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Aix-Marseille Université Faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence

TRAVAUX DIRIGES
DE DROIT JUDICIAIRE PRIVE

Olivier SALATI, MCF HDR Aix-Marseille Université


Directeur du M2 Pro Contentieux et procédures civiles d’exécution

Chargé de travaux dirigés référent :

M. Serge JAHIER
Docteur en droit, Avocat au barreau de Marseille

Faculté de droit d’Aix-en-Provence


L 3 – 5e sem. – Div. A
Année universitaire 2022-2023

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Sommaire
Séance 1 L’action et la demande en justice
==> Vous définirez les termes suivants : action, intérêt, qualité, demande, assignation, requête,
constitution
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan, détaillé, avec intitulés, et introduction
rédigée comprenant la relation des affaires et le ou les problèmes juridiques qu’ils semblent poser.
Vous pourrez procéder à un plan et à une introduction groupés si vous l’estimez opportun et pouvez
le justifier.
1. Conditions d’ouverture de l’action : l’intérêt (Civ. 3e, 5 févr. 1997, n° 95-12368 ; Civ, 2e, 6 mai
2004, n° 02-16.314 ; Civ 3e, 4 nov. 2004 n° 03-11.377 ; Civ. 1re, 9 juin 2011, n°10-10.348) ; la
qualité (Com. 19 janv. 1999, n° 96-19.495 ; Civ, 1re, 18 sept. 2008 n°06-22.038).
2. La demande en justice : la demande initiale (Ass. plén. 3 avr. 1987, n° 86-11.536) ; la question de
l’assignation inexistante (Ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026).

Séance 2 Les moyens de défense dans le procès : la trilogie classique


==> Vous définirez les termes suivants : moyen de défense, défense au fond, bien fondé, exceptions
de procédure, compétence (matérielle et territoriale), fin de non-recevoir, recevabilité.
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan, détaillé, avec intitulés, et introduction
rédigée comprenant la relation de l’affaire et le ou les problèmes juridiques qu’ils semblent poser.
Vous pourrez procéder à un plan et à une introduction groupés si vous l’estimez opportun et pouvez
le justifier.
1. La défense au fond : Civ. 2e, 12 avr. 2012, n° 11-14.741 ; Civ, 1re, 9 déc. 2015 n°14-28.216
2. Les exceptions de procédure : Civ. 1re, 14 avr. 2010, n° 09-12.477
3. Les fins de non-recevoir : Soc. 28 mars 2012, n° 11-61.180 ; Com, 28 mars 2018 n°16-27.832
Séance 3 Les principes directeurs du procès dans le code de procédure civile
==> Vous définirez les termes suivants : instance, droits de la défense, principe de la contradiction,
principe dispositif, objet du litige, charge de la preuve.
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan, détaillé, avec intitulés, et introduction
rédigée comprenant la relation de l’affaire, et le ou les problèmes juridiques qu’ils semblent poser.
Vous pourrez procéder à un plan et à une introduction groupés si vous l’estimez opportun et pouvez
le justifier.
1. Les droits de la défense : Ass. plén., 30 juin 1995 ; Civ. 2e, 23 juin 2011.
2. Le principe de la contradiction : Civ. 2e, 30 avril 2003 ; Civ. 2e, 7 juin 2012 ; Civ. 2e, 13 janv. 2022.
3. Le principe dispositif : - rôle des parties et du juge quant aux faits du procès : Cass soc, 5 décembre
2012 n° 11-21.113 ; - rôle du juge quant au droit : Civ. 1re, 21 févr. 2006 ; Ass. Plén. 21 déc. 2007 ;
Civ, 1re, 19 février 2014, n°12-23.519.
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4. Le point sur la communication en temps utile des pièces et le rôle des parties dans la
détermination de la matière litigieuse : Civ. 1re, 11 juill. 2019, n° 18-20.212.

Séance 4 Des principes directeurs hors le code de procédure civile ? L’évolution


des principes structurants du procès sous l’influence de la jurisprudence de la Cour
de cassation
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan groupé, détaillé, avec intitulés, et
introduction rédigée comprenant la relation des affaires dans leur trame générale, et le ou les
problèmes juridiques qu’ils semblent poser.
L’exemple du principe de concentration : Ass. plén. 7 juill. 2006 ; Civ. 3e, 13 févr. 2008 ; Civ. 1re, 1er
juill. 2010 ; Civ. 2e, 26 mai 2011, n° 10-16.735 ; Civ, 3e, 17 juin 2015, n° 14-14.372 ; Civ. 1re, 12 mai
2016, n° 15-16.743 ; Civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-23.972.
Séance 5 Interrogation écrite
Séance 6 Le jugement
==> Vous définirez les termes suivants : jugement, arrêt, ordonnance, force de chose jugée,
notification, signification, titre exécutoire.
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan, détaillé, avec intitulés, et introduction
rédigée comprenant la relation des affaires sous forme de trame générale, et le ou les problèmes
juridiques qu’ils semblent poser. Vous pourrez procéder à un plan et à une introduction groupés si
vous l’estimez opportun et pouvez le justifier.
1. L’autorité de chose jugée : Civ, 2e, 27 mai 2004, n° 03-04.070 ; Ass. plén., 13 mars 2009 ; Civ. 1re,
30 sept. 2010, Civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 18-11.734.
2. La notification du jugement : Civ. 2e, 16 juin 2005, n° 03-18.982 ; Civ. 2e, 14 sept. 2006.
3. L’exécution provisoire du jugement :
- Un bénéfice traditionnel pour le gagnant, mais avec des dangers : Civ. 2e, 10 sept. 2009 ; - Ass.
plén., 24 févr. 2006.
- Une révolution ? Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, et
posant le principe de l’exécution provisoire de plein droit des décisions de première instance.
Quelles conséquences ? Chronique d’O. Salati à la Revue pratique du recouvrement 2020/2, à
commenter et expliquer.
Séance 7 Les voies de recours ordinaires : l’appel
==> Vous définirez les termes suivants : appel, déclaration d’appel, RPVA, appel-nullité, appel
incident, effet dévolutif, effet suspensif, évocation, demande nouvelle.
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan, détaillé, avec intitulés, et introduction
rédigée comprenant la relation des affaires dans leur trame globale, et le ou les problèmes juridiques
qu’ils semblent poser. Vous pourrez procéder à un plan et à une introduction groupés si vous l’estimez
opportun et pouvez le justifier.
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1. L’effet dévolutif de l’appel : Civ. 2e, 6 janv. 2012, n° 10-17.824 ; Civ. 2e, 9 févr. 2012, n° 11-17.212 ;
Civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-16.954 ; Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-11.387

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Séance 1 L’action et la demande en justice


==> Vous définirez les termes suivants : action, intérêt, qualité, demande, assignation, requête

Expliquez les arrêts suivants :


1. Cass. civ. 3e, 5 févr. 1997, n° 95-12368
Sur le premier moyen :
Vu les articles 30 et 31 du NCPC ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la SCI L ayant fait édifier un immeuble à usage d’habitation, a
proposé aux époux de Saint-Steban, propriétaires d’un immeuble voisin, une mise hors d’eau et
un raccordement des pignons ; qu’aucune réponse n’ayant été apportée, la SCI a assigné, en
référé, les époux de Saint-Steban aux fins de désignation d’un expert pour examiner les travaux
envisagés ; que les époux de Saint-Steban ont sollicité la désignation d’un expert aux fins
d’apprécier le préjudice subi du fait de la construction de l’immeuble voisin ;
Que les époux de Saint-Steban ont vendu l’immeuble le 11 octobre 1991, puis assigné la SCI le 26
novembre 1991 en réparation de leur préjudice;
Attendu que l’arrêt déclare irrecevable la demande des époux de Saint-Steban relative aux
désordres occasionnés à leur immeuble au motif qu’ils n’établissent pas qu’en vendant leur
immeuble, ils aient subi un préjudice lié aux désordres occasionnés par les travaux effectués par
la SCI ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une
condition de recevabilité de la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE…
2. Cass. civ, 2e, 6 mai 2004, n° 02-16.314
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet
d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules
personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt
déterminé ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... n'ayant pas remboursé un prêt hypothécaire
qui leur avait été consenti par M. Z, il a été procédé à la vente du bien immobilier hypothéqué ;
que, M. Y..., avocat poursuivant, ayant adressé des fonds provenant de la vente à M. A..., notaire,
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celui-ci a remis au prêteur les sommes qui lui étaient dues, et a également versé une certaine
somme à une société Fontinel Investissement, cessionnaire d'une créance de la société SOFAL
résultant d'une condamnation prononcée contre M. et Mme X... par une décision judiciaire et
garantie par une hypothèque judiciaire provisoire ; que M. et Mme X... ont assigné M. A..., la SCP
de notaires A... et B..., M. Y... et M. Z... en paiement de diverses sommes à titre d'intérêts et en
remboursement de la somme versée à la société SOFAL ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de M. X..., faute de qualité et d'intérêt
pour agir, l'arrêt se borne à retenir qu'il ne résulte aucun préjudice des versements effectués par
le notaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable
du bien-fondé de l'action, et que l'existence du préjudice invoqué par le demandeur n'est pas une
condition de recevabilité de son action mais de son succès, la cour d'appel a violé le texte susvisé
;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE


3. Cass. civ. 3e, 4 nov. 2004, n° 03-11.377
Sur le premier moyen :
Vu l’article 31 du NCPC ;
Attendu que pour déclarer recevable l’action de l’Association de défense des intérêts des
habitants de la rue Hector Berlioz tendant à faire respecter par M. X des stipulations du cahier
des charges, l’arrêt attaqué retient que cette association régie par la loi du 1er juillet 1901
regroupe les propriétaires du lotissement sis rue Hector Berlioz, a pour objet la défense et la
protection des intérêts et de l’environnement et veille au respect par tous les propriétaires des
clauses stipulées au cahier des charges du lotissement ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’association subissait, du fait de la prétendue violation
par M. X des stipulations du cahier des charges, un préjudice collectif, direct et personnel, distinct
des dommages propres à chacun de ses associés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à
sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt.
4. Cass. civ. 1re, 9 juin 2011, n°10-10.348 P
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu que Georges Y... a contracté divers emprunts auprès de la caisse régionale de crédit
agricole (la banque) ; que celui-ci ayant été défaillant, la banque a consenti le 28 décembre 1995
aux époux Y... un prêt de restructuration dont le remboursement était garanti par plusieurs
hypothèques ; qu’après le décès de son époux, dont elle est héritière, Mme Y... a assigné la
banque aux fins de voir constater la prescription de sa créance ; que l’arrêt attaqué a accueilli
cette demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à la cour d’appel d’avoir déclaré recevable l’action de Mme Y...,
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alors, selon le moyen, que l’intérêt au succès ou au rejet d’une prétention s’apprécie au jour de
l’introduction de la demande en justice ; qu’en particulier est irrecevable en l’absence de litige né
et actuel, l’action préventive tendant à forcer une personne, qui peut se prévaloir d’avoir un droit,
à prouver ses prétentions en justice ; que dès lors, en se déterminant comme elle l’a fait tout en
constatant que la caisse régionale de crédit agricole mutuel n’avait émis aucune prétention à
l’égard de Mme Y..., la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de
l’article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu’après avoir exactement retenu que, même en dehors de tout litige, Mme Y...
avait intérêt à faire constater la prescription de la créance de la banque afin de lui permettre de
connaître la consistance exacte du patrimoine dont elle avait hérité et l’étendue des droits dont
elle pouvait disposer compte tenu des hypothèques garantissant cette créance, c’est à bon droit
que la cour d’appel a déclaré l’action recevable ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
5. Cass. com., 19 janv. 1999, n° 96-19.495
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société H, qui exploite une liaison maritime entre les ports
de Folkestone et Boulogne-sur-Mer, ne recourt pas, dans ce dernier port, pour l’exécution des
opérations de lamanage concernant ses navires, aux services de la Société B, qui est agréée pour
ces opérations, mais les fait exécuter en partie par son personnel de quai ; que, soutenant que
cette pratique est irrégulière au regard de la réglementation française du lamanage, l’Association
professionnelle du batelage lamanage des ports français (l’association) a demandé réparation du
préjudice résultant de l’atteinte ainsi portée aux intérêts collectifs qu’elle dit représenter ;
Attendu que l’Association reproche à l’arrêt d’avoir déclaré sa demande irrecevable alors, selon
le pourvoi, d’une part, qu’une association peut, conformément à son objet, réclamer en justice la
réparation de l’atteinte portée aux intérêts collectifs de ses membres ; que, pour dire
l’Association irrecevable à agir à l’encontre de la société H, la cour d’appel a énoncé qu’elle ne
pouvait se réclamer d’aucune disposition législative, réglementaire ou statutaire lui permettant
d’agir en justice pour la défense de l’intérêt collectif ; qu’en statuant ainsi quand il lui appartenait
de rechercher si, compte tenu de son objet (« la défense et la reconnaissance de la profession du
lamanage, la défense des intérêts généraux des entreprises de lamanage sur les questions
économiques, administratives et juridiques »), l’Association n’avait pas intérêt à agir en
réparation du préjudice résultant, pour les intérêts collectifs de ses membres, de l’exercice par la
société H de l’activité de lamanage nonobstant l’absence d’agrément et sans respect de la
réglementation applicable, la cour d’appel a violé l’article 31 du NCPC ; alors, d’autre part, qu’une
association déclarée peut, conformément à son objet, réclamer en justice la réparation de
l’atteinte portée aux intérêts collectifs de ses membres, indépendamment du préjudice personnel
subi par chacun d’eux ; qu’en énonçant, dès lors, pour débouter l’Association de son action en
réparation du dommage résultant de l’exercice irrégulier de l’activité de lamanage par la société
H, qu’aucun membre de l’Association n’était présent à Boulogne-sur-Mer, la cour d’appel a violé
l’article 31 du NCPC ; et alors, enfin, que pour déclarer l’action de l’Association irrecevable, la cour
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d’appel a énoncé qu’elle s’analysait en une intervention dans la marche commerciale et financière
de la Société B, prohibée par l’article 3 des statuts de l’Association ; qu’en statuant ainsi quand
elle constatait que cette société n’était pas adhérente de l’Association, la cour d’appel a statué
par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 31 du NCPC ;
Mais attendu qu’ayant relevé que la Société B n’est pas membre de l’Association, ce dont il résulte
qu’elle ne lui a pas confié la défense de ses intérêts, la cour d’appel en a exactement déduit
l’irrecevabilité de la demande ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.


