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Université libre de Bruxelles

Faculté de droit et de criminologie

Première année (bloc) du grade de bachelier

Examen du 12 août 2022

Méthodologie juridique

Prof. : B. TRUFFIN

Nom : …………………………………………...............................................................

Prénom : ………………………………..........................................................................

N° de matricule : ………………………………….........................................................

N° de groupe de TP………………………………….............

CADRE RÉSERVÉ AU PROFESSEUR

Note finale : /20

CONSIGNES

L’examen est composé d’un exercice de lecture d’arrêt de la Cour de cassation (questions 1 à 4) et
de deux questions de reconnaissance de sources.
Avant de répondre aux questions, lisez attentivement les énoncés. Complétez le questionnaire en
veillant toujours à utiliser le vocabulaire juridique adéquat et à justifier vos réponses. Attention,
votre examen est individuel : votre copie peut être annulée si vous communiquez avec un.e autre
étudiant.e durant l’examen.

Merci de ne pas détacher les pages (en ce compris la feuille de brouillon en annexe)

1
Lisez l’arrêt ci-dessous et répondez ensuite de manière précise aux questions 1 à 4.

7 JUIN 2021 C.20.0237

Cour de cassation de Belgique

Arrêt

N° C.20.0237.F

L. A.,

demandeur en cassation,

représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le


cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection de
domicile,

contre

1. VILLE DE CHARLEROI, représentée par son collège communal, dont les bureaux
sont établis à Charleroi, en l’hôtel de ville, place Charles II, défenderesse en
cassation,

2. PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D’APPEL DE MONS, dont l’office


est établi à Mons, rue des Droits de l’homme, 1,

défendeur en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration d’arrêt


commun.

2
I. La procédure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirigé contre l’arrêt rendu le 6 janvier 2020 par la cour d’appel de
Mons.

Le 11 mai 2021, l’avocat général Bénédicte Inghels a déposé des conclusions au greffe.

Par ordonnance du 12 mai 2021, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième
chambre.

Le président de section Christian Storck a fait rapport et l’avocat général Bénédicte Inghels a
été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés


fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955 ;

- article 14, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, signé à New
York le 19 décembre 1966 et approuvé par la loi du 15 mai 1981 ;

-   article 146bis du Code civil ;

-   articles 23, § 3, 27, § 1er, et 31, tel qu’il était en vigueur avant sa modification par la loi
du 18 juin 2018, de la loi du 16 juillet 2004 portant le Code de droit international privé ;

- articles 57, alinéa 1er, 704, 792, spécialement alinéa 3, 1030, 1031 et 1051, alinéa 1 er, du
Code judiciaire ;

- principe général du droit relatif au respect des droits de la défense ;

- principe général du droit, de valeur constitutionnelle, de la légalité et de la hiérarchie des


normes, dont l’article 159 de la Constitution constitue une application ;

- principe général du droit de la primauté sur toute norme du droit interne de la norme de
droit international ayant des effets directs dans l’ordre juridique interne ;

- principe général du droit de l’interprétation conforme de la norme de droit interne à la


norme de droit international ayant primauté sur elle.

Décisions et motifs critiqués

3
L’arrêt déclare tardive la requête d’appel déposée par le demandeur au greffe de la cour
d’appel le 5 juin 2019 et lui délaisse ses dépens d’appel, aux motifs que :

« L'article 27, § 1er, alinéa 3 [lire : 4], du Code de droit international privé dispose que,
‘lorsque l'autorité refuse de reconnaître la validité [d’un acte authentique étranger], un
recours peut être introduit devant le tribunal de première instance, sans préjudice de l'article
121, conformément à la procédure visée à l'article 23’, et que ‘le recours est introduit devant
le tribunal de la famille si l'acte authentique étranger concerne une compétence visée à
l'article 572bis du Code judiciaire’ ;

L'article 23, § 3, du même code dispose que ‘la demande est introduite et instruite
conformément à la procédure visée aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire’, laquelle
vise la procédure sur requête unilatérale ;

La requête d'appel déposée par [le demandeur] indique en qualité de partie intimée la ville
de Charleroi, alors qu'en application des dispositions légales rappelées ci-dessus, la
procédure en reconnaissance d'un acte étranger se déroule sur requête unilatérale, tant en
première instance qu'en degré d'appel ;

