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COURS DE DROIT PENAL GENERAL

Professeur NYABIRUNGU mwene SONGA


2

INTRODUCTION

Le droit pénal est au cœur de la société humaine dans laquelle il est en vigueur. Il est
la protection des valeurs fondamentales partagées par le plus grand nombre dans la société
considérée et impose les sanctions à ceux qui, par leur faute, viendraient à les violer ou y porter
atteinte.
Dès lors, nous devons toujours avoir présente à l’esprit l’importance de ce droit, et en
faire une préoccupation pour mieux le connaître.
Tel est le sens de cette introduction qui va nous fixer sur l’importance même de cette
discipline juridique, définir le droit pénal, raconter son histoire dans les plus grandes étapes,
indiquer ses branches principales, déterminer ses caractères et ses rapports avec d’autres
disciplines voisines ou auxiliaires, donner le plan du cours et, enfin, proposer une bibliographie
sommaire.
§ 1. IMPORTANCE DU DROIT PENAL

Le droit pénal est sans conteste la branche du droit dont l'existence est la plus connue du
grand public.
Lorsque quelqu'un se présente comme juriste, magistrat ou étudiant à la Faculté de
Droit, la réaction la plus attendue sera de s'entendre dire qu'il met les gens en prison, qu'il les
condamne à mort, ou qu'il est entrain d'apprendre à le faire.
Cette assimilation du droit pénal au droit tout court, quoiqu'elle soit réductrice, n'est pas
fortuite.
Certes, le juriste n'est pas l'homme qui n'a appris que le droit pénal. Le magistrat
n'applique pas que le droit pénal et l'étudiant en droit sait qu'il a sur son programme
d'innombrables autres matières juridiques. Cependant, le droit pénal peut réellement être
considéré comme une des plus importantes. Et cette importance s'explique dans la mesure où le
droit pénal est un instrument immédiat au service de l'ordre public et de la tranquillité publique.
Certes, toutes les sociétés historiquement connues ont des règles de nature diverse, et dont le
respect assure la vie du groupe et l'harmonie en son sein: règles religieuses, morales, sociales,
politiques, juridiques, etc. Et ces règles comportent des sanctions nombreuses et variables selon
3

les sociétés et les époques. Dans le cadre de la société congolaise, nous pouvons citer les
exemples suivants :
1) Ainsi, la maladie pourra s'expliquer par le fait que le malade ou son tuteur n'a pas offert
un sacrifice à telle divinité. La sanction est religieuse.
2) Ainsi, un assassin commencera à errer ici et là, torturé par le remords de ce qu'il vient de
commettre, un peu comme Caïn, après le meurtre d'Abel. Dans «La légende des siècles», Victor
Hugo trouve cette expression : «Cet œil me regarde toujours». Cet œil n'est rien d'autre que le
remords, la sanction d'une règle morale transgressée.
3) On dira de tel homme qu'il est ruiné et malheureux parce que son père ou son oncle l'ont
maudit, tellement il leur manquait de respect et ne leur accordait aucune assistance. Et tous les
vieux du village qui ont l'âge du père ou de l'oncle abandonné, commencent à bouder cet
homme, à l'éviter puisque c'est un fils irrespectueux et indigne. Il s'agit là, à n'en pas douter,
d'une sanction sociale.
4) Dans un village, voilà un homme qui, à 40 ans, n'est toujours pas marié. Lors d'une
palabre sur la vie au foyer ou sur le divorce, les sages ne lui donnent pas la parole parce qu'il
en est indigne. C'est une sanction sociale. A son âge, il aurait dû se marier.
5) Pendant que vous étiez fortuné, un homme pauvre et désespéré est venu à vous et vous
l'avez refoulé. Le quartier est au courant. Suite à un retournement de la fortune, vous voilà dans
une situation critique. Vous appelez au secours, aucun voisin ne vous entend. Le secours vous
est refusé. C'est une sanction sociale. Celui qui ne sut jamais aider quand il pouvait, ne mérite
pas d'être aidé en cas d'infortune.
6) Lors d'une campagne démagogique, un homme politique qui voulait être député n'avait
été avare ni de slogans, ni de promesses : «Votez pour moi ! Je suis le seul homme qui convient.
L'homme qu'il faut, à la place qu'il faut. Vous aurez des écoles, des dispensaires, des routes
...» Le voilà voté. Pendant cinq ans, il mène une belle vie à Kin-la-Belle, ne regagne plus sa
circonscription électorale. Au bout de 5 ans, il se souvient de ses électeurs, les rejoint pour leur
tenir le même langage d'il y a cinq ans. Les électeurs qui n'ont vu ni écoles, ni dispensaires, ni
routes, l'écoutent et, au moment du vote, se souviennent des slogans creux et des promesses
non tenues. Lors du dépouillement des bulletins, le candidat démagogue n'a obtenu que 10
voix, la sienne propre, celles de sa femme et de ses enfants en âge de voter. La sanction est
politique.
7) Un homme vit depuis longtemps des dettes. On lui fait toujours confiance parce
qu'habituellement il rembourse. Mais, voilà que depuis un certain temps, il ne rembourse plus.
4

Non seulement on ne lui prêtera plus - sanction sociale - mais encore les créanciers font saisir
ses biens meubles entre ses mains ou entre les mains des tiers et se font rembourser à
concurrence du montant dû. Il s'agit là d'une sanction juridique.
8) Deux personnes concluent un marché. L'une doit vendre à l'autre un véhicule moyennant
un prix qui devra être payé avant livraison. L'acheteur ne paye pas le prix. La sanction sera la
nullité de la vente, et l'acheteur n'aura pas son véhicule.
C'est l'existence de toutes ces règles qui conduit une société donnée à l'harmonie, qui
contient les hommes dans un comportement honnête.
Mais, tous les hommes n'ont pas la même sensibilité, et il y en a qui se moquent
éperdument de toutes ces règles, qu'elles soient religieuses, morales, sociales, ou même
juridiques.
Il y a des athées dont on n'attendra pas que les règles religieuses les incitent à meilleur
comportement. Il y a des gens sans remords, sans scrupule. Il y a des gens sans foi ni loi. Il y a
même des hors-la-loi. Bref, il y a des déviants, des marginaux, des délinquants. Vis-à-vis de
ceux-ci, toutes les règles que nous avons décrites sont insuffisantes et, par eux, la société est
constamment menacée, constamment en danger.
La société doit se défendre, et l'une de ses armes favorites, c'est le droit pénal. Nous
dirons donc que lorsque les règles édictées en vue d'une vie équilibrée en société ne se suffisent
pas pour leur respect, le droit pénal intervient avec sa gamme de sanctions contraignantes: la
peine de mort, les travaux forcés, la servitude pénale à perpétuité ou à temps, l'amende, etc.
Tantôt le droit pénal agit de manière autonome, en son sein, en définissant les
infractions et les peines qui leur sont applicables.
Tantôt le droit pénal intervient comme sanctionnateur des règles relevant d'autres
disciplines juridiques: le droit commercial, fiscal, social, etc. Le droit pénal apparaît ainsi
comme le «gardien de tous les autres droits »1. Son intervention dans la vie sociale moderne a
pris une importance telle que l'on parle aujourd'hui de « l'inflation pénale.»2, de la
surpénalisation et de la repénalisation3, de la République pénalisée4 , de l’Etat pénal5, etc.
Aujourd’hui, il existe un mouvement de repénalisation dont les signes abondent :
- Multiplication des incriminations ;

1
François OST, Le temps du droit, Ed. Odile Jacob, Paris, 1999, p. 295.
2
Voir G. STEFANI et G. LEVASSEUR, Droit pénal général, Précis Dalloz, Paris, 1978, n° 31.
3
François OST, op. cit., pp. 295-296.
4
Titre d’un ouvrage sur la France d’André GARAPON et D. SALAS, aux éditions Hachette, Paris, 1996.
5
L. WACQUANT, De l’Etat charitable à l’Etat pénal, Note sur le traitement politique de la misère en Amérique, in
Regards sociologiques, II, mai 1996, 30 et s.
5

- Accroissement des taux des sanctions ;


- Aggravation de la durée des peines privatives ou restrictives des libertés ;
- Restriction des régimes de mise en liberté conditionnelle ;
- Surveillance électronique à domicile, etc.6
Et la procédure pénale n’échappe pas à cette frénésie répressive. Qu’il s’agisse de la
France avec ses procédures de flagrant délit, des Etats-Unis avec le « guilty plea » impliquant
l’espoir ou la promesse d’une réduction de la peine, de l’Italie avec le « pattegiamento », tous
ces pays, soutenus par la majorité de leur opinion publique, veulent une réaction sociale
immédiate à la délinquance, réaction qui, pour le moment, paraît n’être que la répression
expéditive, avec tous les inconvénients que l’on peut imaginer : peu de place au débat, peu de
chance au doute qui profite à l’accusé, réduction des garanties individuelles, etc.
Toutefois, cette situation « inflationniste » du droit pénal, due à des attentes excessives, est
souvent condamnée, car celui-ci est considéré comme un droit exceptionnel (ultima ratio) ne
devant intervenir « qu'en cas de nécessité évidente », lorsque les autres sanctions techniques,
propres à chaque discipline, ont échoué7.
L'importance du droit pénal s'explique aussi par les valeurs essentielles pour les
citoyens que son intervention met en jeu : la vie, la liberté, l'honneur, le patrimoine, la vie
professionnelle, le crédit dans les affaires, la gloire dans la cité, etc.
En plus, l’importance du droit pénal et la fascination qu’il suscite auprès des citoyens
peuvent s’expliquer aussi par le fait qu’aux yeux de ceux-ci les principes de justice et
d’égalité trouvent leur consécration dans l’application de la loi pénale8. Et « que l’on soit
puissant ou misérable, le traitement que réserve le système pénal aux justiciables est le même,
et il n’y a rien de plus égalitaire, dans les prétoires, que le banc de l’infamie »9.
Nous dirions même plus : comme la mort qui concourt à l’égalité des hommes par le fait
que personne n’y échappe, le droit pénal s’impose à tous ceux qui le trouvent sur leur chemin
du moment qu’ils en ont violé la loi. Les démêlées avec la justice pénale des hommes aussi
puissants que des Chefs d’Etat, des ministres, des seigneurs de guerre, des parrains de la mafia
ou des trafiquants des drogues, en constituent la meilleure illustration aujourd’hui.

6
François OST, op. cit. , p. 297.
7
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., n° 31.
8 ème
Frédéric DESPORTES et Francis LE GUNEHEC, Le nouveau droit pénal, Tome 1, Droit pénal général, 5 éd.,
Economica, Paris, 1998, pp. 1-2.
9
P. H. BOLLE, Le procès pénal nouveau, in R.D.P.C., 1995, 18.
6

Enfin, à l’heure de la mondialisation, il est opportun de s’interroger sur le rôle, la


fonction, bref l’importance que peut revêtir le droit pénal lorsque la circulation et l’échange des
marchandises, des services, des informations et des savoirs de toute nature se réalisent
instantanément et simultanément sur tous les points du globe par des technologies nouvelles et
chaque jour renouvelées, telles que l’internet et la téléphonie cellulaire.
L’avènement de la Cour Pénale Internationale fait déjà sentir que le droit pénal a un rôle
à jouer, non plus seulement pour concourir à l’ordre public interne, mais aussi à l’ordre public
mondial, en définissant et en déclarant de la manière la plus solennelle les valeurs les plus
communes à la conscience humaine et aux nations qui, toutes, sont désormais civilisées. Car
n’oublions jamais qu’il n’en fut pas toujours ainsi.
On comprend dès lors que, comme le droit pénal lui-même, son importance est vouée à
la pérennité, car des valeurs chaque jour plus communes et plus partagées s’imposeront à un
monde toujours plus indépendant et plus solidaire, sans pour autant mettre fin à la diversité et à
la divergence des enjeux, des intérêts et des identités des groupes et des Nations. L’arbitrage, la
sanction et la justice par le droit pénal sont à l’aube d’une renaissance.

§ 2. DEFINITION DU DROIT PENAL

On pourrait dire, dans un premier temps, que le droit pénal et le droit criminel sont deux
expressions qui s'utilisent indifféremment. Elles signifient la même chose. Seulement, la
première met en évidence la peine, et la seconde le crime.
Toutefois, en observant et en étudiant de plus près la littérature juridique10, on peut découvrir
que le droit pénal renvoie à la punition des « coupables », alors que le droit criminel traite de
toutes les questions relatives au phénomène criminel, indépendamment de la culpabilité de
l’agent.
Les sciences criminelles sont encore une notion plus large dans la mesure où elles
cessent de se limiter aux règles de droit, aux normes pour embrasser toutes les disciplines,
juridiques ou autres, s’intéressant non seulement au fait infractionnel (et à la peine), mais aussi
à l’étude de ses diverses manifestations et de réactions sociales qu’il suscite : étude de la
criminalité à travers les âges et les pays, étude des doctrines pénales et pénitentiaires11.

10 e
C. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 2 éd., 1995, n° 1.
11
P. SAVEY-CASARD, Un nouvel enseignement juridique : L’histoire du droit pénal, in Recueil Sirey, 1960, p. 5.
7

La définition du droit pénal est à la fois difficile et multiple. Cela s'explique par le fait
que le droit pénal comporte de nombreux aspects qu'il n'est pas toujours facile de ramasser dans
une définition : les aspects relatifs à l'infraction, à la peine, au délinquant, à la protection de la
jeunesse, etc.
Nous suggérons une définition du droit pénal qui permet dès maintenant d'en relever les
aspects fondamentaux et d'en faciliter la compréhension tout au long de l’exposé. Aussi,
proposons-nous la définition suivante:
Le droit pénal est la branche du droit public qui traite des infractions et des peines,
et dont l'objet essentiel est de déterminer les faits punissables et de fixer les
sanctions qui doivent leur être appliquées, en vue de faire régner dans les relations
sociales, à l’instar des autres disciplines juridiques, mais avec plus de puissance et
de contrainte, l’autorité et la liberté12.
La question a souvent été discutée de savoir si le droit pénal relevait du droit public ou
du droit privé. Pour nous, l’appartenance du droit pénal au droit public ne fait, dans notre esprit
et dans notre entendement, l’objet d’aucun doute. En effet, toute discipline juridique fait partie
du droit public du moment que son objet comporte des aspects relatifs aux rapports entre
gouvernants et gouvernés, entre l’Etat et les citoyens. Or, le droit pénal traite non seulement du
droit de punir, attribut qui appartient essentiellement à l’Etat, et qui est exercé par lui à travers
le service public que constituent les cours et tribunaux, mais aussi traite du statut et du sort des
citoyens accusés ou victimes d'infractions devant le même service public. Donc, aucun doute ne
saurait être permis ou subsister quant à l’appartenance du droit pénal au droit public.
De la définition du droit pénal, il peut être inféré que l'étude du droit pénal doit se faire
autour de quatre éléments essentiels : la loi pénale, l'infraction, le délinquant et la sanction
pénale.

§ 3. EVOLUTION DU DROIT PENAL13

A. LA VENGEANCE PRIVEE
D'après « des récits légendaires, des textes sacrés et des œuvres littéraires »14, à ses
origines, l'infraction est une atteinte à l'ordre privé, et la justice pénale est une justice privée.

12
Voir J. GICQUEL, Droit constitution et institutions, Montchrestien, Paris, 2003, p. 15.
13
Sur l'histoire du droit pénal, voir notamment : R. CHARLES, Histoire du droit pénal, P.U.F. Paris, 1955 ; P.
BOUZAT et J. PINATEL, Traité de droit pénal et de criminologie, Tome I, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 1970.
14
J. PRADEL, Droit pénal général, 5è éd., Cujas, Paris, 1986, p.93.
8

Le chef de famille a toute compétence. Dans la Grèce antique, par exemple, il a le


pouvoir de condamner à mort ou à l'expulsion le fils irrespectueux ou la femme adultère.
L'infraction commise en dehors de la famille est vengée par la famille de la victime. La
vengeance privée pouvait aller jusqu'à l'anéantissement de l'agresseur.

B. LE POUVOIR PUBLIC SANCTIONNATEUR

Peu à peu apparaît le pouvoir public sanctionnateur. Graduellement, on commence à


considérer certains actes contre les personnes comme des atteintes portées à l'intérêt de la
collectivité. Le meurtre devient un crime public, longtemps après le vol et l'adultère15.
Le pouvoir du chef de famille connaît de limitations, et la vengeance est de plus en plus
proportionnée à l'attaque. La loi du talion qui est un progrès considérable, est complètement
appliquée: «Œil pour œil, dent pour dent». De manière plus précise encore, relevons ces quatre
formulations :
- « Fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; la même sorte de tare qu’il cause
à l’homme, voilà ce qu’on devra lui causer »16 ;
- « Vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. »17 ;
- « Si quelqu’un a crevé un œil à un notable, on lui crèvera un œil »18 ;
- « Aux croyants, le talion vous est prescrit : homme libre pour homme libre, esclave pour
esclave, femme pour femme »19.
Les voleurs voient leur main coupée, comme est coupée la langue des parjures. Les violeurs
sont châtrés. La loi du talion est consacrée notamment dans le Code Hammourabi de Chaldée
(1700 ans avant Jésus-Christ), la loi de Moïse (Israël), la loi des XII tables (Rome) et le Coran.
La loi du talion est un progrès parce que, d’une part, elle transforme la responsabilité pénale,
naguère collective, en responsabilité individuelle et, d’autre part, consacre le principe de la
proportionnalité entre l’acte commis par l’auteur et la sanction que celui-ci doit subir.
La responsabilité est encore individuelle dans l'institution de l'abandon noxal. Celui-ci consiste
dans le fait d'abandonner l'auteur de l'infraction entre les mains de la famille de la victime, qui
est libre d'en faire ce qu'elle veut : le vendre, en faire un esclave, le mettre à mort, le retourner à

15
Une histoire qui date de Caïn et Abel, in Crimes et châtiments, vol. 10, n°7, le 15 avril 1985.
16
Lévitique, 24 : 20.
17
Deutéronome, 21 : 21.
18
Code d’Hammourabi.
19
Coran, première sourate.
9

sa famille, etc. L'institution a été en vigueur à Rome, en Grèce, chez les Hébreux, dans les lois
franques, dans les coutumes anglo-saxonnes et scandinaves, etc.
D'autres mécanismes verront le jour pour limiter la vengeance privée, tels que la composition
qui permet aux familles en conflit de s'asseoir autour d'une table et négocier la nature et le
montant des indemnités dues du fait de l'infraction.
A l'époque anglo-saxonne (5ème siècle), la famille de la victime demande réparation pour le
dommage subi. L'auteur d'un meurtre et ses parents doivent payer une somme d'argent qu'on
appelle «Wergeld », et dont le montant varie selon le rang social de la victime. Cette indemnité
est loin d'être symbolique, car pour un simple manant, elle pouvait atteindre 200 shillings, soit
le prix de 200 moutons20.
La peine publique se substituera de plus en plus à la peine privée par l'allongement des
incriminations censées troubler l'ordre public.

C. LE FONDEMENT RELIGIEUX

A un stade de son évolution, la répression prend un fondement religieux. Les sociétés


primitives croient que l'infraction provoque la colère des dieux. La peine aura pour rôle de
rétablir notamment l'équilibre entre les dieux et les hommes.
Le christianisme apporte les notions d'expiation (pénitence) et d'amendement. Cependant, cela
ne suffit pas à réduire les rigueurs du droit pénal européen ancien.

D. DROIT PENAL ANCIEN

Le droit pénal commun européen (du Moyen-Age au 18ème siècle) se caractérise par son
hétérogénéité, son arbitraire, sa rigueur, son inégalité et son irrationalité.
L'hétérogénéité s'explique par l'inexistence des codes et la multitude des sources : droit
canon21, droit coutumier22 et droit romain23.

20
Une histoire qui date de Caïn et Abel, déjà cité.
21
Françoise TULKENS et Michel van de KERCHOVE relèvent que certains de ses principes sont encore discutés de
nos jours, par exemple la maxime formulée par Bernard de PAVIE : « Versanti in re illicita imputatur omnia
quae sequuntur ex delicto » (Au délinquant sont imputées toutes les conséquences du délit), Introduction au
ème
droit pénal, Aspects juridiques et criminologiques, 6 éd., Kluwer, Bruxelles, 2003, p. 80.
22
Loc. cit.
23
Voir notamment les digestes des empereurs ULPIEN et HADRIEN ainsi que le Code de JUSTINIEN, Th.
MOMMSEN, Le droit pénal romain, 3 vol., Paris, Thorin et Fontemoing, 1907.
10

L'arbitraire se retrouvait au niveau du roi qui avait tous les pouvoirs d'incriminer et de
sanctionner. Il se retrouvait aussi au niveau du juge qui pouvait condamner pour les faits non
punissables et prononcer des peines non prévues.
Parlant de la prison avant le 18ème siècle, le professeur P. H. BOLLE relève qu’elle n’était
qu’une simple antichambre du prétoire ou du gibet, ou encore un « simple lieu où, par lettre de
cachet, le pouvoir resserrait ceux qui avaient cessé de plaire … La prison avait été le lieu de
tous les arbitraires d’une administration, simple entrepreneur de la survie des prisonniers »24.
La rigueur du droit ancien se remarque par les pénalités qui, fondées sur le double postulat de
la vengeance et de la terreur, portent principalement sur le corps25. Elle se remarque aussi par
les nombreux cas pour lesquels la peine de mort était prévue et surtout par les modalités de son
exécution. La peine de mort était accompagnée des supplices tels que le feu, la roue, la potence,
la noyade, la langue coupée, l'écartèlement, etc.
A ce propos, nous ferons remarquer que le droit pénal africain pré-colonial n'était pas un
modèle de douceur. En effet, des peines d'une rigueur particulière étaient appliquées: le
délinquant, jeté à terre, était tué à coup de sagaie. On connaissait le supplice du feu et la
lapidation. Des condamnés étaient crucifiés, étranglés. Les sorciers étaient précipités dans un
trou très profond où l'on faisait couler de l'eau particulièrement sale. Au Madagascar, les
individus reconnus coupables de sorcellerie étaient assommés à coups de pilons à riz. T. O
ELIAS relève aussi l'exécution chez les Kikuyu par l'étranglement ou des coups de lance26.
L'inégalité du droit ancien se remarque par le fait que les peines variaient selon la condition du
condamné, douces pour les nobles et les clercs, rigoureuses pour les manants et les serfs.
Les Cahiers des doléances des Etats Généraux convoqués en France en janvier 1789,
dénoncent l’injustice pénale et revendiquent l’égalité de tous devant la loi27.
La formule « sera puni selon la qualité de la personne » est de style à partir du 16ème siècle
dans toute l’Europe. Le gentilhomme a la tête tranchée dans les cas où le vilain est pendu28.
Enfin, le droit pénal est irrationnel. Il condamnait les cadavres, les animaux, etc. Il était
franchement extravagant.

E. LE SIECLE DES LUMIERES


24
P. H. BOLLE, Le procès pénal nouveau, in R.D.P.C., 1995, 9.
25 ème
Fr. TULKENS et M. VAN DE KERCHOVE, Introduction au droit pénal, 2 éd. Story Scientia, 1993, p. 62 ;
MUYART de VOUGLANS, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Paris, Merigot Le Jeune, 1780.
26
T. O ELIAS, La nature du droit coutumier africain, Présence Africaine, Paris, 1961, p. 241.
27
A. DESJARDINS, Les Cahiers des Etats Généraux en 1789 et la législation criminelle, Paris, G. Pédone-Lauriel,
1883, pp. 27-30, cité par Françoise TULKENS et Michel van KERCHOVE
28
Fr. TULKENS, op. cit., p. 63.
11

Ce siècle est fondamental dans l'histoire du droit pénal. Siècle du libéralisme anglais avec
HOWARD et BENTHAM, des Encyclopédistes et des Philosophes (DIDEROT, ROUSSEAU,
VOLTAIRE, MONTESQUIEU, BECCARIA), il réagit contre le droit ancien et impose le
principe de la légalité des délits et des peines. On retiendra le petit ouvrage de BECCARIA : le
«Traité de délits et de peines» (1764). Son influence fut considérable. Aucun traité de droit
criminel, relève HAUS, n’a été autant de fois imprimé que celui-ci, et il fut traduit dans presque
toutes les langues d’Europe29.

F. LES DOCTRINES

Deux doctrines ont particulièrement marqué l'histoire du droit pénal: la doctrine classique et la
doctrine positiviste. Cependant, d’autres courants ne se reconnaissant pas totalement ou
partiellement dans l’une ou dans l’autre, ont vu le jour.

I. La doctrine classique

Essentiellement inspirée par les philosophes, elle considère que la répression est la meilleure
réaction sociale contre les crimes.
Elle se base sur quelques principes :
- La légalité des délits et des peines (voir pour de plus amples développements la section II
de la première partie consacrée à la loi pénale);
- L'utilité sociale de la peine, en ce sens que celle-ci ne peut se justifier que dans la mesure
où elle est utile à la défense de la société. Ni plus qu'il n'est utile, ni plus qu'il n'est nécessaire ;
- Le libre arbitre et la responsabilité morale.
Le libre arbitre pose en principe que la personne humaine est dotée d’une volonté consciente et
libre et d’une capacité de comprendre et de discerner le bien et le mal. Lorsqu’un individu pose
un acte, celui-ci relève d’un choix libre. Et lorsqu’il commet une infraction, cela veut dire que
librement et consciemment, il a préféré la violation de la loi au respect de celle-ci. Préférer le
mal au bien est une faute par laquelle l’agent engage sa responsabilité morale. La faute appelle
réparation et expiation. Celle-ci ne peut se réaliser que par le châtiment (peine ou sanction).
Les grandes codifications du 18ème et du 19ème siècles s'appuieront sur cette école.

29
HAUS, Principes généraux du droit pénal belge, tome 1, Gand, 1879, n° 21, note 20.
12

II. La doctrine positiviste


Les grands animateurs de l’Ecole positiviste sont les italiens LOMBROSO, FERRI et
GAROFALO.

La doctrine positiviste considère qu'il faut donner la priorité à la défense de la société, au


besoin par l'élimination du délinquant.
Il n'y a pas de place pour le libre arbitre car la criminalité est déterminée par l'hérédité et le
milieu (déterminisme).
L'on doit répondre de l'infraction non parce qu'on serait en faute, mais uniquement parce que la
société doit se défendre (responsabilité sociale). Le délinquant est condamné non parce qu'il est
coupable, mais parce qu'il est dangereux.
Face au danger que représente l’homme criminel, la collectivité doit se défendre par deux
sortes de mesures :
- Les substituts pénaux qui sont des mesures préventives de prophylaxie sociale. Ils visent à
supprimer les causes de la criminalité et à permettre à la société humaine de faire l’économie
du crime, du procès et de la sanction ;
- Les mesures de sûreté, à caractère individuel, qui sont destinées à remplacer les peines
classiques. Elles sont indéterminées car elles ne prennent fin qu’avec la disparition de l’état
dangereux du criminel. Elles peuvent être réparatrices, notamment par la réparation du
dommage causé par la commission de l’infraction, éliminatrices par la mise à mort,
l’internement ou la déportation, ou répressives, notamment par l’emprisonnement ou l’amende.

III. Les doctrines intermédiaires ou de conciliation

D’autres écoles et d’autres mouvements se sont exprimés depuis le début du 19ème siècle avec
comme préoccupation majeure d’éviter la bipolarisation entre l’Ecole classique et l’Ecole
positiviste et d’aboutir à la conciliation des doctrines, à l’éclectisme, l’essentiel n’étant pas tant
les doctrines que les possibilités pratiques et réalistes de défendre la société contre les individus
nuisibles à l’ordre public. Les expressions de « défense sociale » et de « politique criminelle »
sont à la fois une mode et des mots d’ordre pour réaliser cet éclectisme et cette conciliation des
doctrines. Apparaissent dans ce contexte :
- L’Ecole néoclassique
13

- La Terza scuola italienne


- L’Ecole pragmatique espagnole et
- L’Union internationale de droit pénal.

IV. Les doctrines pénales actuelles


Elles s’expriment dans des ouvrages individuels, mais surtout dans le cadre des congrès
organisés et des publications assurées par quatre grandes associations :
- Association Internationale de Droit Pénal (1924)
- Fondation Internationale Pénale et Pénitentiaire (1950)
- Société Internationale de Défense Sociale (1949)
- Société Internationale de Criminologie (1950).
A ces associations, nous devons ajouter la Commission des Nations Unies pour la prévention
du crime et la justice pénale.
A la manière de J. PRADEL30, nous pouvons regrouper les courants actuels en trois tendances
ou doctrines :
- La doctrine de défense sociale
- La doctrine de la non-intervention
- Les doctrines néo-classiques

a) La défense sociale

La défense sociale est caractérisée par deux phases :


- L’une, avant tout préoccupée de protection sociale et dont la figure marquante est, sans
contexte, Adolphe PRINS ;
- L’autre, consécutive aux atrocités de la deuxième guerre mondiale, se nourrit des idées
nouvelles qui humanisent le sort du délinquant, envisagent son traitement et les possibilités de
sa réinsertion dans la société et tentent de concilier protection sociale et amélioration
individuelle31. Dans cette deuxième phase, la peine de mort est combattue avec d’ailleurs un
certain succès, et sont condamnés les châtiments cruels, inhumains et dégradants. Le
mouvement de défense sociale animé par F. GRAMATICA (+) et M. ANCEL (+) (Défense

30 s
Op. cit., n° 101 et s.
31
Pierre THYS, Le traitement des délinquants anormaux : un coup de sonde dans la pratique de la loi belge de
défense sociale, in R.D.P.C., 1955, 29.
14

sociale nouvelle) est à l’avant-garde de ce combat pour un droit pénal qui considère que la
défense de la société doit passer par celle de l’homme dans ses possibilités de relèvement.
« Les pénalités vengeresses, rétributives ou symboliques, qui n’ont d’autre but que de rétablir
l’ordre troublé par le délit, sont mises à l’écart …Le châtiment doit être un élément concret de
pacification et par-là de mieux être commun. »32
Toutefois, ce mouvement subit de plus en plus des critiques, suite notamment à l’échec de la
prison, aujourd’hui unanimement reconnu. La défense sociale nouvelle considère la prison
comme un cadre susceptible de réaliser la mesure thérapeutique d’amendement et de
resocialisation du délinquant. Or, non seulement, pour des raisons diverses, la prison ne joue
pas et n’a jamais joué ce rôle, mais plus encore, elle est considérée comme nocive à la
personnalité du délinquant. Dans ces conditions, il devient difficile de croire à la fonction de
resocialisation par la peine. Marc ANCEL lui-même accepte l’échec du traitement de
resocialisation conçu dans les années cinquante33 et, sans aller jusqu’à adhérer « aux doctrines
utopiques de la non-intervention absolue »34, considère que « la prison ne doit plus être que
l’ultima ratio de la réaction anti-délictueuse »35.
C’est pourquoi, un courant fort remarqué aux Etats-Unis d’Amérique notamment, et avec
lequel nous avons personnellement eu l’occasion d’entrer en contact lors d’un voyage d’étude
sur les institutions et la jurisprudence criminelles américaines36, enseigne que les peines, y
compris la prison, sont appliquées au délinquant, non dans l’espoir illusoire de le changer mais
uniquement dans le souci légitime qu’a la société de le punir. Un délinquant a commis une
infraction, il doit être puni37.

b) L’Ecole de la non-intervention
Il existe une doctrine animée aussi bien par des Américains 38que des Européens39, selon
laquelle le droit pénal et la justice pénale devraient intervenir le moins possible, voire pas du

32
Moïse ADDAD et Michel BENEZECH, L’irresponsabilité pénale des handicapés mentaux, éd. Litec, Paris, 1978,
pp. 20-21.
33 ème
Edgardo ROTMAN, La politique du traitement à la lumière de la 3 édition de « La défense sociale », in
R.S.C., 1984, 575.
34
Op. cit., 576.
35 ème
M. ANCEL, La défense sociale nouvelle, 3 édition, Cujas, Paris, 1981, p. 271.
36
Crossroad Africa, 5 octobre-10 novembre 1984.
37
S.A. LAZARDIS, La rétribution dans la philosophie pénale anglo-saxonne d’aujourd’hui, in Archives de
philosophie du droit, tome 28, Philosophie pénale, Paris, Sirey, 1983, recension par Jacqueline FAUCHERE, in
R.S.C., 1984, 606 ; John RAWLS, Théorie de la justice, op. cit. p. 352.
38
E. SCHUR, D. MATZA, E. LEMERT, cités par Jean PRADEL, op. cit., n° 106.
15

tout. Il faudrait remplacer les sanctions pénales par des mesures non répressives, à caractère
civil, administratif, social, etc.
Pour L. HULSMAN, il faut renouveler le discours global et changer de vocabulaire. Les mots
« crime », « infraction », « délinquant », etc., devraient laisser la place à des locutions ou
termes tels que :
- « actes regrettables ou comportements indésirables » ;
- « personnes impliquées » ;
- « situations – problèmes », etc.
Et la sanction classique, de type punitif, est insuffisante pour résoudre les problèmes et mettre
fin aux conflits. Aussi, faut-il encourager des solutions assumées par les protagonistes eux-
mêmes et qui mettent en valeur le style compensatoire, thérapeutique et conciliant40.
Pour Nils CHRISTIE, il faut restituer les conflits à leurs propriétaires (délinquants ou victimes)
afin qu’ils y apportent une solution41. Cette mise en avant des protagonistes eux-mêmes pour
résoudre leurs conflits a pour effet le rejet « des structures étatiques et leurs experts de toutes
sortes et de tous les niveaux qui ont tendance à s’approprier les conflits aux dépens des
protagonistes eux-mêmes »42.
Certes, les grands crimes devraient continuer à être punis, mais les autres devraient être
dépénalisés, car il n’y a aucune raison de continuer à poursuivre, à juger et à condamner à
grands frais des « crimes sans victimes » où les actes voulus par leurs auteurs n’entraînent
aucun préjudice pour la société (avortement, drogue, relations sexuelles,…).
Comme on pouvait bien le prévoir, des reproches très précis ont été formulés contre cette
doctrine plus que contestataire43.
Nous en retenons deux :
1. Elle présuppose la bonté naturelle de l’homme (ROUSSEAU), ce qui n’a encore été
théoriquement établi par aucune discipline scientifique, soutenu par aucune source, et qui, par
contre, dans la pratique, partout et en tout temps, est démenti par les faits, depuis toujours, bien

39
A. BARATTA, Criminologie critique et politique pénale alternative, R.I.D.P., 1978, 43 et s. ; L. HULSMAN et J.
BERNAT DE CELIS, Peines perdues. Le système pénal en question, Le Centurion, 1982.
40
L. HULSMAN et BERNAT DE CELIS, op. cit., 110-116.
41
Nils CHRISTIE, Conflicts as Prosperity, The British Journal of Criminology, vol. 17 (1), 1-15.
42
Jean SAUVAGEAU, Quelques réflexions sur la pertinence de « l’affaire SOKAL » en criminologie, in R.D.P.C.,
1997, 1192-1212. En 1996, Alan SOKAL, professeur de physique à l’Université de New York, a publié un article
qu’il a lui-même reconnu comme un canular, et qui était destiné à dénoncer des tendances irrationalistes en
sciences, notamment l’excès du relativisme, aux dépens de la vérité qui, seule, socialement libère les minorités
et les pauvres.
43
Voir J. PRADEL, loc. cit.
16

avant l’« homo homini lupus » des romains jusqu’aux crimes les plus graves sous leur forme la
plus barbare que sont les génocides qui ont émaillé le 20ème siècle et qui continuent de se
perpétrer dans le monde, à l’orée du 21ème siècle.
2. Nombre de comportements criminels seraient-ils aujourd’hui dépénalisés qu’on
s’installerait aussitôt dans l’anarchie la plus absolue, aux dépens de la paix et de l’ordre si
indispensables à la jouissance des autres droits individuels et collectifs.
Il apparaît, cependant, que cette doctrine de la non-intervention n’en est pas moins intéressante
par la mise en garde qu’elle constitue à l’adresse du législateur contre la tentation d’une
pénalisation excessive qui, en dépassant les limites d’une répression juste, utile et nécessaire,
créerait un malaise social et constituerait une mise en cause de la société des hommes libres.

c) Les doctrines néo-classiques

Aujourd’hui, les doctrines néo-classiques sont l’œuvre de certains auteurs qui veulent
retourner, en partie, aux idées du néoclassicisme de 1830, avec la fonction rétributive et
perfectionnelle de la peine. Par ailleurs, nombre de pénalistes ne se retrouvent pas dans la
défense sociale de GRAMATICA ou de Marc ANCEL, notamment lorsqu’elle préconise, à la
place de la peine, une mesure purement thérapeutique, sans coloration morale.
Dans ce néo-classicisme contemporain, sont rangés LEVASSEUR, MERLE44, LEAUTE et
l’Ecole d’UTRECHT45, FRANCHIMONT46, LARGUIER47, QUINTANO-RIPOLLES48,
CONSTANT49, etc.
Tous ces auteurs considèrent comme nécessaires et utiles à la lutte contre la criminalité les
idées de blâme, de responsabilité morale, de jugement de valeur et de rétribution.
Fidèles à SALEILLES50, ils prennent à leur compte cette formule : «la peine est fondée sur
l’idée de liberté et de responsabilité, mais appliquée en fonction de l’aptitude du condamné à
supporter le châtiment et à en tirer profit»51.

44
R. MERLE, La confrontation doctrinale du droit pénal classique et de la défense sociale, in R.S..C., 1964, 725.
45
J. LEAUTE, Une nouvelle école de la science criminelle : l’Ecole d’Utrecht, 1959.
46
FRANCHIMONT, Incertitudes et espérances des pénalistes, in R.D.P.C., 1960, 3.
47
LARGUIER, Le droit pénal, Coll. Que sais-je, P.U.F, Paris.
48
QUINTANO-RIPOLLES et R. MERLE, L’évolution du droit pénal moderne, Annales de la Faculté de Droit de
Toulouse, 1958, 121 et s.
49 e
CONSTANT, Manuel de droit pénal belge, 7 éd., 1959.
50
SALEILLES, De l’individualisation de la peine, 1898.
51
Voir J. PRADEL, op. cit., n° 107.
17

La responsabilité morale, notion complexe et dynamique qu’il faut appréhender par la prise en
compte à la fois du passé et de l’avenir de l’individu, constitue le fondement de la répression
conformément à la doctrine classique, et l’aptitude du condamné à subir la sanction tout en en
tirant le meilleur (amendement, prévention individuelle) constitue à la fois le critère d’une
sanction individualisée et donc efficace, et l’apport majeur du néo-classicisme contemporain.
Pour terminer avec ce survol sur les doctrines, nous retiendrons que, bien que des signes
apparaissent d’un retour de plus en plus prononcé vers la dimension répressive et rétributive de
la sanction, le traitement et la resocialisation du délinquant demeurent les objectifs les plus
affirmés du droit pénal contemporain.

G. LES CODES PENAUX FRANCAIS, BELGE ET CONGOLAIS

Le code pénal français de 1810, le code belge de 1867 et le code congolais de 1940 sont de type
classique. Mais, ils ont pris en compte, surtout dans le cadre des lois modificatrices ou
complémentaires, les apports du positivisme relatifs à personnalité du délinquant (mesures de
sûreté, notamment).
La prise en compte de l'individu est encore plus marquée dans le nouveau code pénal français
(lois du 22 juillet 1992), en vigueur depuis le 1er mars 1994, et dont l'une des caractéristiques
majeures est la personnalisation et la promotion des alternatives à l'emprisonnement. Le
législateur français passe ainsi des idées de rétribution et de dissuasion, à celles de traitement et
de resocialisation52, s'inscrivant ainsi dans la ligne de la défense sociale nouvelle.
H. CONCLUSION

On peut dire que l'histoire du droit pénal nous montre les progrès accomplis dans ses aspects
fondamentaux :
Au niveau de la loi pénale : il faut relever surtout l'avènement du principe de la légalité des
délits et des peines.
Au niveau de l'infraction : celle-ci a cessé d'être une lésion privée pour devenir une atteinte à
l'ordre public intéressant toute la société.

52
Voir J. PRADEL, Le nouveau code pénal français : aperçu sur sa partie générale, in R.D.P.C.,1993, 923-642.
18

Au niveau du délinquant : celui-ci doit être une personne responsable et donc amendable. La
responsabilité des animaux, des cadavres et des choses n'est plus de nos jours « qu’une
curiosité historique.»53 Naguère collective, la responsabilité pénale devient individuelle.
Au niveau de la sanction : celle-ci ne peut plus se limiter à la simple vengeance ou à
l'élimination, mais doit permettre l'amélioration et la réinsertion sociale du délinquant. C'est
pourquoi, elle doit être individualisée.

§ 4. LES PRINCIPALES BRANCHES DU DROIT PENAL

Les nombreux aspects de la législation pénale déterminent la subdivision du droit criminel en


plusieurs branches que sont le droit pénal spécial, le droit pénal général, la procédure pénale et
la pénologie.
Le droit pénal spécial comporte la nomenclature des infractions, l'étude des éléments
constitutifs et du régime juridique de chaque infraction. Historiquement, le droit pénal spécial
précède le droit pénal général, le législateur s'empressant à prendre position d'abord sur les
infractions, à dresser la liste des actes qui portent atteinte à l'ordre public.
Le droit pénal général concerne les règles communes aux infractions, règles qui définissent de
manière générale les grands principes de la responsabilité pénale: la notion d'infraction, la
personne punissable, les causes d'exonération, les règles qui organisent la fixation et l'exécution
des peines, etc.
La procédure pénale est l’ensemble des règles qui sont mises en œuvre pendant le temps qui se
situe entre la commission de l’infraction et le jugement définitif d’acquittement ou de
condamnation, qui s’imposent au juge et aux parties au procès, et dont le but est d’arriver à la
manifestation de la vérité, dans le respect des droits individuels de l’accusé. La procédure
pénale est ainsi donc inhérente au droit pénal.
La pénologie étudie le régime d'exécution des sanctions et plus précisément la mise en œuvre,
le fonctionnement et les conséquences des mesures qui sont prises en vertu de la loi, par les
autorités compétentes à l'égard des délinquants.
Il faut faire remarquer que cette façon de déterminer les branches du droit pénal n'est pas
toujours partagée, et certains les limitent au droit pénal matériel, c’est-à-dire au droit pénal
général et au droit pénal spécial, à l'exclusion de la procédure et de toute autre discipline
relative au régime des sanctions.

53
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., n°14.
19

Par ailleurs, au-delà des branches traditionnelles du droit pénal, des nouvelles sont apparues
telles que le droit pénal international, le droit international pénal, le droit pénal comparé ou
encore le droit pénal de l’enfance54, qu’on appelle aussi le droit de la protection de la jeunesse.
Enfin, on parle de nombreuses autres disciplines juridiques relevant ou se réclamant du droit
pénal. Nous citerons :
- Le droit pénal économique
- Le droit pénal des affaires
- Le droit pénal social
- Le droit pénal financier
- Le droit pénal des sociétés
- Le droit pénal de l’environnement, etc.

§ 5. LE DROIT PENAL ET LA POLITIQUE CRIMINELLE

La politique criminelle, naguère considérée comme faisant partie du droit pénal, a acquis son
autonomie vis-à-vis de celui-ci.
L’expression « politique criminelle » est attribuée au professeur allemand FEUERBACH qui
l’a utilisée en 1803 pour désigner « l’ensemble des procédés répressifs par lesquels l’Etat
réagit contre le crime »55.
Aujourd’hui, la réaction sociale contre le crime ne se ramenant plus exclusivement à la
dimension répressive.
Aussi, proposons- nous la définition suivante : la politique criminelle est l’ensemble des
mesures, à caractère pénal ou non, tendant à assurer la protection de la société contre les
activités criminelles, déviantes et antisociales, à aménager le sort des délinquants, des déviants
et des marginaux, et à garantir les droits des victimes56.

§ 6. LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT PENAL ET LES DISCIPLINES VOISINES


OU AUXILIAIRES

54 s
Voir J. PRADEL, Op. cit., n° 49-51.
55
Cité par L. NOUWYNCK, Politique criminelle et institutionnalisation du collège des procureurs généraux, in
R.D.P.C., 1997, 832.
56
Cité par Mireille DELMAS-MARTY, Les grands systèmes de politique criminelle, Coll. Thémis, 1992, p. 13 ;
Conseil de l’Europe, Rapport relatif à la recommandation n° R (83) 7 sur la participation du public à la politique
criminelle.
20

Pour répondre de manière satisfaisante à sa mission, le droit criminel recourt à des techniques
auxiliaires. Il en est ainsi de la criminologie et de la criminalistique.
La criminologie est l'ensemble des disciplines qui étudient la criminalité pour en rechercher les
causes, en connaître l'évolution et les conséquences57.
Peut aussi être retenue cette belle définition qui nous vient de Pologne : « La criminologie
étudie de façon universelle le crime, la criminalité, le criminel ainsi que les mesures de réaction
à la criminalité »58.
Elle éclaire le législateur sur la politique criminelle à suivre et aide le magistrat du parquet, le
juge et le personnel chargé de l'application des peines à comprendre la personnalité du
délinquant et à en tenir compte dans la conduite de l'instruction, le choix des peines et mesures,
et des modalités de leur exécution.
Font partie de la criminologie :
- L'anthropologie criminelle (fondée par LOMBROSO en 1874);
- La biologie criminelle ;
- La psychiatrie criminelle ;
- La sociologie criminelle, etc.
La criminalistique comprend toute une série de disciplines et de techniques scientifiques qui
concourent à la constatation matérielle des infractions et à la découverte de leurs auteurs.
Il en est ainsi de :
- La médecine légale, qui renseigne la justice sur les circonstances qui entourent les
infractions d'atteinte à la vie et à l'intégrité physique de la personne humaine : circonstances
d'un décès, d'un viol, d'un avortement (cause, heure, moyens utilisés, etc.). A titre
d’illustration, en cas d’accident de roulage avec un cadavre portant des lésions, plusieurs
hypothèses peuvent se présenter à l’esprit :
1. Homicide involontaire causé par l’accident ;
2. Mort subite par crise cardiaque, tension ou autre état pathologique antérieur ;
3. Ecrasement secondaire ;
4. Dissimulation d’un crime ;
5. Homicide volontaire par véhicule (meurtre ou assassinat) ;
6. Suicide.

57
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., n°44.
58 ème
L. TYSZKIEWICZ, Criminologie, Esquisse d’un système, Katowice, 1986, 2 éd., p. 14, cité par Piotr STEPNIAK,
Des recherches polonaises relatives à la criminogénèse, in R.D.P.C., 1994, 734.
21

Seule la médecine légale peut départager ces différentes hypothèses, et permettre de connaître
la vérité59.
- La toxicologie, qui étudie les poisons;
- La police scientifique et la police technique, qui permettent l'identification de l'arme du
crime, la nature de telle tache de sang, de telles empreintes, etc.
- La dactyloscopie (inventée par BERTILLON) ou l'étude des empreintes digitales, qui
permet la découverte du criminel par la comparaison des empreintes recueillies sur l’objet ou
sur le lieu du crime, avec celles qui sont conservées dans le fichier des condamnés, ou avec
celles du suspect ;
- La génétique, qui, par la technique des empreintes génétiques, permet de déterminer les
caractéristiques génétiques d’une personne (le code à barres), à partir d’un prélèvement minime
de cellules (une goutte de sang ou de sperme, une touffe de cheveux, un morceau de chair) qui,
contenant son « ADN », dégagent sa singularité par rapport à tout autre individu60. Le code
génétique est unique, et le risque de rencontrer deux personnes disposant d’un même code est
statistiquement inexistant61.
Ainsi, le test d’empreintes génétiques permet de découvrir le criminel par la comparaison de ce
code à barres du suspect avec celui qui est établi à partir des traces de même nature retrouvées
sur le corps de la victime, l’objet ou le lieu du crime. C’est ainsi qu’aujourd’hui, les empreintes
génétiques sont d’un apport considérable dans la détermination des responsabilités notamment
en cas d’homicide, des infractions d’atteinte à l’intégrité physique, d’atteinte aux biens, de viol,
etc.
- L'anthropométrie, inventée toujours par BERTILLON à la fin du 19ème siècle, et qui
permet d'établir des fiches contenant les mensurations exactes et les photographies, facilitant
ainsi la recherche et l'identification des malfaiteurs ;
- La psychométrie, qui permet de discerner les réactions émotives constitutives des indices
psychophysiques des états de conscience (sincérité ou mensonge) qu’elles accompagnent.
Le délinquant menteur ne respire pas de la même façon et au même rythme qu’un individu qui
s’exprime sincèrement, qui dit la vérité, ou tout au moins sa vérité (ce à quoi il croit).
- La chimie, par sa capacité d’identifier la matière, peut renseigner sur les fraudes
alimentaires, les faux en écritures, etc.

59
Voir J. J. DESMAREZ, Manuel de médecine légale, Bruylant, Bruxelles, 1967, p. 148.
60 ème
F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil, Les personnes, la famille, les incapacités, 6 éd., Dalloz, Paris, 1996, n°
74.
61
Op. cit., n° 777.
22

Dans le cadre des rapports entre le droit pénal et les disciplines voisines, il est sans doute utile
de donner cette précision terminologique :
- Le spécialiste du droit pénal s'appelle pénaliste ou criminaliste ;
- Le spécialiste de la criminalistique s'appelle criminologiste ;
- Le spécialiste de la criminologie s'appelle criminologue62.

§ 7. LES CARACTERES DU DROIT PENAL


Le droit pénal positif congolais est un droit public, légal et strict.
Droit public, car il est formé des règles qui régissent les rapports entre l'Etat et les citoyens. La
répression de la criminalité est une fonction de l'Etat, un attribut de sa souveraineté. Seul l'Etat
a qualité pour définir les infractions, indiquer la personne punissable et déterminer les peines
qui lui sont applicables. Il s'ensuit que les règles de droit pénal s'imposent à tous et ne souffrent
dans leur application d'aucune sorte de transaction, sauf lorsque la loi le prévoit (art. 9 du CPP).
En tant que droit public, le droit pénal est différent du droit disciplinaire appliqué dans le cadre
des sociétés privées et des associations publiques et privées dans un but particulier, tel que celui
d'assurer le respect des devoirs professionnels ou déontologiques.
Droit légal, en vertu du principe de la légalité des délits et des peines : aucune infraction ne
peut exister, aucune peine ne peut être comminée si la loi ne le prévoit ainsi. Ce principe est
une garantie de la liberté individuelle contre l'arbitraire du pouvoir.
Droit strict, dans les principes qui régissent son interprétation. Ce caractère est un corollaire du
principe de la légalité. Le juge ne peut trouver des infractions et des peines en dehors de la loi.
L'ordre juridique pénal trouve toute son étendue et toutes ses limites dans la loi.

§ 8. PLAN DU COURS

Notre cours est subdivisé en 5 parties :


Première partie : La loi pénale
Deuxième partie : L'infraction
Troisième partie : Le délinquant
Quatrième partie : La sanction
Cinquième partie : La preuve

62 ème
MERLE et VITU, Traité de droit criminel, 7 édit. Cujas, Paris, 1997, p. 213.
23
24

§ 9. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

A. EN GENERAL

I. Ouvrages

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criminologiques, 2ème éd., Bruxelles, Kluwer Ed. juridiques, E. Story-Scientia, 1993,
1997.
VERMEILLE, Le nouveau droit pénal, Dalloz, Paris, 1994.
VIDAL G. et MAGNOL J., Cours de Droit criminel et science pénitentiaire, 3è éd., 2 volumes,
Paris, 1949.
VOUIN R. et LEAUTE J., Droit pénal et procédure pénale,
P.U.F., Coll. Thémis, 3è éd., 1969.
VOUIN R. et RASSAT M.L., Droit pénal spécial, 5è éd., Dalloz, Paris, 1983.

II. Revues

Archives de politique criminelle (paraît depuis 1975, Paris).


Cahiers de défense sociale (paraissent depuis 1974, Paris).
Déviance et société (paraît depuis 1977, Genève).
Revue belge de droit pénal et de criminologie (R.D.P.C.), (paraît depuis 1907, Bruxelles).
Revue internationale de criminologie et de police technique
(R.I.C.P.T.), (paraît depuis 1947, Genève).
Revue internationale de droit pénal (R.I.D.P.), (paraît depuis 1923, Paris).
Revue internationale de police criminelle (Nations Unies).
Revue pénale suisse (R.P.S.), (paraît depuis 1888, Genève).
Revue pénitentiaire et de droit pénal (paraît depuis 1936, Paris).
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé (R.S.C.), (paraît depuis 1936, Paris).
27

B. DROIT CONGOLAIS

I. Ouvrages et cours

ESIKA, Code pénal congolais annoté, Lubumbashi, 1977.


KATUALA, Code pénal congolais annoté, Kinshasa, 1996.
LAMY E., Cours de droit pénal général, UNAZA, 1971-1972.
LESUEUR J., Précis de droit pénal spécial, Kinshasa, 1967.
LIKULIA B., Droit pénal spécial zaïrois, tome I, L.G.D.J, Paris, 1985.
MINEUR G., Commentaire du code pénal congolais, Larcier,
Bruxelles, 1953.
NYABIRUNGU M.S., Droit pénal général zaïrois, éd. Droit et Société, DES, Kinshasa, 1989
et 1995 ; Traité de droit pénal général congolais, éd. Droit et Société, DES, 2001.
VERHAEGEN J., Cours de droit pénal, Université Lovanium, 1969-1970.

II. Revues

Annales de la Faculté de Droit


Bulletin des arrêts de la Cour Suprême de Justice
Journal des tribunaux d’Outre-mer
Jurisprudence de l'Etat Indépendant
Revue Congolaise de Droit.
Revue de droit africain (paraît à Bruxelles)
Revue de droit congolais.
Revue de jurisprudence coloniale
Revue Juridique du Congo belge
Revue Juridique du Congo
Revue Juridique du Zaïre
Revue pénale congolaise (R.P.C.)
28

Première partie

LA LOI PENALE
29

Le droit pénal est la discipline légaliste par excellence. Seule la loi en détermine l'étendue et les
limites, et les autres sources du droit, telles que la coutume, la jurisprudence, l'équité, voire les
principes généraux du droit, si utiles dans l'interprétation des textes et la mise en œuvre du droit
favorable, n'ont aucun rôle créateur dans la détermination des infractions et des sanctions.
C'est pourquoi, il est impérieux de connaître la loi pénale telle qu'elle est formulée dans les
textes pertinents, d'en dégager le sens et la portée véritables afin d'éviter des extensions
abusives ou des restrictions qui conduiraient à l'impunité, et enfin, d'en déterminer le champ
d'application aussi bien dans le temps que dans l'espace.
Tel est le sens de la matière que nous proposons d'examiner en six sections :

- L'inventaire des lois pénales


- Le principe de la légalité des infractions, des peines et de procédure
- L'interprétation de la loi pénale
- L'application de la loi pénale dans le temps
- L'application de la loi pénale dans l'espace
- Observations critiques.

