des
simples particuliers, pour trancher une ou plusieurs contestations qui les divisent.

25
. KABASELE KABASELE, Contribution du procès arbitral à la sécurité juridique et judiciaire, thèse,
fac. de droit, UNIKIN 2010, p513.
26
Lire à ce sujet MUKADI BONYI Jr, op cit, pp46-52.
3
3
En cas de déni de justice, la requête est introduite dans les douze mois à partir de la
seconde sommation faite par l'huissier.

100. Mentions de la requête. Enumération. - Outre les mentions prévues aux articles
1er et 2 de la loi organique, la requête contient les prétentions du requérant aux
dommages-intérêts et, éventuellement, à l'annulation des Arrêts ou jugements,
ordonnances, procès-verbaux ou autres actes attaqués.

101. Signification de la requête au magistrat incriminé. - La requête est signifiée au


magistrat pris à partie qui fournit ses moyens de défense dans les quinze jours de la
notification. À défaut, la cause est réputée en état (Art. 60).

Par. 2. Effets de la prise à partie

202. Distinction. - La prise à partie initiée contre un magistrat produit des effets sur
la décision ayant donné lieu à prise à partie, vis – à – vis du magistrat poursuivi et
de l’Etat en sa qualité de civilement responsable.

1. Effet sur la décision

103. Effets de la prise à partie sur les arrêts, jugements, ordonnances, procès
verbaux et autres actes attaqués. Annulation. - Si la prise à partie est déclarée
fondée, la Cour annule les Arrêts, jugements, ordonnances, procès-verbaux ou tous
autres actes attaqués sans préjudice des dommages et intérêts dus au requérant ( 27). Il
y a lieu de noter à ce sujet que la jurisprudence de la Cour suprême de Justice est
constante : au cas où la prise à partie est déclarée fondée, la décision entreprise est
annulée (28).

Il a été jugé que même si la décision définitive dans la cause a été rendue
ultérieurement par un autre siège, lorsque le déni de justice est établi, la décision de
surséance rendue par les juges pris à partie est annulé (29).

Il appartient aux parties de saisir à nouveau la juridiction qui avait rendu la décision
annulée pour statuer à nouveau (30).

27
.Art. 61 de la loi précitée.
28
. RPP 027 du 3 décembre 1993 (annulation des jugements RC 1/1394/91 du 25 juillet 1991 et RC
1/1394/1501/91 du 3 décembre 1991) ; RPP 030 du 5 juillet 1994(annulation de l’arrêt RCA 17239 en la
cause Message du Graal contre la Société art et décor) ; RPP 05 du 22 avril 1997 (annulation de la
requête aux fins de fixation n°1229 du 26 juin 1995) cité par MUKADI BONYI Jr, op cit, p.51).
29
. CSJ, RPP 2 du 4 juillet 1980, in DIBUNDA KABUINJI, p.183.
30
. WANSENDA N’SONGO, Les limites de la procédure de prise à partie en droit judiciaire privé
congolais, Revue de droit africain, n°12, 1999, p. 526 cité par MUKADI BONYI Jr, op ci, p51.
3
4

2. Effets vis-à-vis des magistrats

104. Abstention du magistrat pris à partie de la connaissance de toute cause


concernant le requérant, son conjoint ou ses parents en lignes directes ( 31). –
Suivant les prescrits de l’article 62 à partir de la signification de la requête jusqu'au
prononcé de l'Arrêt à intervenir, sous peine de la nullité de la procédure, le magistrat
pris à partie s'abstiendra de la connaissance de toute cause concernant le requérant,
son conjoint ou ses parents en ligne directe.

105. Demande reconventionnelle. Possibilité pour le magistrat de postuler les


dommages et intérêts contre le demandeur.- – Les effets de la prise à partie vis-à-
vis du magistrat sont également liés au sort réservé à l’action. Si celle – ci déclarée
irrecevable, le magistrat verra sa demande sa demande reconventionnelle déclarée
recevable. En revanche, si l’action est déclarée non fondée, le magistrat est admis à
postuler reconventionnellement la condamnation du demandeur aux dommages et
intérêts. En effet, il est prévu à l’article 64 de la loi organique que le magistrat pris à
partie par une action téméraire et vexatoire peut postuler reconventionnellement la
condamnation du demandeur à des dommages-intérêts.

106. Révocation du magistrat ?(32) - On peut remarquer que la pratique révèle que le
magistrat condamné pour dol, concussion ou déni de justice lors de la procédure de
prise à partie est révoqué de ses fonctions et grades. Un exemple récent vient d’être
donné par deux ordonnances signées par le président de la République en date du 15
juillet 2009, sur proposition du Conseil supérieur de la Magistrature.

M. MUKADI BONYI Jr note que la première ordonnance contient un attendu libellé


comme suit : « attendu que (…) par les arrêts ci-dessus , la Cour suprême de Justice a
reconnu les magistrats concernés , coupables, soit de dol, soit de concussion ou de
déni de justice ayant donné lieu à des actions en prise à partie »(33). Quant à la
seconde ordonnance, elle fait l’économie de motifs en libellant son attendu comme
suit : « attendu que les magistrats concernés ont, soit été condamnés pour des faits
infractionnels qui ont donné lieu à leur condamnation à des peines infamantes de
servitude pénale, soit commis des faits infractionnels d’indignité notoire, soit
condamnés sur requête en prise à partie (34).

31
Art. 62 de la loi organique précitée.
32
. Il faut noter à ce sujet qu’un projet de loi avait été introduit sur la disciplinarisation de la prise à
partie par le Ministre de la justice de l’époque. Les magistrats, mécontents de ce projet de loi avaient
décidé d’aller en grève au cours de l’année 2010. Depuis cette date, on parle plus de ce projet de loi.
33
. Ordonnance n°09/054 du 15 juillet 2009 portant révocation des magistrats du siège.
34
. Ordonnance n°09/055 du 15 juillet 2009 portant révocation des magistrats civils du ministère
public.
3
5
3. Effets vis-à-vis de l’Etat

107. Condamnation aux dommages et intérêts. Responsabilité solidaire entre l’Etat


et le magistrat. - L'État est solidairement responsable des condamnations aux
dommages-intérêts prononcées à charge du magistrat.

Il y a lieu de remarquer que la loi organique, en son article 63 institue la solidarité


entre l’Etat et le magistrat. L’Etat répond des faits dommageables des magistrats
causés dans l’exercice de leurs fonctions en sa qualité de commettant. Son obligation
à réparer les dommages ne découle pas d’une responsabilité subsidiaire ou
accessoire. Il s’agit d’une obligation solidaire car le magistrat et l’Etat sont chacun
tenu pour le tout. La partie qui a gagné le procès peut s’adresser directement au
trésor pour obtenir paiement.

On pourrait croire, comme l’indique M. MUKADI BONYI Jr, qu’il s’agit là d’un
avantage pour les justiciables qui seraient à l’abri de l’insolvabilité éventuelle du
magistrat. Et, c’est avec raison, pense t – il que cette disposition (article 63 de la loi
organique portant procédure devant la cour de cassation) est illusoire dans le cas de
la République démocratique du Congo où l’Etat est le plus mauvais débiteur qui soit
car ne s’acquittant guerre de ses dettes et les avoirs sont en principe insaisissable (35).

Chapitre II : Renvoi de juridiction

A. Causes de renvoi des juridictions (36)

108. Présentation. - Il existe plusieurs cas pouvant donner lieu aux


renvois. En effet, les juridictions peuvent également être saisies par une
décision de renvoi rendue par une autre juridiction. C’est ainsi par
exemple que le renvoi décrété par la Cour de Cassation après cassation
opère toujours la saisine du tribunal de renvoi. Il y a aussi le cas du
renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime dont la
procédure est prévue à l’article 60, alinéas 1, 2 et 3 de la loi organique du

35
. MUKADI BONYI Jr, op cit, p52. On peut aussi regretter le fait qu’avec l’acte uniforme relatif aux
procédures de recouvrement simplifiées et voies d’exécution du système OHADA, qui prévoit à
l’article 30 que l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes
qui bénéficient d’une immunité d’exécution, que l’exécution forcée contre l’Etat devienne impossible.
36
. Même si nous affirmons – ce qui est exact- qu’il y a plusieurs causes de renvoi de juridictions, dans
le cadre de cette étude, nous allons nous limiter à étudier le renvoi des juridictions pour cause de
sûreté publique ou de suspicion légitime.
3
6

11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et composition des


juridictions de l’ordre judiciaire.
De même, en cas de connexité (37), le renvoi à un tribunal saisi de la cause
connexe, emporte toujours un élargissement de la saisine du tribunal de
renvoi.
Par ailleurs, le renvoi pour cause de litispendance ( 38) n’opère
généralement pas de saisie nouvelle du tribunal de renvoi, puisque par
hypothèse ce tribunal est déjà saisi de la même cause entre les mêmes
parties ; il se peut, cependant, que la demande renvoyée soit plus ample
que celle dont le tribunal de renvoi était déjà saisi auquel cas la saisine se
trouve élargie comme si une demande additionnelle a été introduite.

37
. L’article 146 de la loi organique relative à l’organisation, au fonctionnement
et à la composition des juridictions de l’ordre judiciaire précise que les
demandes pendantes devant un Tribunal de paix peuvent, à la requête de l'une
des parties, être jointes à des demandes connexes pendantes devant le Tribunal
de grande instance. La juridiction ainsi saisie statue en premier ressort.
Lorsque les demandes pendantes devant les juridictions différentes de même rang sont connexes,
elles peuvent, à la demande de l'une des parties, être renvoyées à celle de ces juridictions qui a
déjà rendu une décision autre qu'une disposition d'ordre intérieur, sinon, à la juridiction saisie la
première.
Dans ce cas, .lorsque les parties ne sont pas les mêmes dans toutes les actions connexes et que la
juridiction de renvoi a déjà rendu un jugement qui ne la dessaisit pas, le renvoi à cette juridiction
ne peut être prononcé si le plaideur qui n'a pas été partie à ce jugement s'y oppose.
Les décisions de' renvoi sont rendues en dernier ressort.
La juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence sur les causes dont elle est saisie. Une
expédition de la décision de renvoi est transmise avec les pièces de la procédure au greffe de la
juridiction à laquelle la cause a été renvoyée.
38
. L’article 145 de la loi organique du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et composition des juridictions de l’ordre judiciaire dispose
qu’en cas de litispendance, les causes pendantes devant les juridictions
différentes sont renvoyées par l'une d'elles à l'autre selon les règles et dans
l'ordre ci- après :
1. la juridiction saisie au degré d'appel est préférée à la juridiction saisie au premier ressort ;
2. la juridiction qui a rendu sur l'affaire une disposition autre qu'une disposition d'ordre intérieur
est préférée aux autres juridictions ;
3. la juridiction saisie la première est préférée aux autres juridictions.
Une expédition de la décision de renvoi 'est transmise avec les pièces de la procédure au greffe de
la juridiction à laquelle la cause a été renvoyée.
3
7

109. Principe de solution posé par la loi organique du 11 février 2013


relative à la procédure devant la Cour de Cassation. - Aux termes de
l’article 65 de la loi organique relative à la procédure devant la Cour de
Cassation, il est prescrit qu’en matière de renvoi, il sera procédé devant
la cour conformément aux dispositions générales de ladite ordonnance et
des dispositions pertinentes de la loi organique relative à la procédure
devant la Cour de Cassation et des celles de la loi portant organisation et
fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire.

En effet, l’article 60, alinéas 1, 2 et 3 de la loi organique du 11 avril 2013


portant organisation, fonctionnement et composition des juridictions de
l’ordre judiciaire dispose que :

« Le Tribunal de grande instance peut, pour cause de sûreté publique


ou de suspicion légitime, renvoyer la connaissance d'une affaire, d'un
Tribunal de paix de son ressort à un autre Tribunal de paix du même
ressort.

La Cour d'appel peut, pour les mêmes causes, renvoyer la connaissance


d'une affaire d'un tribunal de grande instance de son ressort à un autre
Tribunal de grande instance du même ressort.

La Cour de Cassation peut, pour les mêmes causes, renvoyer la


connaissance d'une affaire d'une Cour d'appel à une autre ou d'une
juridiction du ressort d'une Cour d'appel à une juridiction de même
rang du ressort d'une autre Cour d'appel ».

Il faut aussi rappeler que cette disposition de l’article 60 de la loi


organique précitée indique, en ses alinéas 4 et suivants, la procédure à
suivre.

B. Procédure

110. Saisine. Requête soit du Procureur général près la Cour de


Cassation ou soit de l'officier du Ministère Public près la juridiction
saisie ou d’une partie en cas de suspicion. - La requête aux fins de
renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime peut être
3
8

présentée, soit par le Procureur général près la Cour de cassation, soit


par l'officier du Ministère Public près la juridiction saisie.

Pour cause de suspicion, la requête peut également être présentée par


les parties. Elle est introduite par écrit.

111. Donner acte du dépôt de la requête par la juridiction saisie. - La


juridiction saisie de la demande de renvoi donne acte du dépôt de la
requête.

112. Effet de la production de l’expédition de l’acte. Surséance. - Sur


production d'une expédition de cet acte par le Ministère Public ou par
la partie la plus diligente, la juridiction saisie quant au fond sursoit à
statuer.

C. Tenue de l’audience.

113. Notification de la date d’audience aux parties. - La date


d'audience est notifiée à toutes les parties en cause dans les formes et
délais ordinaires.

114. Déroulement des débats. - Les débats se déroulent de la


manière suivante :
1. le requérant expose ses moyens ;
2. la partie adverse présente ses observations ;
3. le Ministère Public donne son avis s'il échait ;
4. le tribunal clôt les débats et prend l'affaire en délibéré.

115. Transmission de l’expédition de la décision au greffe de la


juridiction saisie. - Une expédition du jugement ou de l'arrêt de
renvoi sera transmise, tant au greffe de la juridiction saisie qu'au greffe
de la juridiction à laquelle la connaissance de l'affaire a été renvoyée.
3
9

La décision sur la requête est rendue dans la huitaine de la prise en


délibéré de l'affaire. Elle n'est susceptible ni d'opposition ni d'appel.

Chapitre III: Règlement de juge

A. Notion

116. Définition. - Il y a lieu à règlement du juge lorsque deux ou


plusieurs juridictions judiciaires statuant en dernier ressort se déclarent
compétentes pour connaître d'une même demande qui concerne les
mêmes parties.

117. Principe. Aux termes de l’article 66 de la loi organique, il y a lieu à


règlement de juge lorsque deux ou plusieurs juridictions de l'ordre
judiciaire, statuant en dernier ressort, se déclarent en même temps soit
compétentes, soit incompétentes, pour connaître d'une même demande
mue entre les mêmes parties.

B. Procédure pour mettre fin au conflit de compétence

118. Requête de l’une des parties ou du ministère public. - Le


règlement de juges peut être demandé par requête de toutes les parties à
la cause ou par le Ministère public près l'une des juridictions concernées.

119. Juridiction compétente devant désigner celle qui connaitra la


cause. Cour de Cassation. – La juridiction compétente, c'est la Cour de
cassation, qui désigne souverainement la juridiction qui connaîtra de la
cause (39).

120. Raison d’être de la procédure de règlement des juges. - Le


règlement des juges est la manifestation claire que les règles prévues
pour mettre fin à la litispendance n'ont pas permis, pour une raison ou
39
. Art. 66 de la loi organique précitée.
4
0

une autre, de mettre fin à la litispendance. Il s'impose alors, pour


prévenir la contrariété et les conséquences juridiques malheureuses,
entre des décisions judiciaires rendues en dernier ressort, de recourir au
règlement des juges.