C'est donc par erreur que [le demandeur] a intimé la ville de Charleroi ;

Par ailleurs, à l'audience du 2 décembre 2019, la cour [d’appel] a soulevé d'office la


question de la recevabilité du recours introduit par [le demandeur] ;

Le conseil [du demandeur] a pu s'en expliquer ;

Il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 57 du Code judiciaire, ‘à moins que la loi
n'en ait disposé autrement, le délai d'opposition, d'appel et de pourvoi en cassation court à
partir de la signification de la décision’ ;

En application de cette disposition, le délai pour introduire une voie de recours court en
principe à partir de la signification de la décision ;

La loi a toutefois expressément dérogé à cette règle dans certaines matières ;

Ainsi, en matière de procédure unilatérale, l'article 1031 du Code judiciaire prévoit que
‘l'appel de l'ordonnance par le requérant ou par toute partie intervenante est formé dans le
mois à partir de la notification, par une requête, conforme aux dispositions de l'article 1026
et déposée au greffe de la juridiction d'appel’ ;

Dès lors, lorsque l'appel est dirigé contre une décision de refus de reconnaissance d'un
mariage célébré à l'étranger, laquelle s'inscrit dans le cadre d'une procédure unilatérale,
c'est la notification de la décision qui constitue le point de départ du délai de recours ;

La décision entreprise a été prononcée le 9 mars 2017 et notifiée sous pli judiciaire [au
demandeur] le 14 mars 2017 ;

Il s'ensuit que la requête d'appel déposée au greffe de la cour [d’appel] le 5 juin 2019 est
tardive, le délai prévu par l'article 1031 précité étant largement expiré ;

4
Il y a lieu de délaisser [au demandeur] ses dépens d'appel ».

Griefs

Première branche

Tel qu'il était en vigueur avant sa modification par la loi du 18 juin 2018, l'article 31 du
Code de droit international privé disposait :

« § 1er. Un acte authentique étranger concernant l'état civil ne peut faire l'objet d'une
mention en marge d'un acte de l'état civil ou être transcrit dans un registre de l'état civil ou
servir de base à une inscription dans un registre de la population, un registre des étrangers
ou un registre d'attente qu'après vérification des conditions visées à l'article 27, § 1er.

La mention ou la transcription d'une décision judiciaire étrangère ne peut avoir lieu


qu'après vérification des conditions visées aux articles 24 et 25 et, selon les cas, aux articles
39, 57 et 72.

Lorsque le dépositaire refuse de procéder à la mention ou à la transcription, un recours peut


être introduit devant le tribunal de la famille de l'arrondissement dans lequel le registre est
tenu, conformément à la procédure visée à l'article 23.

§ 2. La vérification est réalisée par le dépositaire de l'acte ou du registre.

Le ministre de la Justice peut établir des directives visant à assurer une application uniforme
des conditions visées au paragraphe 1er.

Le dépositaire de l'acte ou du registre peut, en cas de doute sérieux lors de l'appréciation


des conditions visées au paragraphe 1er, transmettre l'acte ou la décision pour avis au
ministère public, qui procède si nécessaire à des vérifications complémentaires.

§ 3. Le Roi peut créer et fixer les modalités de la tenue d'un registre des décisions et des
actes qui satisfont aux conditions visées au paragraphe 1er lorsqu'ils concernent un Belge ou
un étranger résidant en Belgique ».

Aux termes de l'article 27, § 1er, alinéa 4, de ce code, « lorsque l'autorité refuse de
reconnaître la validité de l'acte, un recours peut être introduit devant le tribunal de première
instance, sans préjudice de l'article 121, conformément à la procédure visée à l'article 23. Le
recours est introduit devant le tribunal de la famille si l'acte authentique étranger concerne
une compétence visée à l'article 572bis du Code judiciaire ».

En vertu de l'article 23, § 3, du même code, « la demande est introduite et instruite


conformément à la procédure visée aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire. Le
requérant doit faire élection de domicile dans le ressort du tribunal. Le juge statue à bref
délai ».