SECTION Ière INVENTAIRE DES LOIS PENALES

On peut classer les lois pénales en lois de droit pénal commun et en lois de droit pénal
particulier.
§ 1. LES LOIS DE DROIT PENAL COMMUN
Elles sont constituées par :
A. LE CODE PENAL (Coordination du décret du 30 janvier 1940).
Ce code, avec des lois additionnelles et modificatives, constitue l'essentiel du droit pénal
commun congolais.
Il comporte deux livres, dont le livre premier est consacré aux principes généraux de la
répression. Ce livre contient 42 articles et pose les principes du droit pénal commun à
l'ensemble des infractions. En d'autres termes, il porte sur le droit pénal général. C'est ainsi
qu'on rencontre en son sein des dispositions sur les circonstances atténuantes (art. 18-19), le
concours de plusieurs infractions (art.20), la participation (art.21-23), la prescription des
infractions et des peines (art. 23-34), la libération conditionnelle (art.35-41), la condamnation
conditionnelle (art.42), etc.
30

Le livre deuxième est consacré à la détermination des infractions et de leur régime répressif. Il
définit chacune des infractions et les peines propres à chacune d’entre elles. Il porte sur le droit
pénal spécial. Il contient 8 titres correspondant chacun à des valeurs sociales fondamentales que
la société entend protéger de manière particulière, au besoin par l'application d'une peine.

Titre I : Infractions contre les personnes


Titre II : Infractions contre les propriétés
Titre III : Infractions contre la foi publique
Titre IV : Infractions contre l'ordre public
Titre V : Infractions contre la sécurité publique
Titre VI : Infractions contre l'ordre des familles
Titre VII : Atteintes aux droits garantis aux particuliers
Titre VIII : Atteintes portées à la sûreté de l'Etat.

B. LES LOIS COMPLEMENTAIRES DU CODE PENAL

Elles ne sont pas matériellement incorporées au code pénal; elles en font cependant partie
intégrante soit parce qu'elles formulent des principes généraux sur les infractions et leur
répression, soit parce qu'elles définissent les infractions fortuitement omises, auxquelles le
législateur ne pouvait penser lors de l'élaboration du code.
Appartiennent au droit pénal commun les dispositions sur l'abandon de famille (décret du 15
juillet 1949), l'adultère et la bigamie (décret du 25 juin 1948), l'ivresse publique (ordonnance
du 10 juin 1939), le décret du 6 décembre 1950 tel que modifié par l’ordonnance-loi du 4 juillet
1978 en tant qu’il fixe la majorité pénale, etc.
C. LES CARACTERES DU DROIT COMMUN
- Il représente la partie la plus permanente et la plus stable du droit pénal.
- Il détermine les valeurs essentielles qui appellent une protection particulière.
- Il s'applique de manière générale quant aux personnes et aux biens qu'il régit.
§ 2. LES LOIS DE DROIT PENAL PARTICULIER
Les lois de droit pénal particulier sont nées de la nécessité de régler des situations personnelles
et locales particulières, de protéger des biens juridiques spéciaux ou de faire face à des besoins
temporaires et variables. Les lois de droit pénal particulier relèvent du droit pénal spécial.
31

Certaines lois de droit pénal particulier sont exclusivement pénales et ont pour objet la
répression d'infractions non prévues par le code pénal: code pénal militaire, code de la route,
etc. D'autres contiennent des dispositions pénales à côté de dispositions ressortissant à d'autres
disciplines, civile, commerciale, fiscale, etc. Le droit pénal apparaît ici dans son rôle
sanctionnateur.
§ 3. RAPPORT ENTRE LES LOIS DE DROIT PENAL COMMUN ET LES LOIS
DE DROIT PENAL PARTICULIER

Du fait de la coexistence du droit pénal commun et du droit pénal particulier, on peut se


demander quel rapport ils entretiennent entre eux, et dans quelle mesure les principes de droit
pénal général formulés dans les lois de droit pénal commun doivent être appliqués dans la
répression des infractions aux lois de droit particulier.
La réponse doit être que le droit pénal général énoncé dans les lois de droit pénal commun est
applicable aux infractions aux lois de droit particulier63.
Cependant, il importe de relever qu’une disposition de droit pénal particulier peut prévoir
expressément que celui-ci échappe en totalité ou en partie à une ou plusieurs règles de droit
pénal général64.

SECTION II. PRINCIPE DE LA LEGALITE DES INFRACTIONS, DES


PEINES ET DE LA PROCEDURE

§ 1. ENONCE DU PRINCIPE

Le principe de la légalité criminelle est sans doute le principe le plus important du droit pénal,
car celle-ci est la « règle cardinale, la clé de voûte du droit criminel »65 : seuls peuvent faire
l'objet d'une condamnation pénale les faits déjà définis et sanctionnés par le législateur au
moment où l'accusé a commis son acte, et seules peuvent leur être appliquées les peines
édictées à ce moment déjà par le législateur. «Nullum crimen, nulla poena sine lege. »
La doctrine relève toutefois que le principe légaliste ne se limite pas au droit pénal de fond,
mais concerne aussi la procédure66. D'ailleurs, au XIème Congrès international de droit pénal

63
HAUS, op. cit., I, n° 118.
64
HAUS, op. cit., I, n° 119.
65
J. PRADEL, op. cit., n° 130.
66
J. PRADEL, op. cit., n°130.
32

tenu à Budapest en 1974, une résolution recommandait la consécration de la légalité avec toutes
ses conséquences sur le plan procédural et judiciaire67. La légalité signifie dans ce cas
qu’aucune formalité ne sera imposée aux parties au procès si elle n’est pas prévue par la loi.
A ce sujet, le prescrit de l’article 7, alinéa 2 de la constitution belge est exemplaire : « Nul ne
peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit ».
En conséquence, la formule ci-dessus reprise est insuffisante, et devrait être complétée pour
donner ce qui suit : «Nullum crimen, nulla poena, nullum judicium sine lege.»68. Ceci permet
de synthétiser le principe en trois propositions :
1. Nul ne peut être poursuivi que pour des actes ou des omissions prévues par la loi
(légalité des infractions) ;
2. Nul ne peut être puni des peines qui ne sont pas prévues par la loi (légalité des peines) ;
3. Nul ne peut être poursuivi que dans la forme prescrite par la loi (légalité de la
procédure).
Il est intégré dans le droit congolais notamment par deux textes:
- L'article 1er du CP : «Nulle infraction ne peut être punie de peines qui n'étaient pas
portées par la loi avant que l'infraction fut commise».
- L'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme par l'ONU, à laquelle
notre pays a adhéré.
Toutes les Constitutions qu’a connues la République Démocratique du Congo ont consacré le
principe de légalité, et toutes les Constitutions futures feront de même, tant que la République
sera un Etat de droit.

§ 2. LA JUSTIFICATION DU PRINCIPE

A. LIMITATION DU DROIT DE PUNIR


La société ne peut punir sans borne et sans mesure. Comme l'écrivent MERLE et VITU, « il
importe que la collectivité n'abuse pas de prérogatives qu'elle possède sur les êtres qui la
composent : son pouvoir de maintenir l'ordre doit être contenu dans certaines limites, qui
garantissent la liberté et l'indépendance de chacun »69.

67
R.S.C., 1976, 227.
68
Voir notamment MONTESQUIEU, De l'Esprit des lois, Liv. XI, chap. VI, 1748 ; BECCARIA, Traité des délits et des
peines, chap. III, 1764.
69
Op. cit., n° 99.
33

Cette opposition d'intérêts du pouvoir et des individus ne trouve sa solution que dans la loi :
seule celle-ci écarte les inégalités et l'arbitraire.

B. REMPART CONTRE L'ARBITRAIRE DU JUGE


Il ne convient pas que le juge soit seul à décider de la punissabilité des faits. Il en serait ainsi si
la sagesse et l’intelligence étaient équitablement réparties. Or, ces vertus ne sont pas faciles à
trouver «à l’intérieur des cités humaines »70. L’exhortation du professeur VILLEY, parlant de
la justice de son pays, est sans doute aussi valable ailleurs, et peut-être aussi chez nous: « Faites
une enquête sur la culture et le quotient intellectuel de la moyenne de nos magistrats, vous
conviendrez qu’il fut nécessaire de les guider. »71
Une loi écrite met les citoyens à l’abri de deux dangers:
1) Le juge, loin de faire prédominer les exigences de justice et de vérité, risque de soumettre
sa démarche à son émotion, à son tempérament, à ses intérêts de classe, voire à son zèle.
« Aucun juge, sur le moment, n’évitera de se laisser fléchir par des sentiments de sympathie,
d’amour et de haine pour l’une ou l’autre des parties. Et son jugement sera faussé ».72 (… et
depravatur judicium)73.
2) L'incertitude quant à la façon dont le juge dira en définitive le droit est de nature à créer
l'insécurité juridique au sein de la population. Cette remarque annonce la troisième observation.

C. EXIGENCE D'UNE MEILLEURE POLITIQUE CRIMINELLE


Il est de meilleure politique criminelle que la loi avertisse avant de frapper (Moneat lex
priusquam feriat), afin que dans son comportement l'agent sache à quoi s'en tenir. Cette
« désignation nécessaire des actes incriminés »74 est d'autant plus fondée que même « l'homme
le plus respectueux, a priori, des valeurs sociales reste congénitalement incapable de se
représenter dans toutes les circonstances les activités injustifiables qui lui sont interdites. »
La loi pénale exerce ainsi une certaine influence sur la psychologie de l'agent qu'elle informe de
l'interdit, et de la menace qui pèse sur lui en cas de transgression. Elle joue un rôle à la fois
éducatif et préventif. Ce rôle sera d'autant mieux assuré que, dans l'intérêt de la norme et de la
valeur protégée, du justiciable et du juge, la loi aura été claire, précise et sans ambiguïté.

70 ème
M. VILLEY, Philosophie du droit, II, Les moyens du droit, Dalloz, 2 éd., Paris, 1979, p. 224.
71
Loc. cit.
72
Loc. cit.
73
Formule de Saint Thomas d'Aquin, Ia IIae qu. 95 art. 1 ad. 2.
74
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n°5.
34

§ 3. LE CONTENU DU PRINCIPE

A. LEGALITE DES INCRIMINATIONS

Les incriminations sont établies par la loi. Seuls tombent sous la loi les faits qui, au moment où
ils sont commis, sont déjà définis comme constituant une infraction par le législateur. Ce
principe de l'antériorité obligatoire des définitions des infractions est une garantie de la liberté
et de la sécurité juridique, car on peut valablement supposer que, dans ce cas, ces définitions
ont été élaborées sans parti pris, dans l'ignorance des personnes qui tomberont éventuellement
sous leur application.
La légalité des incriminations ainsi comprise a des conséquences aussi bien pour le législateur
que pour le juge.

I. Pour le législateur d'abord

a) Il a le monopole d'établir les normes pénales;


b) Il doit édicter des textes précis quant à la définition des infractions et à la détermination
des sanctions encourues.

L’obligation faite au législateur est de pouvoir permettre au prévenu de connaître exactement la


nature et la cause de l’accusation portée contre lui75.
Le juge constitutionnel français va plus loin dans l’exigence de la clarté, en précisant que la
définition doit porter sur les éléments constitutifs de l’infraction76.
Le code pénal russe de 1997 fait preuve de précision lorsqu’il donne un intitulé à chaque article
et définit tous les concepts utilisés.

II. Pour le juge ensuite

Le juge ne peut considérer comme infraction un fait que la loi ne définit pas comme tel, quelle
que soit par ailleurs son appréciation personnelle sur la valeur morale de l'acte. C'est ainsi que,
75 er
Cass. crim., 1 fév. 1990, Bull. n° 56 ; R.S.C. 1991, 555, obs. VITU ; J.C.P. , 1991, Bull. n° 386 ; 27 mars 1995, Bull.
inf. C. cass. 1995. 814 ; 30 oct. 1995, Bull. n° 329.
76
Cons. , 18 janv. 1985, D. 1986, 425 (2è esp.), Note RENOUX.
35

en l'absence de texte, le suicide, la prostitution ou le mensonge ne sont pas des infractions, quel
que soit par ailleurs le dégoût qu'ils peuvent inspirer.
De même, dans l’interprétation de la loi pénale, le juge ne saurait déduire l’élément de
diffusion d’images, exigé par la loi, de leur simple exposition dans un salon privé77.
Cela impose au juge de rechercher l'exacte qualification des faits poursuivis et d'éviter
l'interprétation extensive.

B. LEGALITE DES PEINES

I. Au niveau du législateur
Seul le législateur peut déterminer la nature et le taux de la peine, c’est-à-dire. Seules peuvent
être appliquées des peines et de mesures édictées par le législateur au moment où l'accusé a
commis son acte. Et autant que possible, le législateur a l'obligation d'indiquer, avec précision,
à la fois la nature et le taux de la sanction. Le législateur turc a violé le principe de légalité
lorsque, dans son code pénal du 3 novembre 1839, il disposait notamment : «Quiconque
dorénavant se permettra de mettre la main sur quelqu'un, ou de le battre avec quelque objet que
ce soit, devra être jugé par qui de droit et subir, suivant la quantité de sa faute, un
emprisonnement plus ou moins long».
II. Au niveau du juge
a) Il ne peut prononcer des peines si le texte n'en prévoit pas. Il n'appartient pas au juge, en
raisonnant, par voie d'analogie, de suppléer au silence de la loi et de prononcer des peines en
dehors des cas limitativement prévus par le législateur78. Il ne peut prononcer des peines par
induction ou présomption, ni même sur des motifs d’intérêt général ; il n’a d’attribution que
pour appliquer les condamnations déterminées par la loi79.
b) Il ne peut prononcer une peine supérieure au maximum ni inférieure au minimum, sauf en
cas des circonstances aggravantes, des circonstances atténuantes, ou des excuses légales.
c) Il ne peut refuser de prononcer la peine prévue par la loi (sauf évidemment s'il y a cause
d'exonération).

77
Rennes, 30 juin 1998, in R.P.D.P., 1999, 250-251, Note Jean-Yves CHEVALIER. Dans le cas d’espèce, il s’agissait
de l’utilisation et de la diffusion de l’image pornographique d’une mineure.
78
Crim., 28 nov. 1972, Bull., n°363.
79
Crim. 11 mai 1949, D. 261, rapport PEPY, 22 mars 1955, D. 418 ; 30 mai 1962, Bull. n° 214 ; Gaz. Pal., 1993. 1.
151, Note MARCHI.
36

Il a été jugé que le tribunal ne saurait décider de ne pas appliquer la loi pénale sous prétexte
que, d’après lui, la sanction légalement prévue serait, dans le cas d’espèce, disproportionnée
par rapport à la nature de l’infraction ou aux moyens financiers de l’accusé80.

C. LEGALITE DE LA PROCEDURE

Nul ne peut être poursuivi, arrêté ni détenu qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle
prescrit81.
Il revient au législateur de déterminer les organes et les formes du procès. Dans notre droit,
cette obligation a été notamment réalisée par la promulgation des codes de l’organisation et de
la compétence judiciaires d’une part, et de procédure pénale, d’autre part.
Nemo judex sine lege. Il n’y a pas de juge ou de juridiction sans loi. L’absence de celle-ci
conduirait aux tribunaux populaires ou aux actes de vandalisme et de lynchage dans nos
villages, nos cités et nos rues. Il est du droit de chaque citoyen de connaître à l’avance quels
sont ses juges naturels et quelles formes ceux-ci utiliseront en cas de jugement pour violation
supposée de la loi pénale.

§ 4. LE RECUL DU PRINCIPE

A. AU NIVEAU THEORIQUE

Des critiques ont été formulées contre le principe de la légalité. Elles sont essentiellement dues
au positivisme et aux conceptions politiques de tendance totalitaire (nazisme, fascisme,
stalinisme).
1) La première critique est que, par sa rigueur, ce principe ne permet pas de contenir dans
une définition légale tous les comportements dangereux, et favorise ainsi l'impunité des gens
malhonnêtes, nuisibles à l'ordre social. C'est ainsi qu'il a été préconisé d'assouplir le principe
par des incriminations vagues et l'interprétation analogique. D'autres ont même purement et
simplement suggéré sa suppression.
2) La deuxième est que le principe détermine les infractions et les peines sans tenir compte
de la personnalité du délinquant.

80
Voir Cass., 5 avr. 1996, RG A. 94.0002. F, n° 111 (95) ; 18 mai 1999, R.D.P.C., 2000, 367.
81
Voir les termes du projet de Constitution du 10 février 1999, en son article 16, alinéa 2.
37

Or, il existe des personnes qui, sans commettre d'infraction, sont cependant tellement
dangereuses que leur internement se justifierait. De même, il existe des individus que
l'exécution de leur peine ne rend ni meilleurs ni moins dangereux. Au lieu de leur appliquer une
peine déterminée, il a été suggéré plutôt à leur égard des sentences indéterminées, révisables
selon l'évolution de la périculosité du sujet.

B. AU NIVEAU PRATIQUE
Dans la pratique aussi, on a remarqué le recul du principe. On peut le regretter ou s'en féliciter
selon le cas.
I. Cas regrettables
a) La rédaction vague et imprécise des incriminations
Il peut s'agir des lois répressives où apparemment le législateur ne fait plus de la clarté des
textes son souci majeur. Cela est surtout fréquent en matière politique.

Nous citerons à titre d’exemple, le D.L. français du 29 juillet 1939 sur la répression des
infractions à la sûreté extérieure de l'Etat qui incriminait «tous les actes de nature à nuire à la
défense nationale», formule intégralement reprise par l’ordonnance du 4 juin 1960.

b) L'acceptation de l'interprétation analogique

L'Allemagne hitlérienne avait adopté en 1935 un texte permettant cette méthode d'interprétation
pour adapter les lois pénales «au sain instinct du peuple». Ce texte a été abrogé en 1945.
De même l'ancienne URSS, fondant son droit politique et révolutionnaire sur «la conscience
socialiste du droit», consacra l'analogie en l'article 16 du CP de 1926 : «Si un acte socialement
dangereux n'est pas expressément prévu par le présent Code, le fondement et les limites de la
responsabilité encourue à son sujet sont déterminés conformément aux articles du code qui
prévoient les délits dont la nature s'en rapproche le plus».
Ce principe a disparu en droit pénal soviétique en 1958.

c) La condamnation ante delictum


38

Dans certaines législations, on trouve la tendance à punir, non seulement les délinquants, mais
aussi les personnes dangereuses, en dehors de toute infraction. On leur applique alors des
peines ou des mesures de sûreté, compte tenu de leur hérédité ou de leurs habitudes de vie.
Les notions d'état dangereux et d'habitude sont tellement imprécises et difficiles à établir qu'on
sent vite les risques qu'elles font courir à la liberté individuelle et à la liberté politique, la
tentation étant forte pour le pouvoir d'assimiler ses opposants aux personnes dangereuses82.

d) La sentence indéterminée

L'insistance mise sur l'individualisation de la peine et la resocialisation du délinquant a conduit


certaines législations à libérer le juge de l'obligation de respecter le maximum légal de la peine
ou de prononcer une peine d'une durée fixée dès le jugement. C'est ce qu'on appelle la sentence
indéterminée. Elle sera dite absolue si la décision de jugement ne fixe pas à l'avance la durée de
la peine prononcée, et relative si la décision fixe le minimum et le maximum entre lesquels la
peine effectivement subie variera selon l'évolution du traitement du délinquant et les décisions
des autorités pénitentiaires.
Ici, le risque est grand de voir l'arbitraire de l'Administration se substituer à celui du juge. Et la
peine, en perdant la certitude de son application, perd du coup l'effet intimidant toujours lié à la
certitude du châtiment.
Le même arbitraire peut engendrer des condamnations d’une durée excessive, sans aucun
rapport avec la gravité de l’infraction commise83.
II. Cas où le recul du principe est justifié

Il existe de cas où l'on peut considérer comme heureux les atténuations et les assouplissements
dont le principe de la légalité est l'objet. Il est ainsi en matière de :
a) Protection de la jeunesse

Le droit prévoit, en vue de leur protection, de s'occuper des jeunes par certaines mesures de
contrainte, même en dehors des actes objectivement infractionnels. Il en est ainsi en cas des

82
Voir notamment l'étude de J. M. RICO, «Les législations hispano-américaines de dangerosité sociale. Evolution
et signification» in «La notion de dangerosité a-t-elle encore un sens ?» Colloque international organisé pour le
cinquantième anniversaire de l'Ecole de Criminologie, Louvain-la-Neuve, 22-25 mai 1979.
83
Edgardo ROTMAN, La politique du traitement à la lumière de la troisième édition de « La défense sociale », in
R.S.C., 1984, 575.
39

actes d'inconduite ou de déviance. Et à l'égard des mineurs, il n'y a pas de peines strictement
conçues, mais plutôt des mesures souples, tantôt judiciaires, tantôt sociales, toutes destinées à
assurer leur protection et leur éducation.

b) Défense sociale à l'égard des anormaux

Depuis longtemps, et surtout depuis la loi belge de défense sociale de 1930, il est admis qu'on
puisse appliquer aux anormaux un traitement spécifique. L'intervention judiciaire pourrait avoir
lieu, sans attendre nécessairement la commission d'une infraction. Il suffirait pour cela que
certains actes ou certaines attitudes révèlent une personnalité dangereuse.
De même, l'application à leur égard des peines classiques paraît inadéquate. Aussi, est-il
proposé, à la place, d'appliquer des mesures souples, révisables en fonction de l'évolution de la
santé et de la périculosité du délinquant.

c) Extension du pouvoir du juge

La première expression du principe de légalité a été de prévoir dans la loi des peines fixes pour
chaque infraction (ex. CP de 1789). La prévision des minima et des maxima était déjà un
assouplissement du principe. Aujourd'hui, de nombreuses législations, par exemple le CP suisse
de 1937, donnent au juge une gamme de sanctions, lui permettant ainsi d'individualiser la
sanction, de l'adapter, autant que possible, à la personnalité du délinquant. De même,
l'admission des circonstances atténuantes, du moment qu'elles sont rationnelles et motivées,
constitue un assouplissement heureux du principe de légalité.

SECTION III. INTERPRETATION DE LA LOI PENALE84

L'étude du principe de la légalité nous a permis de comprendre que seuls les faits préalablement
définis comme infractionnels par la loi peuvent être punis. Il est donc essentiel que le juge
sache quelle loi il devra appliquer. Il doit pouvoir l'interpréter. Interpréter la loi, c'est en
chercher l'exacte signification et la véritable portée.

84
Voir notamment R. LEGROS, Considérations sur les lacunes et l'interprétation en droit pénal, R.D.P.C., 1966,
967; P. ESCANDE, L'interprétation par le juge des règles écrites en matière pénale, in R.S.C., 1978, 811 ; P.E.
TROUSSE, L'interprétation des lois pénales, R.D.P.C., 1952-1953, 441.
40

On enseigne qu’une loi claire ne s’interprète pas, et une maxime latine apporte sa caution à ce
point de vue : « Interpretatio cessat in claris ». En vérité, toute loi s’interprète. Certes, une loi
claire et précise présentera peu de problèmes, mais toute loi doit être interprétée car il faut
assurer le passage de la règle abstraite, qui définit l'infraction et établit la sanction, au cas
concret à résoudre. C'est l'interprétation qui donne naissance à la jurisprudence.
La méthode d'interprétation en droit pénal diffère de celles qui sont en vigueur dans les autres
disciplines juridiques telles que le droit civil ou le droit commercial. Celles-ci acceptent
l'interprétation extensive, voire analogique. L'interprétation pénale, quant à elle, est stricte.

§ 1. LES SOURCES D'INTERPRETATION

Il faut distinguer quatre sources d'interprétation principales :


- L'interprétation authentique ;
- L'interprétation judiciaire ;
- L'interprétation doctrinale ;
- L’interprétation des normes internationales.

A. L'INTERPRETATION AUTHENTIQUE (DITE AUSSI LEGISLATIVE)

Elle émane du législateur lui-même et revêt une force obligatoire pour le juge car elle est
l'œuvre de l'autorité même qui a rédigé la loi. Elle peut prendre deux formes :
- Interprétation contextuelle
- Interprétation postérieure

I. Interprétation contextuelle

Elle est ainsi qualifiée lorsqu'elle est donnée par la loi même qu'on interprète. Exemples :
- L'article 212 du CP définit l'attentat;
- L'article 213 définit le complot;
- L'article 214 définit le mot «armes»;
- L'article 2 du nouveau code de la route (1978) donne une série de définitions des termes
qui seront utilisés tout au long du texte portant code de la route.
41

Le code pénal russe de 1997 définit tous les concepts qu’il utilise et se pose ainsi en modèle
d’interprétation authentique contextuelle. A titre d’exemples, nous pouvons citer :
- L’article 105 relatif à l’homicide, «c’est-à-dire le fait intentionnel d’avoir donné la mort à
autrui » ;
- L’article 129 relatif à la diffamation, « c’est-à-dire le fait de répandre des renseignements
que l’on sait faux et qui portent atteinte à l’honneur et à la dignité de la personne d’autrui, ou
qui nuisent à sa réputation » ;
- L’article 130 relatif à l’injure, « c’est-à-dire le fait de flétrir l’honneur et la dignité
d’autrui en s’exprimant grossièrement » ;
- L’article 131 relatif au viol, « c’est-à-dire les rapports sexuels obtenus soit par emploi de
la violence, soit par menace de son emploi sur la victime ou d’autres personnes, ou obtenus en
profitant du fait que la victime se trouve hors d’état de se défendre ».

II. Interprétation postérieure


Elle est ainsi appelée lorsque, après la promulgation de la loi et à l'occasion des difficultés
qu'elle soulève, une nouvelle loi vient en préciser le sens et la portée. La loi interprétative
s'impose au juge et est considérée comme faisant partie intégrante de la loi qu'elle interprète.

B. L'INTERPRETATION JUDICIAIRE

Elle est l’œuvre des cours et tribunaux. Elle est l’ensemble des décisions des cours et tribunaux,
rendues dans le cadre de l’accomplissement de leur mission, et de l’exercice de leur fonction de
dire le droit. On l'appelle aussi jurisprudence. La jurisprudence n'a pas d'autorité de droit.
Ainsi, les arrêts d’une cour ou les jugements d’un tribunal n’ont pas une force obligatoire, et ne
s’imposent donc pas aux autres juridictions. Il en est de même des arrêts de la Cour Suprême de
Justice, rendus sur le fond.
Toutefois, ces mêmes arrêts et jugements, rendus par une Cour ou par un tribunal, ont une
autorité de fait, et s’agissant des arrêts de fond de la Cour Suprême de Justice, cette autorité de
fait devient plus grande encore.
Cette autorité de fait des décisions judiciaires rendues sur le fond d’une affaire s’explique par le
fait qu’aucun juge sage et intelligent ne peut apporter de solution définitive à un litige sans se
référer à ce qu’ont décidé d’autres juges antérieurement saisis des faits proches ou semblables.
42

De même, les parties tirent argument des décisions judiciaires antérieures pour faire triompher
leurs prétentions, et arracher au juge une décision favorable.
En ce qui concerne l’autorité des arrêts de la Cour Suprême de Justice, siégeant en cassation, il
importe de relever qu’elle ne constitue pas un troisième degré de juridiction.
« Sa mission est de décider si le juge du fond s’est conformé à la loi en résolvant les
contestations qui lui sont soumises »85.
Elle est juge des jugements en ce sens qu’à la requête des parties, elle vérifie leur conformité au
droit et à la loi. Elle ne connaît pas du fond des affaires dont elle est saisie86.

Lorsqu’elle statue sur un pourvoi en cassation, la Cour Suprême de Justice, section judiciaire,
peut rendre :
- Un arrêt d’irrecevabilité
- Un arrêt de rejet
- Un arrêt de cassation avec renvoi
- Un arrêt de cassation sans renvoi
- Un arrêt donnant acte de désistement.

C. L'INTERPRETATION DOCTRINALE

C'est l’œuvre des savants du droit (professeurs, magistrats, avocats...) qui se prononcent dans
leurs écrits sur le sens et la portée d’un texte pénal. Celui-ci peut relever du droit interne
(disposition constitutionnelle, légale ou réglementaire) ou du droit international (conventions et
traités à caractère bilatéral ou multilatéral). Ils se prononcent sur le sens et la portée de tel arrêt
ou de tel jugement rendus par les cours et tribunaux. Bref, ils s’expriment sur les sources et les
règles de droit et prennent position sur les écrits de leurs collègues à travers des recensions et
des comptes-rendus. Les ouvrages que nous citons par ailleurs dans la bibliographie, les articles
qui paraissent dans des revues sont autant d’écrits qui forment la doctrine. Celle-ci joue un rôle
considérable dans la formulation du droit et sur les autres sources d’interprétation de la loi
pénale. En effet, un législateur avisé consulte, avant toute élaboration et toute promulgation
d’une nouvelle loi, les meilleurs juristes du pays ou de l’étranger, experts ou spécialistes, soit à

85
P. LECLERCQ, Nature du contrôle de La Cour de cassation, Tome II, Bruylant, Bruxelles, 1966, n° 245, p. 363.
86
Voir sur l’ensemble de la question KENGO-wa-DONDO, L’évolution jurisprudentielle de la Cour Suprême de
Justice en République Démocratique du Congo (1968-1979), in Bull. 1979, 167-307.
43

travers leurs publications, soit à travers des commissions de législation, de codification ou de


révision dont ces mêmes spécialistes font généralement partie.
De même, aucun juge serein et consciencieux ne peut rendre sa décision sans prendre la
précaution de vérifier le dernier état de la question dans la doctrine. Et les spécialistes eux-
mêmes se consultent à travers leurs publications, leur coopération, leurs échanges, à travers
congrès, colloques, séminaires pour une doctrine toujours plus riche et plus complète dans ses
sources et ses analyses. S’agissant de la force de la doctrine, certains auteurs ont même établi
expressément et formellement sa prévalence sur la jurisprudence.

D. INTERPRETATION DES NORMES INTERNATIONALES

A ces sources d’interprétation à la foi principales et traditionnelles, nous avons ajouté les
normes internationales, tant il est vrai que les intérêts de la Communauté internationale
connaissent une convergence accrue, et la coopération internationale se développe par des
traités et des conventions contenant notamment des dispositions à caractère pénal.
C’est le cas notamment de tous les traités visant la poursuite et la répression des atteintes les
plus graves à l’ordre public international, telles que le génocide, les crimes contre l’humanité,
les crimes de guerre, les crimes contre la personne humaine (apartheid, esclavage, torture, …),
le terrorisme, les crimes contre les intérêts sociaux et économiques, les atteintes à
l’environnement, etc.
C’est une règle de droit international que l’ordre international prévaut sur l’ordre interne, et
toutes les Constitutions de la République consacrent ce principe en affirmant la prévalence des
traités sur la Constitution de la République.

Aussi, les conventions internationales sont-elles des actes de haute administration, qui ne
peuvent être interprétées, s’il y a lieu, que par les Puissances entre lesquelles elles sont
intervenues.87
On considère que l’interprétation des traités échappe à l’autorité judiciaire lorsqu’elle soulève
des questions relatives à l’ordre public international, et seule l’interprétation du gouvernement

87
Crim. 29 juin 1972, Bull., n° 226 ; Gaz. Pal. 1. 27 ; J.C.P. 1973, II, 17457, Note RUZIE.
44

par la voix du Ministre ayant les affaires étrangères dans ses attributions doit s’imposer au juge
et recevoir application.88
Il est évident que le recours à l’interprétation gouvernementale ne s’impose à une juridiction
judiciaire que lorsque le traité qu’il s’agit d’appliquer est obscur ou ambigu, dans sa totalité ou
dans l’une de ses dispositions. Lorsqu’il est clair, l’interprétation du Ministre des Affaires
Etrangères est sans utilité89.

§ 2. LES METHODES D'INTERPRETATION

Il existe trois méthodes d'interprétation :


- L'interprétation littérale
- L'interprétation téléologique et
- L'analogie.

A. INTERPRETATION LITTERALE

On l'appelle aussi judaïque, traditionnelle ou restrictive. Elle veut que, pour découvrir le sens
et la portée de la loi, on se limite à ses termes. La lettre de la loi prédomine sur son esprit. C'est
une interprétation très étroite qui écarte tout ce qui ne figure pas expressément dans le texte.
C'est cela qui a fait dire à MONTESQUIEU : «Le juge est la bouche qui prononce les paroles
de la loi». On utilise ici abondamment tout l'arsenal des exégètes: syllogisme, raisonnement a
contrario, a fortiori, etc.
En cas de contradiction entre la volonté du législateur et le texte de la loi, celui-ci doit être
préféré. En cas d'ambiguïté ou d'obscurité du texte, le juge doit retenir l'hypothèse la plus
favorable au prévenu (in dubio pro reo).
Cette méthode a été longtemps en vigueur, en application de l'adage «odiosa sunt
restringenda».
Elle naît et se développe en même temps que le principe de la légalité des délits et des peines et
s'explique par l'esprit de cette époque : combattre l'arbitraire de l'Ancien Régime. Aussi
comprend-on qu'elle ait eu les faveurs de BECCARIA et de MONTESQUIEU, notamment.

88
Crim. 30 juin 1976, Bull. , n° 236 ; D. 1977, 1, Note COSTE-FLORE ; J.C.P. , II. 18435, rapport MONGIN ; Crim. 26
janv. 1984, Bull., n° 34.
89 ème
MERLE et VITU, Traité, 7 éd., Paris, 1997, p. 310.
45

Mais comme le feront remarquer MERLE et VITU90, cette méthode est inexacte et stérilisante.
Inexacte, car elle suppose la perfection de la loi ; perfection qui n'existe ni quant au fond, ni
quant à la forme : la loi comporte souvent des erreurs, des lacunes, des contradictions, des
ambiguïtés. Inexacte aussi, car la méthode littérale exagère le rôle du législateur aux dépens de
celui du juge. La loi ne pouvant pas tout prévoir, il appartient au juge d'appliquer la loi, par
définition abstraite, à la multitude de cas concrets qui lui sont soumis. Loin d'être un
«distributeur automatique» des peines que voudrait faire de lui la méthode littérale, il doit être
un dispensateur de la justice.
Stérilisante, la méthode littérale l'est en ce sens qu'elle fige le droit alors que celui-ci doit être
adapté au mouvement des faits sociaux qu'il régit. Il est plus indiqué de laisser le juge procéder
aux adaptations nécessaires.

Il importe cependant de retenir que lorsque la signification des termes d’une loi est claire et
nette, le juge ne peut que se soumettre à leur interprétation littérale, en donnant aux mots cette
signification et en en faisant une application rigoureuse. « Si, sans équivoque aucune, il n’est
possible de donner qu’une seule interprétation à des termes clairs, évidents et dépourvus
d’ambiguïté, ces termes doivent être interprétés de cette façon »91.

B. INTERPRETATION TELEOLOGIQUE

Cette méthode d'interprétation consiste à dégager le but de la loi, la volonté du législateur. Elle
fait prédominer l'esprit sur la lettre de la loi. L'interprétation doit être déclarative de la volonté
du législateur. Cette méthode est la seule actuellement admise92.
Le juge doit toutefois y recourir sans se départir de la prudence inhérente à sa tâche.

I. Les principes

Pour cela, il se soumettra aux deux principes suivants :


- La loi pénale doit être appliquée à tous les cas rentrant dans ses termes ;
- La loi pénale ne peut être appliquée qu'aux seuls cas d'espèce rentrant dans ses termes93.
90
Op. cit., n°111.
91
TPIY, Jugement CELEBICI du 16 novembre 1998, §161.
92
Voir Gaëtan di MARINO, Le recours aux objectifs de la loi pénale dans son application, in R.S.C., 1994, 505-517.
46

a) La loi pénale doit être appliquée à tous les cas rentrant dans ses termes

En conséquence, le juge ne peut rien ajouter aux conditions d'existence de l'infraction, ni créer
une cause justificative ou exonératoire de responsabilité non prévue par le droit. Ainsi :
- Il ne peut pas faire de la conservation du bien volé un élément constitutif du vol ;
- Il ne peut pas faire de l'intention de nuire un élément constitutif du meurtre (art.44 CP) ;
- Il ne peut pas retenir le consentement de la victime comme une cause de justification.

b) La loi pénale ne peut être appliquée qu'aux seuls cas rentrant dans ses
termes

Ce principe est une conséquence de la légalité du droit pénal. Il signifie qu'un fait ne rentrant
pas dans les termes de la loi pénale ne peut être puni sous prétexte qu'il présente une similitude
fondamentale avec un autre fait réprimé par elle, ou pour le motif que son impunité
constituerait une lacune dangereuse pour l'ordre public. C'est en application de ce principe que
l'interprétation analogique est prohibée.
L'interprétation téléologique permet donc de dégager tout le sens de la loi sans rien y ajouter ou
retrancher. Par elle, le juge donne à la loi sa capacité maximale d'application dans les limites
voulues par le législateur.
L'interprétation téléologique permet de déterminer le but que se propose le législateur ou même
celui qu'il se serait proposé s'il s'était représenté le cas concret qu'il s'agit maintenant de
résoudre.
Dans cette recherche, le juge tient compte, certes, de la lettre et de l'esprit de la loi, mais aussi
de la ratio legis, des travaux préparatoires, de l'évolution sociale, scientifique et technique, etc.
Donc, tout en étant stricte, l'interprétation pénale ne saurait être restrictive. Elle doit
sauvegarder le bon sens, la logique et permettre des adaptations justifiées par l'ordre social
actuel.

II. Techniques d'interprétation téléologique

a) L'étude grammaticale

93
Voir J. VERHAEGEN, Eléments de droit pénal et de procédure pénale, UCL, 1977-1978, p. 15.
47

Le sens de la loi sera dégagé à partir du texte lui-même. En principe, les mots doivent être pris
dans leur sens usuel et normal.
Il existe une « obligation fondamentale et largement reconnue qui est faite à l’interprète de la
loi, ou au juge, de donner, honnêtement et fidèlement aux termes utilisés par le législateur leur
signification première et un sens rationnel, et de servir les desseins de ce dernier »94. Cette
obligation est un corollaire naturel et logique du principe de la légalité qui veut que ce soit le
législateur, et non le juge, qui définisse l’infraction et impose la sanction95.
Ce sens premier, usuel et normal n’est pas nécessairement celui du droit civil. Exemple : bien
mobilier, chèque, etc. Ce n'est qu'en cas de volonté précise de la loi que les termes sont
entendus dans un sens technique. Exemples : complicité, assassinat, excuse, etc. Parfois, les
mots à signification technique sont employés dans leur sens usuel. Exemple: complicité
d'adultère.
Si l'étude grammaticale ne suffit pas, il faudra chercher le sens et la portée de la loi dans des
éléments extérieurs au texte.

b) La ratio legis

Le juge peut déterminer le sens de la loi en tenant compte de sa raison d'être. Celle-ci peut
apparaître notamment si l'on situe la loi dans son contexte et si l'on en dégage l'idée centrale.
BOUZAT donne l'exemple suivant96 : un règlement sur la police des chemins de fer interdisait
aux voyageurs de «descendre ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement
arrêté». L'interprétation grammaticale fait comprendre qu'il faille descendre avant que le train
ne soit complètement arrêté, lorsqu'il est encore en marche. C'est l'interprétation que soutenait
un voyageur grincheux, poursuivi pour avoir sauté pendant que le train était en marche. Le juge
a rejeté cette interprétation littérale et finalement fantaisiste qui méconnaissait la pensée
certaine du législateur97.

c) Les travaux préparatoires

94
TPIY, Jugement CELEBICI, 16 novembre 1998.
95
Loc. cit.
96
Traité de droit pénal et de criminologie, Tome I, Droit pénal général, Dalloz, Paris, 1963, n° 89.
97
Crim. 8 mars 1930, Gaz. Pal., 1930, I, 663.
48

Le juge se référera avec intérêt à l'exposé des motifs, aux rapports des commissions et aux
interventions des rapporteurs et d'autres orateurs qui proposent des amendements.
Un exemple: Dans une espèce où il s'agissait d'appliquer l'article 61 du CP sur la mutilation de
cadavre, le tribunal de 1ère Instance de Buta98 a donné au terme «mutiler», son sens courant,
retrancher. Mais en fait, un recours aux travaux préparatoires aurait permis de découvrir que la
loi utilise ce terme dans un sens technique et dont la portée était plus large.
En effet, il y avait un projet qui disait : «Celui qui aura frappé, meurtri ou mutilé». Le Conseil
colonial supprima les mots «frappé» et «meurtri» parce que d'après lui, ils étaient compris dans
le mot «mutilé».
Faisant appel à ce sens technique large, la Cour d’appel d'Elisabethville a jugé que
«l'incinération» d'un cadavre humain, sauf si l'auteur a obéi à une intention ou un but licite, est
constitutive de l'infraction de mutilation de cadavre. Par l'emploi du terme «mutiler», le
législateur a voulu atteindre tout outrage aux cadavres, par une atteinte matérielle contraire au
respect dû aux morts99.
Toutefois, il faudrait plutôt se méfier des interventions improvisées faites au cours des débats.
Elles ne sont pas toujours œuvre de spécialiste. Et même lorsqu'il s'agit des spécialistes, le
cadre est tel qu'on ne peut pas toujours attendre l'expression la plus adéquate.
L'article 112 sur la destruction et la dégradation d'arbres, récoltes ou autres propriétés porte que
«seront punis des peines portées à l'article précédent ...».
La simple étude grammaticale fera comprendre que l'article précédent soit l'article 111. Mais en
fait, il s'agit des peines portées à l'article 110100.

d) Interprétation évolutive

98
3 août 1930, R.J.C.B., 1931, 125.
99
Elis, 16 mars 1943, 98. «Sur l'infraction de mutilation de cadavre», voir l'étude de V. SERVAIS, J.T.O., 1956, 20.
100
PIRON et DEVOS, se référant à la jurisprudence, donnent, sous l'art.112 du code pénal congolais, les détails
suivants:
«L'art.112 du code pénal constituait dans l'ancien code l'article 32 qui renvoyait aux peines prévues par l'article
précédent, l'article 31. Lors de l'élaboration du nouveau code pénal, le législateur a intercalé entre les articles 31
et 32 devenus respectivement 110 et 112, l'ancien article 31 bis devenu l'article 111. Comme il apparaît des
travaux préparatoires qu'il n'est pas entré dans l'intention du législateur de modifier les peines comminées par
l'ancien 32 (actuel 112), c'est sur la base de l'article 110 et non 111 qu'il faut apprécier la peine à appliquer en cas
d'infraction à l'article 112 du code pénal ». Léo, 30 janv.1945, R.J.C.B., 35 ; Elis., 15 mai 1945, R.J.C.B., 163.
49

Si, après sa mise en vigueur, des faits se manifestent qui entrent dans sa formule, la loi les
punira, alors même qu'au moment de son élaboration, le législateur ne pouvait pas se les
représenter.
C’est ainsi qu’il a été décidé que le juge peut appliquer la loi pénale à des faits que le
législateur était dans l’impossibilité absolue de pressentir à l’époque de la promulgation de la
disposition pénale à la double condition que la volonté du législateur d’ériger des faits de cette
nature soit certaine et que ces faits puissent être compris dans la définition légale de
l’infraction101.
Dans l’Affaire CELEBICI, il a été jugé que le principe de l’interprétation stricte n’était pas
violé lorsqu’on donne aux termes de la loi leur pleine signification « ou un autre sens plus en
accord avec l’intention du législateur et traduisant mieux cette intention »102.
Cette adaptation des textes se fera au regard, d'une part, des progrès techniques et, d'autre part,
des besoins de la politique criminelle.

1) Exemples d'adaptation aux progrès techniques:

- Les dispositions pénales relatives à l'outrage public aux mœurs (art.175-178 CP) sont
applicables à des figures ou images véhiculées par des vidéocassettes103.
- Les articles 74 et 75 du code pénal congolais sont appliqués aux diffamations et injures
par la télévision.
- Les dispositions sur le vol (art. 79 et s) ont, dans la doctrine classique, toujours été
comprises comme ne devant s'appliquer qu'aux choses matérielles. L'évolution récente, par
contre, reconnaît que certaines choses immatérielles sont susceptibles de soustraction
frauduleuse. Tel est le cas notamment de l'électricité104. De même la jurisprudence décide que
les données d'un ordinateur sont susceptibles de vol, puisqu'elles peuvent être reproduites, ont
une valeur économique et font dès lors partie du patrimoine du propriétaire105.

101
Cass. 15 mars 1994, Pas. I, 261 ; voir aussi Cass. 18 nov. 1992, Pas. I, 1269 et Cass., 11 sept. 1990, Pas. I, 36.
102
TPIY, Jugement CELEBICI, 16 novembre 1998, §412.
103
Cass. b., 11 sept. 1990, Pas., 1991, I, 36 ; 15 mars 1994, Pas., I, 261.
104
Crim., 3 avril 1912, S., 1913, I, 337, note ROUX ; 12 déc. 1984, Bull., n°403; R.S.C., 1985, 579, chron. P. BOUZAT
; D. 1985, I.R. 186. Voir aussi S. BRAHY, Les vols d'eau et d'énergie, le vol d'usage, J.T. 1975, 597; G. HUBRECHTS,
Les vols d'eau, de gaz et d'électricité, in R.D.P.C., 1935, 236 ; Cass. b., 23 sept. 1982, Pas. 1982, I, 120.
105
Cour d'appel d'Anvers, 13 déc. 1984, in Rechtskundig weekblad, 1985-1986, 244-246, obs. VERSTRATEN, 215-
230, Recensé in R.D.P.C., 1988,429 ; Corr. Brux., 24 juin 1993, J.L.M.B. , 1994, 444 ; R.D.P.C., 1994, 1336. Voir
aussi M. BRIAT, La fraude informatique ; une approche du droit comparé, in R.D.P.C., 1985 ; 287, J.P. SPREUTELS,
Les infractions en matière d'informatique dans le projet de réforme du code pénal français, in R.D.P.C., 1991,
1027 et s ; La criminalité informatique, Editions du Conseil de l'Europe, Affaires juridiques, Strasbourg, 1990, 125.
50

- A été appliqué à un bateau à moteur diesel un texte visant uniquement dans ses termes les
bateaux à vapeur. Un bateau à moteur diesel, dénommé l'Hirondelle circulant sans permis de
navigation, son propriétaire BRUEL fit l'objet d'un procès-verbal pour infraction à l'article 138
du code des voies navigables, fut poursuivi et condamné de ce chef à une amende.
Le condamné invoqua devant la chambre criminelle (Cassation), à l'appui de son pourvoi, la
violation de l'article 4 du CPF et de la règle Nulla poena sine lege, en ce que le texte
prétendument violé ne pouvait s'appliquer à l'Hirondelle, bateau à moteur diesel, du moment
qu'il visait uniquement les bateaux mus par moteur à vapeur. La Cour donna cette réponse :

«Attendu que (...) cette décision est justifiée ;


Qu'en effet (...) la découverte ultérieure de nouveaux procédés de propulsion
mécanique ne saurait avoir pour effet de dispenser les bateaux qui en sont pourvus
d'une obligation aussi essentielle; qu'ainsi, sans porter atteinte au principe
d'interprétation (stricte) de la loi pénale, l'extension de l'article 138 à tous les
modes de propulsion mécanique correspond à la seule interprétation raisonnable
dudit article ... »106.
- Il a été jugé que celui qui, sans droit, dactylographie et fait apparaître sur écran le code
électronique servant de mot de passe au Premier Ministre, se rend coupable de faux en
écritures, l'écrit au sens du code pénal n'étant pas réservé à un système d'écritures déterminé et
ne dépendant pas de la nature du support sur lequel il apparaît107.
- Il a été jugé que celui qui, ayant utilisé le code électronique servant de mot de passe au
Premier Ministre et ayant eu accès de manière illicite au système informatique, se rend
coupable d'usage de faux en écritures108.
- La soustraction par photocopiage est bien établie en jurisprudence. Les agissements d’un
salarié consistant à photocopier des documents auxquels il avait accès, sont considérés comme
un vol, du moment « qu’en effectuant des copies des pièces qui ne lui appartiennent pas, et en
prenant possession et en disposant à son gré des documents litigieux, le prévenu s’est approprié
les informations et a porté atteinte au droit de propriété de l’employeur. »109

106
Cité par R. COMBALDIEU, A propos d'un conflit entre la «raison» et l'interprétation restrictive en droit pénal,
in R.S.C., 1956, 833.
107
Corr. Brux., 8 novembre 1990, J.T., 1991, 11; R.D.P.C. Tables jurisprudentielles et analytiques 1991, 1150.
108
Idem.
109
Crim., 8 janv. 1974, D. 509, Note P. CORLAY ; 29 avr. 1986, D. 1987. 131, Note Lucas de LEYSSAC ; R.S.C. , 701,
obs. P. BOUZAT ; 24 oct. 1999, B. n° 355 ; 8 déc. 1998, B., Droit pénal, 1999, Comm. 67, obs. M. VERON, R.
OTTENHOF, Chr. Juris., in R.S.C. 1999, 822-823.
51

2) Exemples d'adaptation des textes aux besoins de la politique criminelle :

- Il a été jugé que constitue l'infraction des coups et blessures volontaires le geste de
l'individu qui frappe au plafond chaque nuit pendant des mois et détermine ainsi une affection
nerveuse chez le voisin du dessus110.
- La même infraction de coups et blessures volontaires a été retenue dans le chef de
l'individu qui se livre à une agression téléphonique par des appels multiples et intempestifs
ayant entraîné une atteinte à la santé du destinataire111.
- L'infraction d'escroquerie a été déclarée établie dans le chef d'un individu qui place une
rondelle sans valeur dans un parcmètre, au motif que la remise, un des éléments essentiels de
l'escroquerie, est aussi réalisée lorsque l'agent paie moins qu'il ne devait, et qu'elle peut porter
atteinte aussi bien sur la chose que sur le service112.
Aujourd’hui, avec l’avènement de l’Internet, une nouvelle forme de criminalité, connue
désormais sous le nom de cybercriminalité, est entrain de se développer et, à défaut des textes
légaux adaptés, force sera de recourir aux lois existantes en leur appliquant une interprétation
évolutive.
3) Intérêt d’une intervention législative

Il est évident que l’interprétation évolutive pose problème au regard des principes de la légalité
et de l’interprétation stricte de la loi pénale.
Aussi, est-il souhaitable que le législateur, à l’occasion d’une réforme du code pénal ou par des
lois complémentaires, intègre les acquis jurisprudentiels en formulant expressément de
nouvelles incriminations plus précises et plus explicites. Une des raisons pour une intervention
législative est que, à force d’interprétation évolutive, on ne mette à mal le principe de
l’interprétation stricte.
L’interprétation législative a alors pour « but de confirmer et d’infirmer une jurisprudence
extrêmement riche. »113

110
Crim., 22 oct. 1936, D. II, 1937, 38.
111
Crim., 3 janv. 1969, D. 125.
112
Crim., 10 décembre 1970, D. 1972, 155, note de ROUJOU de BOUBEE et J.C.P., 1972, II, 17277, note GASSIN.
113
Gabriel ROUJOU de BOUBEE, Jacques FRANCILLON, Bernard BOULOC et Yves MAYAUD, Code pénal commenté,
Dalloz, Paris, 1996, p. IX.
52

Telle a été l’attitude du législateur français de 1992 en ce qui concerne notamment le vol de
l’énergie, les appels téléphoniques malveillants et les atteintes aux données d’un ordinateur, qui
ont été érigés en infractions spécifiques.
- Le vol de l’énergie
« La soustraction frauduleuse d’énergie au préjudice d’autrui est assimilée au vol » (art.
311-2 du NCPF)

2 - Les appels téléphoniques malveillants

«Les appels téléphoniques malveillants ou les agressions sonores, réitérés en vue de


troubler la tranquillité d’autrui sont punis … » (art. 222-16).

3 - Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données


De même, il s’agit encore d’une prise en compte des acquis de la jurisprudence et de
l’évolution technique, lorsque le même législateur, en définissant le faux, ne se limite plus à
l’écrit, mais inclut « tout autre support d’expression de la pensée ».
A part le législateur français, nous pouvons encore citer le code pénal éthiopien de 1957 qui ne
s’est pas contenté de l’interprétation évolutive pour atteindre la soustraction frauduleuse de
l’énergie en l’assimilant au vol, mais a pris une disposition expresse (article 631).

e) L'argument «a rubrica »

Cet argument consiste à découvrir le sens ou la portée d'un texte par la prise en compte de la
place qu'il occupe dans l'ensemble, notamment dans le code pénal.
Ainsi, il existe en doctrine une discussion autour de l'article 85 du CP et dont l'objet est de
savoir lequel, du meurtre ou du vol, aggrave l'autre. Ceux qui disent - et c'est l'opinion
dominante - que le vol est l'infraction principale et le meurtre une circonstance aggravante
s'appuient notamment sur le fait que cet article figure dans le titre II relatif aux infractions
contre les propriétés et clôture aussi une série des faits qui, tous, aggravent le vol114.