121. Conflit d’attribution ? II y a aussi le cas de conflit d'attribution.


Cette hypothèse est possible, lorsqu'une juridiction de l’ordre judiciaire
et une juridiction administrative se déclarent pour une même demande,
qui concerne les mêmes parties, toutes les deux à la fois compétentes ou
incompétentes (40).
Partie II. Arbitrage

122. Introduction
La République démocratique du Congo a adhéré à l’OHADA. En fait foi la loi
numéro 10/002 du 11 février 2010 autorisant son adhésion au Traité du 17 octobre
1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Dans ce cadre, le 12
septembre 2012, le droit OHADA est entré en vigueur en République démocratique

40
. Il ya deux hypothèses possibles : Première hypothèse : Les deux juridictions se déclarent
incompétentes:- Les parties épuisent les voies de recours devant chaque juridiction ; -Ou bien la
demande est portée directement devant l'autre juridiction. Lorsque cette dernière juridiction statue
dans le même sens, le conflit d'attribution devient réel et doit être tranché par la Cour Suprême de
Justice siégeant toutes sections réunies. Procédure à suivre :
La demande est formée par requête de la partie intéressée. Elle n'est recevable que dans le deux mois à
compter de la signification de la décision d'où résulte le conflit.
La requête doit être signée par un avocat du barreau de la Cour Suprême de Justice, porteur d'une
procuration spéciale. Elle doit en outre comporter les mêmes mentions que celles qui sont exigées
pour un pourvoi en cassation. Deuxième hypothèse : La juridiction judiciaire et la juridiction
administrative se déclarent l'une et l'autre compétente. Elles doivent surseoir à statuer sur le fond
jusqu'à l'expiration du délai imparti pour introduire la demande devant la Cour de Cassation, en cas
de demande jusqu'à la décision sur le conflit.
Le Ministère Public intervient dans l'exécution chaque fois que l'exécution requiert une prise de corps
ou un recours à la force publique. Enfin, c'est le tribunal qui est chargé de trancher toutes les
difficultés en matière d'exécution.
C'est la partie gagnante des qui, en principe doit elle-même faire exécuter le jugement rendu en sa
faveur. Elle ne doit pas croire que ce sont les juges qui vont lui remettre cet argent, montant de
condamnation.
4
1
du Congo, 60 jours après le dépôt, en date du 13 juillet 2012[ 41], des instruments de la
ratification de ce traité.
Le traité de l’OHADA entend promouvoir l’arbitrage comme instrument de
règlement des différends contractuels [42]. En effet, à l’ article 1 er de ce traité, il est
prescrit que le présent traité a pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans
les Etats parties par l’élaboration et l’adoption des règles communes simples,
modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre des
procédures judiciaires appropriées , et par l’encouragement au recours à l’arbitrage
pour le règlement des différends contractuels.
Et, le traité de l’OHADA prévoit le titre IV, qui institue l’arbitrage de l’article 21 à
l’article 26. C’est ainsi qu’en application de ce traité, l’acte uniforme relatif à
l’arbitrage du droit OHADA fut pris le 11 mars 1999. Cet acte uniforme relatif au
droit de l’arbitrage constitue la législation sur l’arbitrage de l’ensemble des Etats de
l’OHADA. A ce titre, il a vocation à s’appliquer à tout arbitrage ad hoc ou
institutionnel ayant pour siège un Etat de l’OHADA. En tant qu’acte uniforme, il
abroge les législations nationales antérieures dans la mesure de leurs dispositions
contraires à celles de l’acte uniforme43.
Par ailleurs, l’article 35 de l’acte uniforme relatif à l’OHADA dispose que le présent
acte uniforme tient lieu de loi relative à l’arbitrage dans les Etats – parties. Celui –
n’est applicable qu’aux instances arbitrales nées après son entrée en vigueur.
Ce qui est intéressant est que ce traité entre en vigueur, alors qu’il existe un autre
texte, qui règlemente l’arbitrage en droit congolais, à savoir, le décret du 7 mars 1960
portant Code de procédure civile. Ce texte contient 36 articles [ 44], qui traitent de
l’arbitrage. La question qui se pose est celle de savoir, lequel de ces deux texte sera
d’application.
La réponse à cette question est donnée à l’article 10 du traité de l’OHADA. En effet,
cet article dispose que les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires
dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne,
antérieure ou postérieure. Cette disposition consacre l’abrogation du droit interne

41
. A ce sujet, on vu paraitre dans la presse[le journal le phare du 20 septembre 2012] un communiqué
de la ministre de la justice demandant aux magistrats d’appliquer le droit OHADA et aux professeurs
d’université d’enseigner ledit droit.
42
. Lire le préambule du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique. Et à ce sujet, Jacqueline LOUHOUES – OBLE note que l’institution de l’arbitrage par
l’OHADA a pour objet de lutter contre le monopole actuel qui voit la plupart des procédures
d’arbitrage se dérouler en Europe ou en Amérique, même lorsque les litige opposent un Etat africain
à une entreprise étrangère au continent et qu’elles sont relatives à l’inexécution d’un contrat soumis au
droit dudit Etat.
43
. Meyer P., commentaires de l’acte uniforme du 11 mars 1999, in OHADA, traité et actes uniformes
commentés et annotés, p98.
44
. L’acte uniforme précité contient aussi le même nombre d’articles que le décret du 7 mars 1960.
4
2
par les actes uniformes. En conséquence, le droit OHADA institue suprématie des
actes uniformes sur le droit national.
Cependant, il faut observer que le décret du 7 mars 1960 constitue le droit commun
de procédure. Il ne réglemente l’arbitrage que dans quelques dispositions seulement.
Ce qui implique que les autres dispositions non concernées par cette question, et qui
ne sont pas contraires à l’acte uniforme demeureront d’application.
D’où l’intérêt que présente de cette étude. Il est intéressant d’analyser article par
article en vue de déceler les principes qui garantissent la sécurité judiciaire des
parties à l’arbitrage. Nous estimons, quoiqu’il en soit, que les deux textes devront
coexister. Le premier étant consacré au droit commun, le second n’abordant qu’un
aspect, le droit des affaires [45].

Chapitre I. Notions générales


Section 1 : Définitions
123. But de l’arbitrage. – Le législateur n’a pas obligé les parties litigantes de soumettre le
différend qui les oppose aux juridictions établies par la loi. Toutes personnes peuvent, à
l’occasion d’un contrat qu’elles rédigent et signent, prévoir qu’elles soumettront les conflits à
naitre sur les clauses et dispositions de leur convention à un ou plusieurs arbitres, c'est-à-dire
à une ou plusieurs autres personnes privées qui ne font pas profession de magistrat mais qui
sont choisies à raison de leur compétence particulière dans une ou plusieurs matières
déterminées. D’autres, sans avoir rédigé de conventions préalables de leurs engagements
réciproques ou qui n’ont pas prévu dans leurs conventions le recours à arbitres peuvent
décider au moment où naît leur différend de soumettre ce dernier non tribunal par la loi mais
à des arbitres qu’elles choisissent et déterminent [46].
124. Arbitrage. Absence de définition légale. – Les règles applicables au procès arbitral sont
déterminées par des dispositions de l’Acte uniforme de l’OHADA ( 47) du 11 mars 1999 relatif

45
. L’expression droit des affaires telle que consacrée par le droit OHADA, prête à confusion quant à
son contenu, qui est très vaste. Le droit des affaires du système OHADA a une acception très large,
qui dépasse le droit commercial. En effet, l’article 2 du traité de l’OHADA énumère parmi les
matières, qui font partie du droit des affaires, celles qui, classiquement, font partie du droit commun.
Par exemple, le recouvrement des créances, les suretés et les voies d’exécution, sans distinction de la
qualité de commerçant ou de civil des parties au procès.
46
.Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, Procédure civile, Kinshasa, 1999, p.172
47
.L’OHADA. Créée en 1993, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
compte actuellement 17 membres (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo,
Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal,
Tchad, TOGO et RDC), organise l’unification des droits des affaires et le règlement des litiges des
litiges par une juridiction supranationale ainsi que la promotion de l’arbitrage. Les matières ci – après
font l’objet d’actes uniformes : le droit commercial général, le droit des sociétés et GIE, le droit des
4
3
à l’arbitrage conformément aux dispositions de l’article unique de la loi n°10/002 du 11
février 2010 autorisant l’adhésion de la République démocratique du Congo au traité du 17
octobre 1993 relatif au droit des affaires en Afrique (48).
Mais la loi ne donne pas la définition de l’arbitrage. Le droit OHADA ne définit pas
l’arbitrage et la convention d’arbitrage. En effet, le traité de l’OHADA aux articles 21 à 26 ne
fait allusion qu’à la clause compromissoire et au compromis d’arbitrage, sans définir
l’arbitrage lui – même. Il en est ainsi de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage [ 49], qui ne parle
que de la convention d’arbitrage [50].
Notons néanmoins, que devant l’absence de définition légale, la jurisprudence a retenu, sans
définir l’arbitrage lui-même, qu’une convention par laquelle les parties en litige décident de
confier l’établissement de leurs comptes à un expert, s’interdisant de remettre en question
devant les tribunaux le résultat de cette comptabilité, constitue un compromis d’arbitrage (51).
La doctrine, pour sa part, définit l’arbitrage comme un mode de règlement de différends par
lequel les parties à un litige concluent un contrat, en vertu duquel le litige est soumis à une
personne privée, appelée arbitre, qui prononcera une décision obligatoire pour les parties en
excluant la compétence des juges ordinaires (52).
Dans la définition ci-dessus, l’accent est mis sur la base conventionnelle de la procédure
arbitrale. Ainsi, l’arbitrage est considéré comme une technique visant à faire donner la
solution d’une question, intéressant les rapports entre deux ou plusieurs personnes, par une
ou plusieurs autres personnes - arbitre ou arbitres- lesquels tiennent leurs pouvoirs d’une
convention privée et statuent sur la base de cette convention, sans être investies de cette
mission par l’Etat (53).
Cette définition encourt cependant deux reproches. Premièrement, elle ignore la clause
compromissoire qui, elle n’est pas une convention, mais plutôt, une clause, ou mieux une
disposition insérée par les parties dans un contrat à l’occasion de la conclusion d’un contrat

sûretés, les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, les procédures collectives,
l’arbitrage, la comptabilité, le transport des marchandises par route. D’autres projets d’actes sont en
cours, notamment le droit des contrats.
48
.Loi n° 10/002 du 11 février 2010 autorisant l’adhésion de la République démocratique du Congo au
traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, in J.O. numéro
spécial, 3 mars 2010, p. 3. L’adhésion à l’OHADA engendre plusieurs conséquences dont notamment :
1. sur l’activité et la compétitivité, sur l’accroissance économique et le développement ; 2. sur la
configuration de notre droit ; 3. sur le plan de la formation des juristes ; 4. sur l’organisation
judiciaire ; 5. sur la gestion des entreprises et sur la profession comptable. Voy. Masamba Makela (R.),
Modalités d’adhésion de la RDC au Traité de l’OHADA, Volume 1, Rapport final, COPIREP,
Kinshasa, 2005, pp. 15 - 16.
49
.Cet acte uniforme ne semble pas établir une distinction entre la clause compromissoire et le
compromis.
50
.On peut le constater à partir des articles 2 et suivants de l’acte uniforme précité.
51
.Rubbens (A.), Le droit judiciaire zaïrois, Tome 2, PUZ, Kinshasa, 1978, p. 256.
52
.Schokkaert (J.) et Kangulumba Mbambi (V.), op cit, p. 227; Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala,
Procédure civile, Batena Ntambua, Kinshasa, 1999, p. 172.
53
.David (R.), L’arbitrage dans le commerce international, Economica, Paris, 1982, p. 9.
4
4
principal. A notre avis, c’est ce premier élément qui apparaît déterminant quant à la sécurité
juridique des parties dans la procédure arbitrale. Ayant voulu l’arbitrage, les parties doivent
en principe vouloir les effets qui en découlent.
Deuxièmement, elle ne met pas l’accent sur l’existence d’un différend qui doit donner lieu à
l’arbitrage. En effet, l’arbitrage suppose à la fois un contrat entre parties, d’une part, et
d’autre part, l’existence d’un conflit, d’une contestation ou d’un différend entre elles ( 54). Car,
la matière gracieuse ne peut jamais faire l’objet d’un arbitrage.
En définitive, nous pouvons définir l’arbitrage comme une juridiction que la volonté des
parties confère exclusivement à des simples particuliers, pour trancher une ou plusieurs
contestations qui les divisent. De cette définition, peuvent être tirées plusieurs conséquences :
1° l’arbitrage est un contrat qui exige la volonté des parties ;
2° l’arbitrage suppose l’existence d’un différend, d’une contestation. La juridiction gracieuse
ne peut jamais faire l’objet d’un arbitrage.
Ainsi défini, l’arbitrage se rapproche de l’expertise dont il diffère cependant sur de nombreux
points ; car, il y a expertise quand les parties ont, à seule fin de s’éclairer, demandé un avis au
sujet du différend qui les sépare mais, sans pendre l’engagement de se rallier aux avis de
experts. Au contraire, l’arbitrage, suppose que les parties ont décidé d’accepter l’avis des
personnes qu’elles consultent. Les arbitres tranchent le différend comme le feraient des juges
des juridictions étatiques [55]. Mais, il existe deux procédés par lesquels il faut passer pour
soumettre un différend aux juridictions arbitrales. Il s’agit de la clause compromissoire et le
compromis.
125. Champ d’application de l’arbitrage.- Champ large l’arbitrage civil et commercial.- Aux
termes de l’article 1er de l’acte uniforme précité, le champ d’application de l’acte uniforme de
l’OHADA n’est pas limité aux seuls arbitrages commerciaux. Il a vocation à s’appliquer tant
aux arbitrages civils que commerciaux. Alors que le décret du 7 mars 1960 ne règlementait en
principe que l’arbitrage civil [56].
125. Participation des personnes morales de droit public à l’arbitrage. – Innovation par
rapport au décret du 7 mars 1960. – L’article 2 de l’acte uniforme abroge les dispositions
internes qui avaient prévu le caractère inarbitrale des contestations intéressant les
collectivités publiques et les établissements publics. Ainsi donc, l’Etat peut recourir à
l’arbitrage relativement à des droits dont il peut librement disposer [57].
Section 2. Convention d’arbitrage et constitution du tribunal arbitral

54
.Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, op. cit, p..172.
55
. Mukadi Bonyi et Katuala KABA KASHALA, op cit, p172.
56
.Lire à sujet le professeur Lukombe Nghenda, dans son ouvrage intitulé, le règlement du contentieux
commercial. Tome II. L’arbitrage, PUC, Kinshasa, 2006. L’auteur ajoute que ce décret ne réglementait
pas non plus l’arbitrage international ; et que la RDC recourait aux principes généraux de droit pour
soumettre la résolution des litiges par voie de l’arbitrage international.
57
. Lire la note de Meyer [p] au bas de l’article 2 de l’AU.
4
5
126. Indication. - La clause compromissoire, le compromis ainsi que la procédure devant les
arbitres ont fait l’objet d’une réglementation légale que le législateur a insérée au titre V du
Code de procédure civile [58].
Par. 1. Convention d’arbitrage
I. Clause compromissoire
127. Clause compromissoire. Définition. – La clause d’une convention par laquelle les
parties décident de soumettre à des arbitres les différends qui pourraient naitre entre elle sue
les dispositions qu’elles viennent d’adopter ou les engagements qu’elles ont souscrits
s’appelle la clause compromissoire.
128. Conditions de validité – Pour pouvoir signer une clause compromissoire valable, c'est-
à-dire pour compromettre, il faut que plusieurs conditions soient réunies. Ces conditions
concernent pour partie les personnes signataires de la clause, pour parties le contenu de la
clause elle-même.
I. Contenu de la clause
129. Enumération. - 1° matières susceptibles de la clause compromissoire. – On peut
compromettre en principe sur toute matières car toutes les conventions sont libres pourvu
qu’elles ne portent pas atteinte à l’ordre public ni aux bonnes mœurs. Mais, on ne peut
compromettre sur toutes constatations qui touchent à l’ordre public [59]
Il faut trouver la raison dans le fait que ces litiges doivent nécessairement et en vertu de la loi
être communiqués au ministre public qui doit donner un avis et que l’arbitrage ne peut avoir
pour effet de tourner la loi ; par exemple, interdiction de compromettre en matière de divorce
d’état et de capacité des personnes, de pension alimentaire etc.
2° Désignation des arbitres. – La clause compromissoire ne doit pas nécessairement contenir
le non des arbitres [60]. Mais, elle doit quand même contenir la façon dont les arbitres seront
désignés en cas de différend.
L’article 161, alinéa 3 précise cependant les cas où les parties n’auraient pas prévu de
disposition relative à la désignation des arbitres : un à trois arbitres sont désignés par le
président du tribunal de grande instance choisi par la partie la plus diligente.
3° Objet. – Un objet certain formant la matière de l’engagement. L’objet doit être
suffisamment déterminé pour pouvoir en apprécier l’étendue. Il en est d’autant plus ainsi
que la clause compromissoire établissant une juridiction exceptionnelle est de stricte
interprétation et que s’il y a doute au moment de la naissance du litige sur l’interprétation à
donner les tribunaux ordinaires redeviennent compétents.
II. Personnes signataires