6. Cass. civ. 1re, 18 septembre 2008, n°06-22.038
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 31 du code de procédure civile et 1 de la loi du 1er juillet 1901 ;
Attendu que l'association Le Saint-Nicolas accueil gérait un établissement recevant des malades
atteints de myopathie ; qu'en raison de graves dysfonctionnements ayant préjudicié à certains
résidents, M. Y..., son ancien président, et M. Z..., son liquidateur judiciaire, ont été assignés en
dommages-intérêts par l'Association française contre les myopathies, ci-après AFM ;
Attendu que pour écarter la demande, l'arrêt retient que les statuts de l'AFM ne prévoient
nullement qu'elle aurait pour but ou pour moyen d'action d'ester en justice pour la défense des
intérêts des malades, et qu'en conséquence son action n'est pas recevable ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, même hors habilitation législative, et en l'absence de prévision
statutaire expresse quant à l'emprunt des voies judiciaires, une association peut agir en justice au
nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt…
7. Cour de Cassation Assemblée plénière, 3 avr. 1987, n° 86-11.536
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation, qu’alléguant avoir appris, le 1er
avril 1976, que son mari aurait le 1er décembre 1975, vendu, sans son accord, à ses beau-frère et
belle-soeur les époux Yves Delort, un immeuble qui était le logement de la famille, Mme Lebon
épouse Jean-Paul Delort a, les 24 et 26 avril 1976, assigné ce dernier et les acquéreurs en
annulation de la vente sur le fondement de l’article 215 du Code civil ; que cette assignation
n’ayant pas été remise au secrétariat greffe dans le délai imparti par l’article 757 du Nouveau
Code de procédure civile, Mme Lebon a, les 7 et 12 avril 1977, fait délivrer aux mêmes personnes
une assignation aux mêmes fins, en invoquant postérieurement les dispositions de l’article 1167
du Code civil ; que les défendeurs ont soulevé l’irrecevabilité de la demande pour avoir été
introduite hors du délai d’un an prévu par l’article 215 précité ;
Attendu que Mme Lebon fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré irrecevable sa demande en tant que
fondée sur l’article 215 du Code civil, alors, selon le moyen, que d’une part, l’interruption est
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attachée à la seule délivrance de l’assignation ; que, d’autre part, l’article 2247 du Code civil pose
une exception à la règle figurant à l’article 2246 du même Code ; que, dès lors, les cas dans
lesquels l’assignation, bien que régulièrement délivrée, n’interrompt pas la prescription, sont
limitativement énumérés par l’article 2247 ; qu’enfin, s’il fallait subordonner l’effet interruptif de
l’assignation à son enrôlement dans le délai de quatre mois, il faudrait nécessairement faire
produire au défaut d’enrôlement un effet rétroactif que n’implique nullement l’article 757 du
nouveau Code de procédure civile dans la mesure où la caducité n’interdit au juge de statuer qu’à
l’expiration du délai de quatre mois ; d’où il suit qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel
a violé les articles 215, 2246 et 2247 du Code civil, 757 du NCPC ;
Mais attendu qu’une assignation dont la caducité a été constatée n’a pu interrompre le cours de
la prescription ; que, dès lors, la cour d’appel, qui a relevé que la seconde assignation avait été
délivrée hors du délai légal, en a justement déduit que l’action était prescrite ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
8. Cass., ch. mixte, 7 juill. 2006, n° 03-20.026
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 114 et 117 du nouveau code de procédure civile, ensemble l’article 855 du même
code ;
Attendu que, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un
acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement
énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les sociétés KTI et Technip avaient confié à la société Jules Roy,
désormais dénommée société Schenker BTL, le transport d’une cargaison qui a subi des avaries
constatées lors de son débarquement, le 19 avril 1995 ; que par acte du 17 avril 1996, ces deux
sociétés, ainsi que leurs assureurs, ont assigné à comparaître devant un tribunal de commerce, à
l’audience du 16 mai suivant, la société Jules Roy qui a appelé en cause d’autres sociétés ; que le
16 mai 1996 étant un jour férié, les sociétés demanderesses ont réitéré leur assignation par acte
du 10 mai 1996 ; que la société Jules Roy a soulevé la nullité de la première assignation et invoqué
la prescription d’un an prévue par l’article L. 133-6 du code de commerce ;
Attendu que pour déclarer prescrite l’action des sociétés KTI, Technip et de leurs assureurs,
l’arrêt, après avoir relevé que l’assignation délivrée le 17 avril 1996 portait mention d’une date
correspondant à un jour férié et où la juridiction ne siégeait pas, retient que cet acte, privé d’une
mention substantielle, était impuissant à saisir les premiers juges, devait être tenu pour inexistant
sans qu’il soit besoin d’en prononcer la nullité et ne pouvait avoir d’effet interruptif de la
prescription ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que l’acte était affecté d’un vice de
forme, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt.
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Séance 2 Les moyens de défense dans le procès : la trilogie classique


Expliquez les arrêts suivants :
1. Cass. 2e civ., 12 avril 2012, n° 11-14.741
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’ayant été assignée devant le tribunal de commerce de Lorient
par la société Cemwest et l’assureur de celle-ci, la société Generali, la société Scheep MS II (la
société) a appelé des tiers en garantie, puis a soulevé l’incompétence du tribunal ;
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable son exception d’incompétence,
alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée,
après examen du fond du droit, la prétention de l’adversaire ; que le simple appel en garantie
formé à l’encontre d’un tiers, qui tend exclusivement à transférer sur ce dernier la charge finale
de la condamnation, n’a pas pour objet de faire rejeter comme non justifiée la prétention du
demandeur et ne constitue donc pas une défense au fond ; qu’en considérant que les assignations
en intervention forcée délivrées par la société aux sociétés R. Le Bras et RBL Rei, et à la CCI du
Morbihan, tendant à leur condamnation à garantir et relever indemne la société de toutes
condamnations susceptibles d’être prononcées contre elle, auraient constitué une défense au
fond, la cour d’appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile ;
2°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée,
après examen du fond du droit, la prétention de l’adversaire ; que la simple énonciation par le
défendeur de ce qu’il appelle un tiers en garantie « sans aucune approbation de la demande
principale et au contraire sous les plus expresses réserves de fait et de droit », ne constitue pas
un moyen de droit tendant à faire rejeter comme non justifiée la prétention du demandeur ; qu’en
retenant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 71 et 74 du code de procédure civile ;
3°/ que constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée,
après examen du fond du droit, la prétention de l’adversaire ; qu’en affirmant que la société aurait
dénié sa responsabilité pour la reporter sur des tiers et ainsi formulé une défense au fond,
lorsqu’elle constatait qu’il était seulement indiqué, dans les assignations en intervention forcée,
que la société ne pouvait être considérée comme responsable du dommage et qu’elle appelait
des tiers en garantie des condamnations qui seraient prononcées contre elle, ce dont il résultait
qu’elle ne présentait aucun moyen tendant à faire rejeter comme non justifiée la demande de
son adversaire à son encontre, et organisait seulement le transfert de la charge finale de ses
éventuelles condamnations sur ces tiers, la cour d’appel a violé les articles 71 et 74 du code de
procédure civile ;
Mais attendu que la cour d’appel retient exactement qu’ayant présenté une défense au fond en
appelant des tiers en garantie, la société était irrecevable, en application de l’article 74 du code
de procédure civile, à soulever ultérieurement une exception d’incompétence ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
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PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

2. Cass. civ. 1re, 9 décembre 2015, n°14-28.216


Attendu, selon les arrêts attaqués, que, par acte notarié du 26 septembre 1986, M. et Mme X...
ont vendu une maison d'habitation et un terrain attenant à M. et Mme Y... ; que, soutenant que
la signature apposée sur cet acte authentique n'était pas celle de M. X..., ce dernier et son épouse
ont agi en annulation de la vente, puis se sont inscrits en faux ;
Sur le premier moyen dirigé contre l'arrêt du 10 octobre 2013 :
Vu les articles 71, 72, 73 et 306 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour déclarer l'inscription de faux irrecevable, l'arrêt énonce que cette procédure
constitue un incident affectant l'administration de la preuve, qui doit être présenté avant toute
défense au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'incident de faux, qui tend à contester une preuve littérale
invoquée au soutien d'une prétention, constitue non une exception de procédure, mais une
défense au fond et peut, dès lors, être proposé en tout état de cause, la cour d'appel a violé les
textes susvisés, les deux premiers, par refus d'application, et les deux derniers, par fausse
application ;
Et sur le second moyen dirigé contre l'arrêt du 3 avril 2014, pris en sa première branche :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt du 10 octobre 2013 entraîne l'annulation par voie de
conséquence de l'arrêt du 3 avril 2014 qui en est la suite ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE
3. Cass. civ. 1re, 14 avr. 2010, n° 09-12.477
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu que, par convention du 27 avril 2001, les sociétés TECA et MDI entreprises ont confié la
construction d’une usine à la société Baudin Châteauneuf qui a sous-traité les lots fondations,
gros oeuvre, maçonnerie, terrassement et VRD à la société exploitation établissements Trève A
(SEETA) ; que le contrat prévoyait que les litiges qui pourraient survenir entre les parties
relativement à son interprétation ou à son exécution seraient de la compétence de la cour d’appel
d’Orléans alors que le cahier des clauses administratives particulières (CCAP), signé par les parties,
contenait deux clauses compromissoires ; que, des désordres ayant été constatés dans le dallage,
les maîtres de l’ouvrage n’ont pas payé le solde du prix et, après expertise, ont été assignés devant
le tribunal de grande instance de Grasse par la société Baudin Châteauneuf pour voir prononcer
la réception judiciaire de l’ouvrage et condamner les sociétés TECA et MDI entreprises au
paiement de diverses sommes ; que ce tribunal a écarté des débats les conclusions signifiées par
la SCI TECA et la société MDI contenant une exception d’incompétence au profit du tribunal
arbitral et a fait droit aux demandes ;
Sur le pourvoi incident de la société Baudin Châteauneuf qui est préalable :
Vu l’article 74 du code de procédure civile ;
11

Attendu que le défendeur représenté en première instance, qui aurait pu invoquer, à ce stade de
la procédure, l’incompétence de la juridiction saisie et qui ne l’a pas valablement fait, est
irrecevable à soulever une telle exception pour la première fois en cause d’appel ;
Attendu que, pour déclarer recevable l’exception d’incompétence des juridictions étatiques,
l’arrêt attaqué relève que les appelantes n’ont pas régulièrement soumis l’exception au tribunal
de grande instance qui, sans être critiqué sur ce point, a rejeté comme tardives les conclusions
qui l’invoquaient et qu’il s’ensuivait que, soumise pour la première fois à l’examen des juges
d’appel, l’exception était recevable par application de l’article 74 du code de procédure civile ;
Qu’en statuant ainsi, alors que les sociétés TECA et MDI entreprises n’étaient pas défaillantes en
première instance, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Sur le pourvoi principal des sociétés TECA et MDI entreprises, pris en ses trois branches, ci-après
annexé :
Attendu que la cassation intervenue sur le pourvoi incident rend sans objet l’examen du pourvoi
principal ;
Vu l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;
Et attendu que la Cour de cassation est en mesure de mettre fin au litige en déclarant l’exception
d’incompétence irrecevable ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré recevable et a rejeté
l’exception d’incompétence soulevée pour la première fois en cause d’appel par les sociétés TECA
et MDI entreprises, l’arrêt.
4. Cass. Soc. 28 mars 2012, n° 11-61.180
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon le jugement attaqué, que contestant la présentation par le syndicat CFTC de la
métallurgie de l’Essonne au premier tour des élections des délégués du personnel et des membres
du comité d’entreprise de la société Thales Raytheon Systems d’une liste au motif qu’elle serait
commune avec une union de salariés n’ayant pas la qualité de syndicat, le syndicat CFDT
Métallurgie du Sud francilien et plusieurs salariés ont saisi le tribunal d’instance d’une demande
d’annulation des élections qui se sont déroulées le 9 juin 2011 ; que le tribunal a rejeté cette
demande ;
Sur la recevabilité du pourvoi, examinée d’office après avis donné par la deuxième chambre civile
en application de l’article 1015-1 du code de procédure civile :
Attendu que selon l’article 1022-2 du code de procédure civile, applicable en matière de
contentieux des élections professionnelles, le demandeur justifie de l’acquittement de la
contribution pour l’aide juridique au plus tard au moment de la remise de son mémoire ; qu’en
application de l’article 126 du code de procédure civile, la justification du paiement de cette
contribution avant décision du juge statuant sur la recevabilité de la demande régularise la
procédure ;
Qu’il s’ensuit que le demandeur au pourvoi formé le 22 novembre 2011 ayant justifié du paiement
de la contribution pour l’aide juridique le 29 novembre 2011, le pourvoi est recevable ; (…)
12

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;


5. Com, 28 mars 2018 n° 16-27.832
Sur le moyen unique :
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 341-4 du code de la
consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... s'est rendu caution, le 9 février 2007, du
remboursement d'un prêt consenti à la société Bierman par la Société générale (la banque) ; que
cette dernière a mis en demeure M. Y..., le 27 février 2009, de payer des échéances restées
impayées ; que la société Bierman ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a mis en
demeure M. Y..., le 23 décembre 2010, de lui payer la somme de 81 581 euros, puis l'a assigné en
paiement le 27 janvier 2014 ;
Attendu que pour accueillir la demande de la banque, l'arrêt déclare prescrite la demande de M.
Y... tendant à ce que celle-ci ne puisse se prévaloir de son engagement de caution, en raison du
caractère manifestement disproportionné de celui-ci à ses biens et revenus ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la prétention de M. Y... fondée sur la disproportion manifeste de
son engagement de caution à ses biens et revenus, laquelle tendait seulement au rejet de la
demande en paiement formée par la banque à son encontre, constituait un simple moyen de
défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il
déclare irrecevable la demande de M. Y... fondée sur la disproportion manifeste de son
engagement de caution, (…) l'arrêt.

Séance 3 Les principes directeurs du procès dans le code de procédure civile


Expliquez les arrêts suivants :
1. Cour de Cassation, Assemblée plénière, 30 juin 1995, n° 94-20.302
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le principe du respect des droits de la défense ;
Attendu que la défense constitue pour toute personne un droit fondamental à caractère
constitutionnel ; que son exercice effectif exige que soit assuré l’accès de chacun, avec l’assistance
d’un défenseur, au juge chargé de statuer sur sa prétention ;
Attendu que, pour dire n’y avoir lieu à la commission d’office d’un avocat pour la présentation,
par M. X..., d’une requête en rabat d’arrêts, le conseil de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et
à la Cour de Cassation a énoncé, par une décision du 23 juillet 1992, que la demande, tendant à
engager une procédure hors des cas où elle est limitativement admise, alors que, de surcroît,
l’irrégularité invoquée n’existait pas, se trouvait dépourvue d’objet ;
En quoi il a méconnu le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS : ANNULE la décision du conseil de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la
13

Cour de Cassation.

MOYEN ANNEXE DE CASSATION :


La décision prise par le conseil de l’Ordre est contraire aux principes qui régissent, en droit
interne, la profession d’avocat aux Conseils ;
Elle est également contraire aux principes posés par la Convention européenne des droits de
l’homme ;
Dans les matières non dispensées, le ministère d’un avocat à la Cour de Cassation est
indispensable, et ce dès le dépôt du pourvoi ou de la requête qui saisit cette juridiction ;
Il s’ensuit que l’avocat aux Conseils, lorsqu’il est requis d’y procéder et qu’il a reçu une provision
suffisante, ne peut refuser son concours ;
Le principe ne peut toutefois être absolu. Il n’est pas possible, par exemple, d’exiger d’un avocat
aux Conseils qu’il prête son concours lors d’une procédure dont les fins heurtent sa conscience ;
Et en tout état de cause, l’avocat aux Conseils n’est pas tenu de soutenir le pourvoi (Civ. 6 juillet
1813, Jur. Gén, V. Avocat, n° 529) ;
Mais la partie qui ne trouve pas d’avocat acceptant de soutenir son pourvoi doit pouvoir
demander au président de l’Ordre d’en commettre un d’office, afin de ne pas être empêchée de
faire valoir ce qu’elle croit être son droit (Req. 22 novembre 1904, DP 1905.1.44) ;
Le président de l’Ordre a nécessairement compétence liée en ce qui concerne le principe même
de la désignation d’office, et il en va de même pour le conseil de l’Ordre ;
Toute autre solution conduirait à nier le droit de tout justiciable à l’accès à la justice ;
A ce titre, déjà, la décision du conseil de l’Ordre doit être condamnée ;
En outre, la décision attaquée est contraire aux principes posés par la Convention européenne
des droits de l’homme ;
L’article 6§1 de ladite Convention dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal
indépendant et impartial... » ;
Il existe donc un véritable droit d’accès aux tribunaux.
Certes, ce droit n’est pas absolu et peut être réglementé, mais ces limitations ne peuvent aboutir
à priver concrètement l’individu de la possibilité de saisir le juge compétent (CEDH, 27 août 1991,
Philès c/Grèce, RTDH 1992, 483) ;
En outre, tout individu doit pouvoir obtenir un avocat pour défendre ses intérêts et l’assister en
justice, sans qu’il y ait lieu de supputer les chances de succès du recours qu’il envisage (CEDH, 28
mars 1990, Granger c/Royaume-Uni) ;
Enfin, en application des dispositions de l’article 13 de la Convention EDH, toute personne
estimant que son droit à un procès équitable a été méconnu a droit à l’octroi d’un recours effectif
devant une instance nationale, alors même que la violation alléguée aurait été commise par des
personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ;
En l’espèce, le président du conseil de l’Ordre des avocats aux Conseils était l’autorité habilitée à
désigner d’office l’un de ses confrères pour représenter M. X... ;
La décision attaquée a pour effet concret de priver l’exposant de l’accès à la juridiction
compétente pour connaître de la contestation qu’il entend porter ; l’annulation s’impose de plus
fort.
14

2. Civ. 2e, 23 juin 2011, n° 09-15.572 P


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... a cédé à M. et Mme Y... son fonds de commerce ainsi
que le droit au bail d’un immeuble appartenant à Mme Z..., qui a délivré à ces derniers un
commandement de payer des loyers, visant la clause résolutoire ; que M. et Mme Y... ayant saisi
un juge des référés pour obtenir la mise en conformité des lieux loués, leur demande a été rejetée
par ordonnance du 25 mars 2003 ; que M. et Mme Y... ont été mis en redressement judiciaire, le
7 avril 2003, Mme A... étant nommée représentant des créanciers ; qu’un juge des référés a, le
15 juin 2004, constaté la résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire et ordonné leur
expulsion ; que M. et Mme Y... ont été mis en liquidation judiciaire le 3 septembre 2004, Mme
A... étant nommée liquidateur judiciaire ; que Mme X... a déclaré sa créance au passif de la
procédure collective de M. Y... au titre du solde du prix de cession du fonds de commerce ; qu’un
jugement du 8 mars 2006 a débouté Mme A..., prise en sa qualité de liquidateur, et M. et Mme
Y... de leur action engagée contre Mme Z... et Mme X..., pour obtenir une réduction du prix de
vente du fonds de commerce ainsi que des dommages-intérêts ; que Mme A..., prise en sa qualité
de liquidateur, a relevé appel de l’ordonnance d’un juge-commissaire qui avait fixé à une certaine
somme la créance produite par Mme X... au passif de la liquidation judiciaire de M. Y... ;
Sur le second moyen : …
Mais sur le premier moyen :
Vu l’article 14 du code de procédure civile ;
Attendu que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ;
Attendu que pour condamner Mme A..., à titre personnel, à verser à Mme X... une certaine
somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que, aux termes des dispositions de l’article
698 du code de procédure civile, les dépens afférents aux instances injustifiées sont à la charge
des auxiliaires de justice qui les ont faits sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient
réclamés, que Mme A... en sa qualité de mandataire judiciaire est un praticien du droit pouvant
de surcroît se faire assister et conseiller et ne pouvant de ce fait méconnaître les règles de droit
ainsi que les principes en matière de propriété commerciale et de baux commerciaux et qu’il est
certain qu’elle a fait exposer des frais et soutenu des procédures au mépris d’un exercice
normalement attentif, diligent et loyal de sa profession ;
Qu’en statuant ainsi, alors que Mme A... ne figurant à l’instance qu’en qualité de liquidateur
judiciaire de M. Y..., aucune condamnation autre qu’aux dépens ne pouvait être prononcée
personnellement à son encontre, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné personnellement
Mme A... à payer à Mme X... la somme de…