114
Voir l'étude de D. MERKAERT, Du meurtre commis pour faciliter le vol ou en assurer l'impunité, in R.J.C.B.,
1933, 145 et s; J. VERHAEGEN, Meurtre pour faciliter le vol, in R.D.P.C. 1975, 785; Cass. b., 11 mai 1909, Pas. I.
232 (Affaire WALMACQ).).
53

Cependant, l'argument a rubrica à lui seul ne peut suffire. Il faut qu'il s'ajoute à d'autres
arguments qu'il renforce et qui le renforcent.

f) Le droit comparé

Le recours au droit comparé peut s'avérer utile. En ce qui concerne la République


Démocratique du Congo dont la législation pénale s'est inspirée des CP de la Belgique et de la
France, les solutions en vigueur dans ces deux pays peuvent aider à la solution des problèmes
qui se posent dans notre propre droit.
Toutefois, cette référence au droit étranger doit se faire prudemment. D'abord, les textes ne sont
pas toujours les mêmes (exemple : en matière de tentative). Ensuite, même si les textes étaient
identiques ou proches, ils régissent des pays, des peuples, des situations et des mentalités
différentes.
Ils sont destinés à répondre à des besoins qui s'avéreront souvent divergents. Dès lors, leur
application peut parfois donner lieu à des solutions différentes, compte tenu du contexte.
Les articles en question correspondent à notre article 322 du code civil, livre III, relatif à la
responsabilité envers l’acheteur, du vendeur qui connaissait les vices de la chose.

g) Les données historiques, politiques et sociales

Elles sont de nature à fournir des renseignements précieux sur le sens et la portée de la loi. Par
exemple, la notion d'ordre social n'a pas le même contenu dans un pays démocratique que dans
un pays à régime totalitaire.
Bien plus, les changements d'ordre politique sont de nature à rendre caduques ou sans
importance des dispositions pénales formellement en vigueur. Ainsi, depuis le discours du Chef
de l’Etat du 24 Avril 1990 annonçant la démocratisation, les dispositions punissant le port de
noms à consonance étrangère semblent ne plus être d'application, et le regain des prénoms
occidentaux dans la presse, dans les actes officiels et dans la vie quotidienne en dit long à ce
sujet. Et c’est ici que cette interrogation de PORTALIS peut trouver application : « Peut-on se
dissimuler l’influence et l’utilité de ce concert délibéré, de cette puissance invisible par
laquelle, sans secousse, sans commotion, les peuples se font justice des mauvaises lois ? »115

115 er er
Discours préliminaire sur le projet de code civil, présenté le 1 pluviôse an IX, 1 janvier 1801, p. 4.
54

C. ANALOGIE
Certains auteurs parlent ici de l'interprétation analogique. Elle consiste à «étendre l'application
de la loi des cas qu'elle a expressément prévus, à d'autres cas qu'elle n'a pas prévus, mais qui
présentent une ressemblance avec les cas prévus.»116
En fait, cette définition rend compte de la forme d'analogie la plus courante, qu'on appelle aussi
analogie intra legem, puisqu'il s'agit d'intégrer dans la loi un cas non prévu.
La deuxième forme d'analogie consiste à résoudre une espèce pénale non prévue par la loi en
recourant aux fondements de l'ordre juridique pris dans leur ensemble117. On parle ici
d'analogie extra legem, voire même contra legem.
L'analogie est rejetée en droit pénal. Toutefois, l'analogie intra legem peut être admise si elle va
dans le sens de l'intérêt du prévenu. La jurisprudence belge, par exemple, a pu retenir l’état de
nécessité, qui est une cause de justification, à partir de la notion de contrainte qui est
expressément prévue par l’article 71 du CPB.
En matière de droit pénal favorable, «le fait de dépasser les termes de la disposition pour
remonter à son principe n'en constitue pas une application extensive, et la restriction qui en
résulte dans l'application de la règle répressive ne sera pas tenue pour abusive»118.
§ 3. AUTONOMIE DU DROIT PENAL
Dans les relations du droit pénal avec les autres disciplines juridiques, il se pose un problème
d'harmonisation de ces rapports. Et compte tenu de son originalité, de l'ensemble des règles et
institutions qui lui sont propres, on reconnaît au droit pénal l'autonomie.
Cette autonomie du droit se manifeste particulièrement en matière d'interprétation.
Le droit pénal emprunte aux autres branches certains termes mais ne leur conserve pas le sens
qu'ils ont dans leur discipline d'origine.
A. LES MANIFESTATIONS DE L'AUTONOMIE
C’est à l’occasion de l’usage et de l’interprétation de certains termes par le législateur et le juge
que l’autonomie du droit pénal se révèle. Nous en proposons quelques-uns.
I. Fonctionnaire

116
BOUZAT, op. cit., I, n° 88.
117
Voir JIMENEZ DE ASUA, L'analogie en droit pénal, in R.S.C., 1949, 189.
118
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 116 ; HAUS, op. cit., n° 151.
55

Ainsi, le terme fonctionnaire utilisé notamment aux articles 145 et s. du CP, n'a pas en droit
pénal le sens qu'on lui reconnaît en droit administratif. En matière de détournement, par
exemple, seront considérés comme fonctionnaires non seulement «les agents publics de
carrière nommés à un grade de la hiérarchie pour occuper un emploi permanent»,119 mais
aussi toutes les personnes qui sont investies d'un mandat public, permanent ou temporaire,
salarié ou gratuit120, toutes les personnes qui, à quelque titre que ce soit, même au sein d'une
société privée, sont chargées des intérêts de l'Etat121.
Un ministre n'est pas fonctionnaire au sens du droit administratif. Mais il l'est au sens pénal et
peut être poursuivi pour détournement, concussion ou corruption.
«Poursuivi en sa qualité de Commissaire d'Etat, le prévenu était une personne chargée d'un
service public au sens de l'article 145 du CP, livre II»122.
Les juges de l’ordre judiciaire sont inclus dans l’expression « un fonctionnaire, un officier
public, une personne chargée d’un service public »123.

II. Biens meubles et immeubles

Les termes meubles et immeubles ont en droit pénal un sens différent de celui qu'ils ont en
droit civil. Ils ont en droit pénal un sens usuel. Ainsi, est meuble ce qui, étant immeuble par
nature, par destination et même par incorporation, reste susceptible d'être enlevé, déplacé par
l'acte délictueux.
Se rend coupable de vol l'agent qui s'empare du sable, des pierres de carrière, des métaux
précieux... Il en est de même du locataire qui soustrait des biens incorporés par le propriétaire,
tels des lustres, des glaces ou des installations sanitaires, etc.

En matière de confiscation spéciale, qui ne peut porter que sur les biens mobiliers, la fiction du
droit civil conférant le caractère immobilier par destination à certains biens susceptibles d'être
déplacés ne joue pas124.

119
Voir A. DE LAUBADERE, Traité de droit administratif, II, L.G.D.J., Paris, 1970, pp. 17-19.
120
Voir NYABIRUNGU mwene SONGA, La corruption des fonctionnaires publics : approche sociologique et
juridique, in R.J.Z., 1974, 44.
121
C.S.J., 18 août 1980, R.P.A. 64, en cause MP c/NAMEGABE et crts, cité par KATUALA, Extrait de 1500 décisions
judiciaires, inédit.
122
C.S.J., 15 août 1979, Bull., 1984, 194 ; R.J.Z. 1979, 76.
123
Cass. 17 déc. 1996, R.W., 1996-1997, 1331 ; R.D.P.C., 1997, 1112.
124
Voir Cours de LAMY, p. 184 ; GARRAUD, Traité, n° 2565.
56

Un panneau publicitaire n’est pas un immeuble par incorporation, mais plutôt une propriété
mobilière, compte tenu des facilités de son déplacement125.

III. Domicile

Le terme domicile qu'on retrouve aux articles 69-70 du CP relatifs à la violation du domicile,
ne doit pas s'entendre comme «principal établissement» selon le droit civil (art. 56 CCZ, I),
mais plutôt comme tout lieu qui sert d'habitation,126 toute demeure permanente ou temporaire
occupée par celui qui y a droit, ou, de son consentement, par un tiers127.
Il a été jugé que le terme « domicile » désigne le lieu, en ce compris les dépendances propres ou
encloses, occupé par une personne en vue d’y établir sa demeure ou sa résidence réelle et où
elle a droit, à ce titre, au respect de son intimité, de sa tranquillité et plus généralement de sa vie
privée. Un garage loué tombe sous cette notion128.
La jurisprudence française va même plus loin et considère comme domicile d'une personne «le
lieu où, qu'elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre
juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux».
Il a aussi été jugé que le terme de « domicile » peut englober le bureau d’un membre d’une
profession libérale, en l’occurrence le cabinet d’avocat129.

IV. Les actes nuls

Les actes nuls en vertu de la loi civile ou commerciale ne sont pas nécessairement nuls au
regard de la loi pénale.
Ainsi, les tribunaux condamnent pour abus de confiance, même en cas de nullité du contrat en
vertu duquel les biens détournés avaient été remis. Par exemple, celui qui détourne des biens
qu'un enfant lui a confiés ne peut pas s'exonérer en se prévalant de la nullité du contrat résultant
de la minorité d'âge130.

125
Cass. b. 5 fév. 1985, Pas. I. , 682.
126
LAMY, loc. cit.; MINEUR, op. cit., p. 159.
127
Crim., 24 juin 1893, D.P., 1895, I., 407; 4 janv. 1977, B.C., n° 6 ; 13 oct. 1982, B.C., n° 218.
128
Cass. 23 juin 1993, R.D.P.C., 1994, 208 ; 1995, 471-472
129
CEDH, 16 déc. 1992, Rev. Trim. dr. h., 1993, 467, J.T. 1994, 65, et la note de Edouard JAKHIAN et Pierre
LAMBERT, Les perquisitions dans les cabinets d’avocats.
130
Crim., 12 nov. 1909, S. 1913.1.289 ; 18 févr. 1937, D. 1937. Voir VASSEUR, Des effets en droit pénal des actes
nuls ou illégaux, in R.S.C., 1951, p. 1 et s.
57

De même, l'émission de chèque sans provision est punie même lorsque celui-ci est nul au
regard du droit commercial. Ainsi, l'absence de date qui est une cause de nullité selon la loi
uniforme sur le chèque (D. 10 décembre 1951, art. 1) n'empêche pas la répression131.
C’est le même point de vue qui est soutenu par la Cour de cassation de Belgique
dans la même matière132.
La jurisprudence française consacre, depuis longtemps, l’autonomie du droit pénal en matière
de chèques, et confirme qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de l’irrégularité du chèque au
regard de la loi commerciale133.

V. Homicide involontaire

Une infraction d’homicide involontaire peut se concevoir à l’égard d’un enfant en train de
naître, contrairement aux lois civiles qui ne reconnaissent le droit à la personnalité qu’à l’être
né vivant et viable134 .

B. APPRECIATION CRITIQUE DU PRINCIPE DE L'AUTONOMIE

I. Justification du principe

Comme on l'aura constaté, le principe de l'autonomie est en contradiction avec l'interprétation


stricte de la loi pénale et a, comme conséquence, d'étendre la répression. Comment dès lors
peut-il être justifié, alors que, loin d'être favorable, il aggrave le sort du prévenu ?
La doctrine moderne qui, dans sa majorité, l'adopte, considère que l'autonomie du droit pénal
favorise une meilleure prise en compte de la personnalité du délinquant, et plus
particulièrement de son intention135.
«Dès lors que l'intention criminelle est nettement établie, le juge répressif a le droit
et le devoir de condamner l'auteur d'une infraction, même s'il a été assez habile
pour s'assurer la protection de la loi civile, commerciale ou administrative... La

131
Léo, 11 déc. 1952, R.J.C.B. 1953, 30 ; 17 déc. 1953, J.T.O., 1955, 4, avec note sur l'autonomie du droit pénal;
lire l'étude d'E. LAMY, De l'autonomie du droit pénal, in R.J.C., 1964, 4 et s.
132
19 janvier 1976, J.T., 311. Dans le même sens, Cass. 5 mai 1982, Pas. I, 1017 ; Neufchâteau, 18 déc. 1984,
.R.D.P.C. , 1985, 596.
133
Paris, 14 janv. 1925, D.H., 205 ; 19 mars 1934, Gaz. Pal. 1. 991 ; Crim. 8 mars 1951, Bull. n° 71.
134
Cass. b. 11fév. 1987, R.D.P.C., 815.
135
M. VASSEUR, Les effets en droit pénal des actes nuls ou illégaux d'après d'autres disciplines, in R.S.C., 1951, 1
et s.
58

liberté d'interprétation, si elle n'est pas contraire à l'esprit des textes ni au but
poursuivi par le législateur, est donc pleinement justifiable»136.

II. Recul du principe

Avec l'avènement des lois de plus en plus techniques dans des domaines aussi variés que
l'environnement, la fiscalité, le droit social, la géologie, l'économie ou la biologie, le principe
d'autonomie connaît du recul. En effet, il est difficile qu'en ces matières, le juge oppose à la
technique sa propre conception des choses137. Il suffit, pour nous en convaincre, de penser, à
titre d’exemple, au test de l’empreinte génétique qui permet de déterminer l’ADN de chaque
individu et qui, statistiquement parlant, ne peut ressembler à aucun autre. Lorsque le magistrat
ou le juge se retrouvent devant des résultats d’une telle expertise, menée selon toutes les règles
de l’art et dans des conditions de fiabilité requises, leur marge de manœuvre est nulle.

« Sans doute, un juge est-il toujours libre d’entériner ou non un rapport


d’expertise ; mais en présence des conclusions claires et sans ambiguïté, son
pouvoir d’appréciation s’efface pratiquement. »138

Il ne pourra pas, par exemple, décider que le prévenu n’est pas auteur d’un crime, alors que le
rapport de l’expertise génétique relève l’identité entre le code génétique de l’agent et celui qui
est déterminé à partir de la goutte de sang retrouvé sur la victime, sur le lieu du crime, ou sur
l’arme du criminel présumé.

§ 4. IN DUBIO PRO REO

A la moindre difficulté dans la compréhension du texte légal, le juge ne doit pas laisser tomber
les bras et retenir l'hypothèse la plus favorable au prévenu. Il doit jouer un rôle dynamique dans
la recherche du sens exact et de la portée véritable de la loi, faire tout son possible pour
découvrir la volonté du législateur. Mais, il n'est pas dit que ses efforts d'interprétation seront
toujours couronnés de succès. Lorsqu'il a recouru aux usages de la langue, à la logique, au bon
sens, à la raison d'être de la loi pour dégager le but de celle-ci, lorsqu'il a utilisé toutes les
techniques d'interprétation à sa disposition et que malgré cela la loi reste douteuse ou ambiguë,

136
J. PRADEL, op. cit., n° 220.
137
J. PRADEL, loc. cit.
138 ème
F. TERRE et D. FENOUILLET, Droit civil, 6 éd., Dalloz, Paris, 1996, n° 778.
59

il doit donner la préférence à l'interprétation la plus favorable au prévenu. In dubio melior


interpretandum est139.
Telle est la doctrine classique en la matière.
Toutefois, Françoise TULKENS et Michel van de KERCHOVE relèvent que les seules
décisions dans lesquelles la Cour de cassation belge a eu à se prononcer sur la valeur de cette
maxime, montrent qu’elle l’a rejetée140.
Ainsi, dans l’arrêt du 23 décembre 1968, la Cour précise que « le doute qui peut profiter au
prévenu est le doute qui porte sur la culpabilité de celui-ci concernant les faits faisant l’objet de
la poursuite, mais non un prétendu doute portant sur l’application d’une disposition légale »141.
Et dans l’arrêt du 02 octobre 1973, la Cour décide que « la circonstance que la doctrine est
divisée au sujet de l’interprétation d’une disposition légale n’est pas de nature à faire naître
chez le juge qui applique cette disposition un doute devant profiter au prévenu ».
En conclusion, le doute sur le sens de la loi ne profite pas nécessairement au prévenu142.
C'est aussi lorsqu'une loi reste douteuse ou ambiguë que le législateur peut intervenir en
promulguant une loi interprétative ou une loi nouvelle réglementant toute la matière de manière
à résoudre le maximum de difficultés d'interprétation jusque-là rencontrées.

SECTION IV. L'APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS LE TEMPS

Outre le titre donné à la présente section, la matière traitée ici s’intitule, selon les auteurs et les
ouvrages, de façons diverses :
- Empire de la loi pénale dans le temps ;
- Conflit des lois pénales dans le temps, ou encore,
- Droit pénal transitoire.
Le problème se pose de la manière suivante : une loi nouvelle abroge ou modifie une loi
ancienne. Elle crée, par exemple, une nouvelle infraction, supprime une infraction existante,
modifie ou crée de nouvelles peines. Il est évident que cette nouvelle loi ainsi conçue
s'appliquera à tous les faits commis après son entrée en vigueur. Mais qu'en sera-t-il des faits
commis sous l'ancienne loi et qui ne sont pas encore définitivement jugés ? Faut-il aussi leur
appliquer la nouvelle loi, ou doivent-ils continuer à être régis par la loi ancienne ?

139
HAUS, op. cit., n° 148.
140
Op. cit., pp. 255-256.
141
Cass., 23 déc. 1068, Pas. 1969, I, p. 377 ; voir aussi Cass., 16 mai 2001, http://www.cass.be.
142
Cass., 2 oct. 1973, Pas. 1974, I, p. 112.
60

De même, en ce qui concerne la procédure, il y a lieu de se demander quelle loi le juge doit
appliquer lorsque, avant qu’il n’ait tranché définitivement une affaire, une nouvelle loi de
forme est entrée en vigueur.
Tel est le problème de conflits des lois pénales dans le temps ou de droit pénal transitoire.
La matière est réglée par l'article 1er du code pénal qui dispose: «Nulle infraction ne peut être
punie de peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction fut commise».
L'article 16, al. 2 de la constitution de 1967 dans sa dernière modification disposait : «Il ne peut
être infligé de peine plus forte que celle applicable au moment où l'infraction a été
commise»143.
Par contre, le projet de constitution de la Conférence Nationale Souveraine rencontre
complètement la question de droit pénal transitoire aussi bien en ce qui concerne les infractions
que la peine applicable :
- «Nul ne peut être poursuivi pour une action ou une omission qui ne constitue
pas une infraction à la loi au moment où elle a été commise et au moment des
poursuites» (art. 20, al. 4).
- «Il ne peut être infligé de peine plus forte que celle applicable au moment où
l'infraction a été commise.» (art. 26, al. 5).
Toutes les dispositions constitutionnelles ou légales renseignées ici ne concernent que les lois
pénales de fond. Quant aux lois pénales de forme, elles ne font l’objet d’aucune disposition de
cette nature, et les solutions apportées à la question de conflits de lois de forme dans le temps
sont l’œuvre de la doctrine et de la jurisprudence.
Nous étudierons le problème de l'empire de la loi pénale dans le temps en distinguant les lois de
fond et les lois de forme.

§ 1. L'APPLICATION DANS LE TEMPS DES LOIS DE FOND

Le principe qui régit la matière est celui de la non-rétroactivité de la loi pénale. La loi pénale ne
rétroagit pas; elle dispose pour l'avenir. Ce principe connaît une exception importante: la loi
pénale nouvelle rétroagit si elle est plus douce, plus favorable au prévenu.
Ce principe de la non-rétroactivité n'est pas propre au droit pénal. Il est partagé par les autres
branches du droit, et notamment le droit civil. Il est consacré par la plupart des législateurs

143
Voir aussi l’article 22, al. 2 et 3 du projet constitutionnel du 10 février 1999.
61

contemporains qui l'inscrivent dans leurs CP ou dans leurs constitutions. Il est proclamé par la
Déclaration universelle des Droits de l'homme (art. 11).

A. LA LOI APPLICABLE

Pour savoir s'il faut appliquer le principe de la non-rétroactivité ou plutôt l'exception de la loi la
plus favorable au prévenu, il faut comparer la loi en vigueur au moment des faits et la loi
nouvelle, et déterminer celle qui est douce, moins sévère. Et si les faits sont soumis au juge, il
faudra savoir si la loi nouvelle peut être applicable en cours de procédure.

I. Comparaison de la sévérité des lois en conflit


Il faut comparer d'abord l'incrimination prévue par chaque loi, avant d'en arriver aux pénalités.
a) Incriminations
Une loi nouvelle est sévère lorsqu’elle étend le champ d’application d’une incrimination ou
lorsqu’elle soumet le fait poursuivi à une répression plus rigoureuse. Il en sera ainsi si une loi
crée une nouvelle incrimination, si elle supprime une cause de justification, si elle institue une
circonstance aggravante, si elle réduit le nombre des éléments constitutifs d'une infraction, ou
encore si elle aggrave le régime de la tentative ou de la participation, etc. Dans toutes ces
hypothèses, la loi nouvelle ne peut pas s’appliquer aux infractions commises avant son entrée
en vigueur144.
Une loi est plus douce si elle abroge l'infraction, crée une cause de justification, supprime une
circonstance aggravante ou augmente le nombre des éléments constitutifs de l'infraction, punit
moins sévèrement la tentative ou la complicité, etc.
Bref, doit être considérée comme plus douce et appliquée immédiatement toute loi pénale
nouvelle qui complique une incrimination et rend ainsi la poursuite plus difficile145.
b) Pénalités
Lorsque la loi ancienne (loi du moment des faits) et la loi nouvelle incriminent le même fait,
mais en apprécient différemment la gravité et prévoient des peines différentes, il faut pouvoir
indiquer la loi la plus favorable, donc applicable.
On recourra au critère défini par la doctrine et la jurisprudence, et qui est en vigueur en matière
de concours idéal, pour déterminer la peine la plus forte146.

144
Cass. fr., crim. 21 avril 1982, Pauletto, Bull. crim., n° 99.
145
Crim., 6 juin 1974, Djian, Bull. crim., n° 207; PRADEL et VARINARD, op. cit., p. 137.
62

1. La peine de mort est la peine la plus grave.


2. Vient ensuite la peine de travaux forcés.
3. La S.P., même la plus faible, l'emporte sur la peine d'amende, quel que soit son montant.
4. Entre deux peines de S.P., il faut considérer celle dont le maximum est le plus élevé.
5. A égalité de maxima, on considérera celle dont le minimum est le plus élevé.
6. A égalité de maxima et de minima, on considérera celle dont le maximum de l'amende est
le plus élevé.
7. En cas d'égalité de maxima, on considérera celle dont le minimum de l'amende est le plus
élevé.
8. Si l'égalité persiste, la peine la plus forte sera celle qui est accompagnée des peines
complémentaires ou accessoires.
En tout état de cause, une loi pénale nouvelle plus douce qui diminue une pénalité doit être
appliquée à des faits commis antérieurement à sa promulgation mais non encore jugés147.
Il faut relever que ce principe relève du droit international, car il est prévu par l’article 15-3 du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui affirme l’application obligatoire
des lois prévoyant des peines plus légères148.
Il faut enfin signaler ici une difficulté : si la loi établit une hiérarchie des peines principales, il
n'en est pas de même des autres. En sorte que si de part et d'autre il y a des peines
complémentaires ou accessoires, il n'y aura pas toujours facilité d'apprécier leur gravité. Le
juge est alors contraint de recourir à la comparaison in concreto149, « ce qui conduit parfois à
des choix difficiles pouvant être jugés contestables »150.

II. L'effet de la loi nouvelle sur le procès en cours


Lorsqu’une loi nouvelle est favorable au prévenu alors que les faits ne sont pas encore
définitivement jugés, elle doit recevoir application, à l’exclusion de celle du moment des faits.
Il en est ainsi lorsque la loi nouvelle supprime l’infraction ou en réduit les peines.
En relation avec la mise en vigueur du NCPF, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer
qu’une loi nouvelle s’applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n’ayant

146 s
HAUS, op. cit., I, n° 190 et s. ; HENNAU et VERHAEGEN, op. cit., n° 89.
147
Cass. fr., crim., 21 avril 1982, Pauletto , Bull. crim., n° 99.
148
Voir Jean PRADEL et André VARINARD, Les grands arrêts du droit criminel, Tome I, Les sources du droit pénal,
ème
l’infraction, Dalloz, Paris, 2 éd. 1997, 120.
149
MERLE et VITU, op. cit., n° 168.
150
PRADEL et VARINARD, op. cit., 144.
63

pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée si elle est moins sévère que
la loi ancienne151.
Par contre, une loi nouvelle portant aggravation des incriminations et des peines prévues par la
loi antérieure n’est applicable qu’aux faits commis après son entrée en vigueur. La loi plus
sévère ne concerne que l’avenir.152
La loi ancienne demeure d’application si elle est plus douce, donc favorable au prévenu.

III. L'effet de la loi nouvelle après un jugement définitif


Il est entendu que lorsqu'un jugement définitif est déjà intervenu, la loi nouvelle, fut-elle la plus
douce, ne peut être qu'inopérante. Elle laisse subsister les condamnations qui sont passés en
force de chose jugée, «si elle ne les abolit pas ou ne les modifie pas par une disposition
expresse et formelle»153.
Cependant, on peut se poser la question de savoir si cette solution demeure valable dans le cas
d'une loi nouvelle enlevant au fait son caractère infractionnel.
En d'autres termes, il y a lieu de se demander si la peine doit continuer à être exécutée alors
qu'une loi postérieure à la condamnation définitive a supprimé le caractère pénal des faits.
A notre avis, il n'est ni juste, ni opportun que l'agent continue à exécuter une peine relative à
des actes que la société considère désormais comme licites.
C'est sans doute aussi le point de vue de nombreuses législations qui, à l'instar du nouveau code
pénal français, disposent que « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée
pour un fait qui, en vertu d'une loi postérieure au jugement, n'a plus le caractère d'une
infraction pénale.»154
Cette même solution est retenue notamment par le code italien (article 2) et le code danois
(article 3). Il s'agit là, relève J. PRADEL, d'une règle parfaitement justifiée155, et qu'il serait
indiqué d'introduire dans notre propre droit.
Une autre solution envisageable par le législateur est la révision du procès156.
Une autre question qui mérite d'être posée est celle de savoir si la loi nouvelle qui supprime ou
réduit la peine édictée par la loi antérieure peut être appliquée aux personnes irrévocablement

151
Crim. 9 mars 1994, Bull., n° 93, obs. B. BOULOC, in R.S.C., 759-760.
152
Crim. 12 janv. 1994, Bull., n° 19.
153
HAUS, op. cit., n° 186.
154
Article 112-4 du NCPF.
155
Op. cit., p. 935.
156
Tel est le sens d’une résolution du Congrès international pénal et pénitentiaire tenu à Berlin en 1935.
64

condamnées. La réponse doit être positive, « car un châtiment que le pouvoir social lui-même a
déclaré inutile, ne peut plus, sans injustice, continuer de recevoir son exécution »157.
Qu'il s'agisse d'une loi nouvelle qui supprime le caractère infractionnel des faits, ou qu'il
s'agisse de celle qui supprime ou réduit la peine, il revient au législateur, dans les deux cas,
d'appliquer aux personnes définitivement condamnées, par une disposition spéciale, le bénéfice
de la loi nouvelle.
C’est ce que vient de faire le législateur russe de 1997 qui décide expressément que la loi
pénale éliminant l’incrimination d’un acte, atténuant la peine ou encore améliorant la situation
de la personne qui a commis un crime, est rétroactive. Elle s’étend aux personnes qui ont
commis les actes concernés avant l’entrée en vigueur d’une telle loi, y compris les personnes
dont la peine est en cours d’exécution ou celles dont l’exécution de la peine est déjà réalisée,
mais qui ont un passé judiciaire158.
Le bénéfice de la loi nouvelle qui supprime l’incrimination ou la peine ne doit pas remettre en
cause les intérêts civils ou les droits des tiers, ni autoriser le condamné à répéter ce qu’il a déjà
versé. S’il n’y a pas de disposition expresse, la condamnation demeure inscrite au casier
judiciaire.
S’il n’existe pas une telle disposition, le Chef de l’Etat y suppléera par la grâce. «Ainsi, le
principe de justice qui proscrit les peines inutiles, recevra toujours son application»159.
Mais, tant qu'il n'y aura pas eu disposition légale expresse ou grâce présidentielle, les
magistrats chargés de l'exécution des peines, continueront à les faire appliquer160.
Le législateur est donc interpellé. Chaque fois qu’il promulgue une loi nouvelle plus douce, il
doit en même temps, au nom de la justice et de l’utilité sociale, en tirer toutes les conséquences
et, par une disposition expresse, déterminer le sort de ceux qui ont été définitivement
condamnés. Ainsi, la loi française du 9 octobre 1981 qui supprime la peine de mort, en interdit
en même temps l’exécution sur tout le territoire national.
IV. Texte de loi comportant des dispositions les unes douces et les autres sévères
Dans un même texte, peuvent coexister des dispositions les unes plus douces, et les autres plus
sévères, et dans ce cas, il n’est pas toujours aisé de déterminer le texte applicable.
Une solution, apportée par la jurisprudence française notamment, voudrait qu’on distingue
selon que les dispositions en cause sont divisibles ou non. Critère parfois incertain, mais qui

157
HAUS, loc. cit.
158
Article 10, 1.
159
Loc. cit.
160
Loc. cit.
65

permet, dans l’affirmative, de leur appliquer un sort différencié, en faisant rétroagir les
dispositions favorables au prévenu, les plus sévères ne devant disposer que pour l’avenir.
C’est ainsi que la loi Béranger du 26 mars 1891, qui créait le sursis, en même temps qu’elle
instituait la petite récidive correctionnelle, a agi rétroactivement pour la première institution (le
sursis), et a disposé pour l’avenir pour la seconde institution (récidive correctionnelle)161. Il
s’agit ici de « deux institutions très différentes, aux domaines d’application bien distincts »162.
En cas d’indivisibilité du texte, la doctrine, dans sa majorité, recourt à l’appréciation globale,
en tentant de dégager la tendance dominante du texte concerné. Si celle-ci est douce, la loi
nouvelle recevra application et, dans le cas contraire, elle sera rejetée, pour ne disposer que
pour l’avenir163.
La jurisprudence va dans le même sens et considère que dans le cas de lois nouvelles
complexes, c’est-à-dire comportant des dispositions de caractères différents et non divisibles, il
faut pour comparer la mansuétude de deux lois se référer à la disposition principale du texte164
ou apprécier si globalement le texte est plus favorable que le précédent165.
On saura que la tendance globale est sévère ou plutôt douce grâce notamment à la volonté
exprimée par le législateur à travers, par exemple, l’Exposé des motifs ou les débats
parlementaires.

B. LES EXCEPTIONS AUX REGLES DE CONFLITS


I. Les lois interprétatives
Les lois interprétatives, qu'elles aggravent ou adoucissent le sort du prévenu, rétroagissent, car
elles sont considérées comme faisant corps avec la loi interprétée, et celle-ci est réputée avoir
eu dès l'origine le sens défini par la loi interprétative166.
Les lois interprétatives en matière pénale s’appliquent à compter de la date du texte qu’elles
interprètent167.
161
Paris, 6 et 21 avril 1891, S., 1891, II, 152 et 133, cité par Frédéric DESPORTES, Le nouveau droit pénal, Tome 1,
Droit pénal général, 5è éd. , Economica, Paris, 1998, pp. 272-3.
162
MERLE et VITU, 1977, n° 259.
163
Voir Frédéric DESPORTES et al. , op. cit., pp. 272-282 ; Crim. 10 mai 1961, Bull. n° 248 ; R.S.C. 1962, 92, obs.
LEGAL.
164
Crim., 5 juillet 1971, Martin, J.C.P. 1972. II. 17039, note VITU.
165
Crim. 6 mai 1942, Desroziers, J.C.P., 1942. II. 1910.
166
Elis., 12 janvier 1943, R.J.C.B., 41.
66

II. Les lois portant mesures de sûreté


La doctrine dominante est que, les mesures de sûreté étant prises dans l'intérêt des délinquants,
elles doivent recevoir application même s'il s'agit des faits commis antérieurement à l’entrée en
vigueur de la loi nouvelle.
Ainsi, les mesures applicables aux mineurs reconnus coupables d’infraction n’étant pas des
peines et introduisant un système plus favorable pour le délinquant, peuvent être appliquées à
des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle168.
III. Problème posé par les lois temporaires et les lois de circonstances
Les lois temporaires assignent un terme à leur application dans le temps. Lorsqu'une loi est
pour un temps déterminé et qu'elle vient d'être abrogée, la question est de savoir si un prévenu
peut être condamné pour des faits commis au temps où la loi était encore en vigueur.
Les lois de circonstances sont proches des lois temporaires en ce sens qu'elles sont aussi prises
pour réglementer une situation provisoire. C'est le cas de nombreuses réglementations pendant
les périodes de crise et de difficultés économiques.
Le droit constitutionnel positif veut que l’acte ne soit punissable que s’il constitue une
infraction à la fois au moment des faits et au moment des poursuites ou de la condamnation.
Ainsi, le prévenu ne peut être condamné pour des faits commis sous l'empire d'une loi
temporaire ou de circonstance qui vient d'être abrogée. Le législateur ne saurait y déroger,
s'agissant là d'un principe constitutionnel.
Il en serait autrement lorsque la loi qui incriminait les faits mis à charge d’un prévenu a été
abrogée, mais qu’au moment du prononcé du jugement ces mêmes faits sont incriminés par une
nouvelle loi. Le juge qui déclare ces faits établis ne peut infliger que les peines prévues par la
loi antérieure, si celle-ci prévoit les peines les moins graves169.

IV. Problème posé par la dérogation légale


Bien que la loi nouvelle soit plus sévère que la loi ancienne, le législateur peut-il disposer
expressément qu'elle rétroagira ?
Et inversement, malgré le caractère doux de la loi nouvelle, le législateur peut-il décider qu'elle
ne régira que l'avenir, laissant ainsi la loi ancienne continuer à régir les faits accomplis sous son
empire ?

167
Crim., 21 oct. 1943, Civrais, S. 1944.1.29., note H. Mazeaud.
168
Crim., 11 juin 1953, Merbouche, J.C.P. 1953.II.7708, note J. BROUCHOT ; R.S.C, 1954.117, obs. Legal.
169
Cass., 7 nov. 1995, R.D.P.C., 1996, 1165.
67

Dans le cadre du droit positif congolais, le principe de la non rétroactivité de la loi pénale, de
même que son exception d'application des lois plus douces sont constitutionnels.
Par ailleurs, nous savons que la République Démocratique du Congo a adhéré à la Déclaration
universelle des droits de l'homme et qu’elle a ratifié le Pacte International relatif aux Droits
Civils et Politiques. Il s’agit des deux instruments qui ont une force supérieure à la loi et qui
consacrent ce principe. La loi nouvelle ne saurait donc déroger aux principes du droit pénal
transitoire sans violer à la fois les dispositions constitutionnelles170 et les engagements
internationaux de la République Démocratique du Congo.
Cependant, il importe de préciser que le juge pénal congolais n'est pas juge de la
constitutionnalité. De sorte que l'on peut bien imaginer que le législateur promulgue une loi
pénale disposant expressément qu'elle rétroagit alors qu'elle est plus sévère, ou qu'elle ne
dispose que pour l'avenir alors qu'elle est plus douce.
Dans ce cas, le juge sera tenu d'appliquer la loi nouvelle, même si elle viole la constitution171.
Il s’agit là, bien sûr et pour nous répéter, d’une solution qui est valable dans tout système où le
juge répressif n’est pas juge de la constitutionnalité, et qui cesse de l’être dans un système
différent. Il en est ainsi, par exemple, du système américain, où le juge ne doit appliquer que les
règles qui lui paraissent conformes à la constitution: « Les américains ont reconnu aux juges le
droit de fonder leurs arrêts sur la constitution plutôt que sur les lois. En d’autres termes, ils
leur ont permis de ne point appliquer les lois qui leur paraîtraient inconstitutionnelles »172.
De même, en Italie, le juge a le pouvoir de saisir la Cour constitutionnelle pour vérifier la
validité d’une loi quelle que soit l’ancienneté de la promulgation de celle-ci. La décision qui
sera prise par cette haute juridiction sera opposable à tous (erga omnes)173.

§ 2. APPLICATION DANS LE TEMPS DES LOIS DE PROCEDURE


Il faut retenir comme principe l'application immédiate des lois nouvelles. Toutefois, ce principe
connaît certaines dérogations qu'il faudra relever.
A. APPLICATION IMMEDIATE DES LOIS NOUVELLES DE PROCEDURE
Le problème, relatif à la procédure, de conflit des lois de forme se pose lorsqu'une loi nouvelle
entre en vigueur alors que la procédure est déjà engagée, mais n'est pas encore terminée. La loi

170
Art. 112 de l'Acte constitutionnel de Transition et 198 de la Constitution Fédérale du Congo.
171
Voir STEFANI, LEVASSEUR et BOULOC, Droit pénal général, 11e éd., Dalloz, Paris, 1980, p. 167.
172 er
Alexis de TOCQUEVILLE, De la démocratie en Amérique, Tome 1 , Ed. M. Th. Génin, Librairie de Médicis, Paris,
1951, p. 147.
173
J. PRADEL, op. cit., n° 158.
68

nouvelle acquiert-elle aussitôt application ? La réponse est positive. Toutefois, il faut relever ici
une certaine imperfection terminologique chez des auteurs qui ne font pas la distinction entre
l'effet rétroactif et l'effet immédiat de la loi et qui, de manière inexacte, disent ou écrivent que
la loi nouvelle rétroagit174.
En fait, la loi nouvelle de forme ne saurait rétroagir, à moins d'une volonté claire et expresse du
législateur. Il serait contraire aux intérêts du justiciable et de la société si tous les actes
procéduraux accomplis sous l'empire de la loi ancienne pouvaient être anéantis d'un coup par
l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.
Nous comprendrons mieux la différence entre la rétroactivité et l'application immédiate de la
loi nouvelle, si nous retenons qu'au problème de conflit des lois de forme, trois solutions
peuvent théoriquement être apportées :
- La survie de la loi ancienne
- La rétroactivité de la loi nouvelle et
- L'application immédiate de la loi nouvelle.
La survie de la loi ancienne implique que celle-ci continue à régir les procédures qui ont
commencé sous son empire, la loi nouvelle ne devant alors s'appliquer qu'à celles engagées
après son entrée en vigueur.
Cette solution doit être écartée, car les lois de procédure sont censées être faites pour une
meilleure administration de la justice et il serait contraire à cet intérêt de maintenir en vigueur
des lois dont, par la promulgation et l’entrée en vigueur des nouvelles, on reconnaît les lacunes
et les faiblesses.
La rétroactivité de la loi nouvelle a comme conséquence d'abolir même pour le passé les effets
de la loi ancienne et de régir les procédures en cours depuis qu'elles ont commencé. Seules lui
échappent les procédures qui ont conduit à un jugement définitif.
Le rejet de cette solution s'explique par le tort qu'elle causerait aussi bien au délinquant qu'à la
société. Elle créerait une insécurité juridique pour le justiciable et entraînerait des coûts
injustifiés pour la justice.
L'application immédiate de la loi nouvelle conduit à ce que jusqu'à son entrée en vigueur, les
instances soient régies par la loi ancienne, et qu’aucun effet de celle-ci ne soit mis en cause.

174
Voir notamment GARRAUD, Traité, I, n° 160, DONNEDIEU de VABRES, 1959, BOUZAT et PINATEL, II, n° 63 ;
Traité, I, n° VIDAL et MAGNOL, II, n° 60
69

« Une loi nouvelle relative à la procédure stricto sensu laisse intacts les actes qui ont été
accomplis sous l’empire de la loi ancienne »175.
Mais dès son entrée en vigueur, la loi nouvelle s'applique aux instances en cours et à toutes
celles qui naîtront par la suite.
Il a été jugé qu’une loi nouvelle en matière de procédure pénale a un effet immédiat et
s’applique à toutes les actions publiques nées avant son entrée en vigueur et non encore
prescrites à cette date en vertu de la loi ancienne176.
Tel est le sens de l'effet immédiat de la loi nouvelle. Faite pour une meilleure administration de
la justice et dans l'intérêt de la collectivité et de l'individu, la loi nouvelle ne peut ni attendre, ni
rétroagir, à moins que le législateur, de manière expresse, n'en décide autrement177. La loi
nouvelle reçoit application immédiate en ce qui concerne l'exécution des peines et des mesures
de sûreté, à la condition toutefois qu’en ce qui concerne les peines, la loi nouvelle n’ait pas
« pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de
condamnation »178.
B. QUELQUES DEROGATIONS

I. En ce qui concerne les lois de compétence ou d’organisation judiciaires


La loi nouvelle ne peut recevoir application immédiate, lorsque l'affaire a déjà fait l'objet d'un
jugement sur le fond en premier ressort179.
Ainsi, on ne doit pas retenir l'application immédiate d'une loi nouvelle qui changerait la
juridiction d'appel à un prévenu déjà jugé en grande instance.
De même, en application d’une disposition qui fait partie du droit constitutionnel positif
congolais180, le Gouvernement peut suspendre l'action répressive des juridictions ordinaires au
profit de juridictions militaires. Si, en ce moment-là, une affaire est déjà jugée au premier degré
et que l'une des parties veuille aller en appel, elle s’adressera aux juridictions de droit
commun181.
II. Les lois relatives aux modes de preuve

175
Crim., 8 déc. 1899, Jacob, Bull. crim., n° 356; S. 1902.1.101; PRADEL et VARINARD, op. cit., p. 178.
176
Cass., ch. Réun., 5 avril 1996, in R. D. P. C., 634.
177
Voir MERLE et VITU, op. cit., n° 181.
178
Article 112-2, 3° du NCPF.
179
Crim, 7 juil. 1871 ; S., 1876.1.85 ; 20 juin 1946, J.C.P. 1947. II. 3391, note HEBRAUD ; 23 mars 1960, B., 164 oct.
1962, B., 276
180
Article 77 de l’Acte de Transition.
181
Voir LIKULIA, Droit pénal militaire zaïrois, I, L.G.D.J., Paris, 1977, p. 217.
70

Elles donnent lieu à des discussions, certains estimant qu'elles ne sont pas de forme mais plutôt
de fond et qu'en conséquence, il faut appliquer la loi nouvelle si elle est favorable au prévenu.
Elle sera favorable notamment si elle prévoit un mode de preuve plus facile pour le prévenu ou
si elle est plus exigeante à l'égard du ministère public182.
D'autres rejettent cette façon d'envisager le problème, d'autant plus qu'il ne serait pas facile de
déterminer toujours la loi la plus favorable. Et se basant sur certaines décisions
jurisprudentielles183, ils sont d'avis que le droit de la preuve est régi par la loi en vigueur au
moment où la preuve doit être établie. Cela revient à consacrer l'application immédiate de la loi
nouvelle.
Comme nous l’avons écrit par ailleurs, il est évident que les lois relatives à la preuve font partie
de la procédure et, en conséquence, nous devons reconnaître aux lois nouvelles une application
immédiate, à moins d’une disposition légale expresse et contraire.

III. Les voies de recours


Elles doivent être régies, non par une loi nouvelle (qui supprimerait par exemple une voie de
recours ou abrégerait le délai de l'exercer), mais plutôt par la loi en vigueur lors du jugement.
La jurisprudence est unanime pour décider que la loi nouvelle est systématiquement sans
intérêt, qu’elle allonge ou raccourcisse le délai, ou qu’elle supprime une voie de recours184.
La même jurisprudence a connu une consécration légale par le NCPF qui, en son article 112-3,
dispose : « Les lois relatives à la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours ainsi qu’aux
délais dans lesquels elles doivent être exercées et à la qualité des personnes admises à se
pourvoir sont applicables aux recours formés contre les décisions prononcées après leur entrée
en vigueur ».
A contrario, ces mêmes lois ne sont pas applicables aux recours formés contre les décisions
prononcées avant leur entrée en vigueur.

Toutefois, si le droit de recours doit être maintenu en vertu de la loi ancienne, sa forme
d'exercice doit être soumise à la loi nouvelle, c’est-à-dire celle qui est en vigueur le jour où ce
recours est exercé185Erreur ! Signet non défini..

182
Voir LEVASSEUR, in R.S.C., 1966, 1 et s.; BOUZAT et PINATEL, op. cit., II, n° 1693.
183
Crim. 23 oct. 1807 cité par MERLE et VITU, op. cit., n°186. 15 déc. 1922, B., 414.
184
RADEL et VARINARD, op. cit., pp. 180 et s.
185
NCPF, art. 112 in fine.
71

Illustrons ce qui précède en recourant à notre code de procédure pénale qui prévoit deux voies
de recours ordinaires: l'opposition et l'appel.
L'opposition est faite dans les dix jours qui suivent la signification du jugement par défaut (art
89 et 90). Elle peut être faite par le condamné par défaut, la partie civile et la partie civilement
responsable.
Une loi nouvelle qui entrerait en vigueur après le jugement par défaut et avant l'expiration du
délai de 10 jours ne saurait remettre en cause ce droit d'opposition. De même, une loi nouvelle
ne saurait remettre en cause le délai de dix jours ni le droit d'opposition de l'une des parties qui
y ont droit.
Par contre, la loi nouvelle peut avoir un effet sur la forme d'exercice du droit d'opposition.
L'article 91 prévoit que l'opposition peut être faite, soit par déclaration en réponse au bas de
l'original de l'acte de signification, soit par déclaration au greffe du tribunal qui a rendu le
jugement, soit par lettre missive adressée au greffier du même tribunal.
La loi nouvelle peut disposer que la simple lettre missive adressée au greffe est la seule forme
possible. Celle-ci s'imposera à toute partie bénéficiaire de l'opposition, à l'exclusion de la
déclaration.
Tout ce que nous relevons au niveau de l'opposition vaut aussi pour l'appel.
Ainsi donc, et pour nous résumer, la nature des voies de recours, leurs cas d’ouverture, les
personnes admises pour les exercer et les délais de leur exercice sont déterminés en vertu de la
loi applicable au jour du prononcé de la décision querellée186.
IV. Les lois nouvelles relatives à la prescription

Elles donnent lieu à controverse.


Selon que l'on considère la prescription comme relevant du fond ou de la forme, on estime qu'il
faut appliquer la loi nouvelle si elle est favorable au prévenu, ou alors qu'il faut immédiatement
appliquer la loi nouvelle, qu'elle soit favorable ou non.
Ces deux façons de voir divisent toujours la jurisprudence et la doctrine.
G. MINEUR, le premier commentateur du code pénal congolais, est d'avis «qu'en cas de
changement de la durée de la prescription, le texte le plus favorable au prévenu doit être
appliqué»187. Le texte sera considéré comme favorable lorsqu'il réduit la durée de la

186
Voir aussi PRADEL et VARINARD, Les grands arrêtés, tome I, pp. 180-187 ; Crim. 26 juillet 1928, D. 1929. 1. 126
(arrêt QUILICI).
187
Op. cit., p. 15.
72

prescription, et comme défavorable, lorsqu’il l’augmente. MINEUR considère donc les lois
relatives à la prescription comme des lois de fond.
Le nouveau code pénal français se prononce aussi pour l’application de la loi favorable188 et, de
ce fait, renforce la tendance qui considère les lois relatives à la prescription comme des lois de
fond.
Par contre, la jurisprudence belge semble considérer les lois relatives à la prescription comme
des lois de procédure et leur confère, en conséquence, une application immédiate, qu’elles
soient favorables ou non. C’est ainsi qu’il a été jugé que :
« La loi nouvelle qui augmente le délai de prescription de l’action publique
s’applique aux actions nées avant son entrée en vigueur et non encore prescrites à
cette date »189.
Pour notre part, nous pensons qu’en l’état actuel de notre droit, on ne peut nier que la
prescription relève de la procédure, et donc de la bonne administration de la justice. Aussi,
toute loi y relative doit-elle recevoir une application immédiate, qu’elle allonge ou raccourcisse
la durée de la prescription. Seule une disposition légale expresse imposerait une solution
contraire.
V. Les lois relatives à la poursuite (mise en mouvement ou exercice des
poursuites)
En prenant en compte le lien étroit entre le droit lui-même et l’action publique, elles étaient
assimilées aux lois de fond et la loi nouvelle en la matière suivait alors les règles déjà étudiées,
à savoir : principe de non-rétroactivité et application de la loi nouvelle plus douce190.
La loi est sévère lorsqu'elle facilite les possibilités de la répression, et douce lorsqu'elle les
restreint191.
Cependant, des arrêts récents de la Cour de cassation française ont considéré que les lois
relatives à l’action publique et aux modalités de leur application, étaient de forme192.
De même, le Nouveau code pénal français, en son article 112-2-2° les déclare de forme et
immédiatement applicables.
SECTION V L'APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS L'ESPACE

188
Art. 112-2, 4°.
189
Cour d’appel de Mons, 16 juin 1995, R. D.P.C., 1996, 220 ; Cass., 22 sept. 1999, R.D.P.C., 2000, 501.
190
Crim., 26 août 1940, G.P., 2, 23 ; R.S.C. 1940, 377, obs. DONNEDIEU de VABRES.
191
J. PRADEL, op. cit., n° 173.
192
Crim., 9 avril 1970, B, 115 ; 15 février 1973, B, 83.
73

Le problème essentiel qui se pose ici est de déterminer la loi applicable lorsqu'une personne,
auteur de l'infraction, se trouve lors des poursuites, dans un pays différent du lieu du crime, ou
lorsque l'infraction commise à l'étranger lèse néanmoins les intérêts d'un Etat déterminé.
On saisit l'importance et la réalité de ce problème lorsqu'on sait combien les frontières sont
devenues perméables suite aux moyens modernes de communications et de transports.
Certaines formes de criminalité n'atteignent d'ailleurs leur maximum d'efficacité que si le
délinquant ou l'association des délinquants peuvent opérer sur plusieurs territoires à la fois : un
vol se commet à Kinshasa, mais le butin ne sera en sécurité qu'à Brazzaville. Un meurtre se
commet à Zongo, le meurtrier cherchera vite son refuge à Bangui, etc.
Dans tous ces cas, la question qui se pose est celle de déterminer la loi nationale applicable,
entre celle de la République Démocratique du Congo, de la République du Congo, de la
République Centrafricaine, ou tout autre Etat intéressé.
Par ailleurs, les crimes les plus graves intéressent la Communauté internationale et les Etats qui
la composent, de sorte que plusieurs Etats peuvent se sentir concernés par les poursuites, soit
parce qu’un crime grave a été commis par ou contre leurs ressortissants, soit parce que le crime
a été commis sur leur territoire, soit encore parce que le criminel supposé se trouve sur leur
territoire. Il faut départager ces Etats quant à leurs possibilités d’assurer les poursuites.
L'objet de cette section est notamment de fournir des réponses à ce genre de questions. Nous
allons d'abord exposer les systèmes doctrinaux, indiquer celui auquel appartient le droit
congolais, exposé, enfin, les mécanismes de la coopération contre le crime.
§ 1. LES SYSTEMES DOCTRINAUX
La doctrine distingue trois systèmes :
- La territorialité de la loi pénale ;
- La personnalité de la loi pénale ;
- L'universalité de la loi pénale.
A. LA TERRITORIALITE DE LA LOI PENALE
(Lex loci delicti)
Ce principe veut que la loi pénale s'applique à tous les individus, quelle que soit leur nationalité
ou celle de leurs victimes, qui ont commis une infraction sur le territoire du pays dans lequel
cette loi est en vigueur.

I. Les arguments en faveur de ce système


74

Ils sont de quatre ordres: l’intérêt social, une meilleure justice, le respect du principe de légalité
et l’exercice de sa souveraineté par l’Etat du lieu de la commission de l’infraction.
a) L'intérêt social
Il convient que l'infraction soit jugée le plus près possible du lieu où elle a été commise, car
c'est là qu'il y a eu trouble social et c'est celui-ci qu'il faut apaiser. Bien plus, l'effet intimidant
que l'on attend de la peine est plus assuré. BECCARIA ne dit pas autre chose lorsque, justifiant
la compétence territoriale, il écrit : « Un crime ne peut être puni que dans le pays où il a été
commis, parce que c’est là seulement et non ailleurs, que les hommes sont forcés de réparer,
par l’exemple de la peine, les funestes effets qu’a pu produire l’exemple du crime »193.
b) Une meilleure justice
Le juge local connaît sa loi nationale et pourra donc en faire une bonne application alors que le
recours au droit étranger, qu'on ne connaît pas ou qu'on connaît difficilement, compromettrait
sérieusement une saine justice. Par ailleurs, la procédure est facilitée lorsqu'elle a lieu sur le
territoire de l'infraction. Les enquêtes peuvent être facilement conduites, les indices peuvent
être mieux recueillis et l’audition des témoins devient possible et peu coûteuse.
La preuve serait autrement difficile si le délinquant étranger était jugé dans son pays d'origine,
sans parler des frais considérables que cela entraînerait.
c) Le respect du principe de légalité
On suppose en effet que le délinquant connaissait la loi pénale en vigueur dans le pays où il a
posé son acte. Par contre, il n'est pas exclu qu'on le surprenne en lui appliquant sa loi nationale
qu'il pouvait effectivement ignorer.
d) Exercice de sa souveraineté par l'Etat de la commission de l'infraction
Le maintien de l'ordre et de la sécurité à l'intérieur de ses frontières est un attribut essentiel de
la souveraineté de l'Etat. Toute infraction aux lois qu'il édicte est une atteinte à son autorité,
qu'il a le droit et le devoir de sanctionner. Inversement, le délit commis à l'étranger lui échappe
; il est pour lui «res inter alios acta.»194
II. Le reproche encouru par le système de la territorialité

Ce système, appliqué strictement, n'offre pas pleine satisfaction. Il est de nature à assurer
l'impunité du délinquant dans de nombreux cas. Il en sera ainsi lorsque le lieu de l'infraction
n'est pas connu ou déterminé ou lorsqu'il ne relève d'aucune souveraineté territoriale (piraterie,

193
Traité des délits et des peines, § 21.
194
MERLE et VITU, op. cit., 194.
75

détérioration des câbles sous-marins, de satellites, etc.). De même, on se trouve devant un cas
d'impunité si un délinquant, après avoir commis une infraction à l'étranger, regagne son pays.
Celui-ci ne pourra pas le punir car le crime n'a pas été commis sur son territoire. Le pays du
lieu de l'infraction ne pourra pas le punir, car cela supposerait que le pays d'origine extrade le
criminel. Or, comme nous aurons l'occasion de le préciser, on n'extrade pas ses propres
nationaux. On verrait ainsi un délinquant dangereux échapper à toute justice répressive195. C'est
devant de telles insuffisances que d'autres systèmes ont été imaginés.

B. LA PERSONNALITE DE LA LOI PENALE


Au lieu que la loi pénale s'attache au territoire de l'Etat où elle est en vigueur, elle est liée aux
personnes qu'elle suit partout où elles se trouvent.
Ce système se dédouble selon que les personnes sont des délinquants ou des victimes : on parle
alors de personnalité active et de personnalité passive.
I. Principe de la personnalité active
Dans ce cas, la loi pénale s'applique aux infractions que commettent, en quelque lieu que ce
soit, les nationaux de l'Etat déterminé. Le délinquant est jugé d'après sa loi d'origine et ne
relève que des tribunaux de son pays.
Ce système a été justifié en se fondant sur l'idée que la loi nationale est mieux adaptée à la
personne du délinquant et que le juge national sera plus juste qu'un juge étranger.
Le principe de la personnalité active, dite aussi de la compétence personnelle active, a été en
vigueur dans le droit ecclésiastique et le droit du Moyen Age européen. Actuellement, il
n'existe qu'à titre de correctif. C'est ainsi qu'il est appliqué aux stationnements militaires.
Ainsi, lorsque les troupes congolaises ont séjourné au Tchad en 1983, leurs membres relevaient
du code de justice militaire congolais et non de la législation tchadienne.
Le NCPF accepte le principe de la personnalité active (compétence de la loi et de la juridiction
françaises pour tout crime ou tout délit commis par un français) dès lors qu’il y a réciprocité
d’incrimination avec la législation du pays de commission196. En d’autres termes, la loi

195
Ce problème s'est posé avec les supporters de Liverpool qu'on appelle les «hooligans» et qui lors de la finale
de la Coupe d'Europe des Clubs champions de football qui a opposé, le 29 mai 1985, leur équipe à Juventus de
Turin au stade bruxellois du Heysel, ont massacré les supporters italiens (plus de 40 morts) et ont regagné leur
pays, l'Angleterre. La question se posait en ces termes : Doivent-ils être jugés en Angleterre, et cela est-il
possible, ou doivent-ils être livrés à la Belgique ? Voir D. VANDEN-BOSSCHE, Le droit pénal anglais confronté aux
crimes et délits commis par les hooligans au Heysel, in R.D.P.C., 1986, 447-463. Finalement, le 09 septembre
1987, la justice britannique a extradé 25 hooligans en Belgique pour y être jugés.
196
Article 113-6 du NCPF et article 689 du code français de procédure pénale.
76

française sera compétente à la condition que l’infraction, punissable par le droit français, le soit
aussi par le droit pénal du pays où elle a été commise.
II. Principe de la personnalité passive
Selon ce principe, la loi pénale suit les ressortissants de l'Etat où elle est en vigueur et
s'applique à toutes les infractions dont ils sont victimes, où qu'ils se trouvent.
Ce principe est justifié par l'idée que la loi pénale de la victime est la plus à même d'assurer sa
protection.
Cependant, il n'est pas à l'abri des critiques.
a) D'abord, le juge de la nationalité de la victime peut être partial.
b) Ensuite, adopté à titre de principe général, ce principe ne serait pas en mesure d'assurer
une bonne justice; celle-ci sera inefficace et coûteuse, deux inconvénients qu'évite l'application
du principe de la territorialité.
Actuellement, on trouve l'application de la compétence personnelle passive dans certains cas où
la victime de l'infraction est l'Etat lui-même, blessé dans ses intérêts essentiels.
C. SYSTEME DE L'UNIVERSALITE DU DROIT DE PUNIR (Judex deprehensionis)

I. Définition
Ce système, dit aussi de la compétence universelle de la loi pénale, donne au juge du lieu
d'arrestation le pouvoir de juger toutes les infractions, quel que soit le lieu de leur commission,
sans égard à la nationalité du délinquant ou des victimes.
On fait remonter ce système à une période fort ancienne (JUSTINIEN). Mais on reconnaît à
GROTIUS le mérite de l'avoir systématisé. L'auteur de «De jure belli ac pacis» (1625) disait du
délinquant trouvé sur le territoire national : aut dedere, aut punire (Extrader ou punir).
En fait, en n’extradant pas, l’Etat ne s’engage pas à punir, mais plutôt à poursuivre. Or,
poursuivre ne veut pas dire nécessairement juger, et encore moins condamner ou punir. Aussi,
le principe « Aut dedere, aut punire » pourrait-il aujourd’hui connaître une nouvelle
formulation : « Aut dedere, aut persequi ». « Extrader ou poursuivre »197.
Ce système de la compétence universelle suppose une communauté d'intérêts entre les Etats. De
nombreuses conventions internationales existent sur certains problèmes qui troublent
gravement l'ordre public international; elles engagent les Etats soit à poursuivre soit à extrader
les individus qui se rendraient coupables de certains faits précis.

