Vous êtes sur la page 1sur 62

École de droit de la Sorbonne

LLM Droit français et droit européen

Cours de M. Nicolas BARGUE

DROIT DES ENTREPRISES

Document de cours – 2022-2023


SOMMAIRE

- SEANCE 1 : La notion d’entreprise - Le patrimoine de l’entreprise

- SEANCE 2 : Les sociétés et groupements

- SEANCE 3 : Le fonds de commerce

- SEANCE 4 : L’entreprise individuelle

- SEANCE 5 : Les responsabilités dans l’entreprise

- SEANCE 6 : Les garanties bancaires

- SEANCE 7 : Les contrats internationaux

2
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

1. Sur le droit interne de l’entreprise :

- R. DALMAU, M. HOUSSIN, F.-X. LUCAS et P. RUBELLIN, Cours de droit des affaires,


Collection IEJ Jean Domat CRFPA, Université Paris 1, 4ème édition, 2022.

- D. LEGEAIS, Droit commercial et des affaires, Sirey, 28ème édition, 2022.

2. Sur le droit international de l’entreprise :

- J.-B. RACINE et F. SIIRIAINEN, Droit du commerce international, Cours Dalloz, 5ème édition,
2018.

- H. KENFACK, Droit du commerce international, Mémento Dalloz, 7ème éd., 2019.

3
SEANCE 1
LA NOTION D’ENTREPRISE - LE PATRIMOINE DE L’ENTREPRISE

- Document n° 1 : Cass. civ. 1ère, 12 mars 2002, n° 99-17.209

- Document n° 2 : art. 2284 et 2285 c civ.

- Document n° 3 : Cass. crim. 25 nov. 2020, n° 18-86.955

- Document n° 4 : Art. L. 1224-1 c. trav.

4
Document 1 : Cass. civ. 1ère, 12 mars 2002, n° 99-17.209

Attendu que, par un acte du 12 avril 1991, la Caisse d'épargne et de prévoyance Poitou-Charente
(la CEP) a consenti à l'Association mission chrétienne internationale (l'association) un prêt, MM.
X..., Z... et Y... se portant cautions solidaires de l'emprunteur ; que l'association a été mise en
redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 13 janvier 1994 ; qu'après avoir déclaré sa
créance et vainement mis en demeure les cautions, la CEP a assigné celles-ci en paiement ; que
l'arrêt attaqué a condamné solidairement les cautions à payer à la CEP la somme restant due avec
intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu, d'abord, qu'ayant relevé que l'association avait une activité employant trente-sept
personnes, la cour d'appel a constaté le caractère économique de l'activité de l'association et, par là
même, a caractérisé l'existence d'une entreprise, peu important qu'il n'y ait pas de recherche de
bénéfices ; qu'ensuite l'obligation d'information prévue par l'article L. 313-22 du Code monétaire
et financier devant être respectée, même lorsque le cautionnement a été souscrit par un dirigeant
de l'entreprise cautionnée qui en connaissait exactement la situation, la cour d'appel a légalement
justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier ;

Attendu que, pour condamner les cautions au paiement des intérêts au taux conventionnel à
compter de la mise en demeure, la cour d'appel a retenu que la seule sanction de la carence
d'information édictée par le texte est pour le prêteur la perte du droit de réclamer aux cautions les
intérêts conventionnels échus ;

Attendu, cependant, que l'inobservation des dispositions du texte susvisé entraîne la déchéance des
intérêts conventionnels, les cautions étant seulement tenues à titre personnel à payer les intérêts au
taux légal à compter de la première mise en demeure qu'elles reçoivent ; d'où il suit qu'en statuant
comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour
de cassation est en mesure de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné solidairement MM. X..., Z... et Y...
à payer à la Caisse d'Epargne et de prévoyance du Poitou-Charentes la somme de 166 532,78 francs
avec intérêts au taux conventionnel à compter du 6 mai 1994, l'arrêt rendu le 3 mars 1998, entre
les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que les cautions doivent seulement payer la somme de 166 532,78 francs avec les intérêts au
taux légal à compter de la première mise en demeure qu'elles ont reçue.

5
Document 2 : Articles 2284 et 2285 du code civil

- Article 2284 du code civil

Quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens
mobiliers et immobiliers, présents et à venir.

- Article 2285 du code civil

Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ; et le prix s'en distribue entre eux par
contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.

Document 3 : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A l'issue de l'information judiciaire ouverte après l'incendie, le 28 janvier 2002, de ses entrepôts
de stockage d'archives, la société Intradis, par acte du 24 juillet 2017, a été convoquée à l'audience
du tribunal correctionnel du 23 novembre 2017, du chef de destruction involontaire de bien
appartenant à autrui par l'effet d'un incendie provoqué par manquement à une obligation de
sécurité ou de prudence imposée par la loi.

3. Le 31 mars 2017, la société Recall France et sa filiale Intradis avaient été absorbées par la société
Iron Mountain dans le cadre d'une opération de fusion-absorption.

4. La société Ebenal, M. V... F..., M. P... X... et la société Kering, parties civiles, ont fait citer la
société Iron Mountain à comparaître à l'audience du 23 novembre 2017. En outre, cette dernière
société est intervenue volontairement à la procédure ouverte après information judiciaire.

5. Par jugement en date du 8 février 2018, le tribunal correctionnel a fixé le montant des
consignations à verser par les parties civiles en application de l'article 392-1 du code de procédure
pénale et ordonné un supplément d'information afin de déterminer les circonstances de l'opération
de fusion-absorption, et de rechercher tout élément relatif à la procédure en cours, notamment
s'agissant de l'infraction de destruction involontaire initialement poursuivie à l'encontre de la société
Intradis.

6. La société Iron Mountain a formé appel de cette décision.

7. Par ordonnance en date 22 février 2018, le président de la chambre des appels correctionnels a
ordonné l'examen immédiat de l'appel.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens

6
Enoncé des moyens

8. Le premier moyen est pris de la violation des articles1844-5, 1844-7 du code civil, 2, 3, 6, 151 à
155, 388, 463, 591 à 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la société Iron Mountain France de sa
demande de nullité du supplément d'information ordonné par le tribunal correctionnel d'Amiens
visant à entendre M. U... J..., responsable en activité au sein des sociétés concernées par l'opération
de fusion-acquisition du 31 mars 2017 et le pénalement responsable de la société Iron Mountain
France, alors :

« 1°/que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que
l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en vertu de l'article 121-1
du code pénal, sont interdites les poursuites pénales à l'encontre de la société absorbante pour des
faits commis par la société absorbée avant que cette dernière ait perdu son existence juridique ;
qu'en l'espèce, la société Recall France, ayant pour filiale la société Intradis, a fait l'objet d'une
fusion-absorption par la société Iron Mountain France ; qu'en confirmant la mesure d'instruction
destinée à entendre M. U... J..., responsable en activité au sein des sociétés concernées par
l'opération de fusion-acquisition du 31 mars 2017 et le pénalement responsable de la société Iron
Mountain France, aux motifs inopérants qu'elle permettrait de déterminer si la fusion-absorption
avait été entachée de fraude et ainsi retenir la responsabilité pénale de la société Iron Mountain
France dans les faits de destruction involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un
incendie reprochés à la société absorbée Intradis, bien que l'action publique ne pouvait pas être
engagée à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés
;

2°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que
l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les tribunaux répressifs
ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né d'une infraction
accessoirement à l'action publique, que lorsqu'il a été préalablement statué au fond sur l'action
publique ; qu'en l'espèce, dès lors qu'aucune décision au fond sur l'action publique n'avait été
prononcée, la juridiction correctionnelle ne pouvait connaître de l'action civile à l'encontre de la
société Iron Mountain France ; qu'en refusant néanmoins d'annuler le supplément d'information,
aux motifs inopérants qu'il permettrait de déterminer si la fusion-absorption avait été entachée de
fraude et ainsi retenir la responsabilité pénale de la société Iron Mountain France dans les faits de
destruction involontaire d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie reprochés à la
société absorbée Intradis, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés. »

10. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 463, 512, 538, 591 à 593 du code de
procédure pénale.

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, avant dire droit au fond, ordonné un supplément
d'information visant à entendre M. U... J..., responsable en activité au sein des sociétés concernées
par l'opération de fusion-acquisition du 31 mars 2017 et le pénalement responsable de la société
Iron Mountain France, sur les raisons, les modalités et les conditions de la fusion-acquisition des
sociétés Intradis, Recall France et Iron Mountain France, sur l'existence d'une telle opération de
reprise dans les autres pays européens où s'exerce l'activité de la société Iron Mountain France,
ainsi que sur tout élément relatif à la procédure en cours et notamment l'infraction de destruction
involontaire poursuivie initialement à l'encontre de la société Intradis, alors « que le supplément

7
d'information ne doit porter que sur les faits et prévenus objets des poursuites ; qu'en l'espèce, en
confirmant le jugement ayant ordonné le supplément d'information visant à rechercher la
responsabilité pénale de la société Iron Mountain France, bien qu'il ait relevé qu'il intervenait dans
le cadre de la procédure d'instruction visant uniquement la société Intradis, la cour d'appel a violé
les textes et principes susvisés ».

Réponse de la Cour

12. Les moyens sont réunis.

13. Les moyens posent la question de savoir dans quelles conditions, en cas de fusion-absorption,
la société absorbante peut être condamnée pénalement pour des faits commis, avant la fusion, par
la société absorbée.

14. Pour répondre à cette question, il importe de déterminer s'il existe un principe général de
transfert de la responsabilité pénale en cas de fusion-absorption (paragraphes 15 à 37) et si, le cas
échéant, ce principe s'applique immédiatement (paragraphes 38 et 39). Ce n'est qu'en cas de réponse
négative à l'une ou l'autre de ces deux sous-questions qu'il sera nécessaire de déterminer si la
solution doit être différente en cas de fraude (paragraphes 40 à 42).

15. Aux termes de l'article 121-1 du code pénal, nul n'est responsable pénalement que de son propre
fait.

16. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ce principe, dont l'interprétation doit
respecter l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, s'oppose à ce qu'à la suite
d'une opération de fusion-absorption, la société absorbante soit poursuivie et condamnée pour des
faits commis antérieurement à ladite opération par la société absorbée, dissoute par l'effet de la
fusion (Crim., 20 juin 2000, pourvoi n° 99-86.742, Bull. crim. 2000, n° 237 ; Crim., 14 octobre
2003, pourvoi n° 02-86.376, Bull. crim. 2003, n° 189).

17. La Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence même après que la Cour de justice de l'Union
européenne eut dit pour droit que les dispositions de l'article 19, § 1, de la directive 78/855/CEE
du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiées à l'article 105, §
1, de la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 relative à
certains aspects du droit des sociétés, doivent être interprétées en ce sens qu'une fusion par
absorption entraîne la transmission à la société absorbante de l'obligation de payer une amende
infligée après cette fusion pour des infractions au code du travail commises par la société absorbée
avant la fusion (CJUE, arrêt du 5 mars 2015, Modelo Continente Hipermercados SA c/ Autoridade
para as Condições de Trabalho, C-343/13).

18. Elle a en effet considéré que, d'une part, l'article 121-1 du code pénal ne pouvait s'interpréter
que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l'encontre de la société
absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière ne perde son
existence juridique par l'effet d'une fusion-absorption, d'autre part, ledit article ne pouvait être
écarté comme contraire à la directive du 9 octobre 1978 puisqu'une directive ne peut pas produire
un effet direct à l'encontre d'un particulier (Crim., 25 octobre 2016, pourvoi n° 16-80.366, Bull.
crim. 2016, n° 275).

19. Cette interprétation de l'article 121-1 du code pénal se fonde sur la considération que la fusion,
qui entraîne la dissolution de la société absorbée, lui fait perdre sa personnalité juridique et entraîne
l'extinction de l'action publique en application de l'article 6 du code de procédure pénale. La société

8
absorbante, personne morale distincte, ne saurait en conséquence être poursuivie pour les faits
commis par la société absorbée.

20. Elle repose sur l'assimilation de la situation d'une personne morale dissoute à celle d'une
personne physique décédée.

21. Or, cette approche anthropomorphique de l'opération de fusion-absorption doit être remise en
cause car, d'une part, elle ne tient pas compte de la spécificité de la personne morale, qui peut
changer de forme sans pour autant être liquidée, d'autre part, elle est sans rapport avec la réalité
économique.

22. En effet, selon l'article L.236-3 du code de commerce, la fusion-absorption, si elle emporte la
dissolution de la société absorbée, n'entraîne pas sa liquidation. De même, le patrimoine de la
société absorbée est universellement transmis à la société absorbante et les actionnaires de la
première deviennent actionnaires de la seconde. En outre, en application de l'article L.1224-1 du
code du travail, tous les contrats de travail en cours au jour de l'opération se poursuivent entre la
société absorbante et le personnel de l'entreprise.

23. Il en résulte que l'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue
la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette
opération.

24. La Cour européenne des droits de l'homme, se fondant sur la continuité économique existant
entre la société absorbée et la société absorbante, en déduit que « la société absorbée n'est pas
véritablement " autrui " à l'égard de la société absorbante » et juge en conséquence que le prononcé
d'une amende civile, à laquelle est applicable le volet pénal de l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme, à l'encontre d'une société absorbante, pour des actes restrictifs
de concurrence commis avant la fusion par la société absorbée, ne porte pas atteinte au principe de
personnalité des peines (CEDH, décision du 24 octobre 2019, Carrefour France c. France,
n°37858/14).

25. Ainsi, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas


considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée, de sorte que l'article
6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'oppose pas à ce que l'article 121-1 du
code pénal soit désormais interprété comme permettant que la première soit condamnée
pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la seconde avant l'opération
de fusion-absorption.

26. L'article 6 du code de procédure pénale, qui ne prévoit pas expressément l'extinction de l'action
publique lors de l'absorption d'une société, ne s'oppose pas non plus à cette interprétation.

27. Dès lors que la nouvelle interprétation de l'article 121-1 du code pénal est possible, elle devient
nécessaire si elle est la seule à même, en l'état du droit interne, de permettre de tirer les
conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 5 mars 2015, précité.

28. Il convient en effet de rappeler que les juridictions nationales ont l'obligation d'interpréter le
droit interne dans un sens conforme au droit de l'Union, sous la seule réserve que cette
interprétation ne les conduise pas à faire produire aux dispositions d'une directive un effet direct à
l'encontre d'un particulier (CJCE, arrêt du 26 sept. 1993, Arcaro, C-168/95 ; CJCE, arrêt du 3 mai
2005, Berlusconi e.a., C-387/02, C-391/02 et C-403/02). Cette limite est respectée lorsque le texte

9
national peut être interprété dans le sens de la directive, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de l'écarter
pour donner son plein effet à cette dernière.

29. Or, dans l'arrêt précité du 5 mars 2015, la Cour de justice de l'Union relève que l'opération de
fusion par absorption entraîne de façon automatique non seulement la transmission universelle de
l'ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société absorbante, mais aussi la
cessation de l'existence de la société absorbée. Elle en déduit que sans la transmission à la société
absorbante de la responsabilité contraventionnelle, cette responsabilité serait éteinte.

30. Cette juridiction retient qu'une telle extinction serait en contradiction avec la nature même de
la fusion par absorption telle que définie à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 78/855, dans la
mesure où, aux termes de ces dispositions, une telle fusion consiste en un transfert de l'ensemble
du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante par suite d'une dissolution sans
liquidation.

31. Elle ajoute que cette interprétation répond également à l'objectif posé par la directive de
protection des tiers, parmi lesquels figurent les entités qui, à la date de la fusion, ne sont pas encore
à qualifier de créanciers ou de porteurs d'autres titres, mais qui peuvent être ainsi qualifiées après
cette opération en raison de situations nées avant celle-ci. Tel est le cas de l'Etat membre dont les
autorités sont susceptibles d'infliger une sanction pour une infraction commise avant la fusion.

32. Elle relève encore que, si la transmission d'une telle responsabilité était exclue, une fusion
constituerait un moyen pour une société d'échapper aux conséquences des infractions qu'elle aurait
commises, au détriment de l'État membre concerné ou d'autres intéressés éventuels.

33. Selon la Cour de justice de l'Union, cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument selon
lequel la transmission de la responsabilité contraventionnelle d'une société absorbée moyennant
une fusion serait contraire aux intérêts des créanciers et des actionnaires de la société absorbante,
dans la mesure où ces derniers ne seraient pas à même d'évaluer les conséquences économiques et
patrimoniales de cette fusion. En effet, d'une part, lesdits créanciers doivent, en vertu de l'article
13, paragraphe 2, de la directive 78/855, avoir le droit d'obtenir des garanties adéquates lorsque la
situation financière des sociétés qui fusionnent rend cette protection nécessaire, le cas échéant en
saisissant l'autorité administrative ou judiciaire compétente pour obtenir de telles garanties. D'autre
part les actionnaires de la société absorbante peuvent être protégés, notamment, par l'insertion
d'une clause de déclarations et de garanties dans l'accord de fusion. En outre, rien n'empêche la
société absorbante de faire effectuer avant la fusion un audit détaillé de la situation économique et
juridique de la société à absorber pour obtenir, en plus des documents et des informations
disponibles en vertu des dispositions législatives, une vue plus complète des obligations de cette
société.

34. En l'état actuel du droit interne, l'interprétation de l'article 121-1 du code pénal autorisant le
transfert de responsabilité pénale entre la société absorbée et la société absorbante est la seule voie
permettant de sanctionner pécuniairement la société absorbante pour des faits commis avant la
fusion par la société absorbée.

35. Il se déduit de ce qui précède qu'en cas de fusion-absorption d'une société par une autre société
entrant dans le champ de la directive précitée, la société absorbante peut être condamnée
pénalement à une peine d'amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d'une infraction
commise par la société absorbée avant l'opération.