3. Cour de Cassation Chambre civile 2, 30 avr. 2003, n° 01-03.497


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique :
15

Vu les articles 15, 16 et 135 du nouveau Code de procédure civile ;


Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe
de la contradiction ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que Mme X... a relevé appel d’un jugement qui
l’avait déboutée de sa demande de résiliation du bail que lui avait consenti la SCI Pielan ; que
l’avoué de la SCI a élevé oralement à l’audience, au sujet de cinq attestations, un incident de
communication de pièces, qui a été mentionné au registre d’audience sous la forme d’une
demande tendant à la mise à l’écart de ces pièces portées sur un bordereau déposé par la partie
adverse 3 jours avant l’ordonnance de clôture ;
Attendu que, pour prononcer la résiliation du bail aux torts de la SCI, l’arrêt retient, que les
attestations en cause font partie d’un ensemble d’indices et de présomptions dont il résulte que
la bailleresse n’a pas rempli son obligation d’assurer le couvert de sa locataire ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle était invitée à le faire, si les attestations
avaient été régulièrement versées aux débats et soumises à la discussion contradictoire des
parties, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt.
4 Cass. civ. 2e, 7 juin 2012, n° 11-20.934
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 4, 493, 494 et 812, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’imputant à M. et Mme X...ainsi qu’à la société meubles X... (les
consorts X...) des actes de violation d’une clause de non-concurrence, la société JP Déco a obtenu
du président d’un tribunal de grande instance, statuant sur requête, la désignation d’un huissier
de justice aux fins de diverses constatations ;
Attendu que pour rejeter la demande de rétractation de l’ordonnance, l’arrêt retient, par motifs
propres, que la requête indique pourquoi une mesure d’instruction forcée serait inopérante et
pourquoi la requérante est fondée à ne pas appeler la partie adverse et, par motifs adoptés, que
la mesure ordonnée avait plus de chance d’aboutir si elle était exécutée sans que la partie adverse
n’en soit pas avertie ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la requête n’énonçait expressément aucune circonstance
susceptible d’autoriser une dérogation au principe de la contradiction et que l’ordonnance se
bornait à indiquer, sans autre précision, qu’une mesure de production forcée serait inopérante,
la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt.

5 Cass. civ. 2e, 13 janv. 2022, n° 20-19.978 P

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


16

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 juin 2020), sur le fondement d'un acte notarié, la société Les
Vergers a fait délivrer, le 14 décembre 2017, un commandement de payer valant saisie
immobilière à la société [Adresse 3] (la société [Adresse 3]).

2. Par acte du 20 mars 2018, M. [J], associé de la société [Adresse 3], et cette dernière ont
assigné la société Les Vergers devant un tribunal de grande instance en nullité du contrat de
prêt.

3. Par jugement du 12 août 2019, un juge de l'exécution a sursis à statuer sur la procédure de
saisie immobilière, dans l'attente de la décision du tribunal de grande instance.

4. La société Les Vergers a été autorisée par le premier président d'une cour d'appel à interjeter
appel immédiat de ce jugement.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

6. La société [Adresse 3] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les conclusions et les pièces
n° 25 à 38 qu'elle a déposées le 20 janvier 2020, alors « que le juge doit, en toutes
circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en
déclarant irrecevables, à la demande de la société Les Vergers, les conclusions et pièces
numéros 25 à 38 déposées le 20 janvier 2020 par la SCCV [Adresse 3], au motif que ces écritures
et pièces avaient été déposées trois heures avant l'audience de plaidoiries, de sorte que la
société Les Vergers s'était trouvée dans l'impossibilité d'en prendre connaissance en temps
utile, sans préciser à quelle heure la société Les Vergers avait contesté ce dépôt prétendument
tardif de conclusions et de pièces et sans rechercher si la SCCV [Adresse 3] avait été en mesure
de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse au moyen

7. En premier lieu, l'arrêt constate qu'en application d'une ordonnance du 24 octobre 2019
fixant un calendrier de procédure, la société Les Vergers a assigné la société [Adresse 3] le 6
novembre 2019 et que cette dernière a conclu le dernier jour du délai qui lui était imparti, soit
le 20 décembre 2019, sans communiquer ses pièces malgré une sommation du 24 décembre
2019.
8. En deuxième lieu, il relève que la société Les Vergers a répliqué par conclusions notifiées le 6
janvier 2020 tandis que la société [Adresse 3] a attendu le 20 janvier 2020 à 11 heures 39 pour
notifier de nouvelles conclusions, à 12 heures 03 pour communiquer ses pièces n° 1 à 11, à 12
heures 28 ses pièces 21 à 24, et à 12 heures 36 pour communiquer ses nouvelles pièces 25 à 30
non produites en première instance, soit moins de 3 heures avant l'audience de plaidoiries fixée
dès l'ordonnance de référé rendue le 16 octobre 2019 par la juridiction du premier président.
17

9. En dernier lieu, l'arrêt retient qu'aucun motif ne justifie un tel comportement contraire à la
loyauté des débats et au principe du contradictoire qui, du fait du dépôt tardif de nouvelles
écritures et de nouvelles pièces, a mis la société Les Vergers dans l'impossibilité d'en prendre
connaissance en temps utile.

10. C'est en l'état de ces constatations et énonciations que la cour d'appel, qui n'avait pas à
rechercher si la société [Adresse 3] avait été en mesure de s'expliquer sur la demande de rejet
des conclusions tardives et des pièces, a souverainement apprécié si la société Les Vergers avait
eu un temps utile pour prendre connaissance des dernières conclusions et pièces.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Et sur le troisième moyen

12. La société fait grief à l'arrêt la débouter de toutes ses demandes, de mentionner que la
créance de la société Les Vergers s'élevait à 1 000 000 euros avec intérêts au taux de 17 % l'an
du 15 décembre 2011 jusqu'à complet remboursement du prêt, avec imputation sur les intérêts
des sommes de 107 819,34 euros le 7 novembre 2013, 51 426,72 euros le 3 août 2016, 9 000
euros le 30 décembre 2016 et 250 000 euros le 10 avril 2017 et d'ordonner la vente forcée des
biens saisis, alors « qu'aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en
toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en
retenant, pour débouter la SCCV de toutes ses demandes, fixer la créance de la société Les
Vergers et ordonner la vente forcée des biens saisis, que les pièces n° 12 à 20 produites par la
SCCV [Adresse 3] ne figuraient pas au dossier remis à la cour d'appel, sans inviter les parties à
s'expliquer sur l'absence au dossier de ces pièces qui figuraient au bordereau de pièces annexé
aux conclusions d'intimées de la SCCV notifiées le 20 décembre 2019, déclarées recevables, et
dont la communication n'avait pas été contestée, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

13. Après avoir constaté que les pièces numéros 12 à 20 et 31 à 38 visées au bordereau de
pièces ne figuraient pas au dossier de plaidoirie, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur
cette absence de pièces, n'avait donc pas à inviter les parties à s'expliquer.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;


6 Cass soc., 5 déc. 2012 n° 11-21.113

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Attendu, selon le jugement attaqué, que le 9 mai 2005, la société Trans F qui exploite une
concession de transport public en commun par autobus, a signé, avec les partenaires sociaux un
«accord d'entreprise relatif à l'habillement» prévoyant, en son article 5 "une compensation
18

financière des temps d'habillage" sous la forme d'une prime forfaitaire annuelle de 375 euros ;
qu'en 2008, lors de la négociation annuelle obligatoire, l'employeur a conclu avec les mêmes
partenaires sociaux un accord prévoyant en son article 3 que la "prime d'habillement" pour
l'année 2008 s'éléverait à la somme de 420 euros pour les conducteurs et à 460 euros pour les
agents de maîtrise ; que M. X..., salarié de la société Trans Fensch a saisi la juridiction prud'homale
pour obtenir le remboursement des frais d'entretien de ses vêtements de travail ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : …
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 7 du code de procédure civile ;
Attendu que pour évaluer la somme due au salarié pour l'entretien de ses vêtements
professionnels, le conseil de prud'hommes, après avoir relevé que l'intéressé ne justifiait pas des
frais qu'il avait réellement exposés, s'est fondé sur une recherche réalisée à partir de différents
sites internet, relative à la consommation en électricité et en eau nécessaire au fonctionnement
d'un lave-linge, à l'amortissement du matériel utilisé au prorata du volume lavé, au coût de la
poudre à laver et au temps nécessaire pour que les vêtements soient prêts à être réutilisés ;
Qu'en retenant ainsi, des éléments qui n'étaient pas dans le débat, le conseil de prud'hommes a
violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE,
7 Civ. 1re, 21 févr. 2006, n° 03-12004 P
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu que M. X, notaire associé de la société d’exercice libéral à responsabilité limitée X (la
SELARL) puis, à partir de mai 1995, de la société civile professionnelle X et Ducros (la SCP), a signé,
le 15 octobre 1993, indiquant dans l’acte sa qualité de notaire, un contrat de location bureautique
avec la société Rank Xerox représentée par le directeur général de la société Vaucluse
bureautique service (la société VBS), devenue la société Ordinasud technologies, ainsi qu’un
contrat d’entretien et un contrat de fourniture de logiciels ; que ces conventions avaient pour
objet la fourniture au locataire d’un serveur informatique, de micro-ordinateurs, de divers
matériels et logiciels spécifiques pour chaque poste de travail et le serveur avec un système
d’exploitation produit par IBM, outre le logiciel réseau et les produits de la société Formatext ;
qu’un nouveau contrat de location a été signé le 20 octobre 1993 par M. X avec la société Burobail,
société financière acheteuse du matériel précité, qui prévoyait sa livraison au plus tard le 30
décembre 1993 et le paiement par le locataire d’échéances trimestrielles pendant cinq ans ; que
se plaignant de rencontrer des difficultés dans l’utilisation du réseau informatique, la SCP X et
Ducros a obtenu en référé la désignation d’un expert, contradictoirement avec la société VBS qui
a appelé en cause les sociétés Rank Xerox et Formatext ; qu’après dépôt du rapport d’expertise,
l’”office notarial” a assigné les sociétés VBS, Rank Xerox, Formatext et Burobail pour faire
prononcer la résolution du contrat de vente de l’ensemble des fournitures informatiques, celle
du contrat de location ainsi qu’à les faire condamner à la restitution des loyers et au paiement de
dommages-intérêts ;

19

Et sur le second moyen :


Attendu qu’il est reproché à la cour d’appel d’avoir débouté la SCP X et Ducros de ses demandes
en ce qu’elles étaient fondées sur la responsabilité contractuelle, sans rechercher si elles devaient
prospérer sur le terrain délictuel puisque, qualifiée par elle de tiers aux contrats, la SCP notariale,
seule utilisatrice du serveur informatique et payant l’intégralité des loyers y afférents, avait subi
un préjudice du fait de son fonctionnement défectueux, de sorte qu’en statuant comme elle l’a
fait, la cour d’appel aurait violé ensemble les articles 12 du nouveau Code de procédure civile
ainsi que 1165 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les juges, s’ils peuvent rechercher eux-mêmes la règle de droit applicable au
litige, n’en ont pas l’obligation dès lors que le demandeur a précisé le fondement juridique de sa
prétention, de sorte que la cour d’appel, qui a décidé à bon droit que la SELARL, qui avait fondé
son action sur la responsabilité contractuelle, était tiers aux contrats en cause, n’était pas tenue
de rechercher si les conditions de la responsabilité délictuelle étaient remplies à son égard ; que
le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
8 Cass. ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le premier moyen pris en sa première branche :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’ayant acquis, le 22 février 2003, un véhicule d’occasion vendu
par la société Carteret automobiles avec une garantie conventionnelle de trois mois, M. X... a
assigné son vendeur, le 20 août 2003, en réclamant le coût d’une remise en état du véhicule, la
réduction du prix de vente, et des dommages-intérêts ; que, débouté de ses demandes, il s’est
prévalu devant la cour d’appel de l’application de la garantie contractuelle et de l’existence d’un
vice caché ;
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande en réduction du prix de vente
du véhicule, alors, selon le moyen, que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification
aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ;
qu’en la présente espèce, où M. X... fondait sa demande en réduction du prix de vente sur le fait
que le véhicule était censé être en parfait état lors de la vente puisque le contrôle technique ne
faisait apparaître aucun défaut, le prix fixé étant en outre nettement supérieur à la cote Argus, ce
qui impliquait un véhicule en excellent état, de sorte qu’il pouvait s’attendre à rouler sans aucune
difficulté pendant un certain temps, ce qui n’avait pas été le cas, des travaux ayant été nécessaires
dans le cadre de la garantie contractuelle de trois mois, la cour d’appel se devait de rechercher si
son action n’était pas plutôt fondée sur le manquement du vendeur à son obligation de délivrance
d’un véhicule d’occasion en excellent état général plutôt que sur la garantie des vices cachés de
l’article 1641 du code civil ; qu’en le déboutant de sa demande en réduction du prix au motif que
la circonstance que la pompe à eau et le radiateur aient été changés au titre de la garantie
conventionnelle et que les remplacements de joints se soient avérés nécessaires pendant la
même période ne suffisait pas à établir l’existence de vices cachés antérieurs à la vente, sans
rechercher si les doléances de l’acquéreur ne devaient pas plutôt s’analyser en un défaut de
conformité, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 12 du
20

nouveau code de procédure civile, 1603 et 1604 du code civil ;


Mais attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du nouveau code de
procédure civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes
litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf
règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ;
qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu’elle était saisie d’une demande fondée sur
l’existence d’un vice caché dont la preuve n’était pas rapportée, la cour d’appel, qui n’était pas
tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son
obligation de délivrance d’un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a légalement
justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;


9 Civ. 1re, 19 février 2014, n° 12-23.519
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :
Vu l'article L. 213-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles L. 211-1 à L. 211-
17 du code de la consommation et l'article 12 du code de procédure civile ;
Attendu que les dispositions qui régissent la garantie légale de conformité sont applicables aux
ventes d'animaux conclues entre un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle ou
commerciale et un acheteur agissant en qualité de consommateur ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que Mme X... a acquis le 23 mars
2011 auprès de Mme Y..., éleveur professionnel, un chiot qui, atteint d'hémophilie, a dû être
euthanasié le 31 mai suivant ; qu'elle a saisi la juridiction de proximité, sur le fondement de
l'article 1641 du code civil, aux fins d'obtenir le remboursement du prix de la vente et des frais
médicaux engagés ;
Attendu que pour la débouter de l'ensemble de ses demandes, le jugement, après avoir relevé
que l'acte de vente ne contenait aucune stipulation qui énonçait que les parties avaient convenu
de déroger aux dispositions du code rural et de la pêche maritime, retient que la maladie à
l'origine de la mort de l'animal n'entre pas dans le champ d'application de la garantie légale
prévue par ces dispositions pour les espèces canines ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la vente avait été conclue entre
un vendeur agissant au titre de son activité professionnelle et un acheteur agissant en qualité de
consommateur, en sorte qu'il lui incombait de faire application, au besoin d'office, des
dispositions d'ordre public relatives à la garantie légale de conformité, la juridiction de proximité
a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu…
10 Le point sur la communication en temps utile des pièces et le rôle des parties dans la
détermination de la matière litigieuse : Cass. civ. 1re, 11 juill. 2019, n° 18-20.212
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte authentique du 30 juin 1990, T... E... et son épouse,
J... I..., ont fait donation-partage à leurs trois enfants, D..., U... et H..., de la nue-propriété de leur
21

exploitation viticole ; qu’après le décès de J... I..., T... E... et ses enfants ont conclu, le 29 décembre
1999, une convention relative à l’exercice des droits indivis portant sur une partie des parcelles
objets de la donation-partage, applicable rétroactivement à compter du 17 juin 1999 et pour une
période de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction sauf opposition par lettre
recommandée avec avis de réception par l’un des indivisaires trois mois avant l’échéance ; que,
le 23 décembre 2000, T... E... a consenti à chacun de ses fils et au concubin de sa fille, un bail rural
sur certaines desdites parcelles, contre paiement par chaque preneur du tiers de la récolte des
vignes louées ; qu’après le décès de T... E..., survenu le [...] , Mme H... E... a, par lettre
recommandée du 17 juin 2011, notifié sa sortie de l’indivision avec effet rétroactif au 19
novembre 2010 ; que MM. D... et U... E... l’ont assignée pour voir juger que la convention
demeurait conclue jusqu’au 17 juin 2014 ;