197
Voir Gilbert GUILLAUME, La compétence universelle : formes anciennes et nouvelles, in Mélanges offerts à
Georges LEVASSEUR, Droit pénal, droit européen, Gazette du Palais – Litec, Paris, 1992, pp. 31 et s.
77

II. Les infractions ou les atteintes à l’ordre public international


Parmi les atteintes les plus graves à l'ordre public international, figurent certainement les crimes
définis par le statut portant création du Tribunal militaire international de Nuremberg, chargé
de juger les nazis. Il s'agit des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité.
Le Tribunal Militaire International pour l’Extrême-Orient fut institué le 19 janvier 1946, et
installé à Tokyo. Sa charte était fortement inspirée du Statut de Nuremberg et prévoyait les
crimes de même nature, mais seuls les individus accusés de crimes contre la paix devaient
comparaître.
Les crimes contre la paix consistent en des initiatives d'invasions d'autres pays et de guerres
d'agression en violation des lois et des traités internationaux.
Les crimes de guerre sont des atrocités et délits commis sur des personnes ou des biens en
violation des lois et usages de la guerre tels que les assassinats, les mauvais traitements de
prisonniers de guerre, les meurtres d'otages, la destruction sans motif des cités, des villes ou
villages, etc.
Les crimes contre l'humanité sont des atrocités et délits tels que l'assassinat, l'extermination, la
mise en esclavage, la déportation, l'emprisonnement, la torture, le viol ou autres actes
inhumains commis contre les populations civiles pour leur appartenance politique, ethnique,
raciale, philosophique ou religieuse198.
Par ailleurs, le droit international classique admettait déjà un cas de compétence universelle
absolue et sans aucune restriction, celui de la piraterie199. Et ceci est repris aujourd’hui à
l’article 105 de la Convention des Nations Unies de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le
droit de la mer.
De même, la convention du 20 avril 1929 sur le faux monnayage reconnaît aussi la possibilité
pour un Etat de poursuivre et de punir les étrangers se trouvant sur son territoire pour des
infractions de faux monnayage commises à l’étranger, qu’il s’agisse de monnaies nationales ou
étrangères200.
Quant aux autres atteintes à l'ordre public international, nous pouvons nous référer, à titre
d'exemples, aux conventions et traités:
- Sur les publications obscènes (1923) ;

198
Article 2 de la loi n° 10 du Conseil de Contrôle.
199
Voir Gilbert GUILLAUME, La compétence universelle : formes anciennes et nouvelles, in Mélanges offerts
à Georges LEVASSEUR, droit pénal, droit européen, Gazette du Palais – Litec, Paris, 1992, p. 31.
200
Recueil des Traités, Société des Nations, vol. 12, p. 371.
78

- Sur la répression de la capture illicite d'aéronef ( La Haye, 1970) ;


- Sur la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile (Montréal,
1948) ;
- Sur l'élimination et la répression du crime d'apartheid (1973) ;
- Sur le génocide (Paris, 1948) ;
- Sur le faux monnayage (1929) ;
- Sur l’abolition de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques
analogues à l’esclavage (Convention supplémentaire adoptée à Genève le 7 novembre 1956) ;
- Sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité (1968) ;
- Sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965) ;
- Sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (New York,
18 décembre 1979) ;
- Sur la répression de la traite des humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui
(1949) ;
- Sur la répression du trafic illicite des drogues nuisibles (1936) ;
- Sur les droits de l’enfant (20 novembre 1989) ;
- Sur la répression des attentats terroristes à l’explosif (New York, 1998) ;
- Sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection (Montréal, 1er
mars 1991) ;
- Les Conventions de type humanitaire de Genève du 12 août 1949, ainsi que leurs
protocoles additionnels, etc.
Toutes ces conventions forment la base de ce qu'on appelle aujourd'hui le droit international
pénal, branche du droit international public, constituée par l'ensemble des règles imposées à la
communauté internationale en vue d'assurer l'ordre public international (paix et droits de
l'homme) au besoin par des sanctions pénales.
Peuvent se rendre coupables de la violation de ces règles aussi bien les Etats, leurs dirigeants
que leurs agents201, ainsi que des particuliers.
Chaque Etat signataire d'un traité ou d'une convention visant la sauvegarde d'un intérêt essentiel
à l'ordre public international s'engage à poursuivre ou à extrader l'auteur présumé de
l'infraction, si ce dernier est découvert sur son territoire.
La CDI a mis au point un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité.

201
S. GLASER, Droit international pénal conventionnel, Vol. II, Bruylant, Bruxelles, pp. 7 et 244.
79

III. La répression

Après Nuremberg et Tokyo, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a créé respectivement en
1993 et en 1994, deux tribunaux ad hoc chargés de juger les personnes présumées coupables
des violations graves de droit humanitaire au Rwanda et en ex-Yougoslavie.

Le Tribunal de Nuremberg a rendu son jugement le 1er octobre 1946. Il a prononcé :


- 12 condamnations à mort par pendaison ;
- 3 condamnations à vie ;
- 2 condamnations à 20 ans de prison ;
- 1 condamnation à 15 ans ;
- 1 condamnation à 10 ans ;
- 2 acquittements.
Toutes les peines ont été exécutées, y compris celle prononcée contre GOERING qui,
condamné à mort, a préféré exécuter lui-même la sentence, en se suicidant.
Le Tribunal de TOKYO a rendu son jugement du 04 au 12 novembre 1948. Il a prononcé
- Sept condamnations à mort ;
- Seize condamnations de prison à vie ;
- Une condamnation à vingt ans de prison ;
- Une condamnation à sept ans.
Deux personnes, NAGANO et MATSUOKA étaient décédées pendant le procès, et la
propagandiste OKAWA avait échappé au jugement pour maladie mentale202.
Le droit international pénal vient de franchir le pas le plus décisif avec la création en 1998,
d’une Cour pénale internationale permanente, appelée la Cour Pénale Internationale, et dont le
siège est à La Haye.
IV. Le droit pénal international
Le droit international pénal n'est pas à confondre avec une autre discipline plus ancienne qu'on
appelle « droit pénal international ». « Il s'attache aux conflits d'autorité (compétence
internationale, extradition, effets internationaux des jugements répressifs...) et aux conflits de
lois pénales»203.
§ 2. LE DROIT POSITIF CONGOLAIS
202
Isabelle FLANDROIS, Le procès de Tokyo, in Les procès de Nuremberg et de Tokyo, sous la direction d’Annette
WIEVIORKA, pp. 159-177.
203
J. PRADEL, op. cit., n° 49.
80

Disons d'emblée qu'il existe une certaine controverse autour de la question de savoir quel est le
système applicable en République Démocratique du Congo.
Des auteurs comme MINEUR204 ou LAMY205 enseignent que le principe applicable est celui de
la territorialité. Par contre, le professeur KALOMBO MBANGA estime que le droit congolais
applique l'universalité des poursuites206.

Cette controverse peut disparaître à notre avis si l'on procède comme nous avons fait :
- Avoir une vue théorique exacte des systèmes en présence. C'est ce que nous venons de
faire dans le paragraphe précédent ;
- En faire une application fidèle aux textes sans jamais perdre de vue que ceux-ci doivent
être strictement interprétés.
A. SIEGE DE LA MATIERE
La matière est réglementée par les articles 2 et 3 du CP, l'article 14 du code civil, livre 1er et
l'article 2 de l'A.R. du 22 décembre 1934.
La lecture de ces textes nous convainc de l'existence du principe de la territorialité. Mais celui-
ci est accompagné de deux correctifs empruntés successivement au système de l'universalité et
à celui de la personnalité passive.
B. SYSTEME EN VIGUEUR
I. Principe de territorialité
Il est posé clairement par l'article 2 : «L'infraction commise sur le territoire de la République
est punie conformément à la loi».
Il est renforcé par l'article 14 CC, Livre 1er (D. du 20 février 1891) : «Les lois pénales ainsi que
les lois de police et de sûreté publique obligent tous ceux qui se trouvent sur le territoire de
l'Etat.»207
Enfin, l'article 2 de l'A.R. du 22 décembre 1934 stipule: «En matière répressive, le ministère
public recherche les infractions aux lois, aux décrets, arrêtés, ordonnances et règlements, qui
sont commises sur le territoire de la République».

a) Définition du territoire

204
Op. cit., p. 16.
205
Cours, op. cit. p. 160.
206
Voir notes des étudiants, année académique 1980-1981.
207
Il faut relever que le titre II du code civil, livre I dont fait partie l'article 14, n'a pas été abrogé par le code de la
famille (Voir l'article 915 de ce même code)
81

Par territoire congolais, il faut entendre :


- Le sol congolais,
- La mer territoriale (12 miles de rivage)208;
- L'espace aérien ;
- Les navires de commerce ou de plaisance en eaux internationales;
- Les navires de guerre …
Les forces armées stationnant en pays étranger non ennemi sont considérées comme se trouvant
sur le territoire national.
La question que l'on peut se poser est celle de déterminer la loi applicable lorsque les divers
éléments constitutifs de l'infraction ont été réalisés en partie en République Démocratique du
Congo et en partie à l'étranger.
Il suffit, pour que la loi congolaise soit applicable, qu'un des éléments constitutifs ait été réalisé
en République Démocratique du Congo, et qu'aucun jugement définitif n'ait été rendu à
l'étranger sur le même fait et quant à la même personne.

b) Statut des ambassades


Une précision s'impose à propos de l'exterritorialité des ambassades. Généralement, on dit que
les ambassades relèvent de la loi du pays qu'elles représentent. Est-ce si vrai que cela ?
Concrètement, si un diplomate américain ou un individu quelconque commet une infraction, un
meurtre par exemple, à l'ambassade des Etats-Unis, la loi congolaise n'aurait donc aucune prise
?
C'est la question de l'exterritorialité qui est posée. «Fiction!, dit Claude LOMBOIS209 que de
prétendre qu'un immeuble situé dans le 8ème arrondissement de Paris ou qu'un navire ancré
dans le port du Havre ne se trouvent pas en France!».
Et FAUCHILLE de renchérir en disant que l’exterritorialité est une « fiction inutile, vague,
fausse et partant dangereuse »210.
A défaut de sa disparition, la théorie d’exterritorialité est en recul, et son emploi devrait être
évité dans la mesure où elle accréditerait deux erreurs :
- Faire croire à certains diplomates qu’ils sont au-dessus des lois du pays d’accueil, alors
que c’est un principe de droit international que les étrangers, y compris les diplomates, qui se

208
Voir loi n° 74/009 du 10 juillet 1974, portant délimitation de la Mer Territoriale de la République
Démocratique du Congo in J.O., n° 16 du 15 août 1974, p. 689.
209
Claude LOMBOIS, Immunité, exterritorialité et droit d'asile en droit international pénal, in R.I.D.P., 1978, 498.
210
Cité par Philippe CAHIER, Le droit diplomatique contemporain, Droz, Genève, 164, p. 188.
82

trouvent sur le territoire d’un Etat sont tenus de respecter ses lois, même si cette dernière
catégorie d’étrangers bénéficient d’un traitement spécial (immunité de juridiction) leur
permettant d’accomplir leur mission ;
- Faire croire à l’opinion que les immeubles d’ambassade font partie d’un territoire autre
que celui où ils se trouvent211.

c) Statut des aéronefs


Il faut distinguer selon qu'ils sont en vol ou en arrêt.
Pendant le vol et pour ce qui se passe à l'intérieur, la loi du territoire survolé est sans possibilité
d'application effective. Seule la loi du pavillon est applicable. Cependant, en cas d'atterrissage,
la loi du lieu devient applicable pour les infractions perpétrées en vol.
En cas d'arrêt, seule la loi du lieu d'atterrissage est applicable. Mais si l'atterrissage est forcé,
l'avion est considéré comme en vol, jusqu'à ce que les personnes et les biens soient pris en
charge par l'autorité compétente. En attendant, seule la loi du pavillon s'applique.
d) Statut des navires
La règle est la loi du pavillon. Le code congolais de la navigation maritime prévoit que « les
infractions commises à bord des navires congolais sont réputées commises au Congo et peuvent
y être poursuivies même si l’inculpé n’est pas trouvé sur le territoire du Congo. »212
Il s’agit là d’une illustration de la loi du pavillon.
Toutefois, celle-ci cédera
1) Si l'infraction a été commise par ou contre une personne qui ne fait pas partie de
l'équipage ;
2) Si l'infraction a troublé la tranquillité du port ;
3) Si les autorités du navire ont demandé l'intervention des autorités locales.

211
Loc. cit.
212 er
Article 3, alinéa 1 .
83

II. Correctifs
L'article 3 comprend deux correctifs.
a) Correctif relevant du système de l'universalité
L'article 3, al. 1er du code pénal dispose :
«Toute personne qui, hors du territoire de la République Démocratique du Congo,
s'est rendue coupable d'une infraction pour laquelle la loi congolaise prévoit une
peine de servitude pénale de plus de deux mois, peut être poursuivie et jugée en
République Démocratique du Congo, sauf application des dispositions légales sur
l'extradition ».
Concrètement et en clair, cela veut dire que le tribunal congolais peut juger toute personne,
quelle que soit sa nationalité ou celle de sa victime, qui se sera rendue coupable, à l'étranger,
d'une infraction présentant une certaine gravité.
Cette disposition est facultative.
La gravité de l'infraction sera appréciée selon deux critères :
- Il faut que la loi congolaise prévoie aussi l'infraction (principe de la double
incrimination) ;
- Il faut que cette infraction soit punissable par la loi congolaise d'une peine supérieure à
deux mois.
La poursuite et le jugement du délinquant qui s'est rendu coupable d'une infraction à l'étranger
sont soumis à certaines conditions:
1. Il faut que l'infraction présente, comme nous venons de le voir, une certaine gravité. Sont
ainsi exclues de la possibilité de poursuite les infractions punissables en République
Démocratique du Congo de deux mois ou moins, ou de l'amende ;
2. Il faut que l'inculpé soit trouvé en République Démocratique du Congo au cours de
l'instruction au moins (sauf pour les infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat et à la foi
publique) ;
3. Il faut que l'inculpé n'ait pas encore été jugé définitivement à l'étranger et, en cas de
condamnation, n'ait pas subi ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce ou encore bénéficié de
l’amnistie (sauf pour les infractions d'atteinte à la sûreté de l'Etat et à la foi publique).
Ainsi, le droit congolais tient compte des situations juridiques nées à l'étranger et s'empêche
notamment de poursuivre dans les conditions qui viennent d'être précisées. Il s'agit de
l'application du principe «non bis in idem».
84

On ne pourra donc pas poursuivre un délinquant acquitté à l'étranger, ou dont le dossier a été
classé sans suite ou clos par un non-lieu. De même, on ne poursuivra pas celui qui, après avoir
été condamné, a exécuté sa peine, ou dont la peine a été prescrite. Enfin, on ne le poursuivra
pas s'il a été gracié ou amnistié. Si l'intéressé n'a subi qu'une partie de la peine et s'est ensuite
évadé, il pourra être poursuivi à nouveau213.
L’application du principe non bis in idem ne requiert pas seulement que les nouvelles
poursuites aient pour objet les mêmes faits que ceux de la cause précédemment jugée, mais
également que les premières poursuites définitivement jugées et les secondes poursuites
concernent la même personne214.
4. Il faut une requête du ministère public ;
5. Lorsque l'infraction lèse un particulier et qu'elle est punissable de 5 ans ou moins215 par la
loi congolaise, il faut ou bien que la partie offensée dépose une plainte, ou bien que l'autorité du
pays où l'infraction a été commise la dénonce officiellement à l'autorité judiciaire de la
République Démocratique du Congo216.
b) Correctif emprunté au système de la personnalité passive

Ce correctif apparaît à la lecture des alinéas 4 et 5 de l'article 3 du code pénal.


De l'alinéa 4, il ressort que le juge congolais est compétent pour les infractions commises à
l'étranger, attentatoires à la sûreté de l'Etat (titre VII) et à la foi publique telle que protégée par
les deux premières sections du titre III, sans qu'en aucun cas il puisse être tenu compte des
situations juridiques nées à l'étranger. Notamment, l'application du principe non bis in idem est
écartée car les intérêts en jeu sont tellement essentiels à la vie, à la sécurité et au crédit de l'Etat
que celui-ci estime qu'il ne peut en laisser le soin à personne d'autre. Il est seul en mesure d'en
assurer la protection et d'apprécier objectivement la gravité des atteintes dont ils peuvent être
l'objet.
L'article 5 fait comprendre que les atteintes à la sûreté de l'Etat et à la foi publique visées ci-
dessus sont poursuivables par les juridictions congolaises quelle que soit la nationalité du
coupable et quel que soit l'endroit où il se trouve, en République Démocratique du Congo ou à

213
G. MINEUR, op. cit., p. 25.
214
Cass., 7 nov. 1995, R.D.P.C., 1996, 751.
215
La mise à jour du code pénal réalisée en 1982 par le Service de Documentation du Département de la justice
parle de «5 ans au moins». Cette confusion, due certainement à une erreur matérielle, fait dire au texte le
contraire du sens voulu par le législateur.
216
G. MINEUR, loc. cit.
85

l'étranger. Cela veut dire notamment que pour ce type d'infractions, l'inculpé pourra être
poursuivi et jugé par défaut.
Le système de la personnalité passive est dit aussi «principe de réalité » lorsque la victime dont
la loi doit s'appliquer est l'Etat lui-même217.
§ 3. LA COOPERATION INTERNATIONALE CONTRE LE CRIME
La dimension internationale qu'acquiert la criminalité fait que le combat contre celle-ci ne peut
réussir sans une grande collaboration entre les Etats. Cette collaboration trouve son expression
la plus ancienne et la plus importante dans l'extradition. Cela ne saurait cependant nous faire
perdre de vue qu'il existe d'autres formes de collaboration internationale contre les crimes218.
A. L'EXTRADITION219
I. Définition
L'extradition est une procédure internationale par laquelle un Etat (dit Etat requis) accepte de
livrer un individu se trouvant sur son territoire à un autre qui en a fait la demande (Etat
requérant) afin que celui-ci puisse le juger ou, s'il est déjà condamné, lui fasse purger sa peine
ou exécuter une mesure de sûreté220.
Lorsque l'extradition est faite en faveur du pays où l'infraction fut commise, elle permet une
justice plus efficace, car le délinquant est jugé par le pays qui dispose de plus d'atouts pour la
recherche et la découverte de la vérité.
L'extradition se base juridiquement sur les traités que les Etats concluent entre eux afin de se
livrer mutuellement les délinquants les plus dangereux.
A notre connaissance, le seul texte qui, en dehors des traités, organise l'extradition est le décret
du 12 avril 1886. Son ancienneté appelle des adaptations.
II. Conditions d'extradition
a) L'Etat requérant
L'extradition est accordée sur demande de l'Etat requérant. On admet généralement que quatre
Etats peuvent se présenter à ce titre :

217
Voir notamment MERLE et VITU, op. cit., n° 195.
218
En matière de coopération internationale contre le crime, l’Europe peut se poser en modèle. Voir à ce sujet La
coopération inter-étatique européenne en matière pénale, Les instruments juridiques du Conseil de l’Europe,
Recueil de textes compilé et édité par EKKEHART MÜLLER – RAPPARD et M. CHERIF – BASSIOUNI, 2 vol. Martinus
Nijhoff, Dordrecht, Boston, London, 2e éd. 1991, 1725 p.
219
Sur cette question, on peut lire l'intéressante étude de J. VERHAEGEN, Le refus d'extrader au regard de la
ème
législation belge, in Rapports belges au XI Congrès de l'Académie internationale de droit comparé, Caracas, 29
août - 5 septembre 1982, Bruxelles, 1982, 797-820 ; Elisabeth ROLIN, Développements récents du contrôle du
Conseil d’Etat en matière d’extradition, in R.S.C., 1994, 491-501.
220
Se référer, à titre d’exemple, à la Convention européenne d’extradition, ouverte à la signature le 13 décembre
1957, et entrée en vigueur le 18 avril 1960.
86

- L'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise (territorialité);


- L'Etat dont est ressortissant le délinquant (personnalité active) ;
- L'Etat dont l'infraction a mis en cause les intérêts essentiels (principe de réalité) ;
- L’Etat qui s’implique dans le droit humanitaire nouveau et qui, en conséquence, au nom
de la compétence personnelle passive ou de la compétence universelle, déclare sa loi applicable
pour toute atteinte grave à ce droit.
En effet, le développement de la Communauté internationale et l’importance de plus en plus
accrue du droit pénal international humanitaire conduisent à ce que n’importe quel Etat se
considère comme admis à demander l’extradition de n’importe quel individu, dès lors que
celui-ci est présumé coupable des violations graves du droit humanitaire, quel que soit le lieu
de ces violations.
L'Etat requérant ne peut demander l'extradition que si l'individu a déjà fait l'objet des poursuites
ou des condamnations par ses propres juridictions.
Enfin, outre les Etats, l’extradition (ou le transfert) des individus coupables des mêmes
violations est désormais possible à la requête des tribunaux pénaux internationaux ad hoc (La
Haye et Arusha notamment), et de la Cour pénale internationale.
b) L'Etat requis
La demande d'extradition est adressée à un Etat, l'Etat requis. Celui-ci est le pays où se trouve
actuellement l'individu recherché.
c) L'individu recherché
L'individu qui fait l'objet de la demande d'extradition doit être auteur, coauteur ou complice
d'une infraction consommée ou tentée que l'Etat requérant à compétence de réprimer.
Une opinion encore dominante veut que l'Etat n'extrade pas ses propres nationaux. Le CP
russe de 1997 dispose expressément que « Les citoyens de la Russie qui ont commis un crime
sur le territoire d’un Etat étranger ne peuvent pas être extradés vers cet Etat »221.
Contre l’extradition des nationaux, on aligne les arguments suivants :
- L’extradition serait, dans ce cas, une mise en cause de sa propre souveraineté par l’Etat
requis ;
- Le juge étranger n’inspire pas confiance et risque d’être partial ;
- Il n’est pas juste de soustraire le délinquant de son juge naturel qu’est le juge national.
Mais cette pratique des Etats est contestée par la majorité de la doctrine222, et un courant existe
pour l’extradition des nationaux. L’Institut de droit international (session d'Oxford, 1880), de

221
Article 13, 1.
87

même que la Conférence internationale pour l'unification du droit pénal (Copenhague, 1935),
ont exprimé un vœu favorable à la disparition de ce principe.
L'Angleterre, les Etats-Unis et l'Italie acceptent de livrer leurs propres nationaux, à condition
d'une réciprocité qu'ils ne trouvent presque nulle part. Les Etats romano-germaniques sont
généralement hostiles à une telle remise223.
Le Cuba de Fidel CASTRO n’accepte l’extradition ni des nationaux ni des étrangers poursuivis
pour avoir combattu l’impérialisme, le colonialisme, le néocolonialisme, le fascisme ou le
racisme, ou pour avoir défendu les principes démocratiques et les droits du peuple
travailleur224.
Le progrès du sens de la Communauté internationale conduira à coup sûr à une acceptation de
plus en plus large par les Etats d'extrader leurs propres nationaux.
A titre d’exemple, le Conseil d’Etat français ayant dit que la non-extradition des nationaux
n’était pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République, une réforme de la loi
de 1927 est en préparation autorisant une telle extradition dans certaines conditions et au
bénéfice de certains pays225.
d) Les infractions extraditionnelles
La procédure d'extradition est tellement compliquée et coûteuse qu'il ne saurait être question
d'extrader pour toutes les infractions.
- Ne donnent lieu à l'extradition que les infractions présentant une certaine gravité. Pour
déterminer cette gravité, deux techniques sont possibles : soit l'énumération des faits pouvant
donner lieu à l'extradition dans le corps même du traité, soit la référence à la gravité de la peine
encourue ou effectivement prononcée pour l'infraction dont il s'agit. Cette dernière technique
est la plus récente et la plus répandue. Elle est notamment utilisée par la convention judiciaire
du 4 mars 1966 liant la République Démocratique du Congo et le Rwanda et qui fixe la limite à
au moins 6 mois de S.P. encourue (art. 2).
- Il y a des infractions qui, par leur nature, sont exclues de l'extradition. Les infractions
purement militaires échappent à l'extradition. On n'extrade pas les esclaves fugitifs. Sont enfin
exclues de l'extradition les infractions politiques. Vu l'importance de ce dernier point, nous
allons lui consacrer un peu plus de commentaires.

222
Voir A. HUET et R. KOERING-JOULIN, Droit pénal international, PUF, Paris, 1994, p. 357 ; Michel MASSE,
L’extradition des nationaux, in R.S.C., 1994, 798-804.
223
Laurent DESSARD, L’extradition des nationaux, in R.P.D.P., 1999, 317-327.
224
Voir Jacqueline SACOTTE, Le nouveau code pénal de la République de Cuba (1979), in R.S.C., 1984 , 580-585.
225
Michel MASSE, La souveraineté nationale, in R.S.C., 1999, 908.
88

e) Les infractions politiques


L'extradition ne s'applique pas aux infractions politiques. Tel est le principe «fort ancré en droit
international.»226 Ce principe fut établi pour la première fois par la loi belge sur l'extradition du
1er octobre 1833. Depuis lors, il figure dans de nombreux traités et lois de divers pays.
«Il est devenu une véritable coutume internationale. Ainsi, même lorsqu'un traité
d'extradition ne le rappelle pas de manière expresse, il passe en général pour sous
entendu ...
On peut donc soutenir que le principe selon lequel l'extradition ne s'applique pas
aux infractions politiques constitue à présent une règle générale du droit
international.»227
Toutefois, malgré cette généralité du principe et cette vigueur dans son affirmation, nous
devons relever, d'abord la difficulté de définir l'infraction politique et constater, ensuite, le recul
dont ce principe souffre à la suite notamment du développement du terrorisme.
1) Définition de l'infraction politique
La loi ne définit pas l'infraction politique. «Le législateur s'est abstenu, en cette matière, de
toute définition parce que, pour être pratique, celle-ci eût exigé des explications et des
développements qui ne peuvent faire l'objet d'une loi »228.
D’après la jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique, l’infraction politique est celle
qui, dans l’intention de son auteur comme par ses effets, porte directement et immédiatement
atteinte aux institutions politiques229.
En doctrine, on rencontre trois catégories d'infractions politiques :
1. Les infractions politiques pures
«Par infractions politiques, dit HAUS, on doit entendre les crimes et les délits qui
portent uniquement atteinte à l'ordre politique.»230
Cette doctrine est dite objective : la nature de l'intérêt auquel l'infraction porte atteinte en
détermine le caractère politique. Il en est ainsi du complot ou de la haute trahison.
La jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique montre que celle-ci retient plusieurs
définitions de l’infraction politique, dont celle de l’infraction politique par nature : une
infraction ne peut être un délit politique que si, par sa nature même, elle porte directement

226
GLASER, Droit international pénal conventionnel, Vol. II, Bruylant, 1978, p.52.
227
Op. cit., pp. 52-53.
228
HAUS., Principes généraux, op. cit., I, n° 345.
229
Cité par Fr. TULKENS, op. cit., p. 184.
230
Op. cit., I, n° 346.
89

atteinte aux institutions politiques dans leur existence, leur organisation ou leur
fonctionnement231.
2. Les infractions politiques complexes ou mixtes
L'infraction complexe existe lorsqu'un seul et même fait a caractère double, lorsqu'il viole à la
fois le droit commun et le droit politique232.
On l'appelle aussi infraction politique par mobile. Cette doctrine est dite subjective car c'est le
but visé par l'agent, sa volonté qui confère à l'acte son caractère politique. Nous pouvons citer,
à titre d’exemple, l’attentat contre les particuliers en vue d'attirer l'attention de l'opinion
publique.
La jurisprudence de la Cour de cassation de Belgique connaît aussi les infractions politiques
mixtes, qu’elle définit très restrictivement comme étant celles qui, dans l’intention de leurs
auteurs comme par leurs effets portent directement et immédiatement atteinte aux institutions
politiques233.
Les institutions politiques, au sens du patrimoine juridique entaché par l’infraction politique,
comprennent notamment la forme de l’Etat, le Sénat et l’Assemblée Nationale en tant que
Parlement de la République, l’autorité et les prérogatives du Chef de l’Etat, l’accession au
mandat politique, l’exercice du pouvoir et les droits politiques.
Même s’il peut constituer un rouage ou un moyen de fonctionnement des institutions politiques,
un parti politique ne constitue pas lui-même une institution politique, et ne peut donc constituer
le patrimoine juridique auquel le délit politique porte atteinte234.
3. Les infractions connexes à des délits politiques
Ce sont des infractions de droit commun inhérentes à une action politique. Ces infractions se
commettent généralement à l'occasion de l'insurrection et des guerres civiles : destructions des
propriétés publiques et privées, massacres des adversaires, enlèvement des armes d'un arsenal,
etc.
Tous les actes de la lutte, autorisés par les usages de la guerre, doivent être considérés comme
des crimes politiques, ou pour mieux dire, ils ne forment qu'un seul et même crime de cette
espèce; car ils sont les éléments constitutifs de l'insurrection qui a un caractère essentiellement
politique235. Ces infractions ne donneraient lieu à l'extradition que si elles constituaient «des

231
Cass., 18 nov. 2003, J.T., 810 ; J.L.M.B., 2003, 1788 ; R.D.P.C., 2004, 526-527 et 835.
232
MERLE et VITU, op. cit., n° 227 ; HAUS, op. cit., I, n° s 353-354.
233
Cass., 18 nov. 2003, R.D.P.C., 2004, 835, et 526-527.
234
Cass., 18 nov. 2003, R.D.P.C., 2004, 835, et 526-527.
235
HAUS, op. cit., I, n° 355.
90

actes de barbarie odieuse et de vandalisme défendus suivant les lois de la guerre et seulement
lorsque la guerre a pris fin.»236
2) Le recul du principe de la non extradition du délinquant politique
Le respect du principe de la non-extradition du délinquant politique est un corollaire du droit
d'asile.
Toutefois, face à la montée des périls et au surgissement du terrorisme organisé, efficace, armé
et mettant sérieusement en danger les systèmes et les régimes, de nombreux projets et
instruments internationaux ont affirmé le devoir de l'extradition inconditionnelle des coupables
du terrorisme. C'est dans ce contexte que le Conseil de l'Europe s'est doté d'une «Convention
européenne sur le terrorisme » (10 novembre 1976), ouverte à la signature à Strasbourg le 27
janvier 1977. Elle est entrée en vigueur le 4 août 1978. L'importance de cet instrument dans
l'évolution du droit extraditionnel et les controverses auxquelles il a donné lieu surtout dans les
pays européens justifient qu'on s'y arrête un peu.
1. L'économie de la Convention
Trois articles de la Convention doivent particulièrement retenir notre attention :
* L'article 1er qui énumère une série d'infractions qui ne pourront, en aucun cas, être couvertes,
pour les besoins de l'extradition, par leur caractère politique :
- Infractions relatives à la capture illicite d'aéronefs (Convention de la Haye, 1970) ;
- Infractions contre la sécurité de l'aviation civile (Convention de Montréal, 1971) ;
- Infractions graves constituées par une attaque contre la vie, l'intégrité corporelle ou la
liberté des personnes ayant droit à une protection internationale, y compris les agents
diplomatiques ;
- Infractions comportant l'enlèvement, la prise d'otage ou la séquestration arbitraire;
- Infractions comportant l'utilisation des bombes, grenades, fusées, armes à feu
automatiques, ou des lettres ou des colis piégés dans la mesure ou cette utilisation présente un
danger pour des personnes ;
- La tentative et la participation à ces infractions ne seront pas considérées non plus comme
couvertes par leur caractère politique.
* L'article 2 indique les infractions que, pour les besoins de l'extradition, les Etats ont la
faculté de ne pas considérer comme politiques. Il s'agit d'abord de «tout acte grave de violence
qui n'est pas visé à l'article 1er et qui est dirigé contre la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté
des personnes».

236
Institut de droit diplomatique, Oxford, 1880.
91

Il s'agit ensuite de tout acte grave contre les biens, autres que ceux visés à l'art. 1er lorsqu'il a
créé un danger collectif pour des personnes. La tentative et la participation à ces deux types
d'infractions ne peuvent non plus bénéficier du caractère politique pour être soustraites à
l'extradition.
* Enfin, l'article 5 qui dispose qu'aucune disposition de la présente convention ne doit être
interprétée comme impliquant une obligation d'extrader si l'Etat requis a des raisons sérieuses
de croire que la demande d'extradition motivée par une infraction visée à l'article 1er ou 2 a été
présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de
religion, de nationalité ou d'opinions politiques ou que la situation de cette personne risque
d'être aggravée pour l'une ou l'autre de ces raisons. Il s'agit de la clause de conscience.
L'Etat requis, s'il n'extrade pas, doit néanmoins poursuivre ou faire exécuter sa peine au
délinquant.
Comme on le voit, cette convention soustrait une série d'infractions politiques au principe de
non-extradition dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Beaucoup y ont vu une atteinte au
droit séculaire d'asile et un cheminement vers un système politique autoritaire et intolérant. Et
pourtant, il y a des antécédents237.

2. Les antécédents les plus connus

- La clause d'attentat, dite aussi la clause belge238.


Elle fut introduite par la loi belge du 22 mars 1856 et reprise, depuis le traité d'extradition
franco-belge de la même année, par la plupart des traités d'extradition. Elle est ainsi formulée:
« Ne sera pas réputé délit politique ni fait connexe à semblable délit l'attentat contre la personne
du chef d'un gouvernement étranger ou contre celle des membres de sa famille lorsque cet
attentat constitue le fait de meurtre, d'assassinat, ou d'empoisonnement ».
- Cette même loi belge a introduit la formule juridique de la «dépolitisation de l'infraction
politique».
- La Convention de Paris du 9 décembre 1948 sur le génocide dispose que celui-ci n'est pas
un délit politique pour ce qui est de l'extradition.
- Les conventions humanitaires de Genève du 12 août 1949 donnent aux crimes de guerre
le caractère d'infraction de droit commun. Bref, il se développe actuellement un certain courant
237
Voir F.TULKENS, in R.D.P.C., Numéro Spécial «Extradition et terrorisme», 1980, pp. 86-87.
238
Sur la « clause belge » et son extension, voir A. VITU, Le meurtre politique en droit international et
extraditionnel, in Mélanges offerts à Georges LEVASSEUR, op. cit., p. 365.
92

moderne de restriction du droit d'asile à l'égard des délits politiques auxquels se trouve mêlé un
élément de droit commun: «L'extradition pourrait avoir lieu quand ce dernier élément apparaît
prédominant en raison notamment du caractère odieux des procédés que l'agent a mis en
œuvre»239.
3. La controverse

La Convention européenne a donné lieu à des controverses, certains auteurs estimant que dans
la lutte contre le terrorisme, la priorité doit être accordée à la sauvegarde de l'ordre public et
que, dans ce sens, la convention venait à point nommé240. D'autres, par contre, trouvent cette
convention dangereuse et menaçante pour les libertés publiques et la démocratie241.
Pour notre part, nous constatons que bientôt trente ans après son entrée en vigueur, la
Convention a fait ses preuves comme un mécanisme valable contre le terrorisme, alors que la
démocratie et les libertés publiques en Europe ne se sont jamais aussi bien portées.

III. La procédure d'extradition


La procédure d'extradition est un problème qui se pose essentiellement dans l'Etat requis, l'Etat
requérant se contentant de formuler sa demande par voie diplomatique.
La procédure que l'Etat requis utilise relève de son droit interne. En République Démocratique
du Congo, c'est à l'organe ayant la politique extérieure dans ses attributions, en l'occurrence le
gouvernement, que revient le pouvoir d'extradition.
Pour que l'extradition soit accordée, l'Etat requérant doit produire les pièces justificatives
nécessaires: jugement de condamnation ou tout autre acte de procédure établissant les
poursuites engagées contre la personne recherchée242.
Tous ces actes ne produiront leurs effets qu'après avoir été rendus exécutoires par la Cour
d'Appel, qui désignera le magistrat, l'officier ou l'agent des Forces Armées, chargé de
l'exécution, et le lieu de détention du délinquant.
En cas d'urgence, l'autorité judiciaire compétente de l'Etat requérant peut demander et obtenir
l'arrestation provisoire du délinquant par simple message télégraphique, postal ou envoyé par
tout autre moyen, tel que le fax ou l’E-mail aujourd’hui243.

239
Article cité, pp. 87-88.
240
Voir les points de vue de Me VARAUT, avocat à La Cour d’appel de Paris, in R.D.P.C. Numéro spécial déjà cité,
p. 99 ; DU JARDIN, loc. cit.
241
Voir les points de vue de Mme F. TULKENS, professeur à l’UCL et, aujourd’hui, juge à La Cour Européenne des
Droits de l’homme, même revue, p. 92 ;
242
Article 3 du décret du 12 avril 1886.
93

Dans ce cas, les pièces justificatives doivent être transmises endéans trois mois, délai au-delà
duquel le délinquant sera mis en liberté244.
Le délinquant auquel il est notifié la demande d'extradition peut formuler un mémoire en
défense à l'attention du gouvernement, et se faire assister d'un conseil dans la rédaction de cette
mémoire245.
On remarquera que l'avis des tribunaux n'est pas demandé, et que les voies de recours ne sont
pas prévues.
Une législation plus adaptée aux exigences des droits de l'homme et des libertés individuelles
devrait permettre l'intervention du juge pour avis ou décision à une phase déterminée de la
procédure, et des voies de recours aussi bien contre les décisions du juge que celles du
gouvernement devraient être prévues.

B. LES AUTRES FORMES DE COLLABORATION INTERNATIONALE


I. La collaboration policière internationale

Il faut signaler que les polices nationales, surtout celles des pays partageant les frontières,
collaborent entre elles et s'échangent des informations, voire des délinquants.
Dans le cadre de la Communauté de développement de l’Afrique Australe (CDAA, SADEC),
dont la RDC est membre, la principale structure des services de répression est l’Organisation
régionale de coopération des commissaires de police en Afrique australe (SARPCCO), dont les
opérations sont dirigées par les chefs des services nationaux de police. Son comité directeur est
composé des ministres ayant la police dans leurs attributions. Cette organisation s’implique
essentiellement dans la prévention du crime et de l’abus de drogue, et coordonne l’action de la
police contre la criminalité transnationale246.
Mais la forme la plus élaborée de collaboration policière contre les criminels internationaux
(escrocs, faussaires, faux-monnayeurs, trafiquants de drogues, proxénètes notamment), c'est

243
Article 5, al. 2 du même décret.
244
Article 5, al. 3
245
Article 6, al. 4.
246
Rob BOONE, Gary LEWIS, et Ugljesa ZVEKIC, Mesure de la délinquance et lutte contre la criminalité en Afrique
australe, in Forum sur le crime et la société, Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, vol. 3,
numéros 1 et 2, décembre 2003, 155.
94

assurément l'Organisation Internationale de Police Criminelle (O.I.P.C.), couramment appelée


«Interpol », d'après son adresse télégraphique.
Elle comprend plus d'une centaine de pays et a son siège à Lyon depuis 1989.
L’Interpol dispose ainsi d’un Bureau sous-régional pour l’Afrique australe, basé à Harare, et
qui assure le secrétariat de la SARPCCO247.
Les Bureaux Centraux Nationaux (B.C.N.), à raison d'un dans chaque pays membre, assurent la
liaison entre elle et les polices nationales, et peuvent communiquer entre eux.
L'Interpol possède des fichiers extrêmement détaillés sur les délinquants internationaux et
assure à ses membres une diffusion rapide des renseignements qu'elle détient248.
II. La collaboration judiciaire internationale
a) Coopération entre les Etats

Les actes de procédure étant soumises absolument au principe de la territorialité, il s'avère que
le concours des autorités judiciaires étrangères devient indispensable lorsque ces actes
débordent le territoire national. Il en est ainsi lorsqu'il s'agit d'interroger un témoin se trouvant
à l'étranger, d'obtenir l'extrait du casier judiciaire d'un individu né à l'étranger, d'effectuer une
enquête préliminaire, d'adresser des commissions rogatoires à l'étranger, etc.249
La collaboration judiciaire internationale se fait essentiellement par voie diplomatique.
b) Coopération des Etats avec les Tribunaux pénaux internationaux

Par sa Résolution 827 du 25 mai 1993, le Conseil de Sécurité, agissant en vertu du Chapitre VII
de la Charte des Nations Unies, a décidé de créer le Tribunal pénal international chargé de
poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international
humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991.
De même, par sa Résolution 955 du 08 novembre 1994, le Conseil de Sécurité a créé le
Tribunal pénal international pour le Rwanda, chargé de juger les actes de génocide et d’autres
violations flagrantes, généralisées et systématiques du droit international humanitaire, commis
entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994.

247
Op. cit.
248
Sur la coopération policière en Europe, voir notamment H.D. BOSLY et G. RENAULT, La coopération policière
et judiciaire, in La justice pénale et l’Europe, Travaux des XVè journées d’études juridiques Jean DABIN, Bruylant,
Bruxelles, 1996, p. 339.
249
Voir G. DEMANET, Considérations sur l’entraide judiciaire en matière pénale, in R.D.P.C., 1997, 809-831.
95

Les statuts de ces tribunaux prévoient la coopération et l’entraide judiciaires des Etats, qui
doivent répondre sans retard à toute demande d’assistance ou à toute ordonnance émanant
d’une Chambre de première instance et concernant notamment :
- L’identification et la recherche des personnes ;
- La réunion des témoignages et la production des preuves ;
- L’expédition des documents ;
- L’arrestation et la détention des personnes ;
- Le transfert ou la traduction de l’accusé devant le Tribunal250.
III. La coopération internationale dans le cadre de l'ONU251
Se référant à sa charte, l'ONU considère la coopération internationale comme indispensable
dans la lutte contre la criminalité. C'est ainsi que, à travers ses congrès tenus tous les cinq ans
sur la prévention du crime et le traitement des délinquants, elle met au point des normes
applicables au fonctionnement de certains aspects des systèmes de justice pénale.

250
Art. 29 du Statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, et 29 du TPIR.
251
Voir l'Organisation des Nations Unies et la prévention du crime, Nations Unies, New York, 1991.
96

Deuxième Partie

L'INFRACTION
97

Le code pénal congolais ne définit pas l'infraction. Il en est d'ailleurs de même des codes
pénaux belge et français, respectivement de 1867 et de 1810.
Nous retiendrons plutôt cette définition de HAUS: «On entend par infraction la violation d'une
loi pénale, l'action ou l'inaction que la loi frappe d'une peine»252.
On peut aussi considérer comme une bonne définition de l’infraction, celle qui est donnée par
le code pénal russe : « Est réputé crime un acte fautif socialement dangereux qui est réprimé
par le présent Code sous la menace d’une peine »253.
Toutes les fois que la violation de la loi n'est pas assortie d'une peine, elle ne peut constituer
une infraction pénale. Ce n'est pas le caractère immoral ou antisocial de l'acte qui donne à
celui-ci sa qualité infractionnelle, mais uniquement la sanction pénale dont il est frappé.
Nous allons étudier l'infraction dans sa structure juridique en nous basant sur:
- L'élément légal (Section I) et
- L'élément matériel (Section II).

SECTION Ière L'ELEMENT LEGAL DE L'INFRACTION

L'élément légal de l'infraction renvoie directement au principe fondamental que nous


connaissons déjà, à savoir: la légalité des délits. L'élément légal, c'est la loi violée254.
La démarche des autorités judiciaires, devant les faits qui leur sont rapportés ou qu'elles ont
elles-mêmes constatés, consistera à les confronter avec la définition que la loi fait de telle
infraction. En d'autres termes, elles doivent qualifier le cas d'espèce qui leur est soumis.
Outre cette qualification des faits, l'autorité judiciaire doit pouvoir qualifier l'infraction. Cela
est une nécessité très ressentie dans les systèmes juridiques qui distinguent les crimes, les délits
et les contraventions. Mais la qualification des infractions est aussi nécessaire pour différencier
les infractions de droit commun d'une part, des infractions politiques, militaires, terroristes,
d'affaires et des crimes internationaux, d’autre part.

§ 1. LA QUALIFICATION DES FAITS 255

A. LES PRINCIPES GENERAUX

252
Op. cit., I, n°185.
253
Article 14 du code pénal russe de 1997.
254
MERLE et VITU, op. cit., 1997, n° 384.
255
Sur cette question, on lira avec intérêt la brochure de LIKULIA BOLONGO, Méthodes d'approche de la
qualification des faits en droit pénal, P.U.Z., 42 pages.
98

Quelques principes doivent guider la démarche de l'autorité judiciaire:


a) En vertu du principe de la légalité, la qualification exige «une confrontation rigoureuse
de faits poursuivis avec les divers types de faits incriminés par la législation pénale»256.
b) L'autorité judiciaire saisie des faits peut adopter provisoirement une qualification, et
l'abandonner pour une autre si des éléments nouveaux laissent penser que la première est
inexacte.
c) Les juridictions de jugement ne sont pas liées par la qualification retenue par le ministère
public. Elles sont uniquement saisies des faits avec toutes leurs conséquences, fussent-elles
légalement aggravantes, et ne sont même pas liées par la qualification retenue dans le libellé de
la prévention257.
De même, le juge d'appel et le juge de cassation ne sont pas liés par la qualification retenue par
le premier juge258. Il a été jugé qu’il appartient aux juridictions répressives, sous réserve des
droits de la défense, de fixer la véritable qualification des faits qui leur ont été déférés, quelle
que soit celle qui leur ont été donnée dans les actes de poursuite, même si la qualification
nouvelle implique l’existence d’éléments juridiques distincts de ceux qu’implique la
qualification originaire259.
Il y a lieu de dire un mot sur la théorie de la peine justifiée: la Cour Suprême de Justice peut ne
pas être d'accord avec la qualification retenue par le juge du fond sans pour autant casser la
décision. Cela arrivera lorsqu'elle constate que la peine prononcée est comprise entre les limites
légales et qu'elle aurait pu l'être aussi si la juridiction du fond avait retenu la qualification
exacte. La Cour suprême rectifie alors l'erreur dans le motif ou le dispositif de son arrêt, mais
n'annule pas la décision car elle estime que, la peine prononcée étant justifiée, il est sans intérêt
pratique de procéder à la cassation de la décision attaquée.
260
Dans l'arrêt VUMBI wa TSHALA c/MP et KALONJI MUTAMBAYI, la Cour Suprême avait
disqualifié les faits, en rejetant la qualification d'escroquerie donnée par la Cour d'appel, et en
retenant le stellionat tel qu'il est prévu et puni par l'article 96 de notre code pénal. Elle rejeta
néanmoins le pourvoi, étant donné que si l'on considère les peines légales prévues en matière de
261
stellionat, les peines prononcées restaient justifiées .
d) La qualification d'un fait ne peut se faire aux dépens des droits de la défense.

256 s
MERLE et VITU, op. cit., n° 385 et s.
257
C.S.J.,11 juillet, 1977, Bull.,1978,76.
258
L'shi, 3 avril 1969, R.J.C., 278, C.S.J., 1972, Bull.,1973, 64.
259
Cass., 3 mars 1993, J.T., 1993, 758 et la note, R.D.P.C., 1994, 1334.
260
C.S.J., 15 avril 1975, Bull., 1976,119.Voir aussi 20 décembre 1978, Bull.,1979,150, cause TSHIBIDI KABUTA
c/MP., KAZADI TSHIPAMBA et LUSAMBA MBUYI
261
Idem. Voir aussi C.S.J., 02 juin 1971, R.J.Z., 1971, 121; C.S.J., 20 déc. 1978, Bull., 1979, 150 .
99

En cas de requalification au niveau du jugement aggravant le sort du prévenu, les délais prévus
par la loi doivent lui être accordés afin qu'il réponde de cette qualification nouvelle262.
Par contre, en cas de disqualification favorable ou de même gravité, on considère que les droits
de la défense ne sont pas en cause, et la nouvelle qualification doit être adoptée. Dans un cas
d'espèce, la Cour avait disqualifié les faits qualifiés de meurtre pour faciliter le vol, en meurtre
simple à défaut d'élément qui caractérise le vol. Les deux infractions étant punies de la même
peine, le meurtre simple fut retenu sans qu'un délai nouveau ne soit accordé au prévenu pour
organiser sa défense263.
Dans un autre cas d’espèce, le prévenu qui, par son conseil, a reproché à l’arrêt entrepris de
violer les droits de la défense en disqualifiant l’infraction de détournement d’objets saisis en
celle de vol simple sans l’en avertir, s’est entendu dire par le M.P. qu’« il n’y avait pas
violation des droits de la défense, la disqualification n’ayant pas aggravé la situation du
prévenu ».
La Cour Suprême de Justice, à son tour, a considéré que les droits de la défense n’avaient pas
été violés.
« En effet, saisi de l’ensemble des faits, sur lesquels le prévenu a été entendu, le
premier juge en donnant à ces faits une qualification correcte en droit, n’a pas
violé les droits de la défense.
Par ailleurs, il sied de constater que les faits de détournement d’objets saisis prévus
et punis par l’art. 82 du CP, L. II, sont passibles de peines de vol (art. 80). Il
apparaît donc que le juge n’a pas requalifié les faits »264.
e) C'est au moment de l'action265 qu'il faut se placer pour apprécier la qualification de
l'infraction.
«Il importe peu, dès lors que postérieurement à l'accomplissement des faits, la
situation juridique qui commandait la qualification pénale des faits se soit modifiée,
fût-ce rétroactivement, en faveur de l'agent.»266
Ce principe est aussi appelé celui de «l'intangibilité ou de la cristallisation de la qualification
au moment des faits.»267
262
Kin, 19 déc. 1966, R.J.C., 1967, 247; C.S.J. 18 août 1975, Bull.,1976, 98; 2 avril 1977, Bull., 1978, 30; 2 déc.
1983, cité par DIDUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la Cour Suprême de Justice, 1969-1985, Ed.
C.P.D.Z., Kinshasa, 1990, 89.
263
L'shi, 20 juin 1969, R.J.C., 289.
264
C.S.J., 4 avril 1997, R.P.A. 217, cause M.P. et Société RECODI c/RUGENDA BANGA, inédit.
265
L’article 64 du CPF de 1810 utilise cette expression, alors que le NCPF (art. 122-1) comporte « le moment
des faits ». Ce qui, écrivent MERLE ET VITU, « revient au même », op. cit., 1997, n° 386.
266
MERLE et VITU, op. cit., n° 271.
100

C'est en application de ce principe qu'un cohéritier qui avait dérobé pendant l'indivision des
objets indivis avait été condamné pour vol alors que, par la suite, ces objets avaient été mis
dans son lot par le partage268.
On peut citer d'autres exemples:
- La qualification de vol doit être maintenue dans le chef du vendeur impayé qui reprend
frauduleusement la chose vendue, même si, par la suite, le contrat de vente à été résolu269;
- On retiendra la qualification de l'émission de chèque sans provision, même si, par la suite,
le prévenu a honoré le chèque270;
- L’infraction d’abus de confiance demeure même si, entre-temps, une compensation est
intervenue271;
- Dans un autre cas d'espèce, un haut fonctionnaire avait utilisé à des fins personnelles la
contre-valeur d'un chèque reçu pour le compte de son Département. Poursuivi pour
détournement des deniers publics, il s'était défendu d'une part, en affirmant qu'il gardait dans
son bureau 45.000 Z couvrant le montant du chèque et qu'il pouvait à tout moment mettre à la
disposition du Département. D'autre part, dès le lendemain de son interpellation, il avait remis
au magistrat instructeur l'équivalent des fonds en cause.
La Cour Suprême de Justice, constatant d'ailleurs que le montant prétendument détenu au
bureau n'était connu que du seul délinquant, conclut que les fonds remis par le prévenu avaient
été réunis pour les besoins de la cause et ne pouvaient provenir que d'autres ressources, et que,
dans tous les cas, il ne s'agissait là que «d'un simple remboursement qui n'enlève pas aux faits
leur caractère infractionnel.»272
f) Dans la recherche de la qualification, le droit pénal se révèle autonome vis-à-vis des
composantes extra-pénales de la qualification:
- La qualification de l'émission de chèque sans provision sera retenue, même si au regard
du droit commercial, le chèque est nul273;
- La bigamie est retenue même si le second mariage est entaché d'un vice.