10
36. La personne morale absorbée étant continuée par la société absorbante, cette dernière, qui
bénéficie des mêmes droits que la société absorbée, peut se prévaloir de tout moyen de défense
que celle-ci aurait pu invoquer.

37. En conséquence, le juge qui constate qu'il a été procédé à une opération de fusion-absorption
entrant dans le champ de la directive précitée ayant entraîné la dissolution de la société mise en
cause, peut, après avoir constaté que les faits objet des poursuites sont caractérisés, déclarer la
société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d'amende ou de confiscation.

38. Cependant, cette interprétation nouvelle, qui constitue un revirement de jurisprudence, ne peut
s'appliquer aux fusions antérieures à la présente décision sans porter atteinte au principe de
prévisibilité juridique découlant de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme
dont il résulte que tout justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente,
au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux et le cas échéant après avoir
recouru à des conseils éclairés, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale et quelle
peine il encourt de ce chef.

39. Elle ne s'appliquera, en conséquence, qu'aux opérations de fusion conclues postérieurement au


prononcé du présent arrêt et sera donc sans effet dans la présente affaire.

40.Cependant, le supplément d'information critiqué par les moyens ayant notamment pour objet
de mettre à jour une éventuelle fraude, il apparaît nécessaire de déterminer si un régime particulier
s'applique dans une telle hypothèse.

41. A cet égard, il doit être considéré que l'existence d'une fraude à la loi permet au juge de
prononcer une sanction pénale à l'encontre de la société absorbante lorsque l'opération de fusion-
absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale. Cette
possibilité est indépendante de la mise en œuvre de la directive du 9 octobre 1978, précitée.

42. Si la Cour de cassation n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur ce point, sa doctrine, qui ne
saurait ainsi constituer un revirement de jurisprudence, n'était pas imprévisible. Elle est donc
applicable aux fusions-absorptions conclues avant le présent arrêt.

43. Il en résulte qu'en ordonnant un supplément d'information dans le but, notamment, de


déterminer si l'opération avait été entachée de fraude, la cour d'appel n'a pas méconnu le droit
applicable au moment où elle a statué.

44. En conséquence, les moyens doivent être écartés.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

45. Le moyen est pris de la violation des articles 463, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale.

46. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, avant dire droit au fond, ordonné un supplément
d'information et désigné le commandant de la compagnie de gendarmerie de Versailles pour y
procéder, alors « que la juridiction qui ordonne un supplément d'information doit obligatoirement
désigner pour y procéder un des membres qui a prononcé la décision ; qu'en refusant d'annuler le
supplément d'information ordonné par le tribunal correctionnel, qui avait désigné le commandant

11
de la compagnie de gendarmerie de Versailles pour y procéder au lieu d'un de ses membres, la cour
d'appel a méconnu les règles de compétence d'ordre public et violé les textes susvisés ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 463 et 512 du code de procédure pénale :

47. Selon ces textes, s'il y a lieu de procéder à un supplément d'information, la cour d'appel commet,
par arrêt, un de ses membres qui dispose des pouvoirs prévus aux articles 151 à 154-1 du code de
procédure pénale. Ce supplément d'information obéit aux règles édictées par les articles 114 et 119
à 121 du même code.

48. La cour d'appel a confirmé le supplément d'information ordonné par les premiers juges, ainsi
que les dispositions du jugement désignant le commandant de la compagnie de gendarmerie de
Versailles pour y procéder.

49. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de désigner l'un de ses membres pour procéder au
supplément d'information qu'elle ordonnait, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe
ci-dessus rappelé.

50. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Amiens en date du 26 septembre 2018,
mais en ses seules dispositions ayant désigné le commandant de la compagnie de gendarmerie de
Versailles pour procéder au supplément d'information ordonné.

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi
prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée, à ce
désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

Document n° 4 : Article L. 1224-1 du code du travail

- Article L. 1224-1 du code du travail

Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par
succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats
de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel
de l'entreprise.

12
SEANCE 2
LES SOCIETES ET GROUPEMENTS

- Document n° 1 : Cour de Cassation, Chambres réunies, du 11 mars 1914, Caisse rurale de


la commune de Manigod

- Document n° 2 : Cass. com., 2 mars 1982, n° 80-13.790

- Document n° 3 : Cass. soc., 12 novembre 1996, n° 94-43.859

- Document n° 4 : Cass. com., 30 mars 2004, n° 01-15.575

- Document n° 5 : Cass. com., 18 juin 2002, n° 99-11.999

13
Document n° 1 : Cour de Cassation, Chambres réunies, du 11 mars 1914, Caisse
rurale de la commune de Manigod

Sur le moyen unique du pourvoi :

Vu les articles 1832 du Code civil et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1832 du Code civil, la société est un contrat par lequel deux ou
plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager le
bénéfice qui pourra en résulter ;

Et que, suivant l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, l'association est la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité dans un but
autre que de partager des bénéfices ;

Attendu que l'expression "bénéfices" a le même sens dans les deux textes et s'entend d'un gain
pécuniaire ou d'un gain matériel qui ajouterait à la fortune des associés ; que, dès lors, la différence
qui distingue la société de l'association consiste en ce que la première comporte essentiellement,
comme condition de son existence, la répartition entre associés des bénéfices faits en commun,
tandis que la seconde l'exclut nécessairement ;

Attendu que la Caisse rurale de Manigod, société coopérative de crédit à capital variable, constitue
non une société, mais une association ;

Attendu, en effet, que des qualités du jugement attaqué et de l'acte du 26 mars 1905, qui y est visé,
il résulte que cette Caisse n'a été créée que pour procurer à ses adhérents le crédit qui leur est
nécessaire pour leurs exploitations ; que les associés ne possèdent pas d'actions, ne font aucun
versement et ne reçoivent pas de dividendes (article 14 des statuts) ; que la société emprunte soit à
ses membres, soit à des étrangers, les capitaux strictement nécessaires à la réalisation des emprunts
contractés par ses membres (art. 15) et qu'elle prête des capitaux à ces derniers à l'exclusion de tous
autres, mais seulement en vue d'un usage déterminé et jugé utile par le conseil d'administration, qui
est tenu d'en surveiller l'emploi (art. 16) ;

Attendu que cet ensemble de dispositions démontre que le seul avantage, ainsi assuré aux associés
de la Caisse, consiste dans la faculté de lui emprunter des capitaux moyennant un taux d'intérêt
aussi réduit que possible ;

Attendu, il est vrai, que d'après l'article 21 des statuts :


"En cas de dissolution de la société, fondée d'ailleurs pour un temps illimité, la réserve qui compose
le seul capital social et qui est constituée par l'accumulation de tous les bénéfices réalisés par la
Caisse sur ses opérations, est employée à rembourser aux associés les intérêts payés par chacun
d'eux, en commençant par les plus récents et en remontant jusqu'à épuisement complet de la
réserve" ;

Mais attendu que cette distribution éventuelle des réserves qui pourraient exister au jour de la
liquidation, ne présenterait pas les caractères légaux d'un partage de bénéfices au sens de l'article
1832 du Code civil, puisque, d'une part, elle ne serait pas nécessairement faite au profit de tous les
adhérents et pourrait se trouver limitée à quelques uns, et que, d'autre part, elle aurait pour base,
non la seule qualité des associés, mais la quotité et la date des prêts faits à chacun d'eux ;

14
Qu'elle constituerait, en réalité, le remboursement, suivant un mode particulier, défini par les
statuts, d'une partie des sommes qui auraient été perçues exclusivement en vue d'assurer le
fonctionnement de l'association et qui, en fait, auraient été supérieures à ses besoins ;

D'où il suit que le jugement attaqué a déclaré à tort que la Caisse rurale de Manigod étant une
société et non une association, l'acte constitutif de cette société était assujetti au droit établi par
l'article 68, par. 3, n° 4 de la loi du 22 frimaire an VII et l'article 1er de la loi du 28 février 1872
converti par l'article 19 de la loi du 28 avril 1893, en une taxe proportionnelle de 20 centimes pour
100 francs ;

PAR CES MOTIFS, CASSE

Document n° 2 : Cass. com., 2 mars 1982, n° 80-13.790

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches:

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 1980) d'avoir déclaré que par
acte du 20 avril 1977, MM. Y… A…, B… et X… avaient créé entre eux une société et que la
convention devait être résiliée aux torts de M. Y… A…, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le
pouvoir de contrôle de la qualification du juge ne peut aller outre la volonté expresse, claire et
précise exprimée par les parties dans les matières qui ne sont pas d'ordre public, que, comme l'avait
constaté le tribunal, les parties avaient expressément prévu de placer leurs rapports de droit sous
les règles de droit commun régissant les associations, qu'elles avaient, par ailleurs, stipulé de manière
claire et précise que l'association préludait à la constitution future d'une société, ce qui excluait que
cette association puisse être déjà considérée par les parties comme une société, qu'ainsi, en jugeant
que l'acte du 20 avril 1977 constituait, en droit, un contrat de société, la Cour d'appel a dénaturé la
volonté non équivoque des parties et, partant, n'a pas donné de base légale à sa décision ; et alors,
d'autre part, que la mise en commun d'un bien en vue de la réalisation de bénéfices est une condition
nécessaire de la formation du contrat de société, que, selon les constatations mêmes de la Cour
d'appel, l'objet de la prétendue société aurait été de préparer la constitution d'une future société,
c'est-à-dire de préparer la réalisation des apports et les projets de statuts, qu'ainsi la Cour d'appel
en qualifiant de société les arrangements préparatoires décidés par les parties, tout en établissant,
par ses propres motifs, que ces arrangements étaient exclusifs de toute recherche de bénéfices et
de toute exploitation en commun, a méconnu la nature juridique du contrat de société, et n'a pas
donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que la Cour d'appel a constaté que l'acte litigieux dont les termes visaient « une
association régie par les règles du droit commun » précisait qu'il était intervenu en vue d'exploiter
une carrière appartenant à M. Y… A… ; qu'en considération du but lucratif poursuivi par elles et
notamment selon l'acte produit, leur participation aux bénéfices et aux pertes, les parties
contractantes y avaient prévu, déterminé ou chiffré les apports en nature et en espèces incombant
à chacune d'elles et que « l'affectio sociétatis résult (ait) de l'acte lui-même et mieux encore du
comportement des parties avant et après l'acte » ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations
la Cour d'appel restituant aux conventions des parties leur véritable qualification juridique a pu
décider que le contrat litigieux constituait une société et non une association et a légalement justifié
sa décision ;

Qu'ainsi le moyen n'est fondé en aucune de ses branches.

15
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 28 mars 1980 par la Cour d'appel d'Aix-en-
Provence.

Document n° 3 : Cass. soc., 12 novembre 1996, n° 94-43.859

Attendu que Mmes Z..., X..., Y..., A..., B... et M. C... ont été engagés par l'association Mieux vivre
qui gère une maison de retraite pour personnes âgées à Monségur ; qu'à la suite de la distribution
dans les boîtes aux lettres des habitants de cette localité d'une lettre ouverte, datée du 7 décembre
1990, adressée à la directrice de cet établissement, les six salariés ont été licenciés pour faute lourde,
par courriers des 20, 26 décembre 1990 et 7 janvier 1991 ; qu'ils ont saisi la juridiction prud'homale
en réclamant le paiement d'indemnités de rupture et des rappels de salaires par application de la
convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de
garde à but non lucratif ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'association fait grief à l'arrêt attaqué (Bordeaux, 22 juin 1994) de l'avoir condamnée
à payer aux salariés des rappels de salaires, des indemnités de congés payés et des primes en
application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de
soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, alors, selon le moyen, qu'il résultait
de la notification en date du 25 juin 1990 d'un redressement fiscal que l'association se livrait à des
prestations de service présentant un caractère lucratif ; que dès lors la cour d'appel en estimant que
ce redressement fiscal n'avait pas eu pour objet de transformer la nature juridique de l'association
a dénaturé un document clair en lui donnant un sens et une portée qu'il ne comportait pas ; alors,
encore, que la cour d'appel a commis un excès de pouvoir en interprétant et en critiquant un acte
administratif ; alors, en outre, que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de l'association
selon lesquelles le syndicat qui défendait les intérêts du salarié avait reconnu qu'aucune convention
collective n'était applicable dans les maisons de retraite ; alors, enfin, qu'en déclarant sans s'en
expliquer, que les avis donnés par le syndicat français des maisons de retraite privées et le syndicat
général autonome de l'industrie hôtelière de la Gironde étaient inopérants, la cour d'appel n'a pas
donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit, hors toute dénaturation et sans excéder ses
pouvoirs, que le fait d'exercer des activités lucratives éventuellement imposables n'a pas, à lui seul,
pour conséquence de changer la nature juridique d'une association, organisme par définition sans
but lucratif, dès lors qu'il n'y a pas partage des bénéfices réalisés entre ses membres ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que l'association avait pour activité principale la
gestion d'une maison de retraite a, sans avoir à répondre à de simples arguments, exactement jugé,
puisque cette activité rentre dans le champ d'application de la convention collective nationale des
établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre
1951, étendue par arrêté du 27 février 1961, que cette convention était applicable ; que le moyen
n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

16
Attendu que l'association fait aussi grief à l'arrêt d'avoir dit que les licenciements des salariés étaient
dépourvus de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que s'il est exact que chacun a droit au
respect de sa vie privée, il peut être procédé à un licenciement pour des faits survenus en dehors
du temps et du lieu de travail lorsque le comportement du salarié, compte tenu de la nature des
fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble au sein de cette dernière ; qu'en
ne recherchant pas si le comportement des salariés avaient causé un trouble dans l'entreprise, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; alors, en outre, qu'après avoir constaté la
réalité de la distribution de la lettre du 7 décembre 1990 et le caractère vexatoire voire offensant
des termes de cette lettre, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs
constatations en estimant que la faute lourde n'était pas caractérisée et ont en conséquence violé
les dispositions des articles L. 122-4, L. 122-8, L. 122-9 et L. 223-14 du Code du travail ; alors, au
surplus, qu'en ne recherchant pas si la distribution de tracts n'était pas contraire à l'obligation de
discrétion des salariés prévue par l'article 6 du règlement intérieur, la cour d'appel n'a pas donné de
base légale à sa décision ou a à tout le moins dénaturé ce règlement ; alors, encore, qu'en vertu de
l'autorité relative de la chose jugée, la cour d'appel, pour écarter l'un des motifs invoqués à l'appui
du licenciement, ne pouvait se prévaloir de la décision de relaxe concernant un tiers auteur du tract
et poursuivi pour diffamation ; alors, enfin et à titre surabondant que la cour d'appel n'a pas tenu
compte de deux autres motifs de licenciement, le préjudice moral causé à l'entreprise et l'atteinte
au droit du travail des autres salariés, se bornant à affirmer qu'ils étaient en relation directe avec la
diffusion de la lettre litigieuse, sans rechercher si la distribution de cette lettre sur la voie publique
n'avait pas causé un grave préjudice moral à l'entreprise ;

Mais attendu que l'exercice de la liberté d'expression des salariés en dehors de l'entreprise ne peut
justifier un licenciement que s'il dégénère en abus ;

Et attendu que la cour d'appel appréciant, hors toute dénaturation, la valeur des éléments de preuve,
a constaté que la diffusion de la lettre litigieuse avait été faite en dehors du temps de travail, que
son contenu n'était pas diffamatoire ni excessif et que les autres griefs n'étaient pas établis ; qu'elle
a pu, dès lors, décider que les salariés n'avaient pas fait un usage abusif de leur liberté d'expression
et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

Document n° 4 : Cass. civ. 1ère, 30 mars 2004, n° 01-15.575

Attendu que, par acte du 5 décembre 1990, M. X..., huissier de justice à Paris, et Mme Y..., principale
clerc, ont constitué une société civile professionnelle titulaire d'un office d'huissiers de justice ; que
M. X... a notamment apporté à la société l'exercice en faveur de celle-ci du droit prévu à l'article 91
de le loi du 28 avril 1816 relativement à l'office d'huissier de justice dont il était titulaire, évalué à 5
400 000 francs hors la participation au groupement des huissiers de justice de Paris ; que le capital
social de 5 600 000 francs a été attribué en totalité à M. X... et que chacun des associés a bénéficié
de 50 parts en industrie ; que, par acte séparé du même jour, M. X... s'est engagé à céder un tiers
de ses parts à Mme Y... au prix nominal dans le délai d'un an à compter de la nomination de la SCP
; que la cession des parts n'ayant pas eu lieu M. X... a sollicité en 1999 la dissolution de la société
sur le fondement de l'article 1844-5 du Code civil ;

17
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 1844-5 du Code civil et 85 du décret n° 69-1274 du 31 décembre 1969 ;

Attendu qu'en vertu de ces textes, la dissolution d'une société civile professionnelle d'huissiers de
justice ne peut être demandée que s'il ne reste qu'un associé unique ;

Attendu que pour faire droit à la demande de dissolution de la société, l'arrêt retient que celle-ci
peut être prononcée lorsqu'il existe un seul associé détenteur unique des parts sociales depuis la
constitution de la société, nonobstant la présence d'un associé uniquement titulaire de parts
d'industrie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'il co-existait un associé, fut-il titulaire de
parts en industrie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé
les articles susvisés ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 91 de la loi du 24 avril 1816 ;

Attendu que l'apport, par un huissier de justice, à une société civile professionnelle titulaire d'un
office, du droit de présentation prévu à l'article 91 de la loi susvisée, inclut toutes les activités qu'il
exerçait au sein de cet office à l'exception des activités accessoires définies à l'article 20 du décret
du 29 février 1956 ;