58
.Art. 159-194 du décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
59
. Art. 159 du CPC
60
. Art. 160 du CPC.
4
6
130. Enumération. - 1° Capacité. – Les signataires de la clause doivent être capables [ 61]. Il
s’ensuit que le mineur non émancipé et même le mineur émancipé ne peut compromettre
même assisté de ses représentants légaux. La femme mariée ne peut compromettre qu’avec
l’autorisation de son mari. L’interdit et le prodigue sous curatelle se voient frappés de la
même incapacité. Le failli qui n’a plus la libre disposition de ses biens n’a pas la possibilité de
signer une clause compromissoire même avec l’assistance de son curateur. L’Etat, les
provinces, les communes, et les établissements publics n’ont pas le droit de compromettre car
leurs litiges doivent nécessairement être soumis et dans tous les cas à l’avis du ministère
public. Sur cette question précisément, l’article 2 , alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif à
l’arbitrage dans le système OHADA précise que Les Etats et les autres collectivités publiques
territoriales ainsi que les Etablissements publics peuvent également être parties à un
arbitrage, sans pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un litige,
leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage.
2° Pouvoirs. Enumération. – Les signataires doivent avoir le pouvoir de compromettre [62].
En droit OHADA, l’article 2 de l’Acte précité dispose que toute personne physique ou morale
ne peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.
a]Les mandataires légaux (tuteurs, curateurs, etc.) ne peuvent compromettre sur les droits
mobiliers ou immobiliers des représentés car le procès qui met ces derniers en cause doit
nécessairement être communiqué au ministère public.
b] Les mandataires conventionnels (fondés des pouvoirs, gérants, administrateurs,
représentants quelconque de sociétés ou d’association) ont besoin d’un mandat spécial et
exprès pour pouvoir compromettre au nom de ceux qu’ils représentent.
131. Effets – La clause compromissoire a pour effets :
1° d’obliger ceux qui l’ont stipulée à faire un compromis pour régler toutes les contestations
nées de la convention qui contenait la clause ;
2° de soustraire à la juridiction des tribunaux ordinaires toutes les contestations de cette
convention.
132. Conséquence du second effet. Exception d’incompétence.- Ainsi, si le demandeur
assigne le défendeur devant le juge ordinaire, ce défendeur peut opposer une exception
d’incompétence et le juge doit admettre cette exception sauf lorsqu’il s’avère que le procès
intenté sort du cadre fixé par la clause.
L’article 13 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage du droit OHADA est très clair à ce sujet. En
effet, cet article dispose que lorsqu'un litige, dont un Tribunal arbitral est saisi en vertu d'une
convention arbitrale, est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des
parties en fait la demande, se déclarer incompétente.
Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer
incompétente à moins que la convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle.
61
. Art.159 du CPC.
62
. Art. 159 du CPC.
4
7
En tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d'office son incompétence parce
que l’exception d’incompétence en raison du lieu n’est pas d’ordre public [ 63] ; et pour que le
défendeur puisse valablement l’invoquer, il est tenu de le faire in limine litis et avant toute
défense au fond.
Toutefois, l’article 13, alinéa 3 indique que l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas
obstacle à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction, en cas d'urgence reconnue et
motivée ou lorsque la mesure devra s'exécuter dans un Etat non partie à l’OHADA, ordonne
des mesures provisoires ou conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas un
examen du litige au fond, pour lequel seul le Tribunal arbitral est compétent.
II. Compromis
133. Généralités. – Lorsque les parties ont établi une clause compromissoire et qu’un
différend surgit entre elles à propos de la convention qu’elles ont signée, elles doivent
dresser un compromis qui doit désigner l’objet du litige et le nom des arbitres. Cependant
les parties peuvent dresser un compromis et soumettre leur litige à des arbitres même si elles
n’ont pas fait la convention préalable et s’il n’existe en conséquence aucune clause
compromissoire. Toutefois, le compromis peut être constaté par déclaration insérée au
procès-verbal des arbitres et signées par les parties [64]. S’il existe une clause compromissoire,
les parties sont tenues de s’y conformer et de dresser un compromis de leur différend. En cas
de refus d’une des parties, le tribunal compétent rend un jugement valant compromis [65].
134. Compromis. Définition. – Si la convention d’arbitrage ne fait pas partie d’un contrat
mais constitue une décision volontaire de soumette à arbitre le différend qui vient de naitre
entre particuliers, elle prend la dénomination de compromis. En fait, le compromis porte sur
une contestation née et actuelle tandis que la clause compromissoire a pour objet un
différend futur éventuel.
135. Conditions de validité. Enumération. – Huit conditions sont requises.
1° le compromis peut être établi sur toutes matières sauf celles qui touchent à l’ordre public
et qui sont réservées à la compétence exclusive du tribunal ;
2° le compromis doit être constaté par écrit à l’exclusion de tout autre mode de preuve ;
3° les noms des arbitres doivent y figurer ;
4° le compromis doit désigner l’objet du litige de façon fort précise ;
5° les parties doivent être capables ;
6° il faut avoir les pouvoirs requis ;
7° les parties doivent désigner le tribunal de grande instance auquel elles attribuent
compétence en raison de l’arbitrage. A défaut, le tribunal est choisi par la partie la plus
diligente (art. 166 CPC) ;
63
. L’exception d’incompétence en raison de la matière est d’ordre public ; tandis que celle en raison
du lieu est d’ordre privé, les parties pouvant y déroger. .
64
. Art. 164, alinéa 2 CPC
65
. Art. 164, alinéa 3 CPC
4
8
8° la durée du compromis doit être fixée. A défaut, la mission des arbitres cesse six mois
après la date du compromis sauf prorogation possible mais à condition qu’elle soit faite par
écrit (art. 167, CPC).
Section 2. Arbitrage et certaines institutions voisines
136. Enumération. - Au plan juridique, une distinction très nette doit être opérée entre
notamment l’arbitrage et la conciliation (I), l’arbitrage et l’expertise (II), l’arbitrage et la
transaction (III).
I. Conciliation
137. Plan. - Il importe de définir cette notion (A) avant d’examiner ses traits essentiels (B)
ainsi que ses formes particulières (C).
A. Notion
138. Définition. - La conciliation peut être définie comme étant une instance ayant pour but
de faciliter, en dehors de toute procédure judiciaire engagée, le règlement amiable des
conflits qui divisent les parties. Les conciliateurs ont pour mission de faciliter, en dehors de
toute procédure judiciaire, le règlement amiable des différends portant sur des droits dont les
intéressés ont la libre disposition.
Le droit congolais rend obligatoire la tentative de conciliation préalablement à la tenue des
audiences publiques dans les cas suivants : en matière de divorce, lorsqu’il s’agit d’exercer
l’action en divorce; en matière de conflit de travail, aucune action opposant l’employeur au
travailleur n’est recevable, si la conciliation n’a pas été tentée devant l’inspecteur du travail ;
en matière de mariage, le consentement des parents au mariage, qu’il s’agisse des enfants
mineurs, constitue une obligation légales pour la validation du mariage. En cas de refus des
parents, ou du tuteur, et que le conseil de famille n’a pas pu obtenir le consentement, le futur
époux mineur ainsi que le ministère public peuvent saisir, par requête, le tribunal de paix, ce
dernier instruit à huit clos la requête en amiable conciliateur.
De même, si la dot est refusée par ceux qui, selon la coutume, doivent la recevoir, les futurs
époux peuvent porter le litige devant le conseil de famille. Si le refus persiste, les futurs
époux ainsi que le ministère public peuvent, saisir, par requête, le tribunal de paix qui instruit
à huit clos la requête en amiable conciliateur. Et, en cas de manquement de l’un des époux à
ses devoirs conjugaux, le tribunal de paix saisi par l’époux plaignant, tentera en chambre du
conseil, de concilier les époux plaignants, à cet effet, il peut faire notamment comparaître les
époux en personne ainsi que leurs parents, appeler en chambre du conseil les personnes
susceptibles de promouvoir la conciliation.
La procédure de conciliation a pour objet de rapprocher les points de vue antagonistes
jusqu’à l’acceptation d’une solution de type transactionnel. Elle est, comme le dit le professeur
Mukadi Bonyi, comparable à la négociation diplomatique en ce qu’elle ne doit pas éveiller
l’idée d’un jugement quelconque. Elle implique généralement la présence d’un tiers appelé à
s’interposer entre les parties pour tenter au rapprochement des points de vue.
4
9
En droit français, l’idée qui a présidé à la création de la conciliation est simple : les justiciables
hésitent trop souvent, pour des petits litiges, à recourir aux tribunaux, en raison de
l’éloignement de la juridiction compétente, de la complexité de la procédure, des frais
entraînés ou des délais.
Or, ces petits conflits qui ne reçoivent le plus souvent pas de solution judiciaire, ou qui sont
parfois réglés de façon plus ou moins violente et personnelle, sont générateurs de conflits plus
graves. C’est pourquoi, l’institution des conciliateurs a été préconisée par le Comité d’étude
sur la violence, dont la Recommandation 85 est libellé comme suit : « Qu’il convient
d’organiser, en liaison avec les tribunaux d’instance, une mission générale de conciliation,
facultative pour les parties, en vue d’éviter que les petits conflits quotidiens ne dégénèrent au
point de les voir être portés devant une juridiction pénale ».
B. Traits essentiels
139. Traits essentiels. - Les traits essentiels qui différencient les arbitres des conciliateurs
peuvent être situés au niveau de l’organe (1) et à celui de la fonction (2).
1. Organe
140. Absence de conciliateur en droit congolais. - En droit congolais, il n’existe pas de
conciliateur comme c’est le cas en France. En effet, l’inspecteur du travail, qui est un
fonctionnaire de l’Etat n’est pas un conciliateur au sens technique du terme. C’est aussi le cas
du président du tribunal de paix, amiable compositeur, qui a pour rôle en cas de resserrer les
liens conjugaux.
En droit français, le conciliateur est un bénévole qui est nommé par ordonnance du premier
président de la Cour d’appel, sur proposition du procureur général.
En raison du caractère bénévole de ses fonctions, le conciliateur ne peut se faire reconnaître la
qualité d’agent public, il n’est pas davantage doté des pouvoirs juridictionnels et n’appartient
pas au corps judiciaire. De ce fait, il ne bénéficie d’aucune rémunération. Mais, il y a une
couverture des frais exposés par les conciliateurs dans l’exercice de leur fonction.
En ce qui concerne les dommages causés aux tiers par l’activité des conciliateurs, dans le cas
de la faute lourde de ces derniers, ceux-ci devraient être pris en charge par l’Etat sur la base
de la responsabilité de la puissance publique à raison du fonctionnement défectueux du
service de la justice. En revanche, l’Etat ne devrait pas avoir à assurer la réparation d’un
préjudice résultant du fait ou de la faute des conciliateurs survenus pendant l’exercice de
leurs fonctions, mais qui sont étrangers aux fonctions elles-mêmes.
En pratique, les fonctions de conciliateur sont exercées par des magistrats honoraires, anciens
notaires, anciens avocats, officiers en retraite, mais également par des membres des
professions libérales, du secteur privé ou de l’enseignement.
Non seulement, il est demandé aux intéressés de ne pas exercer d’activité judiciaire à titre
professionnel, mais la loi française n’exige des candidats aucune condition de diplôme. Quant
aux connaissances juridiques -assurément utiles dans certaines conditions- ; elles ne
constituent, le cas échéant, qu’un élément positif parmi d’autres et ne sont pas considérées
5
0
comme indispensables. Bref, les qualités essentielles requises pour les conciliateurs sont le
bon sens et la faculté d’attention aux problèmes d’autrui, ainsi que l’estime dont il jouit dans
le milieu où il est amené à exercer ses fonctions. Le conciliateur est plus juge d’équité que de
légalité.
Le conciliateur est un bénévole tandis que l’arbitre est rémunéré par les parties au moyen des
honoraires. Le conciliateur est juge d’équité et l’arbitre est une juge de légalité.
2. Fonction
141. Contenu. - Le conciliateur, après avoir entendu chacune des parties, cherchera à les
rapprocher. Si celles-ci ne parviennent pas à s’accorder, l’office du conciliateur prend fin,
c’est un constant d’échec. En cas de conciliation, même partielle, il est établi un constat
d’accord signé par les intéressés.
A la différence des procès-verbaux établis par les juges (juge amiable conciliateur en matière
de divorce et l’inspecteur urbain du travail en matière des litiges individuels du travail), le
constat d’accord, bien que portant la signature du conciliateur, n’est revêtu d’aucune force
exécutoire.
Réincarnant le juge de paix du droit intermédiaire, le conciliateur tend à résoudre d’une
manière non contentieuse des différends d’une nature particulière.
En droit français, le conciliateur a pour mission de faciliter le règlement amiable des
différends portant sur des droits dont les intéressés ont la libre disposition. La formule est
posée en ces termes : «Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la
libre disposition». En conséquence, on ne saurait soumettre au conciliateur les questions
d’état et de capacité des personnes, celles relatives au divorce et à la séparation des corps ou
aux contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics, et plus
généralement toutes les matières qui intéressent l’ordre public.
En pratique, le conciliateur a connaissance de litiges touchant aux rapports de bon voisinage
ou naissant à l’occasion d’une location ou de désordre dans un immeuble : servitude, droit de
passage, murs mitoyens, bornage, élagage des arbres, entretiens des chemins privés, retard
des loyers, règlement des charges, infiltration d’eau, mauvaise exécution ou non achèvement
des travaux. Il s’agit aussi de problèmes relatifs à l’exécution d’une convention: difficultés
dans le recouvrement de créances, factures, arriérés de rentes viagères. L’aide du conciliateur
est également demandée pour obtenir l’exécution des décisions judiciaires ou pour des
affaires de famille: successions, garde des enfants, pensions alimentaires. Enfin, il arrive que
l’intervention du conciliateur soit parfois sollicitée pour le règlement amiable de réparations
civiles découlant d’infractions mineures, permettant ainsi le classement sans suite par les
parquets d’affaires ne méritant de suites pénales.
Certains auteurs estiment que la conciliation est une institution inutile, car l’intervention des
conciliateurs se manifeste dans des affaires qui, de toutes les façons, n’auraient pas été
portées devant les tribunaux et les garanties prévues au niveau de leur recrutement sont
insuffisantes.
5
1
Pour les partisans de la conciliation, la conciliation est un facteur de paix sociale.
B. Formes particulières
142. Distinction. - Le droit congolais instaure certaines formes particulières de conciliation.
On citera notamment la conciliation en matière de divorce (a) et la conciliation en matière du
travail (b).
A] Conciliation en matière de divorce
143. Base juridique. - Le Code de la famille règle cette question en ses articles 555 et suivants.
Aux termes de ces dispositions légales, la conciliation doit suivre les étapes suivantes :
a]Requête en divorce
Cette conciliation commence par la requête introduite par l’époux demandeur. Celui qui
demande le divorce adresse au président du Tribunal de paix de la résidence de l’autre époux
ou de la dernière résidence conjugale une requête orale ou écrite. La requête doit être
motivée. Le requérant doit joindre à sa requête l’acte de mariage, les actes de naissance et de
décès des enfants des époux.
b] Convocation du requérant par le président
Le président du tribunal convoque le requérant. Si le requérant ne répond pas, la requête ne
pourra être réintroduite qu’après un délai de six mois, sauf en cas de force majeure. Le
président, par cette tentative de conciliation unilatérale, explique au requérant la gravité de la
requête introduite. Si le requérant persiste dans sa décision, le président du tribunal de paix
ordonne aux époux, par lettre missive avec accusé de réception, de comparaître devant lui
aux lieu et heure qu’il indique.
A l’audience indiquée, les parties comparaissent à huit clos devant le président du tribunal de
paix et hors de la présence de leurs conseils.
En cas de non-comparution de l’époux demandeur à cette deuxième séance, il est présumé
s’être désisté de sa requête, sauf cas de force majeure. Mais, en cas de la non – comparution de
l’autre époux, le président commet un huissier pour lui notifier une assignation ; si celui-ci ne
comparait pas à la date fixée, il est considéré comme refusant toute conciliation.
c. Pouvoirs reconnus aux juges de prendre des mesures indispensables
Puisque la désorganisation du ménage est déjà en cours dès cette première phase de la
procédure, le Code de la famille[66] donne au juge les pouvoirs de prendre, en cas d’urgence,
les mesures indispensables dans l’intérêt des époux eux-mêmes, comme dans celui des
enfants, résidence séparée, inventaire des biens, pension alimentaire et garde des enfants. Ces
mesures sont appelées provisoires parce que d’une part, elles cesseront lors du jugement
définitif et que d’autre part, elles peuvent toujours être modifiées. Mais, elles sont
immédiatement applicables même si l’un des époux interjette appel. Ces mesures sont prises
par voie d’ordonnance et sont susceptibles d’appel.
a]Etablissement du procès – verbal de conciliation
66
. Art. 560 du Code de la famille.
5
2
Enfin d’audience, le président dresse un rapport du déroulement des instances en
conciliation. Ce rapport doit également constater s’il y a eu conciliation ou non. La
conciliation met fin à la procédure de divorce.
Mais, en cas d’échec de conciliation, la partie diligente peut faire saisir, par le président, le
tribunal en vue d’obtenir le divorce par voie d’un jugement.
1. Conciliation en matière du travail
Il s’agit, d’une part, de la conciliation prévue en matière des conflits collectifs entre
employeurs et travailleurs liés à une convention et, de la conciliation prévue à l’article 298 du
Code du travail, d’autre part.
L’article 279 du Code du travail dispose que la convention collective comporte
obligatoirement la procédure de conciliation et d’arbitrage à observer pour le règlement des
conflits collectifs entre employeurs et travailleurs liés par la convention. Il en résulte que
l’insertion de cette procédure est obligatoire dans une convention collective. Cette procédure
comporte deux étapes : la conciliation et l’arbitrage.
La conciliation consiste, ici, pour les travailleurs et les employeurs à se mettre autour d’une
table pour tenter de trouver un compromis au litige. Elle est menée par les parties elles
mêmes sans l’intervention d’une autorité administrative. Lorsque les négociations aboutissent
au règlement du litige, les parties dressent un accord sur procès - verbal. Cet accord met fin
au litige et produit, dès sa signature par les parties, les mêmes effets que ceux des conventions
et accords collectifs de travail. En cas d’échec de la procédure de négociation, le litige sera
soumis à l’arbitrage d’un tiers sur base du procès-verbal de non conciliation.
La deuxième forme de conciliation est celle qui est prévue à l’article 298 du Code du travail
« Les litiges individuels ne sont recevables devant le tribunal du travail s’ils n’ont été
préalablement soumis à la procédure de conciliation, à l’initiative de l’une des parties, devant
l’inspecteur du travail du ressort ». C’est cette procédure préalable qui constitue la phase
administrative du règlement des litiges individuels du travail.
La procédure de conciliation devant l’inspecteur du travail en vue du règlement d’un litige
individuel de travail est obligatoire car la partie intéressée ne peut y déroger. Elle est ensuite
préalable pour la simple raison que le tribunal du travail ne peut se déclarer saisi par une
partie sans que celle-ci ait d’abord entièrement épuisé la procédure de conciliation devant
l’inspecteur du travail du ressort.
A notre avis, il ne s’agit pas ici d’un mode spécifique de règlement de conflit mais, plutôt
d’une simple phase administrative préalable à la saisine du tribunal de travail.
Dans le cas de la conciliation comme mode alternatif de règlement des conflits, les parties sont
tenues de donner toute facilité aux conciliateurs pour leur permettre de remplir la fonction
qui leur est dévolue. La conciliation est donc caractérisée par une autonomie normative totale
des parties, qui décident ou non de se concilier.
5
3
Ainsi, contrairement à l’arbitrage, qui est une juridiction contractuelle créée par la volonté des
parties, la conciliation ne remplit pas les fonctions de la juridiction arbitrale qui assure la
sécurité des justiciables en mettant fin définitivement au conflit comme le jugement.
II. Expertise amiable
A. Notion
De prime abord, il faut noter que l’expertise amiable est différente de l’expertise judiciaire,
qui est un « mode de preuve », prévu et organisé dans les codes civils de la plupart des pays.
En droit congolais, l’expertise judiciaire est réglementée aux articles 39 à 45 du Code de
procédure civile.
En revanche, l’expertise amiable est, quant à elle, l’un des modes alternatifs de règlement des
conflits. Il consiste en une mission que les parties confient à un tiers afin que celui – ci donne
un avis qu’il présentera sous forme d’un rapport. L’avis est demandé à un expert à propos
d’un problème technique. Le tiers est choisi généralement en raison de sa compétence
professionnelle ou technique relative au problème qui lui est soumis, en dehors de toute
instance judiciaire. C’est donc le contraire de l’expertise judiciaire.
En effet, le plus souvent il arrive que le juge ait à se prononcer sur des questions d’ordre
technique pour lesquelles il n’a aucune compétence. Il faudra dans ce cas, généralement faire
appel aux experts.
Les experts son des personnes nommées par le juge dans une affaire déterminée en raison de
leurs connaissances spéciales et pour donner leur avis. Tel est le cas des médecins,
architectes, experts - comptables, traducteurs, linguistes.
Il y a lieu de remarquer que, si l’arbitre désigné peut être bien un expert dans la matière sur
laquelle porte le litige, son rôle n’est pas celui d’un expert ordinaire. L’arbitre prend une
décision obligatoire au sujet d’un litige, tout comme le ferait le juge. En revanche, l’expert est
un conseiller, qui donne un avis à celui qui est appelé à prendre une décision. Hormis le cas
où un contrat d’expertise obligatoire a été conclu, l’avis d’un expert est purement consultatif
et non obligatoire.
En effet, l’arbitrage se rapproche de l’expertise dont il diffère cependant sur de nombreux
points ; car, il y a expertise quand les parties ont, à seule fin de s’éclairer, demandé un avis au
sujet du différend qui les sépare mais sans prendre l’engagement de se rallier aux avis des
experts. Au contraire, l’arbitrage suppose que les parties ont décidé d’accepter l’avis des
personnes qu’elles consultent. Les arbitres tranchent le différend comme le feraient des juges
ordinaires.
B. Différence entre expertise judiciaire et expertise amiable
L’expertise peut être demandée dans une instance judiciaire ou en dehors de celle – ci.
1. Expertise judiciaire, mode de preuve
En droit judiciaire privé congolais, l’expertise, comme mode de preuve est réglementée aux
articles 39 à 45 du décret du 7 mars 1960 portant Code de procédure civile.
5
4
Dans l’expertise judiciaire, le juge s’adresse à l’expert, lui pose une question précise et lui
demande de consigner, dans un rapport, un avis motivé. L’expertise peut être demandée par
l’une des parties, les deux parties ou décidée d’office par le tribunal. Lorsqu’elle est sollicitée
par l’une des parties, la mission de l’expert sera bien déterminée dans les conclusions écrites
ou verbales.
L’expertise est ordonnée par jugement qui désigne : le nom des experts, la mission précise qui
leur est confiée et le délai qui leur est imparti pour le dépôt du rapport.
Il s’agit des procédés accordés au juge par le législateur pour discerner la vérité et lui
permettre de satisfaire à l’obligation dans laquelle il se trouve de juger toutes les causes qui
lui sont soumises, faute de quoi, il commettrait un déni de justice et de motiver ses jugements.
Le juge ne doit, bien entendu, y recourir que dans les cas où il ne peut établir autrement sa
conviction. Du reste, la Cour de cassation de France a jugé : « L’expertise est un mode
d’instruction purement facultatif pour le juge, sauf dans les cas où il est déclaré obligatoire
par une disposition expresse et formelle de la loi.
De plus, les juges ne sont pas astreints à suivre l’avis des experts, si leur conviction s’y
oppose. Ils ne sont pas liés par les conclusions de l’expert, mais ils ne peuvent cependant pas
les rejeter sans justification. Et la vielle jurisprudence française ajoute que les juges du fond ne
sont pas tenus de préciser les motifs pour lesquels ils s’écartent de l’avis d’un expert ; mais, ils
doivent énoncer les motifs qui, en dehors de l’avis des experts, ont déterminé leur conviction.
Une expertise à laquelle le demandeur n’aurait pas assisté n’est pas, par ce fait, dénuée de
valeur probante, et les tribunaux peuvent en tenir compte pour autant qu’elle offre les
garanties nécessaires de sincérité.
Les experts ne peuvent dépasser le cadre de la mission qui leur est ainsi tracée et donner leur
avis sur d’autres points. Le tribunal désignera un seul expert à moins que le juge estime en
nommer trois. Les parties peuvent se mettre d’accord sur le nom d’un expert et c’est
généralement ce qui se passe dans la pratique.
L’expert peut toujours refuser sa mission, mais une fois qu’il l’a acceptée, il ne peut se
montrer négligeant sous peine des dommages et intérêts dus à la partie à qui il a infligé grief.
Il peut être remplacé s’il n’est pas diligent.
2. Expertise extrajudiciaire ou amiable
L’expertise extrajudiciaire, plus souvent appelée amiable est, par contre, celle dans laquelle
les parties, en dehors de toute instance judiciaire confèrent à un tiers une mission afin que
celui-ci donne un avis qu’il présentera sous la forme d’un rapport. L’avis est demandé à
l’expert à propos d’un problème technique.
Le tiers est généralement choisi en raison de sa compétence professionnelle ou technique
relative au problème qui lui est soumis.
Il en est ainsi en matière d’accident de circulation lorsqu’en cas de dommage, les parties en
conflit ne sont pas en mesure de déterminer avec précision, le montant de l’indemnité à
allouer au créancier de l’obligation de réparer.
5
5
Dans ce cas, les experts amiables sont des mandataires des parties. La mission que donnent
les parties à l’expert est, en effet, celle que des mandants donnent à un mandataire à qui ils
demandent de donner un avis à propos d’une question sur laquelle ils ont, soit des
connaissances limitées, soit une opinion divisée.
La rédaction d’une clause d’expertise conventionnelle ou amiable est évidemment
fondamentale. Il appartient en effet aux parties de déterminer à l’amiable la valeur du rapport
qui interviendra. Elles peuvent ne lui reconnaître qu’une valeur indicative. Elles peuvent
décider à l’avance qu’elles en adopteront les conclusions auquel cas, l’arbitrage se rapproche
d’une tierce décision obligatoire.
Ainsi, l’expertise peut être définie comme étant une opération par laquelle une personne
reçoit en raison de ses connaissances et aptitudes techniques la mission de formuler un avis
susceptible d’éclairer les personnes (juges, arbitres, ou parties) qui ont à prendre une décision
pour trancher le différend qui divise les parties. La mission de l’expert qui comprend
généralement la constatation d’un certain nombre de faits et une appréciation personnelle
d’une situation déterminée, est d’ordre consultatif : il s’agit d’un avis qui doit éclairer les
parties ou le tribunal mais qui ne les lie.
En revanche, l’arbitrage a pour objet de vider un litige donné comme c’est le cas avec la
décision des juges étatiques qui doit, en principe assurer la sécurité judiciaire des parties
litigantes.
III. Transaction
On exposera successivement la notion de la transaction (A), la différence avec l’arbitrage (B)
ainsi que le rapprochement (C).
A. Notion
144. Définition. - La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une
contestation née ou préviennent une contestation à naître.
Il faut signaler que cette définition est incomplète en ce sens qu’elle ne contient pas un
élément important de la transaction, à savoir, la terminaison du litige par des concessions
réciproques.
145. Enumération. - Il faut savoir que, outre les éléments constitutifs de tout contrat, la
transaction suppose trois éléments fondamentaux.
1. Un litige né ou à naître ;
La transaction suppose nécessairement un litige, une contestation puisque son but est d’y
mettre fin. Dès l’instant où il y a contestation, cela suffit peu importe la nature ou les
modalités de la contestation.
2. L’intention d’y mettre fin ;
Cet élément va de soi puisque la transaction a pour but de vider un litige existant ou de
prévenir un litige possible.
3. L’existence des concessions réciproques.
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Cet élément permet de distinguer la transaction d’autres actes juridiques ayant pour résultat
de mettre fin à un litige mais sans « animus transactionis ». Ces actes sont notamment :
l’acquiescement, désistement, compromis, renonciation, remise de dette etc. dans ces
différents actes juridiques, il n’y a pas terminaison des litiges par voie de concessions
réciproques.
B. Différences entre la transaction et l’arbitrage
L’arbitrage et la transaction sont assurément deux institutions apparentées. Il y a de part et
d’autre contrat, et ce contrat a spécialement pour objet le règlement des différends. Seuls les
rapports de droit sur lesquels il est permis de transiger peuvent faire l’objet d’une convention
d’arbitrage[67]. Mais là, s’arrêtent les similitudes : la transaction et l’arbitrage diffèrent par la
portée et par l’autorité qui leur reviennent respectivement.
Par la transaction, les parties règlent entre elles et par elles-mêmes ce qui- en fait ou en droit –
les oppose, ou ce qui peut les opposer : elles s’accordent pour prévenir ou terminer un
différend.
Par la convention d’arbitrage les parties promettent ensemble de se soumettre à la décision de
tiers pour faire trancher une contestation actuelle et non future naissant d’un rapport de droit
déterminé.
La convention d’arbitrage peut, certes, être conclue avant la survenance d’un litige. Mais, ce
n’est qu’une fois la convention née, que les arbitres pourront être saisis.
La transaction est et n’est qu’un contrat ; le règlement qu’elle opère n’a d’autre autorité et
d’autre valeur que celles qui reviennent à la chose convenue ; elle s’oppose aux voies de
nullité applicables en matière contractuelle. Si l’arbitrage procède d’une convention, cette
convention déclenche un processus de pacification de conflits par droit et sentence qui
s’exprime dans une décision revêtue de l’autorité et de la valeur de la chose jugée.
C. Rapprochements entre la transaction et l’arbitrage
Les deux mécanismes se rapprochent lorsque la transaction est réalisée suite à l’intervention
d’un tiers. Ils divergent cependant en plusieurs points. Une sentence arbitrale peut consacrer
l’intégralité des prétentions d’une partie au détriment de l’autre, alors qu’une transaction
requiert la réalisation des concessions réciproques; l’arbitrage doit nécessairement avoir pour
objet une contestation d’ordre juridique, à la différence de la transaction qui peut porter sur
un point de droit ou de pur fait ; enfin, et c’est là une différence essentielle, par l’arbitrage, les
parties confient à un tiers le pouvoir de trancher leur litige, alors qu’en transigeant, elles le
règlent elles-mêmes. Même si ce règlement intervient à la suite des bons offices d’un tiers, il
reste l’œuvre des paries. Aucune décision extérieure à leur volonté ne s’impose à celles-ci.