Mais sur le premier moyen :
Vu l’article 15 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour écarter des débats la pièce n° 74 de MM. E, l’arrêt retient que celle-ci,
communiquée le jour-même de la clôture, ne l’a pas été en temps utile et doit être écartée des
débats ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans expliquer, même sommairement, en quoi cette pièce appelait
une réponse, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen :
Vu l’article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire Mme E fondée à demander le partage de l’indivision conventionnelle en
raison de justes motifs et ce, à compter du 17 juin 2011, et rejeter en conséquence les demandes
de MM. E au titre des manquements contractuels de leur soeur après cette date, l’arrêt relève
que, si les considérations sur les effets d’une requalification de la convention du 29 décembre
1999 en société créée de fait sont inopérantes et que les termes de cette convention ne prévoient
pas la cessation de l’indivision en cas de décès de l’usufruitier, Mme E invoque également l’article
1873-3 du c. civil aux termes duquel le partage ne peut être provoqué avant le terme convenu
qu’autant qu’il y en a de justes motifs, et retient que ceux-ci sont établis ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, dans le dispositif de ses conclusions, Mme E sollicitait la nullité de
la convention du 29 décembre 1999, la cour d’appel, qui a modifié l’objet du litige, a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il écarte des débats la pièce n° 74
de MM. E communiquée tardivement, … l’arrêt rendu le 25 mai 2018…

Séance 4 Des principes directeurs hors le code de procédure civile ? L’évolution


des principes structurants du procès sous l’influence de la jurisprudence de la
Cour de cassation
L’exemple du principe de concentration, et ses conséquences.
Expliquez les arrêts suivants :
22

1. Ass. plén., 7 juillet 2006


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué que se prétendant titulaire d’une créance de salaire différé sur la
succession de son père pour avoir travaillé sans rémunération au service de celui-ci, Gilbert Y... a,
sur ce fondement, assigné son frère, M. René Y..., pris en sa qualité de seul autre cohéritier du
défunt, en paiement d’une somme d’argent ; qu’après qu’un jugement eut rejeté cette demande
au motif que l’activité professionnelle litigieuse n’avait pas été exercée au sein d’une exploitation
agricole, Gilbert Y... a de nouveau assigné son frère en paiement de la même somme d’argent sur
le fondement de l’enrichissement sans cause ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir accueilli la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de
chose jugée attachée au jugement rejetant la première demande alors, selon le moyen, “que
l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’en cas d’identité de cause, c’est-à-dire si les demandes
successives sont fondées sur le même texte ou le même principe ; que la cour d’appel a constaté
que la première demande de Gilbert Y... avait été fondée sur le salaire différé défini par le code
rural, tandis que la demande dont elle était saisie était fondée sur l’enrichissement sans cause ;
qu’en estimant que ces deux demandes avaient une cause identique, la cour n’a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1351 du code civil et 480
du nouveau code de procédure civile” ;
Mais attendu qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première
demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ;
Qu’ayant constaté que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée
entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d’une somme d’argent à titre de
rémunération d’un travail prétendument effectué sans contrepartie financière, la cour d’appel en
a exactement déduit que Gilbert Y... ne pouvait être admis à contester l’identité de cause des
deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps
utile, de sorte que la demande se heurtait à la chose précédemment jugée relativement à la
même contestation ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. Gilbert Y... de sa demande de paiement d’indemnité
pour enrichissement sans cause contre M. René Y... ;
AUX MOTIFS QUE si l’identité de parties ne fait l’objet d’aucune contestation, l’identité d’objet, lequel
n’est autre que le résultat attendu, est acquise, dès lors que M. Gilbert Y... réclame la consécration d’un
même droit sur la succession de ses parents (...) la cause est la même, dès lors que les demandes
successives tendent à obtenir une même indemnisation au titre du travail fourni pendant la même période,
seul différant le moyen invoqué, celui ayant donné lieu à la précédente action étant fondé sur la notion de
travail différé tel que régi par l’article L. 213-3 du code rural, alors que celui actuellement proposé découle
des dispositions de l’article 1371 du code civil ; les moyens ne constituent pas un élément de l’autorité de
la chose jugée et ne sont que les instruments de la cause, en ce qu’ils en démontrent l’existence, qu’ils
23

soient tirés des faits ou déduits d’un texte ou d’une notion juridique, en sorte que la présentation d’un
moyen nouveau n’a pas pour conséquence de faire obstacle à l’autorité de la chose, dès lors que la cause
de la demande demeure la même ;
ALORS QUE l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’en cas d’identité de cause, c’est-à-dire si les demandes
successives sont fondées sur le même texte ou le même principe ; que la cour d’appel a constaté que la
première demande de M. Gilbert Y... avait été fondée sur le salaire différé défini par le code rural, tandis
que la demande dont elle était saisie était fondée sur l’enrichissement sans cause ; qu’en estimant que ces
deux demandes avaient une cause identique, la cour n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations et a violé les articles 1351 du code civil et 480 du nouveau code de procédure civile.
2. Civ. 3e, 13 février 2008, n° 06-22.093
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un arrêt du 27 janvier 2000 a, à la demande de M. X..., dit la
société civile immobilière du 24 rue des Petites Ecuries (la SCI) tenue de régulariser la vente d’un
lot de copropriété ; que la SCI a assigné le 2 février suivant M. X... en rescision pour lésion ;
Sur le premier moyen :
Vu l’article 1351 du code civil ;
Attendu que pour dire l’action en rescision recevable, l’arrêt retient qu’il ressort des conclusions
déposées par la SCI dans l’instance ayant abouti à l’arrêt du 27 janvier 2000 et des termes mêmes
de cet arrêt que la SCI qui soutenait que le contrat de réservation ne pouvait être requalifié en
promesse de vente valant vente, n’a pas à l’époque demandé la rescision de la vente pour lésion
mais simplement excipé d’un préjudice résultant du fait qu’elle n’avait pu vendre le bien sur la
base d’un prix minimal de 14 000 francs le m² ; que son action présente ne se heurte donc pas à
l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt précité qui a rejeté toutes ses demandes ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il incombait à la SCI défenderesse à l’action en régularisation forcée
de la vente de présenter dès cette instance l’ensemble des moyens qu’elle estimait de nature à
faire échec à la demande en invoquant notamment la lésion, fondement juridique qu’elle s’était
abstenue de présenter en temps utile, de sorte que l’action en rescision se heurtait à l’autorité
de la chose jugée s’attachant à l’arrêt précédent qui avait constaté l’efficacité du contrat de vente,
la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt.
3. Civ. 1re, 1er juillet 2010, n° 09-10.364
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que, suite au placement en liquidation des biens de la société Fruits et légumes X et fils
à laquelle la caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence avait consenti deux crédits,
celle-ci a assigné les consorts X, qui s’étaient portés cautions de cette société en garantie du
remboursement de ces crédits, en exécution de leurs engagements ; que par jugement
irrévocable du 17 mars 1995, le tribunal de commerce d’Avignon a condamné les consorts X à
payer à la banque les sommes de 800 000 francs et 1 000 000 francs et dit “que les cent bons de
caisse détenus par la caisse régionale de crédit agricole mutuel d’Avignon pour le compte de
Claude et Yves X doivent revenir à ces derniers pour leur montant, augmenté des intérêts
24

conventionnels courus depuis leur dépôt entre les mains de la caisse régionale de crédit agricole
mutuel d’Avignon, venir à due concurrence en compensation des sommes dues à la caisse
régionale de crédit agricole mutuel” ; que les consorts X ont ensuite assigné la banque en
paiement, respectivement, des sommes de 800 000 francs et 1 000 000 francs à titre de
dommages-intérêts, lui reprochant d’abord de ne pas avoir procédé au renouvellement des
hypothèques prises sur les biens de la société Fruits et légumes X et fils en garantie du crédit de
800 000 francs, ensuite de s’être abstenue de demander à la Caisse nationale de crédit agricole
le remboursement des bons de caisse anonymes donnés en gage en garantie du crédit de 1 000
000 francs ;
Attendu que le moyen fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré ces demandes irrecevables en
raison de l’autorité de la chose jugée par le jugement du 17 mars 1995, alors, selon le moyen :
1°/ que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement; qu’il
faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que
la demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité ;
qu’en l’espèce, ainsi qu’il résulte des constatations de l’arrêt, un jugement du 17 mars 1995,
devenu définitif, a condamné les consorts X..., en leurs qualités de cautions, au paiement d’une
certaine somme au profit de la banque créancière, après avoir consacré la dette en son principe
et en son montant ; qu’au cours de l’instance ayant donné lieu à cette première décision, les
cautions se sont bornées à discuter de la validité et de la portée de leurs engagements ; que
comme le constate la cour d’appel elle-même, au cours de cette instance initiale, les consorts X...
n’ont présenté aucune demande reconventionnelle tendant au paiement, par le banquier fautif,
de dommages-intérêts et à la compensation entre ces dommages-intérêts et la créance de la
banque; qu’il s’ensuit que l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du 17 mars 1995,
ayant statué sur la seule demande en paiement de la banque dirigée contre les cautions, ne
s’opposait pas, faute d’identité d’objet entre les deux demandes, qui n’avaient pas les mêmes
fins, à la demande ultérieure des consorts X... tendant à la condamnation de la banque au
paiement de dommages-intérêts, pas plus qu’au jeu de la compensation entre ces dommages-
intérêts et la créance de la banque ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé l’article
1351 du code civil ;
2°/ que seules les parties introduisent l’instance; que l’objet du litige est déterminé par les
prétentions respectives des parties; qu’en l’espèce, pour déclarer irrecevable la demande des
consorts X... tendant à la condamnation de la banque au paiement de dommages-intérêts, fondé
sur le comportement fautif de cette dernière, en raison de l’autorité de la chose jugée attachée
au jugement du 17 mars 1995 ayant condamné les cautions au paiement de la dette principale,
la cour d’appel retient notamment que, poursuivis en paiement par la banque au cours de
l’instance initiale, les cautions n’avaient formé aucune demande reconventionnelle tirée de
l’article 2037 du code civil ou d’un comportement fautif de la banque, tandis qu’elles auraient pu
découvrir les faits de nature à justifier une telle demande ; qu’en statuant ainsi, alors que les
consorts X... n’avaient aucune obligation de mettre en jeu la responsabilité de la banque dès
l’instance ayant abouti à leur condamnation au paiement en qualité de cautions, la cour d’appel
a violé les articles 1 et 4 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention
européenne des droits de l’homme ;
Mais attendu qu’il appartenait aux consorts X... de présenter dès l’instance initiale l’ensemble des
25

moyens qu’ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande ; qu’ayant
relevé que, poursuivis en exécution de leurs engagements de caution, les consorts X... n’avaient
développé lors de l’instance initiale que des contestations relatives à la validité et à la portée de
ces engagements sans faire valoir que la banque avait engagé sa responsabilité civile à leur égard
et devait être condamnée à leur payer des dommages-intérêts qui viendraient en compensation
avec les condamnations prononcées à leur encontre, la cour d’appel en a exactement déduit
qu’était irrecevable la demande dont elle était saisie, qui ne tendait qu’à remettre en cause, par
un nouveau moyen qui n’avait pas été formé en temps utile, la condamnation irrévocable
prononcée à leur encontre ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
4. Civ. 3e, 17 juin 2015, n° 14-14.372
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), rendu en matière de référé, que M. et Mme
X... ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Babeau Seguin ;
qu'à la demande des maîtres d'ouvrage, un précédent arrêt a annulé le contrat et condamné la
société Babeau Seguin à leur restituer les sommes qu'ils avaient versées ; que cette société a
assigné M. et Mme X... pour obtenir l'organisation d'une expertise visant à déterminer la valeur
de la maison conservée par les maîtres de l'ouvrage et le versement d'une provision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de la société
Babeau Seguin, alors, selon le moyen, qu'il incombe aux parties de présenter dans la même
instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu'elles ne peuvent invoquer dans
une instance postérieure un fondement juridique qu'elles s'étaient abstenues de soulever en
temps utile ; qu'en jugeant, après avoir constaté que la cour d'appel avait statué sur la demande
de restitution des époux X... et condamné le constructeur à leur verser, à ce titre, la somme de
114 646, 50 euros, qu'ils ne pouvaient opposer à la société Babeau Seguin « le principe de
concentration des moyens dès lors que la société adverse n'invoque pas un nouveau moyen à
l'appui d'une demande mais une nouvelle demande qui n'a pas été présentée dans le cadre de
l'instance en nullité du contrat ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel » du 13 juin 2012 ni «
aucune autorité de chose jugée », bien qu'il eût appartenu au constructeur de présenter cette
demande, relative à la nullité et aux restitutions, pour s'opposer à la demande de restitution
formulée par les maîtres de l'ouvrage dans cette instance et fonder ses demandes indemnitaires,
la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la cour d'appel n'avait statué que sur la demande de nullité
du contrat de construction de maison individuelle et la demande de restitution des sommes
versées au constructeur en exécution du contrat et ne s'était pas prononcée sur le
remboursement éventuel des prestations fournies par la société Babeau Seguin et retenu que
cette société, qui sollicitait le versement d'une provision à valoir sur le coût de ses prestations,
n'invoquait pas un nouveau moyen à l'appui d'une demande, mais formait une nouvelle
demande, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer le principe de l'autorité de la chose
jugée, que les demandes de la société Babeau Seguin étaient recevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
26

Sur le second moyen :


Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'ordonner une expertise pour évaluer le coût des
matériaux, de la main d'oeuvre, et de la maîtrise d'oeuvre exposé par la société Babeau Seguin et
de les condamner à lui verser une somme provisionnelle, alors, selon le moyen, que la nullité d'un
contrat de construction de maison individuelle prononcée en raison de la violation de règles
d'ordre public protectrices du maître de l'ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la restitution des
sommes versées en exécution de celui-ci sans indemnité pour le constructeur ; qu'en condamnant
les époux X... à verser à la société Babeau Seguin une provision de 75 000 euros aux motifs que «
le fait que (la) nullité ait été prononcée pour des violations de règles d'ordre public est sans effet
sur le droit à paiement des sommes déboursées par le constructeur pour la réalisation de
l'ouvrage », la cour d'appel a violé les articles L. 230-1 du code de la construction et de l'habitation,
ensemble l'article 1304 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. et Mme X... avaient conservé l'ouvrage dont ils n'avaient
pas sollicité la démolition, relevé que la demande de la société Babeau Seguin de remboursement
des sommes exposées lors de la construction de l'immeuble était liée à la remise en état des
parties dans la situation antérieure au contrat annulé et exactement retenu que le prononcé de
la nullité pour violation des règles d'ordre public régissant le contrat de construction de maison
individuelle était, en l'absence de démolition, sans effet sur le droit à restitution des sommes
déboursées par le constructeur, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes de la
société Babeau Seguin devaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

5 Cass. civ. 1re, 12 mai 2016, n° 16-16.743 P


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par contrat d’affermage du 21 décembre 1979, la commune
de Saint-Yrieix (la commune) a confié l’exploitation de son marché aux bestiaux à MM. Joseph et
Jean-Paul X... et à M. François Y..., aux droits de qui se trouvent MM. Bruno X..., Jean-Paul X... et
François Y... (les consorts X...- Y...) ; que, reprochant à la commune d’avoir, malgré la baisse de la
fréquentation du marché, refusé de diminuer le montant de la redevance et de réviser à la hausse
les tarifs des droits de place, et invoquant le déséquilibre dans l’économie du contrat en résultant,
les consorts X...- Y... ont engagé une action en paiement de diverses sommes ; que, par un arrêt
d’une cour d’appel du 10 novembre 2011, devenu irrévocable à la suite du rejet du pourvoi formé
par les consorts X...- Y... (1re Civ., 20 déc. 2012), les demandes formées par ces derniers ont été
déclarées irrecevables, faute d’avoir respecté la procédure de conciliation préalable obligatoire
prévue par l’article 38 de la convention ; que les consorts X...- Y... ayant, parallèlement, assigné la
commune en résiliation dudit contrat, un jugement d’un tribunal de grande instance du 12 avril
2012, devenu irrévocable, a déclaré, au même motif, leurs demandes irrecevables ; qu’après avoir
sollicité, conformément aux stipulations de l’article 38 précité, la désignation d’un tiers expert
auprès du président d’un tribunal administratif, qui, s’estimant incompétent, a refusé d’y
procéder, les consorts X...- Y... ont exercé une nouvelle action contre la commune et demandé,
notamment, l’annulation de cette clause ;
27