267
Voir LIKULIA, op. cit., p.14.
268
Crim. 27 février 1836, S.1.526; Corr. Seine, 14 déc. 1912, R.T.D.C., 1913, 218.
269
Colmar, 25 mars 1958, J.C.P., 1958, IV.156; D.1959.196, note Chavanne.
270
Léo, 20 juillet 1950, J.T.O., 1951, 86; R.J.C.B., 1951, 89.
271
Encyclopédie DALLOZ, Droit criminel, V° abus de confiance, n° 79.
272
C.S.J., 9 oct. 1978, Bull., 1979, 106, en cause M.P c/KALONJI NGOY KALENGULA.
273
C.S.J., 9 déc. 1979, cité par LIKULIA op. cit., 15.
101

A propos de cette autonomie du droit pénal vis-à-vis des notions extra-pénales, la Cour de
cassation de France s'est ainsi exprimée: «la loi civile ne détermine les causes de nullité ou
d'annulation qu'au point de vue des intérêts civils.»274

B. LES QUALIFICATIONS MULTIPLES


Le problème de rattachement des faits à une définition légale de l'infraction se pose lorsque les
actes commis par le délinquant sont susceptibles, même à première vue, de recevoir plusieurs
qualifications. C'est la situation qui se présente dans les hypothèses de qualifications
incompatibles et de qualifications alternatives. Le même problème de rattachement des faits à
une définition légale de l'infraction se posera lorsque, par son agencement et sa structure
matérielle, un même fait tombe sous plusieurs qualifications. Enfin, il faudra déterminer quelle
qualification retenir lorsque l'agent commet successivement et à certains intervalles deux ou
plusieurs infractions qui, toutes, n'ont pas encore fait l'objet d'une condamnation définitive.
I. Les qualifications incompatibles et les qualifications alternatives

a) Les qualifications incompatibles


On parlera de qualifications incompatibles lorsqu'une infraction objectivement imputable à
l'agent est «la conséquence logique et en quelque sorte naturelle d'une première infraction avec
laquelle elle se confond intimement, au point que l’on hésite à la retenir dans la poursuite.»275
Cette situation se présente dans le cas d'un individu qui porte des coups et cause des blessures
volontaires et n'assiste pas par la suite sa victime.
On considère qu'il serait absurde de reprocher à quelqu'un de n'avoir pas apporté secours à celui
qu'il a par ailleurs volontairement agressé. On retiendra donc les coups et blessures volontaires,
mais on rejettera l'omission de porter secours à une personne en danger.
De même, on ne peut poursuivre pour recel le voleur qui garde chez soi les objets qu'il a
frauduleusement soustraits. C'est dans la nature des choses qu'il les ait gardés, car s'il les a
volés, c'était pour se les approprier.
Enfin, comme dernier exemple, on ne peut poursuivre un faussaire pour usage de faux. En
effet, l'agent ayant fabriqué cet objet pour en tirer profit, l'usage qu'il en fait lui-même est la

274
Crim. 25 nov. 1927, S.1929.1.153, note Roux.
275
MERLE et VITU, op. cit., 1997, p. 513; PRADEL, Droit pénal, I, Cujas, Paris, 1977, n° 235.
102

consommation du faux, et ne peut constituer une infraction distincte que s'il est le fait d'une
personne autre que l'auteur du faux276.
b) Les qualifications alternatives

Certains faits sont différemment qualifiés en fonction de la nature ou du degré de l'élément


moral exigé, « selon la nature ou le degré de la faute imputable à leur auteur »277.
Ainsi, les coups mortels tombent sous la qualification de meurtre s'ils ont été portés dans
l'intention de tuer (art.44 du CP). Ils constitueront un assassinat si l'intention était accompagnée
de la préméditation (art.45). Les mêmes faits formeront l'homicide préterintentionnel si la mort
est survenue alors que l'agent n'avait aucune intention de la causer (art.48). Enfin, on appliquera
aux mêmes faits la qualification d'homicide par imprudence prévu par les articles 52-53 de
notre code pénal si la mort résulte d'un défaut de prévoyance ou de précaution.
On peut faire le même constat à propos des coups et blessures non mortels. Selon l'élément
moral qui les caractérise, ils connaîtront des qualifications différentes: coups et blessures
prémédités (art.46, al.2), tentative de meurtre (art.4 et 44), ou enfin, coups et blessures par
imprudence prévus et punis par l'article 54 CP.
Ces qualifications sont dites alternatives car une seule d'entre elles peut être retenue. Et dès
qu'elle l'est, toutes les autres sont exclues.
II. Le concours d'infractions
Le concours d'infractions est réalisé lorsque, dans une situation donnée, l'inculpé doit répondre
à la fois de plusieurs infractions dont aucune n'a encore fait l'objet d'un jugement définitif.
Le concours d'infractions regroupe deux hypothèses:
1. Le concours idéal d'infractions
2. Le concours matériel d'infractions.
a) Le concours idéal d'infractions

Cette hypothèse est réglementée par l'article 20 al.1 CP: «Lorsque le même fait constitue
plusieurs infractions, la peine la plus forte sera seule prononcée».
Sous le terme de «concours idéal», il faut comprendre le délit complexe, le délit collectif et le
délit continué.
1) Le délit complexe ou concours idéal proprement dit (art.20 al. 1.)

276
HAUS, op. cit., I, n° 381.
277
MERLE et VITU, op. cit., 1997, n° 391.
103

Le même fait constitue plusieurs infractions.


Nous citerons, à titre d’exemples :
1. Un accident de roulage pourra donner lieu à plusieurs infractions, notamment une
contravention au code de la route et l'homicide par imprudence;
2. Une femme mariée qui commet l'adultère au bord de la route ou sur une plage se rend
coupable de l'adultère et de l'outrage public à la pudeur;
3. Une personne qui garde chez elle des armes volées commet l'infraction de recel et celle de
détention illégale d'armes;
4. Celui qui tire un coup de feu dans la foule et tue et blesse plusieurs personnes se rend
coupable de plusieurs infractions de meurtre et de tentative de meurtre.
2) Le délit collectif
En raison de l'unité d'intention délictueuse, plusieurs infractions de même nature pénale, mais
séparées par le temps ou le lieu, peuvent être considérées comme ne formant qu'une seule
infraction et ne devant être sanctionnées que par une seule peine. Exemples: plusieurs coups
donnés au cours d'une même rixe278, le vol d'une collection, livre par livre, une suite de
relations adultères279, le fait pour un cambrioleur, ne pouvant emporter tous les biens trouvés
sur le lieu de son crime, de faire plusieurs voyages; pour un employé, de puiser plusieurs fois
dans la caisse de son patron.
3) Le délit continué
Plusieurs faits différents et de nature pénale différente peuvent également être considérés
comme n'appelant qu'une sanction280, en raison de l'unité de conception et de but, en raison du
fait qu'ils entrent dans un même plan délictueux, dans un même plan d'activité criminelle. Tel
est le cas d'un faux en écritures commis soit pour masquer un détournement (art. 145 CP), soit
pour réaliser une escroquerie (art.98 CP). Ou encore de faux et de son usage par le même
délinquant281 pour commettre une infraction.
Le délit continué peut être aussi constitué par deux infractions non intentionnelles reliées entre
elles par un lien de causalité. Tel sera le cas si un accident de la route dû à l'ivresse au volant
entraîne la mort. Une seule peine sera prononcée282.

278 ère
I Inst. Kasaï, 13 sept. 1950, R.J.C.B., 1951, 26.
279
J. VERHAEGEN, Cours de droit pénal et de procédure pénale, Notes d'étudiants, U.C.L., Louvain-la-Neuve,
1977- 1978, p.117.
280
Dans ce genre d'hypothèse, MERLE et VITU utilisent plutôt l'expression «délit continué» (op. cit., n° 361).
Nous nous en tiendrons à la terminologie de départ.
281
C.S.J., 22 janv. 1976, Bull., 1977, 17 en cause M.P c/Ngia NDEME NSILANGA.
282
Cass. belge, 19 sept. 1968, Pas., 1969, I, 72.
104

4) La fiction de rattachement du délit collectif et du délit continué au concours


idéal
L’article 20, al. 1er vise en réalité le concours idéal proprement dit: le même fait constitue
plusieurs infractions.
Quant au délit collectif et au délit continué, ils relèvent d’une construction jurisprudentielle
visant un ensemble de faits accomplis avec une même intention délictueuse. Lorsque le juge
constate que des faits commis à des moments différents procèdent d’une résolution criminelle
unique de l’agent, il en résulte que ces faits ne constituent qu’un seul fait délictueux qui ne peut
donner lieu qu’à une seule peine283.
En fait, il apparaît clairement que le rattachement du délit collectif et du délit continué au
concours idéal proprement dit, est une fiction qui, au nom de l’unité d’intention ou de
l’appartenance à un même plan ou à une même activité criminelle, fond en un seul fait pénal
unique, un ensemble de faits infractionnels284.
5) Qualifications et sanctions
La question est de savoir si en cas de concours idéal proprement dit (art. 20, al. 1er), il s’agit
d'une infraction unique ou d'une sanction unique. Il est arrivé qu'on dise aussi bien en
doctrine285 qu'en jurisprudence286, qu'en cas de concours idéal, l'infraction est unique et la peine
prononcée aussi unique, car on applique la plus forte.
Le professeur LIKULIA287 conteste ce point de vue et estime que même dans le cas de
concours idéal, on a affaire à plusieurs infractions, même si, en fin de compte, on ne prononce
qu'une seule peine.

« La loi elle-même n'exclut pas les autres infractions; elle se borne tout simplement
à disposer que le jugement prononce, dans le cas du concours formel ou idéal, seule
la peine la plus forte sanctionnant toute l'antisocialité de l'entreprise criminelle.»288
Cela est vrai, car la loi elle-même évoque l’hypothèse d’un même fait qui constitue plusieurs
infractions. Donc, en cas de concours idéal proprement dit, il y a plusieurs infractions, même si,
par ailleurs, la loi prévoit une seule sanction : la plus forte.
283
Cass., 7 févr. 1990, Pas., I, 669 ; 3 oct. 1990, Pas., 1991, I, 109 ; 10 mars 1992, Pas., I, 614 ; 29 sept. 1992, Pas.
er
I, 1069 ; 1 mars 1994, R.W. ; 1994-1995, 467 et note SPRIET.
284
Marie-Aude BEERNAERT, Le nouvel article 65 du Code pénal, in R.D.P.C., 1995, 679.
285
HAUS., op. cit., I., n° s 386-387.
286
R.J.C., 1969, 278.
287
Méthodes d'approche, op. cit., pp. 21-22.
288
Loc. cit. C'est aussi la solution préconisée par ESIKA MAKOMBO, Le code pénal zaïrois annoté, I, Lubumbashi,
1977, pp. 245-246.
105

En ce qui concerne le délit collectif et le délit continué, il est évident - et nous l’avons déjà
démontré - qu’il ne s’agit plus d’un même fait constituant plusieurs infractions, même si la
fiction jurisprudentielle le veut ainsi.
Au-delà de cette fiction qui veut que l’on apporte au problème posé par le délit collectif et le
délit continué la même solution que celle qui a déjà été apportée au délit complexe, on ne peut
pas perdre de vue les deux réalités suivantes :
1) Le délit collectif est constitué par plusieurs infractions (et plusieurs faits) de même nature
pénale.
2) Le délit continué est constitué par plusieurs faits différents de nature pénale différente.
Dans les deux cas donc, il ne peut s’agir que de plusieurs infractions, même si, pour le délit
collectif, une seule qualification est possible.
La seule question qui demeure est celle de savoir quelle qualification, en toute hypothèse, le
juge devra retenir.
En d’autres termes, toute la question est de chercher à savoir si le juge doit retenir toutes les
qualifications ou s’il doit plutôt faire un choix entre toutes les qualifications possibles.
La réponse apportée aussi bien par la jurisprudence que par la doctrine est que le juge retiendra
plusieurs qualifications s’il y a pluralité de valeurs sociales protégées, et ne retiendra qu’une
seule qualification en cas d’unité de valeur sociale.
Ainsi, dans l’arrêt BEN HADDADI289, le juge admet que le jet d’une grenade à l’intérieur d’un
débit de boissons où de nombreuses personnes consommaient (un fait unique) appelle deux
qualifications, à savoir :
- La tentative de destruction d’édifice servant à l’habitation, et
- La tentative d’homicide volontaire avec préméditation.
Certes, le jet d’une grenade visait la vie des personnes, mais, en même temps, a porté atteinte à
la propriété290.

Nous retiendrons donc ici deux qualifications parce que l’atteinte a porté sur deux valeurs
sociales légalement protégées que sont la vie et la propriété.
Il en sera autrement si le fait unique ne met en cause qu’une valeur sociale unique.
C’est ainsi que, dans l’arrêt DESBIOLLES, le prévenu était poursuivi pour vol (art. 379 CPF,
311-1 NCPF) mais aussi pour abattage d’arbres (R. 40, 8 CPF). La chambre criminelle a

289
Crim., 3 mars 1960, Bull., n° 138 ; R.S.C. , 1961, 105, obs. LEGAL.
290
Jean PRADEL et André VARINARD, Les grands arrêts, Tome I, 2è éd., Dalloz, Paris, 1997, pp. 239-254.
106

censuré cette décision en faisant observer que le même fait, l’abattage d’arbres, était déjà inclus
dans les agissements reprochés sous la qualification de vol. Il était logiquement clair «qu’on ne
peut pas voler un arbre sur pied sans l’avoir préalablement coupé». Au delà de cet argument
qui d’ailleurs rejoint l’hypothèse des qualifications incompatibles, la solution retenue provient
du fait que les deux textes protègent une valeur sociale unique, à savoir : la propriété
d’autrui291.
Si les faits sont de même nature pénale, comme c'est le cas dans l'hypothèse du délit collectif,
ils ne peuvent donner lieu qu'à une seule qualification: vol, détournement, coups et blessures. Il
s'agit donc chaque fois d'infractions identiques mais répétées.
La doctrine dominante est d'avis qu'en ce qui concerne le délit collectif «toutes ces opérations
qui participent par hypothèse d'un but unique, ne constituent que les modalités d'exécution
d'une entreprise criminelle d'ensemble dont la consommation cesse avec le dernier acte.»292
6) Tableau comparatif du concours idéal proprement dit, du délit collectif et
du délit continué

N HYPOTHESE FAITS INFRACTION QUALIFICATION SANCTIO


° S S S N

Un même Plusieurs Plusieurs Une


1 Concours idéal fait infractions qualifications sanction
(la plus
forte)

Plusieurs Plusieurs
2 Délit collectif faits ( de infractions Une qualification Une
même (identiques) sanction
nature
pénale)

291
J. PRADEL et A. VARINARD, op. cit., 1, p. 250.
292
MERLE et VITU, op. cit., n° 361, HAUS, op. cit., I, 379.
107

Plusieurs Plusieurs Plusieurs Une


3 Délit continué faits (de infractions qualifications sanction (la
nature plus forte)
pénale
différente
)

b) Le concours matériel

Le concours matériel d'infractions est prévu par l'article 20, al.2 du code pénal. Il est réalisé
lorsqu'un même sujet accomplit plusieurs infractions distinctes, non réunies par une même
intention délictueuse et dont aucune n'a encore fait l'objet d'un jugement définitif.
Ainsi, un individu se rend coupable de meurtre le 1er janvier 1999, à Binza. Le 30 janvier, il
commet un vol au campus. Les agents de l'ordre se présentent à son domicile le 1er février pour
procéder à son arrestation, mais il résiste avec violence avant d'être maîtrisé. Ce cas nous offre
un exemple de concours matériel des infractions suivantes: meurtre (art.44 du code pénal), vol
(art.79) et rébellion (art.133).
Il a été jugé que
- Lorsqu'un élément du dossier n'établit pas à suffisance que les infractions retenues à
charge du prévenu sont reliées par une seule intention persistante pour constituer une infraction
collective, il y a lieu de les déclarer en concours matériel293.
- Sont en concours matériel les infractions de détournement des effets mobiliers et de
deniers publics qui ne sont reliées par aucune unité d'intention294.
La solution du concours matériel d'infractions est prévue par l'article 20 du CP. Le principe est
que le juge qualifiera chaque fait et lui appliquera une peine et, ensuite, cumulera les peines
prononcées. C'est ce qu'on appelle le principe du cumul des peines.
Mais la loi prévoit des limitations à ce principe:

293
C.S.J., 4 mai 1974, Bull., 1975, 74.
294
C.S.J., 26 janv. 1981, inédit, cité par DIBUNDA, Répertoire général de jurisprudence de la Cour Suprême de
Justice, 1969-1985, C.I.D.Z. Kinshasa, 1990, 48.
108

- La somme des peines de servitude pénale à temps ne peut dépasser le double du


maximum de la peine la plus forte prévue par la loi, ni être supérieure à 20 ans.
- La somme des peines d'amende ne peut dépasser le double du maximum de la peine la
plus forte prévue par la loi ni être supérieure à 20.000 Francs congolais295.
- En ce qui concerne la servitude pénale subsidiaire, la peine ne pourra dépasser 6 mois.
- La peine de mort et de SP à perpétuité absorberont toute peine privative de liberté.
Une autre question qu'il faut résoudre et qui ne concerne que le concours matériel est celle de
savoir si la peine absorbante est celle prévue par la loi ou celle effectivement prononcée. La
doctrine et la jurisprudence enseignent que c'est celle effectivement prononcée. Et c'est donc
celle-là qui absorbera la plus faible et sera appliquée. Si par exemple un individu poursuivi du
chef d'attentat contre la vie du Chef de l’Etat (art. 193, al.2) et d'assassinat, n'était puni par le
fait des circonstances atténuantes que de 15 ans pour l'assassinat et de la S.P. à perpétuité pour
l'attentat, c'est cette dernière peine qui absorberait les 15 ans296.
Depuis le 15 janvier 1973, le législateur a introduit la peine de travaux forcés dans notre droit
pénal (loi n° 73-017 du 15 janvier 1973). Quelles sont les règles qui lui sont applicables
lorsqu'il s'agit de déterminer la peine la plus forte et d'appliquer le principe d'absorption?
D'après la loi, la peine de travaux forcés vient, en ordre de gravité, juste après la peine capitale
et avant la SP à perpétuité. L'application intégrale de ce principe conduirait à des situations
franchement aberrantes. Prenons un exemple: X se rend coupable d'un meurtre le 5 janvier
2000 et le 10 septembre, il commet un détournement des deniers publics. Jugé le 21 janvier
2001, il est condamné à la SP à perpétuité pour meurtre et aux travaux forcés d'un an pour
détournement. En application du principe de l'absorption, le juge devrait dire pour droit que la
peine de travaux forcés d'un an étant plus forte, elle absorbe la SP à perpétuité. Ces solutions
sont à la fois absurdes et choquantes. Elles le sont d'autant plus que l’ordonnance devant
organiser l'exécution des travaux forcés n'a jamais été prise et que, dans la pratique, malgré le
vœu du législateur, cette peine s'exécute ni plus ni moins comme la servitude pénale et dans les
mêmes établissements pénitentiaires. Nous croyons que face à ces complications pratiques,
devrait être rejetée l'idée de considérer la peine de travaux forcés comme absolument plus forte
que la peine de S.P., même perpétuelle. On devrait distinguer selon que la S.P. est à perpétuité

295
Les réformes, les dévaluations et les érosions monétaires qui ont émaillé l’histoire de la monnaie congolaise
sont telles que ce chiffre n’est mis là que par horreur du vide. Par ailleurs, la démission du législateur qui, dans
une matière ne relevant que de lui, au nom de la légalité, a préféré se reposer sur des textes réglementaires, ne
peut être que déplorable.
296
Voir E. LAMY, Cours, op. cit., p. 272; J. LARGUIER, Chronique de jurisprudence, in R.S.C., 1975, 1002.
109

ou à temps. Comme la peine de travaux forcés est de un à 20 ans on devrait considérer la peine
de SP à perpétuité comme toujours plus forte et donc comme devant absorber les travaux
forcés, qu'il s'agisse du concours idéal (art. 20, al. 1er) ou du concours matériel (art. 20 al.3).
Vis-à-vis de la S.P. à temps, les travaux forcés devraient être considérés comme la peine la plus
forte lorsqu'ils sont de durée égale ou supérieure à celle de la S.P. à temps. Nous pouvons
comparer cette suggestion avec l'art. 63 du CPB qui dispose: « La peine la plus forte est celle
dont la durée est la plus longue. Si les peines sont de même durée, les travaux forcés et la
réclusion sont considérés comme des peines plus fortes que la détention ».
En cas de concours matériel, la Cour Suprême de Justice affirme la similitude de la peine de
travaux forcés et de servitude pénale à temps quant à la limitation du cumul des peines à 20
ans297. Cette logique devrait être conduite dans tous les cas de figure, en attendant la
suppression des travaux forcés par une disposition légale expresse.

§ 2. LA QUALIFICATION DES INFRACTIONS


Une fois la qualification des faits terminée, il s'agit de rattacher l'infraction à des catégories qui
détermineront son régime juridique.
Bien que notre droit pénal ignore la division tripartite des infractions, nous en dirons un mot,
compte tenu de son importance dans les législations étrangères, avant de distinguer les
infractions de droit commun, les infractions politiques, les infractions militaires, les infractions
terroristes, les infractions d'affaires, et enfin, les crimes internationaux.

A. CRIMES, DELITS, CONTRAVENTIONS

Cette division des infractions est censée être fondée sur la gravité des infractions, et la gravité
elle-même est indiquée par la peine fixée dans le texte.
L'article 1er du CPF de 1810 disposait notamment:
« L'infraction que les lois punissent de peine de police est une contravention;
L'infraction que les lois punissent de peine correctionnelle est un délit;
L'infraction que les lois punissent d'une peine afflictive ou infamante est un
crime.»298

297
C.S.J., août 1979, Bull., 1984,1 20 en cause M.P. c/TEPATONDELE et crts.
298 er
La disposition correspondante du CPB est l'article 1 .
110

Et la loi détermine, bien entendu, les peines qu'il faut considérer comme de police,
correctionnelles ou criminelles.
Le NCPF maintient cette division tripartite des infractions299.
Cette division tripartite est très répandue dans le monde. Elle a des conséquences pratiques
notamment en ce qui regarde les règles de compétence: les contraventions relèvent du tribunal
de police, les délits du tribunal correctionnel, et les crimes de la Cour d'assises.
Le fondement de la division tripartite doit être lié aux conceptions de l'Ecole classique sur la
répression. Les délinquants relèvent de trois catégories:
- Ceux dont les actes sont d'une gravité telle qu'on ne peut en attendre aucun amendement;
- Ceux dont les actes sont d'une gravité moyenne et qui sont capables de correction et
- Enfin, ceux qui commettent des peccadilles et qu'un simple avertissement peut ramener
sur le droit chemin.
Ce fondement est inexact et ne rencontre pas les données actuelles de la criminologie, car, pour
nous limiter à l'amendement, ce n'est pas la gravité de l'acte qui peut déterminer les possibilités
de resocialisation du délinquant, mais plutôt les ressorts propres à chaque personnalité, dans
son être le plus profond. La criminologie a démontré qu'en ce qui concerne les possibilités et
les chances de relèvement, il n'y a pas de différence entre l'auteur d'un crime et l'auteur d'un
délit. C'est pourquoi, certains auteurs ont préconisé la division bipartite groupant d'une part les
crimes et délits sous un vocable unique, et les contraventions d'autre part. Des législations ont
suivi cette subdivision. C'est le cas du CP italien de 1930, du CP norvégien de 1902 et du CP
portugais de 1886300.

Rappelons que pour sa part, le CP congolais ignore toutes les subdivisions, et consacre le
monisme infractionnel. Il en est de même du code pénal russe de 1997 qui se fonde sur la
conception unitaire de l’infraction pénale et n’évoque expressément que le crime.
B. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS POLITIQUES
Nous avons eu l'occasion d'étudier la notion d'infraction politique dans les développements
consacrés à l'extradition. On s'y référera. Signalons simplement que les infractions politiques
relèvent de la Cour de Sûreté de l'Etat (art. 96 de l’ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982
portant C.O.C.J.), en attendant sa suppression, conformément aux recommandations de la CNS.
C. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS MILITAIRES
299
Article 111-1.
300
Le Portugal dispose d'un nouveau code pénal depuis le 23 septembre 1982. Il consacre la distinction entre les
crimes d'une part, et les infractions réglementaires d'autre part.
111

La discipline devant régner au sein des forces armées a justifié qu'elles bénéficient des règles
particulières en matière de droit pénal et de procédure pénale.
La loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire dispose, en son
article 76: « Les juridictions militaires connaissent sur le territoire de la République, des
infractions d'ordre militaire punies en application des dispositions du Code pénal militaire.
Elles connaissent également des infractions de toute nature commises par des militaires et
punies conformément aux dispositions du code pénal ordinaire ».
En clair, la loi reconnaît aux juridictions militaires une compétence personnelle: elles jugent
tout acte, constituant une infraction de droit commun ou non, pourvu que son auteur soit
militaire.
Toutefois, au regard de l’article 115 du Code judiciaire militaire, il importe de préciser ce qui
suit :
- En cas de participation criminelle, les juridictions de droit commun sont seules
compétentes du moment que l’un des participants n’est pas justiciable des tribunaux militaires ;
- Ce principe cesse de recevoir application pendant la guerre ou dans la zone
opérationnelle, sous l’état de siège ou d’urgence, ou lorsque le civil concerné est poursuivi pour
participation, à titre de coauteur ou de complice, à une infraction militaire.
Précisons enfin que le juge civil est compétent pour juger le délit d'audience commis par un
militaire.
D. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS TERRORISTES
La montée du terrorisme a conduit la Communauté internationale et de nombreux Etats à
aménager aux actes terroristes un régime juridique à part, notamment par l’aggravation de la
répression.
Relativement à sa définition, le terrorisme «se traduit, aussi bien quant au terrorisme national
qu’international, par l’intimidation ou la contrainte par la violence ou l’emploi de la violence
en vue d’obtenir un certain objectif illégal»301.
Les actes naguère relevant du droit commun sont érigés en actes de terrorisme lorsqu’ils sont
« intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de
troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur »302.
Il s’agit notamment des infractions telles que :
- Les atteintes à la vie et à l’intégrité de la personne ;

301
S. GLASER, Droit international pénal conventionnel, vol. II, Bruylant, Bruxelles, 1978, pp. 36-37.
302
Article 421-1 NCPF.
112

- L’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronefs ;


- Les vols, les extorsions, les destructions ;
- La fabrication ou la détention des machines, engins meurtriers ou explosifs ;
- Les atteintes graves à l’environnement, etc.
113

E. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS D'AFFAIRES

Sous le vocable «infractions d'affaires », nous regroupons les infractions économiques, fiscales
et douanières.
Au point de vue criminologique, leur caractéristique est qu'elles sont le fait d'un délinquant
particulier que SUTHERLAND a appelé «White collard» ou le col blanc (1938) et défini
comme un individu respectable, d'un rang social élevé, disposant des relations, et porté au
profit. « Les criminels d’affaires, au moins ceux d’habitude, sont des professionnels: ils ont
l’habileté, la connaissance du jeu et de ses règles, donc de la tricherie qui a des chances de ne
pas être réprimée »303.
Au point de vue juridique, les infractions d'affaires présentent des caractéristiques au niveau
des sanctions quant à leur nature et à leur taux, au niveau des organes habilités à les prononcer,
et au niveau des procédures. Il suffit à cet égard de jeter un regard sur le code des contributions
et la législation fiscale et douanière.
F. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET CRIMES INTERNATIONAUX

Les atteintes les plus graves à l’ordre public international sont appelées crimes internationaux.
Au sommet de la pyramide se trouvent le génocide, les crimes de guerre et le crimes contre
l’humanité, qui forment par ailleurs la compétence matérielle de la Cour Pénale Internationale.

On peut à ce jour, tenter de dégager leurs spécificités :

- Les crimes internationaux sont généralement définis par des conventions


internationales ;
- Ils se voient refusés le caractère politique, même lorsque celui-ci est avéré, aux fins
de faciliter leur répression, notamment par l’extradition ou le transfert ;
- Les crimes internationaux, en même temps qu’ils relèvent des juridictions
nationales, notamment par la mise en œuvre de la compétence territoriale, universelle ou
personnelle, relèvent, lorsqu’il s’agit des plus graves, de la compétence matérielle des
juridictions internationales (Tribunaux ad hoc et la Cour Pénale Internationale), qui appliquent
une procédure pénale spécifique contenue dans leurs Règlements de procédure et de preuve.

303
Jean-Claude FOURGOUX, La détection, preuve et droit de la défense en matière de criminalité d’affaires, in
R.I.D.P., 1982, 116.
114

§ 3. LES CAUSES DE JUSTIFICATION OU L’ELEMENT INJUSTE

L’élément injuste est réalisé lorsqu’il y a absence de fait justificatif304.


Un acte réunissant tous les éléments constitutifs d'une infraction sera considéré comme licite
s'il est couvert par une cause de justification. La cause de justification rend l'acte licite,
légitime, conforme au droit. Elle «détruit la criminalité intrinsèque du fait, malgré ses
conséquences préjudiciables, et quoiqu'il ait été exécuté avec connaissance et volonté ... .»305
Elle supprime l'élément légal de l'infraction. La loi était violée. Elle ne l'est plus.
Les causes de justification sont des circonstances objectives, indépendantes de la psychologie
de l'agent et qui rendent l'acte non punissable306 parce que son auteur avait le droit ou le devoir
de l'accomplir307.
Les faits justificatifs opèrent in rem, c'est à dire qu'ils justifient non seulement l'auteur de
l'infraction, mais tous les participants308.
Le code pénal congolais ignore les causes de justification. Celles-ci sont une création
jurisprudentielle. Les cours et tribunaux les retiennent à titre de principes généraux de droit309.
Notre système pénal connaît trois causes générales de justification:
- L'état de nécessité;
- La légitime défense;
- L'ordre de la loi ou le commandement de l'autorité.
Le fait de consacrer des causes de justification dans notre droit alors que la loi n'a rien prévu,
ne viole-t-il pas le principe de la légalité et celui de l'interprétation stricte de la loi pénale? Non,
parce que les causes de justification profitent au prévenu. Il n'y a pas de règle qui dit «Nulla
absolutio sine lege».
S'agissant plus particulièrement de l'état de nécessité qui ne figure pas dans le code pénal belge,
les professeurs Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN relèvent que «son pouvoir justificatif a
été reconnu par le législateur lui-même en vertu d'un principe supérieur qui trouve son
application dans plusieurs dispositions particulières.»310

304 e
Jean LARGUIER, Droit pénal général, 16 éd. Mémentos Dalloz, Paris, 1997, p. 46.
305
HAUS, op. cit., I, n° 601.
306
MERLE et VITU, op. cit., n° 307
307
HAUS, op. cit., n° 600.
308
MERLE et VITU, op. cit., n°313.
309
Boma, 23 juillet 1901, Jur.Etat,I,153;17 juin 1941, R.J.C.B., 168.
310
Op. cit., n° 116.
115

A. L'ETAT DE NECESSITE311
I. Définition
L'état de nécessité est la situation de crise dans laquelle se trouve une personne qui, pour
échapper à un danger qui la menace, ou pour sauver un tiers ou un bien d'un péril actuel ou
imminent, n'a d'autre ressource que de commettre une infraction.
Pour reprendre le commentaire de J. PRADEL,
« en somme, l'agent, pour éviter un péril imminent, en vient à commettre une
infraction. Un choix s'offre donc à lui: ou bien subir le dommage, ou bien
commettre l'infraction. C'est dire que l'individu se trouve placé dans une situation
de crise, exceptionnelle, de détresse... Le droit se doit donc de fléchir. Nécessité fait
loi.»312
Seront justifiés par l'état de nécessité:
- Le fait pour une mère en plein dénuement de dérober des aliments pour se nourrir et
nourrir ses enfants;
- Le fait pour un pompier de détruire la clôture d'un immeuble en feu afin de secourir les
personnes qui s'y trouvent;
- Le fait pour un automobiliste de détourner son véhicule sur un animal ou un autre
véhicule en stationnement afin d'éviter d'écraser un piéton imprudent.
II. Conditions d'ouverture du droit
Pour que l'état de nécessité soit retenu, trois conditions doivent être réunies:
a) L'intérêt à sauvegarder doit être de valeur supérieure ou au moins égale à
l'intérêt sacrifié
N'est pas justifié le fait de sacrifier la vie d'un tiers pour sauvegarder le droit de propriété.
Par ailleurs, l'agent qui, en vertu de la loi, a l'obligation de se soumettre à un danger même très
grave, ne peut invoquer ce danger pour se justifier. Ainsi, par exemple, le militaire ne peut pas
invoquer le danger pour être exonéré de l'infraction de désertion313.
Le médecin traitant qui informe le parquet de ce que son patient a commis des attentats à la
pudeur sur un enfant et qui craint que ce dernier ne commette de nouvelles infractions, viole le
secret professionnel.

311
Signalons un arrêt important de la Cour de cassation de Belgique sur la question et qui est considéré comme
«la consécration jurisprudentielle de l'état de nécessité» en droit belge: 13 mai 1987, R.C.J.B., 1989,589, note
d'A. de NAUW, R.D.P.C., 1991, 1084 (Affaire VERLAINE).
312
Op. cit., n° 306.
313
J. VERHAEGEN, op. cit., p. 68.
116

Toutefois, il est justifié par l’état de nécessité dans lequel il s’est trouvé en vue d’empêcher que
l’inculpé ne réitère les infractions dont il est en aveux, sur des enfants, ce qui représente un
intérêt supérieur à tout autre dans le cas d’espèce314.
- Est justifié un responsable de l’administration communale qui, en temps de crise
majeure, réquisitionne les bêtes auprès des fermiers de sa commune ou des communes voisines,
pour sauver ses administrés315.
b) L'intérêt à sauvegarder doit être menacé d'un péril grave et imminent
Celui qui se prévaut de la justification par l’état de nécessité doit établir qu’il s’est trouvé dans
l’absolue nécessité de violer la loi pour combattre un danger réel, effectif, certain, actuel ou au
moins imminent.
Ce danger doit être précis et déterminé, c’est-à-dire menacer ou compromettre la sûreté ou
l’existence d’une personne ou d’une chose.
Ne sera pas justifié par l’état de nécessité :
- Celui qui prétend avoir voulu pallier un risque, c’est-à-dire d’un danger éventuel, fût-il
considéré par le prévenu lui-même comme constituant une menace grave pour lui-même,
l’environnement ou la société en général316 ;
- Celui qui, en fin de compte, n’invoque que de simples raisons de commodité.
c) La commission de l'infraction doit être le seul moyen de sauvegarder
l'intérêt menacé
Il n'y a pas de nécessité lorsqu'il existe d'autres moyens de sauver le droit en péril.
Cette exigence est tempérée par certains auteurs317 et une certaine jurisprudence qui retiennent
l'effet justificatif lorsque l'infraction était «le meilleur moyen» de parvenir au but.
III. Conditions d'exercice
La reconnaissance de l’état de nécessité comme cause de justification n’autorise pas n’importe
quel acte. Certes, l’état de nécessité ouvre un droit à transgresser des interdits du droit pénal,
mais sous peine de vider toutes les lois pénales de leur substance, il ne saurait être question
que, par lui, tous les interdits soient levés ou violés n’importe comment. Il faut imposer des

314
Mons, ch. Mises en acc., 22 nov. 1996, R.D.P.C., 1997, 575. Sur la question de la dénonciation d’une infraction
par le médecin traitant et de sa justification par l’état de nécessité, voy. Aussi Cass., 13 mai 1987, R.D.P.C., 856 et
note ; R.C.J.B., 1989, 588 et la note d’A. DE NAUW et l’étude de Chris. HENNAU-HUBLET et J. VERHAEGEN,
Recherche policière et secret médical, in J.T., 1988, 165-167.
315
Tribunal civil de Huy, 19 avril 1917, Pas., 1919, III, 75 (Affaire « Somme »).
316 ème
Tribunal de première instance de Namur (10 ch. corr.), 26 janv. 2004, in R.D.P.C., 2004, 968.
317
FORIERS, L'état de nécessité en droit pénal, Bruxelles-Paris 1951, p. 335.
117

limites strictes à cette cause de justification, en la soumettant à la condition de la légalité


élémentaire.
Ne bénéficieront pas de la justification :
- Les actes inefficaces, inaptes à sauvegarder le bien menacé. Du moment qu'ils ne peuvent
produire l'effet recherché, ils deviennent inutiles et gratuits, et l'infraction devra être constatée;
- Les actes délictueux superflus, ceux qui excèdent le strict nécessaire pour la sauvegarde
du droit menacé. Le NCPF, qui consacre expressément et formellement l’état de nécessité, ne
lui reconnaît l’effet justificatif qu’à la condition qu’il n’y ait pas disproportion entre les moyens
employés et la gravité de la menace318.
IV. La faute antérieure ou la culpa praecedens
La question de l'incidence de la faute antérieure de l'agent sur l'effet justificatif de l'état de
nécessité est controversée.
Pour certains auteurs319, pour bénéficier de la justification, l'agent doit n’avoir pas créé par son
fait ou par sa faute la situation qui le met en état de nécessité. Il doit, dans ce cas, supporter la
conséquence de ses actes.
Il convient de relever que l’article 122-7 du NCPF ne fait aucune allusion à l’absence de la
faute antérieure de la part de l’agent, pour rendre justificatif l’état de nécessité. Certains y ont
vu là la confirmation par le législateur de la tendance dominante en doctrine320.
De même, à en croire la jurisprudence affirmée dans l’Affaire PERKA c/La Reine, le droit
pénal canadien ne reconnaît aucun effet de la faute antérieure, et la simple négligence ou le
simple fait que l’accusé participait à une activité criminelle ou immorale n’empêche pas qu’il
puisse invoquer la justification par la nécessité321.
La faute antérieure pourra être sanctionnée à part, si elle est constitutive d'une infraction322.
Nous partageons ce point de vue. En effet, une fois comprise la raison d'être de l'état de
nécessité, on doit lui reconnaître l'effet justificatif et admettre le sacrifice des intérêts
secondaires au profit des intérêts supérieurs de la société lorsque ceux-ci ne peuvent être
sauvegardés autrement, et cela, que l'agent ait ou non préalablement commis une faute. Adopter

318
Article 122-7 du NCPF.
319
E. LAMY, Cours, op. cit., p.308. Dans ce sens aussi, la jurisprudence française, notamment Rennes, 1er avril
1954, S.2.185; Corr. Avernes-sur-Helpes, 19 novembre 1958, J.C.P. 1959. 2.11.366.
320
Voir ROUJOU de BOUBEE, op. cit., p. 35.
321
Guy COURNOYER et Gilles OUIMET, Code criminel annoté 2003, Ed. Yvon Blais, Cowansville, p. 44.
322
MERLE et VITU, op. cit., n° 346, BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 299; BOUZAT, Note sous Rennes, 12 avril
1954, S.2.185; Chris HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n°219.
118

une solution contraire découragerait toute initiative de l'agent, favorable à la sauvegarde des
intérêts essentiels.
V. L'état de nécessité et la responsabilité civile
La responsabilité civile ne disparaît pas sous l'effet de l'état de nécessité. «Pour d'impérieux
motifs d'équité»323, le dommage causé doit être réparé. La victime de l'acte nécessaire n'a pris
aucune part à la production du préjudice qui lui arrive. Il est juste qu'elle soit restaurée dans son
droit.
La personne qui doit réparer n'est pas toujours l'auteur de l'acte nécessaire. L'affamé qui a volé
devrait indemniser sa victime, s'il revient à meilleure fortune. Le tiers qu'on aura sauvé du feu
en saccageant la clôture du voisin devrait indemniser celui-ci.
Comme le relèvent MERLE et VITU, « l’ingéniosité doctrinale a trouvé plusieurs fondements
à cette indemnisation de la victime : enrichissement sans cause, droit de nuire à autrui contre
indemnité324, expropriation pour cause d’utilité privée325 »326.

B. LA LEGITIME DEFENSE
I. Définition

La défense des personnes et des biens est une prérogative de l'autorité publique. Personne ne
doit rendre justice à soi-même. Telle est la conception actuelle de notre droit.
Toutefois, il arrive des situations où la rigueur de ces principes doit fléchir : c'est lorsque l'agent
est exposé, ou voit une tierce personne exposée à une agression grave et qui causerait un mal
irréparable s'il devait attendre le secours de l'autorité publique. Dans ce cas, il a non seulement
le droit, mais le devoir de repousser la force par la force.
La légitime défense peut donc être définie comme l'emploi direct et nécessaire de la violence
pour repousser une agression injuste qui se commet ou qui va se commettre contre sa propre
personne ou la personne d'un tiers.
La légitime défense a toujours été reconnue comme une cause de justification. Cicéron la
considère comme un principe de droit naturel: «Est Haec non scripta, sed nata lex ...»327.

323
BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 300. Voir aussi SAVATIER, Traité de responsabilité civile, I, 242 et s.; MERLE et
VITU, op. cit., n° 317.
324
R. SAVATIER, Mélanges Capitant, p. 379.
325
DEMOGUE, Traité des obligations, III, n° 240.
326
Op. cit., 1997, n° 442.
327
Pro Milone, Cap. 4.
119

La légitime défense est un cas particulier de l'état de nécessité: l'agent se trouve dans
l'alternative soit de subir ou laisser subir une lésion grave, soit d'infliger une lésion grave à
l'agresseur.
La légitime défense est aussi un acte de justice: celui qui repousse par la force une agression
injuste rend service à la société, concourt à la défense d'un intérêt juridiquement protégé. C'est
«un gardien de la paix publique.»328
II. Les conditions d'existence de la légitime défense
Pour que la légitime défense soit retenue, quatre conditions doivent être remplies:
- L'attaque doit être actuelle ou imminente;
- L'attaque doit être injuste;
- Le recours à la force doit être le seul moyen de se protéger ou de protéger autrui;
- L'agression doit être dirigée contre les personnes ou les biens.

a) L'attaque doit être actuelle ou imminente


Il faut que la défense soit simultanée à l'agression. Il n'y aura pas justification si le danger est
passé ou réalisé, ou encore si le mal est futur.
Est justifié un prévenu qui, se voyant assailli chez lui à l'improviste par un homme d'un
caractère violent, doué d'une force physique exceptionnelle, exprimant à haute voix son
intention de le maltraiter, avait craint pour sa vie et frappé son agresseur avec une serpe qu'il
tenait à la main329.
Est aussi justifié un crime d'homicide préterintentionnel commis contre un agresseur qui,
trouvant la nuit sur une route un homme et sa femme, avait abandonné ses compagnons, était
retourné sur ses pas, avait proféré des injures contre les deux époux, avait menacé de s'emparer
de la femme et , enfin, s'était précipité sur le mari330.
Dépasse par contre les limites de la légitime défense celui qui frappe mortellement un voleur au
moment où celui-ci prend fuite et ne manifeste aucune intention agressive331.
Si l'agression est lointaine, l'agent n'a pas le droit de recourir à la violence, car il a le temps
d'avertir les autorités publiques et demander leur protection.

328
R.GARRAUD, Traité, II, n°439. Voir aussi E. GARCON, Code pénal annoté, II, art. 295 à 401, nouvelle éd. par
ROUSSELET, PATIN et ANCEL, Paris, 1956, art. 328, p.156.
329
Cass. fr., 7 août 1873, B., 219; S.1874.1.95, D.1873.1.385.
330
Cass. fr., 9 avril 1857, D. Suppl., 316.
331 ère
1 Inst.(Appel), Bukavu, 17 avril 1946, R.J.C.B., 147 .
120

b) L'attaque doit être injuste

On ne peut pas se défendre contre une agression juste, objectivement juste ou autorisée par la
loi. Celui qui se défendrait contre une agression légale se rendrait coupable de rébellion.
L’agression commise par un agent de la force publique étant présumée juste, il y a
incompatibilité entre la légitime défense et une agression de ce type.
Le mari trompé est-il victime d'une agression injuste et, en conséquence, peut-il exercer des
violences justifiées sur la personne de sa femme et du complice de celle-ci ? Non. Aussi son
action sera-t-elle injuste et ses victimes pourront-elles légitimement se défendre contre les
risques de meurtre ou de blessure332.
Celui qui, par une agression injuste, a placé son adversaire dans la nécessité de se défendre, n'a
pas le droit de repousser la force par la force. Il n'y a pas de légitime défense contre la légitime
défense, car celle-ci est l'exercice d'un droit et l'accomplissement d'un devoir.
En droit congolais, la résistance aux actes illégaux de l'autorité est permise333, aux conditions
que, d'une part, leur illégalité soit manifeste et qu'ils soient difficilement réparables, et, que,
d'autre part, il ne soit fait usage, dans la défense, que de violences mesurées334.
La question qui demeure est celle de savoir si une résistance disproportionnée restitue à la
violence de l’agent son caractère illégal et si la qualification de rébellion peut être finalement
retenue335.
Le tribunal correctionnel de Bruxelles n’a pas hésité à condamner le prévenu DECOSTER du
chef de rébellion, pour avoir infligé des brutalités excessives à des agents qui voulaient
procéder à une perquisition au cours d’un bal privé336.
De même, le tribunal de première instance du Kasaï, au degré d’appel, a condamné aussi pour
rébellion les personnes qui avaient infligé des coups et blessures à deux policiers de chefferie
qui avaient procédé à une visite domiciliaire illégale337.
Cependant, cette solution n’est pas unanimement retenue, et des auteurs éminents ont pu écrire
que même en cas de « résistances excessivement violentes »338 disproportionnées, il ne saurait

332
BOUZAT et PINATEL op. cit., n° 287.
333
Première Inst. (appel) Eq. 28 févr.1952, R.J.C.B., 243. Voir aussi l'article 37 de l'acte de transition et l'article 7
du projet de constitution fédérale de la CNS qui proclament «le droit sacré de désobéir et de résister à tout
individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir ou s'y maintient par la force ou l'exerce en violation de la
constitution».
334
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n°228.
335
J. V. p. 349.
336
Corr. Brux., 23 oct. 1893, Belg. Jud., 1893, 1567, cite par J. V., loc. cit.
337
22 mars 1950, J.T.O.M., 32.
121

être question de retenir l’infraction de rébellion dans le chef de l’agent. Celui-ci pourra être
inculpé « d’un délit contre les personnes et non d’un délit contre l’autorité »339.
Nous pensons aussi en effet que les violences disproportionnées ne constituent plus une entrave
à l’autorité, ni dans leur élément matériel, ni dans leur élément moral, mais constituent
uniquement une riposte à quelqu’un qui, initialement revêtu de l’autorité de l’Etat, l’a plutôt
perdue par l’illégalité manifeste initiale qui aura caractérisé ses actes.
c) Le recours à la force doit être le seul moyen de se protéger ou de protéger
autrui
Si un autre moyen existait, les violences ne sont plus justifiées.
Curieusement, le nouveau code pénal russe proclame, en son article 37,2, que le droit de
légitime défense appartient à la personne même s’il est possible d’éviter l’atteinte socialement
dangereuse ou de recourir au secours, soit d’autres personnes, soit de l’autorité publique.
Cette disposition nous semble contraire à la nature même de la légitime défense, qui doit
demeurer exceptionnelle, de peur de favoriser un retour à la justice privée alors que les voies de
secours et de recours de la justice publique n’ont été ni explorées ni épuisées.
Il se pose souvent la question de savoir si l'agent cesse d'être justifié s'il pouvait échapper au
danger par la fuite. On s'accorde à dire que la personne menacée n'est pas obligée de fuir. «Le
droit n'est pas tenu de céder devant l'injustice, et la fuite, souvent honteuse, ne peut être une
obligation légale.»340
Toutefois, ce principe n'est pas absolu, et certains cas appellent une solution contraire : un fils
qui frapperait ou tuerait son père, un agent qui frapperait ou tuerait un fou ou un infirme ne
seraient pas justifiés s'ils pouvaient se soustraire au danger par la fuite341. Dans ces différents
cas, la fuite ne présente pas le caractère honteux qu'elle aurait en d'autres circonstances.
d) L'agression doit être dirigée contre les personnes ou contre les biens
La légitime défense est fondée d'abord lorsque l'agression est dirigée contre les personnes:
contre sa propre personne ou contre la personne d'autrui. L'article 66 ter du CP (art. 1er de l'O.L.
n°78-015 du 4 juillet 1978) rend obligatoire la défense d'autrui lorsqu'elle ne comporte aucun
risque pour soi-même ou pour les tiers. La consécration de la légitime défense vise d'abord la
protection physique de la personne humaine.

338
J. VERGAEGEN, La protection pénale contre les excès de pouvoir et la résistance légitime à l’autorité, Bruylant,
Bruxelles, 1969, p. 350.
339
R. GARRAUD, tome II, éd. 1994, p. 38.
340
GARCON, op. cit., art.328, n°26.
341
Loc. cit.
122

Appellent la légitime défense les agressions «qui sont génératrices d'un danger physique: mise
en péril de la vie, de la liberté locomotrice, de l'intégrité corporelle ou sexuelle.»342
La légitime défense n'est donc pas retenue seulement en cas de danger de mort ; la défense est
autorisée pour repousser toute agression contre les personnes.
- C'est ainsi que la légitime défense a été reconnue contre les blessures et les lésions
corporelles graves343.
- Un individu saisi au col de son habit et violemment secoué sera justifié s'il se dégage,
pousse son adversaire et lui administre un coup de poing.
- Un individu est justifié des violences, qui s'était borné à repousser un agresseur qui, à
deux reprises, s'était livré sur sa personne à des voies de fait et l'avait saisi à la barbe344.
- Le viol est une agression qui justifie la défense par la victime elle-même ou par un tiers.
- L'attentat à la pudeur peut aussi justifier la défense.
- L'atteinte à la liberté individuelle justifie que la victime se défende au besoin par la force,
notamment en brisant les obstacles matériels ou en frappant ceux qui la retiennent
prisonnière345.
La riposte aux atteintes à l'honneur telle que la diffamation, la calomnie ou l'injure n'est pas
justifiée, car on considère que la victime ne se trouve pas menacée par un danger grave et
irréparable. Elle peut s'en référer à l'autorité et obtenir réparation346.
La question de savoir si la légitime défense s'étendait aussi aux agressions contre les biens a été
longtemps discutée dans le passé347. Mais il est maintenant acquis que la légitime défense peut
être retenue en cas d'attaque contre les propriétés348.
La jurisprudence congolaise consacre la légitime défense des biens, soit que l'attaque contre les
biens portait indirectement sur la personne, soit qu'elle portait directement et exclusivement sur
les biens.
C'est ainsi que le tribunal de Boma a jugé que lorsque l'attentat à la propriété menace également
la personne, la défense violente est légitime349.

342
MERLE et VITU, op. cit., n° 330.
343
E. GARCON, op. cit., n°33.
344
Cass. fr., 5 nov. 1875, B. 305 ; S. 1876.1.282.
345
E. GARCON, op. cit., art. 328, n°47
346
MERLE et VITU, op. cit., n°330.
347
Loc. cit., GARCON, op. cit., art.328, n° 49 et s.; L. BOURS, La défense de la propriété, cause de justification ou
d'excuse, in J.T.O., 1950-1951,179 et s.
348
Loc. cit., Voir aussi R. LEGEAIS, Légitime défense et protection des biens. Aperçu de droit comparé, in R.S.C.,
1980, 325-336, spécialement p.331; Req. 25 mars 1902, S.1903-I,5, note LYON-CAEN.
349
Boma, 17 sept. 1906, Jur. Etat, III, 146.
123

La Cour d’appel d'Elisabethville a jugé que se trouvent en état de légitime défense, des
personnes qui pouvant prendre la fuite pour éviter le combat, ne la prennent pas pour ne pas
laisser à la merci des assaillants leurs cases, leurs biens et leurs plantations350.
Enfin, nous citerons le tribunal de Première Instance de Bukavu qui a jugé que l'atteinte à
l'intégrité de la personne pour repousser une agression contre la propriété est justifiée lorsque la
nature de cette agression fait présumer l'intention d'attenter aux personnes351.
De nombreux codes pénaux modernes consacrent la légitime défense de la propriété et
emploient à cet effet une formule souple: la légitime défense s'applique à tout bien
juridiquement protégé (art. 13 du CP russe, art. 52 du CP italien, art. 41 du CP hollandais, art.
74 du CP éthiopien352. Quant au NCPF, il justifie la personne qui, pour interrompre l’exécution
d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide
volontaire353.
III. Condition d'exercice de la légitime défense
La riposte, pour être justifiée, doit être proportionnée à l'attaque subie ou dont on est
menacé354.
Le juge de fond constate en fait si l’acte de défense invoqué par le prévenu ne dépasse pas les
limites de la nécessité actuelle de la défense et si elle est ou non proportionnelle au danger à
écarter355.
La proportionnalité de la défense à l'attaque est une exigence traditionnelle. Ne sera pas justifié
celui qui, à un coup de poing, répond par un coup de revolver ; ou encore celui qui, pour
défendre les fruits de son champ, tue l'enfant maraudeur. Dépasse les limites de la légitime
défense celui qui, justifié à repousser par la violence une agression imminente et injuste,
continue à frapper son adversaire gisant à terre, hors d'état de nuire356.
Il est généralement admis que l'appréciation de la proportionnalité doit tenir compte du fait que
celui qui repousse une agression injuste prend sa décision dans le vif de l'action et qu'il ne
saurait être question de lui tenir rigueur de n'avoir pas fait une évaluation quasi mathématique
entre le danger qu'il encourait et le mal qu'il a infligé. On exigera toutefois une appréciation

350
Elis. 30 nov. 1915, Jur. col., 1926, 225.
351 ère
1ère Inst. App. Bukavu, 17 avr.1946, R.J.C.B., 147. Voir aussi 1 Inst. App. Coq., 2 oct.1947, R.J.C.B., 1948,
27, avec note X.; distr. Haut-Lomami, 24 déc. 1948, R.J.C.B., 1949, 71.
352
Pour l'étude approfondie de la question, voir l'excellent article de R. LEGEAIS, Légitime défense et protection
des biens; Aperçu de droit comparé, déjà cité.
353
Article 122-5, alinéa 2.
354
R. LEGEAIS, op. cit, 331.
355
Cass. b., 29 sept. 1998, J.T., 1999, 93.
356
Léo., 13 mai 1954, R.J.C.B., 246.
124

raisonnable, compte tenu des circonstances. On pourra même tolérer que le bien sacrifié par la
défense soit légèrement supérieur au bien sauvegardé. Ce qu'il faut rejeter, c'est la «nette
disproportion entre, d'une part, la défense et, d'autre part, le caractère et le danger de
l'agression» (art. 13 al. 2 du code pénal de la R.S.F.S.R.).
En cas d'excès non intentionnel dans la défense, celle-ci pourra néanmoins être prise en compte
en conduisant à une qualification moins grave. Ainsi, l'homicide ou les coups et blessures
pourront être punis à titre de délits d'imprudence357.
Si les limites de la défense nécessaire ont été dépassées suite à l'erreur invincible ou à la
contrainte morale irrésistible, l'agent sera non punissable parce que non imputable.
En matière de défense des biens, l'exigence de la proportionnalité entre la riposte et l'attaque est
très rigoureusement appréciée, et l'excès est presque toujours condamné358.

357
Voir R. LEGEAIS, article déjà cité, 326.
358
Voir BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 290.
125

IV. Cas privilégiés de légitime défense en droit comparé


Il existe en droit français et belge deux cas privilégiés de légitime défense (art.329 CPF, 122-6
NCPF et 417 CPB) :
- Agression nocturne contre une habitation et
- Vol et pillage avec violences.
D'après la jurisprudence française, la présomption retenue à l'article 329 du CP et 122-6 du
CNPF est simple. Cela veut dire que, même si l'agent affirme s'être trouvé dans les conditions
décrites par ce texte, le ministère public pourra apporter la preuve contraire et démontrer qu'il
n'y avait pas légitime défense359.
Le droit belge distingue selon qu'il s'agit de l'agression nocturne contre une habitation ou du vol
et pillage avec violences.
Dans le premier cas, il y a présomption simple (juris tantum) que les occupants sont en danger,
sauf si on n'a pas pu croire à un attentat contre les personnes, soit comme but direct de
l'agresseur, soit comme conséquence de la résistance qu'il rencontrerait. Cela résulte des
termes de la loi (art.417, 2).
Ainsi, ne peut être justifié le père qui tue un jeune homme, ami de sa fille et qui allait la
rejoindre, lorsque le père connaissait ces relations et qu'il l'avait reconnu.
Dans le deuxième cas, il y a présomption irréfragable (juris et de jure) que les personnes sont
en danger. La preuve contraire n'est pas admise. L'existence des conditions de vol ou pillage
commis avec violences impose au juge de reconnaître en faveur de l'agent la légitime défense.
Cette présomption, quoique irréfragable, n'autorise plus la riposte dès lors qu'il apparaît que le
danger n'est plus360.
V. La légitime défense et la responsabilité civile
La légitime défense exclut la faute civile, car le dommage causé est exclusivement imputable
au premier agresseur, devenu maintenant «victime». Il faut, bien entendu, que la défense reste
mesurée, en proportion avec l'attaque361. Dans le cas contraire, le défenseur légitime répondrait
pour partie du préjudice infligé à son agresseur.
Cette dernière solution n’est cependant pas absolue. Malgré l’excès dans la défense, la
demande en réparation par le premier agresseur doit être rejetée, lorsqu’elle est contraire à
l’ordre public et aux bonnes mœurs.