67
.Art. 159 CPC et l’article 2 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage en droit OHADA. Cet article
dispose que toute personne physique ou morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la
libre disposition.
5
7
Parfois, bien que différentes, les deux institutions se rencontrent lorsqu’une transaction est
conclue devant le tribunal arbitral relativement au litige dont celui-ci est saisi.
Dans cette hypothèse, la convention, contresignée par les arbitres, met fin à la procédure et
peut être revêtue directement de la formule exécutoire par le président du tribunal de
première instance, sur requête présentée par la partie intéressée. Elles se rejoignent, enfin,
dans la mesure où le droit judiciaire lie la possibilité de soumettre un litige à l’arbitrage à la
condition qu’il puisse faire l’objet d’une transaction.
A la différence des autres modes de règlement de conflits, l’arbitrage est un mode proprement
juridictionnel de règlement des litiges. Largement pratiqué en droit privé, où il est considéré
comme une justice conventionnelle, son application en matière administrative reste tout à fait
exceptionnelle.
En résumé, il ne faut pas confondre la transaction et l’arbitrage. Le compromis est la
convention par laquelle deux personnes qui ont entre elles un litige conviennent de s’en
rapporter pour sa fin à l’appréciation d’un tiers : « arbitre ».
Section 3. Mérites de l’arbitrage comme mode alternatif de règlement des conflits.
146. Introduction. - En rapport avec les maux qui gangrènent la procédure organisée devant
les cours et tribunaux étatiques (arriéré judiciaire, concussion, corruption, manque de
spécialisation des magistrats, etc.), le recours à l’arbitrage présente des avantages certains.
147. Enumération des mérites. - 1° Il fournit aux parties des garanties d’une bonne justice et
assure leur droit à un procès équitable, devant un juge indépendant, impartial et compétent,
qu’elles ont choisi librement. Ceci est pleinement satisfaisant dans des pays où l’Etat de droit
est défaillant et la justice étatique mise à mal. C’est de cette façon que peut être assurée la
sécurisation juridique des investissements et des échanges commerciaux.
2° Le recours à l’arbitrage est, comme l’affirme la doctrine, le mode alternatif des règlements
des litiges le plus approprié et le plus adapté aux besoins des opérateurs économiques. Il
présente un triple avantage de la justice privée : l’ambition de régler le différend directement,
au besoin sans le détour du droit, la souplesse et l’absence de publicité des débats et des
sentences. Avec la procédure arbitrale, les justiciables ont- ils, dans la mesure définie par la
loi, la maîtrise de leurs intérêts ? La voie du contrat leur est ouverte pour régler entre eux,
directement ou à l’entremise d’un tiers, les litiges qui les opposent ; ils peuvent, de la sorte, se
dispenser de recourir à la justice étatique. La convention d’arbitrage leur permet de donner
aux accords qu’ils concluent à cette fin, des effets particuliers y compris la sécurité juridique et
même judiciaire.
3° L’arbitrage a par ailleurs comme avantage la célérité (rapidité) de la procédure. Il constitue
un moyen de prévention contre l’arriéré judiciaire, etc.
Avec l’arbitrage, on échappe à l’encombrement des tribunaux.
Avec l’arbitrage, l’arriéré judiciaire est réduit. L’arriéré judiciaire est, certes, un mal ancien
auquel aucun remède efficace n’a été porté jusqu’à présent. En Europe, comme ailleurs, les
décisions des cours et tribunaux se font longtemps attendre. Un délai de trois à cinq ans est
5
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courant. Pour le simple citoyen autant que pour l’homme d’affaires, cette situation est source
de désagréments et de désavantages ainsi que de l’insécurité judicaire. En effet, lorsque surgit
un litige chacun souhaite le plus rapidement possible une décision qui règlera le différend.
C’est alors seulement que pourront être prises les mesures propres à mettre un terme à une
situation juridique incertaine.
4° L’arbitrage inspire la confiance, spécialement eu égard à la qualification spécifique des
arbitres pour trancher les litiges d’ordre technique.
5° Un autre avantage de l’arbitrage réside dans sa discrétion : les séances d’arbitrage se
déroulent dans le cabinet de l’un des arbitres, à l’abri des chroniqueurs indiscrets – un
avantage auquel le milieu d’affaires tiennent beaucoup.
Avec l’arbitrage, la justice est rendue de façon confidentielle, dans un climat serein de
confiance et de parfaite entente et harmonie, et souvent par des spécialistes, et que cette
justice est plus proche et rapide que la justice étatique. Affirmer l’existence d’un principe de
confidentialité dans l’arbitrage conduit à soutenir, qu’en raison de sa nature particulière, la
procédure arbitrale génère du secret. Ce secret a pour objet non seulement l’existence de la
procédure arbitrale elle- même, mais également les débats devant le tribunal arbitral, les
documents produits par les parties à l’occasion de l’arbitrage, la sentence rendue par les
arbitres.
6° L’arbitrage comporte par ailleurs un mérite de nature psychologique qui est loin d’être
négligeable : il est une justice entre soi. Souvent, il est fait appel à des arbitres qui
appartiennent au même milieu industriel ou commercial, qui connaissent bien les usages dans
tel secteur d’activités économiques. De ce fait, on peut penser que la décision sera mieux
acceptée, au contraire, les parties devront recourir à l’exécution forcée, ce qui est contraire à
l’esprit même du procès arbitral. Cette considération prend toute son importance lorsque les
arbitres ont la qualité d’amiable compositeur : la décision rendue en équité pourra plus
facilement éviter les amertumes et susciter un éventuel rapprochement entre les parties.
7° L’arbitrage est un mode de règlement particulièrement approprié pour le litige de
commerce international. Dans ce domaine, l’arbitrage est souvent une nécessité si l’on veut
échapper aux multiples incertitudes concernant notamment la loi applicable et surtout le
choix de la juridiction compétente. On comprend fort bien le souhait de certains hommes
d’affaires qui, traitant avec des pays lointains, ont le souci, en cas de difficultés contentieuses,
de ne pas être jugés par n’importe quelle juridiction étrangère dont l’objectivité est parfois
aléatoire. Seul l’arbitrage permet d’échapper à ces risques et c’est pourquoi bien rares sont les
contrats internationaux qui ne contiennent pas une clause compromissoire.
Au reste, l’arbitrage international a pris une telle extension que des organismes purement
privés se sont crées, en se donnant le nom de chambre ou de cour d’arbitrage, qui font
profession d’organiser administrativement les arbitrages internationaux. Et finalement, si l’on
considère l’état d’inorganisation de la société internationale, l’arbitrage retrouve là sa
vocation première qui est de suppléer l’absence de juridictions institutionnalisées.
5
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Nonobstant ces avantages, l’arbitrage présente certaines limites. En effet, tous les différends
ne peuvent pas être tranchés par voie de l’arbitrage. En vertu de la Constitution, la garantie
des droits et libertés individuels relève de la compétence des cours et tribunaux. La possibilité
de soustraire un litige à la compétence du pouvoir judiciaire de l’Etat demeure une exception
à la règle.
Concrètement, quels sont dès lors, les litiges qui peuvent être soumis à des juges privés ou
des arbitres, à l’exclusion des juges publics ou des juges de l’Etat ? Il est, en effet, exclu
généralement de l’arbitrage, des questions de droit criminel et celles relatives à l’état des
personnes. Ainsi, toutes les autres affaires inimaginables peuvent être confiées aux arbitres et
tranchées par eux. Il peut s’agir notamment des litiges commerciaux, internes ou
internationaux, opérations de banque, obligations de toutes sortes, droits de propriété
mobilière et immobilière.
Par ailleurs, l’arbitrage n’est pas exempt de tout inconvénient. C’est un fait que les arbitres
ont une moindre autorité que les juges. Trop souvent, ils se considèrent comme des
mandataires des parties qui les ont désignés et, de ce fait, ils se comportent plus comme des
avocats que comme des juges. De surcroît, surtout lorsque les arbitres choisis ne sont pas de
juristes, il leur arrive de prendre quelques libertés avec certaines règles fondamentales de la
procédure. Si des tels incidents doivent surgir, il est alors indispensable de les faire trancher
par une juridiction d’Etat et l’arbitrage devient à son tour une source de contentieux. Pour
éviter cette situation, nous pensons qu’il faut une sensibilisation de la population la nature, les
mérites et les effets de l’arbitrage.
En réalité, pour réussir, l’arbitrage suppose une certaine acceptation psychologique entre les
parties, et notamment la volonté d’en terminer au plus vite avec un litige qui perturbe les
relations d’affaires. C’est pourquoi, l’arbitrage porte tous ses fruits au sein des collectivités
professionnelles où, comme l’a très judicieusement écrit René David, le sens de
l’appartenance à cette communauté est plus fort que le sens de leur appartenance à l’Etat et
où surtout le souci de ménager les rapports d’affaires ultérieurs incite les partenaires à un
minimum de bonne foi, sinon par vertu du moins par raison.
En définitive, il n’est dès lors pas possible de résoudre tous les litiges sans recourir aux
juridictions qui relèvent du pouvoir judiciaire organisé par l’Etat. Mais là où l’on peut faire
appel, pour trancher des litiges, à des juges privés librement choisis par les parties litigantes,
on gagne en ce sens que l’on peut, par ce biais, contourner les difficultés procédurales et les
maux décriés et partant, se prémunir ainsi contre l’attente indéfinie de décisions qui doivent
être prononcées par les tribunaux ordinaires et l’insécurité de tout genre qui en découle.
Chapitre 2 : Composition du tribunal arbitral
148. Composition du tribunal arbitral. Choix. Démission et révocation des arbitres. - Le
tribunal arbitral peut être composé d’un ou de plusieurs arbitres suivant les termes du
compromis. S’ils sont plusieurs, les arbitres doivent siéger en nombre impair et décident à la
majorité des voies [68].