Attendu que pour débouter Mme Y... de sa demande de réintégration, dans les comptes de la
société, des recettes provenant de l'activité d' huissier-audiencier de M. X..., l'arrêt attaqué, après
avoir énoncé que celles-ci constituaient des recettes de la société, retient que l'article 6 des statuts
excluant de l'apport de la participation de M. X... au groupement des huissiers de justice de Paris
doit s'entendre comme ayant exclu le coassocié des recettes provenant de cette activité ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'activité d'huissier-audiencier ne pouvait être exclue de
l'apport du droit de présentation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2001, entre les parties,
par la cour d'appel de Paris ;

Document n° 5 : Cass. com., 18 juin 2002, n° 99-11.999

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 2 décembre 1998) que la société anonyme l'Amy SA,
premier fabricant français de montures de lunettes dont l'endettement bancaire excédait, en
novembre 1993, 215 000 000 francs a, dans le cadre de la procédure de règlement amiable de la loi
n° 84-148 du 1er mars 1984, décidé de sa restructuration et de sa reprise par la société de droit
anglais Kitty Little Group (KLG), société cotée à Londres et filiale de la société américaine Benson
Eyecare Corporation ; qu'un protocole a été conclu le 4 juillet 1994 entre les actionnaires
majoritaires de la société l'Amy, les treize banques créancières et la société KLG pour formaliser
l'accord des parties sur les conditions et les modalités de réalisation du renflouement de la société
l'Amy ; que pour mettre en oeuvre ce protocole, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires

18
réunie le 8 août 1994 et statuant au vu d'un rapport des commissaires aux comptes, a adopté les
résolutions suivantes :

réduction à zéro franc du capital social qui avait été porté à dix sept millions cinq cent soixante
trois mille neuf cent vingt francs (17 563 920 francs) afin d'apurer à due concurrence le report à
nouveau négatif de cent quarante et un millions quatre cent quarante six mille trois cent onze francs
(141 446 311 francs) ; annulation des actions existantes et augmentation corrélative du capital de
quatre vingt millions de francs (80 000 000 francs) par l'émission de huit cent mille actions nouvelles
de cent francs chacune - suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires au profit
de la société Kitty little Group PLC ; que divers actionnaires minoritaires de la société l'Amy parmi
lesquels l'Association Adam ont considéré qu'ils avaient été exclus de façon irrégulière de cette
société ; qu'ils ont assigné la société l'Amy afin qu'elle soit condamnée à réparer le préjudice par
eux subi du fait de cette exclusion ; que le tribunal a déclaré irrecevable la demande des actionnaires
minoritaires de la société l'Amy ; que, par un premier arrêt, la cour d'appel a infirmé le jugement en
tant qu'il déclarait irrecevable l'action de l'association Adam et des autres actionnaires minoritaires
; que, par un second arrêt du 2 décembre 1998, la cour d'appel a écarté tous les moyens présentés
par les actionnaires minoritaires et a rejeté leurs demandes ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen,

1° que, l'intérêt commun des associés est distinct de l'intérêt social ; qu'en déduisant l'absence
d'atteinte à l'intérêt commun des associés du caractère supposé bénéfique de l'opération au regard
de l'intérêt social, la cour d'appel a violé l'article 1833 du Code civil ;

2° que la réduction à zéro du capital et l'augmentation subséquente réservée à un tiers par


suppression du droit préférentiel de souscription des anciens actionnaires caractérisaient une
expropriation de ces derniers illégale comme non justifiée par une cause d'utilité publique ni
précédée d'une indemnisation ; qu'en refusant d'en tirer les conséquences, la cour d'appel a violé
l'article 545 du Code civil ;

3° que la réduction à zéro du capital et l'augmentation de capital subséquent, accompagnées de la


suppression du droit préférentiel de souscription des anciens actionnaires, s'analysaient en une
augmentation des engagements de ceux-ci ; qu'en refusant néanmoins de déclarer illicite une telle
opération, la cour d'appel a violé les articles 153 et 183 de la loi du 24 juillet 1966 ;

4° qu'en se bornant à l'affirmation abstraite et générale selon laquelle l'opération aurait été
conforme aux règles légales, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, contrairement à ce que soutient la première branche du moyen, que
la cour d'appel qui a retenu que l'opération litigieuse, effectuée afin de préserver la pérennité de
l'entreprise et en cela conforme à l'intérêt social, n'avait cependant pas nui à l'intérêt des
actionnaires, fussent-ils minoritaires, qui d'une façon ou d'une autre réalisation de l'opération ou
dépôt de bilan, auraient eu une situation identique, les actionnaires majoritaires subissant par
ailleurs le même sort, n'a pas déduit l'absence d'atteinte à l'intérêt commun des associés de
considérations relatives au seul intérêt social ;

19
Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de leurs conclusions que les actionnaires
minoritaires aient soutenu devant la cour d'appel les prétentions qu'ils font valoir au soutien de la
troisième branche du moyen ; que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, enfin, qu'ayant relevé, par motifs propres et par motifs non contraires des premiers juges,
que l'opération litigieuse avait été décidée par l'assemblée générale des actionnaires pour
reconstituer les fonds propres de la société, afin d'assurer la pérennité de l'entreprise, sans cela
condamnée au dépôt de bilan, sans nuire aux actionnaires, fussent-ils minoritaires qui, d'une façon
ou d'une autre - réalisation de l'opération ou dépôt de bilan - auraient eu une situation identique,
les actionnaires majoritaires subissant par ailleurs le même sort, faisant ainsi ressortir que la
réduction de capital à zéro ne constituait pas une atteinte au droit de propriété des actionnaires
mais sanctionnait leur obligation de contribuer aux pertes sociales dans la limite de leurs apports,
la cour d'appel a pu en déduire, par une décision motivée, que cette opération ne constituait pas
une expropriation illégale ;

D'où il suit que le moyen qui manque en fait en sa première branche, est irrecevable en sa troisième
branche et n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi.

20
SEANCE 3
LE FONDS DE COMMERCE

- Document n° 1 : Cass. civ. 3ème, 18 mai 1978, n° 76-13.943

- Document n° 2 : Cass. com. 27 avril 1993, n° 91-10.819

- Document n° 3 : Cass. civ. 3ème, 7 décembre 2005, n° 04-12.931

- Document n° 4 : Cass. com. 25 septembre 2012, n° 11-24.301

- Document n° 5 : Cass. com., 26 octobre 1993, n° 91-15.877

21
Document n° 1 : Cass. civ. 3ème, 18 mai 1978, n° 76-13.943

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1er de la loi du 17 mars 1909 ;

Attendu qu'un fonds de commerce ne survit pas à la disparition de la clientèle qui en constitue
l'élément essentiel ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que les époux Y... étaient, en vertu d'un bail
renouvelé à compter du 1er octobre 1965, locataires de locaux appartenant à la société civile
immobilière du ... ;

Qu'ils ont cédé ce fonds à une société en formation constituée le 4 septembre 1967 ;

Que, dame Y... ayant été déclarée en état de liquidation de biens le 25 septembre 1972, le syndic a
donné le fonds en location-gérance le 25 octobre 1972 à demoiselle X... ;

Que la société propriétaire estimant que le fonds avait disparu faute d'exploitation et soutenant que
la location-gérance dissimulait une sous-location des lieux a fait notifier aux divers intéressés une
sommation d'y mettre fin visant la clause résolutoire insérée au bail ;

Que sous réserve des effets de cette clause, ils ont, en outre, donné congé pour le 1er octobre 1974,
déclarant refuser le renouvellement du bail ;

Que la cour d'appel a rejeté la demande tendant à la constatation de la résiliation et décidé que la
société propriétaire devait payer une indemnité d'éviction ;

Attendu qu'en décidant que le fonds précédemment exploité par dame Y... n'avait pas disparu et
avait pu être donné en location-gérance, alors qu'elle énonce que la clientèle n'était plus que
"potentielle" , la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 26 mai 1976 par la cour d'appel de Paris ;

Remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit
arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Document n° 2 : Cass. com. 27 avr. 1993, n° 91-10.819

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 17 octobre 1990), que Mme Salomé Z..., épouse Y...,
propriétaire d'un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie et de l'immeuble dans lequel il est
exploité, a donné le fonds à son fils Albert Y... par le contrat de mariage conclu, le 20 août 1953,
entre ce dernier et Mme Raymonde X... ; qu'il a été stipulé que la donation portait sur un fonds de
commerce comprenant, au titre des éléments incorporels, la clientèle, l'achalandage, l'enseigne et le

22
nom commercial, " avec usage de deux pièces, débarras, cuisine et salle de bains " ; que par acte du
11 juillet 1979, M. Albert Y... a donné à son épouse ledit fonds de commerce ; que Mme Salomé
Z..., épouse Y... est décédée, le 10 avril 1984, en laissant ses deux enfants, M. Albert Y... et Mme
Sophie Y..., épouse A..., qui ont recueilli dans sa succession l'immeuble ; que M. Albert Y... est lui-
même décédé le 16 juillet 1984, en laissant sa fille, Mme Solange Y... ; qu'au cours des opérations
de partage, des difficultés ont opposé, d'un côté, Mme Sophie Y..., épouse A..., propriétaire indivise
de l'immeuble et, d'un autre côté, Mme Solange Y..., également copropriétaire de celui-ci, et sa
mère, Mme Raymonde X..., épouse Y..., propriétaire du fonds de commerce, à propos de son
exploitation dans les lieux ;

Attendu que Mmes Raymonde X..., épouse Y... et Solange Y... font grief à l'arrêt d'avoir décidé,
après avoir retenu l'existence du fonds de commerce appartenant à la première, qu'il était dépourvu
d'un droit au bail opposable à la succession de Mme Salomé Z..., épouse Y... alors que, selon le
pourvoi, d'une part, le droit au bail est de plein droit un élément du fonds de commerce ; que le
jugement confirmé a définitivement jugé à la suite du désistement d'appel de la partie adverse qu'il
existe un fonds de commerce dans l'immeuble ; que, par suite, en déniant l'existence du droit au
bail, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 17 mars 1909, ensemble l'article 1351 du Code
civil ; et alors, d'autre part, que l'usage des locaux concédés au donataire du fonds de commerce
n'était pas sans contrepartie, peu important la valeur économique des charges imposées au gratifié
et dont l'arrêt attaqué constate l'existence ; que, par suite, en s'arrêtant à la qualification d'" usage ",
la cour d'appel a violé l'article 12, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile et le texte susvisé
;

Mais attendu, d'une part, que quelle que soit son importance, le droit au bail ne constitue pas, de
plein droit, un élément nécessaire du fonds de commerce, qui peut exister en dehors de lui ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a relevé qu'aucun loyer n'avait été fixé pour l'occupation
par M. Albert Y... de la partie de l'immeuble servant à l'exploitation du fonds de commerce et que
les obligations mises à sa charge d'acquitter la moitié des frais de maladie non remboursés de sa
mère et de lui règler une rente viagère s'analysaient en des charges de la libéralité faite par contrat
de mariage, ce dont il résulte que l'exécution de ces obligations ne constituait pas le prix d'un bail
commercial ; qu'elle en a déduit à bon droit que la qualification de droit d'usage, intransmissible,
retenue par les parties au contrat de mariage était exacte, et que le fonds de commerce appartenant
à Mme Raymonde X..., épouse Y..., était dépourvu de droit au bail ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi.

Document n° 3 : Cass. civ. 3ème, 7 décembre 2005, n° 04-12.931

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 19 janvier 2004), qu'en 1994, la société Becimmo, assurée
par police dommages-ouvrage par la compagnie Groupama Paris-Val-de-Loire, venant aux droits
de la compagnie Groupama Loire-Bourgogne, a acquis un immeuble ancien dénommé "Château
de Bel Air" qu'elle a vendu, avant rénovation, par lots, sous le régime de la copropriété, à divers
acquéreurs, parmi lesquels les époux X... et Y..., les actes de vente des 8 mars et 19 mai 1995
stipulant que des travaux, notamment de couverture et de ravalement, sur la base de devis sollicités

23
par la société venderesse étaient à prévoir, entièrement à la charge des copropriétaires ; que des
marchés négociés ont été signé par la société Becimmo se déclarant "maître de l'ouvrage, agissant
pour le compte de la copropriété de l'immeuble de Bel Air", le 17 janvier 1995, d'une part avec la
société Paul Boussicault pour des travaux de "révision de toiture", d'autre part, pour des travaux
de ravalement avec M. Z..., qui a, depuis lors vendu son fonds de commerce à la société à
responsabilité limitée Etablissements Z... (société Z...) par acte de cession du 31 janvier 1997 ; que
ces travaux ont été réceptionnés par la société Becimmo le 19 février 1996 ; qu'ayant constaté divers
désordres, les époux Y... et X... ont, après expertise, assigné en réparation la société Becimmo et
son assureur, la société Z... et la société Paul Boussicault ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu les articles 1134 et 1165 du Code civil ;

Attendu que pour maintenir que la société Z... dans la cause, l'arrêt retient que le changement de
forme sociale de "l'entreprise" Z... en société Z..., venant aux droits de la première et dirigée par la
même personne, ne lui permet pas d'échapper à ses obligations contractuelles et responsabilités
vis-à-vis des maîtres de l'ouvrage litigieux ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de clause expresse, la vente d'un fonds de commerce
n'emporte pas de plein droit cession à la charge de l'acheteur du passif des obligations dont le
vendeur pourra être tenu en raison des engagements initialement souscrits par lui, la cour d'appel
a violé les textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Vu l'article 1792 du Code civil ;

Attendu que pour dire que les dommages affectant la toiture de l'immeuble sont de nature
décennale, l'arrêt retient que ces dommages se rapportent aux opérations de couverture et
"ressortent de la définition" de l'article 1792 du Code civil ;

Qu'en statuant par cette simple affirmation, sans préciser la nature et la consistance des travaux, et
sans rechercher si les désordres étaient de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le
rendre impropre à sa destination, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce
chef ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la responsabilité de la société Becimmo est engagée
sur le fondement de l'article 1831-1 du Code civil, que la société Paul Boussicault n'a pas commis
de faute engageant sa responsabilité au titre des travaux de couverture, et en ce qu'il dit que les
copropriétaires Y... et X... se sont immiscés dans la définition des travaux de ravalement, l'arrêt
rendu le 19 janvier 2004, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence,
quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait
droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Document n° 4 : Cass. com. 25 septembre 2012, n° 11-24.301

24
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2011), que depuis 1991, la société Charles importait du
Maroc des potages déshydratés "Chorba" et "Harira" certifiés Halal, fabriqués par la société Nestlé
Maroc sous la marque Maggi ; que le 4 juillet 2003, la société Charles a conclu avec la société Nestlé
France un contrat par lequel cette dernière lui concédait l'exclusivité de la distribution en France
de ces deux potages, en contrepartie d'engagements d'achats, le contrat étant conclu pour une durée
de trois ans, renouvelable par tacite reconduction pour une durée indéterminée, chacune des parties
pouvant y mettre fin avec un préavis de douze mois ; que le 11 janvier 2008, la société Nestlé
France a dénoncé le contrat pour le 16 janvier 2009 ; que la société Charles l'a assignée en paiement
de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale ;

Attendu que la société Nestlé France fait grief à l'arrêt de sa condamnation, alors, selon le moyen,
qu'en jugeant, pour considérer que le préavis de douze mois donné le 11 janvier 2008 par la société
Nestlé France à la société Charles avant la résiliation du contrat conclu en 2003 était insuffisant,
que la relation commerciale litigieuse comprenait la période allant de 1991 à 2003, au cours de
laquelle la société Charles avait distribué les produits litigieux pour la société Nestlé Maroc, tout en
admettant que les sociétés Nestlé France et Nestlé Maroc étaient des personnes juridiques distinctes
et sans avoir relevé l'existence d'un avenant conclu entre la société Nestlé France et la société
Charles par lequel les parties auraient entendu reprendre la relation contractuelle précédemment
nouée avec la société Nestlé Maroc, au motif inopérant que cette précédente relation était rappelée
dans le préambule du contrat conclu en 2003, la cour d'appel a violé l'article L. 442-6,I,5° du code
de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé les termes du préambule du contrat de 2003, selon lequel la
société Nestlé France souhaitait à son tour commercialiser des produits ethniques et, eu égard aux
relations nouées antérieurement par la société Charles avec la société Nestlé Maroc pour
l'importation des deux potages, avait décidé de prendre appui sur les ressources marketing et
industrielles du groupe, la cour d'appel a retenu que les parties avaient ainsi entendu se situer dans
la continuation des relations antérieures, le but d'un contrat écrit étant de poursuivre et développer
les relations existant entre la société Charles et le groupe Nestlé, en s'appuyant notamment sur
l'expérience acquise par la société Charles dans le cadre de son partenariat informel avec la société
Nestlé Maroc pour la commercialisation des mêmes produits ; qu'en l'état de ces constatations et
appréciations souveraines, d'où il ressort que la société Nestlé France avait poursuivi la relation
initialement nouée avec la société Nestlé Maroc, la cour d'appel a pu retenir que cette relation avait
commencé en 1991 ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Document n° 5 : Cass. com., 26 octobre 1993, n° 91-15.877

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1er, alinéa 2, de la loi du 17 mars 1909 ;

25
Attendu qu'un fonds de commerce est une universalité mobilière insusceptible de cession partielle
;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt infirmatif attaqué que, par acte du 14 décembre
1981, les époux Jean-Pierre X... ont cédé aux époux Maurice X... un fonds de commerce de vente
de produits pétroliers et leur ont donné à bail un terrain sis au ..., sur lequel le fonds était en partie
exploité ; que l'acte comportait une clause selon laquelle " le preneur ne pourra céder son droit au
bail ou sous-louer sans le consentement exprès et par écrit du bailleur sauf à un successeur dans
son commerce de produits pétroliers, toute cession ou sous-location devra avoir lieu par acte
notarié auquel le bailleur sera appelé " ; que, par acte du 28 octobre 1987, les époux Maurice X...
ont vendu ledit fonds à la société des Etablissements Eon Combustibles (la société) ; que les époux
Jean-Pierre X... n'ont pas été appelés à cet acte ; que ceux-ci ont, le 27 juillet 1988, assigné en
résiliation du bail la société et les époux Maurice X... ; que ces derniers ont " procédé, le 28
novembre 1988 par acte notarié, les époux Jean-Pierre X... appelés, à l'acte de cession de bail " au
profit de la société ;

Attendu que pour décider que la cession du fonds du 28 octobre 1987 ne comportait pas de
violation des clauses du bail consenties le 14 décembre 1981 et que la cession du bail avait été
valablement formalisée par l'acte du 18 novembre 1988, la cour d'appel retient que, le 28 octobre
1987, les époux Maurice X... ont cédé le fonds avec simple promesse de cession du bail, que la
cession du fonds n'enfreignait pas les stipulations du contrat du 14 décembre 1981 et qu'il était
loisible de procéder ultérieurement à la cession du bail ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la cession d'un fonds de commerce exploité dans un local
essentiel à cette exploitation et pris à bail emporte nécessairement cession de ce bail, la cour d'appel,
qui avait constaté que l'accès à l'entreprise se faisait par le terrain litigieux et que le fonds ne pouvait
être exploité sans celui-ci, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu à statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 1991, entre les parties,
par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

26
SEANCE 4
L’ENTREPRISE INDIVIDUELLE

- Document n° 1 : Art. L. 223-1 c. com.