359
Cass. fr., 19 février 1959, D. 162, note favorable M.R.M.P. et J.C.P., 1959. II. 11112, note BOUZAT.
360
Voir Chris. HENNAU et VERHAEGEN, loc. cit.
361
MERLE et VITU, op. cit., n° 316.
126

C. L'ORDRE OU L'AUTORISATION DE LA LOI ET LE COMMANDEMENT DE


L'AUTORITE

I. Définition
Certains actes définis comme infractionnels par la loi pénale peuvent être justifiés lorsqu'ils
sont :
- Le fait de celui qui a reçu de la loi l'ordre ou l'autorisation de les poser, ou encore
- Le fait de celui qui exécute l'ordre de son supérieur, donné conformément à la loi.
Ainsi, le bourreau qui procède à l'exécution d'un homme condamné à mort est justifié par
l'ordre reçu des autorités judiciaires. De même, l'agent de l'autorité qui arrête ou détient un
délinquant en cas de flagrant délit ou en vertu d'un mandat de justice ne répondra pas de
l'infraction d'arrestation ou de détention arbitraires prévue par l'article 67 du CP. Le serrurier
qui, sur réquisition, fracture la porte d'une maison est justifié et ne saurait répondre ni de la
violation de domicile (article 69 du CP), ni de la destruction méchante (article 110 du CP). Le
soldat qui, pendant la guerre, tue ou inflige des lésions à l’ennemi, ne répondra pas de
l’assassinat, du meurtre ou des blessures involontaires … .
II. Conditions de la justification
Pour être justifiés par la loi ou le commandement de l'autorité, les actes doivent répondre aux
conditions de la légalité élémentaire et de la régularité formelle.
Il y a légalité élémentaire lorsque les actes demeurent dans les limites de l'utile, du strict
nécessaire et du proportionné362.
Ne seraient pas notamment justifiés :
- Le serrurier réquisitionné qui, au lieu de se limiter à forcer la porte, détruirait un mur de la
maison;
- Le bourreau qui, avant d'exécuter le condamné à mort, le soumettrait à la torture;
- Le particulier qui, après avoir arrêté un délinquant en flagrant délit, ne le conduirait pas
immédiatement devant l'autorité;
- L’agent de la force publique qui exécute mal un ordre de son supérieur hiérarchique363.

Il y a régularité formelle lorsque les actes sont le fait d'une personne ayant qualité pour agir, et
sont posés selon la forme prescrite et dans le cas prévu par la loi.

362
VERHAEGEN, op. cit., p. 83.
363
Cass. b., 13 sept. 1989, R.D.P.C., 1990, 65.
127

III. Ordre illégal


Mais, il se pose en doctrine et en jurisprudence le problème de l'ordre illégal émanant de
l'autorité légitime.
Si l'on se place au niveau de l'autorité, la solution devrait aller de soi: aucune autorité, si élevée
soit-elle dans la hiérarchie, n'a le droit ni le pouvoir d'ordonner ce que la loi défend. Et la
justification est donc inconcevable. Toute autorité répondra pénalement et civilement des
conséquences qui résultent de l'exécution de son ordre illégal.
Mais, si l'on se place au niveau de l'exécutant, le problème reçoit un autre éclairage. L'agent
d'exécution n'est-il pas tenu au devoir d'obéissance? Comment pourrait-on alors lui reprocher
de faire son devoir? La justification de l'infraction commise en exécution d'un ordre illégal
devient ainsi possible.
Toutefois, pour qu'elle soit retenue à titre de principe, il faudrait que le devoir d'obéissance soit
sans limites. Tout cela nous montre la complexité du problème.
Plusieurs solutions ont été imaginées par la doctrine364. En ce qui nous concerne, nous
relèverons trois, à savoir:
- Système de l'obéissance passive;
- Système dit «des baïonnettes intelligentes»;
- Système intermédiaire.
a) Système de l'obéissance passive
Pensant surtout aux militaires, ce système veut la justification des actes d'exécution lorsque
l'agent n'a fait qu'obéir à son supérieur hiérarchique.
Ce système est bien illustré par ces propos du maréchal MONTGOMERY, s’adressant, en
1946, à l’armée britannique : « Si l’essence de la démocratie est la liberté, celle de l’armée est
la discipline. Le soldat n’a rien à dire, quelque intelligent qu’il soit (…) Il est du devoir du
soldat d’obéir, sans poser de questions, à tous les ordres que lui donne l’armée, la Nation »365.
Cette solution est dangereuse, car elle conduirait à de graves abus et à l'irresponsabilité des
agents sous les ordres. La priorité n'est pas que l'ordre soit obéi, mais plutôt que celui-ci soit
conforme à la loi. « La loyauté totalement aveugle ne peut abriter aucun être humain, même un
soldat »366. Aussi, ce système est-il aujourd'hui rejeté.

364
BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 284 et s.
365
Cité par J. VERHAEGEN, Le refus d’obéissance aux ordres manifestement criminels, Conférence donnée en
octobre 1998 au Séminaire de droit militaire et de droit de guerre, p. 1.
366
La Reine c/Finta, [1994], cité par Guy COURNOYER et Gilles OUIMET, Code criminel annoté 2003, éd. Yvon
Blais, Cowansville, p. 55.
128

b) Système dit «des baïonnettes intelligentes»


Ce système postule que l'exécutant n'obéisse pas aveuglément à tout ordre reçu, mais qu'il
distingue les ordres illégaux des ordres légaux, et n'obéisse qu'à ces derniers. L'exécution d'un
ordre illégal ne peut donc pas être justifiée.
Cette solution est rejetée, car il paraît difficile d'attendre de tout subordonné qu'il soit en
mesure d'apprécier la légalité de l'ordre reçu. Par ailleurs, ce système est de nature à
compromettre la discipline, particulièrement au sein des forces armées.
c) Système intermédiaire
1) Principe
Ce système veut que l'on distingue l'illégalité manifeste de l'illégalité non manifeste. Seuls
seraient justificatifs l'ordre légal et celui dont l'illégalité n'est pas manifeste. C'est la théorie de
BARBEYRAC qui distinguait l'ordre dont l'injustice est douteuse et donc supportable, et l'ordre
dont l'injustice est manifeste et donc insupportable367.
Cette solution est partagée par la doctrine dominante: « si l’illégalité du commandement était
manifeste, éclatante, l'agent qui a obéi est responsable, sauf à examiner s'il n'a pas été victime
d'une contrainte morale; si l’illégalité du commandement n'était pas évidente, celui-ci ne peut
être pénalement sanctionné.»368
Le système intermédiaire est largement reçu par la jurisprudence congolaise369. C'est ainsi qu'il
a été jugé que, si en principe, ne commet pas l'infraction d'arrestation arbitraire le policier qui
arrête un individu pour sorcellerie, sur ordre de son chef de chefferie, il en devient autrement
lorsqu'il n'a pu se méprendre sur le caractère manifestement illégal de l'ordre reçu370.
2) L’ordre manifestement illégal et la contrainte morale
La contrainte morale est souvent réalisée lorsque l'autorité hiérarchique assortit son ordre d'une
menace de sanction (mort, révocation, privation de salaire, ...).
Si l’ordre, quoique manifestement illégal, représente une force irrésistible pour l’exécutant, il
pourra constituer alors une contrainte exonératoire pour ce dernier. Il n’est pas justificatif, mais
vaut simplement cause de non-imputabilité371. Il en sera ainsi si l’ordre est assorti d’une
menace de mort à l’encontre de l’agent, hypothèse peu courante pour les civils en temps
normal, mais tout à fait concevable en temps de crise (émeutes, pillages, chasse aux étrangers,

367
Notes sur Grotius, 1739, livre 1er, cap. IV, §II, note 1.
368 s
MERLE et VITU, op. cit., n° 325; voir aussi BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 276; HAUS, op. cit., I., n° 609-610.
369 ère
G.G.R.U., 26 mars 1958, R.J.A.C., 1960, 240, 1 inst., Eq., App. 29 avril 1954, J.T.O., 1956, 13.
370
Kis., 27 nov.1978, R.J.Z, 1979, 117.
371
Boma, 19 mars 1901, Jur. Etat, I, 117 ; voir aussi Michel DANTI-JUAN, V° Ordre de la loi, in Répertoire Dalloz,
Tome V, mise à jour 1999, Paris, 9 pages.
129

etc.). Cette même hypothèse se réalisera plus souvent dans l’ordre militaire, aussi bien en temps
de paix qu’en temps de crise ou de guerre.
3) L’ordre manifestement illégal et les atteintes graves à la vie, à l’intégrité
physique ou à la santé
S’agissant de l’activité militaire, médicale ou de toute autre, on peut se poser la question de
savoir si, suite à un ordre d’une autorité hiérarchique ou supérieure compétente, assorti d’une
menace grave telle que la mort, la révocation ou la privation de salaire, le médecin, le personnel
paramédical, le soldat ou toute autre personne, peut bénéficier de l’effet exonératoire de la
contrainte irrésistible, en cas d’assassinat, de meurtre, d’empoisonnement, d’administration des
substances de nature à donner la mort ou nuisibles à la santé ou d’atteinte à l’intégrité physique.
Nous inspirant d’une jurisprudence ancienne, notamment de l’affaire « The
MIGNONETTE »372, nous pensons qu’il n’est pas permis à quiconque, soldat, médecin ou non,
mais à plus forte raison à celui qui a prêté serment d’Hippocrate, de sacrifier la vie ou la santé
d’un innocent en vue de sauvegarder sa propre vie, sa santé ou son bien-être personnel.
IV. Ordre de la loi ou commandement de l'autorité et responsabilité civile
Celui qui est justifié par la loi ou par l'ordre reçu ne peut engager sa responsabilité civile.
« L'ordre de la loi et le commandement de l'autorité sont inconciliables avec la notion de faute
civile: aucune faute ne peut être logiquement imputée à celui qui exécute sans excès son devoir
d'obéissance.»373
Par contre, le donneur d'un ordre illégal pourra répondre pénalement et civilement des
conséquences de l'exécution de son ordre. En ce qui concerne l'exécutant, celui-ci répondra
pénalement et civilement des conséquences résultant de l'exécution d'un ordre manifestement
illégal, ou d’une mauvaise exécution de l’ordre reçu de son supérieur ou de ce qui est autorisé
par la loi.
D. LE CONSENTEMENT DE LA VICTIME374
Le consentement de la victime n'est pas retenu comme une cause de justification.
La maxime romaine selon laquelle « Volenti non fit injuria » n'est pas d'application dans notre
droit.

372
Voir lecture à la fin de cette partie de l’ouvrage.
373
MERLE et VITU, op. cit., 1997, n° 441.
374
Sur cette question, voir la thèse de A.F. ABDOU, Le consentement de la victime, L.G.D.J., Paris, 1971; voir aussi
NYABIRUNGU mwene SONGA, Le consentement de la victime et les atteintes à la vie, Rapport au symposium
national sur les droits de l'homme face aux problèmes de la vie et de la mort, CRIDHAC, Kinshasa, 15-17 février
1983 ; Philippe CONTE et al., op. cit., pp. 147-148.
130

La principale raison de l'inefficacité du consentement de la victime est que les lois pénales
interviennent pour la sauvegarde de l'intérêt général. Les biens qu'elles protègent sont avant
tout des biens de la collectivité. Ils ne peuvent être laissés à la discrétion des particuliers. Bref,
ils sont indisponibles.
Toutefois, il existe certaines infractions qui sont effacées par le consentement de la victime. Ce
sont des infractions relatives aux biens disponibles, ceux dont la société autorise le particulier à
disposer. L'intérêt de la collectivité pour ces biens, contrairement aux biens indisponibles, n'est
pas direct, immédiat. Alors, elle autorise que la volonté du particulier puisse les mettre en
cause. On ne peut répondre du vol lorsque le propriétaire du bien consent que son bien soit pris;
il n'y a pas viol sur la personne de la femme consentante.
Mais en fait, même pour ces infractions, on ne peut pas dire que le consentement de la victime
est une cause de justification. Ce qu'il faut retenir est que l'absence du consentement de la
victime est un élément constitutif de l'infraction. Donc, en cas de consentement, un élément
constitutif fait défaut375.
E. LES LIMITES DE LA JUSTIFICATION
Il existe des situations où, quelles que soient les circonstances, le fait ne peut être justifié. Il en
est ainsi des violations des interdits de type humanitaire, tels qu'ils sont prévus et définis par les
conventions de Genève du 18 août 1949.
Ces conventions ont pour objet des valeurs tout à fait fondamentales liées à la personne
humaine, «le minimum à respecter en l'homme quelques soient les circonstances», des valeurs
qui échappent à la souveraineté des Etats.376
Les conventions humanitaires de Genève interdisent en des termes absolus la torture et les
traitements inhumains et dégradants. Des conventions ultérieures ont pris les mêmes
préoccupations en compte, et comportent des dispositions non dérogeables. C'est ainsi que
d'après l'art. 4, al.2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques377, même au cas
où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation, aucune dérogation ne sera
accordée aux articles 6, 7, 8, ($1 et 2), 11, 15, 16, et 18 qui portent respectivement sur:
- Le droit à la vie (art.6);
- L'interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants
(art.7);
- L'interdiction de l'esclavage et de la servitude (art.8 §1 et 2);
375
BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 303.
376
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n°34.
377
Voir aussi art. 15, §2 de la convention européenne des droits de l'homme.
131

- L'interdiction de l'emprisonnement pour des dettes (art.11);


- Le principe de la légalité des délits et des peines (art.15);
- La reconnaissance de la personnalité juridique de chacun (art. 16);
- La liberté de pensée, de conscience et de religion (art.18).

SECTION II. L'ELEMENT MATERIEL DE L'INFRACTION

La loi ne scrute ni les reins ni le cœur. Elle attend, pour intervenir, que la résolution criminelle
se manifeste par des actes extérieurs. «L'élément matériel, c'est le fait extérieur par lequel
l'infraction se révèle et, pour ainsi dire, prend corps.»378 L'élément matériel est aussi appelé
«corpus delicti.»
Une législation pénale s'engagerait sur une mauvaise voie si elle se mettait à pénétrer les
consciences, indépendamment des conduites illicites objectivement et matériellement
constatées. «C'est toujours par des actes (ou l'absence d'actes déterminés) que se réalisent les
atteintes injustifiables aux valeurs protégées.»379
Sous cet aspect, on peut classer les infractions en plusieurs catégories:
- Les infractions de commission et d'omission
- Les infractions matérielles et formelles
- Les infractions instantanées, continues et d'habitude
- Les infractions consommées et tentées.
§1. INFRACTION DE COMMISSION ET INFRACTION D'OMISSION

A. INFRACTION DE COMMISSION
On appelle infraction de commission celle dont la réalisation exige un acte positif. Cet acte peut
être constitué par un geste, un écrit, une parole, une attitude... La plupart des infractions
prévues et punies par le CP sont des infractions de commission. Exemples: le vol, le meurtre, le
viol, le détournement, le faux en écritures ... .

B. INFRACTION D'OMISSION

378
P. BOUZAT, op. cit., n° 11.
379
Chris. HENNAU et VERHAEGEN, op. cit., n°4.
132

D'autres infractions se réalisent par inaction, omission ou abstention.380 Le CP contient


quelques infractions de ce type.
Nous citerons, à titre d’exemples, le défaut de déclaration de naissance ou de décès (art. 153 du
CP). L'O.L. n° 78/015 du 4 juillet 1978 prévoit quatre infractions d'omission:
- L'omission d'assister une personne menacée dans son intégrité corporelle par une
infraction (art. 66 bis du CP);
- L'omission de porter secours à une personne en péril (art. 66 ter);
- La même infraction est aggravée dans le chef d'une personne chargée par état ou
profession d'assister les autres en danger (art.66 quater);
- Et enfin, l'omission de porter témoignage en faveur d'un innocent (art. 66 quinquies).
Il faut signaler enfin les abstentions coupables des fonctionnaires prévues aux articles 150 f et
150 g du CP (ordonnance-loi n° 73-010 du 14 février 1973).
C. INFRACTION DE COMMISSION PAR OMISSION

On s'est demandé à propos de certaines infractions de commission si, parfois, compte tenu des
circonstances, elles ne pouvaient pas se réaliser par omission. Les infractions de commission
par omission sont donc des infractions qui sont de commission d'après leur définition légale,
mais qui, concrètement, se réalisent par omission.
Le problème d'infraction de commission par omission se pose surtout en matière de meurtre.
Prenons un exemple: Un homme qui, excédé par le mariage, passe près de la piscine où sa
femme se noie et ne lui apporte pas secours, peut-il répondre de l'homicide volontaire ?
Dans l'ancien droit pénal européen, le juge, fort du large pouvoir d'appréciation dont il jouissait,
n'hésitait pas à considérer ce cas comme un homicide, en application de la formule de
LOYSEL: «Qui peut et n'empêche, pèche».
Dans le droit moderne, cette solution n'a jamais été retenue pour deux raisons:
1. Il est pratiquement impossible d'établir un lien de causalité entre l'abstention de l'agent et
la mort survenue.
2. Retenir l'homicide volontaire porte atteinte au principe de l'interprétation stricte en droit
pénal.
En dehors du cas de meurtre, le problème de l'infraction de commission par omission s'est posé
en matière de violences et voies de faits.

380
Voir l'étude d'E. LAMY, L'omission criminelle en droit pénal congolais et propositions législatives, in R.J.C.,
1964, p. 225.
133

C'est ainsi que, dans la célèbre affaire de la «Séquestrée de Poitiers»381, le sieur MONIER, en
application de l'article 311 du CPF de 1810 qui assimilait aux violences et voies de fait
l'abstention de donner des soins et de nourrir les enfants, avait été poursuivi pour avoir laissé
vivre pendant des années sa sœur majeure, aliénée, sur un grabat assiégé de vermine, dans une
chambre sans air et sans lumière. La Cour de Poitiers décida le 20 novembre 1901 que la loi de
1898 sur les enfants martyrs n'ayant pas étendu sa protection aux aliénés,
« le fait d'avoir, pendant de longues années, laissé une personne majeure, atteinte
d'aliénation mentale, dans une chambre sans air et sans lumière, dans un état de
malpropreté indescriptible, au point que l'existence de cette personne se trouvait
compromise, ne saurait constituer un acte de violence prévu par l'article 311 du
code pénal ».
Cette solution est valable, car l'abstention la plus coupable sur le plan moral restera cependant
en dehors de l'intervention pénale, à moins que la loi ne l'ait expressément prévue.
Le problème des infractions de commission par omission ne se pose pas uniquement en matière
de meurtre ou de coups et blessures volontaires. Il peut se poser en beaucoup d'autres
domaines. Ainsi, par exemple, en matière d'incendie, on peut se demander si l'anarchiste sera
condamné comme incendiaire qui, constatant qu'une cigarette allumée risque de mettre le feu à
un immeuble, ne fait rien pour l'éteindre par haine de la société. De même, en matière de vol,
on peut se demander s'il faut considérer comme voleur un passager qui garde par fraude un
portefeuille qu'on lui remet par erreur et qu'avait fait tomber un autre passager.
Pour toutes ces situations, la réponse est la même qu'en ce qui concerne le meurtre ou les coups
et blessures volontaires: quelque immorale que soit l'abstention, elle ne sera pas punissable, car
d'une part le rapport de causalité entre elle et le résultat n'est pas établi et, d'autre part, sa
condamnation irait à l'encontre du principe de la stricte interprétation de la loi pénale.
Un regard sur le droit comparé montre que la doctrine et la jurisprudence sont unanimes et
formelles à ce sujet382-383.
Il en serait autrement si la loi incriminait expressément les abstentions coupables.
C'est ainsi que, pour reprendre l'exemple de vol, s'il est vrai que ne peut répondre de cette
infraction celui qui garde par fraude un portefeuille qu'on lui remet par erreur, il n'en est pas
moins certain que le même agent pourrait être poursuivi pour cel frauduleux, tel que prévu et

381
Poitiers, 20 nov., 1901, S. 1902.2.305, note J. HEMARD, D.1902.2.81, note Le Poittevin; A. GIDE, La séquestrée
de Poitiers, Gallimard, 1950.
382
Op. cit., 4e éd., 1981, n° 436.
383
6 mai 1901, Pas. I, 225.
134

puni par l'article 102 du code pénal. Il y a cel frauduleux lorsque l'agent, ayant trouvé une chose
mobilière appartenant à autrui ou en en ayant obtenu par hasard la possession, s'en sera
appropriée ou l'aura livrée à des tiers.

En droit congolais, certains auteurs384 enseignent que le « délit de commission par omission est
pénalement punissable si la personne coupable a omis de faire ce qui constitue pour elle une
obligation légale, réglementaire ou contractuelle, mais elle n'est pas punissable si elle a omis
simplement de satisfaire à une obligation morale ».
C'est dans ce sens que se rendrait coupable d'homicide volontaire un gardien de prison qui
priverait volontairement de nourriture un détenu et le laisserait ainsi périr d'inanition. De
manière plus générale, se rendrait coupable de meurtre celui qui priverait d'aliments une
personne enfermée385. Il s'agit d'une application de la théorie défendue au siècle dernier par
FEUERBACH en Allemagne, et RAUTER en France386.
La controverse autour de cette théorie présente beaucoup moins d'intérêt depuis l’ordonnance-
loi n° 78-015 du 4 juillet 1978 qui incrimine la non-assistance des personnes en danger.
En ce qui concerne les délits d'imprudence et plus précisément l'homicide et les lésions
corporelles involontaires, l'omission a toujours les mêmes conséquences que la commission.
L'omission est une forme de négligence. Elle est constitutive de la faute exigée dans le délit
culpeux.
§ 2. L'INFRACTION CONSOMMEE
Ici, nous nous situons au point de vue du résultat obtenu par la consommation de l'infraction. A
cet égard, on distingue l'infraction formelle et l'infraction matérielle.
A. L'INFRACTION FORMELLE
L'infraction formelle est celle par laquelle le législateur incrimine le procédé, indépendamment
du résultat387. L'exemple type en est l'infraction prévue par l'article 50, CP: «Quiconque aura
administré volontairement des substances qui peuvent donner la mort ou des substances qui
sans être de nature à donner la mort, peuvent cependant gravement altérer la santé.»
On peut donc répondre de cette infraction, même si la mort ne s'en est pas suivie, même si la
santé de la victime ne s'en est pas trouvée altérée.

384
Voir E. LAMY, Cours, op. cit., p. 206 ; LIKULIA BOLONGO, Droit pénal spécial zaïrois, L.G.D.J., pp. 28-29.
385
G. MINEUR, op. cit., p.124; LIKULIA, loc. cit.
386
Voir E. GARCON, Code pénal annoté, II, (art.295 à 401), Sirey, Paris, 156, art. 295, p. 3.
387
SPITER, L'infraction formelle, in R.S.C., 1966, 497.
135

Il en est de même de l'incendie volontaire prévu aux articles 103 et 104 du CP: l'infraction est
réalisée dès que l'agent a mis le feu à l'habitation, même si les dégâts sont minimes ou
inexistants.
Un dernier exemple peut nous être donné par les dispositions sur la corruption du fonctionnaire.
Celle-ci peut être réalisée même si elle n'a pas été suivie d'effet (art.147 du CP).
Toutes les infractions dites de mise en danger sont des infractions formelles, car elles
n'impliquent pas de résultat.
B. L'INFRACTION MATERIELLE
L'infraction matérielle est celle que la loi caractérise par son résultat. Elle n'est effectivement
consommée que lorsque s'est produit le résultat défini par la loi comme faisant partie des
éléments constitutifs de la conduite incriminée.
La plupart des infractions prévues au CP sont des infractions matérielles. Le meurtre, le vol, les
lésions corporelles volontaires ou involontaires, ... sont des infractions matérielles.
§ 3. MOMENT ET DUREE DE L'INFRACTION388
L'infraction sera dite instantanée, continue ou d'habitude selon que sa définition légale vise
respectivement:
a) Un fait qui s'accomplit en un instant;
b) Une situation délictueuse;
c) Ou une répétition des faits (au moins deux).
A. L'INFRACTION INSTANTANEE
L'infraction instantanée est celle qui se réalise en un trait de temps. Un meurtre, un vol,... se
commettent en un trait de temps. Pour déterminer l'infraction instantanée, il faut considérer le
moment de l'acte ou de l'omission, sans se préoccuper de la persistance de ses conséquences, de
la durée du mal provoqué.
Nous citerons, à titre d’exemples :
- Le vol est une infraction instantanée, parce que la soustraction frauduleuse s'accomplit en
un instant. Peu importe que, par la suite, le voleur conserve l'objet volé.
- De même, l'abus de confiance est une infraction instantanée qui se réalise par la
transformation de la possession précaire en possession définitive. Peu importe que par la suite
le délinquant continue à jouir de manière définitive de cette possession illicite.

388
Voir J. VERHAEGEN, Eléments de droit pénal et de procédure pénale, notes d'étudiants, 1977-1978, p. 47; A.
TSARPALAS, Le moment et la durée des infractions pénales, L.G.D.J., Paris, 1967.
136

- L'omission de déclarer une naissance ou un décès dans le délai légal (art.153 du CP) est
consommée dès que le délai expire.
- Le meurtre est consommé au moment où la victime perd la vie (art. 44 du CP).
Pour déterminer l'infraction instantanée, on se référera à la façon dont le législateur s'exprime.
Ainsi, un même fait peut constituer tantôt une infraction instantanée, tantôt une infraction
continue.
Nous donnerons, à ce propos, l’exemple de l'occupation illégale d'un terrain dans la zone
urbaine. La loi peut s'exprimer de deux façons:
a) «Celui qui aura pris possession sans titre d'une parcelle.. ». Ici, on a une infraction
instantanée.
b) «Celui qui occupera illégalement une parcelle ...» Ici, il s'agira d'une infraction continue.
Pour éviter toute confusion, on aura toujours à l'esprit les remarques suivantes:
1) Une infraction reste instantanée même si sa réalisation exige d'abord l'écoulement d'un
certain délai (celui qui, dans 30 jours, n'aura pas déclaré ...).
2) Une infraction reste instantanée même si l'un de ses éléments constitutifs exige, pour sa
réalisation, l'écoulement d'un certain temps, même si l'élément qui achève sa consommation
survient à un moment considérablement postérieur à l'activité de l'agent. L'exemple typique
nous est donné par l'infraction d'escroquerie (art. 98 du CP). Celle-ci est complexe et exige
souvent, pour obtenir la remise de la chose, l'emploi des manœuvres frauduleuses qui trompent
la victime. Il faut donc souvent un scénario, une mise en scène qui suppose l'écoulement d'un
certain temps. Par ailleurs, entre le moment où l'agent a terminé son activité délictueuse et celui
où la chose lui est enfin remise, beaucoup de temps peut s'être passé. Tout cela ne change rien
au caractère instantané de l'infraction qui n'est réalisée qu'au moment de la remise de la
chose389.
3) Une infraction reste instantanée, même si une fois consommée, ses effets perdurent. On
parle ici d'infractions permanentes390.
B. L'INFRACTION CONTINUE
L'infraction continue consiste dans une activité délictueuse ou dans une omission permanente
délictueuse. Ce qui caractérise cette infraction, c'est la volonté persistante de l'agent de se
maintenir dans un état contraire à la loi, la volonté actuelle et permanente de l'agent de
délinquer.

389
Voir J. VERHAEGEN, Notes d'étudiant, op. cit., p. 223.
390
Voir J. PRADEL, op. cit., n° 326.
137

Cette définition rejoint celle que donne la Cour de cassation de France lorsqu’elle dit :
« L’infraction continue est celle dont la consommation peut se prolonger dans le temps par la
volonté constante de son auteur »391.
Nous pouvons donner les exemples suivants:
- L'entretien d'une concubine au domicile conjugal (art.3 al.2 du D. 25.06.1948)392;
- La détention illégale et arbitraire (art.67 du CP) est le maintien de la victime dans
l'impossibilité de jouir de sa liberté, et traduit la volonté persistante du délinquant de maintenir
cette situation délictueuse;
- L'association des malfaiteurs (art. 156) dénote une volonté persistante de se maintenir
pendant une certaine durée en marge de la loi;
- La tenue d'une maison de débauche ou de prostitution (art.174 bis) implique de la durée ;
- L’infraction de recel d’objets volés n’est pas une infraction instantanée, mais plutôt
continue. Elle existe même si, postérieurement à la réception des objets volés, l’auteur
apprenait l’origine délictueuse de la chose qu’il continue à détenir malgré cette connaissance393.
C. INFRACTION D'HABITUDE
L'infraction d'habitude est constituée par la réitération d'un certain fait. La commission d'un
seul fait n'a pas paru suffisamment antisocial pour appeler la sanction. C'est l'habitude qui est
réprimée, et non le fait isolé.
La jurisprudence et la doctrine considèrent que deux faits suffisent pour constituer un délit
d'habitude, à la condition qu'ils soient séparés par un intervalle inférieur au délai de
prescription394.
Nous citerons, à titre d’exemples :
- L'exploitation habituelle de la débauche ou de la prostitution d'autrui (art. 174 bis, al.4 du
CP) ;
- L'exercice illégal de l'art de guérir395.
D. CONSEQUENCES PRATIQUES DE LA DISTINCTION
La distinction des infractions quant à leur moment de réalisation offre un intérêt pratique
évident en ce qui concerne de nombreuses questions. Nous en citerons quelques-unes:
I. En matière de prescription

391
Crim. 16 déc. 1938, Desurmont ; D.H. 1939. 133 ; Crim. 23 janv. 1979, Bassette, Bull., n° 30.
392
Codes Piron, I, 342.
393
C.S.J., 6 mai 1997, R.P.A. 214, en cause M.P. et Comité International de la Croix Rouge c/BUKASA KANGUVU.
394
J. VERHAEGEN, op. cit., p.50 ; MERLE et VITU, op. cit., n°361.
395
Décret du 19 mars 1952 in B.O., p. 396.
138

Le délai de celle-ci commence à courir à des moments différents selon qu'il s'agit de l'infraction
instantanée, continue ou d'habitude.
En cas d'infraction instantanée, la prescription commence à courir dès l'instant où le fait
incriminé par la loi est commis.
Bien que le délit de coups et blessures involontaires soit une infraction instantanée, la
prescription ne prend cours qu’à partir de l’apparition du dommage, l’infraction n’existant qu’à
ce moment.
Le juge peut légalement fixer la date à laquelle les éléments de l’infraction étaient réunis à la
date à laquelle l’état de la victime a permis de déterminer l’infraction396.
En cas d'infraction continue, la prescription commence à courir le jour où la situation
délictueuse a cessé.
En cas d'infraction d'habitude, le point de départ de la prescription se situe au moment où est
accompli le dernier acte qui, ajouté aux actes précédents, forme l'habitude.
II. Quant à l'application de la loi pénale dans le temps
La loi nouvelle favorable sera appliquée aussi bien en cas d'infraction instantanée, que
d'infraction continue ou d'habitude. Quant à la loi nouvelle sévère, elle ne peut s'appliquer aux
infractions instantanées. Elle sera par contre d'application en cas d'infractions continues ou
d'habitude si, après la promulgation de la loi nouvelle, la situation a continué, ou si l'un des
faits constitutifs de l'habitude a été commis397.
III. Quant à l'application de la loi pénale dans l'espace
L'infraction commencée à l'étranger mais continuée en République Démocratique du Congo
sera considérée comme commise en République Démocratique du Congo. Cette règle ne peut
concerner en ordre principal que les infractions continues et les infractions d'habitude.
IV. En ce qui concerne le principe non bis in idem
Sa portée est différente selon le cas.
S'il s'agit d'une infraction instantanée, l'affaire est définitivement close par le jugement. Par
contre, en cas d'infraction continue, le délinquant peut être de nouveau condamné si la situation
délictueuse perdure après la première condamnation. S'il s'agit d'un délit d'habitude, l'autorité
de la chose jugée englobe l'ensemble des faits incriminés qui constituent l'habitude. Une

396
Cass. , 13 janv. 1994, R.G.A.R., 12308 et la note de R. O. DALCQ ; J.T., 291 et la note de R. O. DALCQ.
397
MERLE et VITU, op. cit., n° 361-362. A propos de l'infraction d'habitude, E. LAMY est d'avis contraire et,
s'appuyant sur une jurisprudence de la Cour de cassation Belge (17 sept. 1950, Pas.1.1951,3) il soutient que
l'infraction d'habitude ne peut être punie de la peine la plus grave portée par la loi nouvelle que si les faits
commis après l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi suffisent à établir l'habitude, op. cit., p.234.
139

nouvelle condamnation est impossible pour les mêmes faits ; elle devient par contre possible
pour les faits postérieurs à la première condamnation.
V. Quant à la loi d'amnistie
Elle ne peut s'appliquer à l'infraction continue qui perdure après sa promulgation, ni à
l'infraction d'habitude constituée après la promulgation de la loi d'amnistie.
§ 4. LA TENTATIVE PUNISSABLE
La plupart des infractions graves supposent toute une activité complexe, parfois longue dans le
temps, et qui conduit le délinquant à poser des actes, à réunir les moyens matériels et humains
devant permettre la réalisation du résultat prohibé par la loi pénale. Cette série d'actes,
d'attitudes et de faits constitue ce qu'on appelle l’iter criminis ou le chemin vers le crime. La
question qui s'est posée au législateur était de savoir s'il ne fallait punir que le délinquant qui est
allé jusqu'au bout de son forfait, ou plutôt, s'il était aussi possible d'intervenir lorsque le
délinquant n'en était qu'à certains agissements tendant vers la réalisation du crime. Le
législateur congolais, à l'instar de la plupart des codes pénaux actuels, a opté pour la dernière
solution. Cependant, une question demeure : en punissant les actes tendant vers la réalisation du
crime, quelles étapes faut-il prendre en compte et à quelles conditions ?
C'est ce genre de problèmes que nous voudrions résoudre dans ce paragraphe consacré à la
tentative punissable398.

L'institution de la tentative punissable a été imaginée pour faire face à la situation créée par
l'agent dont l'activité criminelle avancée, voire achevée, n'a pas conduit au résultat qu'il
recherchait.
Il faut relever que la punissabilité de la tentative contrarie a priori le principe de légalité
puisqu'elle intervient alors qu'un des éléments constitutifs de l'infraction manque. C'est en vue
de pallier cette atteinte à un principe fondamental, que la loi définit la tentative :
«Il y a tentative punissable lorsque la résolution de commettre l'infraction a été
manifestée par des actes extérieurs, qui forment un commencement d'exécution de
cette infraction et qui n'ont été suspendus ou qui n'ont manqué leur effet que par
des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur».
«La tentative est punie de la même peine que l'infraction consommée.» (art. 4, du
CP)

398
Voir l’étude de Nathalie HUSTIN-DENIES et Dean SPIELMANN, L’infraction inachevée en droit pénal comparé,
Bruylant, Bruxelles, 1997.
140

Cette définition légale indique déjà les deux formes de la tentative punissable :
- Celle qui manque son effet parce qu'elle a été interrompue par une cause extérieure à
l'agent (infraction tentée) ;
- Celle qui manque son effet alors que tous les actes d'exécution ont été commis (infraction
manquée).
On discute aussi la question de savoir si la tentative doit être punissable alors que le résultat
était impossible (infraction impossible).
A. L'INFRACTION TENTEE
Il y a infraction tentée lorsque l'exécution des actes matériels consommant l'infraction est
suspendue ou interrompue par suite des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur.
Pour qu'il y ait infraction tentée, il faut :
1. La résolution de commettre une infraction déterminée ;
2. Des actes extérieurs constituant commencement d'exécution de l'infraction projetée ;
3. L'absence de désistement volontaire.
I. La résolution criminelle
La résolution criminelle, l'intention de délinquer est un élément essentiel de la tentative. On ne
peut donc concevoir une tentative non intentionnelle399.
Par résolution criminelle, on entend la recherche du résultat. Le dol éventuel, ou la simple
acceptation du résultat dans l'éventualité où il se produirait, ne suffirait pas à constituer la
tentative.
La résolution criminelle doit être déterminée. Il faut que l'agent ait eu le projet de commettre un
meurtre, un vol, un viol, un incendie, etc400.
Nous allons illustrer ces assertions par les exemples suivants :
1. Certains faits constituent une infraction déterminée et en même temps, peuvent former la
tentative d'une infraction plus grave. C'est le cas des coups et blessures volontaires qui sont
communément une infraction (art. 46 du CP), mais peuvent aussi être une tentative de meurtre
(art. 4 et 44 du CP). Si l'on n'est pas certain que l'agent voulait donner la mort, on ne saurait
retenir la tentative de meurtre. On retiendra uniquement les coups et blessures volontaires.
2. Certains faits forment un commencement d'exécution d'un projet criminel. Mais étant
susceptibles de conduire à la commission de deux ou plusieurs infractions différentes, on devra
écarter la tentative punissable401.

399
HAUS, op. cit., n° 413.
400
HAUS, op. cit., n° 433.
141

La résolution criminelle sera déterminée par le fait lui-même, l'aveu de l'agent ou les
circonstances de l'espèce.
II. Le commencement d'exécution
La résolution criminelle, même déterminée et constatée, ne suffit pas à elle seule à rendre la
tentative punissable.
Donc, la résolution criminelle ne prend place dans le concept de tentative que pour autant
qu'elle est extériorisée par des actes matériels constituant un commencement d'exécution de
l'infraction que l'agent a projeté de commettre. La loi ne définit pas malheureusement ce qu'elle
entend par commencement d'exécution, et il n'existe pas un critère légal qui permette de le
distinguer des actes préparatoires.
Nous dirons que par commencement d'exécution, on entend un ou plusieurs faits dont la série
constitue la mise en œuvre des moyens réunis par l'agent pour aboutir au résultat prohibé.
Cette définition exclut de la tentative punissable les actes préparatoires. Elle ne permet pas
toutefois de dégager le critère qui sépare ceux-ci des actes d'exécution. Dans cette recherche du
critère, deux tendances s'opposent :
- La tendance objective qui envisage le commencement d'exécution d'un point de vue
purement matériel ;
- La tendance subjective qui envisage le commencement d'exécution d'un point de vue
psychologique.
Nous pensons toutefois que le critère le plus pratique est celui qui combine les deux tendances.
a) La tendance objective
D'après les tenants de cette conception, il y a commencement d'exécution lorsque l'agent a
commis un des faits qui figurent parmi les éléments constitutifs de l'infraction. Il faut
considérer comme faisant partie des éléments constitutifs, les circonstances aggravantes. Si
nous appliquons cette théorie à l'infraction de vol, par exemple, nous dirons qu'il y a
commencement d'exécution lorsque l'agent pose la main sur le bien convoité et s'apprête ainsi à
se l'approprier. Par contre, s'il introduit sa main dans la poche de sa victime, on ne peut retenir
la tentative, car cet acte ne figure pas parmi les éléments constitutifs du vol. De même, il faudra
considérer comme commencement d'exécution l'escalade d'un mur, l'effraction d'une porte ou
l'usage de fausses clés, car ces faits aggravent le vol402.

401
HAUS, op. cit., n° 436.
402
Voir R. MERLE, Droit pénal complémentaire, P.U.F., 1957 p. 152-153.
142

Ces exemples à eux seuls montrent les limites de cette théorie: elle assure l'impunité des actes
très proches de la consommation de l'infraction, tel que le fait pour le voleur d'introduire sa
main dans la poche de la victime, et rend punissables des actes plutôt éloignés ou équivoques.
R. GARRAUD avance une analyse fondée sur le lien de causalité qui unit l'acte à la réalisation
de l'infraction. Seront donc considérés comme commencement d'exécution les actes «devant
avoir pour conséquence immédiate et directe de consommer le délit.»403
Ce critère est largement retenu par la Cour de cassation française qui, à plusieurs reprises, a
affirmé que « le commencement d'exécution n'est caractérisé que par des actes devant avoir
pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime, celui-ci étant ainsi entré dans la
période d'exécution.»404
Pour faire comprendre la pertinence de ce critère, R. MERLE 405 imagine une séquence filmée
où les spectateurs voient un homme qui sort un revolver d'un tiroir, le braque sur un autre
personnage, le doigt sur la gâchette. Juste à cet instant, la caméra s'enraye et cette image reste
fixée sur l'écran. Entre cette image et la consommation de l'infraction de meurtre, il y a « une
stricte relation de cause à effet, et une distance matérielle très courte car elle ne comporte pas
logiquement d'autre étape.»406
Cet exemple, saisissant certes, ne démontre pas moins l'insuffisance du critère du lien de
causalité. En effet, l'image restée fixe à l'écran ne nous révèle pas complètement la véritable
intention de l'agent. Il peut avoir voulu intimider la personne qu'il a visée, il peut avoir voulu
non pas la tuer, mais plutôt la blesser, etc.
b) La tendance subjective
Pour les tenants de cette théorie, l'acte préparatoire est un acte équivoque qui laisse sans
réponse la question de savoir si l'agent est animé d'une résolution criminelle et laquelle
infraction il veut commettre. Tandis que le commencement d'exécution est un acte univoque
qui révèle la volonté de commettre une infraction déterminée, de franchir le «Rubicon du
crime.»407

403
Crim. 3 déc. 1927, S., 1929, 1.119 ; R. GARRAUD, Traité, I, n° 232.
404
25 oct. 1963, D., J, 221 (affaire Lacour) ; 15 mai 1978, G.P., 6 et 7 fév. 1980, 7 (affaire Larcher), citée par Chris.
s
HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 192-193.
405
Op. cit., p. 154.
406
Loc. cit.
407
BOUZAT et PINATEL, op. cit., I, n° 206.
143

VIDAL et MAGNOL enseignent qu'il y a commencement d'exécution quand « l'agent s'est


décidé à courir le risque de l'entreprise, quand il a entendu en quelque sorte couper les ponts
derrière lui.»408
Enfin, une des meilleures expressions de cette tendance se trouve dans cette formule de
DONNEDIEU de VABRES, selon laquelle le commencement d'exécution est constitué « quand
les actes accomplis par l'agent lors de son arrestation attestent chez lui une volonté criminelle
irrévocable, quand il existe entre le mal qu'il a commis et le but qu'il se proposait une distance
morale si faible que, laissé à lui-même, il l'aurait presque certainement franchie.»409
Relevons d'abord que le critère d'irrévocabilité manque de certitude. Par exemple, l'effraction
d'un coffre-fort fera penser au vol. Mais en fait, il n'est pas exclu que l'agent soit à la recherche
d'un secret.
Un autre reproche que l'on fait à cette théorie subjective est que la notion de distance morale
peut conduire à situer la tentative à un moment où aucun acte d'exécution n'est encore posé,
pourvu que la résolution criminelle soit déterminée et constatée. Ce serait là la négation même
du commencement d'exécution qui, en tant que condition de la tentative punissable, exige que
des actes matériels de réalisation de l'infraction soient posés410.

c) Notre opinion
Le critère de distinction des actes d'exécution et des actes préparatoires doit prendre en compte
à la fois l'activité matérielle et la résolution criminelle.
Le commencement d'exécution doit être déterminé à la fois par la distance matérielle et morale
très courte.
Nous pourrions, à titre d’illustrations, citer les exemples suivants:
1. Dans l'exemple de la séquence filmée où une personne se met en position de tirer sur une
autre, la distance matérielle est très courte. Néanmoins, on ne peut retenir la tentative tant que
l'on n'est pas renseigné sur les véritables intentions de l'agent. On ne sait rien de la distance
morale qui sépare les actes qu'il a déjà posés et la mort de la personne qu'il vise. Il peut même
se rétracter à la dernière minute et viser mal volontairement.
2. Le fait de mélanger le poison mortel avec la bière sera considéré comme un acte
préparatoire. Qu'en est-il si, après avoir préparé le poison, l'agent se met à la recherche de la

408
VIDAL et MAGNOL, Traité, n° 97, p. 150.
409
Traité, n° 231.
410
R. MERLE, op. cit., p. 155.
144

victime? La Cour d’appel de Boma411 a cru juste de faire rentrer ce fait parmi les actes
préparatoires. Avec G. MINEUR, nous pensons que « cette décision est fort discutable ... Du
moment que l'auteur se met à la recherche de la victime, il accomplit un acte qui implique une
manifestation d'une volonté criminelle certaine et irrévocable, ... il est prêt à consommer le
crime.»412
3. Le voleur qui a introduit frauduleusement sa main dans la poche de sa victime, est
matériellement séparé par une petite distance du résultat de son acte. La distance morale est
aussi courte car seul le fait d'avoir été vu l'aura empêché de voler. Il y a commencement
d'exécution.
4. Deux malfaiteurs avaient surveillé un encaisseur et s'étaient apprêtés à le dévaliser en se
cachant dans la cage de l'escalier de l'immeuble où il était monté. Avant qu'il ne redescende, la
police les avait arrêtés et avait trouvé sur eux tout le matériel utile au cambriolage. Ils
prétendirent n'avoir posé que les actes préparatoires au vol. La Cour répondit que si pour partie
les actes qu'on leur reprochait étaient préparatoires, « il échet de reconnaître qu'à partir du
moment où les prévenus se sont postés, le crime est entré dans la période de l'exécution.»413
Se poster a constitué un acte d'exécution, un des faits dont la série constitue la mise en œuvre
des moyens réunis pour réaliser l'infraction. Par ce fait, la distance matérielle devenait vraiment
courte, tandis que les aveux des criminels démontraient qu'il en était de même pour la distance
morale.
Il a été remarqué dans la jurisprudence que la distance morale constitutive du commencement
d'exécution s'établissait souvent à partir des aveux des prévenus. Ainsi, des actes qui, sans
aveux, seraient considérés comme préparatoires, deviennent d'exécution. C'est ainsi qu'ont été
retenus comme tentative de vol :
- Le fait d'un individu surpris à l'intérieur d'une maison en train d'ouvrir une armoire414;
- Le fait d'un individu surpris en train de forcer la porte d'un magasin415;
- Le fait d'un individu découvert déchaussé dans une maison habitée.416
En conclusion sur la recherche du critère absolu, introuvable car n'existant pas, nous pouvons
nous associer à la modestie de J.J. HAUS qui relève que «la théorie pénale ne peut offrir à la

411
Boma, 21 mars 1911, Jur. Congo, 106.
412
Commentaire du code pénal congolais, p. 27.
413
Crim. 30 juillet 1942, J.C.P., 2054, note J. BROUCHOT.
414
Crim. 30 juillet 1942, J.C.P., 1942,2054, note J. BROUCHOT.
415
Crim. 29 oct. 1813, B.C., 235 ; Crim. 19 déc. 1879, S. 1880.1.336.
416
Lyon, 5 mars 1879, C.P.A., al. 3, n° 53. Tous ces exemples de jurisprudence sont cités par R. MERLE, op. cit., n°
447.
145

justice pratique une formule propre à résoudre la question et applicable à tous les cas ; mais elle
établit des règles qui en facilitent la solution et qui doivent servir de guide aux juges.»417
d) Les actes préparatoires punissables comme infractions particulières
Si les actes préparatoires ne sont pas suffisants pour constituer la tentative punissable, il arrive
cependant que le législateur les érige en infractions sui generis. Il en est ainsi du complot
contre la vie ou contre la personne du Chef de l’Etat, même si aucun acte n'a été commis pour
en préparer l'exécution (O.L. n° 299 du 16 décembre 1963, art. 194, al. 2 du CP).
Il en est de même de la proposition faite et non agréée de former un complot contre le Chef de
l’Etat (art. 194, al. 3 CP). Dans le même sens, il faut signaler l'article 196 relatif au complot
formé dans le but de détruire ou de changer le régime constitutionnel (al. 1er) et à la
proposition faite dans le même but et non agréée (al. 2).
Nous citerons aussi l'association des malfaiteurs en vue d'attenter aux personnes et aux
propriétés (art. 156 du CP).
e) Les actes préparatoires constitutifs de complicité
Les actes préparatoires seront punis s'ils sont le fait d'un complice. En effet, l'art. 22, al. 4 du
CP considère comme complices ceux qui auront avec connaissance aidé ou assisté l'auteur ou
les auteurs de l'infraction dans les faits qui l'ont préparée.
La punissabilité des actes préparatoires de complicité se justifie pour deux raisons :
- D'abord, contrairement aux actes préparatoires ordinaires, ils produisent ou aident à
produire le résultat prohibé;
- Ensuite, par le fait même qu'ils sont commis de concert avec l'auteur de l'infraction
principale, les actes préparatoires de complicité révèlent une intention certaine qui leur confère
une gravité particulière418.
III. L'absence de désistement volontaire
L'article 4 du CP exige, pour qu'il y ait tentative punissable, que les actes d'exécution «n'aient
été suspendus ... que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur».
Il y a donc tentative punissable lorsque l'auteur ne suspend pas spontanément, de son propre
chef, son activité, mais met fin à sa tentative à la suite d'un événement extérieur, à savoir la
réaction de la victime, le danger accru de surprise en flagrant délit ou n'importe quelle autre
menace extérieure419.

417
Op. cit., 447.
418
Voir G. MINEUR, op. cit., p. 30.
419
Anvers, 19 juillet 1985, R.W., 1984-1986, 1430 avec note de M. DE SWAEF, cité dans R.D.P.C., décembre 1986,
992.
146

Si donc, après un commencement d'exécution, l'auteur se désiste de son plein gré,


spontanément, il ne sera pas puni pour tentative d'infraction420.
Tel n’est pas le cas lorsque l’agent a simplement cru que ses actes avaient atteint l’effet
escompté.
En l’espèce, le prévenu voulait ôter la vie à sa victime (assassinat) et n’a mis fin à ses actes
qu’après l’avoir frappée jusqu’à ce qu’il ait constaté qu’elle ne bougeait plus et qu’il ait dès lors
été convaincu qu’elle était entrain de mourir421.
Retenir le désistement spontané en faveur de l’agent constitue une solution de sage politique
criminelle car, elle permet au délinquant de renoncer à tout moment à la mauvaise voie dans
laquelle il s'est engagé. Une disposition contraire conduirait l'agent à aller jusqu'au bout,
n'ayant rien à gagner par la renonciation.
Si les actes déjà commis sont constitutifs d'une autre infraction, ils seront punis comme tels.
Ainsi, si un voleur s'est déjà introduit dans une maison et s'enfuit sans avoir rien pris, il ne sera
pas moins puni pour destruction volontaire et violation de domicile (art. 110 et 69 du CP).
Cependant, il existe des situations intermédiaires où l'on ne sait pas toujours si l'agent a arrêté
son entreprise par désistement volontaire ou suite à une circonstance extérieure. Ce sera le cas
de l'agent qui interrompt son activité parce qu'il a cru entendre quelqu'un venir.

D'une façon générale, on considère que ce désistement n'est pas volontaire.422 Il s'agit d'une
question d'espèce pour la solution de laquelle on ne peut faire que des suggestions. Le juge
devra notamment comparer dans chaque cas la part du hasard ou de la force majeure et celle
qui revient à la volonté de l'agent. Il retiendra alors le désistement volontaire si la part de la
volonté est prédominante ou s'il y a doute423.
Il faut aussi distinguer le désistement volontaire et le repentir actif. Si l'agent, après avoir
consommé l'infraction, répare le tort qu'il a ainsi causé à la victime, il n'en sera pas moins
condamné. L'infraction subsiste. De même, en matière de recel, le fait pour le prévenu d’offrir
de restituer la chose obtenue illicitement, n’est pas élusif de son imputabilité. Le repentir actif
pourra éventuellement être retenu à titre de circonstances atténuantes judiciaires.

420
Cass., 23 mars 1999, R.D.P.C., 2000, 226-227.
421
Loc. cit.
422
R. MERLE, Droit pénal général complémentaire, p. 157 ; BOUZAT et PINATEL, op. cit., p. 215 ; STEFANI et
LEVASSEUR, op. cit., n° 179.
423
Voir BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 212; LAMY, op. cit., 24.
147

En matière de grivèlerie, le prévenu ne sera plus poursuivi s'il paie la victime et rembourse les
frais de justice avancés par elle (art. 102 bis). De même, en matière d'émission de chèque sans
provision, la loi prévoit une excuse atténuante (le quart de maximum de S.P.), si le tireur a
désintéressé le porteur avant que le tribunal ait été saisi (art. 3 de l'O.L n° 68/195 du 03 mai
1968).
De nombreuses législations étrangères tiennent compte du repentir actif dans leurs principes
généraux, soit à titre d'excuse absolutoire, soit à titre d'excuse atténuante, soit à titre
d'exemption de peine.
C’est ainsi que d’après le nouveau code pénal russe, la personne qui a commis pour la première
fois une infraction de gravité mineure peut être exemptée de sa responsabilité pénale si, après
avoir commis l’infraction, elle a comparu volontairement pour s’autodénoncer, a contribué à la
découverte de l’infraction, a indemnisé la victime ou a expié autrement le dommage causé par
l’infraction424.
Le désistement volontaire de l'auteur profite aux participants, quand même le premier aurait
renoncé à l'entreprise contre la volonté des autres, quand même ceux-ci n'auraient manifesté à
aucun moment la moindre intention d'interrompre l'exécution de l'infraction. Il existe une raison
simple à cette solution: il n'y a plus de fait punissable auquel l'acte de participation puisse se
rattacher.

B. L'INFRACTION MANQUEE
L'hypothèse de l'infraction manquée est prévue par l'article 4 du CP: il y a tentative punissable
lorsque la résolution de commettre l'infraction a été manifestée par des actes extérieurs qui
forment un commencement d'exécution de cette infraction et (...) «qui n'ont manqué leur effet
que par des circonstances indépendantes de la volonté de l'auteur».
L'infraction manquée diffère de l'infraction tentée en ce sens que les actes extérieurs n'ont pas
été interrompus. Tous les actes incriminés par la loi ont été complètement exécutés. Cependant,
le résultat n'a pas été atteint par suite d'une circonstance fortuite.
L'infraction manquée n'est concevable que pour les infractions requérant pour leur
consommation un résultat déterminé. Elle est donc exclue en cas d'infraction formelle.
Le délit manqué remplit deux conditions :
- L'accomplissement de tous les actes d'exécution ;
- L'échec de ces actes, non imputable à l'agent.