Sur le premier moyen du pourvoi :


Attendu que la commune fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que l’action des
consorts X...- Y... soit déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée résultant de
l’arrêt de la cour d’appel de Limoges du 10 novembre 2011, de l’arrêt de la Cour de cassation du
20 décembre 2012 et du jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 12 avril 2012,
alors, selon le moyen :
1°/ qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande
l’ensemble des moyens qu’il estime être de nature à fonder celle-ci ; que la commune faisait valoir
que les demandes des consorts X...- Y... se heurtaient à l’autorité de la chose jugée qui s’attachait
aux précédentes décisions rendues par la cour d’appel de Limoges le 10 novembre 2011,
déclarant irrecevables les demandes indemnitaires des fermiers dirigées contre la commune, par
la Cour de cassation le 20 décembre 2012, rejetant le pourvoi dirigé contre l’arrêt du 10 novembre
2011, et par le tribunal de grande instance de Limoges le 12 avril 2012, dont le jugement, définitif,
déclarait de nouveau irrecevables les demandes indemnitaires des fermiers faute d’avoir respecté
la procédure contractuelle de règlement des litiges ; qu’en estimant que les demandes des
consorts X...- Y... ne se heurtaient à aucune autorité de chose jugée, dès lors que ceux-ci
invoquaient pour la première fois la nullité de l’article 38 de la convention d’affermage prévoyant
à peine d’irrecevabilité des demandes une procédure préalable de règlement des litiges, et qu’il
s’agissait ainsi « d’une demande nouvelle par rapport aux précédentes procédures », bien qu’il
ait appartenu aux fermiers de présenter cette demande de nullité de la clause litigieuse dans le
cadre des instances précédentes en vertu du principe de concentration des moyens, la cour
d’appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°/ qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande
l’ensemble des moyens qu’il estime être de nature à fonder celle-ci ; que le principe de
concentration des moyens s’applique de manière générale et pour tout type de litige ; qu’en
écartant la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée par l’arrêt de la cour de
Limoges du 10 novembre 2011, par l’arrêt de la Cour de cassation du 20 décembre 2012 et par le
jugement du tribunal de grande instance de Limoges du 12 avril 2012, soulevée par la commune,
au motif que, « s’il y a un principe jurisprudentiel de concentration des moyens, il n’est pas étendu
aux demandes, du moins d’une manière générale et pour ce type de litige », la cour d’appel a
violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, s’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première
demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de
présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits ; qu’ayant
constaté que la demande en nullité de la clause de conciliation préalable obligatoire était
présentée pour la première fois par les consorts X...- Y..., la cour d’appel en a exactement déduit
que cette demande ne se heurtait pas à l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions
antérieurement rendues et que, par suite, elle était recevable ;
D’où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche qui critique des motifs surabondants,
n’est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi : (…)
28

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt…


6 Cass. civ. 2e, 27 févr. 2020, n° 18-23.972
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société CA Consumer (la société Consumer), se prévalant
de la déchéance d’un prêt consenti à M. et Mme S... en 2009, les a assignés courant 2014 devant
un tribunal de grande instance en paiement d’une certaine somme ; que M. et Mme S..., qui ont
constitué avocat, n’ont pas conclu ; qu’un jugement du 20 mai 2015 a accueilli la demande de la
société Consumer ; que, courant 2017, M. et Mme S... ont assigné la société Consumer devant un
tribunal d’instance en paiement d’une certaine somme à titre de dommages-intérêts à
compenser avec les sommes restant dues ; qu’ayant interjeté appel du jugement du tribunal
d’instance, M. et Mme S... ont également demandé que soit prononcée la nullité du contrat de
prêt et ordonnée la compensation des créances réciproques éventuelles ;
Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première
branche du moyen unique annexée qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la
cassation ;
Attendu que M. et Mme S... font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable leur demande, alors, selon
le moyen, qu’en déclarant irrecevable la demande des époux S... tendant à l’annulation du prêt
de 75 000 euros et aux restitutions corrélatives au prétexte qu’elle aurait dû être formulée durant
l’instance où l’exécution du prêt a été sollicitée et ayant donné lieu au jugement du tribunal de
grande instance de Draguignan du 20 mai 2015, quand les exposants, qui lors de cette instance
défendaient à la demande d’exécution du prêt émise par la banque, n’avaient pas à formuler une
demande reconventionnelle en nullité dudit prêt et en restitutions corrélatives, la cour d’appel a
violé l’autorité de chose jugée et l’article 1351, devenu 1355 du code civil ;
Mais attendu qu’il appartenait à M. et Mme S... de présenter dès l’instance devant le tribunal de
grande instance l’ensemble des moyens qu’ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou
partiel de la demande de la société Consumer ; qu’ayant relevé que la demande de nullité qu’ils
avaient formée devant le tribunal d’instance concernait le même prêt que celui dont la société
Consumer avait poursuivi l’exécution devant le tribunal de grande instance, la cour d’appel,
faisant par là-même ressortir que la demande de nullité ne tendait qu’à remettre en cause, en
dehors de l’exercice des voies de recours, par un moyen non soutenu devant le tribunal de grande
instance, une décision revêtue de l’autorité de chose jugée à leur égard, a légalement justifié sa
décision ;
D’où il suit que le moyen, pris en sa seconde branche, n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
L’arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU’il a déclaré irrecevable la demande des époux S... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l’ancien article 1351 du code civil [disposition applicable au présent
litige compte tenu de la date des faits] dispose : “L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard
29

de ce qui fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande
soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles
et contre elles en la même qualité.” Dans le cas présent la SA CA CONSUMER FINANCE soulève
l’irrecevabilité des demandes de M. I... S... et Mme U... R... épouse S... car elles sont fondées sur
le même contrat de prêt que celui pour lequel le tribunal de grande instance de Draguignan a déjà
statué le 20 mai 2015 qui est quant à lui revêtu de l’autorité de la chose jugée. Par des motifs
pertinents que la cour adopte le premier juge a considéré à bon droit que le jugement
précédemment rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan a bien statué sur la même
cause puisque c’est le même contrat de prêt dont il a été sollicité l’application par les mêmes
parties, et alors que l’état de M. S... avait bien été consolidé en 2003, soit bien avant que le
jugement soit rendu de telle manière que les demandeurs ne peuvent faire valoir aucune
circonstance nouvelle. Surabondamment il convient de souligner qu’il résulte d’une jurisprudence
constante que la demande qui repose sur un fondement juridique que le demandeur s’était
abstenue de soulever en temps utile (s’agissant ici d’une demande visant à obtenir la nullité du
contrat) se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le
demandeur devant présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des
demandes qu’il estime de nature à fonder celle-ci. Il convient dès lors au regard de l’autorité de
la chose jugée s’attachant au jugement du tribunal de grande instance de Draguignan en date du
20 mai 2015, de confirmer le jugement querellé en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes
formées par M. I... S... et Mme U... R... épouse S... » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « l’article 1351 du code civil définit l’autorité de chose jugée
comme celle ayant fait [’objet d’un jugement sur la même chose demandée, la même cause et les
mêmes parties ; que la nouvelle demande qui invoque un fondement juridique que le demandeur
s’était abstenu de soulever en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement
à la même contestation, le demandeur devant présenter, dès l’instance relative à la première
demande, l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ; que les demandeurs
ne peuvent contester l’identité de cause des deux demandes (le contrat de prêt d’espèce) en
invoquant un fondement juridique qu’ils s’étaient abstenus de soulever lors de la première
instance, ce d’autant que les faits à l’origine du fondement existaient déjà de sorte que les
circonstances n’ont pas été modifiées ultérieurement ; qu’en l’espèce le jugement
précédemment rendu par le tribunal de grande instance a bien statué sur la même cause puisque
c’est le même contrat de prêt dont il a été sollicité l’application par les mêmes parties, et alors
que l’état de monsieur S... avait déjà été consolidé en 2003 soit bien avant que le jugement soit
rendu de sorte que les demandeurs ne peuvent faire valoir aucune circonstance nouvelle ; que la
demande est donc irrecevable » ;
ALORS, premièrement, QUE pour déclarer irrecevable la demande des époux S... en nullité du
prêt de 75 000 € et en restitutions corrélatives, comme se heurtant à l’autorité de chose jugée
par le tribunal de grande instance de Draguignan dans son jugement du 20 mai 2015, les juges du
fond ont considéré que les exposants avaient la qualité de demandeurs ; qu’en statuant ainsi,
quand il résulte des énonciations de ce jugement que les époux S... étaient défendeurs à la
demande de la société CA consumer finance tendant à leur condamnation à payer les sommes
dues au titre de ce prêt,, la cour d’appel a dénaturé ledit jugement du 20 mai 2015 en violation
de son obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
30

ALORS, deuxièmement, QU’en déclarant irrecevable la demande des époux S... tendant à
l’annulation du prêt de 75 000 € et aux restitutions corrélatives au prétexte qu’elle aurait dû être
formulée durant l’instance où l’exécution du prêt a été sollicitée et ayant donné lieu au jugement
du tribunal de grande instance de Draguignan du 20 mai 2015, quand les exposants, qui lors de
cette instance défendaient à la demande d’exécution du prêt émise par la banque, n’avaient pas
à formuler une demande reconventionnelle en nullité dudit prêt et en restitutions corrélatives, la
cour d’appel a violé l’autorité de chose jugée et l’article 1351, devenu 1355 du code civil.

Séance 5 Interrogation écrite

Séance 6 Le jugement
==> Vous définirez les termes suivants : jugement, arrêt, ordonnance, force de chose jugée,
notification, signification, titre exécutoire.
==> Vous expliquerez les arrêts suivants sous forme de plan, détaillé, avec intitulés, et introduction
rédigée comprenant la relation des affaires sous forme de trame générale, et la ou les
problématiques qu’elles semblent poser. Vous pourrez procéder à un plan et à une introduction
groupés si vous l’estimez opportun et pouvez le justifier.

1 L’autorité de la chose jugée


1.1 Civ. 2e, 27 mai 2004, n° 03-04.070
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Natio équipement, devenue
depuis la société BNP, (la banque) a consenti à la société Cogelease une prêt pour lequel M. X...,
dirigeant de la société emprunteuse, s'est porté caution ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire
de la société Cogelease, la banque a assigné M. X... devant le tribunal de commerce de Paris qui,
par un jugement du 29 avril 1994, l'a condamné à payer une certaine somme ; que M. X... a saisi
une commission de surendettement des particuliers en vue d'obtenir un plan conventionnel de
redressement ; que n'ayant pu obtenir l'accord des créanciers, celle-ci a recommandé des
mesures de redressement qui ont été contestées devant un juge de l'exécution ; que celui-ci a,
notamment, rééchelonné le paiement des sommes dues à la banque ; que la cour d'appel a
confirmé son jugement ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir inclus dans le plan de redressement la créance de la
banque fixée par le jugement du tribunal de commerce de Paris dont il soulevait la nullité ;
Mais attendu que l'irrégularité dont peut être entachée une décision judiciaire, celle-ci eût-elle
même été prononcée hors des limites de la compétence de la juridiction saisie, ne fait pas
obstacle à ce que cette décision acquière l'autorité de la chose jugée, si elle n'a pas été attaquée
par les voies de recours ; qu'ayant constaté qu'aucune voie de recours n'avait été exercée à
l'encontre du jugement du tribunal de commerce du 29 avril 1994, la cour d'appel n'avait pas à
répondre aux moyens tirés d'une prétendue nullité de cette décision ;
D'où il suit que le moyen est inopérant ;
31

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi


1.2 Cass. ass. plén., 13 mars 2009, n°08-16.033
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique :
Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu que l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et
a été tranché dans son dispositif ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Civ. 3, 7 décembre 2004), que le
15 novembre 1991, M. Y... a donné à bail à l’Eurl Antoine X... un local à usage commercial ; que la
société X... ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés le 22 juillet 1993, M. X... a
repris en nom propre l’exercice de ses activités ; que sur assignation du 18 juillet 1995 délivrée à
la société X... et à M. X..., le tribunal d’instance du 9e arrondissement de Paris, après jugement
avant dire droit rendu le 7 novembre 1995, a, par jugement du 19 décembre 1995, dit la société
X... mal fondée en toutes ses exceptions, constaté l’acquisition de la clause résolutoire au profit
du bailleur, condamné la société X... et M. X... au paiement d’une certaine somme au titre des
loyers impayés et ordonné l’expulsion de la société X... ; que le 5 février 1999, M. X... a fait
assigner, devant le tribunal de grande instance de Paris, M. Y... et la société Remi en résiliation
du bail du 15 novembre 1991 pour inexécution de ses engagements par M. Y..., et en paiement
de diverses sommes venant en compensation des sommes mises à sa charge par le jugement du
19 décembre 1995 ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de M. X..., en raison de l’autorité de la
chose jugée attachée au jugement du 19 décembre 1995, l’arrêt retient que ce jugement a statué
au vu de demandes identiques à celles reprises à nouveau par M. X... ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le jugement du 19 décembre 1995 n’avait pas tranché dans son
dispositif les demandes reconventionnelles formées par M. X..., la cour d’appel a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevables les
demandes formées par M. X à l’encontre de M. Y, l’arrêt rendu le 14 janvier 2008…
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
L’arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU’il a déclaré irrecevables, comme se heurtant à l’autorité de chose jugée, les demandes formées
par M. X... à l’encontre de M. Y... ;
AUX MOTIFS QUE « la Cour observe que, pour résister à la demande en résolution du contrat de bail, en
expulsion du locataire et en paiement des arriérés de loyers engagée le 18 juillet 1995 par Claude Y...,
Antoine X... a invoqué, dans une note en défense du 7 août 1995, une exception d’inexécution de ses
obligations par le bailleur et une exception de compensation entre les sommes qui lui étaient dues et les
sommes qui lui étaient réclamées ; qu’il a fait valoir que son bailleur n’ayant pas respecté ses propres
engagements (non remboursement du prix des travaux d’installation, non remboursement des honoraires
de rédaction du bail, trouble de jouissance causé par un autre commerce, maintien en fonction d’une
concierge grossière, non prise en charge des dégâts des eaux provoqués par le locataire du dessus), il était
32

fondé à réclamer la résolution du bail, la décharge des loyers, la condamnation de Claude Y... ou de sa
société Remi à lui rembourser ses investissements et à lui payer des dommages et intérêts et a donc
demandé la compensation entre les sommes dues et les sommes qui lui étaient réclamées ; que la Cour
note encore que, par jugement du 19 décembre 1995, après avoir examiné les demandes
reconventionnelles d’Antoine X... et avoir conclu qu’elles étaient dépourvues de fondement au regard des
termes du contrat de bail et notamment de la portée réelle des obligations du bailleur, le tribunal
d’instance a énoncé dans son dispositif «qu’Antoine X... était mal fondé en toutes ses exceptions», et que,
faisant droit en revanche à la demande de Claude Y..., le tribunal a constaté la résiliation du bail, ordonné
l’expulsion du locataire, condamné l’EURL Antoine X... et Antoine X... à payer à Claude Y... 104 000 francs
d’arriérés de loyers, avec exécution provisoire de la décision ; qu’en cet état, la Cour observe que, si le
tribunal n’a pas expressément dit dans son dispositif «qu’il rejetait les demandes de M. X...», il n’en
demeure pas moins qu’en disant les exceptions d’inexécution et de compensation mal fondées et en
faisant intégralement droit à la demande de M. X..., le tribunal a implicitement mais nécessairement écarté
lesdites demandes ; que la Cour note d’ailleurs que M. X... ne s’est pas mépris sur la portée de cette
décision puisque, avant de se désister de son appel, M. Antoine X... a demandé à la Cour d’appel de Paris,
dans des conclusions en date du 14 mai 1996, d’infirmer les dispositions du jugement du 19 décembre
1995 le déboutant de ses demandes reconventionnelles ; que c’est donc en connaissance de cause
qu’ultérieurement, M. Antoine X... et l’EURL Antoine X... ont déclaré, par conclusions du 21 mai 1997, se
désister purement et simplement de leur appel (en conséquence de quoi le conseiller de la mise en état a
constaté, par ordonnance du 18 juin 1997, ledit désistement, l’extinction de l’instance et le
dessaisissement de la Cour) ; que cependant, par acte en date du 5 février 1999, Antoine X... a assigné
Claude Y... et la société Remi en vue de faire juger que, compte tenu des sommes que son bailleur lui devait
et qui venaient en compensation des sommes que ce dernier réclamait, la clause résolutoire n’avait jamais
été acquise et qu’il était dès lors fondé à demander la résolution du contrat et à réclamer l’indemnisation
de tous les investissements qu’il avait réalisés et, au soutien de ces prétentions, il a repris intégralement
son argumentation antérieure et a soutenu que son bailleur n’ayant pas respecté ses propres
engagements, il était fondé à réclamer la résolution du bail, la décharge des loyers, la condamnation de
Claude Y... ou de sa société Remi à lui rembourser ses investissements et à lui payer des dommages et
intérêts, et que les sommes qui lui étaient dues devaient venir en compensation des loyers au paiement
desquels il avait été condamné ; que force est de constater qu’hormis la demande dirigée contre la société
Remi (qui sera examinée ci-après), Antoine X... persiste à présenter une demande qui s’avère en tous
points identique à celle qu’il a présentée le 7 août 1995 et qui a donné lieu à une décision de rejet du 19
décembre 1995 alors que ladite demande vise toujours la même personne et qu’elle est toujours formée
en la même qualité : Antoine X... demande toujours la résolution du contrat aux torts du bailleur pour les
mêmes manquements aux mêmes obligations, la restitution de toutes les sommes qu’il a versées à
quelque titre que ce soit et, à titre de dommages et intérêts, le remboursement de toutes les dépenses
qu’il a faites et des pertes financières qu’il a subies (...)» (arrêt, p. 7, avant-dernier et dernier § et p.8) ;
ALORS QUE, premièrement, l’autorité de chose jugée ne peut être opposée que pour autant qu’il y a
identité entre l’objet de la demande sur laquelle il a été précédemment statué et l’objet de la demande
dont le juge est saisi ;
Qu’il résulte du jugement rendu le 19 décembre 1995 par le tribunal d’instance du 9e arrondissement de
Paris que ce dernier n’a statué que sur la demande de M. Y... tendant à faire constater l’acquisition de la
clause résolutoire et à obtenir le paiement de loyers arriérés ainsi que l’expulsion de l’EURL Antoine X... ;
que l’autorité de chose jugée attachée à cette décision ne pouvait dès lors faire obstacle à la demande
formée par M. X..., qui n’avait pas été soumise au tribunal d’instance du 9e arrondissement de Paris, visant
à l’octroi de dommages et intérêts ; qu’en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l’article 1351
du code civil, ensemble l’article 480 du nouveau code de procédure civile ;
33

ALORS QUE, deuxièmement et en tout cas, faute d’avoir recherché si la demande en dommages et intérêts
formée par M. X... dans le cadre de la présente instance avait été soumise au tribunal d’instance du 9e
arrondissement de Paris quand il a rendu sa décision du 19 décembre 1995, les juges du fond ont privé
leur décision de base légale au regard de l’article 1351 du Code civil, ensemble au regard de l’article 480
du nouveau code de procédure civile.