- Document n° 2 : Art. L. 526-1 c. com.

- Document n° 3 : Art. L. 526-6 c. com.

- Document n° 4 : Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-15.482

- Document n° 5 : Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-15.438

- Document n° 6 : Cass. com. 23 avril 2013, n° 12-16.035

27
Document n° 1 : Article L. 223-1 du code de commerce

- Article L. 223-1 du code de commerce

La société à responsabilité limitée est instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent
les pertes qu'à concurrence de leurs apports.

Lorsque la société ne comporte qu'une seule personne, celle-ci est dénommée "associé unique".
L'associé unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée des associés par les dispositions du
présent chapitre. Un décret fixe un modèle de statuts types de société à responsabilité limitée dont
l'associé unique, personne physique, assume personnellement la gérance et les conditions dans
lesquelles ces statuts sont portés à la connaissance de l'intéressé. Ces statuts types s'appliquent à
moins que l'intéressé ne produise des statuts différents lors de sa demande d'immatriculation de la
société.

La société à responsabilité limitée dont l'associé unique, personne physique, assume


personnellement la gérance est soumise à des formalités de publicité allégées déterminées par décret
en Conseil d'Etat. Ce décret prévoit les conditions de dispense d'insertion au Bulletin officiel des
annonces civiles et commerciales. (1)

La société est désignée par une dénomination sociale, à laquelle peut être incorporé le nom d'un ou
plusieurs associés, et qui doit être précédée ou suivie immédiatement des mots "société à
responsabilité limitée" ou des initiales "SARL" et de l'énonciation du capital social.

Les sociétés d'assurance, de capitalisation et d'épargne ne peuvent adopter la forme de société à


responsabilité limitée.

Document n° 2 : Article L. 526-1 du code de commerce

- Article L. 526-1 du code de commerce

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique
immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité
professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont
de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité
professionnelle de la personne. Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage
professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans
qu'un état descriptif de division soit nécessaire. La domiciliation de la personne dans son local
d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce
local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un
registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle
agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non
bâti, qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier
immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier,
n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de

28
l'activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un
usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la
déclaration qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.

L'insaisissabilité mentionnée aux deux premiers alinéas du présent article n'est pas opposable à
l'administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l'encontre de la personne, soit des manœuvres
frauduleuses, soit l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

Document n° 3 : Article L. 526-6 du code de commerce

- Article L. 526-6 du code de commerce

Pour l'exercice de son activité en tant qu'entrepreneur individuel à responsabilité limitée,


l'entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son
patrimoine personnel, sans création d'une personne morale, dans les conditions prévues à l'article
L. 526-7.

Ce patrimoine est composé de l'ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont
l'entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut
comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est
titulaire, utilisés pour l'exercice de son activité professionnelle, qu'il décide d'y affecter et qu'il peut
ensuite décider de retirer du patrimoine affecté. Un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut
entrer dans la composition que d'un seul patrimoine affecté.

Par dérogation à l'alinéa précédent, l'entrepreneur individuel exerçant une activité agricole au sens
de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime peut ne pas affecter les terres utilisées
pour l'exercice de son exploitation à son activité professionnelle. Cette faculté s'applique à la totalité
des terres dont l'exploitant est propriétaire.

Pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté, l'entrepreneur


individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des
mots : " Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ” ou des initiales : " EIRL ”.

Document n° 4 : Cass. com., 28 juin 2011, n° 10-15.482

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles L. 641-9 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005
de sauvegarde des entreprises, L. 526-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 661-5 de ce
code et les principes régissant l'excès de pouvoir ;

Attendu que le débiteur peut opposer la déclaration d'insaisissabilité qu'il a effectuée en application
du deuxième de ces textes, avant qu'il ne soit mis en liquidation judiciaire, en dépit de la règle du
dessaisissement prévue par le premier ;

29
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X..., mariés sous le régime de la communauté, sont
propriétaires d'un immeuble d'habitation sur lequel M. X... a effectué une déclaration
d'insaisissabilité par acte notarié du 30 avril 2005 publié le 4 mai 2005 ; que, le 2 mai 2006, M. X...
a été mis en liquidation judiciaire, M. Y... étant désigné liquidateur ; que, par ordonnance du 19 juin
2007, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à poursuivre la vente aux enchères publiques de
l'immeuble appartenant à M. et Mme X... ; que, statuant sur recours, par jugement du 27 novembre
2008, le tribunal a déclaré nulle et de nul effet cette ordonnance ; que, le 17 décembre 2008, le
liquidateur a interjeté appel de ce jugement, tandis que le ministère public en a relevé appel le 25
février 2009 ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance du juge-commissaire autorisant M. Y..., ès qualités, à


procéder à la vente suivant la forme des saisies immobilières de l'immeuble commun appartenant
à M. et Mme X..., l'arrêt, après avoir énoncé que la déclaration d'insaisissabilité effectuée en
application de l'article L. 526-1 du code de commerce, qui n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers
dont les droits naissent postérieurement à la publication à l'occasion de l'activité professionnelle du
déclarant, ne permet pas de déroger à la règle du dessaisissement à l'égard du bien concerné, retient
que cette déclaration, ne pouvant avoir d'effet à l'égard des créances nées antérieurement à sa
publication ou qui ne sont pas nées à l'occasion de l'activité professionnelle de M. X..., ne peut
empêcher la vente du bien ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'immeuble appartenant à M. et Mme X... ayant fait l'objet
d'une déclaration d'insaisissabilité publiée avant l'ouverture de la liquidation judiciaire de M. X..., le
juge-commissaire ne pouvait autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir, le liquidateur
à procéder à la vente aux enchères publiques de cet immeuble dont l'insaisissabilité lui était
opposable, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a déclaré l'"opposition"


recevable, l'arrêt rendu le 3 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence
; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Document n° 5 : Cass. com., 13 mars 2012, n° 11-15.438

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., propriétaire indivis avec Mme Y... d'un immeuble
constituant leur résidence principale, a déclaré insaisissables ses droits indivis sur ce bien par un
acte authentique qui a été publié au bureau des hypothèques et au répertoire des métiers, dans
lequel M. X... était immatriculé pour une activité d'artisan plombier, mais pas au registre du
commerce et des sociétés, auquel M. X...était également inscrit pour une activité de négociant en
matériaux de construction ; que M. X... ayant été mis en liquidation judiciaire le 20 octobre 2004,
le liquidateur a demandé que la déclaration d'insaisissabilité lui soit rendue inopposable et qu'il soit
procédé à la licitation de l'immeuble indivis ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les demandes du
liquidateur malgré l'absence de tout litige entre le débiteur et ses créanciers, alors, selon le moyen,

30
que l'absence de litige entre les créanciers de la liquidation judiciaire et le débiteur prive le
liquidateur d'intérêt à agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité ; qu'en prononçant
l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité de M. X... et en jugeant ainsi recevable l'action de
son liquidateur, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, s'il existait un litige entre M. X...et
certains de ses créanciers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31
du code de procédure civile, ensemble l'article L. 526-1 du code commerce ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le liquidateur agissait en inopposabilité de la déclaration


d'insaisissabilité, non pas à titre préventif, mais en vue de la licitation immédiate de l'immeuble,
sans qu'ait été soutenu devant elle un moyen tenant à l'absence éventuelle de tout créancier dont
les droits seraient nés de l'activité professionnelle du débiteur postérieurement à la publication de
la déclaration, la cour d'appel a souverainement retenu, au sens général de l'article 31 du code de
procédure civile, l'existence d'un intérêt à agir en inopposabilité, né de la demande de licitation ;
que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 526-1, L. 622-4, alinéa 1er, et L. 621-39, alinéa 1er, du code de commerce, ces
deux derniers textes dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des
entreprises ;

Attendu qu'il résulte des deux derniers textes que le liquidateur ne peut légalement agir que dans
l'intérêt de tous les créanciers et non dans l'intérêt personnel d'un créancier ou d'un groupe de
créanciers ; qu'en application du premier, la déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet qu'à l'égard des
créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l'occasion de l'activité
professionnelle du déclarant ; qu'en conséquence, le liquidateur n'a pas qualité pour agir, dans
l'intérêt de ces seuls créanciers, en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité ;

Attendu que, pour accueillir la demande du liquidateur, l'arrêt retient que celui-ci peut se prévaloir
de l'absence de publication de la déclaration d'insaisissabilité au registre du commerce et des
sociétés, dans lequel M. X... était aussi immatriculé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'intérêt collectif des créanciers ne résulte pas de l'irrégularité
de la publicité de la déclaration d'insaisissabilité, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2011, entre les parties,
par la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables les demandes de M. Z..., ès qualités, en inopposabilité de la déclaration


d'insaisissabilité souscrite par M. X... et en licitation-partage de l'indivision existant entre celui-ci et
Mme Y... relativement à l'immeuble situé ... à Saint-Chamond (Loire), figurant au cadastre section
BS, n° 54 ;

31
Document n° 6 : Cass. com. 23 avril 2013, n° 12-16.035

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 janvier 2012), que Mme X..., par acte notarié publié au
bureau des hypothèques le 13 février 2009, a déclaré insaisissables ses droits indivis dans un
immeuble ; qu'ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 4 juin et 4 août 2009,
le liquidateur a demandé, par la voie de l'action paulienne, que cette déclaration soit rendue
inopposable à la procédure collective ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré sa demande irrecevable, alors, selon le
moyen :

1°/ que le liquidateur, auquel sont dévolues les attributions du représentant des créanciers, ayant
qualité pour exercer, au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, l'action paulienne, est
recevable à agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité du débiteur en vue de la
licitation de l'immeuble, objet de cette déclaration, au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers
; qu'en déclarant irrecevable la demande de M. Y..., liquidateur judiciaire de Mme X..., en
inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité de Mme X..., fondée sur l'action paulienne, motif
pris que cette action ne serait introduite que dans l'intérêt des créanciers postérieurs à la déclaration
d'insaisissabilité et que le liquidateur judiciaire n'agirait pas au nom et dans l'intérêt collectif de tous
les créanciers, quand cette action paulienne a pour effet de voir déclarer inopposable à la procédure
la déclaration d'insaisissabilité litigieuse et, partant de permettre la réalisation de l'actif immobilier
afin que tous les créanciers, postérieurs comme antérieurs, puissent venir à la répartition du prix de
vente et qu'elle est ainsi faite dans l'intérêt de tous les créanciers, le liquidateur judiciaire agissant
ainsi en leur nom et intérêt collectif la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile,
ensemble l'article 1167 du code civil ;

2°/ que le jugement qui ouvre la procédure collective emportant de plein droit dessaisissement du
débiteur et suspension des poursuites individuelles, le liquidateur demeure recevable à agir en
inopposabilité de cette déclaration d'insaisissabilité sur le fondement de la fraude paulienne, cette
action découlant de l'effet réel de la procédure collective sur l'ensemble des biens du débiteur ;
qu'en décidant le contraire, motif inopérant pris de l'absence d'intérêt à agir du liquidateur au nom
et dans l'intérêt collectif des créanciers de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 31
du code de procédure civile, ensemble l'article 1167 du code civil et L. 641-9 du code de commerce
;

Mais attendu que l'arrêt énonce qu'ont seuls intérêt à voir juger que la déclaration d'insaisissabilité
leur est inopposable pour cause de fraude paulienne les créanciers auxquels elle serait opposable
par application des dispositions de l'article L. 526-1, alinéa 1er, du code de commerce, c'est-à-dire
les créanciers titulaires de créances nées à l'occasion de l'activité professionnelle de la débitrice et
postérieurement au 13 février 2009 ; qu'ayant relevé qu'ils ne constituaient qu'une partie des
créanciers de Mme X..., en raison de l'existence de créances antérieures pour une somme supérieure
à 60 000 euros, la cour d'appel en a exactement déduit que le liquidateur, faute de pouvoir prétendre
agir dans l'intérêt collectif des créanciers, n'était pas recevable à exercer l'action paulienne ; que le
moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

32
Attendu que le liquidateur fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à appréhender
les droits de Mme X..., alors, selon le moyen, que la cassation qui sera prononcée du chef du premier
moyen relatif à l'irrecevabilité de la demande du liquidateur judiciaire d'inopposabilité de la
déclaration d'insaisissabilité pour fraude paulienne entraînera, par voie de conséquence, celle du
présent chef de dispositif, relatif à la demande du liquidateur judiciaire d'autorisation de vente du
bien litigieux, qui se trouve dans sa dépendance nécessaire, et ce en application de l'article 624 du
code de procédure civile ;

Mais attendu que le premier moyen ayant été rejeté, le second qui invoque la cassation par voie de
conséquence est devenu inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

33
SEANCE 5
LES RESPONSABILITES DANS L’ENTREPRISE

- Document n° 1 : Article 1833 du code civil

- Document n° 2 : Cass. civ. 1ère, 13 novembre 2008, n° 07-15.049

- Document n° 3 : Cass. crim., 11 avril 2012, n° 10-86974

- Document n° 4 : Cass. crim., 24 octobre 2000, n° 00-80378

- Document 5 : Cass. crim., 15 novembre 2016, n° 15-86465

34
Document n° 1 : Article 1833 du code civil

- Article 1833 du code civil

Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l'intérêt commun des associés.

La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et
environnementaux de son activité.

Document n° 2 : Cass. civ. 1ère, 13 novembre 2008, n° 07-15.049

Sur le moyen unique :

Attendu que suivie par M. X..., gynécologue-obstétricien, Mme Y..., a été hospitalisée à la
Polyclinique des Longues Allées (la clinique) où exerce ce praticien ; que, le 3 juin 2002, se plaignant
de douleurs elle a été admise au bloc obstétrical à 15 h 30 ; que M. Z..., médecin de garde à la
clinique, comme M. X..., qui consultait en ville à son propre cabinet, ont été informés de l'état de
la patiente ; qu'apprenant, entre 17 h 10 et 17 h 30, que les résultats de l'examen, pratiqué par la
sage-femme, montraient une amélioration de l'état de la patiente, M. Z..., n'est pas intervenu,
persuadé qu'elle pouvait attendre l'arrivée de M. X..., qui devait selon M. Z... prendre sa garde à 18
h ; que M. X..., qui estimait n'avoir à prendre la relève qu'à 20 h rappelé par la sage-femme vers 18
h 30 puis vers 19 h n'est arrivé à la clinique qu'à 19 h 30, heure à laquelle il procéda, par césarienne,
à l'accouchement de Mme Y..., qui mit au monde, à 19 h 50, un enfant, prénommé Abdelah, qui
ayant souffert d'une encéphalopathie anoxique périnatale, est resté atteint de graves séquelles ; que
les époux Y..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs
six enfants mineurs, ainsi que les frères et la soeur majeurs du jeune Abdelah, Mohammed, Sofian
et Karima Y..., ont recherché la responsabilité de MM. X... et Z... et de la clinique, en présence de
la CPAM du Loiret ;

Attendu que la clinique fait grief à l'arrêt (Orléans, 12 mars 2007) d'avoir dit qu'elle-même et MM.
X... et Z... avaient chacun commis des fautes, ayant contribué à priver l'enfant d'une chance de
naître indemne de toute lésion, et de l'avoir condamnée in solidum avec MM. X... et Z... à
indemniser les consorts Y... et la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret de leurs préjudices
respectifs et d'avoir dit que, dans leurs rapports entre eux, la responsabilité incomberait à hauteur
de 50 % à M. X..., 30 % à M. Z... et 20 % à la clinique, alors, selon le moyen :

1°/ que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu'en l'espèce la cour d'appel
a affirmé que M. X..., en s'abstenant d'assurer lui-même, ou de faire assurer par le médecin de garde,
la prise en charge urgente que l'état de sa patiente nécessitait, ce qui impliquait qu'il prît contact
personnellement avec M. Z... pour s'assurer qu'il pouvait intervenir, avait fait preuve d'une
négligence grave et avait manqué aux devoirs de sa profession ; que s'agissant de M. Z..., la cour
d'appel a estimé qu'il avait la possibilité d'intervenir à temps pour faire le diagnostic du décollement
rétroplacentaire et d'intervenir suffisamment tôt pour éviter l'issue dramatique de cette grossesse
et que la légèreté dont il avait fait preuve en pareille situation et les manquements graves aux devoirs
de médecin qu'il avait commis avaient participé à la réalisation du dommage ; qu'il résultait de ces
motifs qu'aucun des deux médecins n'était en droit de considérer qu'il appartenait à l'autre
d'intervenir ; qu'en affirmant, alors ensuite, qu'un prétendu manque de rigueur dans l'organisation