5
L'article 1030 du Code judiciaire, auquel renvoie l'article 23, § 3, précité, dispose que, «
dans les trois jours de la prononciation, l'ordonnance est notifiée sous pli judiciaire par le
greffier au requérant et aux parties intervenantes. Une copie non signée est, le cas échéant,
adressée à leurs avocats par simple lettre. L'expédition de l'ordonnance peut être délivrée au
bas d'un exemplaire de la requête ». L'article 1031 de ce code dispose que le délai d'appel
court à dater de la notification et déroge ainsi à la règle générale, prévue à l'article 57,
alinéa 1er, du même code, selon lequel les délais d'opposition et d'appel courent à dater de la
signification, si la loi n'en dispose autrement.

Il ressort des pièces de la procédure auxquelles la Cour peut avoir égard et, en particulier,
des termes de l’ordonnance entreprise que l'objet de la demande initialement formée par le
demandeur, qui a été introduite le 13 avril 2016, tendait à contester le refus de l'officier de
l'état civil de la ville de Charleroi de transcrire le mariage du demandeur et de madame S.
B., célébré au Maroc, refus fondé sur l'article 146bis du Code civil.

L'article 146bis du Code civil dispose qu’ « il n'y a pas de mariage lorsque, bien que les
consentements formels aient été donnés en vue de celui-ci, il ressort d'une combinaison de
circonstances que l'intention de l'un au moins des époux n'est manifestement pas la création
d'une communauté de vie durable, mais vise uniquement l'obtention d'un avantage en
matière de séjour, lié au statut d'époux ».

La demande par laquelle les époux ou l'un d'eux conteste la décision de l'officier de l'état
civil, soit de refuser la célébration du mariage, soit de refuser de transcrire un mariage
célébré à l'étranger, n'est pas régie par les articles 31, 23, § 3, et 27, § 1er, du Code de droit
international privé et, dès lors, ne doit pas être introduite par voie de requête unilatérale. Il
s'agit d'une procédure contradictoire par nature.

Une procédure qui est par sa nature contradictoire ne devient pas unilatérale par le fait que
le juge ne fait pas régulièrement convoquer les parties, n'examine pas la cause publiquement
et fait notifier ce jugement par le greffier sur la base de l'article 1030 du Code judiciaire.

En vertu de l'article 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire, le délai pour interjeter appel est
d'un mois à partir de la signification du jugement ou de la notification de celui-ci faite
conformément à l'article 792, alinéas 2 et 3.

En vertu de l'article 792, alinéa 2, de ce code, dans les matières énumérées à l'article 704,
alinéa 1er, le greffier notifie le jugement aux parties par pli judiciaire.

La demande par laquelle les époux ou l'un d'eux conteste la décision de l'officier de l'état
civil, soit de refuser la célébration du mariage, soit de refuser de transcrire un mariage
célébré à l'étranger, ne fait pas partie des matières visées à l'article 704, alinéa 1 er, du Code
judiciaire.

L'arrêt applique dès lors illégalement les articles 23, § 3, et 27, § 1er, du Code de droit
international privé à une procédure qui avait pour objet de contester une décision prise par
l'officier de l'état civil sur la base de l'article 146bis du Code civil (violation des articles
146bis du Code civil, 23, § 3, 27, § 1er, et 31, tel qu’il était en vigueur avant sa modification
par la loi du 18 juin 2018, du Code de droit international privé) et en déduit illégalement
que c'est à tort que le demandeur a intimé la ville de Charleroi et qu'il y a lieu d'appliquer

6
l'article 1030 du Code judiciaire, qui régit les procédures unilatérales (violation des articles
146bis du Code civil, 23, § 3, 27, § 1 er, 31, tel qu’il était en vigueur avant sa modification
par la loi du 18 juin 2018, du Code de droit international privé, et 1030 du Code judiciaire).

En conséquence, l'arrêt fait illégalement courir le délai d'appel à partir de la notification


sous pli judiciaire de l’ordonnance entreprise alors que, la procédure étant étrangère aux
matières visées à l'article 704 du Code judiciaire, le délai d'appel ne pouvait prendre cours
qu'à partir de la signification, conformément aux articles 57, alinéa 1 er, et 1051, alinéa 1er,
de ce code, et non à partir de la notification visée à son article 792 (violation des articles 57,
alinéa 1er, 704, 792, 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire et, en tant que de besoin, 146bis du
Code civil, 23, § 3, 27, § 1 er, 31, tel qu’il était en vigueur avant sa modification par la loi du
18 juin 2018, du Code de droit international privé, 1030 et 1031 du Code judiciaire).