1.3 Cass. civ. 1re, 30 sept. 2010, n° 09-11.552


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X a commandé le 5 février 1998 à la société Socma une
installation destinée à l’élevage de cailles dont une partie du matériel, des assiettes-mangeoires,
a été fournie par la société Cavenco ; que, par jugement du tribunal de commerce de Romans du
25 avril 2001, la société Socma a été condamnée à en payer le prix à la société Cavenco ; que les
époux X, soutenant que le matériel d’alimentation était inadapté à l’élevage des cailles et que le
matériel d’abreuvement était défectueux, ont fait assigner la société Socma en résolution
judiciaire de la vente et réparation de leurs divers préjudices ; que la société Socma a appelé la
société Cavenco en garantie de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre
;
Sur le premier moyen : (…)

Mais sur le second moyen :


Vu les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevable l’appel en garantie, l’arrêt se fonde sur l’autorité de la
chose jugée attachée à la décision du tribunal de commerce, après avoir relevé que ce jugement
énonçait, dans ses motifs, que la preuve de la non-conformité des marchandises n’était pas
rapportée et décidait, dans son dispositif, que la société Socma n’était pas fondée à s’opposer au
règlement des sommes facturées par la société Cavenco en règlement de ces marchandises ;
Qu’en statuant ainsi alors que l’appel en garantie formé à l’encontre de la société Cavenco par la
société Socma, en considération de la condamnation de celle-ci au profit des époux X..., n’avait
pas le même objet que les prétentions dont ces deux sociétés avaient saisi le tribunal de commerce,
de sorte qu’en le déclarant irrecevable, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevable l’appel en
garantie.
1.4 Cass. civ. 1re, 9 janv. 2019, n° 18-11.734
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, le 25 avril 1997, Mme X... (le chirurgien-dentiste) a posé sur
deux incisives de M. Y... deux couronnes céramique sur pivot et perforé la racine au niveau du
tiers coronaire, lors de la réalisation du tenon sur une des incisives ; qu’après avoir sollicité une
expertise en référé, M. Y... a assigné le chirurgien-dentiste et son assureur, la société Le Sou
médical (l’assureur), en responsabilité et indemnisation de ses préjudices sur le fondement de
l’article 1382, devenu 1240 du code civil ; que, par jugement du 2 juillet 2015, ses demandes ont
été rejetées aux motifs que, le chirurgien-dentiste étant lié par un contrat de soins au patient, sa
responsabilité civile délictuelle ne pouvait être engagée ; que M. Y... a alors assigné aux mêmes
34

fins sur le fondement de l’article 1147 du code précité, dans sa rédaction antérieure à celle issue
de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le chirurgien-dentiste et l’assureur, qui ont
opposé une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée ;
Sur la recevabilité du premier moyen, contestée par la défense :
Attendu, d’une part, que le moyen attaque, outre le chef de l’arrêt qui rejette la fin de non-
recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, la disposition condamnant le chirurgien-dentiste et
l’assureur à payer une indemnité à M. Y..., en réparation de ses préjudices ;
Attendu, d’autre part, que ce moyen, fondé sur le principe de concentration des moyens, est né
de la décision attaquée ;
D’où il suit que le moyen est recevable ;
Et sur ce moyen :
Vu l’article 1351 du code civil ;
Attendu qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande
l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, déclarer M.
Y... recevable en ses demandes et accueillir ses prétentions tendant au paiement de différentes
sommes, l’arrêt relève que les deux instances ont été introduites sur des fondements différents,
de sorte qu’il n’y a pas identité de cause et que le chirurgien-dentiste et l’assureur ne peuvent se
prévaloir de l’autorité de la chose jugée du jugement du 2 juillet 2015 ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la nouvelle demande formée par M. Y... entre les même parties,
avait le même objet et était fondée sur la même cause que la première demande, seul le
fondement juridique différant, de sorte qu’elle se heurtait à l’autorité de la chose jugée, la cour
d’appel a violé le texte susvisé ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile
;
Attendu que la cassation n’impliquant pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond, il n’y a pas lieu
à renvoi ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE dans toutes ses dispositions, l’arrêt ; Déclare irrecevables les
demandes de M. Y ;
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour Mme X... et la société Le Sou
médical.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la
chose jugée attachée au jugement du Tribunal de grande instance de Valence du 2 juillet 2015 et
d’avoir, en conséquence, déclaré Monsieur Ludovic Y... recevable en ses demandes, puis d’avoir
condamné solidairement le Docteur Pascale X... et le SOU MEDICAL à lui payer la somme de 1.000
euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice d’agrément temporaire et
35

d’avoir ordonné, avant dire-droit, un complément d’expertise médicale sur sa demande en


réparation au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
AUX MOTIFS QUE, sur la recevabilité des demandes de Monsieur Y... par application de l’article
1351 du Code civil, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du
jugement ; qu’il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la
même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles, en
la même qualité ; qu’en l’espèce, Monsieur Y..., dans l’instance 14/02187, a été débouté de sa
demande fondée sur la responsabilité délictuelle du Docteur X... ; que, dans l’instance 15/03700,
il a poursuivi le Docteur X... au titre de sa responsabilité contractuelle, et le Tribunal, par un copié-
collé de la décision du 2 juillet 2015, a déclaré Monsieur Y... irrecevable de sa demande au titre
de la responsabilité délictuelle de son adversaire ; que les deux instances ayant été introduites
sur des fondements différents, il n’y a pas identité de cause et les intimés ne peuvent se prévaloir
de l’autorité de la chose jugée de la décision du 2 juillet 2015 ; que, Monsieur Y... est recevable
en ses demandes ;
ALORS QU’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande
l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ; que la nouvelle demande formée
entre les mêmes parties, ayant le même objet et fondée sur la même cause, se heurte à l’autorité
de la chose jugée, et ce, quand bien même elle reposerait sur une fondement juridique différent
; qu’en décidant néanmoins que la demande en réparation formée par Monsieur Y... à l’encontre
du Docteur X... et de son assureur, le SOU MEDICAL, sur le fondement de la responsabilité
contractuelle, était recevable, après avoir pourtant constaté qu’il avait formé la même demande
à l’encontre des mêmes parties, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, devant le
Tribunal de grande instance de Valence, qui l’avait rejetée par un jugement du 2 juillet 2015
devenu définitif, de sorte que sa seconde demande se heurtait à l’autorité de la chose jugée
attachée à ce jugement, la Cour d’appel a violé l’article 1351 du Code civil, dans sa rédaction
antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 480 du Code de procédure civile.

2. La notification du jugement
2.1 Cass. civ. 2e, 16 juin 2005, n° 03-18.982 P
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l’article l’article 503 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu’aux termes de ce texte, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels
ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X..., a été condamné par une cour d’assises, statuant sur
les intérêts civils, à payer des dommages-intérêts à une victime de viols ; que le Fonds de garantie
des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (le FGTI), après avoir versé à la victime
l’indemnité fixée par une commission d’indemnisation des victimes d’infractions, a fait pratiquer
une saisie-attribution sur un compte ouvert au nom de M. X... à La Poste, prise en qualité de tiers
saisi ; que M. X... a saisi le juge de l’exécution d’une demande tendant à voir déclarer nulle cette
saisie ;
36

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt énonce que la décision de la CIVI n’avait pas à
être signifiée à M. X... puisqu’il n’était pas partie à la procédure devant cette juridiction et que
cette procédure est dérogatoire à l’exigence de l’article 502 du nouveau Code de procédure civile
quant à la formule exécutoire puisque la décision de cette commission est exécutoire par elle-
même, mettant en oeuvre l’obligation de paiement qui incombe au FGTI, simple organisme
payeur ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt
Publication : Bulletin 2005 II N° 155 p. 137
Précédents jurisprudentiels : Sur la nécessité de procéder à la notification d’une décision de justice,
préalablement à son exécution forcée, à rapprocher : Chambre civile 2, 1995-03-15, Bulletin 1995,
II, n° 88 ; Chambre civile 2, 2004-01-29, Bulletin 2004, II, n° 33, et l’arrêt cité.
2.2 Civ 2e, 14 septembre 2006, n° 04-20.602
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 502 et 503 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut
avoir pour effet de priver une partie d’un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, qu’un juge aux affaires familiales a, par une
ordonnance de non-conciliation du 9 mai 2001, autorisé les époux X... à résider séparément,
attribué la jouissance du logement à l’épouse et dit que l’autre époux devra quitter les lieux au
plus tard le 15 juin 2001 ; que Mme Y ayant fait changer les serrures du logement, M. Z a saisi un
tribunal d’instance d’une demande de dommages-intérêts à raison du trouble de jouissance
résultant de la voie de fait commise par son épouse ; que M. Z a été débouté de ses demandes ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt retient que l’ordonnance du juge aux affaires
familiales étant exécutoire de droit à titre provisoire dès son prononcé, M. Z... n’avait plus aucun
droit de demeurer dans l’appartement et Mme Y... avait le pouvoir de prendre les mesures lui
garantissant la libre jouissance des lieux, dont celle de changer les serrures ;
Qu’en statuant ainsi, alors que M. Z... soutenait que l’ordonnance de non-conciliation lui avait été
signifiée le 6 juin 2001 par un acte irrégulier et incomplet, la cour d’appel n’a pas donné de base
légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt…
3. L’exécution provisoire du jugement
3.1 Un bénéfice traditionnel pour le gagnant, mais avec des dangers :
3.1.1 : Civ. 2e, 10 sept. 2009, n° 08-18.683
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’ordonnance attaquée rendue en référé par un premier président, qu’un
37

jugement assorti de l’exécution provisoire a condamné Mme X à payer diverses sommes d’une
part à M. Y, d’autre part au groupement foncier agricole du Château de Saint-Auriol qui a fait
pratiquer à son encontre plusieurs saisies-attributions ; que Mme X a demandé l’arrêt de
l’exécution provisoire du jugement ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l’article 524 du code de procédure civile ;
Attendu que pour arrêter l’exécution provisoire du jugement, l’ordonnance se borne à retenir
que le paiement des sommes auxquelles Mme X... a été condamnée peut être très difficilement
récupéré en cas d’infirmation du jugement ;
Qu’en statuant par de tels motifs d’où il ne résulte pas que l’exécution provisoire risquait
d’entraîner pour la débitrice des conséquences manifestement excessives eu égard à ses facultés
de paiement ou aux facultés de remboursement du créancier, le premier président a violé le texte
susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE l’ordonnance rendue par le premier président de la cour
d’appel de Montpellier ; remet la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ladite
ordonnance et les renvoie devant le premier président de la cour d’appel de Nîmes ;
3.1.2 : Cass. ass. plén., 24 févr. 2006, n°05-12.679
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le moyen unique :
Vu l’article 31 de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu que l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux
risques de celui qui la poursuit, à charge par lui, si le titre est ultérieurement modifié, d’en réparer
les conséquences dommageables ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les époux X..., cessionnaires d’un fonds de commerce, ont
obtenu une ordonnance de référé enjoignant à M. Y... de cesser toute activité de livraison de fioul
et d’enlever sous astreinte tout élément permettant de procéder à cette vente ; que cette
décision ayant été infirmée, M. Y... a fait assigner les époux X... en réparation de son préjudice né
de l’exécution de l’ordonnance ; qu’un jugement a condamné les époux X... à payer des
dommages-intérêts à M. Y... ; que par arrêt du 10 juillet 2003 (2e Civ., Bull. 2003, II, n° 244), la
Cour de cassation a cassé la décision d’une cour d’appel ayant infirmé ce jugement et a renvoyé
l’affaire devant une autre cour ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Y..., l’arrêt retient que les époux X... n’ont effectué
aucun acte d’exécution forcée de l’ordonnance du 18 mai 1992, qui a été spontanément exécutée
par M. Y..., lequel, dès lors, ne peut obtenir réparation du préjudice qu’il a subi du fait de cette
exécution ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’ordonnance de référé ayant été signifiée à la requête des époux
X à M. Y le 29 mai 1992, ce dernier était tenu de l’exécuter, la cour d’appel a violé le texte susvisé
;
38

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt.


Moyen annexé à l’arrêt
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. Y de l’ensemble de ses demandes contre les époux X,
AUX MOTIFS QUE M. Y... reproche aux époux X... de l’avoir empêché d’exploiter son activité commerciale
de livraison de fuel domestique à la faveur d’une ordonnance de référé du 18 mai 1992 exécutoire par
provision et réformée par un arrêt du 13 juin 1996 ; que les époux X... n’ont effectué aucun acte
d’exécution forcée de l’ordonnance, qui a été spontanément exécutée par M. Alain Y... ; dès lors, il ne peut
obtenir réparation du préjudice qu’il a subi du fait de cette exécution provisoire ;
ALORS QUE l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux risques et
périls de celui qui l’a obtenue ; qu’il résulte des propres constatations de la cour d’appel que les époux X...
ont obtenu une ordonnance de référé interdisant à M. Alain Y... de poursuivre son activité et lui ordonnant
l’enlèvement de son matériel sous astreinte ; que M. Y... était légalement tenu d’exécuter cette décision
assortie en outre d’une astreinte financière élevée ; qu’en excluant toute responsabilité des époux X... en
raison de cette exécution, la cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil.
3.2 Une révolution ? Le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile,
et posant le principe de l’exécution provisoire de plein droit des décisions de première instance.
Quelles conséquences ? Chronique d’O. Salati à la Revue pratique du recouvrement 2020/2, à
commenter et expliquer.
Procédure civile
Par Olivier SALATI
Maître de conférences HDR Aix-Marseille Université
Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles (EA 4690)
Directeur de l’Institut d’Etudes Judiciaires d’Aix-en-Provence
Directeur du M2 Pro Contentieux et procédures civiles d’exécution
La réforme de la procédure civile ayant rarement atteint une telle ampleur, cette première chronique ne
pouvait qu’y être consacrée. Elle ne l’aborde évidemment pas dans sa globalité, mais dans deux aspects
d’importance : l’exécution provisoire de droit des décisions de première instance, et la nouvelle procédure
accélérée au fond remplaçant la procédure en la forme des référés. Les prochaines chroniques auront
l’occasion de développer d’autres facettes de la réforme, ainsi que l’actualité jurisprudentielle.
I. Actualité législative
1 Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile : instauration du principe de
l’exécution provisoire de droit.
Généralités. On ne sait pas s’il existe un sens de l’histoire en procédure civile, mais il est certain que
l’élargissement de l’exécution provisoire des décisions de première instance est une constante depuis les
années 1990. On se souvient du Rapport remis au garde des Sceaux le 1er janvier 1997, dit Rapport Coulon,
qui, au titre de réflexions et de propositions sur la procédure civile, entendait consacrer l’exécution
immédiate des jugements de première instance, et, en 2018, du Rapport Agostini-Molfessis sur
l’amélioration et la simplification de la procédure civile, considérant que « l’absence d’exécution provisoire
de droit renforce (…) l’idée que la décision de première instance souffre d’une précarité congénitale »
(Rapp., p. 37). Or, le pas vient d’être franchi avec le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant
la procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 2020, puisqu’en effet le nouvel article 514 du code de
procédure civile pose en principe que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre
provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ». L’exécution provisoire
nonobstant appel est donc généralisée dans notre système procédural.
39