68
. Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, op cit, p176.
6
0
Le Tribunal arbitral est constitué soit d'un seul arbitre, soit de trois arbitres. Si les parties
désignent les arbitres en nombre pair, le Tribunal arbitral est complété par un arbitre choisi,
soit conformément aux prévisions des parties, soit, en l'absence de telles prévisions, par les
arbitres désignés, soit à défaut d'accord entre ces derniers, par le juge compétent dans l'Etat-
partie.
Il en est de même en cas de récusation, d'incapacité, de décès, de démission ou de révocation
d'un arbitre [69].
Aux termes de l’article 5 de l’acte uniforme, les arbitres sont nommés, révoqués ou remplacés
conformément à la convention des parties.
A défaut d'une telle convention d'arbitrage ou si la convention est insuffisante :
a) en cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie nomme un arbitre et les deux arbitres
ainsi nommés choisissent le troisième arbitre ; si une partie ne nomme pas un arbitre dans un
délai de trente jours à compter de la réception d'une demande à cette fin émanant de l'autre
partie, ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délai
de trente jours à compter de leur désignation, la nomination est effectuée, sur la demande
d'une partie, par le juge compétent dans l'Etat - partie ;
b) en cas d'arbitrage par un arbitre unique, si les parties ne peuvent s'accorder sur le choix de
l'arbitre, celui-ci est nommé, sur la demande d'une partie, par le juge compétent dans l'Etat –
partie [70].
L'arbitre qui accepte sa mission doit porter cette acceptation à la connaissance des parties par
tout moyen laissant trace écrite.
Si l'arbitre suppose en sa personne une cause de récusation, il doit en informer les parties, et
ne peut accepter sa mission qu'avec leur accord unanime et écrit.
En cas de litige, et si les parties n'ont pas réglé la procédure de récusation, le juge compétent
dans l'Etat-partie statue sur la récusation. Sa décision n'est susceptible d'aucun recours.
Toute cause de récusation doit être soulevée sans délai par la partie qui entend s'en prévaloir.
La récusation d'un arbitre n'est admise que pour une cause révélée après sa nomination [71].
149. Conditions pour être arbitre aux termes du Code de procédure civile. - Capacité et
pouvoir de compromettre. - L’article 159 du Code de procédure civile dispose que, quiconque
a la capacité ou le pouvoir de transiger, peut compromettre pourvu que la contestation puisse
faire l’objet d’une transaction.
150. Conditions pour être arbitre aux termes de l’acte uniforme. Personne physique. Avoir
le plein exercice de ses droits civils. Indépendance et impartialité. - Le droit OHADA est
plus explicite. En effet, à l’Article 6 de l’acte uniforme, il est prescrit que la mission d'arbitre
ne peut être confiée qu'à une personne physique.

69
. Art. 8 de l’acte uniforme précité.
70
. Art. 5 de l’acte uniforme précité.
71
. Art. 7 de l’acte uniforme précité.
6
1
L'arbitre doit avoir le plein exercice de ses droits civils, demeuré indépendant et impartial vis-
à-vis des parties.
Chapitre 3. Instance arbitrale
151. Choix de la procédure arbitrale par les arbitres et les parties. - Les parties ne doivent
pas suivre les règles de la procédure établies par la loi pour les tribunaux étatiques, sauf s’il y
a convention contraire [72]. Le décret du 7 mars 1960 dispose en son article 168, que sauf
convention contraire, les parties et les arbitres sont dispensés de suivre dans la procédure, les
délais et les formes établis par les tribunaux.
De même, le droit OHADA prévoit que les parties peuvent directement ou par référence à un
règlement d'arbitrage régler la procédure arbitrale ; elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la
loi de procédure de leur choix.
Faute d'une telle convention, le tribunal arbitral peut procéder à l'arbitrage comme il le juge
approprié.
Il ya donc dans les deux législations, l’application du même principe, à savoir le libre choix
des règles procédurales par les parties et les arbitres.
152. Egalité des parties dans l’instance. Comparution des parties. – En droit OHADA, les
parties sont placées sur le même pied d’égalité. En effet, les dispositions de l’article 9 de l’acte
uniforme précisent que les parties doivent être traitées sur un pied d'égalité et chaque partie
doit avoir toute possibilité de faire valoir ses droits [73].
Les parties se présentent devant les arbitres, soit en personne, soit représentées par un avocat
ou un fondé de pouvoir spécial agrée par les arbitres [74].
153. Ouverture de l’instance. - L'instance arbitrale est liée dès le moment où l'une des parties
saisit le ou les arbitres conformément à la convention d'arbitrage, ou, à défaut d'une telle
désignation, dès que l'une des parties engage la procédure de constitution du Tribunal
arbitral [75].
154. Durée de la mission des arbitres.- Six mois. – l’article 167 du Code de procédure civile
fixe la durée de la mission des arbitres à six en ces termes ; si le compromis n’en fixe pas la
durée, la mission des arbitres cesse six mois après la date du compromis. Cette durée peut
toutefois être prorogée suivant les formes prévues à l’article 164.
Pour sa part, l’article 12 de l’acte uniforme de l’arbitrage du droit OHADA, dispose que si la
convention d'arbitrage ne fixe pas de délai, la mission des arbitres ne peut excéder six mois à
compter du jour où le dernier d'entre eux l'a acceptée.
Le délai légal ou conventionnel peut être prorogé, soit par accord des parties, soit à la
demande de l'une d'elles ou du Tribunal arbitral, par le juge compétent dans l'Etat-partie.

72
. Art. 168, CPC
73
. Art. 9 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage.
74
. Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, op cit, p15.
75
. Art. 11 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage.
6
2
155. Instruction de la cause. Examen de toutes les exceptions et fins de non recevoir. - Le
Tribunal arbitral statue sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à
l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage.
L'exception d'incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond, sauf si les faits sur
lesquels elle est fondée ont été révélés ultérieurement.
Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence dans la sentence au fond ou dans
une sentence partielle sujette au recours en annulation.
156. Instruction quant au fond de la cause. Choix des règles du droit applicable quant au
fond. - Les arbitres peuvent ordonner les mesures d’instruction, enquêtes, expertise, descente
sur les lieux, etc. Tout comme les juges, les arbitres peuvent être récusés [76].
Le tribunal doit établir un procès-verbal relatif à la façon dont les débats se déroulent devant
eux. Les parties peuvent prendre des conclusions écrites ou verbales.
A l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer et de prouver les faits
propres à les fonder.
Les arbitres peuvent inviter les parties à leur fournir les explications de fait, et à leur
présenter, par tout moyen légalement admissible, les preuves qu'ils estiment nécessaires à la
solution du litige.
Ils ne peuvent retenir dans leur décision les moyens, les explications ou les documents
invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre
contradictoirement.
Ils ne peuvent fonder leur décision sur les moyens qu'ils auraient relevés d'office sans avoir
au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
Si l'aide des autorités judiciaires est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal
arbitral peut d'office ou sur requête requérir le concours du juge compétent dans l'Etat-partie.
La partie qui, en connaissance de cause, s'abstient d'invoquer sans délai une irrégularité et
poursuit l'arbitrage est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir.
Sauf convention contraire, les arbitres disposent également du pouvoir de trancher tout
incident de vérification d’écriture [77] ou de faux [78].
Les arbitres tranchent le fond du litige conformément aux règles de droit désignées par les
parties ou à défaut choisies par eux comme les plus appropriées compte tenu, le cas échéant,
des usages du commerce international.
Ils peuvent également statuer en amiable compositeur, lorsque les parties leur ont conféré ce
pouvoir.

76
. Mukadi Bonyi, op cit, p.176.
77
.Le Code de procédure civile ne prévoit pas l’ouverture d’une procédure spéciale appelée
vérification d’écriture.
78
.Art. 14 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage OHADA.
6
3
157. Fin de l’instance arbitrale. - L'instance arbitrale prend fin par l'expiration du délai
d'arbitrage, sauf prorogation convenue ou ordonnée.
Elle peut prendre fin également en cas d'acquiescement à la demande, de désistement, de
transaction ou de sentence définitive [79].
Le Tribunal arbitral fixe la date à laquelle l'affaire sera mise en délibéré.
Après cette date, aucune demande ne peut être formée ni aucun moyen soulevé.
Aucune observation ne peut être présentée, ni aucune pièce produite si ce n'est à la demande
expresse et par écrit du Tribunal arbitral. Et le tribunal prend la cause en délibéré, et les
délibérations du Tribunal arbitral sont secrètes [80].
Chapitre 4. Sentence arbitrale
Section 1. Notions
158. Absence de définition légale.- Les deux textes, le décret du 7 mars 1960 tout comme
l’acte uniforme relatif à l’OHADA, ne définissent pas la sentence arbitrale. La définition ci –
dessus est l’ouvre de la doctrine. La décision rendue par les arbitres s’appelle sentence
arbitrale. On entend donc par la sentence arbitrale, la décision rendue par les arbitres suivant
la procédure et le droit choisi par les parties [81].
La sentence arbitrale est rendue dans la procédure et selon les formes convenues par les
parties.
A défaut d'une telle convention, la sentence est rendue à la majorité des voix lorsque le
tribunal est composé de trois arbitres [82]. Aux termes de l’article 179 du Code de procédure
civile, lorsqu’il ya plusieurs arbitres, la sentence arbitrale doit être rendue à la majorité des
voix.
159. Sortes de sentences arbitrales. - Il existe plusieurs catégories de sentences arbitrales. Le
tribunal arbitral peut statuer définitivement ou avant dire droit par une ou plusieurs
sentences. On peut avoir une sentence intérimaire, partielle ou finale.
A côté de ces sentences, il existe des sentences additionnelles ( 83) et des sentences
interprétatives (84).
Par ailleurs, toute décision du tribunal arbitral n’est pas nécessairement une sentence. La
sentence suppose qu’un litige soit tranché de sorte que l’arbitre en soit dessaisi. Le litige

79
.Art. 17 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage OHADA.
80
.Art. 18 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage OHADA.
81
. KABASELE KABASELE, Contribution du procès arbitral à la sécurité juridique et judiciaire, thèse,
UNIKIN, Kinshasa, 2010, p.432.
82
.Art. 19 de l’acte uniforme précité.
83
. Une sentence additionnelle peut compléter une omission à condition que celle – ci ne soit contestée.
Par contre, il n’est pas possible de corriger une sentence qui aurait statué ultra ou extra petita.
84
. Une sentence interprétative, rectificative d’une erreur matérielle ou additionnelle doit avoir été
précédée d’un débat contradictoire. Faute de débat contradictoire préalable, une telle sentence encourt
l’annulation.
6
4
tranché par la sentence met fin à la mission du tribunal arbitral. Cette règle est expressément
posée par l’article 22 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage OHADA.
Ainsi, il y a des sentences définitives ( 85). Il s’agit des sentences qui mettent définitivement fin
au litige tout en le tranchant ; elles peuvent vider soit le fond d’une contestation, soit vider
un incident qui a été soulevé par une partie au procès.
A coté des sentences définitives, il y a des sentences avant dire droit ou avant faire droit, qui
peuvent être interlocutoires ou préparatoires suivant qu’elles préjugent du fond de la cause
ou non.
Une des particularités de la procédure arbitrale est qu’il existe des sentences arbitrales
partielles qui sont des sentences définitives. Parce qu’elle est définitive, elle se distingue de la
sentence préjudicielle ou d’une ordonnance de procédure par laquelle l’arbitre statue avant
dire droit, ce qui implique que celui-ci peut à nouveau se prononcer sur des aspects du litige
qui ont fait l’objet de sa sentence préjudicielle ou intérimaire ( 86). Son caractère définitif
implique nécessairement qu’elle peut faire l’objet d’un recours en annulation (87).
La sentence partielle se définit comme une décision définitive rendue par les arbitres sur un
aspect du litige qui leur est soumis et qui ne les dessaisit que d’une partie du litige, ce qui les
amènera à statuer sur le reste (88). Parce qu’ils ne tranchent que sur une partie du litige, la
sentence partielle se distingue ainsi de la sentence globale qui dessaisit totalement l’arbitre et
met fin à sa mission.
Le saucissonnage de la procédure en plusieurs étapes ne présente pas toutefois que des
avantages. En effet, il est de nature à retarder considérablement la procédure. De même,
selon certains auteurs, des difficultés redoutables peuvent se présenter au sujet de
l’interprétation des ordonnances décidant de la bifurcation de la procédure et de la façon
dont les prétentions, moyens doivent être ventilés entre les différentes phases de l’arbitrage,
ce qui est de nature à fragiliser la sentence (89).
Pour toutes ces raisons, les praticiens de l’arbitrage ne sont pas unanimes sur l’utilité de cette
pratique, ainsi qu’en témoigne le débat qui a eu lieu dans le cadre des travaux du Comité
français de droit international privé entre Philippe Fouchard et Ibrahim Fadlallah (90).
A ce propos, voilà ce que pense Philippe Fouchard : « Les arbitres, ils se sont souvent piégés
eux –mêmes par cette habitude ou cette pratique détestable qui consiste à saucissonner et à
rendre des sentences partielles qui bloquent après leur pouvoir d’examiner ensemble le
litige » (91).