35
des gardes avait autorisé chacun des deux médecins en cause à considérer qu'il appartenait à l'autre
d'intervenir et avait conduit à une vacance totale de la permanence pendant 1 h 30 au moins, la
cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, violant ainsi l'article 455 du code de procédure
civile ;

2°/ que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison du défaut d'un produit de santé,
les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou
de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute ;
qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la clinique avait imposé aux
praticiens exerçant à titre libéral dans l'établissement l'obligation d'organiser un système de garde
et d'assurer la continuité des soins, satisfaisant ainsi, en l'absence de pouvoir de direction de la
clinique sur ces praticiens exerçant à titre libéral, à l'obligation de moyens qu'elle assumait à l'égard
des patients ; qu'en condamnant néanmoins la clinique in solidum avec les médecins à réparer les
préjudices subis par les consorts Y... en raison d'un prétendu manque de rigueur dans l'organisation
des gardes, faute de dispositions précises et contraignantes quant aux horaires de garde, la cour
d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;

3°/ que hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison du défaut d'un produit de santé,
les établissements dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou
de soins ne sont responsables des conséquences dommageables de tels actes qu'en cas de faute en
lien de causalité avec le préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le médecin
traitant de la patiente avait été alerté par le personnel soignant avant 17 h des symptômes alarmants
que présentait celle-ci et a estimé qu'il aurait dû se rendre à la clinique ou s'assurer que le médecin
de garde était en mesure de le faire ; qu'elle a en outre relevé que le médecin de garde présent à la
clinique avait été informé dès 17 h 10 de ces mêmes symptômes et qu'il s'était également et
fautivement abstenu d'intervenir à temps ; qu'elle a enfin relevé que les médecins étaient
contractuellement tenus envers la clinique d'assurer la continuité des soins ; qu'il s'ensuivait que le
désaccord entre ces deux médecins quant à l'heure de relève n'était pas la cause des préjudices subis
par les consorts Y... ni, en conséquence, l'absence de dispositions contraignantes sur les horaires
de garde ; qu'en condamnant néanmoins la clinique in solidum avec les médecins à réparer les
préjudices subis par les consorts Y... en raison d'un prétendu manque de rigueur dans l'organisation
des gardes, la cour d'appel a violé l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ensemble l'article
1149 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'en vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant à son patient, un
établissement de santé privé est tenu de lui procurer des soins qualifiés en mettant notamment à
son service des médecins pouvant intervenir dans les délais imposés par son état ; que la cour
d'appel a constaté que les dispositions du règlement intérieur étaient insuffisamment contraignantes
et trop imprécises quant aux horaires, pour que soit garantie aux malades la continuité des soins ;
que ce manque de rigueur dans l'organisation a permis à chacun des deux médecins en cause de
considérer qu'il appartenait à l'autre d'intervenir et a conduit à une vacance totale de la permanence
pendant une heure et demi au moins ; qu'elle a pu en déduire, sans se contredire, que la clinique
avait commis dans son organisation une faute qui avait contribué au dommage ; qu'ensuite, la
circonstance que les médecins exercent à titre libéral et engagent leur seule responsabilité au titre
du contrat de soins n'était pas de nature à exonérer l'établissement de santé privé de la responsabilité
née de cette faute ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

36
Document n° 3 : Cass crim., 11 avril 2012, n° 10-86974

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 121-3, 222-19 et 222-21 du code pénal
ainsi que des articles L. 4741-1, L. 4141-1 et suivants du code du travail, 593 du code de procédure pénale, défaut
de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Gauthey coupable des délits de blessures
involontaires par personne morale avec ITT supérieure à trois mois dans le cadre du travail et
d'embauche de travailleur sans organisation de formation pratique et appropriée en matière de
sécurité et l'a condamnée, en répression, à 10 000 euros d'amende ;

"aux motifs que c'est à juste titre que le tribunal a considéré qu'il était établi que l'inattention de M.
X... était en lien de causalité direct avec les blessures subies par M. Y... ; que sa décision, qui n'est
pas querellée par le prévenu, sera, en conséquence, confirmée sur la culpabilité comme sur la peine
qui constitue une juste application de la loi pénale ; que selon les constatations de l'inspection du
travail et des enquêteurs du commissariat de Chambéry, l'accident dont a été victime M. Y... s'est
produit sur un chantier aux dimensions réduites par la présence d'une tranchée profonde et d'une
pelle mécanique d'un gabarit très important ; que de fait, tous les salariés, qui évoluaient dans un
périmètre exigu, se trouvaient en permanence dans le rayon d'action de l'engin, alors qu'ils étaient
chargés de l'exécution de travaux difficiles et techniques, qui comportaient des risques
d'ensevelissement, des risques de chute et des risques d'interférence entre engin et travailleurs à
pied devant manutentionner des équipements lourds et volumineux comme des panneaux de
blindage ; qu'il était ainsi extrêmement difficile, voire impossible, pour ces derniers, de respecter
les consignes générales écrites leur proscrivant d'entrer dans le rayon d'action de la pelle mécanique
ou les obligeant à rester dans le champ de vision du conducteur de la pelleteuse ; que des
instructions de sécurité précises et adaptées à la configuration spécifique de ce chantier étaient donc
nécessaires ; qu'or, il est constant que si M. Y... a bénéficié le 27 septembre 2007 d'une formation
aux principes généraux de sécurité à respecter sur les chantiers, il n'a pas été destinataire des
consignes particulières de sécurité qui ont été dispensées le 7 mars 2008 et qui attiraient l'attention
des ouvriers sur les risques spécifiques du chantier, à savoir des postes au contact direct et
permanent de l'engin à fort gabarit, sur un périmètre exigu et limité par une tranchée profonde ;
que la victime est ainsi intervenue, pour la première fois, sur un chantier de ce type, sans avoir reçu
la formation pratique et appropriée qui devait avoir pour objet de lui enseigner, à partir des risques
auxquels elle était exposée, les comportements et les gestes les plus sûrs ; que le seul avertissement
du chef de chantier de "faire attention à la pelle" tel que relaté par les autres ouvriers, ne saurait
constituer une formation pratique et appropriée au sens des articles R. 4142 R. 4141 -13 et 14 du
code du travail ; qu'il en résulte qu'à défaut de l'avoir dispensée, la personne morale qui employait
M. Y... a créé la situation qui a permis la réalisation du dommage ou n'a pas pris les mesures
permettant de l'éviter ; que les infractions reprochées à la société Gauthey étant en conséquence
caractérisées en tous leurs éléments constitutifs, la cour réforme le jugement entrepris, la déclare
coupable des délits qui lui sont reprochés et la condamne, en répression, à 10 000 euros d'amende
;

"1) alors qu'il résulte de l'article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être
déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise pour leur
compte par leurs organes et leurs représentants ; que ne satisfait pas à cette condition la cour d'appel
qui se borne à énoncer que le seul avertissement d'un chef de chantier « de faire attention à la pelle
» ne saurait constituer une formation pratique adaptée à la configuration particulière du chantier et
qu'à défaut « la personne morale qui employait M. Y... a créé la situation qui a permis la réalisation

37
du dommage ou n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter » ; qu'en s'abstenant de rechercher
si le manquement incriminé sur le chantier litigieux avait été commis par des organes ou des
représentants de la société, jouissant d'une délégation, la cour de Chambéry a privé sa décision de
toute base légale au regard du texte susvisé ;

"2) alors que ne caractérise pas le manquement à l'obligation des représentants de la personne
morale de dispenser une « formation pratique et appropriée », la cour de Chambéry qui se prononce,
en référence au chapitre II du titre deuxième de la quatrième partie du code du travail relatif aux «
formations et mesures d'adaptation particulières », laquelle ne comporte pas les articles visés R.
4142-13 et R. 4142-14, en réalité inexistants ; qu'en statuant de la sorte la cour de Chambéry a
derechef violé l'article L. 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

"3) alors que la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait estimé que l'accident
avait été directement causé par l'inattention de M. X... qui avait pris l'initiative de déplacer le godet
de la pelle mécanique qu'il conduisait alors qu'il ne devait pas le faire sans ordre exprès ; qu'elle a,
par ailleurs constaté, d'une part, que M. Y... avait suivi le 27 septembre 2007 une formation sur les
principes généraux de sécurité à respecter sur les chantiers et d'autre part, que le chantier au cours
duquel l'accident est survenu présentait des caractéristiques telles qu'il était « extrêmement difficile,
voire impossible » pour les salariés de respecter les consignes générales «leur proscrivant d'entrer
dans le champ d'action de la pelle mécanique ou les obligeant à rester dans le champ de vision du
conducteur de la pelleteuse» ; qu'en estimant que la formation dispensée au salarié victime, M. Y...,
était insuffisante de sorte que la société Gauthey aurait manqué à son obligation de dispenser une
formation pratique et appropriée sur la sécurité du travailleur et qu'elle avait, par là même, commis
une imprudence fautive ayant causé l'accident sans préciser quels éléments d'information
supplémentaires, par rapport à ceux reçus lors de la journée de formation du 27 septembre 2007,
auraient pu et dû être dispensés au salarié, la cour d'appel n'a pas caractérisé le manquement de
l'employeur et n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes visés au moyen ;

"4) alors que le délit de blessures involontaires suppose l'existence d'un lien de causalité entre le fait
reproché et les blessures subies ; que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le chantier au cours
duquel l'accident est survenu présentait des caractéristiques telles qu'il était « extrêmement difficile,
voire impossible » pour les salariés de respecter les consignes générales « leur proscrivant d'entrer
dans le champ d'action de la pelle mécanique ou les obligeant à rester dans le champ de vision du
conducteur de la pelleteuse » et, d'autre part, que l'inattention de M. X..., qui avait pris l'initiative
de déplacer le godet de la pelle mécanique qu'il conduisait alors qu'il ne devait pas le faire sans ordre
exprès, était en lien de causalité direct avec ledit accident ; qu'en ne précisant pas en quoi l'accident
survenu le 13 mars 2008 aurait été évité si M. Y... avait suivi une formation supplémentaire, la cour
d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre le prétendu manquement et
l'accident et n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que
l'insuffisance de la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer la société Gauthey coupable de blessures involontaires et d'infraction à
la sécurité des travailleurs, à la suite d'un accident du travail subi par M. Y..., salarié sous contrat de
professionnalisation qui avait oeuvré sur un chantier de cette entreprise, la cour d'appel, infirmant
sur ce point le jugement entrepris, retient par les motifs repris au moyen qu'à défaut d'avoir dispensé
une formation pratique et appropriée, la personne morale a créé la situation ayant permis la
réalisation du dommage ou n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter ;

38
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans mieux rechercher si les manquements relevés résultaient
de l'abstention d'un des organes ou représentants de la société Gauthey, et s'ils avaient été commis
pour le compte de cette société, au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas
justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 6 mai 2010, en
ses seules dispositions prononçant sur les actions publique et civile dirigées contre la société
Gauthey, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi
prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération
spéciale prise en chambre du conseil ;

Document 4 : Cass. crim., 24 octobre 2000, n° 00-80378

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-19, 222-44 et 222-46 du Code pénal, de
l'article L. 263-2 du Code du travail, des articles 5 et 149 du décret du 8 janvier 1965, 593 du Code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

(…)

Vu les articles 121-2, 121-3, 222-19 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte des articles 121-2, 121-3 et 222-19 du Code pénal, tant dans leur rédaction
antérieure à la loi du 10 juillet 2000 que dans celle issue de cette loi, que les personnes morales sont
responsables pénalement de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants ayant
entraîné une atteinte à l'intégrité physique constitutive du délit de blessures involontaires, alors
même qu'en l'absence de faute délibérée ou caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, nouveau,
la responsabilité pénale des personnes physiques, ne pourrait être recherchée ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit être motivé ; que l'insuffisance ou la contradiction des
motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 24 mars 1994, dans une usine de la société Tecphy,
un ouvrier a été grièvement blessé après être tombé d'une échelle, sur laquelle, posté à une hauteur
"pouvant varier de 2,90 mètres à 4 mètres", il était occupé à redresser une tôle à l'aide d'une masse
; qu'à la suite de cet accident, Jean-Paul Y..., contremaître ayant organisé l'intervention, Gilbert A...,
responsable du service entretien, Gérald Z..., directeur de l'usine et la société Tecphy ont été
renvoyés devant le tribunal correctionnel pour blessures involontaires ;

Attendu que, pour relaxer Gilbert A..., Gérald Z... et la société Tecphy, après avoir retenu la
culpabilité de Jean-Paul Y..., la cour d'appel énonce que ce dernier, alors en poste de nuit, chargé
du service entretien, "a seul décidé sans en référer à sa hiérarchie, d'avoir recours à un procédé de
fortune" pour la réalisation de l'intervention qu'il avait pris l'initiative de confier à la victime ; que

39
les juges ajoutent qu'en l'absence de point d'ancrage permettant l'emploi d'un harnais de sécurité, il
avait la possibilité et le devoir d'utiliser la nacelle élévatrice à sa disposition dans l'entreprise ; qu'ils
précisent que, Jean-Paul Y... n'étant pas titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité,
sa faute n'a pu engager la responsabilité pénale de la société Tecphy ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il résulte que Gilbert A... et Gérald Z... n'ont commis aucune
faute délibérée ou caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal dans sa rédaction
issue de la loi du 10 juillet 2000, immédiatement applicable, la cour d'appel a justifié leur relaxe ;

Mais attendu qu'en prononçant également la relaxe de la société Tecphy, après avoir relevé des
éléments de fait caractérisant un manquement aux prescriptions de l'article 5 du décret n° 65-48 du
8 janvier 1965, sans rechercher si, au-delà de la faute de négligence retenue à l'encontre du salarié
définitivement condamné, ce manquement n'était pas dû pour partie à un défaut de surveillance ou
d'organisation du travail imputable au chef d'établissement ou, le cas échéant, à son délégataire en
matière de sécurité et susceptible, nonobstant l'absence de faute délibéré ou caractérisée, d'engager
la responsabilité pénale de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Sur la demande présentée au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale : (Publication sans
intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Lyon, en date du 7 décembre 1999,
mais uniquement, en ce qu'il a dit le délit de blessures involontaires non établi à l'encontre de la
société Tecphy, et pour qu'il soit jugé à nouveau sur l'action civile, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon.

Document 5 : Cass. crim., 15 novembre 2016, n° 15-86465

Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Boré et Salve de Bruneton, pour la société
Locadour Guyenne Languedoc-Roussillon, pris de la violation des articles 121-2, 121-3 et 221-6 du code pénal,
459, 464, 567, 591 et 593 du code de procédure pénale, de l'arrêté du 5 mars 1993 et de l'article R. 233-11
ancien du code du travail, devenu les articles R. 4323-23 et suivants du même code ;

(…)

Vu les articles 121-2 du code pénal, et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables
pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la
décision ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Louis Y..., salarié de la société
Sade compagnie générale de travaux d'hydraulique (Sade), a été victime d'un accident mortel du
travail alors qu'il pilotait un compacteur qui s'est renversé sur un accotement en forte déclivité et

40
l'a écrasé ; que cet engin avait été pris en location, pour la journée, auprès de la société Locadour
Guyenne Languedoc Roussillon (Locadour) ; que l'expert saisi ayant relevé que le frein de parking
de l'engin était inefficace et que la ceinture de sécurité du conducteur ne fonctionnait pas, les deux
sociétés ont été poursuivies du chef d'homicide involontaire pour avoir mis à la disposition d'un
salarié un équipement de travail présentant des non-conformités du fait du dysfonctionnement de
la ceinture de sécurité et du frein de parking ; que le tribunal a prononcé la relaxe des deux
personnes morales prévenues ; que le procureur de la République a relevé appel de ce jugement ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et déclarer les prévenues coupables d'homicide
involontaire, l'arrêt, après avoir retenu que le mauvais fonctionnement du frein de parking et les
défauts de la ceinture de sécurité constituaient des causes de l'accident, énonce, d'une part, que la
société Locadour n'a pas vérifié le bon état du compacteur avant de le mettre à la disposition de la
société Sade et a ainsi commis une faute de négligence ayant contribué à créer la situation qui a
permis la réalisation du dommage, et, d'autre part, que les salariés de celle-ci, à savoir la victime et
un salarié intérimaire, agissant pour le compte de la société qui les employait, ont, en s'abstenant
de vérifier l'état de la ceinture de sécurité de l'engin qu'ils avaient pris en charge et qu'ils utilisaient,
commis un acte de négligence ayant également contribué à la réalisation du dommage ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher, en ce qui concerne la société Locadour, si
les manquements relevés résultaient de l'abstention de l'un de ses organes ou représentants et s'ils
avaient été commis pour le compte de cette société, et, en ce qui concerne la société Sade, si les
salariés incriminés étaient titulaires d'une délégation de pouvoirs en matière d'hygiène et de sécurité,
et comme tels investis dans ce domaine de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires
à l'exercice de leur mission leur conférant la qualité de représentants de cette personne morale, la
cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 121-2 du code pénal ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Pau, en date
du 15 octobre 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération
spéciale prise en chambre du conseil ;

41
SEANCE 6
LES GARANTIES BANCAIRES

- Document n° 1 : Cass. com., 20 décembre 1982, n° 81-12.579

- Document n° 2 : Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-21.279

- Document n° 3 : Cass. com., 7 octobre 1997, n° 95-15.259

- Document n° 4 : Cass. com., 12 janvier 1993, n° 91-10.634

- Document n° 5 : Cass. com., 4 juillet 2006, n° 04-19.577

- Document n° 6 : Cass. com., 7 juin 1994, n° 93-11.340

- Document n° 7 : Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-19.158

42
Document n° 1 : Cass. com., 20 décembre 1982, n° 81-12.579

Sur le premier moyen :

Attendu que, selon l’arrêt déféré (Paris, 29 janvier 1981), la société Creusot Loire Entreprises (la
société Creusot-Loire), chargée de la construction d’une aciérie en Irak, a sous-traité certains
travaux à la société Siegfried Dunes Sharjah Leasing Corporation (la société Siegfried) ; que ce
contrat a été amendé par un acte dit protocole n° 7 le 12 août 1976, et qu’à cette même date, la
Banque de Paris et des Pays-Bas (Paribas) a délivré à la société Creusot-Loire une lettre de garantie,
dans laquelle elle s’engageait « à première demande à payer toute somme que vous pourriez
réclamer en vertu des conditions et des stipulations du contrat amendé par le protocole n° 7, dans
la limite d’un montant maximum de 11.750.000 francs » ; que Nasib et la société Oman
International Trading Company (la société Oman) se sont solidairement obligés à contregarantir
Paribas ; que la société Creusot-Loire, invoquant la défaillance de la société Siegfried, le 12 août
1976, réclame la somme de 11.750.000 francs à Paribas, qui a appelé en intervention forcée la
société Siegfried, la société Oman et Nasib.