Cette systématisation ne devrait pas faire l’unanimité, car les oppositions ont toujours été fortes sur la
question. Du côté des tenants de la nouvelle solution de principe, l’argumentaire est connu. On peut lire
dans le Rapport Coulon de 1997 qu’il convient « dans un souci de bonne administration de la justice, par
l’exécution immédiate, de donner son plein effet au jugement rendu en première instance et de lutter
contre les recours dilatoires », et dans le rapport Agostini-Molfessis de 2018 que « la qualité du service
rendu au justiciable impose à la justice civile d’intégrer la dimension de l’exécution dans les décisions qu’elle
rend », « la revalorisation de la décision civile de première instance [devant] s’accompagner de l’inversion
du dispositif prévu par les articles 514 et suivants du code de procédure civile » (Rapp., p. 37-38). Du côté
des opposants, Roger Perrot, tout particulièrement, soulignait en 2002 que l’instrument d’une exécution
rapide existait déjà entre les mains du premier juge, qui, s’il l’estimait nécessaire, pouvait toujours
ordonner l’exécution provisoire, y compris d’office (Bull. inf. C. cass., Hors série, Rencontre Université-
Cour de cassation – La procédure civile, L’exécution provisoire, Bilan et perspectives – Débats, 14 juin
2002), et qu’aurait-il oublié de l’ordonner, ou l’aurait-il refusé, l’exécution provisoire pouvait encore être
demandée, en cas d’appel, au premier président statuant en référé, ou, dès lors qu’il était saisi, au
magistrat chargé de la mise en état (CPC, art. 525 et 525-1) ; et de conclure qu’une exécution provisoire
automatique incitant les praticiens à donner toute son importance au premier degré de juridiction,
revenait en réalité à décourager l’appel avec les dangers que cela comporte pour le justiciable condamné
si le premier juge s’est trompé.
Ces dangers ont effectivement été perçus, car l’exécution provisoire de droit nonobstant appel se heurte
de front au risque de non-représentation des fonds en cas de condamnation pécuniaire infirmée au second
degré, ou aux conséquences irréversibles de certaines mesures comme l’expulsion ou la démolition. Le
droit pour le justiciable de demander au premier président de la cour d’appel un sursis à exécution de la
décision attaquée constitue ici une garantie essentielle des droits de la défense, la généralisation de
l’exécution provisoire nonobstant appel n’étant tolérable que s’il est réellement possible d’obtenir le
sursis. On y reviendra plus loin, mais le décret du 11 décembre 2019 ne semble pas s’inscrire dans une
perspective large du cas d’ouverture.
Plus largement, même si les décisions de justice puisent leur efficacité dans leur exécution, l’exécution
provisoire de droit doit impérativement s’accompagner d’autres limites. Notamment, elle ne doit pas être
admise dans certains cas énumérés par la loi (par exemple en matière d’état et de capacité des personnes,
en matière familiale certaines décisions, en matière de divorce judiciaire la prestation compensatoire, ou
s’agissant des jugements en matière de filiation), et le juge de première instance doit pouvoir, d’office ou
à la demande des parties, l’écarter par une décision motivée, ou la subordonner à la constitution d’une
garantie par le bénéficiaire.
Avec l’instauration du principe de l’exécution provisoire de droit des décisions de première instance, de
telles soupapes de sécurité deviennent essentielles. Qu’en est-il dans le décret du 11 décembre 2019
réformant la procédure civile ?
Nouveau principe. Jusqu’au 1er janvier 2020, l’article 514 alinéa 1er disposait que « l’exécution ne peut pas
être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n’est pour les décisions qui en bénéficient de plein droit ». Or,
l’article 514 nouveau, en tête du chapitre consacré à l’exécution provisoire lui-même divisé, à partir des
articles 514-1 et suivants, en trois nouvelles sections, inverse ce principe, et dispose désormais que « les
décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou la décision
rendue n’en dispose autrement ». L’exécution est de plein droit mais reste une exécution provisoire,
d’origine légale, que dans le régime nouveau la loi ou le juge peuvent écarter. Le texte organise, on le voit,
une répartition des pouvoirs entre la loi et le juge. Si elle reste provisoire, l’exécution de droit se fait donc
toujours aux risques du créancier, particulièrement sous l’angle d’éventuelles mesures d’exécution forcée.
On sait que l’article L. 111-10, alinéa 1er, du code des procédures civiles d’exécution admet que l’exécution
forcée puisse « être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire », et de ce
40

point de vue son application est renforcée par le nouveau principe, mais, dans ce cadre, l’application de
son alinéa 2 aussi, qui souligne que « l’exécution est poursuivie aux risques du créancier ».
L’exécution provisoire de droit. C’est l’intitulé de la section 1 nouvelle du chapitre sur l’exécution
provisoire, articles 514-1 à 514-6, d’où il ressort, à première lecture, une place importante accordée au
juge dans le cadre légal, puisque c’est lui qui « peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie,
s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire » (art. 514-1, al. 1). Cette faculté de mise à
l’écart ab initio par la décision en cause (CPC, art. 514-2), avec appréciation souveraine, est importante,
car dans le régime antérieur, s’agissant de l’exécution provisoire attachée de plein droit à une décision,
seul un arrêt était possible, par le premier président, « en cas de violation manifeste du principe du
contradictoire ou de l’article 12 et lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement
excessives » (CPC, art. 524 ancien, dern. al.) ; où l’on voit, dans le nouveau régime, que l’exécution
provisoire de droit est légale par sa source, mais judiciaire dans sa mise en œuvre si le juge peut décider
de l’écarter : « à la demande d’une partie », et même « d’office » précise l’alinéa 2 de l’article 514-1, et en
tout cas « par décision spécialement motivée ». L’alinéa 3 de l’article 514-1 rappelle cependant
l’interdiction faite au juge d’écarter l’exécution provisoire de droit dans un certain nombre de cas : il en
est ainsi « lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il
ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de
juge de la mise en état ». Ces décisions sont exécutoires de droit à titre provisoire, comme dans l’ancien
article 514 alinéa 2, et sont sanctuarisées en tant que telles.
Comme il y a des dangers à une exécution immédiate, comme il y a quelque chose de brutal dans
l’automaticité de l’exécution de plein droit (V. déjà H. Croze, Bull. inf. C. cass., Hors série, préc., L’arrêt et
l’aménagement de l’exécution provisoire), il était capital de permettre un arrêt indirect de celle-ci par le
juge, en organisant un sursis à l’exécution de la décision. Mais la difficulté, ici, était d’imaginer un système
équilibré : le sursis à exécution devait constituer une véritable soupape de sécurité, mais le législateur a
voulu en limiter le fonctionnement, de manière à ce qu’il n’aboutisse pas à anéantir la nouvelle exécution
provisoire de droit des décisions de première instance, c’est-à-dire à restituer trop facilement à l’appel un
effet suspensif d’exécution. De fait, si le droit au sursis à exécution existe bien, dans l’article 514-3 du CPC,
devant le premier président en cas d’appel (Il existe aussi en cas d’opposition, l’alinéa 3 de l’article 514-3
disposant que dans ce cas, « le juge qui a rendu la décision peut, d’office ou à la demande d’une partie,
arrêter l’exécution provisoire de droit lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement
excessives »), les critères cumulatifs permettant de l’obtenir seront a priori rarement réunis.
Le premier de ces critères, l’expérience en a été faite avec les décisions rendues par le juge de
l’exécution. On sait qu’en cette matière, l’appel n’a pas d’effet suspensif (C. pr. exéc., art. R. 121-21), mais
qu’un sursis à l’exécution des décisions prises par le JEX peut être demandé, par assignation en référé au
premier président, qui ne l’accordera « que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de réformation
de la décision déférée à la cour » (même texte, al. 3). Il est certain qu’un sursis à exécution n’a de sens que
s’il existe des moyens sérieux d’infirmation (ou d’annulation), mais on sait aussi qu’une telle demande
amène un premier président à se prononcer sur le caractère sérieux du moyen d’appel dans une affaire
dont il n’a aucune connaissance antérieure ; outre le temps que cela nécessite, un chef de juridiction est
a priori peu enclin à faire cet examen au fond des mérites de l’appel, et à anticiper, même à titre provisoire
et au niveau des apparences, sur ce qui sera ultérieurement jugé par la cour, au risque d’être contredit par
la formation collégiale appelée à statuer sur le fond (V. R. Perrot, obs. préc., et à la RTD civ. 2012, P. 774,
sous Civ. 2e, 28 juin 2012, n° 10-13.884). Bref, ce critère n’est pas d’un maniement simple, et son aspect
qualitatif propice au contentieux.
Mais ce n’est pas le seul, car aux termes de l’article 514-3, alinéa 1er, du CPC, le premier président ne
pourra arrêter l’exécution provisoire de la décision que si, en plus, elle « risque d’entraîner des
conséquences manifestement excessives » pour le débiteur, eu égard aux facultés de remboursement du
41

créancier (V. Cass. Ass. plén., 2 nov. 1990, n° 90-12.698). Autant dire qu’avec un tel cumul, l’exécution
provisoire de principe des décisions de première instance sera rarement arrêtée, ce qui est sans doute le
vœu du législateur face aux recours, nombreux, qui seront portés devant le premier président en cas
d’appel. Précision qui a son importance : dans le cadre de ce recours devant le premier président, la
demande de la partie qui, comparante en première instance, n’avait pas fait valoir d’observations sur
l’exécution provisoire, ne sera recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de
réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives « qui
se sont révélées postérieurement à la décision de première instance » (même texte, al. 2). Le système est
encore plus verrouillé dans cette hypothèse de négligence ou d’oubli…
Reste globalement à savoir quelle sera, en amont, la réaction des juges de première instance face à une
exécution provisoire désormais automatique, et s’ils y verront une situation à problème les incitant à
écarter celle-ci, parce qu’ils l’estiment « incompatible avec la nature de l’affaire » aux termes de l’article
514-1, alinéa 1 du CPC. On peut regretter que le cas où l’exécution provisoire présenterait d’emblée un
risque de conséquences manifestement excessives n’ait pas été ajouté, cela aurait donné au juge un réel
pouvoir d’écarter l’exécution provisoire de droit…
L’application automatique de l’exécution provisoire des décisions de première instance peut aussi être
tempérée par des mécanismes de sauvegarde, qui remédient à son irréversibilité. Dans le décret du 11
décembre 2019, ces modalités d’aménagement revêtent une grande importance, et reposent sur des
techniques connues de constitution de garantie ou de consignation. C’est ainsi qu’aux termes de l’article
514-5, « le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit (et le
rétablissement de l’exécution provisoire de droit) peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou
d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes
restitutions ou réparations ». Le risque de défaillance financière du créancier accipiens est ainsi conjuré.
Par ailleurs, l’article 521, alinéa 1, inséré dans la nouvelle section III : Dispositions communes (à l’exécution
provisoire de droit de la section I et à celle facultative de la section II), du chapitre sur l’exécution
provisoire, rappelle que « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes
indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur
autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le
montant de la condamnation » (L’alinéa 2 de l’article 521 dispose comme auparavant qu’ « en cas de
condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi
ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part
que le juge détermine »). L’exécution est donc évitée en contrepartie d’une consignation par le débiteur
solvens.
Enfin, dans l’hypothèse où l’exécution provisoire de droit aurait été écartée, en tout ou partie, par la
décision de première instance qui l’aurait estimé incompatible avec la nature de l’affaire, la juridiction des
premiers présidents sera également sollicitée. En effet, le décret du 11 décembre 2019 donne au premier
président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état, dans le nouvel article 514-4 du
CPC, le pouvoir de la rétablir en cas d’appel, mais à des conditions très strictes puisque trois critères
cumulatifs doivent être réunis : il faut « qu’il y ait urgence, que ce rétablissement soit compatible avec la
nature de l’affaire et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives ». Autant
de limites : « urgence », « conséquences manifestement excessives », qui caractérisent la juridiction des
référés ; l’article 514-6 le confirme, qui dispose que lorsqu’il est saisi de la demande de rétablissement en
application de l’article 514-4, « le premier président statue en référé, par une décision non susceptible de
pourvoi ».
Il est difficile de tirer une conclusion sur le nouveau droit positif, mais il n’y a, a priori, que peu de
différences entre un système dans lequel le juge peut, même d’office, assortir sa décision de l’exécution
provisoire, et celui issu du décret du 11 décembre 2019 dans lequel l’exécution provisoire est de droit,
sauf au juge à l’écarter (En ce sens, obs. H. Croze, préc.). En revanche, la juridiction du premier président
42

est appelée à jouer un rôle essentiel, car c’est d’elle que va dépendre, concrètement, la possibilité
d’arrêter l’exécution au travers des critères stricts et délicats de l’article 514-3, alinéa 1, du CPC…
L’exécution provisoire facultative. A côté de l’exécution provisoire de droit des décisions de première
instance, prévue par la section 1 du chapitre IV consacré à l’exécution provisoire (art. 514-1 à 514-6), le
décret du 11 décembre 2019 a organisé une section 2 relative à l’exécution provisoire facultative, articles
515 à 517-4. Il n’y a que peu d’intérêt à détailler ici un système qui est connu. Rappelons simplement la
nouvelle formulation de l’article 515, alinéa 1, du code de procédure civile : « lorsqu’il est prévu par la loi
que l’exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d’office ou à la demande d’une partie,
chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire », et pour tout ou partie
de la décision. Elle peut bien sûr être subordonnée à la constitution d’une garantie suffisante pour
répondre d’éventuelles restitutions ou réparations (art. 517).
Il convient toutefois de noter, en matière d’arrêt, en cas d’appel, de l’exécution provisoire ordonnée, la
réunion obligatoire des deux critères cumulatifs déjà évoqués pour l’arrêt de l’exécution provisoire de
droit, c’est-à-dire que le premier président devra constater qu’il « existe un moyen sérieux d’annulation ou
de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement
excessives » (CPC, art. 517-1, 2°). Son office est donc ici aussi étendu, avec le même risque de pré-jugement
de l’appel. Jusqu’au 1er janvier 2020, seul le risque de conséquences manifestement excessives était
nécessaire.
A noter également que le même pouvoir appartient, en cas d’opposition, au juge qui a rendu la décision,
« lorsque l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives » (même texte, al. 2).
Les autres dispositions restent identiques même si leur numérotation change.
Exceptions à l’exécution provisoire de droit. Le décret du 11 décembre 2019 a également prévu un certain
nombre d’exceptions à l’exécution provisoire de droit, par ajout de dispositions nouvelles à des textes
existants.
En matière de nationalité des personnes physiques, l’article 1045 disposait déjà que « le délai de pourvoi
en cassation suspend l’exécution de l’arrêt qui statue sur la nationalité ; le pourvoi en cassation exercé
dans ce délai est également suspensif » ; le décret de 2019 insère un premier alinéa à ce texte, précisant
que « le jugement qui statue sur la nationalité n’est pas de droit exécutoire à titre provisoire ». C’est la
même chose : - s’agissant des actes de l’état civil, où, à propos de la rectification et de l’annulation
judiciaire, le nouvel article 1054-1 décide que la décision qui ordonne la modification « n’est pas de droit
exécutoire à titre provisoire » ; - s’agissant des procédures relatives au prénom (art. 1055-3, second al.
nouv.) ; - s’agissant de la modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil (art. 1055-10
nouv.) ; - en matière de déclaration d’absence (art. 1067-1 nouv.) ; - dans la procédure en matière
familiale, où l’article 1074-1 est modifié, un alinéa premier nouveau venant préciser qu’ « à moins qu’il
n’en soit disposé autrement, les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l’instance ne sont
pas, de droit, exécutoires à titre provisoire » (en revanche, « par exception », les mesures portant
notamment sur la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant et la
contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du
code civil, sont exécutoires de droit à titre provisoire (CPC, art. 1074-1, al. 2) ; - en matière d’actions
relatives à la filiation et aux subsides, le deuxième alinéa de l’article 1149, complété, posant expressément
le principe que le jugement « n’est pas de droit exécutoire à titre provisoire » ; - dans les dispositions
communes à l’adoption, enfin, un nouvel alinéa étant inséré au début de l’article 1178-1 pour affirmer la
règle que « la décision relative à l’adoption n’est pas de droit exécutoire à titre provisoire ».
(…).