85
.Il s’agit des sentences qui mettent fin au litige tout en le tranchant. Elles peuvent vider le fond d’une
contestation ou l’incident soulevé dans une cause.
86
. Pinna (A.), op. cit., p. 618.
87
. Idem, p. 168.
88
. Pinna (A.), « L’annulation d’une sentence arbitrale partielle », in Rev. arb 2008, n° 4, p. 617.
89
. Pinna (A.),op.cit, p. 618.
90
. Fouchard (Ph.), Trav. com. fr. DIP, 2000 -2002, pp.41-42.
91
. Idem, p.42.
6
5
Il est vrai que procéder par des sentences partielles permet aux parties de débattre
séparément des questions importantes et de les voir tranchées avant l’engagement de la suite
de la procédure en réduisant progressivement le champ du litige, à l’image d’un entonnoir,
ce qui peut, le cas échéant, réduire le coût de la procédure.
Sur le saucissonnage la procédure arbitrale, nous ne sommes pas d’accord sur les critiques
qui ont été formulées. Car, il permet une très grande souplesse et donc une sécurité judiciaire
pour des justiciables qui peuvent avoir la solution du litige avant la fin de toute la procédure.
Cette possibilité n’existe pas en droit commun de procédure qui se déroule devant les
tribunaux de l’Etat.
160. Forme de la sentence. - La sentence arbitrale doit être écrite. Elle est datée et signée par
les arbitres. Si la majorité des arbitres refuse de signer, les autres arbitres font mention de ce
refus et la sentence a le même effet que si elle avait été signée par tous les arbitres [ 92]. Elle
n’est soumise à aucune forme réglementaire mais, en règle générale, elle est rédigée dans le
style des jugements [93].
De même, en droit OHADA aussi, la sentence arbitrale est signée par le ou les arbitres.
Toutefois, précise l’article 21, si une minorité d'entre eux refuse de la signer, il doit en être fait
mention et la sentence a le même effet que si elle avait été signée par tous les arbitres [94].
Section 2. Contenu et effets de la sentence
Par. 1. Contenu
161. Principe. - La sentence arbitrale doit contenir l'indication
- des nom et prénoms de ou des arbitres qui l'ont rendue ;
- de sa date ;
- du siège du tribunal arbitral ;
- des nom, prénoms et dénomination des parties, ainsi que leur domicile ou siège social ;
- le cas échéant, des nom et prénoms des avocats ou de toute personne ayant représenté ou
assisté les parties ;
- de l'exposé des prétentions respectives des parties, de leurs moyens ainsi que des étapes de
la procédure.
Elle doit être motivée.
Elle doit contenir, en outre, le dispositif.
Les arbitres doivent décider à qui incombent les dépens et fixer le montant de leurs
honoraires [95]. En effet, la sentence doit contenir aussi les dépens et le montant des
honoraires des arbitres. Elle décide à laquelle des parties incombent la charge finale des frais

92
. Art. 180 du CPC.
93
.Mukadi Bonyi, op cit, p.177.
94
.Art. 21 de l’acte uniforme précité.
95
.Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, op cit, p176.
6
6
d’arbitrage et autres frais tels qu’arrêtés définitivement par le secrétariat ou dans quelle
proportion ils sont partagés entre les parties. Le cas échéant, la sentence arbitrale constate
l’accord des parties sur la répartition des frais d’arbitrage et autres frais.
162. Différence entre le contenu des jugements et celui de la sentence. - Le contenu de la
sentence arbitrale est différent de celui d’un jugement ou d’un arrêt. En effet, outre les
mentions que doit avoir un jugement ou un arrêt, la sentence arbitrale doit contenir aussi les
honoraires des arbitres. Les arbitres étant rémunérés par les parties, ils sont mis, de ce fait, à
l’abri de toute fraude, corruption ou concussion. C’est un élément évident de la sécurité
juridique et judiciaire des parties.
163. Prononcé de la sentence. – Le décret du 7 mars 1960 ne prévoit aucune disposition qui
impose le prononcé de la sentence arbitrale.
En principe, la sentence arbitrale est réputée rendue au siège de l’arbitrage et au jour de sa
signature par l’arbitre (96).
Une fois la sentence rendue, le centre en notifie le texte signé de l’arbitre aux parties après
toute fois que les frais d’arbitrage auront été intégralement réglés au CAC[ 97] par les parties
ou par l’une d’entre elles. Des copies supplémentaires dûment certifiées conformes par le
secrétaire du CAC peuvent à tout moment être délivrées exclusivement aux parties qui en
font la demande (98).
Ainsi, à la différence des jugements, les sentences ne requièrent point pour exister d’avoir été
prononcées. Leur rédaction, dans la forme d’un écrit motivé, suffit.
Dans le droit d’arbitrage OHADA, le prononcé de la sentence fait l’objet d’un examen
préalable de la Cour. En effet, aux termes de l’article 23, alinéa 1 du règlement d’arbitrage, les
projets de sentence sur la compétence, des sentences partielles qui mettent un terme à
certaines prétentions des parties et des sentences définitives sont soumises à un examen
préalable de la Cour avant pour information.
De même, l’article 24 du Traité OHADA dispose qu’avant de signer une sentence partielle ou
définitive, l’arbitre doit en soumettre le projet à la CCJA. Celle-ci ne peut proposer que des
modifications de pure forme ». On peut s’interroger sur les propositions de modifications
que la Cour peut faire sur le plan de la pure forme : lui serait- il interdit de présenter des
observations qui lui paraîtraient opportunes ?
En définitive, l’absence du prononcé de la sentence est un principe qui garantie les intérêts
des parties litigantes au procès arbitral. En effet, le prononcé met les parties à l’abri du public
curieux de savoir ce qui a été rendu par les arbitres entre les parties au conflit ( 99).
Généralement, les parties, qui recourent à l’arbitrage ont toujours évité d’être livrées au

96
. Article 22 du règlement du CAC.
97
. Le CAC, c’est le sigle du Centre d’Arbitrage du Congo.
98
. Article 23 du règlement du CAC.
99
.Le caractère confidentiel et secret de la sentence fait que certains centres d’arbitrage dont
notamment le CAC refusent de fournir les copies des sentences aux tiers, même pour des raisons
d’études ou des recherches.
6
7
public, quant à la situation de leurs affaires, le caractère secret et confidentiel de l’arbitrage
protégeant leurs intérêts.
Par. 2. Effets de la sentence arbitrale
I. Effets à l’égard des parties
164. Loi des paries. –La sentence arbitrale tient lieu de loi aux parties. Elle fait foi comme une
convention entre elles et ne peut être opposée aux tiers [ 100]. On voit par là que la sentence
arbitrale est l’un des effets obligatoires du contrat d’arbitrage que les parties doivent
respecter. Aux termes du décret du 7 mars 1960, la sentence arbitrale, une foi prononcée, est
de plein droit obligatoire entre parties. En effet, l’article 181 du Code de procédure civile pose
le principe que la sentence arbitrale tient lieu de loi aux parties. Elle fait foi comme une
convention entre elles et ne peut être opposée aux tiers. C’est donc, la seule disposition légale
qui consacre les effets de la sentence arbitrale.
165. Dessaisissement de l’arbitre. - La sentence arbitrale dessaisit l'arbitre du litige. L'arbitre
a néanmoins le pouvoir d'interpréter la sentence, ou de réparer les erreurs et omissions
matérielles qui l’affectent. En effet, la sentence une fois rendue, l’arbitre cesse d’être juge
(arbitre) (101). En prononçant sa sentence sur le fond, l’arbitre épuise ses pouvoirs. Il est
dessaisi et ne peut plus revenir, sauf cas d’exception, sur ce qu’il a tranché.
En principe, la sentence arbitrale dessaisit l’arbitre du litige tranché. C’est la force décisoire
de la sentence arbitrale (102). Le dessaisissement de l’arbitre est une conséquence logique de la
notion même de la sentence. Toute sentence tranche et vide totalement ou partiellement un
litige. En ce sens, toutes les sentences, mêmes partielles, sont définitives, puisqu’elles
entraînent un dessaisissement du tribunal arbitral dans les limites de la question du litige
tranché.
Le dessaisissement de l’arbitre se produit même si la sentence fait l’objet d’un recours en
annulation, ou qu’elle a été annulée à la suite de ce recours ( 103). A ce moment, la sentence
arbitrale ne peut plus faire l’objet de modification de la part des arbitres, comme c’est
d’ailleurs le cas pour les jugement et arrêts rendus par les juridictions étatiques.
De manière tout à fait exceptionnelle, l’arbitre peut corriger les erreurs matérielles ou
typographiques contenues dans la sentence arbitrale.
C’est notamment, en droit congolais, le cas prévu à l’article 28 du règlement CENACON, qui
précise que dans les trente jours suivant la réception de la sentence arbitrale, une partie, peut
par notification au tribunal arbitral avec copie au secrétariat du centre et l’autre partie,
demander au tribunal arbitral de corriger dans la sentence arbitrale toute erreur matérielle ou
typographique ou tout erreur de calcul. Si le tribunal arbitral juge la demande fondée, il
effectue les corrections dans les trente jours suivant la réception de la demande. Toute

100
. Art. 181 du CPC.
101
. Ce principe général est consacré par la maxime « Lata sententia, judex desinit esse judex ».
102
. Pinna (A.), « L’annulation d’une sentence arbitrale partielle », in Revue de l’arbitrage 2008, n°4, p.
617.
103
. Idem, p.618.
6
8
correction est effectuée sous forme d’un addendum distinct signé par le tribunal et fait partie
intégrante de la sentence arbitrale.
Le tribunal arbitral peut aussi interpréter la sentence arbitrale dans les trente jours de la
réception de ladite sentence, à la demande de l’une des parties, moyennant notification à
l’autre dont copie est communiquée au centre. L’interprétation est donnée par écrit dans les
trente jours de la réception de la demande. L’interprétation fait partie intégrante de la
sentence arbitrale.
Aux termes de l’acte uniforme, lorsqu'il a omis de statuer sur un chef de demande, il peut le
faire par une sentence additionnelle. En effet, l’article 22 de l’Acte uniforme relatif à
l’arbitrage dispose que « la sentence arbitrale dessaisit l’arbitre. L’arbitre a néanmoins le
pouvoir d’interpréter la sentence, ou de réparer les erreurs et omissions matérielles qui
l’affectent. Lorsqu’il a omis de statuer sur un chef de demande, il peut le faire par une
sentence additionnelle. Dans l’un ou l’autre cas susvisé, la requête doit être formulée dans le
délai de 30 jours à compter de la notification de la sentence. Le tribunal dispose d’un délai de
45 jours pour statuer. Si le tribunal arbitral ne peut à nouveau être réuni, ce pouvoir
appartient au juge compétent dans l’Etat partie ».
Notons néanmoins que la sentence visée par l’article 22, alinéa 1 er n’est pas nécessairement
une sentence qui vide l’intégralité du litige soumis aux arbitres. Il peut s’agir d’une sentence
qui statue par exemple sur la question de la compétence des arbitres, ou du droit applicable
au fond du litige s’il s’agit d’un litige privé international.
Théoriquement, la force décisoire est attachée à la prise de décision des arbitres. En pratique,
cependant, tant que la sentence n’a pas été portée à la connaissance des parties, elle peut être
modifiée par les arbitres, s’ils sont d’accord pour la réviser et si le délai d’arbitrage n’est pas
expiré.
Il se poser la question de savoir si après avoir été portée à la connaissance des parties, la
sentence arbitrale peut être remplacée par une autre sentence. Nous pensons que cette
hypothèse ne peut être possible que si toutes les parties sont d’accord pour opérer cette
substitution. Car, la nullité de la sentence qui résulte du dessaisissement des arbitres n’est
pas d’ordre public. Elle peut donc être couverte par les parties, de sorte que la substitution de
la sentence pourrait être valide (104).
Le délai pour rectifier les erreurs matérielles étant de trente jours, une fois ce délai dépassé,
aucune des parties litigantes, encore le juge arbitral, ne peut poser la question de la demande
de la rectification des erreurs matérielles. Ce délai n’est pas prévu en matière des jugements
des tribunaux étatiques. Nous pensons qu’il s’agit là d’une garantie en vue de la sécurité
judiciaire des parties litigantes.
Dans l'un ou l'autre cas susvisé, la requête doit être formulée dans le délai de 30 jours à
compter de la notification de la sentence. Le tribunal dispose d'un délai de 45 jours pour
statuer.