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande de la société Creusot-Loire, alors,
selon le pourvoi, que l'engagement par lequel un tiers s'engage à payer à un créancier les dettes
résultant d'un contrat auquel il est lui-même étranger, en se réservant un recours contre le débiteur
de ces dettes constitue nécessairement un contrat de cautionnement, que celui-ci ne peut,
nonobstant toute clause contraire d'ailleurs absente en l'espèce, garantir une dette non valable, que
le garant peut donc opposer au créancier les exceptions inhérentes à la validité même du contrat
qui constitue le support nécessaire de son propre engagement, qu'en le condamnant à payer, en
raison du caractère autonome de la garantie, tout en admettant que l'annulation du contrat de base
entrainerait celle de la lettre de garantie, dont il constitue la cause, sans avoir égard à la contestation
sur la nullité du contrat de base, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1131, 1134, 2012 et
2036 du code civil ;

Mais attendu que, restituant à la demande de la banque son véritable fondement juridique, la cour
d'appel, qui relève que Paribas s'est engagée envers la société Creusot-Loire à la payer à première
demande, a décidé, à bon droit, que cet engagement ne constituait pas un cautionnement mais
une garantie autonome, ce qui interdisait à la banque de se prévaloir, en l'état, des exceptions que
la société Siegfried pouvait opposer à la société Creusot-Loire, tenant à l'inexécution du contrat les
unissant ;

D'ou il suit que le moyen est sans fondement ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir condamné Paribas à payer à Creusot-Loire 100000
francs à titre de dommages-interêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en s'abstenant d'expliquer
en quoi la banque aurait agi de mauvaise foi, ses moyens étant au contraire manifestement sérieux,
la cour d'appel a violé ensemble les articles 1153, alinéa 4 et 1382 du code civil, alors, d'autre part,
qu'en s'abstenant d'expliquer en quoi consistait le prejudice réparé indépendamment du retard de
paiement, la cour d'appel a violé à nouveau l'article 1153, alinéa 4 du code civil ;

Mais attendu qu'en relevant que la résistance opposée par la banque au paiement de sa dette ne
repose sur aucun moyen sérieux, apparaît purement dilatoire, relève de la mauvaise foi et présente

43
ainsi un caractère abusif, la cour d'appel a justifié les dommages-interêts auxquels elle a condamné
Paribas ;

D'où il suit que le moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 29 janvier 1981, par la cour d'appel de Paris ;

Document n° 2 : Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-21.279

Sur le premier et le second moyen, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 mars 2017), que le 19 février 2013, M. Y... a signé un
acte intitulé "garantie à première demande" au profit de la société Cuisines design industries ; que
cette société a déclaré une créance de 86 165,08 euros au passif de la société Euro cuisines bain
2000, mise en redressement judiciaire, et dont M. Y... était le gérant ; qu'après la conversion du
redressement en liquidation judiciaire, la société Cuisines design industries a assigné M. Y... en
exécution de son engagement ; que celui-ci a soutenu que cet engagement devait être qualifié de
cautionnement et qu'il n'avait pas été mis en garde ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société Cuisines design industries,
créancière, la somme de 86 165,08 euros et de retenir que cette dernière n'avait pas manqué à son
devoir de mise en garde alors, selon le moyen :

1°/ qu'en dépit de l'intitulé de l'acte, constitue un cautionnement l'engagement portant sur
l'obligation du débiteur principal ; que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté qu'il était inscrit dans
l'acte que M. Y... s'engagerait à payer le créancier dès réception d'une lettre demandant un paiement
et lui notifiant la défaillance de la débitrice principale ; qu'en retenant que l'engagement litigieux
constituait une garantie autonome après avoir constaté qu'il portait sur l'obligation du débiteur
principal, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en
violation des articles 2298 et 2321 du code civil ;

2°/ qu'en dépit de l'intitulé de l'acte, constitue un cautionnement la garantie souscrite à titre
solidaire et indivisible et signée par une seule personne ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt
infirmatif attaqué que l'acte litigieux n'avait été signé que par M. Y... qui s'était engagé solidairement
et indivisiblement envers le créancier ; qu'il en résultait nécessairement que l'engagement en cause
constituait un cautionnement, de sorte que, en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré
les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 2298 et 2321 du code civil
;

3°/ que seul celui qui signe un acte de garantie s'engage au titre de cette garantie ; qu'il ressort des
constatations de l'arrêt infirmatif attaqué que l'acte litigieux n'avait été signé que par M. Y... qui
s'était engagé solidairement et indivisiblement envers le créancier ; qu'en statuant par des motifs
impropres à établir que la solidarité et l'indivisibilité prévues à l'acte concernaient les garants entre
eux et faisaient de l'acte une garantie autonome, quand il résultait de ses constatations que seul M.
Y... avait signé l'acte, la cour d'appel a violé les articles 2298 et 2321 du code civil ;

4°/ qu'un gérant de société n'est pas nécessairement un cocontractant averti ; qu'en affirmant que

44
M. Y... était averti sans motiver sa décision plus avant sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le premier paragraphe des mentions
dactylographiées de l'acte signé par M. Y... décrit un engagement des "garants" autonome et
indépendant des relations contractuelles existant entre la société Cuisines design industries et la
société Euro cuisines bain 2000, que le deuxième paragraphe de ces mentions précise que les
garants s'engagent à paiement dès réception d'une demande de paiement du bénéficiaire par lettre
recommandée avec accusé de réception notifiant la défaillance de la société Euro cuisines bain 2000
dans ses obligations, "étant bien entendu que l'effectivité ou le bien-fondé du manquement dénoncé
est totalement indifférent à l'exécution de notre engagement de garantie", et que, dans le troisième
paragraphe, les garants s'interdisent d'opposer une quelconque nullité, exception, objection, fin de
non-recevoir tirée des relations juridiques ou d'affaires entre ces deux sociétés, enfin, qu'il est
clairement ajouté dans un paragraphe suivant que la garantie n'est pas un cautionnement, l'arrêt
retient que ces mentions sont suivies d'une mention manuscrite de M. Y... ainsi rédigée : "Bon pour
garantie à première demande, solidaire et indivisible à hauteur de 100 000 euros en principal frais
et accessoires en sus à compter du jour des présentes et jusqu'au 31 mars 2014" ; qu'en l'état de ces
constatations et appréciations, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'interprétation d'un
acte ambigu que la cour d'appel a retenu que l'engagement de M. Y... n'avait pas pour objet la
propre dette du débiteur mais s'analysait en un appel motivé par l'inexécution par le débiteur de ses
obligations, de sorte que le garant, à réception de cette demande, ne pouvait en différer le paiement
ni soulever de contestation pour quelque motif que ce soit ; qu'ainsi, en dépit des mentions
"solidaire et indivisible" et du fait que l'acte désignant "les garants" a été signé par M. Y... seul, elle
a légalement justifié sa décision de qualifier l'engagement de garantie à première demande ;

Et attendu, en second lieu, que le créancier bénéficiaire d'une garantie à première demande n'est
débiteur d'aucune obligation de mise en garde à l'égard du garant autonome ; que la quatrième
branche est inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

Document n° 3 : Cass. com., 7 octobre 1997, n° 95-15.259

Attendu, selon l'arrêt critiqué (Paris, 10 février 1995), que la société le Crédit industriel et
commercial de Paris (le CIC de Paris) a émis une garantie au profit de la société Banque industrielle
et mobilière privée (la BIMP), qui avait avalisé des billets à ordre souscrits par la société PVO en
règlement de l'acquisition d'un fonds de commerce ; qu'après la mise en redressement judiciaire de
cette société, la BIMP a payé des billets à un porteur de ceux-ci, puis, pour le montant ainsi versé,
a appelé la garantie du CIC de Paris ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le CIC de Paris reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la BIMP la somme de
312 000 francs à titre de provision, alors, selon le pourvoi, d'une part, que seul l'engagement
totalement indépendant du contrat de base, tant au plan de sa souscription que de son exécution,

45
constitue une garantie à première demande ; qu'en l'espèce, l'acte précisait qu'il garantissait à la
BIMP le remboursement de toutes sommes qui pourraient lui être dues en raison de l'engagement
ci-dessus décrit, ce dont il résultait que ledit engagement n'était pas autonome ; que la cour d'appel,
en qualifiant néanmoins l'engagement litigieux de garantie à première demande, a violé l'article 1134
du Code civil ; et alors, d'autre part, que la banque qui accorde une sûreté personnelle autre
qu'une garantie à première demande est en droit d'opposer au bénéficiaire de cette garantie toutes
les exceptions et griefs tirés des conditions d'exécution du contrat de base ; qu'en refusant cette
possibilité au CIC, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que, dès lors qu'elle avait constaté que le CIC de Paris s'était engagé à payer à la BIMP,
à la première demande de celle-ci, le montant de ce qu'elle affirmait avoir réglé, à concurrence de
2 500 000 francs, ce qui était l'objet de son obligation, et ce, sans élever d'objections ni d'exceptions,
c'est à bon droit que la cour d'appel a qualifié d'autonome l'engagement litigieux, peu important
qu'il soit fait référence à l'opération juridique à l'occasion de laquelle celui-ci avait été souscrit ;
qu'ayant ainsi exactement qualifié l'engagement du CIC, elle n'avait pas à statuer sur les exceptions
soulevées par le CIC de Paris et relatives à l'exécution du contrat de base ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que le CIC de Paris fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le
pourvoi, d'une part, qu'en matière de garantie à première demande, l'interdiction d'opposer des
exceptions cède en cas d'abus manifeste, lequel ne se confond pas avec la fraude ; qu'en l'espèce, la
cour d'appel, qui écarte ces exceptions aux motifs erronés que le caractère abusif de l'appel
en garantie ne peut être retenu qu'en présence d'une fraude ou d'une collusion frauduleuse, a violé
l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que constitue un appel abusif de la garantie le fait
pour la banque bénéficiaire d'appeler la banque garante tout en prétendant, dans le cadre d'une
procédure pendante devant les juges du fond, ne rien devoir en sa qualité d'avaliste et en concluant
à l'absence de cause des engagements souscrits ; que la cour d'appel, qui le condamne sans
rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le comportement de la BIMP devant les juges du fond ne
témoignait pas d'une attitude manifestement abusive dans l'appel de la garantie, a privé sa décision
de toute base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions qui étaient inopérantes
en ce que le CIC de Paris, qui d'ailleurs ne se prévalait même pas du caractère manifeste de l'abus
qu'il invoquait, fondait celui-ci sur le fait que la BIMP prétendait devant un juge que son
engagement d'avaliste ne devrait pas être mis en jeu, et non sur la certitude, judiciairement
constatée, que cette prétention était fondée, et qu'en conséquence elle n'était tenue d'aucune dette
au moment de l'appel de la garantie ; que dès lors, abstraction faite du motif erroné, mais
surabondant, critiqué dans la première branche du moyen, la cour d'appel a légalement justifié sa
décision d'admettre le bien-fondé de l'appel de la garantie ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

Document n° 4 : Cass. com., 12 janvier 1993, n° 91-10.634

46
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt déféré (Paris, 16 novembre 1990) que la société Tengor, chargée de
commercialiser les billets des représentations d'un opéra à Jérusalem, a accordé à la société Melair
prestige (la société Melair), le droit exclusif de vendre des billets en France ; que la société Melair
s'est engagée à en vendre un nombre déterminé et à en verser le prix, également convenu, avant le
28 février 1988, la société Tengor s'obligeant, quant à elle, à souscrire une assurance garantissant le
remboursement éventuel de ce prix et à ouvrir un compte sur lequel celui-ci serait bloqué ; que la
société Melair a donné l'ordre à la banque Leumi Le Israël (la banque Leumi) de fournir, au bénéfice
de la société Tengor, une garantie à première demande, inconditionnelle et irrévocable, pour le
paiement du prix des billets à la date prévue ; que la société Melair n'ayant pas exécuté son obligation
à cette date, la société Tengor a appelé la garantie ; qu'ultérieurement, la société AWT Internationale
Handels und Finanzierungs (la société AWT) a fait signifier à la banque Leumi un acte sous seing
privé en date du 21 décembre 1987, aux termes duquel la société Tengor lui avait cédé toutes ses
créances et droits à provenir de la garantie à première demande ; que la cour d'appel a décidé que
l'appel de la garantie était manifestement frauduleux et a, en conséquence, rejeté la demande de
paiement formée par la société AWT contre la banque Leumi ;

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait, alors, selon le pourvoi, d'une part,
que la banque, qui a souscrit une garantie à première demande, doit verser la garantie dès l'appel de
la garantie dans les conditions prévues à la lettre d'engagement, sans que puissent être opposées au
bénéficiaire de la garantie les exceptions inhérentes au contrat, et notamment les manquements du
bénéficiaire aux obligations du contrat ; qu'en faisant état, pour justifier le défaut d'acquittement de
la garantie, de la non-réalisation du spectacle prévu et de prétendus manquements de l'appelant
en garantie aux obligations du contrat tenant à la souscription d'une assurance et à l'ouverture d'un
compte bloqué pour les sommes versées par son cocontractant, l'arrêt attaqué, qui constate que le
donneur d'ordre n'avait pas payé le prix convenu à la date limite fixée par le contrat, paiement pour
lequel la garantie à première demande de la banque avait été donnée et donc que les conditions de
l'appel de la garantie étaient remplies, a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que
la fraude suppose nécessairement l'absence de droit manifeste de l'appelant de sa garantie et le
détournement par celui-ci de la finalité de la garantie ; qu'en l'espèce, il est constaté par l'arrêt
attaqué que l'obligation garantie n'avait pas été exécutée par le donneur d'ordre à la date limite
prévue ; qu'en déduisant la fraude de l'appelant en garantie de l'imminence notoire de l'annulation
du spectacle dont la certitude aurait découlé d'articles de presse, mentionnés dans une ordonnance
de référé du 4 mars 1988, bien qu'aucune précision ne soit donnée sur la date de ces articles et qu'il
soit constaté par l'arrêt attaqué lui-même que la décision d'annulation prise par le Festival d'Israël
était postérieure à l'appel de la garantie, et qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'appelant
en garantie quant à la non-réalisation du spectacle, l'arrêt attaqué n'a pas caractérisé la fraude qu'il
affirme et a encore violé l'article 1134 du Code civil ; alors, enfin, que se contredit l'arrêt attaqué
qui affirme qu'il aurait été " manifeste pour la banque Leumi que la société Tengor agissait
en fraude de la société Melair en appelant sa garantie, alors que l'imminence de l'annulation du
spectacle était notoire ", après avoir constaté qu'au jour de l'appel de la garantie, " le spectacle
n'avait pas encore été annulé et la simple éventualité de son annulation, qui était prévue au contrat,
ne devait pas faire obstacle à l'exécution des obligations de l'une et l'autre des parties " ; qu'ainsi,
l'arrêt attaqué a encore violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas fondé sa décision sur l'inexécution, par le
bénéficiaire de la garantie, de ses obligations envers le donneur d'ordre, au nombre desquelles ne
figurait d'ailleurs pas la réalisation du spectacle prévu, confiée à la société Opera on original site

47
(OOS), mais sur la fraude ; qu'à cet égard, après avoir relevé " qu'il était d'ores et déjà certain que
les représentations n'auraient pas lieu " et que " la société Tengor n'avait pas mis en place le
dispositif contractuel prévu pour garantir le remboursement du prix des billets ", ce dont il résultait
que le bénéficiaire avait appelé la garantie d'un paiement dont il savait qu'il devrait nécessairement
être remboursé, la cour d'appel a pu décider, en présence des éléments précités, que la société
Tengor agissait en fraude aux droits de la société Melair " en appelant sa garantie, alors que
l'imminence de l'annulation du spectacle était notoire, pour le paiement du prix des billets dont le
remboursement inévitable n'était pas garanti " ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt ne s'est pas contredit en opposant la " simple éventualité ",
contractuellement prévue, d'une annulation du spectacle, à " l'imminence " notoire de cette
annulation ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