Seconde branche

L'article 792 du Code judiciaire dispose :

« Dans les huit jours de la prononciation du jugement, le greffier adresse, sous simple lettre,
à chacune des parties ou, le cas échéant, à leurs avocats, une copie non signée du jugement.

Par dérogation à l'alinéa précédent, dans les matières énumérées à l'article 704, § 2, ainsi
qu'en matière d'adoption, le greffier notifie le jugement aux parties par pli judiciaire adressé
dans les huit jours.

À peine de nullité, cette notification fait mention des voies de recours, du délai dans lequel
ce ou ces recours doivent être introduits et de la juridiction compétente pour en connaître.

Dans les cas visés au deuxième alinéa, le greffier adresse, le cas échéant, une copie non
signée du jugement aux avocats des parties ou aux délégués visés à l'article 728, § 3 ».

L'article 1030 du Code judiciaire dispose que, « dans les trois jours de la prononciation,
l'ordonnance est notifiée sous pli judiciaire par le greffier au requérant et aux parties
intervenantes. Une copie non signée est, le cas échéant, adressée à leurs avocats par simple
lettre. L'expédition de l'ordonnance peut être délivrée au bas d'un exemplaire de la requête
».

L'article 1031 dispose que le délai d'appel est d'un mois à partir de la notification. Cette
règle ne fait que rappeler celle qui est prévue de manière générale par l'article 1051, alinéa
1er, du même code.

Si la notification sous pli judiciaire de l'ordonnance rendue sur requête unilatérale fait
courir le délai d'appel, conformément aux articles 1030, 1031 et 1051, alinéa 1er, du Code
judiciaire, c'est dès lors à la condition de respecter la formalité prévue par l'article 792,
alinéa 3, précité.

Le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense, les articles 6, § 1er, de
la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 14, §
1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui garantissent tous deux le
droit au procès équitable, et les principes généraux du droit de la légalité et de la hiérarchie

7
des normes et de l'interprétation de la norme de droit interne conformément aux normes
supérieures imposent de comprendre l'article 792, alinéa 3, du Code judiciaire comme étant
applicable non seulement dans les hypothèses visées au deuxième alinéa du même article
mais dans tous les cas où la notification par pli judiciaire fait courir un délai de recours.

Il ressort des pièces de la procédure auxquelles la Cour peut avoir égard que le pli
judiciaire portant notification au demandeur de l'ordonnance entreprise ne comportait
aucune mention des voies de recours, du délai pour l'introduction du recours et de la
juridiction compétente pour en connaître. En vertu de l'article 792, alinéa 3, du Code
judiciaire, la notification par pli judiciaire était dès lors frappée de nullité et n'a pu faire
courir le délai d'appel.

La décision de déclarer tardif l'appel du demandeur est dès lors illégale (violation des
articles 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, 14, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 792,
alinéa 3, 1030, 1031 et 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire et des principes généraux du
droit visés en tête du moyen).

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée d’office au pourvoi par le ministère public


conformément à l’article 1097 du Code judiciaire en tant qu’il est dirigé contre le
procureur général près la cour d’appel de Mons :

Le procureur général près la cour d’appel de Mons s’est borné à donner un avis sur la cause,
à laquelle il n’a pas été partie.

La fin de non-recevoir est fondée.

Et la communication de la cause au ministère public ne justifie pas que celui- ci soit appelé
en déclaration d’arrêt commun dans l’instance en cassation.

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Aux termes de l’article 31, § 1er, alinéa 1er, du Code de droit international privé, tel qu’il
s’applique au litige, un acte authentique étranger concernant l'état civil ne peut faire l'objet
d'une mention en marge d'un acte de l'état civil ou être transcrit dans un registre de l'état civil
ou servir de base à une inscription dans un registre de la population, un registre des étrangers
ou un registre d'attente qu'après vérification des conditions visées à l'article 27, § 1er.