104
. Linsmeau (J.), L’arbitrage volontaire en droit privé belge, Bruxelles, Bruylant, 1991, p.148.
6
9
Si le tribunal arbitral ne peut à nouveau être réuni, ce pouvoir appartient au juge compétent
dans l'Etat-partie [105].
166. Autorité de la chose jugée. - La sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de
la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche. La décision des arbitres lie les
parties et elle a, entre celles –ci, l’autorité de la chose jugée (106).
L’autorité de la chose jugée reconnue à la sentence arbitrale permet, par l’utilisation de
l’exception de la chose jugée, d’éviter qu’une contestation tranchée par une sentence soit, à
nouveau, portée devant une juridiction étatique ou arbitrale. Elle permet également qu’une
sentence puisse constituer un titre autorisant la mise en œuvre des mesures conservatoires
(107).
En droit OHADA, le principe de l’autorité de la chose jugée reconnue à la sentence arbitrale
est consacré d’abord, à l’article 25, alinéa 1 du Traité. En effet, cet article dispose « les
sentences arbitrales rendues conformément aux stipulations du présent titre ont l’autorité
définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat partie au même titre que les
décisions rendues par les juridictions de l’Etat ».
Il y a, en outre, l’article 23 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage, qui précise que « La
sentence arbitrale a, dès qu’elle est rendue, l’autorité de la chose jugée relativement à la
contestation qu’elle tranche ». Et pour sa part, l’article 27 du Règlement de l’arbitrage de la
Cour commune de justice et d’arbitrage précise que les sentences arbitrales rendues sur la
base du règlement ont autorité définitive de la chose jugée sur le territoire de chaque Etat
partie, au même titre que les décisions rendues par les juridictions de cet Etat. Elles peuvent
faire l’objet d’une exécution forcée sur le territoire de l’un quelconque des Etat- parties.
A ce sujet, nous pensons que l’autorité de la chose jugée a un effet positif et négatif.
Positivement, l’autorité de la chose jugée fait de la sentence un titre permettant la mise en
œuvre de mesures conservatoires. Négativement, l’autorité de la chose jugée permet de
soulever l’exception de chose jugée dans le cas où l’affaire tranchée par la sentence serait à
nouveau soumise à une juridiction.
En définitive, la sentence arbitrale suppose un litige, même partiel, tranché. Une sentence
partielle est ainsi revêtue de l’autorité de la chose jugée puisqu’elle tranche une contestation.
Seul le dispositif de la sentence est affecté de cet effet. En outre, l’autorité de la chose jugée a
un caractère relatif puisqu’elle ne lie que les seules parties au litige. C’est le principe de la
relativité des effets du contrat.
Il s’agit aussi là d’une conséquence normale du caractère contractuel du procès arbitral. La
sentence arbitrale est une loi entre parties. Elle est aussi un contrat.
Par contre le jugement ou l’arrêt rendu par les cours et tribunaux n’a pas cet effet reconnu à
la sentence arbitrale. En effet, le jugement est un acte juridictionnel qui s’impose au juge et
aux parties, en principe. Si une partie s’estime être lésée, il lui est ouvert des voies de recours.
105
. Art. 22 de l’acte uniforme précité.
106
. Ranjeva (H.), op. cit., p.718.
107
. Meyer (P.), op. cit., p.126.
7
0
Ces dernières, en principe, ne devraient pas être ouvertes contre une sentence arbitrale. Les
parties, normalement suivant l’esprit du compromis d’arbitrage doivent être exécutées
volontairement par les parties. C’est ce que prévoit, d’ailleurs, le règlement du CAC à son
article 24 et le règlement du CENACOM [ 108] à son article 29, en ces termes : « en soumettant
leur litige à l’arbitrage du centre, les parties renoncent expressément à toute action en
annulation et à toutes les voies de recours contre la sentence arbitrale ». C’est donc, une
source de sécurité juridique pour les parties, qui nous fait dire que les règles du procès
arbitral sont meilleures par rapport à celles des tribunaux étatiques.
167. Exécution provisoire et force exécutoire. - Les arbitres peuvent accorder l'exécution
provisoire à la sentence arbitrale, si cette exécution a été sollicitée, ou la refuser, par une
décision motivée [109]. En effet, ils peuvent dire leur sentence exécutoire par provision
nonobstant tout recours et sans caution [110]. S’ils ne disent rien, la sentence est exécutoire de
plein droit mais moyennant caution. Cependant, leur sentence n’a pas force exécutoire
comme telle et il appartient aux arbitres ou l’un d’eux de déposer la sentence au greffe du
tribunal de grande instance compétent suivant le compromis à la requête de l’une des parties.
Celle –ci soumet alors la sentence au président du tribunal qui autorise l’exécution par
ordonnance rendue sur requête. Cette ordonnance est susceptible d’appel dans les quinze
jours de sa signification.
Le juge n’accorde pas l’exequatur à une sentence qui lui parait nulle, cependant, le juge n’est
pas appelé à faire une vérification systématique de la procédure, aucun débat n’est ouvert
devant le juge de l’exequatur qui appointe une requête unilatérale.
II. Effets de la sentence vis -à - vis des tiers
Le caractère contractuel fait que, comme toute convention, la sentence arbitrale ne produise
les effets qu’à l’égard de seules parties contractantes. C’est l’application du principe de la
relativité des effets du contrat.
En cette matière, le principe c’est l’inopposabilité des effets du contrat vis-à-vis des tiers, qui
peut connaître des exceptions.
168. Principe. - Aux termes du décret du 7 mars 1960, le caractère contractuel de la sentence
arbitrale ainsi que son inopposabilité aux tiers sont consacrés par l’arbitre 181 du Code de
procédure civile. Cet article dispose que la sentence arbitrale tient lieu de loi aux parties. Elle
fait foi comme une convention entre elles et ne peut être opposée aux tiers.
169. Exception. - De nos jours, on note, certes, une évolution sur l’opposabilité des effets de la
sentence arbitrale aux tiers, en droit étranger et notamment en droit belge. Et en ce sens, le
caractère juridictionnel de la sentence arbitrale a été affirmé par la doctrine de sorte que
l’existence d’une sentence arbitrale, en tant que réalité juridique, est devenue opposable aux
tiers.

108
. Le CENACOM, c’est le sigle du Centre national d’Arbitrage, de Conciliation et de Médiation.

109
. Art. 23 et 24 de l’acte uniforme précité.
110
. Art. 182 du CPC
7
1
Il faut aussi noter que, en droit judiciaire privé, plus précisément en procédure civile, il est un
principe général de droit que l’autorité de la chose jugée n’a d’effet qu’entre les parties
litigantes, c’est – à- dire celles qui sont au procès. Mais, il peut arriver que tout en tranchant
le litige opposant deux parties, la sentence porte préjudice à un tiers. Dans ce cas, le tiers qui
subit les effets d’une sentence qui ne le concerne pas, peut recourir à la procédure
appelée « tierce opposition », une voie de recours extraordinaire, qui permet à quiconque non
partie au procès d’attaquer un jugement ou mieux une décision judiciaire qui lui cause
préjudice en vue de la faire rétracter ou réformer (111).
Chapitre 5. Exécution, reconnaissance des sentences arbitrales et voies de recours
Section 1. Exécution de la sentence
170. Dépôt de la minute de la sentence arbitrale au greffe du tribunal de grande instance
compétent. – La minute de la sentence arbitrale doit être déposée par l’un des arbitres au
greffe du tribunal de grande instance compétent en vertu de l’article 166[ 112] si une partie le
requiert.
171. Obtention de l’autorisation du président du tribunal de grande instance. – Aux termes
de l’article 184 du décret du 7 mars 1960 dispose qu’à l’exception des sentences préparatoires
ou interlocutoires, lesquelles seront exécutoires de plein droit du jour où les arbitres en
auront donné connaissance aux parties ou à leurs représentants, l’exécution forcée d’une
sentence arbitrale ne pourra être poursuivie qu’après que le président du tribunal compétent
l’aura rendue exécutoire par une ordonnance accordée sur la minute à la requête de la partie
la plus diligente et sans qu’il soit besoin d’en communiquer au Ministère public.
Il en est ainsi aux termes de l’article 30 de l’acte uniforme qui dispose que la sentence
arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue
par le juge compétent dans l'Etat-partie.
L’ordonnance d’autorisation prévue à l’article 184 est susceptible d’appel. L’appel est formé
par requête adressée au président de la cour d’appel, dans le quinze jours de la signification.
Le président statue, les parties entendues ou appelées. Cette disposition introduit une
exception au principe suivant lequel une ordonnance ne peut être attaquée par les voies de
recours ordinaires [opposition ou appel] ou extraordinaires [cassation, requête civile, tierce
opposition], elle peut être attaquée en nullité si elle est irrégulière [113].
172. Tribunal compétent à raison des contestations sur l’exécution des sentences arbitrales.
- Les contestations sur l’exécution des sentences arbitrales sont portées devant le tribunal
compétent d’après l’article 166[114]. Ce dernier dispose que les parties indiquent dans la

111
. Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, op. cit., p.152.
112
. C’est l’article 166 du CPC. Cet article dispose que les parties indiquent dans la convention
d’arbitrage ou dans la convention ultérieure le tribunal de grande instance compétent auquel elles
attribuent compétence en raison de l’arbitrage. A défaut d’accord des parties, le tribunal de grande
instance compétent est celui choisi par les parties.
113
. Mukadi Bonyi et Katuala Kaba Kashala, op cit, p28.
114
. Art. 186 du CPC.
7
2
convention d’arbitrage ou dans une convention ultérieure le tribunal de première instance
auquel elles attribuent compétence en raison de l’arbitrage.
À défaut d’accord des parties, le tribunal de première instance compétent est celui choisi par
la partie la plus diligente.
Section 2. Reconnaissance des sentences arbitrales
173. Absence du principe de la reconnaissance dans le décret du 7 mars 1960. - Le Code de
procédure civile ne règle pas la question de la reconnaissance de la sentence arbitrale
étrangère. En effet, les dispositions de l’article 183 de ce Code dispose que : la minute de la
sentence arbitrale est déposée par l’un des arbitres au greffe du tribunal de grande instance
compétent si l’une des parties le requiert. Cette disposition ne fait donc pas de distinction
suivant que la sentence est nationale ou étrangère. Mais, en lisant les termes de l’article 166
du même code, on se rend bien compte qu’il s’agit de l’exécution des sentences nationales.
Par ailleurs, l’article 117 du Code de l’organisation et de compétence judiciaires a résolu la
question en prévoyant que « les décisions des juridictions étrangères sont rendues
exécutoires en République démocratique du Congo par les tribunaux de grande instance, si
elles réunissent les conditions ci-après :
1) qu’elles ne contiennent rien de contraire à l’ordre public congolais ;
2) que, d’après la loi du pays où les décisions ont été rendues, elles soient passées en force de
chose jugée ;
3) que, d’après la même loi, les expéditions qui en sont produites réunissent les conditions
nécessaires à leur authenticité ;
4) que les droits de la défense aient été respectés ;
5) que le tribunal étranger ne soit uniquement compétent en raison de la nationalité du
demandeur ».
Les règlements d’arbitrage du CENACOM et du CAC ne sont pas précis sur la question.
Mais, en lisant ces règlements, on peut constater qu’il s’agit de l’exécution des sentences
nationales. Pour s’en rendre compte, les termes des articles 24 du CAC et 29 du CENACOM
sont très clairs à ce sujet (115).
174. Principe de l’article 31 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage. - En droit OHADA, la
reconnaissance et l'exequatur de la sentence arbitrale supposent que la partie qui s'en prévaut
établisse l'existence de la sentence arbitrale.
L'existence de la sentence arbitrale est établie par la production de l'original accompagné de
la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises
pour leur authenticité.

115
. Article 29 du CENACOM : la sentence arbitrale est définitive et rendue en dernier ressort. Les
parties s’engagent à l’exécuter sans délai. Article du CAC : par la soumission de leur différend à
l’arbitrage du CAC, les parties s’engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir et renoncent à
toutes voies de recours auxquelles elles peuvent prétendre.
7
3
Si ces pièces ne sont pas rédigées en langue française, la partie devra en produire une
traduction certifiée par un traducteur inscrit sur la liste des experts établie par les juridictions
compétentes.
La reconnaissance et l'exequatur sont refusés si la sentence est manifestement contraire à une
règle d'ordre public international des Etats-parties.
En principe, en droit OHADA, les sentences dont la reconnaissance ou l’exequatur sont
soumises aux conditions de fond posées à l’article 31 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage,
sont les sentences rendues dans les Etats - parties de l’OHADA, y compris l’Etat du siège du
tribunal arbitral, sur la base des règles de l’Acte uniforme. Il nous semble que les sentences
rendues dans des Etats tiers à l’OHADA sur le fondement des règles différentes de celles de
l’acte uniforme seront également reconnues et exequaturées sur la base des dispositions de
l’article 31, si l’Etat de l’OHADA n’est pas partie à une convention internationale sur
reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales avec l’Etat étranger où la sentence a été
rendue (116).
Les conditions de fond de la reconnaissance et de l’exequatur sont identiques. Il est
nécessaire qu’il en soit ainsi. Car, si tel n’était pas le cas, une sentence pourrait être reconnue
et refuser à l’exequatur (117). Une telle situation aurait pour effet de soustraire les biens de la
partie perdante dans la sentence à toute mesure de justice, par l’exception de la chose jugée
consécutive à la reconnaissance et l’impossibilité d’exécution suite au refus d’exequatur, ce
qui serait évidemment inadmissible.
La demande de l’exequatur peut être rejetée par une ordonnance fondée sur l’une des causes
de nullité radicale de la sentence, comme cela peut aussi être possible dans le cas du refus des
juridictions américaines s’agissant des sentences rendues à l’étranger et qui devaient entre
reconnues et exécutées aux Etats – Unis. Ainsi, le juge n’accordera pas l’exequatur à une
sentence qui lui parait nulle, cependant, le juge n’est pas appelé à faire une vérification
systématique de la procédure, aucun débat n’étant ouvert devant le juge de l’exequatur qui
appointe une requête unilatérale (118).
Section 3. Voies de recours
Par. 1. Voies de recours interdites
175. Exclusion de l’opposition et de la cassation par le décret du 7 mars 1960. – L’opposition
est interdite, nonobstant toute convention contraire [ 119]. Il en est de même du recours en
cassation [120]. Quant à la tierce – opposition, le décret est muet.
176. Exclusion de l’opposition, de l’appel et du pourvoi en cassation par l’Acte uniforme.
En droit OHADA, l’article 25 de l’Acte uniforme précise que la sentence arbitrale n'est pas
susceptible d'opposition, d'appel, ni de pourvoi en cassation.

116
. Meyer (P.), op. cit., p.131.
117
. Idem, p.132.
118
. 1ère inst. Elis, 12 octobre 1955, RJ, p. 462; Rubbens (A), op. cit., p.260.
119
. Art. 187 du CPC
120
. Mukadi Bonyi, op cit, p.177.
7
4
Par. 2. Voies de recours permises
177. Existence de l’appel aux termes de l’article 187du Code de procédure civile. Durée.
Juridiction compétente. — Nonobstant toute convention contraire, la sentence arbitrale ne
peut être attaquée que par la voie de l’appel et seulement si les parties n’y ont renoncé lors ou
depuis la convention d’arbitrage.
Cet appel est porté devant la Cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le tribunal
visé à l’article 166, à moins que les parties ne soient convenues de déférer l’appel à d’autres
arbitres. Le délai pour interjeter appel est d’un mois. Il court du jour de la signification de la
sentence arbitrale rendue exécutoire [121].
Néanmoins, l’article 189 du décret du 7 mars 1960 prévoit la possibilité d’un compromis sur
un jugement en ces termes, s’il a été compromis sur l’appel d’un jugement ou d’une sentence
arbitrale, la décision des arbitres est définitive et rendue exécutoire suivant l’article 184[122].
Cette disposition est critiquable pour la bonne et simple raison qu’il est impensable de
soumettre une décision des arbitres à l’examen des juges de formation.
178. Existence de l’action en nullité aux termes des articles 190 du Code de procédure
civile , 25 et 26 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage. Enumération des cas d’ouverture. –
L’article 190 du décret du 7 mars 1960 énumère plusieurs cas pouvant donner lieu à la nullité
de la sentence arbitrale. En effet, lorsqu’une sentence arbitrale a été rendue en dernier ressort,
la nullité peut être demandée dans les cas suivants :
1° si la convention d’arbitrage est conclue par un incapable ou une personne sans pouvoir de
compromettre ;
2° si l’objet di litige n’est pas susceptible de transaction ;
3° si la forme prescrite par l’article 164 pour la validité du compromis n’est pas respectée ;
4° si la sentence arbitrale est rendue sans compromis ou hors des termes du compromis ;
5° si la sentence arbitrale est rendue alors que le délai d’arbitrage est suspendu ou expiré ;
6° si la sentence arbitrale est rendue par des arbitres n’ayant pas la capacité de contracter et
de s’obliger ;
7° si la sentence n’est pas rendue par tous les arbitres ou est rendue par ces arbitres siégeant
en nombre pair ;