424
Art. 75.
148

Il y a délit manqué dans le cas d'un meurtrier maladroit qui manque sa victime, ou lorsque,
quoiqu'elle soit mortellement blessée, la victime est sauvée par la médecine.
Il y a encore délit manqué si la bombe, placée à l'endroit où la victime devait passer, n'explose
pas à l'heure attendue.
Lorsque, par son intervention volontaire, l'agent neutralise les effets de l'infraction, fait échouer
le résultat, il bénéficiera de ce désistement volontaire.
Il ne sera pas puni pour empoisonnement si, après avoir administré du poison à sa victime, il lui
fait avaler un contrepoison qui la sauve. De même, il ne sera pas coupable de meurtre si, après
avoir noyé sa victime, il se jette à l'eau et l'en retire, ou si, voulant la tuer par balle, il vise mal
volontairement à la dernière seconde.
L'hypothèse de l'error personnae ne constitue pas un délit manqué. Elle est prévue par l'article
43 de notre CP qui dispose :
«Sont qualifiés volontaires l'homicide commis et les lésions causées avec le dessein
d'attenter à la personne d'un individu déterminé ou de celui qui sera trouvé ou
rencontré, quand même ce dessein serait dépendant de quelque circonstance ou de
quelque condition et lors même que l'auteur se serait trompé dans la personne de
celui qui a été victime de l'attentat».
En clair, si le meurtrier a voulu tuer X et qu'il tue Y, il ne répondra pas moins du meurtre, car la
personnalité de la victime visée et atteinte est indifférente. L'essentiel, c'est qu'il a eu l'intention
de tuer la personne se trouvant devant lui425.
L'hypothèse de l'aberratio ictus se réalise lorsque «le mal que l'on avait l'intention de faire à
une personne déterminée, est retombé sur une autre personne que l'agent n'avait pas en vue.»426
C. L'INFRACTION IMPOSSIBLE
La question dite du délit impossible ou de la tentative impossible divise toujours la doctrine et
la jurisprudence.
On peut définir l'infraction impossible comme étant celle dont le résultat recherché par l'auteur
n'a pu être atteint soit par manque d'objet, soit par inefficacité des moyens utilisés. La question
qui se pose est celle de savoir si la tentative impossible est punissable. A ce sujet, plusieurs
théories s'affrontent depuis le XIXe siècle427.
I. Théorie objective

425
HAUS, op. cit., I, n° 176.
426
HAUS, op. cit., I, n° 331.
427
Voir BOUZAT et PINATEL, op. cit., n°215 et s. ; MERLE et VITU, op. cit., n° 378 et s.
149

Cette théorie préconise l'impunissabilité de l'infraction impossible, quelle que soit la nature ou
la cause de l'impossibilité, qu'elle tienne à l'objet ou au moyen employé.
Elle se base sur trois arguments :
1. La tentative punissable suppose un commencement d'exécution. Or, l'infraction est
impossible. Comment peut-on commencer à exécuter ce qui est inexécutable ?
2. Le deuxième argument est de texte. Il est tiré de l'article 301 du CPF de 1810 428 qui
définissait l'empoisonnement : «l'attentat à la vie d'une personne par l'effet des substances qui
peuvent donner la mort ». A contrario, l'administration des substances qui ne peuvent pas
donner la mort n'entraîne pas la répression.
3. Le trouble social est inexistant ou en tout cas moins grave que dans l'hypothèse de
l'infraction consommée ou tentée.
On attribue la paternité de la théorie de l'impunissabilité de l'infraction impossible à l'Allemand
FEUERBACH (1808).
Comme le relève le professeur E. LAMY, la théorie de l'impunissabilité est dangereuse pour
l'ordre public car, si elle était retenue, elle conduirait à l'impunité de toutes les infractions
manquées. Dans ce cas, en effet,
«il y a objet vain ou moyens inadéquats alors que l'immoralité du délinquant reste
un scandale public. Tel, par exemple, celui qui tire sur une personne et vise mal n'a
donc pas pu, à aucun moment commettre un crime, le meurtre est impossible tout
autant que si l'arme n'avait pas été chargée.»429
II. Théorie subjective
Cette théorie préconise la répression systématique de l'infraction impossible. Elle est née dans
la mouvance positiviste.
1. Elle justifie la solution qu'elle propose par le fait que l'infraction impossible révèle une
volonté dangereuse. Celle-ci est mêmement condamnable dans le cas d'une tentative d'une
infraction possible que dans celui d'une tentative infructueuse.
E. GARCON appartient à cette tendance430. De même, le mouvement de défense sociale s'en
réclame. «L'auteur d'une infraction impossible, «délinquant criminologique », ne doit pas être
exclu, pour des motifs de pure technique juridique, du champ d'application de la défense
sociale perfectionnelle moderne.»431

428
Actuel article 221-5 du NCPF.
429
Cours, op. cit., p. 256.
430
Code pénal annoté, art. 2 et 3, n° 114.
431
MERLE et VITU, op. cit., n° 379.
150

2. L'argument objectiviste selon lequel on ne peut commencer à exécuter ce qui est


inexécutable est un raisonnement spécieux, qui ne tient pas compte de l'intérêt social que vise la
législation sur la tentative. La même critique vaut contre l'argument fondé sur l'absence de
trouble social en cas d'infraction impossible. Lorsqu'une loi incrimine une tentative ou un délit
manqué, elle se place au point de vue subjectif ; elle ne punit pas parce qu'il y a eu un préjudice
social matériel, mais parce que l'intention de l'agent manifestée par des actes extérieurs prouve
sa culpabilité ou sa nature dangereuse432.
Le procureur général LECLERCQ (Belgique) défend la théorie subjective pour trois raisons :
- En cas d'infraction impossible, il y a une extériorisation suffisante de la volonté de nuire
ou de troubler l'ordre social ;
- Le code pénal ne fait aucune distinction entre l'infraction possible et impossible et, enfin,
- Le crime poursuivi par l'agent est «en soi» possible433.
Dans un arrêt remarqué de la Cour de cassation française, celle-ci a porté un coup de plus à la
théorie objective en adoptant une solution qui tient davantage compte de l'intention criminelle
et partant, de l'état dangereux de l'auteur de l'acte que l'acte lui-même. La Cour a jugé, en effet,
que pour que soit caractérisée la tentative de meurtre, du moment que l'accusé, croyant sa
victime encore en vie, a exercé sur elle des violences dans l'intention de lui donner la mort, il
importe peu que la victime soit décédée, cette circonstance étant indépendante de la volonté de
l'auteur et des violences caractérisant un commencement d'exécution au sens du code pénal434.
III. Théories intermédiaires
Des auteurs ont proposé des théories de compromis, dont les plus célèbres sont:
- Celle qui distingue l'impossibilité absolue et l'impossibilité relative et
- Celle qui distingue l'impossibilité de fait et l'impossibilité de droit.
a) Impossibilité absolue et impossibilité relative
Cette théorie veut que seule l'impossibilité relative relève du droit pénal. Sa paternité revient à
MITTERMAIER. Elle a été partagée par le pénaliste belge HAUS.
L'impossibilité proviendra soit de l'objet de l'infraction, soit du moyen utilisé pour la
commettre.

432
GARCON, op. cit., art. 2 et 3, n° 114.
433
Cité par E. LAMY, Cours, op. cit., p. 258.
434
Crim. 16 janv. 1986, D.S. 1986, 265 avec note contraire de D. MAYER et C. GAZOUNAUD, et note conforme de
J. PRADEL, cité dans la chronique semestrielle de jurisprudence de la R.D.P.C., décembre 1986, 992.
151

L'impossibilité sera absolue lorsque l'objet «n'existe point ou qu’il n'a pas la qualité qui est
essentielle pour l'existence du délit»435, ou encore lorsque les moyens employés «sont
radicalement impuissants à produire le crime que l'agent a en vue.»436
Exemples d'impossibilité absolue quant à l'objet
1) L'agent frappe d'un coup de poignard sa victime qu'il croit endormie et qui vient de
succomber à une attaque cardiaque.
2) L’agent saisit, pour l'étrangler, l'enfant mort-né qu'il croit vivant.
3) L’agent administre des substances abortives à une femme qu'il croit enceinte alors qu'elle
ne l'est pas.
4) L’agent soustrait frauduleusement sa chose croyant qu'elle appartient à autrui437.
Exemples d'impossibilité absolue quant au moyen
1) Un individu, pour faire avorter une femme, lui administre des anodins, croyant que ce
sont des abortifs.
2) Un autre voulant la mort de son ennemi, lui administre du nitre croyant que c'est de
l'arsenic.
3) Ou encore, lui administre un poison mélangé, à son insu, avec une substance qui le
neutralise.
4) Un individu tire sur un autre avec une arme à feu qui a été déchargée à son insu438.
L'impossibilité sera relative si l'objet existe réellement, mais qu'il n'est pas ou n'est plus là où
l'agent croyait le trouver439, ou encore lorsque les moyens étaient efficaces mais n'ont pas
produit le résultat recherché par suite de leur mauvaise utilisation ou de circonstances
fortuites440.
Exemples d'impossibilité relative quant à l'objet
1) Un agent tire un coup de fusil dans la chambre où il croit que son ennemi dort, mais
fortuitement, celui-ci est sorti441.
2) Des cambrioleurs se mettent à l'œuvre pour piller une maison dégarnie à leur insu.
3) Des bandits arrêtent une fourgonnette pour s'emparer des malles d'argent qu'ils croient y
trouver, alors qu'elles ont été chargées et expédiées par un autre moyen.

435
HAUS, op. cit., n° 461.
436
Loc. cit.
437
Loc. cit.
438
HAUS, op. cit., I, n° 462.
439
Op. cit., n° 461.
440
BOUZAT et PINATEL, op. cit., 1, n° 217.
441
Agen, 8 déc. 1849, Cass., 14 fév. 1850, citée par HAUS, op. cit., I, n° 461.
152

4) Un voyou glisse la main dans une poche d'un passant pour soustraire son porte-monnaie,
mais celui-ci est dans une autre poche442.
Exemples d'impossibilité relative quant au moyen
1) Le voleur s'est maladroitement servi de ses instruments et n'a pu défoncer la malle.
2) Le mauvais tireur qui, par maladresse, rate sa victime.
Il faut toutefois reconnaître qu'il n'est pas toujours facile de procéder à la distinction de
l'impossibilité absolue et de l'impossibilité relative.
Administrer un poison à une dose non mortelle, s'agit-il d'une impossibilité absolue ou relative?
HAUS en fait un exemple d'une impossibilité absolue quant au moyen443. Par contre, E. LAMY
donne cet exemple pour illustrer l'impossibilité relative444.
Tirer un coup de feu hors de la victime illustre l'impossibilité absolue quant au moyen chez
HAUS445 et l'impossibilité relative chez MERLE et VITU446.
b) Impossibilité de fait et impossibilité de droit
La distinction de l'impossibilité de fait et de l'impossibilité de droit revient à GARRAUD447.
Il y a impossibilité de droit en cas d'absence d'un élément légal constitutif de l'infraction.
L'infanticide est impossible et non punissable lorsque l'agent étrangle un mort-né. Le meurtre
est inconcevable sur un cadavre. Dans ces exemples, l'infraction est juridiquement impossible,
la «matière criminelle» fait défaut. En cas d'impossibilité de droit, c'est le principe de la légalité
qui s'oppose à la répression.
Dans les autres cas, on parlera d'impossibilité de fait.
«Dès que la volonté du criminel se manifeste dans des conditions telles que
légalement la réalisation qu'il poursuivait est possible, il est punissable, quand
bien même les circonstances matérielles qui lui sont étrangères l'ont empêché
d'achever son projet.»448
Ainsi, sera puni l'individu qui, voulant assassiner son ennemi, se poste en vain à l'endroit où sa
victime passe habituellement.
Cette théorie semble avoir reçu un bon accueil dans la jurisprudence française449.

442
HAUS, op. cit., I, 461.
443
Op. cit., n° 462.
444
Cours, op. cit., p.257.
445
Loc. cit.
446
Op. cit., n° 380.
447
Traité, I, p.515.
448
E. LAMY, Cours, op. cit., p. 257.
449
MERLE et VITU, op. cit., n° 308.
153

IV. Cas du délit absurde et du délit putatif


Les solutions extrêmes auxquelles conduisent la théorie objective et la théorie subjective, les
difficultés et la complexité des distinctions des théories intermédiaires ont amené la
jurisprudence à apprécier restrictivement les cas d'exonération, et à ne plus exonérer
pratiquement que le délit absurde et le délit putatif. Cependant, comme nous aurons l'occasion
de le préciser, l'impunissabilité du délit absurde ne va pas de soi dans le contexte négro-africain
en général, et congolais en particulier.
a) Délit absurde
Il y a délit absurde lorsque le moyen mis en œuvre est chimérique et ne présente ainsi aucun
rapport de convenance, d'après l'expérience de la vie, avec le résultat recherché.
La doctrine450 et la jurisprudence traditionnelles considèrent que l'infraction absurde - dite aussi
surnaturelle - ne saurait constituer une tentative punissable. Elles citent notamment comme
exemples le fait pour un paysan de faire un pèlerinage afin de tuer son ennemi. Ou encore
d'utiliser une prière ou une formule magique pour obtenir le même résultat.
Toutefois, on s'est interrogé avec raison pour savoir si pareille pratique devait toujours être
considérée comme absurde dans des pays comme la République Démocratique du Congo où la
croyance à la sorcellerie est fort ancrée et répandue. En effet, d'après l'opinion profonde des
masses, on peut tuer ou causer du mal par envoûtement. Dès lors, il s'agit là des pratiques qui
causent un certain trouble social, et on ne voit pas pourquoi on ne retiendrait pas la tentative
punissable. En tout cas, le législateur ne peut refuser d'accorder aux populations crédules et
terrorisées la protection pénale qu'elles attendent451.
Tel fut le point de vue de la Cour d’appel de Kinshasa qui, dans l'affaire dite du chat noir a
puni le délit absurde. Les faits étaient les suivants :
A, chef de service à la douane vient d'être muté et laisse sur place deux collaborateurs B et C. D, qui
l'a remplacé, constate des irrégularités financières. Alerté par B et C et sentant le danger, A décide
l'élimination physique de D par des moyens magiques. Il soumet son projet criminel à ses anciens
collaborateurs B et C, et ces derniers contactent à cet effet E, un puissant féticheur, qui marque son
accord moyennant paiement.
Le féticheur tente de tuer D au moyen d'un chat noir fourni par B et C et sur lequel il pratique des
incantations, mais malheureusement sans succès. Il contacte un autre féticheur qu'il croit plus
puissant, toujours en vain. Finalement, il se résout à procéder autrement et tue D d'un coup de fusil.

450
E. LAMY, op. cit., 258.
451
MERLE et VITU, op. cit., n° 381 ; E. LAMY op. cit., p. 258 ; LARGUIER, Annales africaines, Dakar, 1957, p. 92 n°
8; BAYONA-ba-MEYA, Parapsychologie et droit, in Cahiers de recherches «PSI», n° 3, série III, n° 2, 1982, pp. 94-
96.
154

452
La Cour d’appel de Kinshasa , saisie de cette affaire, retient contre le féticheur E deux préventions,
à savoir : l'assassinat de D au moyen de fusil et la tentative d'assassinat par des moyens magiques.
Il est heureux que la Cour d'appel ait retenu cette solution pour deux raisons:
1) D'abord, même en cas de délit dit absurde, le délinquant manifeste sa perversité et sa
dangerosité sociale.
2) Ensuite, la science moderne, dans la discipline appelée «parapsychologie», admet la
possibilité de l'action à distance par la parole et la pensée453.
Il est par contre regrettable que la Cour Suprême de Justice, saisie de la même affaire, n'ait pas
profité de l'occasion pour faire avancer le droit sur cette question. Elle a esquivé le problème en
considérant simplement qu'il y avait eu assassinat, quelles qu'en aient été les modalités
d'exécution, et ne s'est aucunement posé la question de la punissabilité de la tentative
d'assassinat par des pratiques fétichistes454.
La question de la sorcellerie a figuré à l'ordre du jour de la Conférence Nationale Souveraine, et
a été traitée par la Commission juridique.
Sur base de l'étude faite par la sous-commission de Législation et des Réformes juridiques, que
nous avions eu l'honneur de présider, la plénière de la C.N.S. a retenu ce qui suit :
1. Le problème de la sorcellerie est réel, «une grande partie de la population étant
convaincue qu'on peut tuer ou causer du mal par envoûtement».
2. Néanmoins, la preuve demeure difficile à rapporter.
3. Compte tenu de ce qui précède, il est prudent de ne pas légiférer, et de recourir aux textes
existants (notamment les art.4, 44 et 45 sur le meurtre, l'assassinat et leur tentative) chaque fois
que, par les circonstances de l'espèce (les aveux, les témoignages...), la preuve est rapportée
quant à l'intention et aux actes matériels constitutifs de l'une ou l'autre infraction455.
b) Délit putatif
Il y a délit putatif lorsque l'illégalité des faits tels que l'agent les a commis n'existe que dans
son imagination.
L'article 167 du CP qui punit l'attentat à la pudeur sans violence sur un enfant mineur fixe cette
minorité à moins de 14 ans. Serait auteur d'un délit putatif celui qui commettrait des actes

452
Arrêt de La Cour d’appel de Kinshasa, inédit, 4è feuillet, rendu le 8 janvier 1970, en cause M.P. c/Matutu,
Nganga, Mavungu, Bunga et Bongo, rôle 8415, cité par BAYONA-ba-MEYA, Discours à l'audience solennelle de la
rentrée judiciaire du 16 octobre 1976, in Bulletin des arrêts de la Cour Suprême de Justice, 1977, 227-238.
453
BAYONA-ba-MEYA, op. cit., p.236.
454
C.S.J., 2 juin 1971, R.P. 24 inédit, cité par BAYONA-ba-MEYA, loc. cit.
455
Rapport de la Commission juridique, Conférence Nationale Souveraine, Palais du Peuple, Kinshasa, 1992,
pp.109-110.
155

impudiques sur une personne de 15 ans, convaincu de violer l'article 167 du CP, parce que, à
tort, il croit que la loi fixe la minorité à moins de 18 ans.
Un autre exemple peut nous être fourni par celui qui vend du diamant croyant commettre une
infraction parce qu'il ignore les dernières dispositions qui en libéralisent l'exploitation, la
détention, le transport et la vente456.
Dans tous ces exemples, quelque immorale que puisse paraître l'attitude de l'agent, le principe
de légalité s'oppose à sa punissabilité, même à titre de tentative.
V. La jurisprudence en matière de tentative impossible
L'examen de la jurisprudence congolaise montre que la tendance dominante est à la distinction
de l'impossibilité absolue et de l'impossibilité relative.
C'est ainsi que le prévenu a été acquitté dans l'espèce suivant :
Le nommé KATALAIE gisait à terre, victime d'un coup de fusil dont la charge faisant balle
l'avait traversé de part en part. Le prévenu KANSELE vint lui porter un coup de couteau dans
la région du cou. Le tribunal déclara la prévention d'homicide non établie au motif que le
«fait de frapper un cadavre ne peut constituer une tentative de meurtre, parce que
toute tentative suppose la possibilité d'accomplir l'infraction que l'agent veut
commettre. Ce principe implique toutefois que l'impossibilité d'accomplir
l'infraction soit une impossibilité absolue, qui existe soit dans l'objet, soit dans les
moyens, et qui est insurmontable d'après les lois même de la nature.»457
Dans cette espèce, il apparaît donc clairement que le juge a acquitté parce que l'infraction lui a
paru absolument impossible.
Dans le village WAMAZA, le nommé ANIASI pénétra pendant la nuit, dans la cuisine de
MEZA en vue d'y voler des vivres, mais malheureusement, il n'y trouva rien. Traduit en justice,
il fut condamné au motif que «l'absence de vivres dans la cuisine n'est qu'un fait accidentel qui
n'enlève pas le caractère punissable aux faits commis par le prévenu en raison du fait que le
moyen était en lui-même suffisant pour effectuer le vol.»458
Le juge retient donc la tentative relativement impossible, donc punissable. G. MINEUR partage
cet avis459.
Dans une troisième espèce, les faits étaient les suivants:

456
Voir l’ordonnance-loi n° 82/039 du 5 novembre 1982 modifiant et complétant l’ordonnance-loi n° 81/013 du 2
avril 1981 portant législation générale sur les mines et hydrocarbures.
457
Boma, 29 sept. 1908, Jur. Congo, II, 267.
458
District Maniema, 25 sept. 1941, R.J.C.B., 1942, 193.
459
Op. cit., pp. 36-37.
156

M. versa dans un plat de riz et de manioc une petite quantité d'acide sulfurique aux fins de faire
mourir K. Celui-ci ayant mis un peu de nourriture dans la bouche, la cracha immédiatement et
ne subit aucun mal. D'après les experts consultés, l'acide sulfurique était en concentration de 33
% mais ne pouvait pas causer la mort car elle était neutralisée par le contact avec les aliments.
En outre, le plat était selon l'expert pharmacien, non seulement impropre, mais aussi impossible
à manger. Et cette impossibilité était absolue puisque le mangeur avait rejeté le plat à cause de
son goût et de la sensation de brûlure que devait ressentir la langue et les gencives dès le
premier contact. Le Tribunal acquitta le prévenu au motif que
«constitue une tentative absolument impossible et, dès lors non infractionnelle, le
fait de présenter à celui dont on veut la mort une très faible dose de poison,
mélangée à des aliments, lorsque la préparation en fut tellement grossière que le
mélange se trouve être immangeable tant à cause de son goût que de la sensation
de brûlure que devaient ressentir la langue et les gencives dès le premier
contact.»460
Toutefois, la tendance subjective a parfois retenu l'attention de nos cours et tribunaux, comme
l'affirme le tribunal de 1ère instance de Stanleyville: «La notion de tentative impossible est
battue en brèche par la doctrine et la jurisprudence modernes. Est punissable la tentative
d'infraction qui ne pouvait atteindre son but en raison de circonstances de fait relatives à l'objet
ou aux moyens mis en œuvre.»461
Nous estimons que la théorie subjective devrait recevoir une plus large application, car c'est
l'intention de violer la loi qui devrait prédominer et servir de base à la répression. Or, cette
intention est aussi forte dans l'infraction consommée que dans l'infraction tentée, que
l'infraction soit possible ou impossible. Les actes posés par l'agent prouvent son antisocialité et
appellent la sanction.
VI. Infraction impossible et infraction manquée
Le rapport entre le délit impossible et le délit manqué n'est pas facile à établir, surtout si l'on
considère que les auteurs citent souvent les mêmes exemples pour illustrer les deux situations.
Pour essayer de clarifier la question, nous partirons de la définition suivante du délit manqué :
«Il y a infraction manquée lorsque par suite d'une circonstance imputable à sa
maladresse, à son étourderie ou à une cause fortuite, le délinquant n'a obtenu

460
1ère Inst. Stan. (appel), 16 avril 1957, R.J.C.B., 1958, 167.
461 ère
1 Inst (appel), 23 sept. 1952, R.J.C.B., p. 136.
157

aucun résultat: l'exemple classique est celui du meurtrier qui, par suite d'une erreur
de visée ou d'un mouvement mal approprié manque sa victime.»462
Tous les auteurs pratiquement donnent cet exemple pour illustrer le délit manqué463. Et
cependant, ce même exemple est donné lorsqu'il s'agit d'illustrer l'infraction relativement
impossible464. Certains auteurs ont essayé explicitement d'éclairer la nature des rapports entre
délit manqué et délit impossible. Pour MERLE et VITU,
«en cas d'impossibilité relative, lorsque les moyens avaient dû produire le résultat
voulu s'ils avaient été mieux utilisés (coup de fusil tiré hors de portée de la victime)
ou lorsque l'objet de l'infraction n'a été que momentanément impossible à atteindre
(tronc d'église vide, victime d'une agression fortuitement absente de la pièce dans
laquelle un coup de feu a été tiré à travers une fenêtre), l'infraction ressemble alors
à l'infraction manquée et doit être punie dans les mêmes conditions que celle-
ci.»465
Quant à STEFANI et LEVASSEUR, ils considèrent qu'à première vue, le délit impossible se
rapproche du délit manqué, parce que dans un cas comme dans l'autre, il y a eu exécution
complète de tous les actes matériels du délit mais le résultat n'a pas été obtenu, par suite d'une
circonstance indépendante de la volonté de son auteur466. Ils croient toutefois relever la
différence dans le fait que «dans le délit manqué, le résultat pouvait matériellement se
produire», tandis que dans le délit impossible, «le résultat ne pouvait pas immédiatement être
obtenu.»467
Nous ne pouvons retenir cette explication que si elle vise uniquement l'infraction absolument
impossible. Car dans le cas de l'infraction relativement impossible, nous savons que le résultat
aurait pu aussi matériellement se produire. Donc, il n'y a pas de différence entre le délit manqué
et le délit relativement impossible quant à la possibilité matérielle du résultat.
D'autres auteurs font pratiquement une assimilation complète entre l'infraction manquée et
l'infraction impossible, sans distinguer les hypothèses que celle-ci peut recouvrir. Il en est ainsi
de LAMY lorsqu'il écrit que «celui qui tire sur une personne et vise mal n'a donc pu, à aucun

462
MERLE et VITU, op. cit., n° 240 ; E. LAMY, op. cit., p. 255.
463
DONNEDIEU de VABRES, op. cit., n° 240 ; E. LAMY, op. cit., p. 255.
464
HAUS, op. cit., I, n° 462 ; MINEUR, op. cit., n° 36 ; MERLE et VITU, op. cit., n° 380 ; E. LAMY, op. cit., p. 257.
465
Op. cit., n° 380.
466
Op. cit., n° 182.
467
Loc. cit.
158

moment commettre un crime, le meurtre est impossible tout autant que si l'arme n'avait pas été
chargée.»468
De même, DONNEDIEU de VABRES est d'avis que «le délit impossible est donc un délit
manqué... manqué parce qu'il ne pouvait pas réussir.»469 Cette assimilation doit être rejetée car
elle perd de vue que l'infraction manquée est une infraction possible, mais qui n'a échoué que
fortuitement.
Ce relevé critique des positions doctrinales nous permet de conclure. Nous retiendrons que le
délit manqué existe lorsque tous les actes d'exécution ont été accomplis et que, alors qu'ils
étaient de nature à produire le résultat recherché, ils ont manqué leur effet par suite d'une cause
fortuite. Cette définition nous permet donc de dire que s'il y a assimilation entre le délit manqué
et le délit relativement impossible, il ne saurait en être de même en ce qui concerne le délit
absolument impossible car, dans ce dernier cas, le résultat ne pouvait pas matériellement être
produit.
D. LA REPRESSION DE LA TENTATIVE PUNISSABLE
Les solutions au problème de répression de la tentative sont variables. Certaines législations
prévoient une peine diminuée par rapport à celle qui est retenue pour l’infraction consommée.
Ainsi, le code pénal suisse prévoit l’atténuation de la peine en cas d’infraction tentée470 et
d’infraction manquée471. De même, le juge peut atténuer librement la peine
- A l’égard de celui qui, de son propre mouvement, aura empêché ou contribué à empêcher
que le résultat ne se produise472. Il s’agit là d’un désistement volontaire profitable à l’accusé,
même lorsque celui-ci avait préalablement posé tous les actes d’exécution ;
- A l’égard de l’auteur de l’infraction absolument impossible473.
Le législateur congolais, contrairement au système en vigueur dans de nombreux pays, punit la
tentative de la même peine que l'infraction consommée. Cette solution est de sagesse. L'auteur
de la tentative punissable a montré le mépris qu'il a vis-à-vis de la loi et des valeurs qu'elle
protège. Et s'il n'a pas atteint le résultat prohibé, cela est dû à une circonstance extérieure sur
laquelle «la dissuasion pénale n'a pas prise»474 et qui ne doit pas lui profiter. La non

468
Op. cit., n° 257.
469
Op. cit., n° 245.
470 er
Voir article 21, alinéa 1 .
471 er
Article 22, alinéa 1 .
472
Article 22, alinéa 2.
473 er
Article 23, alinéa 1 .
474
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n°200.
159

survenance du résultat pourra néanmoins constituer une circonstance atténuante. Il appartient


alors au juge d'en apprécier l'opportunité.

Troisième Partie

LE DELINQUANT
160

L'infraction est le fait objectif qui déclenche l'action pénale. C'est le fait objectif qui est porté à
la connaissance du parquet ou du tribunal, et détermine celui-ci à rechercher si la loi pénale a
été violée. Mais il ne faudrait pas perdre de vue que ce fait est avant tout et toujours un acte
humain. Les développements relatifs à la loi pénale et à l'infraction nous ont déjà fait entrevoir
qu'il est impossible d'étudier ces différentes notions sans nous référer à l'homme, au délinquant.
Le respect du principe de la légalité postule qu'on ne déclare punissable que les actes de l'agent
préalablement définis comme infractionnels. L'étude de l'élément matériel et de l'élément légal
de l'infraction renvoie chaque fois aux actes, aux gestes, aux paroles et aux attitudes de la
personne humaine. «Un fait, quelque préjudiciable qu'il soit, n'est qu'un malheur si vous faites
abstraction de toute considération de personne. Ce ne sont pas les faits qui violent le droit qui
sont punissables, ce sont les personnes.»475
Nous allons examiner, dans cette partie, les conditions subjectives de la responsabilité, les
éléments relatifs à la personnalité et à la psychologie du délinquant selon le plan suivant :
Section Ière: La personne responsable
Section II : La participation criminelle
Section III : Les causes de non-imputabilité
Section IV : L'élément moral.

SECTION Ière LA PERSONNE RESPONSABLE

La question qui se pose est de déterminer le sujet de l'infraction.


Il est en principe admis que seules les personnes physiques peuvent être des délinquants.
Toutefois, la responsabilité des personnes morales est toujours discutée, et même, de plus en
plus retenue en droit positif et en droit comparé.
§ 1. LES PERSONNES PHYSIQUES
A. PRINCIPE
Le principe posé est que seules les personnes physiques sont capables de délinquer. Ni les
choses ni les animaux ne peuvent être sujet de l'infraction. Seuls des êtres faits de chair, dotés
de volonté et d'intelligence peuvent commettre une infraction et, de ce fait, encourir une peine.
«L'esprit individualiste du droit pénal fait qu'on ne peut attribuer un acte coupable et
appliquer une peine qu'à l'individu.»476

475
ORTOLAN, Eléments de droit pénal, I, 4è éd. Paris, 1886, n°219.
476 ème
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, Droit pénal général, 10 édition, Précis Dalloz, Paris, 1978, n°244.
161

Le texte d'incrimination précise chaque fois la personne physique, sujet de l'infraction. Il peut
s'agir de n'importe qui. Alors, il utilise des formules comme celles-ci :
«Celui qui ...» (art.52, 64, 65, 66, 74, etc.)
«Toute personne qui ...» (art.71, ...)
«Quiconque aura ...» (art.75, 78, 79, CP, etc.)
Parfois, le texte désigne des personnes physiques présentant une qualité particulière,
déterminée. Ainsi, l'article 72 du CP vise «tout agent des postes ou toute personne
officiellement commissionnée pour assurer le service postal ...». L'article 73 concerne «les
personnes dépositaires par état ou par profession des secrets qu'on leur confie ...».
Les articles 145 et suivants prévoient des infractions qui ne peuvent être commises que par des
fonctionnaires publics ... Il en est de même de l'article 180 du CP relatif aux atteintes par les
fonctionnaires aux droits garantis aux particuliers.
Le code pénal russe de 1997 prévoit que n’est pénalement responsable que la personne
physique qui a atteint l’âge de seize ans au moment ou le crime a été commis477.
B. LES IMMUNITES PENALES478
Pour des raisons d'opportunité politique et de politique criminelle, certaines personnes
physiques sont exclues de l'application de certaines règles pénales.
I. Immunités de droit interne
a) Le Président de la République
1. Le principe
Le Président de la République ne peut être poursuivi que pour des infractions pénales qu'en cas
de haute trahison, de détournement, de concussion ou de corruption.
2. Immunités pénales et crimes contre l’humanité
Quand il s’agit des crimes contre l’humanité, le Statut de la Cour pénale internationale donne à
celle-ci compétence, quelle que soit la qualité de la personne, y comprise celle de Chef d’Etat.
En d’autres termes, quand il s’agit des crimes contre l’humanité, toute immunité pénale
s’efface.
b) Les autres personnes bénéficiaires des immunités pénales
D'autres personnes jouissent des immunités pénales plus limitées.

477
Art. 19 et 20.
478
KALOMBO MBANGA, Syllabus de droit pénal général, UNAZA, 1978, texte stencilé, p. 41.
162

C'est le cas, notamment, des délégués à la Conférence Nationale Souveraine qui ne pouvaient
être poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en raison des opinions ou votes émis par eux dans
l'exercice de leur fonction.
Tel est aussi le cas des Conseillers de la République, pendant la Transition qui jouissaient des
mêmes immunités. Tel est enfin le cas des Députés et des Sénateurs.
De même, les avocats jouissent de l'immunité pénale lorsqu'ils avancent un fait grave de nature
à porter atteinte à l'honneur ou à la réputation des parties si les nécessités de la défense
l'exigent479.
II. Immunités de droit international
Par ailleurs, le droit international prévoit certaines dérogations aux règles pénales. Ainsi, un
usage constant affranchit les chefs d'Etat étrangers et leurs représentants de la juridiction des
pays où ils se sont rendus.
De même, les agents diplomatiques échappent à la juridiction des pays où ils exercent leurs
fonctions.480 L’article 31 de la Convention de Vienne est explicite : « L’agent diplomatique
jouit de l’immunité de la juridiction pénale de l’Etat accréditaire ». Cela veut dire que les
diplomates ne peuvent pas être poursuivis devant les cours et tribunaux du pays accréditaire, ni
être inquiétés par aucune autorité judiciaire ou de police481. Ce traitement spécial en faveur des
diplomates trouve son fondement dans la nécessité de leur assurer la liberté et l’indépendance
dans l’accomplissement de leur mission482. L’immunité de juridiction pénale est absolue, et
s’applique aussi bien pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions diplomatiques que
pour les actes privés483.
Il faut préciser que ce genre d'immunités accordées aux souverains étrangers et à leurs
représentants ne regardent que la compétence des tribunaux du pays hôte et ne suppriment pas
la responsabilité pénale qui pourra être engagée devant les juridictions du pays d'origine.
Les immunités ainsi précisées s'étendent aussi, lorsqu'il s'agit de diplomates de carrière, aux
attachés et à tout le personnel étranger de l'Ambassade, ainsi qu'aux membres de leurs familles
qui les accompagnent.

479
Article 74 de l’ordonnance-loi n° 79/08 du 28 septembre 1979 sur le barreau.
480
Article 29 à 36 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.
481 ème
Voir Philippe CAHIER, Le droit diplomatique contemporain, 2 édition, Droz, Genève, 1964, p. 244.
482
Op. cit., p. 233.
483
Op. cit., p. 244.
163

Les consuls bénéficient des mêmes immunités lorsqu'ils agissent en qualité de représentant d'un
pays étranger. Ils tombent sous le coup de la loi du pays hôte lorsque les infractions commises
n'ont pas de rapport avec l'exercice de leurs fonctions officielles.
III. Immunités de la presse en droit congolais et en droit comparé
En droit congolais, en vertu des articles 28, 29 et 30 de la loi du 22 juin 1996 fixant les
modalités de l’exercice de la liberté de la presse, les responsabilités sur le plan pénal sont ainsi
établies :
1°) L’imprimeur ne répond pénalement que si l’auteur, le directeur de la publication ou
l’éditeur ne sont pas connus.
2°) L’éditeur ou le directeur de publication ne répondent pénalement que si l’auteur n’est pas
connu.
Donc, et de manière plus précise, du moment que l’auteur de l’article est connu, il est le seul à
devoir répondre du délit de presse, à l’exclusion de l’imprimeur, du directeur de la publication
ou de l’éditeur.
§ 2. LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES
Jusqu'à une période récente, le principe «Societas delinquere non potest» n'était pas discuté. Et
dans beaucoup de pays, dont le nôtre, il est toujours en vigueur.
A. LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'IRRESPONSABILITE PENALE DE LA
PERSONNE MORALE
Les textes du CP visent les personnes physiques, faites de chair et de sang, capables d'une
action physique sur autrui et sur le monde extérieur, et douées de conscience et de volonté484.
Etre incorporel, la personne morale n'a pas de prise sur les objets matériels et est incapable de
volonté.
Il y a impossibilité d’appliquer l'essentiel des peines prévues par le CP (par ex. la peine de
mort ou la prison) aux personnes morales.
B. LES ARGUMENTS FAVORABLES A LA RESPONSABILITE PENALE DES
PERSONNES MORALES
1. Les personnes morales, contrairement à une certaine doctrine, ne sont pas une fiction,
mais une véritable réalité juridique et sociale.
2. Quant à leur emprise sur autrui et le monde extérieur, déjà le Congrès de l'A.I.D.P.
(Bucarest, 1928) constatait qu'elle était réelle car elles constituaient «des forces sociales dans la

484
Sur la question, voir notamment MERLE et VITU, Traité de droit criminel, Paris, Cujas, 1967, pp.489 et s ;
mêmes auteurs, op. cit. ; 1997, pp. 804 et s.
164

vie moderne»485, dont le caractère dangereux se manifeste par la commission des infractions.
La concurrence déloyale, la banqueroute, la contrefaçon de marques de fabrique sont souvent
œuvre des sociétés.
3. La personne morale est capable de volonté. Elle délibère à travers son assemblée
générale, son conseil d'administration, son comité de gestion ... Cette volonté ainsi manifestée
est loin d'être un mythe.
4. Enfin, il existe une série de peines parfaitement adaptées à la nature de la personne
morale. C'est le cas de
- L'amende ;
- La dissolution ou la fermeture ;
- L'interdiction d'exercer une profession déterminée, etc.
A titre d'exemple, nous pouvons citer le nouveau code pénal français qui montre qu'on peut
imaginer presque à l'infini les sanctions applicables aux groupements. Il prévoit notamment, en
ses articles 131-37 à 44,
- L'amende ;
- L'interdiction d'exercer tout ou partie d'une activité professionnelle ;
- L'interdiction d'émettre des chèques ;
- La confiscation spéciale ;
- L’affichage ;
- La dissolution.
La recommandation 1988/18 du comité des ministres du Conseil de l’Europe cite notamment :
- L’avertissement ;
- Le cautionnement ;
- La déclaration de culpabilité avec dispense de peine ;
- La confiscation des biens utilisés ou des gains retirés de l’activité criminelle ;
- La publication du jugement ;
- La fermeture de l’entreprise ;
- Les diverses interdictions, etc.
C. LA TENDANCE ACTUELLE
Dans les pays qui ne consacrent pas le principe de la responsabilité pénale des personnes
morales, c'est la personne physique, organe ou préposé, par laquelle la personne morale a agi,

485
Actes, 1928.
165

qui est pénalement responsable de l'infraction commise486. Le juge recherche celui qui,
concrètement, réellement, a agi sous le couvert de la personne morale487. Dans les pays anglo-
saxons, la responsabilité pénale des personnes morales est largement admise. C'est le cas de
l'Angleterre (1889), du Canada et des Etats-Unis. La Commission de réforme de code pénal
canadien confirme ce principe.
Dans les pays européens, c'est en droit pénal des affaires qu'on a vu les premiers textes qui
consacrent la responsabilité pénale des groupements. Depuis plusieurs années, se dessine une
évolution favorable à la responsabilité pénale des personnes morales. C'est ainsi que, depuis la
loi du 23 juin 1976, la responsabilité pénale des personnes morales a été étendue à l'ensemble
du droit néerlandais (art.51 CP). De même, le droit pénal espagnol reconnaît la responsabilité
pénale des personnes morales488.
Le nouveau code pénal français reconnaît la responsabilité pénale des personnes morales489, à
l’exclusion de l’Etat (art. 121-2), à trois conditions :
1) La responsabilité pénale n’existe que dans le cas prévu par la loi et le règlement ; elle
n’est donc pas générale ;
2) L’infraction doit être commise par un organe (assemblée générale, conseil
d’administration, conseil municipal, …) de la personne morale ;
3) L’infraction doit être commise pour le compte de la personne morale490.
En droit pénal belge, la loi du 04 mai 1999491 vient d’instaurer la responsabilité pénale à charge
des personnes morales de droit privé.
D. LA RESPONSABILITE DES PERSONNES MORALES EN DROIT CONGOLAIS
Le principe est que la personne morale ne peut engager sa responsabilité pénale. S'il y a des
faits infractionnels qui font penser aux personnes morales, seuls leurs dirigeants, personnes
physiques, pourront pénalement répondre. Exemple : en matière de banqueroute (art. 89-92

486
Voir R. LEGROS, Imputabilité pénale et entreprise économique, in R.D.P.C., 1968-1969, 380, R. CHARLES,
Quelques aperçus sur l'évolution du droit pénal social, in R.D.P.C., 1967-1968; 253-254 , P. DELATTE, La question
de la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge, in R.D.P.C., 1980-200 ; voir aussi Cass. 29 mars
1994, Pas. I, 326, R.D.P.C., 1996, 1171 ; Olivier RALET, Responsabilité des dirigeants des sociétés, Larcier,
Bruxelles, 1996.
487
Voir H.D. BOSLY, Responsabilité et sanctions en matière de criminalité des affaires, Syracuse, novembre 1980,
p. 6.
488
Voir ROUJOU de BOUBEE, op. cit., p. 16.
489
Clotaire MOULOUNGUI, La responsabilité pénale des personnes morales en France, in R.D.P.C., 1995, 143-161.
490
ROUJOU de BOUBEE, op. cit., p. 16 ; J. PRADEL, Le nouveau code pénal français : aperçu sur sa partie générale,
in R.D.P.C., 1993, 930-934.
491
M.B., 22 juin, 23411.
166

CP), ce sont les administrateurs, directeurs ou gérants qui commettent les faits délictueux et qui
doivent en répondre.
Cela paraît tellement vrai, acquis et ancré dans les esprits et dans la pratique que lorsque la
doctrine congolaise aborde la question de la responsabilité pénale dans les sociétés de droit
congolais, elle fait état uniquement de la responsabilité « des personnes chargées de la
gestion »492, sans nullement évoquer, et encore moins débattre de l’éventualité de la
responsabilité pénale des personnes morales, au nom du « principe de l’individualisation de
cette responsabilité pénale autant que des peines qu’elle entraîne »493.
Dans certaines lois particulières cependant, la responsabilité pénale des personnes morales est
affirmée, mais il est précisé aussitôt que tel organe subira la peine prévue. Nous citerons, à titre
d’exemple, l'ordonnance-loi n° 68/71 du 1er mai 1968 portant réquisition des médecins
congolais qui punit toute personne qui aura engagé un médecin requis ou l'aura maintenu dans
son emploi (art.8, 1). Mais l'alinéa 2 du même article dispose aussitôt que si le coupable est une
personne morale, les peines seront appliquées aux personnes chargées de la direction ou de
l'administration de l'établissement.
Concrètement, l'affirmation de la responsabilité pénale de la personne morale ne tire pas à
conséquence, car seules les personnes physiques pourront subir les peines prévues.
Dans certaines autres lois particulières, la personne morale est parfois déclarée civilement
responsable des amendes prononcées contre ses organes et préposés.
Dans d'autres lois particulières encore, la personne morale est déclarée pénalement responsable.
Ainsi, l'article 11 de l’ordonnance-loi n° 67/272 du 23 juin 1967 relative au change dispose que
«l'infraction à la réglementation du change est réputée existante dans le chef de toutes les
personnes physiques et morales intervenant directement ou indirectement dans le fait qui la
caractérise».
L'O.L. précitée a d'ailleurs connu des cas spectaculaires d'application dans deux affaires
célèbres : l'affaire DIFCO et l'affaire SOCOBANQUE.
Dans la première, la Cour d’appel de Kinshasa a condamné la société DIFCO, représentée par
son Administrateur - Délégué, à une peine d'amende cumulée avec la restitution à la
République Démocratique du Congo des devises fraudées et à la confiscation des biens, y

492
LUKOMBE NGHENDA, Droit congolais des sociétés, Tome II, Presses Universitaires du Congo, 1999, p. 664.
493
Op. cit., p. 664.
167

compris les créances ayant fait l'objet de l'infraction, ainsi que de bénéfices tirés de
l'infraction494.
Dans la deuxième affaire, la Cour Suprême a condamné la société SOCOBANQUE pour avoir,
par l'intermédiaire de son Administrateur - Délégué, fait le commerce de monnaie et moyens de
paiement en monnaie étrangère non conforme à la réglementation de la Banque Nationale, à
une peine d'amende, à la restitution à la République Démocratique du Congo des devises
frauduleusement soustraites à l'encaissement et au paiement des dommages et intérêts495.
De nombreux autres textes particuliers prévoient des sanctions applicables aux personnes
morales. Nous citerons à titre d'exemples :
- L'O.L. n° 68/010 du 6 janvier 1968 relative aux droits de consommation et régime des
boissons alcooliques, telle que modifiée par l'O.L. n° 68/192 du 2 mai 1968 qui dispose en son
article 29, al. 4 que toute personne physique ou morale est responsable des infractions
commises par les membres de son personnel ;
- En matière fiscale, l'O.L. n° 69/009 du 10 février 1969 relative aux contributions
cédulaires sur les revenus qui précise qu'une personne morale peut subir les sanctions
pécuniaires prévues aux articles 147 et 148 ;
- En droit maritime, l'O.L. n° 66/68 du 14 mars 1966 portant Code de la navigation
maritime, qui prévoit une amende pour la personne morale qui, intentionnellement, laisse
naviguer un navire dont l'état ne satisfait pas aux conditions de sécurité ;
- L'amende prévue par la loi n° 74/003 du 5 mars 1974 relative au dépôt obligatoire des
publications est applicable à toute personne, physique ou morale ;
- Les mesures d'exécution des décisions relatives à la zaïrianisation ont prévu des peines
applicables aux personnes physiques et morales telles que les amendes, la déchéance d'un
acquéreur et sa radiation au registre de commerce...
Bref, si en République Démocratique du Congo, le principe qui demeure est celui de
l'irresponsabilité pénale des personnes morales, on ne peut manquer de relever que, par des lois
particulières et la jurisprudence, le domaine de la responsabilité des personnes morales connaît
une certaine extension. La consécration du principe de la responsabilité pénale des personnes
morales, par un texte légal de portée générale, confirmerait et couronnerait cette extension, et
inscrirait ainsi le droit pénal congolais dans le droit contemporain, dont la tendance la plus

494
Kin., 11 avril 1970, Revue Congolaise de Droit, Kinshasa, O.N.R.D., 1971, p. 9.
495
C.S.J., 13 août 1971, Revue Congolaise de Droit, 1972, p.14 ; Bull., 1974, 14.
168

dominante est d'incriminer certains comportements spécifiques aux groupements et de les


sanctionner en conséquence.
Il nous faut enfin préciser que la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes
morales laisse intacte la responsabilité personnelle éventuelle des préposés du groupement ou
des agents d'exécution. Cette solution est expressément formulée par le NCPF : « La
responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs
ou complices des mêmes faits »496.

SECTION II. LA PARTICIPATION CRIMINELLE


Le texte qui définit l'acte punissable montre que le sujet de l'infraction fait partie des éléments
constitutifs de toute infraction. Si la lecture du code pénal laisse généralement penser à un seul
agent, auteur du fait délictueux, la réalité par contre est que très souvent l'infraction est l'œuvre
de plusieurs personnes. C'est la prise en compte de cette réalité qui a conduit le législateur à
définir la participation criminelle. Celle-ci est réalisée lorsque plusieurs personnes ont
contribué à la réalisation d'une infraction en y prenant une part plus ou moins active et directe.
La participation criminelle est prévue par les articles 21 à 23 de notre code pénal. Elle peut
revêtir deux formes :
- La corréité ou la coactivité, lorsque la contribution s'avère directe ou indispensable ;
- La complicité, lorsque l'aide apportée, sans être nécessaire, est néanmoins utile.
Nous allons successivement étudier les conditions générales de la participation criminelle, la
corréité, la complicité, quelques dispositions spéciales prévoyant des formes particulières de
participation, la répression de la participation criminelle et, enfin, les infractions plurales.
§ 1. LES CONDITIONS GENERALES DE LA PARTICIPATION CRIMINELLE
Pour que la participation criminelle soit retenue à titre de corréité ou de complicité, trois
conditions doivent être réunies:
- L'existence d'une infraction principale,
- L'acte de participation selon un des modes prévus par la loi aux articles 21 et 22 du CP, et
enfin,
- L'élément moral.
A. UNE INFRACTION PRINCIPALE
Toute participation n'est pas punissable. Elle ne le devient que si elle consiste à favoriser la
commission d'une infraction, un acte que la loi condamne et sanctionne d'une peine.

496 ème
Article 121-2, 3 alinéa ; voir aussi Thierry L’HOMME, La responsabilité pénale en droit anglais, in R.D.P.C.,
1995, 44.
169

Il n'y a pas participation punissable dans le chef de celui qui vient au secours de son prochain
injustement agressé. Comme il ne peut y avoir de participation criminelle dans le fait d'apporter
son aide à une personne qui se suicide. En effet, notre droit n'incriminant pas le suicide, on ne
peut contribuer à la commission d'une infraction qui n'existe pas. De même, il n'y a pas
participation punissable à une infraction prescrite ou qui a fait l’objet d’une amnistie réelle, liée
à la nature même des faits497.
Précisons toutefois que si l’amnistie est personnelle, elle ne profite qu’à la personne amnistiée,
à l’exclusion des coauteurs ou des complices498.
L'infraction principale peut être consommée ou simplement tentée. Toutefois, il importe peu
que l'infraction soit imputable à l'auteur principal. Ainsi, un participant pourra être condamné
pour une infraction dont l'auteur matériel a été acquitté pour cause de non-imputabilité ou
absence de l'élément moral.
B. UN ACTE DE PARTICIPATION
Pour que la participation soit punissable, il faut qu'elle se réalise selon un des modes prévus soit
par l'article 21 du CP en ce qui concerne la corréité, soit par l'article 22 pour la complicité.
Ainsi, la participation criminelle obéit au principe de légalité.
I. Actes limitatifs et de stricte interprétation
Les modes légaux de participation sont limitatifs et de stricte interprétation. Ils n'admettent
aucune application analogique.
Ainsi, le simple conseil criminel ne peut être retenu comme acte de participation car il ne figure
pas parmi les actes mentionnés par le code pénal. Il en est de même du simple mandat criminel,
la proposition, non accompagnée de dons ou de promesses, de commettre une infraction
déterminée499.
II. Actes positifs
Les actes de participation sont des actes positifs, des actes de commission.
Seul un acte positif, préalable ou concomitant, peut constituer la participation punissable à une
infraction500.
Ne sera pas considéré comme ayant participé à une infraction un simple spectateur qui ne l'a
pas empêchée. Le simple fait de tolérance ne constitue pas un acte de participation501.

497
Frédéric DESPORTES, op. cit., p. 445.
498
Crim. 10 févr. 1949, J.C.P. II. 4857, note COSTE.
499
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 291. On peut relever par contre en droit comparé des législations
qui font figurer le conseil parmi les actes de participation. C’est le cas du Code criminel du Canada, en son
article 22.
500
Cass. b., 21 mai 2003, J.T., 857.
170

Il n'existe pas de corréité ou de complicité par abstention. On relève dans la jurisprudence des
décisions explicites à ce sujet :
- La participation criminelle par inaction n'est pas prévue par la loi et est d'ailleurs contraire
aux principes généraux du droit. N'est pas punissable celui qui en raison de son autorité aurait
pu empêcher la perpétration de l'infraction et ne l'a pas fait502;
- La loi pénale ne punit pas la complicité par inaction503;
- L'abstention de la part d'un chef investi de tenir au courant l'autorité territoriale des allées
et venues suspectes d'un chef de bande résolu à attaquer un village, même si ce chef avait le
pouvoir d'empêcher cette attaque, peut constituer un manquement professionnel mais ne rentre
pas dans les prévisions de la loi sur la participation criminelle504;
- Pour blâmable qu'elle puisse être sur le plan moral, l'abstention qui consiste à ne pas
dénoncer les irrégularités faites par un ami faussaire, à défaut d'une assistance effective, ne
constitue pas un acte de participation criminelle505.
Toutefois, certaines abstentions circonstanciées ou qualifiées sont retenues comme actes de
participation lorsque, à l'analyse, elles s'avèrent revêtir un aspect positif506, lorsqu’en raison des
circonstances qui les accompagnent, elles peuvent être assimilées à un acte positif507.
La Cour de cassation française a condamné comme complice l'amant qui avait seulement
assisté à l'avortement de sa maîtresse, parce que, par sa présence et par son attitude, il avait
apporté un appui moral à l'auteur de l'avortement508.
De même, l'omission d'accomplir un devoir a été considérée comme un acte de participation.
Ainsi, la sentinelle qui, préposée à la garde d'un magasin, s'abstient de réveiller son patron, de
le prévenir de l'action d'un voleur et laisse celui-ci fracturer la porte du magasin et emporter des
marchandises, a été condamnée comme coauteur car elle avait, par ses fonctions, un devoir
positif d'agir509.

501
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 257.
502
Boma, 18 sept. 1905 et 28 mars 1905, Jur. Et., II, 24.
503
Boma 18 sept.1906, Jur. Et., II, 148 ; 23 avril 1907, Jur. Et., II, 182.
504 er
Boma, 1 février 1916, Jur. Col., 1926, 311.
505 ère
I Inst. Léo (Appel), 13 juil. 1951, J.T.O., 1954, 35.
506
Lamy, op. cit., p. 353.
507
A. DE NAUW, Chronique semestrielle de jurisprudence, in R.D.P.C., 2004, 530.
508
Crim., 5 nov. 1941, S. 1942. 1.98, note BOUZAT ; voir aussi Crim. 27 juin 1971, Bull., n° 284, obs. LEGAL, R.S.C.,
1972, 375.
509 ère
I Inst. Stan. (Appel), 28 oct.1953, 139 ; Elis., 27 juin 1915, Jur. Col., 1926, 4.
171

D’après CONSTANT, doit être assimilé à une action positive, l’abus d’autorité consistant pour
un supérieur, témoin d’un délit, à ne pas intervenir, à condition cependant que cette abstention
présente le double caractère d’une approbation et d’un stimulant510.
On peut aussi relever que l'attitude encourageante d'un supérieur vis-à-vis des actes de son
subordonné a été retenue comme acte de participation. Il s'agissait, dans le cas d'espèce, d'un
chef de village, jouissant d'une autorité réelle sur les habitants, qui avait assisté aux préparatifs
d'un assassinat et à l'assassinat511.
L'abstention peut faire l'objet d'une disposition particulière et être punie comme infraction sui
generis. C'est le cas notamment des articles 66 bis et s. du CP qui incriminent la non-assistance
à personne en danger.
III. Actes consommés
Pour être punissable, l'acte de participation doit être consommé. «Si l'on peut être poursuivi
comme complice d'une infraction tentée par un tiers, on ne peut pas l'être pour avoir tenté d'être
complice. S'il y a une complicité de tentative, il n'y a pas de tentative de complicité faute de fait
principal punissable.»512
IV. Actes antérieurs ou concomitants
Enfin, pour être constitutif de participation, l'acte doit être antérieur ou concomitant à la
commission de l'infraction. Sont en principe exclus les actes postérieurs.
Toutefois, il existe une difficulté résultant de l'article 22, al. 4 du CP qui parle des faits qui
«ont consommé» l'infraction (art. 67, al. 4 CPB).
L'interprétation de ce texte pourrait laisser entendre que des actes postérieurs à la commission
de l'infraction peuvent être considérés comme des actes de complicité. D'après la doctrine et la
jurisprudence dominantes cependant, ce sens ne doit être retenu qu'en ce qui concerne la
complicité du vol513 et la complicité d'usage de faux, lorsque l'usage est fait par le faussaire lui-
même514. Les termes de l'article 22, al. 4 CP signifient alors que sont complices ceux qui :
- Aident le voleur à transporter les biens volés hors des lieux où ils viennent d'être
soustraits ;
- Aident le faussaire à faire usage de l'écrit ou de l'objet altéré ou contenant de faux
renseignements.