L’article 27, § 1er, alinéa 1er, de ce code dispose qu’un acte authentique étranger est reconnu
en Belgique par toute autorité sans qu’il faille recourir à aucune procédure si sa validité est
établie conformément au droit applicable en vertu de ce code, en tenant spécifiquement
compte des articles 18 et 21.

En vertu de l’article 27, § 1er, alinéa 4, du même code, lorsque l’autorité refuse de reconnaître
la validité d’un acte authentique étranger qui concerne une compétence visée à l’article

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572bis du Code judiciaire, dont l’état des personnes, un recours peut être introduit devant le
tribunal de la famille, sans préjudice de l’article 121, conformément à la procédure visée à
l’article 23.

L’article 23, § 3, précise que la demande est introduite et instruite conformément à la


procédure sur requête unilatérale qui est visée aux articles 1025 à 1034 du Code judiciaire.

L’article 146bis de l’ancien Code civil, suivant lequel il n’y a pas de mariage lorsque, bien
que les consentements formels aient été donnés en vue de celui-ci, il ressort d’une
combinaison de circonstances que l’intention de l’un au moins des époux n’est
manifestement pas la création d’une communauté de vie durable mais vise uniquement
l’obtention d’un avantage en matière de séjour lié au statut d’époux, énonce une condition de
validité du mariage.

La demande d’un époux contestant le refus, fondé sur l’article 146bis de l’ancien Code civil,
de l’officier de l’état civil de transcrire l’acte d’un mariage célébré à l’étranger doit, dès lors,
être introduite par une requête unilatérale et instruite suivant la procédure prévue en ce cas.

Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Il n’existe pas de principe général du droit de l’interprétation conforme de la norme de droit


interne à la norme de droit international ayant primauté sur elle.

Dans la mesure où il est pris de la méconnaissance de pareil principe, le moyen, en cette
branche, est irrecevable.

Pour le surplus, d’une part, les dispositions des articles 1031 et 1051, alinéa 1 er, du Code
judiciaire sont indépendantes l’une de l’autre, et ont pour seul point commun de donner cours
au délai d’appel à partir de la notification de la décision entreprise, la première, dans le cas
visé à l’article 1030, la seconde, dans les cas visés à l’article 792, alinéas 2 et 3.

D’autre part, il résulte de l’alinéa 2 de l’article 792 du même code que les dispositions de cet
alinéa et des deux suivants ne s’appliquent que dans les matières énumérées à l’article 704, §
2, ainsi qu’en matière d’adoption.

Ces dispositions ne s’appliquent dès lors pas à la notification sous pli judiciaire, visée aux
articles 1030, alinéa 1er, et 1031 du Code judiciaire, d’une ordonnance rendue sur une
demande prévue à l’article 23, § 3, du Code de droit international privé.

Ni les dispositions conventionnelles ni les principes généraux du droit indiqués par le moyen,
en cette branche, ne sauraient avoir pour effet d’étendre le champ d’application des
dispositions précitées de l’article 792 du Code judiciaire à d’autres matières que celles qu’il
vise.

Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en droit.

Par ces motifs,

9
La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux dépens.

Les dépens taxés, en débet, à la somme de cinq cent septante-huit euros septante- quatre
centimes envers la partie demanderesse et à la somme de six cent cinquante euros due à l’État
au titre de mise au rôle.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le
président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les
conseillers Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en
audience publique du sept juin deux mille vingt et un par le président de section Christian
Storck, en présence de l’avocat général Bénédicte Inghels, avec l’assistance du greffier
Lutgarde Body.

L. Body M. Moris

A. Jacquemin M. Delange

M. Marchandise

Chr. Storck

10
1. A partir des éléments contenus dans cet arrêt expliquez la nature du conflit qui opposait
les parties lorsque leur conflit était traité par les juridictions de fond, en indiquant de
manière distincte qui a ensuite introduit le pourvoi en cassation.