Séance 7 Les voies de recours ordinaires : l’appel


43

1 L’effet dévolutif de l’appel


1.1 Cass. civ. 2e, 6 janv. 2012, n° 10-17.824, B.C. II, n° 6.
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué que M. X... a assigné son épouse, Mme Y... en divorce sur le
fondement de l’article 237 du code civil ; que cette assignation ne comportant pas de proposition
de règlement des effets pécuniaires et patrimoniaux du divorce, l’épouse en a soulevé
l’irrecevabilité avant toute défense au fond ; qu’un jugement ayant accueilli cette fin de non-
recevoir, M. X... en a interjeté appel et a conclu au prononcé du divorce ;

Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l’arrêt de prononcer le divorce des époux pour altération
définitive du lien conjugal, alors, selon le moyen, que le juge doit en toute circonstance faire
observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il s’ensuit que lorsqu’une partie
n’a conclu que sur une fin de non-recevoir, le juge ne peut statuer au fond qu’à la condition d’avoir
invité préalablement les parties à conclure sur le fond ; que, dès lors, la cour d’appel, qui a
prononcé d’emblée le divorce des époux X...-Y... quand Mme Y... n’avait conclu que sur la seule
irrecevabilité de la demande introductive d’instance du divorce et n’avait pas reçu une
quelconque injonction de conclure au fond, a violé l’article 16 du code de procédure civile et le
principe de la contradiction ;
Mais attendu que l’appelant ayant déféré l’entier litige à la cour d’appel par un acte d’appel
général et conclu au fond, il appartenait à l’intimée de ne pas limiter ses conclusions à la seule
recevabilité de la demande introductive d’instance, et la cour d’appel, saisie par l’effet dévolutif
de l’appel, a pu statuer sur l’ensemble des données de ce litige, sans être tenue d’inviter l’intimée
à s’expliquer sur le fond ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
1.2 Cass. civ. 2e, 9 févr. 2012, n° 11-17-212
REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été victime le 2 mai 1995 d’un accident de la
circulation impliquant le véhicule de M. Y..., assuré auprès de la société Groupama (l’assureur) ;
qu’en mars 1996, M. X... a ressenti une importante fatigue accompagnée de troubles de la
mémoire et de la concentration et a cessé toute activité professionnelle peu de temps après ;
qu’au terme d’une expertise amiable, M. X... et Mme X..., agissant en qualité de curatrice de son
époux (les époux X...), ont saisi un tribunal de grande instance, en référé, puis au fond, aux fins
de voir ordonner une expertise judiciaire, reconnaître le lien de causalité entre l’aggravation de
son état de santé et l’accident de la circulation et indemniser les préjudices ;
(…)
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 561 et 562 du code de procédure civile ;
44

Attendu que l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit
à nouveau statué en fait et en droit ;
Attendu que l’arrêt, constatant qu’une expertise a été ordonnée par le tribunal de grande
instance, dit qu’il appartiendra à M. X..., assisté de sa curatrice, de chiffrer devant le premier juge
qui a renvoyé l’affaire à la mise en état pour l’évaluation de son préjudice corporel sa demande
d’indemnisation des conséquences corporelles de l’accident du 2 mai 1995 au vu des
constatations médico-légales du professeur Z... et du docteur A... dans leur rapport du 9
décembre 2003 ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui était saisie de l’entier litige par l’appel général interjeté,
a méconnu l’étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE…

1.3 Cass. civ. 2e, 2 juill. 2020, n° 19-19.954


Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 20 mars 2019), un jugement du 21 septembre 2017 a condamné
la société Siloge à payer une certaine somme à la société Normafi et a débouté ces deux sociétés
de leurs autres demandes.

2. La société Normafi ayant interjeté appel de cette décision, la société Siloge a soutenu que la
cour d’appel n’était saisie d’aucune demande, faute pour l’appelante d’avoir indiqué dans la
déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, ci-après annexé (…)

Mais, sur le moyen, pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

4. La société Normafi fait grief à l’arrêt de « constater l’absence d’effet dévolutif de l’appel, la cour
n’étant saisie d’aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer ou infirmer telle
ou telle disposition du jugement entrepris », et dire en conséquence n’y avoir lieu de statuer sur
son appel principal, alors :

1° / que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique
expressément ; que la déclaration d’appel de la société Normafi indiquait expressément que ce
dernier tendait à la « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs » relatifs aux
demandes qu’elle énumérait, de sorte que l’appel avait déféré à la cour la connaissance de ces
chefs du jugement ; qu’en retenant qu’elle n’aurait été saisie d’aucune demande de la société
45

Normafi tendant à voir réformer « telle ou telle disposition du jugement entrepris », la cour
d’appel a violé les articles 4 et 562 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge a l’obligation de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ; que la déclaration
d’appel définissait expressément l’objet de l’appel dans les termes suivants : « réformation et/ou
annulation de la décision sur les chefs suivants : appel aux fins de voir : - prononcer le sursis à
statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été
établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner
la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge
reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous
astreinte de 132 000 euros », soit les demandes de la société Normafi rejetées par le jugement et
donc, les chefs du jugement par lesquels la société Normafi avait été déboutée de ces demandes ;
qu’en retenant que la déclaration d’appel se serait bornée à énumérer certaines demandes de
l’appelante, sans qu’il soit « aucunement fait référence » aux chefs du jugement critiqués, la cour
d’appel a dénaturé cet acte et violé le principe susvisé ;

3°/ qu’en tout état de cause, la seule sanction attachée à l’absence de mention, dans la déclaration
d’appel, des chefs du jugement critiqués, consiste dans la nullité de l’acte pour vice de forme,
l’article 562 du code de procédure civile n’édictant aucune fin de non-recevoir ; qu’en déniant à
l’appel tout effet dévolutif, sans avoir caractérisé la nullité de la déclaration d’appel, la cour
d’appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile ;

4°/ qu’en toute hypothèse, les limitations apportées au droit d’accès au juge doivent être
proportionnées à l’objectif visé ; qu’en retenant, pour dire qu’elle n’était saisie d’aucune demande
tendant à voir réformer le jugement, que la déclaration d’appel se bornait à énumérer des
demandes de l’appelante, sans qu’il soit fait référence aux chefs du jugement critiqués, quand le
visa, au titre des chefs critiqués, des demandes dont l’appelante avait été déboutée par le tribunal
de commerce, ne laissait subsister aucun doute sur l’objet de l’appel, qui critiquait ainsi sans
ambiguïté le chef par lequel le jugement avait débouté la société Normafi de ces demandes, la
cour d’appel, procédant à une application excessivement formaliste de l’article 562 du code de
procédure civile, a porté une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge, au point de
l’atteindre dans sa substance même, et a violé l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Réponse de la Cour

5. En vertu de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-
891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique
expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque
l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

6. En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
46

7. Il en résulte que lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans


mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien
même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé.

8. Par ailleurs, la déclaration d’appel affectée d’une irrégularité, en ce qu’elle ne mentionne pas
les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans
le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond conformément à l’article 910-4, alinéa 1, du
code de procédure civile.

9. Ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans
lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté
et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette
procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d’accès au
juge d’appel.

10. Dès lors, la cour d’appel, ayant constaté que la déclaration d’appel se bornait à solliciter la
réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumérait et que l’énumération
ne comportait que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en a déduit à bon
droit, sans dénaturer la déclaration d’appel et sans méconnaître les dispositions de l’article 6, §
1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’elle
n’était saisie d’aucun chef du dispositif du jugement.

11. Le moyen n’est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ;

1.4 Civ. 2e, 19 mars 2020, n° 19-11.387

Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Dijon, 29 novembre 2018), un tribunal des affaires de sécurité sociale,
saisi d’une opposition formée par M. E... contre une contrainte émise à son encontre par la caisse
du régime social des indépendants, devenue la caisse locale déléguée à la sécurité sociale des
indépendants de Bourgogne-Franche-Comté (la caisse), a validé cette contrainte et condamné,
en conséquence, M. E... à verser une certaine somme à cette caisse.
2. M. E... a relevé appel de ce jugement par une déclaration indiquant former un « appel en nullité
» puis, a demandé, à l’audience de la cour d’appel, l’annulation de la contrainte pour les motifs
qu’il avait invoqués devant le premier juge.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. E... fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande d’annulation du jugement et de dire en
47

conséquence que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité
sociale de Dijon produira tous ses effets alors « que lorsque l’appel porte sur la nullité du
jugement et non sur celle de l’acte introductif d’instance, la cour d’appel, saisie de l’entier litige
par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la
nullité ; qu’en se contentant de se prononcer sur la demande tendant à l’annulation du jugement
et, à ce titre, de juger non fondé le moyen tiré de l’absence de partialité du tribunal des affaires
de sécurité sociale, la cour d’appel, qui n’a pas statué sur le fond de la contestation, ce dont elle
était pourtant tenue, a violé l’article 562, alinéa 2, du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 561 et 562, alinéa 2, du code de procédure civile, ensemble l’article 549 du même
code :
5. Lorsqu’un appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l’acte introductif d’instance,
la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de statuer sur le
fond quelle que soit sa décision sur la nullité.
6. Pour dire que le jugement déféré produira tous ses effets, l’arrêt retient que l’appelant a fait
le choix de ne poursuivre que l’annulation du jugement par la voie de son appel, de sorte qu’il
n’est pas en droit d’étendre ultérieurement cet appel à une demande de réformation de ce
jugement en l’absence d’appel incident de l’Urssaf, qui exclut l’application de l’article 549 du code
de procédure civile permettant à une partie, même si elle a été l’auteur d’un appel principal, de
former un appel incident à condition qu’il ait été provoqué par l’appel d’une autre partie.
7. En statuant ainsi, alors qu’elle était saisie d’un appel tendant à l’annulation du jugement, ce
dont il résultait qu’en réitérant les moyens qu’il avait soumis au premier juge l’appelant ne
formait pas un appel incident, la cour d’appel, qui n’a pas statué sur le fond, a violé les textes
susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
8. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l’arrêt fondant la décision
de débouter M. E... de sa demande d’annulation du jugement, la cassation ne peut s’étendre à
cette disposition de l’arrêt qui n’est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de
l’arrêt critiqués par ce moyen.
9. La cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne, toutefois, par voie de conséquence, la
cassation des chefs de dispositif qui « déclare irrecevable l’appel incident, formé oralement à
l’audience, tendant à la réformation du jugement » et « condamne M. E... à payer le droit prévu
à l’article R. 144-10 du code de la sécurité sociale et liquide le montant de ce droit à la somme de
331 euros ».
PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que le jugement
rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Dijon produira tous ses
effets, déclare irrecevable l’appel incident, formé oralement à l’audience, tendant à la
réformation du jugement, condamne M. E... à payer le droit prévu à l’article R. 144-10 du code de
la sécurité sociale et liquide le montant de ce droit à la somme de 331 euros, l’arrêt rendu le 29
novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ;
48

Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et
les renvoie devant la cour d’appel de Besançon ;
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. E... fait grief à l’arrêt attaqué de l’avoir débouté de sa demande d’annulation du jugement et
d’avoir en conséquent dit que le jugement rendu le 9 janvier 2018 par le tribunal des affaires de
sécurité sociale de Dijon produira tous ses effets ;
AUX MOTIFS QUE le président a, à l’audience, attiré l’attention des parties sur le fait qu’un «
appel-nullité » ne tendait qu’à l’annulation du jugement et non à sa réformation, et leur a
demandé de présenter leurs observations sur la possibilité d’ajouter à l’audience une demande
de réformation ; que M. E... a indiqué avoir utilisé un formulaire obtenu auprès d’un groupement
dont il est membre ; que la déclaration d’appel est ainsi rédigée : « Je fais appel en NULLITE du
jugement du 9/01/2018 ... L’appel nullité est de droit quand sont portées des atteintes graves aux
droits fondamentaux. Tel est le cas, le tribunal ayant fait preuve d’une partialité systématique à
l’avantage de mon adversaire en refusant d’appliquer les dispositions européennes et les lois
françaises qui les ont transposées, violant ainsi les dispositions de la constitution française et de
la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui donnent à
tout justiciable le droit d’un tribunal impartial » ; qu’aux termes de l’article 542 du code de
procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier
degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ; que M E... s’est en réalité situé
dans ce cadre légal et non dans celui de l’appel-nullité permis seulement, alors qu’aucun recours
n’est normalement ouvert, en cas d’excès de pouvoir commis par une juridiction ; que son appel
est donc recevable ; que M E... a fait le choix de ne poursuivre que l’annulation du jugement par
la voie de son appel ; qu’il n’est pas en droit d’étendre maintenant cet appel à une demande de
réformation de ce jugement ; que l’URSSAF ne forme aucun appel incident puisqu’elle demande
au fond la confirmation du jugement ; qu’il n’y a donc pas lieu à application de l’article 549 du
code de procédure civile qui permet à une partie, même si elle a été l’auteur d’un appel principal,
de former un appel incident à condition qu’il ait été provoqué par l’appel d’une autre partiel ; que
le tribunal des affaires de sécurité sociale a loyalement exposé les arguments de fait et de droit
soutenus par M E... et y a répondu : - au sujet de la qualité juridique du RSI, en retenant, après
rappel des dispositions des articles L.111-2-2 et L.111-1 du code de la sécurité sociale et des
directives communautaires assurances n°92/96 et 92/49, que chaque Etat restait libre d’organiser
son propre système de protection obligatoire, que le principe de mise en concurrence ne
concernait pas la protection sociale obligatoire et que l’affiliation à un régime de sécurité sociale
conformément à la législation nationale applicable était et demeurait obligatoire, - en ajoutant
qu’en tant qu’organisme légal de sécurité sociale, le RSI ne relevait pas du code de la mutualité, -
au sujet de la capacité des caisses du RSI à ester en justice, qu’elles avaient la personnalité morale
conformément à l’article L.611-3 du code de la sécurité sociale, que l’article L.133-6-4 ancien lui
avait confié le recouvrement amiable ou contentieux des cotisations, que l’article R.631-2 avait
organisé les relations entre caisse nationale et caisses de bases et que les caisses, non créées par
arrêté préfectoral, tenaient de plein droit de la loi capacité et qualité à agir, - au sujet de la
contrainte, face au décompte précis et détaillé des cotisations dues, que M E... ne démontrait
49

aucunement l’existence d’une erreur sur les revenus pris en compte et le calcul des cotisations ;
que le tribunal a ainsi statué par une motivation suffisamment développée ; qu’il ne résulte pas
des termes même de son jugement que ni l’interprétation ni l’application qu’il a faites des règles
juridiques invoquées ait pu dégénérer en une quelconque partialité en faveur du RSI ; que M E...
n’apporte pas d’autres éléments susceptibles de le faire présumer ; que les arrêts de la Cour de
justice des communautés européennes dont se prévaut l’URSSAF sont plutôt de nature à
conforter l’appréciation du tribunal : - dans son arrêt du 7 février 1984 (Duphar BV et autres
contre Etat néerlandais., affaire 238/82), cette cour a posé pour principe (considérant n°16) que
le droit communautaire ne portait pas atteinte à la compétence des Etats membres pour
aménager leurs systèmes de sécurité sociale, ici en matière de dispositions destinées à régler la
consommation de produits pharmaceutiques dans l’intérêt de l’équilibre financier de leurs
régimes d’assurance de soins de santé, - plus nettement dans son arrêt du 26 mars 1996 (L... B...
e.a. contre Mutuelle de prévoyance sociale d’Aquitaine e.a., n°C-238/94) dont le sommaire
indique que : « l’article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49, portant coordination des
dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance directe autre
que l’assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239 et 88/357, doit être interprété en ce
sens que des régimes de sécurité sociale, tels que les régimes légaux de sécurité sociale français
dont relèvent l’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non
agricoles, l’assurance vieillesse des professions artisanales et l’assurance vieillesse des
professions industrielles et commerciales, sont exclus du champ d’application de la directive
92/49. En effet, cette disposition établit clairement qu’elle exclut du champ d’application de la
directive non seulement les organismes de sécurité sociale, mais également les assurances et les
opérations qu’ils effectuent à ce titre. En outre, les États membres ont conservé leur compétence
pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, et donc pour organiser des régimes
obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la directive qui implique
la suppression de l’obligation d’affiliation devait leur être appliquée » ; que si M E... demeure libre
de la contester, l’adoption de cette solution par le tribunal ne peut pas être considérée comme
une marque de partialité ; qu’en conséquence, M E... doit être débouté de sa demande
d’annulation du jugement ;
ALORS QUE lorsque l’appel porte sur la nullité du jugement et non sur celle de l’acte introductif
d’instance, la cour d’appel, saisie de l’entier litige par l’effet dévolutif de l’appel, est tenue de
statuer sur le fond quelle que soit sa décision sur la nullité ; qu’en se contentant de se prononcer
sur la demande tendant à l’annulation du jugement et, à ce titre, de juger non fondé le moyen
tiré de l’absence de partialité du tribunal des affaires de sécurité sociale, la cour d’appel, qui n’a
pas statué sur le fond de la contestation, ce dont elle était pourtant tenue, a violé l’article 562,
alinéa 2, du code de procédure civile.

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