Document n° 5 : Cass. com., 4 juillet 2006, n° 04-19.577

Statuant tant sur le pourvoi principal de la Banque centrale populaire du Maroc que sur le pourvoi incident relevé
par SCP Brouard Daude, liquidateur judiciaire de la société Etlafric ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que d'ordre de la société Etlafric, mise ultérieurement en liquidation
judiciaire, la banque Barclays bank (la banque contre-garante) a émis, au profit de la Banque centrale
populaire du Maroc (la BCPM) une contre-garantie autonome à première demande pour garantir
la bonne exécution, par le donneur d'ordre, d'un contrat de fourniture conclu avec la société Martco
; qu'un litige étant né sur les modalités d'exécution du contrat de base, la société Etlafric a assigné
la société Martco en paiement de dommages-intérêts ; que la cour d'appel de Paris a sursis à statuer
sur ce litige, tandis que, par un autre arrêt devenu irrévocable, elle a jugé ni abusif ni frauduleux
l'appel de la contre-garantie par la BCPM, à concurrence d'un montant partiel ; que la Barclays
bank, qui avait déclaré sa créance au passif de la société Etlafric, résultant d'une condamnation
judiciaire de celle-ci à la rembourser du paiement intervenu, ainsi que la SCP Brouard Daude,
liquidateur judiciaire de la société Etlafric, ont parallèlement réclamé, dans le cadre de la procédure
sur l'exécution du contrat de base, la condamnation solidaire de la société Martco et de la BCPM,
au paiement d'une certaine somme ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la BCPM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir écarter des débats
les conclusions signifiées au nom de l'intimée, la Barclays bank, le 22 mars 2004, jour de
l'ordonnance de clôture, alors, selon le moyen :

1 / qu'après l'ordonnance de clôture aucunes conclusions ne peuvent être déposées à peine


d'irrecevabilité prononcée d'office ; qu'en refusant d'écarter des débats les écritures de la contre-
garantie dont elle a constaté qu'elles avaient été signifiées le jour même de l'ordonnance de clôture,
sans relever qu'elles auraient été signifiées et déposées avant le prononcé de cette ordonnance, la

48
cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 783 du nouveau code de
procédure civile ;

2 / que saisie d'une demande tendant à voir écarter des débats des conclusions tardives, le juge
peut seulement constater qu'elles ne le sont pas et que la partie a eu le temps d'y répondre, sans
pouvoir apprécier la nécessité d'une réponse, ni la réponse que la partie devait ou pouvait donner,
qu'en se refusant à écarter des débats les conclusions déposées par la contre-garantie le jour même
de l'ordonnance de clôture pour la raison que les développements additionnels y contenus soit ne
nuisaient pas à l'exposant, soit ne nécessitaient pas une réponse, la cour d'appel a violé les articles
16 du nouveau code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde ainsi que
les droits de la défense ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les dernières conclusions de la Barclays bank avaient été
signifiées le jour de l'ordonnance de clôture, ce dont il résulte qu'elles sont présumées signifiées
avant celle-ci et relevé que ces conclusions ne contenaient pas de moyens nouveaux nuisant à la
BCPM ou nécessitant une réponse, la cour d'appel a souverainement retenu qu'elles avaient été
produites en temps utile au sens des textes visés par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi incident :

Attendu que le liquidateur, ès qualités, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir
condamner la société Martco au paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 196 000
dollars US en réparation du préjudice que lui a occasionné le retard de paiement de la société Martco
dans la bonne exécution d'une vente ultérieure conclue avec une autre société en invoquant un
défaut de réponse en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que ce grief ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que l'appel, sans fraude ni abus manifeste, de la garantie ou contre-garantie, fait obstacle
à ce que le garant, ou contre-garant, demande, sur le fondement de l'inexécution par le bénéficiaire
du contrat de base, la restitution de ce qu'il a versé en exécution de son obligation autonome ;

Attendu que pour condamner la BCPM, banque garante, à restituer à la banque contre-garante la
somme de 457 078, 28 euros outre intérêts, l'arrêt énonce que les décisions irrévocables qui ont
jugé l'appel en paiement ni abusif ni frauduleux n'ont concerné que la mise en oeuvre de cette
contre-garantie sans trancher son bien fondé, qui dépend de l'existence ou de l'étendue de la créance
invoquée par son bénéficiaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande du liquidateur, ès qualités, tendant à la condamnation solidaire
de la BCPM et de la société Martco au paiement de la somme de 584 386,32 euros sur le fondement
du contrat de base, l'arrêt retient que le préjudice du liquidateur, ès qualités, était seulement

49
hypothétique, la déclaration de créance de la Barclays bank à son passif n'étant assimilée qu'à une
demande en paiement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt retient lui-même que la Barclays bank avait fait valoir
la créance qu'elle détenait à l'encontre de la société Etlafric, en la déclarant à son passif, après avoir
constaté que celle-ci résultait d'une condamnation par jugement à la rembourser ; qu'il retient
encore que l'exécution défectueuse du contrat, exclusivement imputable au bénéficiaire, se trouvait
à l'origine de la créance la Barclays bank à l'encontre de la société Etlafric ; qu'il en résulte que cette
dernière était en droit d'exercer, sur le fondement du contrat de base, une action contre le
bénéficiaire ou le garant en indemnisation ou en restitution des sommes provenant d'un paiement
indu, dès lors qu'elle en était comptable vis-à-vis de la Barclays bank, de sorte que son préjudice
n'était pas hypothétique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi incident :

Vu les articles 1149 et 1150 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande du liquidateur, ès qualités, tendant à la condamnation de la


société Martco à supporter les frais financiers dus au retard de paiement de la cargaison durant 70
jours, soit la contre-valeur en euros de la somme de 113 648,48 dollars US outre intérêts, l'arrêt
relève que ces frais financiers n'étaient pas visés par l'engagement de la société Martco relatif au
coût d'escompte de la lettre de crédit, contenu dans le télex du 21 juin 1995 (1991) ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le paiement contractuellement convenu
de la marchandise livrée, au moyen d'une lettre de crédit payable à vue émise par la société Martco,
était intervenu avec retard, ce dont il résultait que l'acquéreur était tenu de réparer ces dommages
prévisibles causés directement par le manquement à son obligation contractuelle, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la BCP du Maroc à payer à la société
Barclays bank PLC, à titre de restitution, la somme de 457 078,28 euros, outre intérêts, en ce qu'il
déboute la SCP Brouard Daude, ès qualités, de sa demande de condamnation de la BCP du Maroc
et de la société Martco fondée sur le contrat de base au paiement de la somme de 584 386,32 euros
à titre de dommages-intérêts, et en ce qu'il déboute la SCP Brouard Daude, ès qualités, de sa
demande dirigée contre la société Martco tendant à sa condamnation à supporter ses frais financiers
soit la contre-valeur en euros de la somme de 113 648,43 euros outre intérêts, l'arrêt rendu le 23
juin 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la
cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Document n° 6 : Cass. com., 7 juin 1994, n° 93-11.340

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 1993), que la société Orlyval a conclu, le 29 juillet
1988, en vue de la réalisation d'une liaison ferroviaires, un contrat avec la société Matra transport,
qui a confié, le 3 novemvre 1988, le lot afférent au creusement d'un tunnel à la société X... SAE ;
qu'une garantie à première demande a été délivrée par le Crédit lyonnais pour le cas où la société
X... manquerait à une de ses obligations ; qu'invoquant un retard d'exécution, la société Matra

50
transport a appelé la garantie de cette banque, qui en a versé le montant et l'a porté au débit de la
société Matra transport et le Crédit lyonnais en restitution de ce montant ;

Sur le premier moyen : (sans intérêt) ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Matra transport fait également grief à l'arrêt d'accueillir l'action en restitution
du montant de la garantie à première demande, engagée par le donneur d'ordre, la société X... SAE,
alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans la garantie à première demande, sont inopposables par
le garant au bénéficiaire toutes les exceptions tirées du contrat de base passé entre le bénéficiaire et
le donneur d'ordre, y compris l'exception de nullité de ce contrat ; qu'en estimant que, le contrat
de base de la société Matra transport-Borie SAE étant nul, la garantie ne pouvait être appelée par
le bénéficiaire (Matra transport) contre le garant (Crédit lyonnais), la cour d'appel a violé l'article
1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en l'espèce, une garantie était due par le Crédit lyonnais
à la société Matra transport " sur sa première demande écrite indiquant que la société X... SAE a
manqué à l'une des obligations résultant du contrat " ; qu'en subordonnant le jeu de cette garantie,
non pas seulement à " l'indication " par la société Matra transport au Crédit lyonnais qu'il y avait
eu manquement contractuel de la société X... SAE, mais en outre à la vérification du manquement
indiqué, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, subsidiairement, que le
donneur d'ordre étant tiers au rapport garant-bénéficiaire, n'a pas qualité pour se prévaloir contre
ledit bénéficiaire d'une exception qui aurait permis à ce garant, s'il l'avait invoquée, de ne pas
exécuter son contrat avec le bénéficiaire ; qu'en accueillant sur cette base le recours du donneur
d'ordre (la société X... SAE) contre le bénéficiaire (la société Matra transport), la cour d'appel a
violé les articles 1134 et 1165 du Code civil ;

Mais attendu que le donneur d'ordre d'une garantie à première demande est recevable à demander
la restitution de son montant au bénéficiaire, à charge pour lui d'établir que le bénéficiaire en a reçu
indûment le paiement, par la preuve de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, ou par
celle de l'imputabilité de l'inexécution du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la
garantie ou par la nullité du contrat de base, et ce sans avoir à justifier d'une fraude ou d'un abus
manifeste, comme en cas d'opposition préventive à l'exécution de la garantie par le garant ; qu'ainsi,
la cour d'appel a décidé, à bon droit, en conséquence de l'annulation du contrat conclu entre les
sociétés Matra transport et X... SAE et de l'absence d'obligation contractuelle pesant sur cette
dernière, que la garantie prise pour le cas d'inexécution contractuelle à elle imputable ne pouvait
avoir été irréversiblement mise en jeu ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi

Document n° 7 : Cass. com., 31 janvier 2017, n° 15-19.158

Sur le premier moyen :

Vu les articles 2321 du code civil et L. 236-3 du code de commerce ;

Attendu que, sauf convention contraire, la garantie autonome, qui ne suit pas l'obligation garantie,
n'est pas transmise en cas de scission de la société bénéficiaire de la garantie ;

51
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par contrat des 26 octobre et 9 novembre 2004, la société Hôtel
les Grandes Rousses a donné son fonds de commerce d'hôtel-bar-restaurant en location-gérance à
la société HMC les Grandes Rousses ; que celle-ci a, en exécution du contrat, remis à la société
Hôtel les Grandes Rousses une garantie à première demande consentie le 3 novembre 2004 par la
Caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (la banque) ; que la société Hôtel les
Grandes Rousses a, pendant le cours du contrat de location-gérance, fait l'objet d'une scission
emportant transmission de sa branche d'activité de l'hôtel les Grandes Rousses au profit de la
société Nouvelle les Grandes Rousses ; que la société HMC les Grandes Rousses ayant résilié le
contrat de location-gérance, la société nouvelle les Grandes Rousses, après avoir vainement mis
cette dernière en demeure d'exécuter ses obligations, a, par lettre du 30 juin 2011, demandé à la
banque de mettre en oeuvre la garantie, puis l'a assignée en paiement ;

Attendu que pour dire que la société nouvelle les Grandes Rousses est en droit de revendiquer le
bénéfice de la garantie à première demande qui lui a été consentie par la banque, l'arrêt, après avoir
retenu que, sauf clause contraire, la transmission universelle du patrimoine qui résulte d'une
opération de fusion ou de scission n'est pas incompatible avec le caractère intuitu personae de
cette garantie, constate que la société Hôtel les Grandes Rousses, bénéficiaire de
la garantie originaire, a fait l'objet d'une scission ayant eu pour effet de transférer à la société
nouvelle les Grandes Rousses la totalité de sa branche d'activité hôtelière à compter du 1er
novembre 2005, et que la garantie à première demande accordée au titre de la location-gérance de
l'hôtel se rattache à l'activité hôtelière cédée ; qu'il en déduit qu'il n'y avait lieu ni de mentionner
l'existence de cette garantie dans l'acte de scission, ni de recueillir le consentement exprès de la
banque sur le transfert de garantie ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE

52
SEANCE 7
LES CONTRATS INTERNATIONAUX

- Document n° 1 : Articles 3 et 4 du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008


sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I)

- Document n° 2 : Préambule des Principes d’Unidroit de 2016 relatifs aux contrats du


commerce international

- Document n° 3 : Article premier de la Convention des Nations Unies sur les contrats de
vente internationale de marchandises (Convention de Vienne)

- Document n° 4 : CJUE, 24 novembre 2020, n° C-59/19, Wikingerhof

53
Document n° 1 : Articles 3 et 4 du Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008
sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I)

Article 3
Liberté de choix

1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine
des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent
désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat.
2. Les parties peuvent convenir, à tout moment, de faire régir le contrat par une loi autre que celle
qui le régissait auparavant soit en vertu d'un choix antérieur selon le présent article, soit en vertu
d'autres dispositions du présent règlement. Toute modifi- cation quant à la détermination de la loi
applicable, intervenue postérieurement à la conclusion du contrat, n'affecte pas la validité formelle
du contrat au sens de l'article 11 et ne porte pas atteinte aux droits des tiers.
3. Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un
pays autre que celui dont la loi est choisie, le choix des parties ne porte pas atteinte à l'application
des dispositions auxquelles la loi de cet autre pays ne permet pas de déroger par accord.
4. Lorsque tous les autres éléments de la situation sont localisés, au moment de ce choix, dans un
ou plusieurs États membres, le choix par les parties d'une autre loi applicable que celle d'un État
membre ne porte pas atteinte, le cas échéant, à l'application des dispositions du droit
communautaire auxquelles il n'est pas permis de déroger par accord, et telles que mises en œuvre
par l'État membre du for.
5. L'existence et la validité du consentement des parties quant au choix de la loi applicable sont
régies par les dispositions établies aux articles 10, 11 et 13.

Article 4
Loi applicable à défaut de choix

1. À défaut de choix exercé conformément à l'article 3 et sans préjudice des articles 5 à 8, la loi
applicable au contrat suivant est déterminée comme suit:
a) le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence
habituelle;
b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services
a sa résidence habituelle;
c) le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d'immeuble est régi par la loi du
pays dans lequel est situé l'immeuble;
d) nonobstant le point c), le bail d'immeuble conclu en vue de l'usage personnel temporaire pour
une période maximale de six mois consécutifs est régi par la loi du pays dans lequel le propriétaire
a sa résidence habituelle, à condition que le locataire soit une personne physique et qu'il ait sa
résidence habituelle dans ce même pays;
e) le contrat de franchise est régi par la loi du pays dans lequel le franchisé a sa résidence habituelle;
f) le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence
habituelle;
g) le contrat de vente de biens aux enchères est régi par la loi du pays où la vente aux enchères a
lieu, si ce lieu peut être déterminé;
h) le contrat conclu au sein d'un système multilatéral qui assure ou facilite la rencontre de multiples
intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers, au sens de
l'article 4, paragraphe 1, point 17), de la directive 2004/39/CE, selon des règles non discrétion-
naires et qui est régi par la loi d'un seul pays, est régi par cette loi.

54
2. Lorsque le contrat n'est pas couvert par le paragraphe 1 ou que les éléments du contrat sont
couverts par plusieurs des points a) à h) du paragraphe 1, le contrat est régi par la loi du pays dans
lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
3. Lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens
manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre
pays s'applique.
4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est
régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits.

Document n° 2 : Préambule des Principes d’Unidroit de 2016 relatifs aux


contrats du commerce international

Les Principes qui suivent énoncent des règles générales propres à régir les contrats du commerce
international.
Ils s’appliquent lorsque les parties acceptent d’y soumettre leur contrat (*)
Ils peuvent s’appliquer lorsque les parties acceptent que leur contrat soit régi par les principes
généraux du droit, la lex mercatoria ou autre formule similaire.
Ils peuvent s’appliquer lorsque les parties n’ont pas choisi une loi particulière devant régir leur
contrat.
Ils peuvent être utilisés afin d’interpréter ou de compléter d’autres instruments du droit
international uniforme.
Ils peuvent être utilisés afin d’interpréter ou de compléter le droit national. Ils peuvent servir de
modèle aux législateurs nationaux et internationaux.

(*) Les parties qui souhaitent prévoir que leur contrat sera soumis aux Principes pourraient utiliser l’une
des Clauses types pour l’utilisation des Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international (voir :
http://www.unidroit.org/fr/instruments/contrats-du-commerce-international/picc- clauses-types).

Document n° 3 : Article premier de la Convention des Nations Unies sur les


contrats de vente internationale de marchandises (Convention de Vienne)

Article premier

1) La présente Convention s’applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant
leur établissement dans des États différents :
a) Lorsque ces États sont des États contractants; ou
b) Lorsque les règles du droit international privé mènent à l’application de la loi d’un État
contractant.

2) II n’est pas tenu compte du fait que les parties ont leur établissement dans des États différents
lorsque ce fait ne ressort ni du contrat, ni de transactions antérieures entre les parties, ni de
renseignements donnés par elles à un moment quelconque avant la conclusion ou lors de la
conclusion du contrat.

55
3) Ni la nationalité́ des parties ni le caractère civil ou commercial des parties ou du contrat ne sont
pris en considération pour l’application de la présente Convention.

Document n° 4 : CJUE, 24 novembre 2020, n° C-59/19, Wikingerhof

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 7, point 2, du règlement


(UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la
compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et
commerciale (JO 2012, L 351, p. 1).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Wikingerhof GmbH & Co. KG,
une société de droit allemand exploitant un hôtel dans le Land de Schleswig-Holstein (Allemagne),
à Booking.com BV, une société de droit néerlandais ayant son siège aux Pays-Bas et exploitant une
plate-forme de réservations d’hébergement, au sujet de certaines pratiques de cette dernière société
dont Wikingerhof allègue qu’elles sont constitutives d’abus de position dominante.