Expliquez également le contenu de la décision de la juridiction de fond attaquée par le


pourvoi. (6 points)

Devant les juridictions de fond, le conflit opposait L.A. à la ville de Charleroi dont l’officier de
l’état civil avait refusé de reconnaître la validité du mariage célébré au Maroc. Considérant
que son mariage avec S.B. n’avait été conclu que dans le but d’obtenir un avantage en matière
de de séjour, l’officier de l’état civil de Charleroi avait fondé son refus sur l’article 146bis de
l’ancien Code civil, et refusa de transcrire l’acte authentique étranger. L.A avait ensuite
introduit un recours devant le tribunal de la famille de Charleroi sur la base de l’article 27,
§1er, alinéa 4 su code droit international privé. (2 points).

Le tribunal de la famille de Charleroi donna tort à L.A dans une décision prononcée le 9 mars
2017. LA interjeta appel devant la cour d’appel de Mons en indiquant la ville de Charleroi
comme partie intimée. (1 point)

La cour d’appel de Mons déclara ce recours irrecevable et déclara l’appel tardif. Elle estima
que s’agissant d’une procédure unilatérale le délai pour introduire l’appel avait commencé à
courir à partir de la notification de la décision du tribunal de la famille. Monsieur L.A.
soutenait de son cô té que son recours s’inscrivait dans une procédure contradictoire et que le
délai d’appel ne pouvait dès lors commencer à courir qu’à partir de la signification de la
décision. (2 points).

C’est contre cette décision de la cour d’appel de Mons que L.A. introduisit ensuite un pourvoi
en cassation. La ville de Charleroi est défenderesse en cassation (le Procureur Général est
partie appelée en déclaration d’arrêt commun). ( 1 point)

11
2. Combien de moyens sont présentés par le demandeur en cassation et comment sont/est-
il(s) articulés ? (1 point )

Le demandeur présent un moyen articulé en deux branches.

12
3. Expliquez l’expression « le moyen,(…), en cette branche, (…), manque en droit » utilisée par
la Cour de cassation dans les deux parties de sa réponse au pourvoi. Justifiez votre réponse en
développant précisément les arguments juridiques de la Cour de cassation dans ces deux
passages. (5 points) 

Lorsque la Cour de cassation répond que le moyen manque en droit, elle indique que les
arguments juridiques du demandeur sont inexacts et rejette par conséquent le moyen (1
point). (Manque en droit le moyen de cassation qui est fondé sur une affirmation juridique
que la Cour de cassation estime inexact).

En l’occurrence la première branche du moyen soutenait que le délai d’appel commence à


courir à partir de la notification de la décision entreprise (et non de sa signification). La Cour
de cassation répond que le demandeur a tort de prétendre que l’action introduite était une
action contradictoire et qu’elle permettait d’appliquer l’article 1051, alinéa 1er du Code
judiciaire. La Cour considère que l’article 146bis de l’ancien code civil énonce une condition
de validité du mariage. Dès lors, le refus de transcrire l’acte de mariage étranger par
application de cet article entre dans le champ d’application de l’article 27, §1 er, alinéa 4, du
code de droit international privé et implique une procédure sur requête unilatérale. Le délai
d’appel est par conséquent régi par l’article 1030 du Code judiciaire qui fait courir le délai
d’appel à partir de la notification de la décision (2 points).

Dans la deuxième branche du moyen, le demandeur soutenait que lorsque le greffier notifie
une décision rendue sur requête unilatérale, il doit indiquer sous peine de nullité, les voies
de recours et le délai dans lequel introduire ce recours. Bien que l’article 792, alinéa 3, du
Code judiciaire qui prévoit cette mention ne concerne qu’une partie seulement des
notifications par pli judiciaire, le demandeur soutenait que son application devait être
étendue à toutes les hypothèses de notification par pli judiciaire. Le demandeur faisait
découler cette analyse juridique de la primauté du droit international en matière de procès
équitable et d’un principe d’interprétation de la norme de droit interne conformément aux
normes supérieures.
La Cour considère que ce raisonnement est inexact car selon son analyse du droit positif, il
n’existe en réalité aucune disposition légale ou conventionnelle qui permet d’élargir le
champ d’application de l’article 792, alinéa 3, du Code judiciaire. (2 points).

13
4. A la lecture de cet arrêt, pouvez-vous affirmer que la Cour de cassation a refusé de reconnaître
le principe général du droit de la primauté sur toute norme du droit interne de la norme de
droit international ayant des effets directs dans l’ordre juridique interne ?