121
. Art. 188 du CPC.
122
. Cet article dispose qu’à l’exception des sentences préparatoires ou interlocutoires, lesquelles seront
exécutoires de plein droit du jour où les arbitres en auront donné connaissance aux parties ou à leurs
représentants, l’exécution forcée d’une sentence arbitrale ne pourra être poursuivie qu’après que le
président du tribunal compétent l’aura rendue exécutoire par une ordonnance accordée sur la minute
à la requête de la partie la plus diligente et sans qu’il soit besoin d’en communiquer au Ministère
public.
7
5
8° si une partie peut justifier, même à l’encontre des contestations des arbitres, qu’elle n’a pas
été avisée du délai fixé par ceux – ci pour le dépôt des pièces et défenses et si cette omission
nuit à ses intérêts ;
9° si la sentence est rendue sur appel d’une sentence, en a prononcé la nullité hors les cas
prévus au présent article ;
10° si la sentence arbitrale a été rendue sur pièce, serments ou témoignages qui depuis ont été
reconnus faux, ou si depuis il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été rendues par
le fait d’une partie [123].
L’article 190 énumère au total dix cas d’ouverture du recours en annulation.
Pour sa part, le droit OHADA, qui prévoit que la sentence arbitrale peut faire l'objet d'un
recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent dans l'Etat-partie, n’en
énumère que six. En effet, l’article 26 de l’acte uniforme dispose que le recours en annulation
n'est recevable que dans les cas suivants :
- si le Tribunal arbitral a statué sans convention d'arbitrage ou sur une convention nulle ou
expirée ;
- si le Tribunal arbitral a été irrégulièrement composé ou l'arbitre unique irrégulièrement
désigné;
- si le Tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ;
- si le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;
- si le Tribunal arbitral a violé une règle d'ordre public international des Etats signataires du
Traité.
- si la sentence arbitrale n'est pas motivée.
Par ailleurs, aux termes de l’article 25 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage, la décision du
juge compétent dans l'Etat-partie rendue en matière d’annulation de la sentence arbitrale
n'est susceptible que de pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage.
A ce sujet, nous pensons que le droit OHADA a institué la cassation, comme voie de recours,
mais uniquement en matière d’annulation de la sentence arbitrale par une juridiction
étatique. Il faut donc revoir la rédaction de l’article 25 de l’acte uniforme relatif à l’arbitrage.
Il y a lieu de souligner que le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la
sentence ; il cesse de l'être s'il n'a pas été exercé dans le mois de la signification de la sentence
munie de l’exequatur [124].
La décision qui refuse l'exequatur n'est susceptible que de pourvoi en cassation devant la
Cour Commune de Justice et d’arbitrage [125]. La décision qui accorde l'exequatur n'est
susceptible d'aucun recours.
123
. Art. 190 du CPC.
124
. Art. 27 de l’acte uniforme précité.
125
. Art. 32 de l’acte uniforme précité.
7
6
Toutefois, le recours en annulation de la sentence emporte de plein droit dans les limites de
la saisine du juge compétent de l'Etat-partie, recours contre la décision ayant accordé
l'exequatur.
Aux termes de l’article 33 de l’acte uniforme, le rejet du recours en annulation emporte de
plein droit validité de la sentence arbitrale ainsi que de la décision ayant accordé l'exequatur.
Les sentences arbitrales rendues sur le fondement de règles différentes de celles prévues par
le présent Acte Uniforme, sont reconnues dans les Etats-parties, dans les conditions prévues
par les conventions internationales éventuellement applicables, et à défaut, dans les mêmes
conditions que celles prévues aux dispositions du présent acte uniforme [126].
En droit congolais, suivant les dispositions du décret du 7 mars 1960, la demande en nullité
ne peut être formée avant que la sentence n’ait été rendue exécutoire. Elle est formée dans
tous les cas énumérés à l’article 190, 1° à 9°, dans le mois de la signification de la sentence
rendue exécutoire ; dans le cas de l’article 190/10°, la demande doit être formée dans le mois
de la découverte de la fausseté des pièces, serments ou témoignages, ou du recouvrement des
pièces retenues [127].
La demande en nullité formée par voie d’assignation est portée devant la Cour d’appel visée
à l’article 188[128]. La demande en nullité régulièrement formée suspend l’exécution de la
sentence.
L’ordonnance d’exécution est sans effet dans la mesure où la nullité de la sentence arbitrale
est prononcée [129].
Le jugement rendu sur la demande en nullité n’est susceptible d’appel [130], ce qui est normal.
179. Effet du recours en annulation de la sentence. Enumération. Suspension de l’exécution
de la sentence. – Le décret du 7 mars 1960, en son article 193, dispose que la demande en
nullité régulièrement formée suspend l’exécution de la sentence.
L’ordonnance d’exécution est sans effet dans la mesure où la nullité de la sentence arbitrale
est prononcée.
Et, l’article 194 précise que le jugement rendu sur la demande en nullité n’est pas susceptible
d’appel [131].
En droit OHADA, l’acte uniforme prévoit aussi que, sauf si l'exécution provisoire de la
sentence a été ordonnée par le Tribunal arbitral, l'exercice du recours en annulation suspend
l'exécution de la sentence arbitrale jusqu'à ce que le juge compétent dans l'Etat-partie ait
statué.

126
. Art. 34 de l’acte uniforme précité.
127
.Art. 191 du CPC.
128
. Art. 192 du CPC.
129
. Art 193 du CPC.
130
. Art. 194 du CPC ; Mukadi Bonyi, op cit, p.177.
131
. Idem.
7
7
Ce juge est également compétent pour statuer sur le contentieux de l'exécution provisoire
[132].
Mais, le droit OHADA donne la possibilité à la partie diligente de réintroduire une nouvelle
demande d’arbitrage. En effet, aux termes de l’article 29 de l’acte uniforme, il est prescrit
qu’en cas d'annulation de la sentence arbitrale, il appartient à la partie la plus diligente
d'engager, si elle le souhaite, une nouvelle procédure arbitrale, conformément au présent
Acte Uniforme.
Sur cette question, nous constatons que le recours en annulation produit le même effet au
regard de ces deux textes.
180. Existence de la tierce opposition en droit OHADA. – La sentence arbitrale peut faire
l'objet d'une tierce opposition devant le tribunal arbitral par toute personne physique ou
morale qui n'a pas été appelée et lorsque cette sentence préjudicie à ses droits.
Rappelons que le droit congolais, à travers le décret du 7 mars 1960, ne prévoit pas la tierce-
opposition comme voie de recours contre la sentence arbitrale. Par contre, le droit OHADA
organise la tierce opposition, comme voie de recours contre la sentence arbitral.
En effet, aux termes de l'article 25, alinéa 4 de l'Acte uniforme il est précisé que, la sentence
arbitrale peut faire l'objet d'une tierce opposition devant le tribunal arbitral par toute
personne physique et morale qui n'a pas été appelée et lorsque cette sentence préjudicie à ses
intérêts.
Il y a lieu de noter que si un tiers a été appelé à intervenir dans l'instance arbitrale et qu'il a
refusé, la tierce- opposition lui est fermée.
Si le tribunal arbitral ne peut plus être réuni pour examiner la tierce -opposition, on devrait
admettre que ces recours pourront être portés devant une juridiction étatique du siège du
tribunal arbitral (133).
Il y lieu de remarquer que aucun délai pour agir n'est prévu pour l'exercice de recours en
tierce –opposition [134]. Si par impossibilité de réunir le tribunal arbitral, ce recours devrait
être porté devant un juge Etatique de l'Etat du siège de l'arbitrage, les délais prévus par la
législation de procédure civile de cet Etat devront être respectés (135).
Sur ce point, on peut noter que le décret du 7 mars 1960 n'organise pas la tierce- opposition,
comme voie des recours contre la sentence arbitrale, ce qui n'est pas le point de vue du
professeur LUKOMBE NGHENDA, qui estime qu'on peut faire la tierce opposition, selon le
principe général de droit, suivant lequel ce qui n'est pas interdit est permis ( 136). Mais,

132
. Art. 28 de l’acte uniforme précité.
133
. MEYER (P.), op. cit., p. 127.
134
. En droit congolais, le Code de procédure civile ne prévoit aucun délai pour exercer la tierce
opposition. A ce sujet, la doctrine dominante, par la plume du professeur MUKADI BONYI, enseigne
que la loi ne prévoyant aucun délai pour former la tierce opposition, il faut admettre que le jugement
peut être attaqué pendant trente ans par cette voie de recours.
135
MEYER (P.), op. cit., p. 127.
136
Idem, p. 723.
7
8
actuellement, cette question n’a plus d’importance dans la mesure où les deux droits font
désormais un.
181. Existence du recours en révision contre la sentence [ 137]. – La sentence arbitrale peut
également faire l'objet d'un recours en révision devant le tribunal arbitral en raison de la
découverte d'un fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de la
sentence, était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui demande la révision[ 138]. En
effet, seules les voies de recours définies par l'article 25 de l'Acte uniforme, à savoir le recours
en annulation, la tierce- opposition, la révision sont ouvertes contre une sentence soumise en
droit OHADA.
182. Cas d’ouverture du recours en révision. Enumération. - Il découle des termes de l'article
25 précité, dernier alinéa que la sentence arbitrale peut également faire l'objet d'un recours en
révision devant le tribunal arbitral en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer
une influence décisive et qui, avant le prononcé de la sentence, était inconnu du tribunal
arbitral et de la partie qui demande la révision.
Sur cette question, l’acte uniforme n’est pas explicite comme le décret du 7 mars 1960, qui
énumère plusieurs cas d’ouverture de la requête civile.
Tout comme pour la tierce - opposition, si le tribunal arbitral ne peut plus être réuni pour
examiner un recours en révision, on devrait admettre que ce recours pourra être porté devant
une juridiction étatique du siège du tribunal arbitral. De même, aucun délai pour agir n'est
prévu pour l'exercice des recours en révision. Si par impossibilité de réunir le tribunal
arbitral, ce recours devrait être porté devant un juge étatique de l'Etat du siège de l'arbitrage,
les délais prévus pour la législation civile de cet Etat devront être respectés (139).
183. Cas d’ouverture du recours aux termes du décret du 7 mars 1960. Enumération. - Le
recours en révision est expressément organisé par le décret du 7 mars 1960 sous la
dénomination de la requête civile. La requête civile contre une sentence arbitrale est toujours
une voie de réformation : elle doit être portée devant la cour d'appel, le tribunal arbitral
n'ayant qu'une existence éphémère (140).
Aux termes de l'article 187, alinéa 3 du décret du 7 mars 1960, la requête civile contre la
sentence arbitrale peut être prise pour les causes prévues aux numéros 1, 2° et 4° de l'article
85, dans les délais et formes prescrites pour les jugements des tribunaux. Elle est portée
devant le tribunal qui est compétent pour connaître de l'appel.
Il en découle que la partie doit pouvoir invoquer l'une des causes énumérées par la loi à
l'article 85, à savoir :
1° s'il y a dol personnel. Il s'agit du dol de la partie bénéficiaire de la sentence arbitrale. Le
dol qui comprend toutes les fraudes et surprises employées pour tromper quelqu'un doit être

137
Il s’agit de la requête civile, qui est réglementée aux termes des dispositions du décret du 7 mars
1960.
138
. Art. 25 de l’acte uniforme précité.
139
LUKOMBE NGHENDA, op.cit, p. 723
140
RUBBENS (A.), op.cit., p. 263.
7
9
personnel, c’est-à-dire émaner de la partie même au profit de laquelle a été rendue la décision
attaquée.
Le dol de l'avocat ou du mandataire est considéré comme provenant de la partie. Comme
pour le jugement, il faut que la parie adverse ait pratiqué des manœuvres frauduleuses en
vue d'obtenir une sentence arbitrale favorable. Le demandeur en requête civile doit prouver
les manœuvres dolosives que son adversaire a employées pour obtenir gain de cause. Il ne
suffit pas de les affirmer ou de les soupçonner (141).
Il a été jugé que le dol donnant ouverture à la requête civile est celui qui motiverait la nullité
du contrat. Il faut prouver que l'arbitre a été induit en erreur par une manœuvre frauduleuse,
par exemple, la subornation des témoins. Il s'en suit que le simple fait d'avoir affirmé en
conclusions ce que l'un savait être faux ou d'avoir donné des réponses mensongères lors
d'une comparution personnelle ne suffit à donner ouverture à la requête civile (142).
2° Si l'on a jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausses depuis le jugement ;
3° si depuis le jugement il a été recouvré des pièces décisives et qui avaient été retenues par
le fait de la partie. Cinq conditions sont donc requises :
a]rétention matérielle : le seul fait de dissimuler une pièce ne donne lieu à la requête civile
que s'il constitue un dol, c’est-à-dire si la dissimulation a lieu de mauvaise foi ;
b]rétention par le fait de la partie elle-même et non d'un tiers;
c]rétention d'une pièce décisive, c'est -à -dire que, versée au procès, elle ait fait triompher le
demandeur en requête civile ;
d]rétention d'une pièce ignorée du demandeur en requête civile ou dont il n'avait pas le droit
de demander communication ;
e]recouvrement de la pièce litigieuse car la production en est indispensable pour que la
requête puisse être admise par le tribunal ( 143). Les délais et formes de la requête sont ceux
prescrits pour les jugements des tribunaux (144).
Comme on peut se rendre compte, l’article 187 renvoie, quant aux cas d’ouverture de la
requête civile au droit commun.
184. Requête civile. Enumération des causes prévues par le décret du 7 mars 1 145960. – La
requête civile contre la sentence arbitrale peut être prise pour les causes ci – après [146] :
1° s’il y a eu dol personnel ;
2° si l’on jugé sur pièces reconnues ou déclarées fausse depuis la sentence ;
141
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, op.cit., p. 154.
142
L'shi, RCA 6968 du 6 août 1986, RJZ 1987. p. 110.
143
MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, op.cit., p. 155.
144
. Idem, p. 178.
145
. Il s’agit de l’équivalent de la requête civile aux termes du décret du 7 mars 1960.
146
. L’article 187 dispose que la requête civile contre la sentence arbitrale peut être prise pour les
causes prévues aux numéros 1, 2 et 4 de l’article 85, dans les formes et délais prescrits pour les
jugements des tribunaux.
8
0
Si, depuis la sentence, il a été recouvré des pièces décisives et qui avaient été retenues par le
fait de la partie [147]. Les délais et formes de la requête sont ceux prescrits pour les jugements
des tribunaux [148].
185. En droit OHADA.- L’article 25 dispose que la sentence arbitrale peut également faire
l'objet d'un recours en révision [149] devant le tribunal arbitral en raison de la découverte d'un
fait de nature à exercer une influence décisive et qui, avant le prononcé de la sentence, était
inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui demande la révision.
186. Indication bibliographique.
- Constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi numéro 011/002 du 20
janvier 2011.
- Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et
des voies d’exécution.
- Loi organique n° 13/010 du 19 février 2013 relative à la procédure devant la Cour de
cassation
- Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement
et compétences des juridictions de l'ordre judiciaire.
- ASSI – ESSO (A.M.), Commentaires de l’Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
- BRANLAR (J.P), Procédure civile et voies d’exécution, Sirey, Paris, 1983.
- KABASELE – KABASELE [N.], La contribution du procès arbitral à la sécurité
juridique et judiciaire, Thèse, UNIKIN, 2010.
- KABASELE - KABASELE [N.], OHADA et Droit congolais de l’arbitrage. Quel
apport ? Kinshasa, 2010.

- KABASELE - KABASELE (N), Procédures simplifiées de recouvrement


et voies d’exécution du système OHADA, Kinshasa 2013.
- KABASELE – KABASELE (N), Droit de l’arbitrage. Economie des
dispositions de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage OHADA,
Kinshasa 2013.
- KALONGO MBIKAYI, Code civil et commercial congolais, CRDJ, KINSHSA, 1997.
- KATUALA KABA KASHALA, Code judiciaire zaïrois annoté, ASYST, KINSHASA,
1995.
- MATADI NENGA GAMANDA, Droit à un procès équitable, Bruylant, Bruxelles
2002.
- MUKADI BONYI, Litiges individuels du travail, KINSHASA, 1997.

147
. Art. 187 du CPC
148
. MUKADI BONYI ET KATUALA KABA KASHALA, op cit, p.178.
149
8
1
- MUKADI BONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, KINSHASA,
1999.
- MUKADI BONYI, Droit du travail, CRDS, BRUXELLES, 2008.
- MUKADI BONYI et al, Cinquante ans de législation post coloniale au Congo –
Zaïre. Quel bilan? CRDS, BRUXELLES, 2010.
- NSAMPOLU IYELA, Exécution des décisions rendues en matière de droit privé par
les juridictions de droit écrit, in RJZ, 60eme année, KINSHASA, 1986.
- RUBBENS (A), Droit judiciaire zaïrois, PUZ, Kinshasa, 1978.
- TSHILENGI WA KABAMBA, Droit judiciaire, T1, Droit et voies d’exécution des
jugements, KINSHASA, 2011.
187. Quelques exercices d’application

1. De tous les trois modes de saisine des juridictions civiles, lequel est utilisé pour la
saisine des juridictions arbitrales. Et quels en sont les avantages

2. Que pensez-vous de l’arbitrage sur un jugement définitif rendu par un tribunal


étatique

3. La tierce opposition peut elle être exercée comme voie de recours extraordinaire
contre une sentence arbitrale

4. En quoi, en ses deux phases, la procédure de divorce est – elle une question
spéciale de procédure civile [trois pages]

5. Monsieur MBAMBA, sujet sénégalais, a gagné un jugement qui lui octroi un


montant de 300.000 dollars américains contre monsieur PANZU, son adversaire.
Il désire recourir à l’arbitrage au degré d’appel en soumettant ce jugement à l’examen
d’une juridiction arbitrale, pour éviter l’insécurité judiciaire qui gangrène la justice
congolaise.
Il vous consulte avant de rencontrer son contradicteur.
Quelle est la procédure à suivre selon vous. Indiquez les étapes svp.
6. Monsieur SHINDANI veut former appel contre une sentence arbitrale rendue par
le CNA de KINSHASA devant la Cour d’Appel de BANDUNDU.
Qu’en pensez- vous ?
7. Indiquez en quoi la requête en divorce et l’ordonnance ordonnant les mesures
provisoires en matière de divorce sont des questions spéciales de procédure civile.
8. En quoi du point de vue de ses effets, la prise à partie est une question spéciale de
procédure civile.
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