Le cadre juridique

3 Les considérants 15, 16 et 34 du règlement no 1215/2012 sont libellés comme suit :


« (15) Les règles de compétence devraient présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler
autour de la compétence de principe du domicile du défendeur. Cette compétence devrait toujours
être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des
parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit
être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à
éviter les conflits de compétence.
(16) Le for du domicile du défendeur devrait être complété par d’autres fors autorisés en raison du
lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice.
L’existence d’un lien étroit devrait garantir la sécurité juridique et éviter la possibilité que le
défendeur soit attrait devant une juridiction d’un État membre qu’il ne pouvait pas raisonnablement
prévoir. Cet aspect est important, en particulier dans les litiges concernant les obligations non
contractuelles résultant d’atteintes à la vie privée et aux droits de la personnalité, notamment la
diffamation. [...]
(34) Pour assurer la continuité nécessaire entre la convention [du 27 septembre 1968 concernant la
compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L
299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux
États membres à cette convention], le règlement (CE) no 44/2001 [du Conseil, du 22 décembre
2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière
civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1),] et le présent règlement, il convient de prévoir des
dispositions transitoires. La même continuité doit être assurée en ce qui concerne l’interprétation
par la Cour de justice de l’Union européenne de [cette] convention [...] et des règlements qui la
remplacent. »

4 Le chapitre II du règlement no 1215/2012, intitulé « Compétence », contient notamment une


section 1, intitulée « Dispositions générales », et une section 2, intitulée « Compétences spéciales ».
L’article 4, paragraphe 1, dudit règlement, qui figure sous cette section 1, dispose :
« Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre
sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. »

56
5 L’article 7 du règlement no 1215/2012, qui figure sous la section 2 du chapitre II de ce règlement,
est libellé comme suit :
« Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État
membre : [...]
1)
a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base
à la demande ; [...]
2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable
s’est produit ou risque de se produire ; [...] »

6 Figurant dans la section 7 du chapitre II du règlement no 1215/2012, intitulée « Prorogation de


compétence », l’article 25, paragraphe 1, de ce règlement dispose :
« Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de
juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un
rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention
attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre.
[...] »

Le litige au principal et la question préjudicielle

7 Au cours du mois de mars 2009, Wikingerhof a conclu avec Booking.com un contrat type fourni
par cette dernière, dans lequel il est notamment prévu ce qui suit :
« Conditions générales
L’hôtel déclare avoir reçu une copie de la version 0208 des conditions générales [...] de
Booking.com. Celles-ci se trouvent en ligne sur le site de Booking.com [...] L’hôtel confirme avoir
lu les conditions, les avoir comprises et y souscrire. Les conditions font partie intégrante de ce
contrat [...] »

8 Par la suite, Booking.com a modifié plusieurs fois ses conditions générales, accessibles sur
l’Extranet de cette société, système grâce auquel les informations relatives à l’hôtel peuvent être
actualisées et les données concernant les réservations consultées.

9 Wikingerhof a contesté par écrit l’inclusion dans le contrat qui la liait à Booking.com d’une
nouvelle version des conditions générales que cette dernière société avait portée à la connaissance
de ses partenaires contractuels le 25 juin 2015. Elle a estimé qu’elle n’avait pas eu d’autre choix que
de conclure ledit contrat en raison de la position de force détenue par Booking.com sur le marché
des services d’intermédiaires et des portails de réservations d’hébergement, même si certaines
pratiques de Booking.com sont inéquitables et donc contraires au droit de la concurrence.

10 Devant le Landgericht Kiel (tribunal régional de Kiel, Allemagne), Wikingerhof a introduit une
action visant à ce qu’il soit interdit à Booking.com d’apposer au prix indiqué par Wikingerhof, sans
le consentement de cette dernière, la mention « prix plus avantageux » ou « prix réduit » sur la plate-
forme de réservations d’hébergement, de la priver de l’accès aux données de contact que ses
partenaires contractuels fournissent sur cette plate-forme et, enfin, de faire dépendre le
positionnement de l’hôtel qu’elle exploite, lorsque des demandes de recherches sont formulées, de
l’octroi d’une commission excédant 15 %.

11 Booking.com a excipé de l’incompétence territoriale et internationale du Landgericht Kiel


(tribunal régional de Kiel) dans la mesure où il existe une convention attributive de juridiction dans
le contrat conclu avec Wikingerhof, selon laquelle les tribunaux d’Amsterdam (Pays-Bas) sont
territorialement compétents pour connaître des litiges nés de ce contrat.

57
12 Le Landgericht Kiel (tribunal régional de Kiel) a jugé qu’il ne pouvait connaître de l’action de
Wikingerhof en raison de l’absence de compétence territoriale et internationale. Ce jugement a été
confirmé en appel par un arrêt de l’Oberlandesgericht Schleswig (tribunal régional supérieur de
Schleswig, Allemagne), selon lequel ni la compétence du tribunal du lieu d’exécution de l’obligation
contractuelle, en vertu de l’article 7, point 1, du règlement no 1215/2012, ni la compétence du
tribunal du lieu du fait dommageable en matière délictuelle ou quasi délictuelle, en vertu de l’article
7, point 2, de ce règlement, n’était établie en l’espèce.

13 Wikingerhof a introduit contre cet arrêt un pourvoi en Revision devant le Bundesgerichtshof


(Cour fédérale de justice, Allemagne).

14 Cette juridiction relève que la question de l’incidence éventuelle sur la compétence des
juridictions allemandes saisies par Wikingerhof de la convention attributive de juridiction invoquée
par Booking.com ne se pose pas, faute pour cette convention d’avoir été valablement conclue
conformément aux exigences découlant de l’article 25 du règlement no 1215/2012.

15 En l’occurrence, le pourvoi en Revision est motivé par le fait que le juge d’appel aurait commis
une erreur en considérant que l’action dont il se trouvait saisi ne relevait pas de sa compétence en
matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012.

16 Selon la juridiction de renvoi, qui se réfère à l’arrêt du 5 juillet 2018, flyLAL-Lithuanian Airlines
(C-27/17, EU:C:2018:533), une action relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens
de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012, lorsque l’objet de celle-ci est la mise en jeu de
la responsabilité civile ou l’obtention d’injonctions d’interdiction reposant sur le fait que les
agissements critiqués relèvent d’un abus de position dominante. Un tel abus de position dominante
pourrait résulter du fait de subordonner la conclusion d’un contrat à l’acceptation de conditions de
transaction inéquitables.

17 Cette juridiction est encline à considérer que l’affaire au principal relève de la matière délictuelle
ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012, dans la mesure où
Wikingerhof n’a accepté de signer les conditions du contrat en cause qu’elle juge inéquitables qu’en
raison de la position dominante de Booking.com et n’y a donc pas consenti librement. Ainsi, le
litige au principal n’impliquerait pas uniquement une question d’interprétation de ce contrat, mais
soulèverait également le point de savoir si l’imposition de certaines conditions contractuelles par
une entreprise supposée être en position dominante doit être considérée comme abusive et donc
contraire aux règles du droit de la concurrence.

18 Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à


statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 7, point 2, du [règlement no 1215/2012] doit-il se comprendre comme admettant que la
compétence du lieu du fait dommageable peut s’appliquer en cas d’action visant à faire cesser
certains agissements, s’il est possible que les agissements critiqués soient couverts par des règles
contractuelles mais que la demanderesse fait valoir que ces règles reposent sur un abus de position
dominante de la part de la défenderesse ? »

Sur la question préjudicielle

19 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 7, point 2, du


règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une action visant à faire
cesser certains agissements mis en œuvre dans le cadre de la relation contractuelle liant le

58
demandeur au défendeur et fondée sur une allégation d’abus de position dominante commis par ce
dernier, en violation du droit de la concurrence.

20 À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément au considérant 34 du règlement no


1215/2012, celui-ci abroge et remplace le règlement no 44/2001, qui a lui-même remplacé la
convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions
en matière civile et commerciale, telle que modifiée par les conventions successives relatives à
l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention. Partant, l’interprétation fournie par la
Cour en ce qui concerne les dispositions de ces derniers instruments juridiques vaut également
pour celles du règlement no 1215/2012 lorsque ces dispositions peuvent être qualifiées d’«
équivalentes ». Tel est le cas de l’article 5, point 3, de cette convention et du règlement no 44/2001,
d’une part, et de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012, d’autre part (voir, en ce sens, arrêt
du 9 juillet 2020, Verein für Konsumenteninformation, C-343/19, EU:C:2020:534, point 22).

21 Tandis que l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1215/2012 établit la compétence générale


des juridictions de l’État membre du défendeur, l’article 7, point 1, et l’article 7, point 2, de ce
règlement prévoient des compétences spéciales en matière contractuelle et en matière délictuelle
ou quasi délictuelle, permettant au demandeur de porter son action devant des juridictions d’autres
États membres.

22 Ainsi, pour les actions relevant de la première catégorie, l’article 7, point 1, dudit règlement
permet au demandeur de saisir la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la
demande, tandis que, pour les actions relevant de la seconde catégorie, l’article 7, point 2, du même
règlement prévoit qu’elles peuvent être portées devant la juridiction du lieu où le fait dommageable
s’est produit ou risque de se produire.

23 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion de « matière délictuelle ou quasi


délictuelle », au sens de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012, comprend toute demande
qui vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière
contractuelle, au sens de l’article 7, point 1, sous a), de ce règlement (voir, en ce sens, arrêts du 27
septembre 1988, Kalfelis, 189/87, EU:C:1988:459, point 18, et du 12 septembre 2018, Löber,
C-304/17, EU:C:2018:701, point 19), à savoir qu’elle n’est pas fondée sur une obligation juridique
librement consentie par une personne à l’égard d’une autre (arrêt du 20 janvier 2005, Engler,
C-27/02, EU:C:2005:33, point 51).

24 En l’occurrence, l’attribution de la compétence pour connaître de l’affaire au principal à la


juridiction saisie par Wikingerhof dépend précisément de la distinction à effectuer entre, d’une part,
la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012,
et, d’autre part, la matière contractuelle, au sens de l’article 7, point 1, sous a), de ce règlement. En
effet, il ressort de la décision de renvoi que, si la demande formulée par Wikingerhof devait relever
de la matière contractuelle et pouvait, partant, être introduite au lieu où l’obligation qui sert de base
à cette demande a été ou doit être exécutée, la juridiction saisie ne serait pas compétente pour en
connaître.

25 Selon une jurisprudence constante de la Cour, les deux règles de compétence spéciale prévues
auxdites dispositions doivent faire l’objet d’une interprétation autonome, en se référant au système
et aux objectifs du règlement no 1215/2012, en vue d’assurer l’application uniforme de celui-ci
dans tous les États membres (voir, en ce sens, arrêts du 27 septembre 1988, Kalfelis, 189/87,
EU:C:1988:459, point 16 ; du 17 septembre 2002, Tacconi, C-334/00, EU:C:2002:499, point 19, et
du 18 juillet 2013, ÖFAB, C-147/12, EU:C:2013:490, point 27). Cette exigence, qui vaut
notamment pour la délimitation des champs d’application respectifs de ces deux règles, implique

59
que les notions de « matière contractuelle » et de « matière délictuelle ou quasi délictuelle » ne
sauraient être comprises comme renvoyant à la qualification que la loi nationale applicable donne
au rapport juridique en cause devant la juridiction nationale (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014,
Brogsitter, C-548/12, EU:C:2014:148, point 18).

26 En ce qui concerne, en premier lieu, le système du règlement no 1215/2012, celui-ci repose sur
la règle générale de la compétence des juridictions de l’État membre du domicile du défendeur,
alors que les règles de compétence spéciale prévues notamment à l’article 7 de celui-ci constituent
des dérogations à cette règle générale et, en tant que telles, sont d’interprétation stricte (voir, en ce
sens, arrêt du 27 septembre 1988, Kalfelis, 189/87, EU:C:1988:459, point 19) et s’excluent
mutuellement dans l’application de ce règlement.

27 Dans le même temps, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé, en substance, au point 87 de ses
conclusions, ledit système est caractérisé par la possibilité qu’il confère au demandeur de se
prévaloir de l’une des règles de compétence spéciale prévues par ledit règlement.

28 S’agissant, en second lieu, des objectifs du règlement no 1215/2012, il ressort du considérant


16 de ce règlement que les règles de compétence spéciale dont le demandeur peut se prévaloir au
titre, d’une part, de l’article 7, point 1, dudit règlement et, d’autre part, de l’article 7, point 2, de
celui-ci ont été introduites en considération de l’existence, dans les matières que ces dispositions
visent, d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre une demande et la juridiction qui
peut être appelée à en connaître ou en vue de faciliter la bonne administration de la justice (voir,
en ce sens, arrêt du 4 octobre 2018, Feniks, C-337/17, EU:C:2018:805, point 36).

29 Il y a donc lieu de considérer que l’applicabilité soit de l’article 7, point 1, du règlement no


1215/2012, soit de l’article 7, point 2, de celui-ci dépend, d’une part, du choix du demandeur de se
prévaloir ou non de l’une de ces règles de compétence spéciale et, d’autre part, de l’examen, par la
juridiction saisie, des conditions spécifiques prévues par ces dispositions.

30 À cet égard, lorsqu’un demandeur se prévaut de l’une desdites règles, il est nécessaire pour la
juridiction saisie de vérifier si les prétentions du demandeur sont, indépendamment de leur
qualification en droit national, de nature contractuelle ou, au contraire, de nature délictuelle ou
quasi délictuelle, au sens dudit règlement.

31 En particulier, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 90 de ses conclusions, la juridiction
saisie doit procéder au rattachement à la matière contractuelle, au sens de l’article 7, point 1, du
règlement no 1215/2012, ou à la matière délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, de ce règlement,
d’une demande formulée entre parties contractantes par rapport à l’obligation, contractuelle ou
délictuelle ou quasi délictuelle, lui servant de cause (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014,
Brogsitter, C-548/12, EU:C:2014:148, point 26).

32 Ainsi, une action relève de la matière contractuelle, au sens de l’article 7, point 1, sous a), du
règlement no 1215/2012, si l’interprétation du contrat qui lie le défendeur au demandeur apparaît
indispensable pour établir le caractère licite ou, au contraire, illicite du comportement reproché au
premier par le second (voir, en ce sens, arrêt du 13 mars 2014, Brogsitter, C-548/12,
EU:C:2014:148, point 25). Tel est notamment le cas d’une action dont le fondement repose sur les
stipulations d’un contrat ou sur des règles de droit qui sont applicables en raison de ce contrat (voir,
en ce sens, arrêts du 10 septembre 2015, Holterman Ferho Exploitatie e.a., C-47/14,
EU:C:2015:574, point 53, ainsi que du 15 juin 2017, Kareda, C-249/16, EU:C:2017:472, points 30
à 33).

60
33 En revanche, lorsque le demandeur invoque, dans sa requête, les règles de la responsabilité
délictuelle ou quasi délictuelle, à savoir la violation d’une obligation imposée par la loi, et qu’il
n’apparaît pas indispensable d’examiner le contenu du contrat conclu avec le défendeur pour
apprécier le caractère licite ou illicite du comportement reproché à ce dernier, cette obligation
s’imposant au défendeur indépendamment de ce contrat, la cause de l’action relève de la matière
délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012.

34 En l’occurrence, Wikingerhof se prévaut, dans sa requête, d’une violation du droit de la


concurrence allemand, qui prévoit une interdiction générale de commettre un abus de position
dominante, indépendante de tout contrat ou autre engagement volontaire. Concrètement, elle
estime qu’elle n’a pas eu d’autre choix que de conclure le contrat en cause et de subir l’effet des
modifications ultérieures des conditions générales de Booking.com en raison de la position de force
détenue par cette dernière sur le marché pertinent, alors même que certaines pratiques de
Booking.com sont inéquitables.

35 Ainsi, la question de droit au cœur de l’affaire au principal est celle de savoir si Booking.com a
commis un abus de position dominante, au sens dudit droit de la concurrence. Or, comme l’a relevé
M. l’avocat général aux points 122 et 123 de ses conclusions, pour déterminer le caractère licite ou
illicite au regard de ce droit des pratiques reprochées à Booking.com, il n’est pas indispensable
d’interpréter le contrat liant les parties au principal, une telle interprétation étant tout au plus
nécessaire afin d’établir la matérialité desdites pratiques.

36 Il y a donc lieu de considérer que, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi,
l’action de Wikingerhof, en ce qu’elle est fondée sur l’obligation légale de s’abstenir de tout abus
de position dominante, relève de la matière délictuelle ou quasi délictuelle, au sens de l’article 7,
point 2, du règlement no 1215/2012.

37 Cette interprétation est conforme aux objectifs de proximité et de bonne administration de la


justice poursuivis par ce règlement, visés par le considérant 16 de celui-ci et rappelés au point 28
du présent arrêt. En effet, le juge compétent au titre de l’article 7, point 2, du règlement no
1215/2012, à savoir, dans les circonstances en cause au principal, celui du marché affecté par le
comportement anticoncurrentiel allégué, est le plus apte à statuer sur la question principale du bien-
fondé de cette allégation, et cela notamment en termes de collecte et d’évaluation des éléments de
preuve pertinents à cet égard (voir, par analogie, arrêts du 29 juillet 2019, Tibor-Trans, C-451/18,
EU:C:2019:635, point 34, et du 9 juillet 2020, Verein für Konsumenteninformation, C-343/19,
EU:C:2020:534, point 38).

38 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question


posée que l’article 7, point 2, du règlement no 1215/2012 doit être interprété en ce sens qu’il
s’applique à une action visant à faire cesser certains agissements mis en œuvre dans le cadre de la
relation contractuelle liant le demandeur au défendeur et fondée sur une allégation d’abus de
position dominante commis par ce dernier, en violation du droit de la concurrence.
Sur les dépens

39 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant
la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour
soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un
remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

61
L’article 7, point 2, du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12
décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions
en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’il s’applique à une action visant
à faire cesser certains agissements mis en œuvre dans le cadre de la relation contractuelle liant le
demandeur au défendeur et fondée sur une allégation d’abus de position dominante commis par ce
dernier, en violation du droit de la concurrence.

62

Vous aimerez peut-être aussi