Motivez et justifiez très précisément votre réponse. (5 points)  ?  

Non, la cour n’a pas examiné ce principe (1 point). Dans son examen de la seconde branche du
moyen, elle indique que contrairement à ce que soutient le demandeur, il n’existe pas dans
notre droit positif de principe d’interprétation conforme de la norme de droit interne à la
norme de droit international ayant primauté sur elle. Par contre, elle ne se prononce pas sur
l’existence et l’étendue du principe général du droit de la primauté sur toute norme du droit
interne de la norme de droit international ayant des effets directs dans l’ordre juridique interne qui
était également invoqué par le demandeur (4 points).

14
15
Questions de reconnaissance et d’analyse de sources

1. Quelle institution est l’auteur de l’extrait de texte reproduit ci-dessous ? Justifiez votre


réponse en indiquant les mots de vocabulaire juridique qui vous ont permis de l’identifier
et en donnant une définition précise de la source formelle identifiée. (1,5 points)

« Quant au premier moyen


A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, de la Constitution, lus
en combinaison avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et à la lumière de l’article
1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du préambule de la Convention relative aux
droits de l’enfant et de l’article 6, paragraphe 5, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Les parties requérantes reprochent en substance à la loi attaquée de porter atteinte au droit à la vie de l’enfant
à naître, ce dernier étant un être vivant et humain qui, selon elles, jouit de manière absolue du droit à la vie et à
la dignité humaine garanti par l’article 23 de la Constitution. »

Il s’agit de la Cour constitutionnelle (0,5). En effet, l’extrait permet d’identifier que l’auteur
du texte examine un recours introduit contre une loi à est qui est reprochée la violation des
articles 10, 11 et 23 de la Constitution ainsi que des dispositions de normes de droit
international. Ce type de requête correspond à la compétence de la Cour constitutionnelle (1
point).
Il s’agit donc d’une source de nature jurisprudentielle (0,5 point). La jurisprudence est
constituée de l’ensemble des décisions des juridictions et s’apparente donc au droit tel qu’il
est appliqué et interprété par ces juridictions.

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2. Lisez l’extrait ci-dessous et indiquez le type de source dont il relève. Justifiez votre
réponse en expliquant pourquoi ce type de texte est utile dans la connaissance et l’étude du
droit. (1,5 points)

«PROCEDURE
1. La réclamation présentée par l’IPPF EN a été enregistrée le 9 août 2012.
2. L’IPPF EN allègue que le libellé du paragraphe 4 de l’article 9 de la loi n° 194 de 1978, qui régit l’objection
de conscience des praticiens hospitaliers et d’autres personnels de santé en matière d’interruption de grossesse,
est contraire à l’article 11 (droit à la protection de la santé) de la Charte sociale européenne révisée (« la Charte
»), lu seul ou en combinaison avec la clause de non-discrimination de l’article E, en ce qu’il ne protège pas le
droit des femmes de procéder à une interruption de grossesse.
3. Le Comité a déclaré la réclamation recevable le 22 octobre 2012. Conformément à l’article 26 in fine de son
Règlement et au vu de la gravité des allégations, le Comité a décidé de traiter en priorité la présente réclamation
et a par conséquent fixé des délais de procédure qui ne pourront être prorogés.
4. En application de l’article 7, paragraphes 1 et 2 du Protocole prévoyant un système de réclamations
collectives (« le Protocole ») et de la décision du Comité sur la recevabilité de la réclamation, le Secrétaire
exécutif a adressé le 31 octobre 2012 le texte de la décision sur la recevabilité au Gouvernement italien (« le
Gouvernement ») et à l’IPPF EN. Le même jour, il l’a également communiqué aux Parties contractantes au
Protocole et aux Etats ayant fait une déclaration en application de l’article D§2, ainsi qu’aux organisations
visées à l’article 27§2 de la Charte. »

Il s’agit d’une décision quasi-juridictionnelle de nature internationale. On classe


généralement cette source dans la jurisprudence internationale. En l’occurrence, nous
avions examiné lors de la dernière leçon cette décision du Comité européen des Droits
sociaux. ( 1,5)

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Feuille de brouillon

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