510
CONSTANT, Traité de droit pénal, tome I, 337.
511
Terr. Nouv. Anvers, 24 août 1903, Jur. Et., I, 276.
512
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n°258.
513
Voir sur la question E. LAMY, op. cit., p. 354 et s.
514
HAUS, op. cit., I, n° 560.
172

Telle est aussi l'interprétation qui se dégage des travaux préparatoires au code pénal belge de
1867515.

V. Le problème posé par les actes de participation commis à l’étranger


Le coauteur ou le complice d’une infraction commise au Congo est justiciable des juridictions
pénales congolaises, même si les actes de participation n’ont été commis qu’en dehors du
territoire congolais516.
C. L'INTENTION CRIMINELLE
La résolution criminelle est la troisième condition de la participation punissable. Elle en
constitue l'élément moral. Lorsqu'il pose son acte, le participant doit savoir qu'il favorise
l'exécution d'une infraction déterminée.
Bien plus, il faut qu'il y contribue volontairement, « dans l'intention d'y participer, avec le
dessein d'en faciliter la préparation ou l'exécution»517.
Il faut «l'intention de contribuer à l'acte délictueux consommé ou tenté par autrui.»518
L'élément moral de la participation criminelle ne se ramène pas à la simple simultanéité ou
juxtaposition avec l'acte principal. Il ne suffirait pas que des agents commettent la même
infraction conjointement. Il faut une union, «un concours de volontés pour atteindre un projet
commun»519. Il faut que l'agent recherche ou accepte de s'associer à la commission de
l'infraction principale. C'est ainsi que la rencontre fortuite des deux voleurs dans un grenier ne
suffirait pas à réaliser le concours de volontés constitutif de l'élément moral dans la
participation criminelle. Par ailleurs, l'intention criminelle du participant ne doit pas impliquer
la préméditation ou le concert préalable. Il est vrai qu'elle résulte le plus souvent d'un concert
préalable; mais elle peut aussi se former et se révéler au moment de l'action. L'essentiel est que
l'auteur principal et les participants aient agi «ensemble et de concert pour commettre
l'infraction»520. La Cour Suprême de Justice a même jugé que la seule conscience de provoquer
l’infraction pouvait suffire521.
Ce sera le cas si les deux voleurs du grenier transcendaient le hasard de leur rencontre, et
décidaient de coopérer afin de «rentabiliser» au maximum leur entreprise.
515
Loc. cit.
516
Voir une solution jurisprudentielle belge allant dans ce sens, Cass., 8 août 1994, Pas., I, 670 ; 28 juin 1994,
Pas., I, 654.
517
HAUS, op. cit., I, n° 495; J. LARGUIER, Chronique de jurisprudence, in R.S.C., 1979, 75.
518
Crim., 6 août 1924, Bull., n° 323 ; 16 mars 1970, J.C.P. II. 16813.
519
HAUS, op. cit., I, n° 493.
520
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 267.
521
C.S.J., 31 août 1984, en cause MP c/KASHWANTALE et csrts, BA, 1980-1984, 507-517.
173

La Cour d’appel d’Ontario a jugé que le terme « intention commune » signifiait que deux ou
plusieurs personnes doivent avoir le même but illégal à l’esprit. Cette intention peut se former
au moment de la perpétration de l’infraction, car l’intention de poursuivre une fin illégale et de
s’assister mutuellement peut prendre forme à cet instant522.
L'exigence de l'élément moral résulte même des termes légaux:
- «pour la commettre» (art. 22, al. 2 CP)
- «sachant qu'ils devaient y servir» (al. 3)
- «avec connaissance» (al. 5).
La connaissance et la volonté de l'agent de participer à une infraction doivent exister au
moment où il apporte son concours, son assistance ou son aide. Elles doivent être
concomitantes à l'acte de participation523.
Certains auteurs, se basant sur cette exigence de la résolution criminelle, enseignent qu'il ne
peut y avoir participation criminelle pour toutes les infractions non-intentionnelles524.
Nous considérons ce point de vue comme erroné pour deux raisons :
1) Le CP congolais admet, en principe, la participation criminelle pour toutes les infractions,
quelle que soit leur gravité et quel que soit l'élément moral exigé.
2) Même si la loi n'exige pas l'intention comme élément constitutif de certaines infractions,
celles-ci peuvent, en fait, être commises avec intention et, en conséquence, être le résultat d'un
concours de volontés, d'une acceptation par tous les agents de s'associer à l'acte incriminé525.
Bien que la jurisprudence reste divisée, nous pouvons néanmoins relever des décisions qui ont
reconnu l'application des règles de participation même aux infractions non-intentionnelles.
Le Tribunal d'Appel du Rwanda-Urundi a jugé qu'il n'existait aucune limitation à l'application
des règles de la participation et qu'il fallait admettre qu'un agent pût être déclaré coupable d'avoir
participé aux faits infractionnels, même contraventionnels, dès qu'il avait accompli
volontairement les actes prévus aux articles 21 et 22 du CP, livre I. C'est ainsi qu'il condamna
un employeur comme coauteur des infractions de roulage commises par son chauffeur526.

522
La Reine c/VANG (1999), cité par Guy COURNOYER et Gilles OUIMET, op. cit., p. 66
523
Loc. cit.
524
Voir G. MINEUR, op. cit., p. 81 ; L. BOURS, Note sous Tribunal du Ruanda-Urundi, 26 juin 1951, J.T.C., 1952 ;
HAUS, op. cit., I, n° 496.
525
Voir NYABIRUNGU, La faute punissable dans les infractions routières, Etude de droit comparé. Thèse de
Doctorat, Louvain-la-Neuve, 1980, p. 119 et s.; D. ALLIX, Essai sur la co-action. Contribution à l'étude de la genèse
d'une notion prétorienne, L.G.D.J., Paris, 1976, n° 129 et s.; V. DE JULEMONT, Notes sur l'application des règles de
la participation criminelle en droit congolais, in R.J.C.B. 1952, 279.
526
26 juin 1951, R.J.C.B., 177 ; Boma, 11 nov. 1913, Jur. et Dr. du Congo, 1921, 353.
174

Les délits d'imprudence demandent qu'on s'exprime à leur propos avec plus de nuance. Certes,
en principe, rien ne devrait s'opposer à ce que les règles de la participation leur soient
applicables527, et il existe d'ailleurs des décisions dans ce sens.528
Mais, nous pensons que, compte tenu de la structure matérielle même du délit d'imprudence et
de la nature de l'élément moral qui est très souple, toute personne qui concourt à la réalisation
du délit culpeux doit répondre en tant qu'auteur. Du moment que son comportement a produit le
résultat, tous les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis, y compris la faute
personnelle529.
La Cour de cassation de Belgique a décidé en des termes très clairs qu’ «en matière de délits
d'imprudence, la participation criminelle ne se conçoit pas.»530
§ 2. LES MODES LEGAUX DE LA CORREITE
Ceux qui se rendent coupables d'une participation principale, ceux qui apportent à la réalisation
de l'infraction une aide nécessaire, indispensable sont des auteurs ou de coauteurs.
La loi détermine limitativement les actes, les modes par lesquels la corréité ou la coactivité se
réalisent. Ils sont énumérés à l'article 21 de notre CP :
- L'exécution matérielle et la coopération directe
- L'aide indispensable
- La provocation privée et publique.
A. L'EXECUTION MATERIELLE ET LA COOPERATION DIRECTE
Ce mode de corréité couvre deux aspects :
- L’exécution matérielle proprement dite ;
- La coopération directe.
I. L’exécution matérielle
Elle consiste à poser les actes qui constituent l'infraction ou une partie de sa réalisation (art.21,
al. 2, première partie). Nous pouvons donner les exemples suivants:
- Celui qui tue pose l'acte matériel constitutif de meurtre;
- Ceux qui frappent, réalisent l'acte matériel de coups et blessures;

527
MERLE et VITU, op. cit., n° 411 ; STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 267 ; DONNEDIEU de VABRES, op. cit., n°
434.
528
Tr. Appel Ruanda-Urundi, 26 juin 1951, R.J.C.B., 177 (blessures involontaires).
529
Cass. fr. crim. 17 novembre 1887, Bull., 392 ; 14 décembre 1935, D.P., 1935.1.96; Chambéry, 8 mars 1956,
J.C.P. 1956, II.9234, Note VOUIN.
Voir MERLE et VITU, loc. cit. ; DONNEDIEU de VABRES, loc. cit., HAUS, op. cit., I, n° 496.
530
Cass. 15 octobre 1986, Pas., 1987. I, 185 ; R.D.P.C.,1987, 166, avec note.
175

- Ceux qui appréhendent et soustraient frauduleusement un bien commettent les actes


matériels constitutifs de vol ;
- La corréité d’un homicide préterintentionnel (art. 48 CP) a été retenue par la Cour
Suprême de Justice dans le chef d’un individu qui avait, notamment par ses aveux, reconnu
avoir participé à une bagarre généralisée au cours de laquelle il y avait eu mort d’homme531.
II. La coopération directe
Elle consiste dans l'intervention directe de l'agent dans la commission de l'infraction sans qu'il
réalise toutefois les éléments matériels prévus par la définition légale (art. 21, al. 2 in fine).
Nous citerons, à titre d’exemples :
- Celui qui immobilise la victime pendant qu'un autre l'égorge coopère directement au
meurtre ;
- Celui qui tient en respect les occupants d'une maison pendant qu'un autre la pille coopère
directement au vol et en est coauteur ;
- Celui qui empêche volontairement et sciemment la victime d'un assassinat de se dérober
par la fuite à l'agression de l'assassin, coopère directement à l'exécution du crime et se rend
coupable d'assassinat 532 ;
- Est coauteur du vol à la tire celui qui accompagne l'auteur du vol pour recevoir le montant
volé au moment de la soustraction533.
B. AIDE ET ASSISTANCE INDISPENSABLES
La loi considère aussi comme «coauteurs» de l'infraction ceux qui ont prêté pour son exécution
une aide telle que, sans leur assistance, l'infraction n'eût pu être commise.
Si le crime pouvait être commis sans leur assistance, peut-être avec un peu de difficultés, mais
cela importe peu, ceux qui auront concouru à l'infraction seront des complices.
Toutefois la nécessité de l'aide est relative. Il suffit que sans elle, l'infraction n'ait pas pu être
commise de cette façon concrète : aussi facilement, aussi rapidement, avec la même sécurité, le
jour où elle a eu lieu ...534
Seront considérés comme coauteurs pour aide indispensable :
- Le domestique qui ouvre aux voleurs la porte de la maison de son maître ;
- Celui qui fait le guet pendant que ses amis volent à l'intérieur d'une maison535 ;

531
C.S.J., 18 févr. 1998, R.P. 1884, en cause LUBAMBA NZENGA c/MP, YODI SHUNGU et YAMFU MAYALA, inédit.
532
Boma, 10 juillet 1908, Jur. Et., II, 133.
533
Distr. Bas-Congo, 18, Rev. Pén., 1931, 277, cité par E. LAMY, op. cit, p. 352.
534
HAUS, op. cit., I, n° 511.
535 ère
I Inst. Kasaï, 8 avril 1954, J.T.O., p. 43.
176

- Celui qui, pendant que son ami enlève une personne, l'attend dehors avec sa voiture,
moteur en marche ;
- Celui qui cède une personne placée sous son autorité familiale sachant qu'elle est destinée
par ceux auxquels on la remet à être tuée536.
C. LA PROVOCATION PRIVEE ET PUBLIQUE
Elle consiste à faire naître la résolution criminelle ou à la renforcer. Le provocateur est aussi
appelé auteur intellectuel ou moral.
La corréité par provocation n'est retenue que lorsque celle-ci a été suivie d'effet, lorsque
l'infraction à laquelle on a provoqué l'auteur matériel est consommée ou au moins tentée. Cela
répond à la condition générale de l'exigence d'une infraction principale.
I. Deux formes de provocation
La loi prévoit deux formes de provocation :
- La provocation privée et
- La provocation publique.
a) La provocation privée (Art.21, al. 4)
Elle se réalise par :
- Des offres, dons ou promesses;
- Des menaces;
- Des abus d'autorité et de pouvoir ;
- Des machinations ou artifices coupables.
Tous ces moyens, pour être retenus, doivent avoir déterminé l'auteur principal à agir. Leur
énumération est limitative. C'est ainsi que les suggestions comme l'approbation du projet
criminel ne peuvent constituer une provocation.
1) Offres, dons ou promesses
Sera considéré comme coauteur de l'infraction le provocateur qui aura accompagné sa
proposition des dons, des offres ou des promesses. Il importe peu que ses promesses aient été
tenues, l'essentiel étant qu'elles aient déterminé l'auteur principal à commettre l'infraction.
La proposition du provocateur doit être acceptée par l'auteur matériel de l'infraction pour que le
lien de solidarité et le concours de volontés existent. En ce qui concerne la provocation par
dons, offres ou promesses, on parle aussi de mandat criminel.

536
Elis., 27 juin 1915, Jur. Col., 1926, 41.
177

2) Menaces
Celui qui, par des menaces, aura déterminé une personne à commettre une infraction, sera
considérée comme coauteur de celle-ci.
Le juge ne doit prendre en compte ni la gravité, ni la nature, ni l'actualité ou l'imminence du
danger que la menace comporte. Il suffit qu'elle ait déterminé l'agent à commettre l'infraction.
C'est une question de fait que le juge tranchera en tenant compte des circonstances objectives:
l'âge, le sexe, la condition sociale, le caractère, le niveau d'instruction, etc., aussi bien dans le
chef du provocateur que du provoqué.
Il arrivera souvent que la réalité de la menace soit telle qu'elle annihile ou diminue la liberté et
la volonté de l'agent. On retiendra alors la contrainte morale irrésistible si l'exercice de la
liberté a été anéanti, et s'il ne s'agit que de la simple diminution, le juge pourra accorder des
circonstances atténuantes à l'auteur principal537.
3) Abus d'autorité et de pouvoir
Sera coauteur de l'infraction celui qui, par abus d'autorité ou de pouvoir, détermine l'agent à
poser son acte.
L'ordre de commettre l'infraction constitue une hypothèse différente du mandat. Dans ce
dernier cas, le mandant s'adresse à des gens qui ne lui doivent pas obéissance. Ils traitent entre
gens égaux, souvent en amis. Tandis que l'ordre suppose «supériorité d'une part, infériorité de
l'autre ; il est donné à des personnes soumises à notre autorité ou à notre pouvoir.»538
L'autorité dont la loi parle consiste dans la puissance que des personnes privées exercent sur
d'autres. Elle peut être légale (l'autorité des maris sur leurs épouses ; des pères et mères sur les
enfants...); comme elle peut être de fait, comme celle des ascendants sur les descendants, des
maîtres sur les domestiques, des instituteurs sur les élèves, etc.
Par pouvoir, la loi vise l'autorité hiérarchique, qui s'exerce sur les subordonnés539.
Ont été considérés comme coauteurs pour abus d'autorité ou de pouvoir :
- Le chef indigène qui provoque directement ses sujets à dépecer un cadavre et le
manger540;
- Le père qui incite son fils mineur à voler et puis recèle le bien volé541.

537
Voir MINEUR, op. cit., pp. 84-85 ; HAUS, op. cit., I, n° 535-536.
538
HAUS, op. cit., I, n° 532.
539
Loc. cit.
540
Boma, 14 avril 1908, Jur. Et., II, 22.
541
Elis. 23 avril 1941, R.J.C.B., 150.
178

Mais quelle que soit l'autorité de la personne qui donne un conseil, celui-ci ne suffirait pas à
constituer une provocation punissable.
4) Machinations ou artifices coupables
Est coauteur d'une infraction celui qui, par des moyens divers, provoque une erreur dans l'esprit
de l'agent, et le détermine ainsi à commettre l'infraction.
Sous les mots «machinations ou artifices coupables», la loi vise «la fraude, le déguisement, la
ruse dont on fait usage pour tromper celui que l'on veut déterminer à commettre un crime »542.
La Cour Suprême de Justice a jugé que
« La participation criminelle par artifices coupables suppose des actes de ruse en
vue de surprendre la bonne foi de la personne qui, en suite de ses actes est amenée
à commettre l’infraction ; ensuite, l’auteur des artifices coupables doit avoir prévu
l’infraction comme suite nécessaire de ses machinations. »543
Il s'agira souvent de tromper l'auteur sur le caractère légitime ou légal de l'acte que l'on veut lui
faire commettre, ou encore sur sa conformité avec un idéal moral, politique ou religieux.
Constitue un acte de corréité le fait pour quelqu'un voulant se venger d'une femme, de
persuader faussement son mari qu'elle a commis l'adultère, et le détermine ainsi à la frapper ou
à la tuer sous l'emprise de la colère544.
Le prévenu qui, par la promesse de l'abondance matérielle, a amené sa victime à sortir
frauduleusement de la chambre forte une somme d'argent dont il s'est approprié ensuite, a
participé par machinations et artifices à l'infraction de détournement des deniers publics par elle
perpétrée545.
L'auteur matériel est généralement moins coupable que le provocateur et pourra même, si
l'erreur est invincible, bénéficier de la cause de non-imputabilité546.
b) La provocation publique (Art. 21, al. 5)
La provocation publique ne doit pas remplir toutes les conditions strictes propres à la
provocation privée. Elle s'adresse notamment à un nombre indéterminé des personnes
quelconques. C'est la publicité qui, par l'impact qu'elle peut avoir sur les masses, est le danger
social à combattre. Il y a publicité, lorsque la provocation se réalise dans un lieu public ou dans
une réunion publique. Le lieu peut être public par nature, lorsqu'il est destiné au public ou est

542
HAUS, op. cit., I, n° 537.
543
C.S.J., 22 déc. 1999, R.P.A. 244, en cause MP c/Stés FORABOLA et crts c/Martin José d’OLIVERA YUMBU-di-
TSHIBUKA et crts, inédit.
544
Pandectes belges, V° co-auteur, n°529.
545
C.S.J., 31 août 1984, R.P.A. 84, en cause M.P. c/KASHWANTALE et crts, BA, 1980-1984, 2001, 507-517.
546
HAUS, op. cit., I, n° 539.
179

ouvert au public d'une manière permanente. Il en est ainsi des rues, des routes, des églises, des
places publiques. Le lieu peut devenir public par destination, lorsque le public y est admis
temporairement, à certaines époques, à certains jours ou à certaines heures. Ainsi, même un lieu
privé peut devenir public si le public s'y trouve admis.
La provocation doit être directe. Il faut que le provocateur ait poussé plusieurs personnes
réunies à la commission d'une infraction déterminée. L'incitation à la haine ou à l'hostilité, si
grave soit-elle, ne constituera pas un acte de participation, si elle ne révèle pas de manière non
équivoque, la volonté du provocateur de déterminer les gens réunis à commettre telle
infraction. Il en est de même des critiques ou des polémiques même violentes mais qui restent
lointaines et sans relation directe avec la commission de l'infraction.
La provocation publique doit se réaliser par discours, placards, écrits, dessins et emblèmes.
Par discours, la loi entend toute allocution, tout propos, toute parole qui pousse au délit. Il n'est
donc pas nécessaire que le propos tenu ait un certain développement. Il a été jugé qu'un seul cri
peut constituer un discours, au sens de l'article 21, al. 5 du CP 547. Par contre, ne constituent pas
un discours des propos tenus à voix basse.
Ce qui fait des placards un moyen de participation, c'est leur affichage. Celui-ci est considéré
comme réalisé lorsque le placard est attaché à un mur ou à tout autre objet, ou lorsqu'il est
promené parmi le public548.
Il faut entendre par écrits imprimés ou non ce qu'ils signifient selon leur sens usuel. Leur mode
de reproduction importe peu: dactylographie, photocopie, polycopie, etc.
Enfin, par dessins et emblèmes, le législateur vise les images, caricatures, quel que soit le mode
de reproduction; le mot emblème vise la reproduction des figures symboliques549.
Pour être punissable, la provocation publique doit être suivie d'effet, c'est-à-dire qu'elle doit
conduire à une infraction déterminée, sous la forme d'une infraction consommée ou tentée.
II. Deux questions essentielles
Deux questions essentielles se posent en matière de provocation. Elles sont relatives l'une, à
l'étendue de la responsabilité du provocateur, et l'autre, à l'incidence du désistement volontaire
du provocateur sur la punissabilité de la participation.
a) Etendue de la responsabilité du provocateur
La responsabilité du provocateur est entière et identique à celle de l'auteur matériel lorsque
celui-ci est resté dans les limites du mandat ou de l'ordre reçu.
547 ère
I Inst. Eq., 22 mars 1951, R.J.C.B., 152.
548
Voir Pandectes belges, V° co-auteur, n° 574-575.
549
MINEUR, op. cit., p. 87.
180

Mais, lorsque l'auteur s'écarte des instructions reçues, trois hypothèses sont possibles :
1. Le provocateur avait précisé le mode d'exécution de l'infraction, le choix
des moyens et leur usage
Dans ce cas, il ne répondra que de l'infraction qu'il avait ordonnée.550
Nous pouvons donner l’exemple de l'agent qui avait reçu l'ordre de commettre un vol simple,
mais contrairement aux ordres reçus, commet un vol avec circonstances aggravantes. La
participation sera retenue uniquement pour le vol simple551.
2. Le provocateur a donné un ordre indéterminé
Dans ce cas, il faut distinguer selon que, d'après les circonstances, l'agent provoqué avait ou
non des raisons de croire qu'il agissait conformément à l'ordre reçu.
Si les raisons existent, le provocateur sera punissable à titre de coauteur pour l'infraction
commise. Ainsi, s'il avait donné l'ordre de voler dans une maison fermée, il est normal qu'il
réponde du vol commis avec effraction, escalade ou usage de fausses clés.
Par contre, si ces raisons n'existent pas, si pour faciliter le vol ou en assurer l'impunité, l'agent
provoqué tue, «il serait injuste de rendre le mandant responsable des moyens employés par le
mandataire contrairement aux intentions bien évidentes du premier.»552
Cette solution est de bon sens. Toutefois, elle n'est pas toujours suivie et au nom de la théorie
de l'emprunt de criminalité, une certaine doctrine et une certaine jurisprudence considèrent que
les circonstances aggravantes réelles retrouvées dans le chef de l'auteur principal doivent
s'étendre à tous les participants553.
Et, en application de ce principe, elles retiennent la responsabilité du participant même dans le
cas où le meurtre commis pour faciliter le vol l'a été à son insu, contre toute prévisibilité ou
même contre son gré, reprenant ainsi à leur compte la fameuse maxime médiévale : «Versanti
in re illicita, omnia imputantur quae sequuntur ex delicto». Qui veut l'antécédent veut le
conséquent.
Dans tous les cas, le moins que l'on puisse dire est que la théorie de l'emprunt de criminalité,
est rejetée par la doctrine la plus moderne d'un droit pénal fondé sur la culpabilité personnelle.

550
HAUS, op. cit., I, n° 521.
551
Loc. cit.
552
HAUS, op. cit., n° 322.
553
Voir notamment E. LAMY, op. cit., 364. Le problème ainsi formulé ne regarde pas seulement la provocation,
mais tous les modes légaux de participation à titre de corréité ou de complicité.
181

3. L'ordre est précis, mais l'agent commet une infraction toute différente
Il est évident qu'il ne saurait être question de déclarer punissable le provocateur. Acte de
participation, la provocation n'existe que s'il y a un concours de volontés pour la commission
d'une infraction déterminée. Ce concours fait défaut lorsque l'agent commet un délit auquel le
provocateur n'a pas pu songer.
Dans une espèce sur laquelle a statué la Cour de cassation de France, l'amant d'une dame avait
donné mission à un individu de tuer le mari de celle-ci. Le mandataire, de son propre gré,
décida et réussit à tuer une autre personne, sans qu'aucun fait de participation n'ait été relevé à
la charge de l'amant en ce qui concerne ce meurtre.
La solution retenue par la Cour est qu'il n'y avait pas participation criminelle dans le chef du
donneur d'instruction pour le meurtre commis et encore moins pour le meurtre commandé, mais
non exécuté554.
Si l'agent exécute partiellement ou imparfaitement l'ordre reçu, la participation du provocateur
ne sera retenue que pour l'infraction effectivement réalisée ou tentée. Si au lieu de tuer, le
mandataire s'est contenté de frapper la victime, le mandant sera coauteur des coups et
blessures555.
b) Désistement du provocateur
Le provocateur, après avoir incité au crime, peut changer d'avis. Pour que ce changement
d'avis soit considéré comme ayant rompu la solidarité entre lui et l'auteur matériel, il faut qu'il
ait été révélé à ce dernier de manière expresse, et à temps.
L'agent qui, ayant connu ce désistement, poursuit néanmoins la réalisation de l'infraction, «agit
exclusivement pour son propre compte»556.
S'il n'a pas connu le désistement en temps utile, le provocateur reste coauteur de l'infraction qui
sera réalisée.
Si la révocation arrive à la connaissance de l'auteur matériel au moment où l'infraction est dans
la phase du commencement d'exécution, l'interruption volontaire par l'agent profitera à celui-ci
et au provocateur. Ils échappent ainsi à toute peine, à moins que les actes déjà posés ne soient
constitutifs d'une autre infraction557.

554
Crim., 10 mars 1977, Bull., 91, obs. J. LARGUIER, Chron. jur., in R.S.C., 1979, 76.
555
HAUS, op. cit., I, n° 523, MINEUR, op. cit., p. 84.
556
HAUS, op. cit., I, n° 525.
557
HAUS op. cit., I, n° 526.
182

Il peut inversement se faire que le désistement provienne plutôt de l'auteur matériel et à l'insu
ou contre la volonté du provocateur. Ils échappent aussi à toute peine, à moins que les actes
déjà posés ne soient constitutifs d'une autre infraction558.
§ 3. LES MODES LEGAUX DE LA COMPLICITE
La complicité est une modalité atténuée de la participation punissable. Les complices d'une
infraction sont ceux qui apportent à sa réalisation une aide utile, mais non indispensable.
La loi a prévu, de manière limitative, les modes de complicité (art. 22) :
- Les instructions données pour commettre l’infraction;
- Les moyens fournis et qui ont servi à la commission de l'infraction ;
- L'aide accessoire apportée à la commission de l'infraction et, enfin,
- Le fait de loger habituellement certaines catégories de malfaiteurs.
Cette énumération étant limitative et de stricte interprétation, il en découle qu'on ne peut retenir
à titre de complicité un acte qui n'y figure pas. C'est ainsi que n'est pas complice celui qui ne
s'oppose pas à la commission d'une infraction alors qu'il en est témoin, ou celui qui, sachant
qu'une infraction va se commettre, ne la dénonce pas559.
A. INSTRUCTIONS
On retiendra comme actes de complicité :
- Le fait de fournir des renseignements et des indications de nature à faciliter
l'accomplissement d'une infraction ;
- Le fait de dresser un plan d'exécution d'une infraction et d'en déterminer les obstacles 560;
- Le fait de donner son identité au prévenu, laquelle identité est reproduite dans le certificat
d’enregistrement incriminé. Il s’agit là, dit la Cour Suprême de Justice, d’une « aide non
indispensable sans doute, mais sans laquelle l’infraction de faux n’aurait pas été commise »561.
Le simple avis n'est pas suffisant.
Les renseignements doivent avoir été donnés en vue de favoriser l'exécution d'une infraction
déterminée. N'est pas complice le domestique qui, imprudemment, donne des indications sur le
plan de la maison de son maître, même si ces indications ont été utiles, voire déterminantes
dans le vol ultérieurement commis dans cette maison par ses camarades.
Les instructions seront retenues comme acte de complicité, même si, en fait, elles n'ont pas
servi à la commission de l'infraction.

558
Loc. cit.
559
Voir GARCON, op. cit., art.60, n° 267-268 ; Cass. b. 24 septembre 1951, Pas., 1952.I.13.
560
HAUS, op. cit., I, n° 551.
561
C.S.J., 22 avril 1998, R.P.A. 232-234, en cause M.P. et LEVI VICTORIO c/KAYEMBE KAKING et crts.
183

Cette solution se justifie pour deux raisons :


- Les termes de la loi : «des instructions pour la commettre»;
- Le fait que, même si les instructions n'ont pas effectivement servi, elles ont remonté le
moral de l'agent, de telle sorte qu'on peut dire que sans elles, l'auteur matériel ne se serait
probablement pas rendu sur les lieux de l'infraction.
Les instructions, comme tout autre acte de participation, doivent être suivies d'effet. Il n'y a pas
complicité si l'infraction à la commission de laquelle les instructions étaient destinées n'a été ni
consommée ni tentée.
B. FOURNITURE DE MOYENS
Les moyens en question sont des armes, des instruments, des documents et tout autre moyen de
nature et destiné à faciliter la commission de l'infraction. Il faut que l'agent qui les a fournis ait
su qu'ils devaient servir à la réalisation de l'infraction et qu'ils aient effectivement servi à cette
infraction. Il faut que l’agent qui les a fournis ait su qu’ils devaient servir à la réalisation
matérielle de l’infraction.
Il faut qu’ils aient effectivement servi à la réalisation de cette infraction, soit directement en
concourant au fait matériel constitutif de l’infraction, soit indirectement par l’encouragement et
l’apport à la détermination de l’agent, que constitue cette fourniture de moyens.
Dans le cas contraire, si l’activité de l’agent n’a en rien aidé à la réalisation de l’infraction, si
aucun fait susceptible d’encourager l’auteur principal ne peut être imputé à celui qui n’a fourni
qu’un moyen non utilisé, il n’y a pas participation punissable, comme il n’y a pas participation
punissable à titre de complicité si l’auteur principal s’est servi d’un autre moyen562.

C. AIDE ACCESSOIRE
Se rendent aussi complices de l'infraction ceux qui apportent à sa réalisation une aide
accessoire, une aide non indispensable mais utile dans les faits qui ont préparé, facilité ou
consommé l'infraction.
Ont été condamnés comme complices :
- Le policier qui avait fourni à des malfaiteurs des renseignements sur l'activité de la police
afin de leur faciliter le vol 563 ;
- L'individu qui avait téléphoné pour faire venir la victime564 ;

562
Loc. cit.
563 ère
I Inst. (Appel), Elis., 5 novembre 1929, R.J.C.B.,1930, 30.
564
Crim. 21 février 1968, J.C.P. 1969; II. 15703 ; note de LESTANG.
184

- Le garagiste qui avait falsifié le compteur en vue d'aider son client qui voulait vendre une
voiture d'occasion à commettre la fraude sur la marchandise565;
- Le propriétaire d'un véhicule d'occasion qui l'avait confié à un conducteur dont il savait
qu'il n'était pas porteur du permis de conduire566.
Nous avons déjà rencontré la difficulté que soulèvent les mots «ou dans ceux qui l'ont
consommée» et qui laissent croire que les actes de participation peuvent être postérieurs à la
commission de l'infraction.
Nous nous rallions à la doctrine de HAUS, auteur du C.P. belge, selon laquelle cette solution
s'applique particulièrement à la complicité de vol et à la complicité d'usage d'un faux, lorsque
l'usage est fait par le faussaire lui-même, et signifie «aider les voleurs à transporter les choses
volées hors des lieux où elles viennent d'être prises ; aider les faussaires à faire usage de l'écrit
ou de l'objet faux.»567
Il importe de préciser que cette aide doit avoir été préalablement concertée568.
D. RECEL DES MALFAITEURS
Le quatrième mode légal de participation est spécial. En effet, contrairement aux conditions
générales de la participation, la complicité pour recel des malfaiteurs ne vise pas une infraction
déterminée, mais porte sur une activité criminelle plus générale consistant dans des actes de
brigandage ou de violence contre la sûreté de l'Etat, la paix publique, les personnes ou les
propriétés.
Même dans cette hypothèse, ce recel doit avoir été préalablement concerté, car « il est
impossible de prendre une part quelconque à un crime qui a pris fin »569.
Seront considérés comme complices ceux qui, connaissant que tels individus se livrent à ce
genre d'activité, leur auront fourni habituellement logement, lieu de réunion ou de retraite.
Précisons enfin qu l'interprétation de cette disposition doit être stricte, et il ne saurait être
question de considérer comme complices ceux qui fournissent logement aux escrocs, aux
faussaires ou aux filous570.

565
Laval, 5 mars 1965, D. 628.
566
Trib. Poitiers, 6 avril 1973, Gaz. Pal., 1974. Somm. Nancy, 6 mars 1975, Gaz. Pal.,I.433, obs. LARGUIER, R.S.C.,
1976, 953.
567
Op. cit., I, n° 560.
568
Op. cit., n° 562.
569
Loc. cit.
570
G. MINEUR., op. cit., p. 94.
185

§ 4. DISPOSITIONS SPECIALES
Il existe dans le C.P. quelques dispositions spéciales qui prévoient des formes particulières de
participation, échappant aux conditions générales. Il en est ainsi de :
- L'article 95 du CP : quand une épreuve superstitieuse est cause d'une lésion corporelle, le
simple fait d'y avoir participé sera considéré comme un acte de complicité de l'infraction qui
s'en est suivie, même si par ailleurs l'épreuve n'était pas punissable en elle-même;
- L'article 78: l'imputation d'un fait, en abusant des croyances superstitieuses, qui aura
incité à la commission d'une infraction, sera considérée comme un acte de complicité.Dans
d'autres dispositions, le législateur érige certains actes de participation en infractions
autonomes. Il en est ainsi :
- Des articles 67 et 68 qui punissent ceux qui enlèvent ou font enlever, arrêtent ou font
arrêter, détiennent ou font détenir arbitrairement ;
- De l'article 129 qui punit la subornation des témoins. Sans cette disposition, la
subornation devrait s'analyser comme une participation à l'infraction de faux témoignage ;
- Des articles 63 et 64 qui incriminent la provocation en duel.
§ 5. REPRESSION DE LA PARTICIPATION
Les sanctions sont prévues par l'article 23 CP. Elles varient selon qu'il s'agit des coauteurs ou
des complices.
Les coauteurs sont des auteurs. Il est donc normal qu'ils encourent les mêmes peines.
En ce qui concerne les complices, ils sont passibles «d'une peine qui ne dépassera pas la moitié
de la peine qu'ils auraient encourue s'ils avaient été eux-mêmes auteurs» (art. 23 al. 3, CP).
Lorsque la loi prévoit la peine de mort ou la servitude pénale à perpétuité pour les auteurs, les
complices encourent la servitude pénale de 10 à 20 ans (art. 23, al.4, CP).
Cependant, les prévisions légales n'excluent pas qu'en fait le complice puisse être condamné à
une peine plus rigoureuse que l'auteur principal, «compte tenu de sa culpabilité propre et des
circonstances qui lui sont personnelles»571.
§ 6. INFRACTIONS PLURALES
Il importe de distinguer l'hypothèse de participation criminelle de celle d'infractions plurales.
Celles-ci existent par la collusion de deux ou plusieurs personnes. Leur nature ainsi que leur
définition légale imposent qu'elles ne puissent se réaliser que par la coopération matérielle de
deux personnes.
Le droit pénal congolais nous offre de nombreux exemples de ce type d'infractions :

571 os
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n 272 et sv.
186

- L'adultère exige pour sa commission l'activité commune de deux personnes de sexe


opposé. L'une des deux personnes ne peut être poursuivie sur base des articles 21-23 CP, car
chacune est auteur à part entière de l'infraction. Cela n'exclut pas cependant qu'une troisième
personne se rende participant à l'infraction par l'aide apportée aux délinquants;
- La corruption est une infraction plurale. Celui qui corrompt le fonctionnaire ne pose pas
un acte de participation mais se rend bien coupable de corruption active, tandis que son
partenaire est coupable de corruption passive (art.147 et s. du code pénal);
Il a été jugé que la corruption active et la corruption passive sont des infractions distinctes et
indépendantes l’une de l’autre, de sorte que l’acte du corrupteur n’est pas un acte de
participation à l’acte de celui qui s’est laissé corrompre ; par contre, le corrupteur et le
corrompu peuvent avoir, chacun en ce qui le concerne, des coauteurs ou des complices572 ;
- L'association des malfaiteurs est une infraction plurale, qui ne peut se réaliser autrement
que par le concours et l'action conjuguée d'au moins deux personnes;
- Le complot est une infraction plurale, et ce caractère voulu par la loi écarte l'application
des règles de participation prévues à l'art. 21 du code pénal573.

SECTION III. LES CAUSES DE NON-IMPUTABILITE

Pour qu'un fait soit punissable, il ne suffit pas de déterminer la loi violée ni d'établir sa
matérialité. Contrairement aux droits anciens, le droit pénal moderne ne frappe pas
automatiquement l'auteur ou le complice d'une infraction. Celui-ci doit d'abord être reconnu
pénalement responsable.
Dire de quelqu'un qu'il est responsable, c'est dire qu'il est en mesure de répondre de ses actes.
Il convient de distinguer les notions de responsabilité, de culpabilité et d'imputabilité qui sont
confondues dans la littérature juridique.
La notion première est, à notre avis, l’imputabilité574. Celle-ci doit être entendue comme la
capacité de comprendre et de vouloir, pour reprendre les termes du code italien de 1930, ou
encore, ici aussi pour reprendre les termes d’un code pénal plus récent, comme le fait pour
l’agent « de ne pouvoir avoir conscience du caractère réel et du danger social de ses actions
ou de les diriger »575.

572
Cass., Ch. réunies, 5 avr. 1996, R.D.P.C., 634, 638.
573
C.S.J., 11 février 1972, Bull., 1973, 18 ; R.J.Z., 129.
574
Notion introduite par PUFENDORT en 1660.
575
Article 21 du code pénal russe de 1997.
187

La culpabilité, c'est la faute. Elle a sa traduction juridique dans l'élément moral de l'infraction,
et peut revêtir la forme intentionnelle ou celle d'imprudence, de négligence ou de mise en
danger délibérée d’un bien juridiquement protégé576. Elle n'est possible que chez le sujet dont la
volonté est consciente et libre. S'il faut donc établir un rapport entre la culpabilité et
l'imputabilité, on dira que celle-ci est le préalable de celle-là: il ne peut y avoir de faute dans le
chef de quelqu'un qui n'est pas imputable. L'absence d'imputabilité rend impossible l'existence
de la culpabilité. Mais, on ne peut pas dire que l'existence de l’imputabilité annonce toujours la
faute, car l'agent conscient et libre peut orienter sa volonté au service du bien.
La responsabilité pénale est l'obligation pour l'agent de répondre de ses actes délictueux et de
subir une peine. Elle suppose donc que l'agent est imputable et coupable. On pourrait utiliser
cette formule: Responsabilité = imputabilité + culpabilité.
Dans cette section consacrée aux causes de non-imputabilité, nous allons étudier les éléments
qui suppriment la capacité de comprendre et de vouloir de l'agent, et qui rendent ainsi
impossibles aussi bien la culpabilité que la responsabilité pénale.
Notre code pénal, comme en beaucoup d'autres domaines, ne consacre aucune disposition aux
causes de non-imputabilité. Celles-ci ont été introduites dans notre droit par la jurisprudence à
titre de principes généraux du droit. Fait exception cependant la minorité d'âge depuis le décret
du 6 décembre 1950, tel que modifié par l’ordonnance-loi n° 78/016 du 4 juillet 1978.
Nous examinerons successivement :
§ 1. La démence
§ 2. La contrainte irrésistible
§ 3. L'erreur invincible et
§ 4. La minorité d'âge.

§ 1. LA DEMENCE
Cette cause de non-imputabilité était prévue par le code pénal français de 1810 en ces termes :
«Il n'y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de
l'action»(art.64).
Le code pénal belge s'exprime en des termes semblables: «Il n'y a pas d'infraction, lorsque
l'accusé ou le prévenu était en état de démence au moment du fait»(art. 71).
Cette solution n'allait pas de soi. Car, dans l'ancien droit, on n'hésitait pas à condamner les fous,
parfois sévèrement. On les considérait comme possédés du démon. La reconnaissance de

576
Voir article 121-3, al. 1er et 2 du CNPF.
188

l'irresponsabilité des déments est une conséquence des travaux scientifiques de PINEL et
d'ESQUIROL (XVIIIème siècle). Elle est conforme à la doctrine classique qui fonde la
responsabilité pénale sur le libre arbitre. Etant donné que la démence supprime la liberté, la
volonté et le discernement, il est logique que ceux qui en sont atteints soient exclus du domaine
pénal.
A. NOTION DE DEMENCE
Sans devoir recourir à la notion qu'en ont les médecins ou les psychiatres, nous dirons qu'au
sens du droit pénal, la démence «désigne toutes les formes de l'aliénation mentale»577.
La démence vise les troubles innés de l'intelligence, tels que le crétinisme, l'idiotie ou
l'imbécillité, comme les troubles acquis par l'effet de la maladie, tels que la paralysie générale
ou la démence précoce. Elle vise aussi la folie spécialisée ou localisée. Par folie spécialisée, il
faut entendre des manies spéciales qui affectent certains individus et les conduisent à
commettre un type déterminé d'infractions. C'est le cas de la kleptomanie ou de la pyromanie.
Enfin, il y a démence, que la folie soit intermittente ou permanente578.
Bien que l'état de démence soit laissé à la souveraine appréciation du juge, il n'empêche que
celui-ci dans la plupart des cas, doive recourir à l'expertise neuro-psychiatrique pour fixer sa
conviction579. Le diagnostic doit être certain. En cas de constatation de l’intégrité mentale, la
responsabilité pénale est pleine et entière, et la répression doit suivre son cours580.
B. EFFETS DE LA DEMENCE
La démence exclut l'imputabilité de l'agent et rend donc impossibles toute faute et toute
responsabilité pénale. Les anciens disaient même que la peine était inutile, car la folie était une
sanction suffisante (Furiosus solo furore punitor).
Cependant, étant une cause subjective d'exonération, la démence ne profite qu'au seul dément et
laisse intacte la responsabilité éventuelle des coauteurs ou des complices.
Si sur le plan strictement juridique, il est logique que le dément ne réponde pas de son fait, il
est cependant regrettable sur le plan criminologique, que la seule solution reconnue dans notre
droit soit l'acquittement pur et simple.
En effet, quoiqu'il soit juridiquement irresponsable, le fou n'en est pas moins socialement
dangereux. Et le point de vue des positivistes est pertinent qui, sur base de la responsabilité
sociale, met les aliénés sur le même pied que les délinquants normaux. Il est vivement

577
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 287.
578
Loc. cit.
579
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 339.
580
Moïse ADDAD et Michel BENEZECH, Loc. cit.
189

souhaitable que le législateur congolais, à l'instar de nombreuses législations étrangères,


prévoie des mesures de sûreté (l'internement notamment) que le juge pourra prononcer à
l'encontre du dément afin que celui-ci soit au moins surveillé et soigné. Une telle disposition
rencontrera à la fois l'intérêt de la société et de l'agent581.
Pour entraîner l'irresponsabilité de l'agent, la démence doit remplir deux conditions :
I. Elle doit être contemporaine à l'acte incriminé
Le prévenu qui, au moment des faits, se trouve dans un état grave de déséquilibre mental le
rendant incapable de contrôler ses actes bénéficie de la cause de non-imputabilité, même s’il ne
se trouve plus dans cet état au moment du jugement582.
Si la démence est antérieure à l'action, le juge pourra toujours examiner les possibilités d'en
tenir compte et accorder des circonstances atténuantes.
Si elle est postérieure à l'action, il faudra distinguer selon qu'elle survient avant ou après
jugement. Avant jugement, la démence entraîne la suspension des poursuites à l'égard de
l'aliéné. Après jugement, elle empêche l'exécution de la peine de mort et des peines privatives
de liberté ; elle ne met pas obstacle toutefois à l'exécution des peines privatives de droits ou des
peines pécuniaires583.
II. La démence doit être totale

Pour être exonératoire, elle doit entraîner l'annihilation complète de toutes les facultés de
discernement et de volonté.
En vérité, cette condition n’est pas simple à définir et son contenu n’est pas aisé à dégager.
Deux approches sont possibles :
- Ou bien cette totalité de la démence porte sur l’intelligence et la compréhension qui
doivent alors être annihilées, anéanties pour fonder l’irresponsabilité pénale ;
- Ou plutôt cette totalité de la démence porte sur la maîtrise de la volonté, et signifie alors
qu’il y a irresponsabilité pénale lorsque l’agent n’a aucune maîtrise sur cette volonté.

581
Il y a certes l’ordonnance n°11/83 du 14 février 1959 relative au logement des individus dont la libre
circulation est dangereuse. Par son caractère administratif, elle est insuffisante et n'est «d'ailleurs presque jamais
appliquée». ESIKA, op. cit., n° 292.
582
Corr. Brux., 28 janv. 1994, J.L.M.B., 754, avec obs. F.K. ; R.D.P.C., 1995, 437.
583
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., n° 292.
190

- Un représentant de la première approche peut certainement être le juge anglais TRUISTI


qui, en 1724, dans le procès ARNOLD, n’admit l’irresponsabilité pénale de l’agent que si son
intelligence était comparable à celle d’un nourrisson ou d’un animal584.
De tels cas ne pouvant qu’être rares, cette approche et cette compréhension de la démence
reviennent, en fait, à en renier le caractère exonératoire et à lui refuser le statut de cause de non-
imputabilité.
Par contre, pour les tenants de la deuxième approche, leur démarche consiste à démontrer qu’il
n’y a pas responsabilité pénale sans la mens rea, et que celle-ci est impossible sans maîtrise de
la volonté par l’agent.
Cette approche est la plus réaliste et la plus actuelle, car «il existe des délires qui ne touchent
pas les facultés intellectuelles mais qui empêchent cependant l’individu d’être maître de ses
actes.»585
Tel est le cas d’un certain HADFIELD qui croyait que le monde touchait à sa fin et que, selon un
ordre de Dieu, il devait le sauver en se sacrifiant. Sa religion interdisant cependant le suicide, il
décida de tirer sur le roi Georges III d’Angleterre le jour où celui-ci serait au théâtre afin ainsi qu’à
son tour il puisse être pendu. L’ayant raté, il fut néanmoins poursuivi pour attentat sur la personne
royale. Il fut, malgré lui, acquitté grâce à la défense assurée par Lord ARSKIN, qui réussit à
convaincre le jury. Celui-ci reconnut en effet
« qu’il n’était pas obligatoire que l’accusé fut sans intelligence et sans compréhension pour être
586
déclaré irresponsable » .
Le problème qui se pose toutefois est qu'entre un homme bien portant et un fou complet, il
existe des états intermédiaires: déficients mentaux, demi-fous, anormaux, psychopathes,
« caractérisés par définition par un déséquilibre entre l’intelligence et le jugement »587.
Or, le système pénal classique, qui est aussi le nôtre, n'en tient pas compte pour la
détermination de la responsabilité. Ou l'on est responsable, ou l'on est irresponsable. Toutefois,
les cours et tribunaux, lorsqu'ils ont affaire à des anormaux, leur reconnaissent la responsabilité
atténuée et leur accordent des circonstances atténuantes.
« C'est là un résultat fâcheux, car ce système aboutit à condamner les déficients mentaux à de
courtes peines d'emprisonnement qui n'ont ni valeur intimidante, ni valeur curative et même

584
16, Howard’s Supreme Court, 635, 764 (1724).
585
Moïse ADDAD et al., op. cit., p. 54.
586
Loc. cit.
587
Georges KELLENS, Précis de pénologie et de droit des sanctions pénales, Coll. Scientifique de la Faculté de
Droit de Liège, 1991, p. 35.
191

sont dangereuses, car, loin de guérir, elles risquent souvent de corrompre celui qui y est
soumis. »588
C'est pourquoi, dans l'intérêt de la défense sociale, on préconise une mesure de sûreté à l'égard
des anormaux, comme l'internement prévu par la loi belge de défense sociale de 1930
aujourd'hui modifiée par la loi du 1er juillet 1964, envers les anormaux et les délinquants
d'habitude. Il s'agit d'une mesure à la fois médicale et répressive qui peut être prononcée par
des juridictions d'instruction ou de jugement, et qui s'exécute dans les établissements spéciaux
pour une durée indéterminée. La mise en liberté est ordonnée par une commission de défense
sociale composée d'un magistrat, d'un avocat et d'un médecin psychiatre. La mesure de
placement en semi-liberté peut être prise en vue de mettre l’interné au travail moyennant
rémunération589.
Ce système mérite d'être connu, car il paraît à ce jour être le meilleur pour faire face aux
problèmes posés par les déficients mentaux.

C. ETATS VOISINS DE LA DEMENCE


A côté de la démence proprement dite, il existe divers troubles nerveux, pathologiques ou
provoqués, et à propos desquels la question de leur incidence sur la responsabilité pénale peut
se poser. Sans devoir les aborder tous, nous évoquerons la question du somnambulisme et celle
de l'ivresse.
I. Le somnambulisme
Le somnambulisme est défini comme «une série de mouvements, d’actes automatiques et
inconscients se produisant pendant le sommeil, et dont aucun souvenir ne reste au réveil»590.
Est somnambule celui qui en est atteint.
On considère que le somnambule, lorsqu'il est dans son état second, accomplit des actes de
manière inconsciente et irrésistible. Et s'ils sont constitutifs d'infractions, il ne saurait en
répondre.
Tout au plus, on pourrait reprocher un délit d'imprudence à un individu qui, se sachant
naturellement somnambule, aura commis une faute lorsqu'il était à l'état normal, faute qui
entraîne indirectement la commission d'une infraction lors de l'état léthargique. On cite souvent
l'exemple de l'agent qui se couche avec un revolver à la portée de sa main, et qui tue quelqu'un

588
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., n° 292.
589 er
P. CORNIL , Une réforme de la loi belge du 9 avril 1930 de défense sociale à l’égard des anormaux (loi du 1
juillet 1964), in R.S.C., 1968, 263, 273.
590
Le Petit Larousse illustré, 2000.
192

lorsque la crise survient. Il ne répondra pas de l'homicide volontaire, mais pourra bel et bien
être condamné pour homicide involontaire591.
Si le somnambulisme est provoqué par hypnose, l'hypnotiseur sera condamné comme coauteur
à titre de provocation par machinations et artifices coupables592.
L’hypnose est définie comme l’« état de conscience particulier, entre la veille et le sommeil,
provoqué par la suggestion »593.
II. L'ivresse
L'ivresse implique des situations et des solutions variées. Certes, elle diminue voire annihile les
facultés de discernement, mais cela ne suffit pas pour qu'on la déclare, sans nuance, cause de
non-imputabilité.
Elle est d'abord érigée en infraction par l’ordonnance n°57/APJ du 10 juin 1939 qui punit
l'ivresse publique, et le nouveau code de la route qui punit en son article 104 la conduite du
véhicule en état d'ivresse.
L'ivresse est unanimement considérée comme une cause de non-imputabilité lorsqu'elle est
complète et involontaire. On dira qu'elle est complète lorsqu'elle annihile toutes les facultés de
discernement de l'agent. On dira qu'elle est involontaire lorsque l'agent, sans aucune faute de sa
part, a absorbé accidentellement des substances de nature à le mettre en état d'ébriété. Cela peut
arriver soit par ignorance non fautive de sa part, soit à la suite des manœuvres d'un tiers.
En cas d'ivresse involontaire, mais non complète, il y a lieu de retenir des circonstances
atténuantes.
Le problème le plus difficile et qui a longtemps divisé la doctrine et la jurisprudence est celui
qui se pose lorsque l'agent a bu sciemment, sachant qu'il peut s'enivrer.
Une solution ancienne voulait que ce genre d'ivresse exonère pour les infractions
intentionnelles, et qu'on ne puisse retenir à l'égard de l'agent que les délits d'imprudence594.
La solution actuelle, inspirée par des exigences de défense sociale, veut que l'ivresse fautive ne
profite pas au prévenu et que les infractions, même intentionnelles, puissent être retenues595.
La justification de cette solution est trouvée dans la théorie du dol éventuel: l'individu qui
s'enivre volontairement doit prévoir les conséquences possibles de son acte et devoir en

591
BOUZAT et PINATEL, loc. cit.
592
Loc. cit.
593
Le Petit Larousse illustré, 2000.
594
Voir HAUS, op. cit., n° 685.
595
G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., n° 296.
193

répondre si jamais elles se produisaient. S'il a bu sachant qu'il s'enivrera, c'est qu'il a voulu ou
tout au moins accepté les conséquences dans l'éventualité où elles se produiraient.
La jurisprudence congolaise va abondamment dans ce sens596.
Enfin, il est unanimement admis que lorsque l'auteur d'une infraction a bu et s'est enivré pour se
donner le courage de la commettre, étouffer les cris de sa conscience ou s'aménager une excuse,
l'ivresse, loin de lui profiter, devient une circonstance aggravante. Cette solution
jurisprudentielle est consacrée par le code pénal italien de 1930 en ces termes : « Si l'ivresse a
été provoquée à l'avance en vue de commettre le délit ou de ménager une excuse, la peine est
aggravée»(art.92) .
§ 2. LA CONTRAINTE IRRESISTIBLE
La contrainte irrésistible existe lorsque l'agent n'avait d'autre possibilité que de commettre
l'infraction.
Le code pénal belge (art. 71) et le code pénal français de 1810 (art. 64) 597 disposent qu'il n'y a
pas d'infraction lorsque l'accusé ou le prévenu «a été contraint par une force à laquelle il n'a pu
résister».
La contrainte enlève à l'agent sa volonté libre. Son existence démontre qu'il n'a pas violé la loi
volontairement.
La doctrine et la jurisprudence distinguent la contrainte physique et la contrainte morale. La
première, appelée aussi force majeure, se rencontre plus fréquemment dans la pratique et est
plus facile à identifier que la seconde.
A. LA CONTRAINTE PHYSIQUE OU FORCE MAJEURE
Il y a contrainte physique lorsqu'une personne est matériellement forcée d'accomplir un acte
délictueux ou le plus souvent a été empêchée d'accomplir un acte prescrit.
Cette force irrésistible peut provenir de la nature, par exemple l'ouragan ou la tempête; elle peut
provenir d'un animal ou d'un tiers ; elle peut, enfin, provenir de la maladie.
La contrainte physique se rencontre plus facilement en matière d'infractions d'omission que de
commission. Il est en effet difficile de concevoir qu'une main soit forcée de tuer ou de voler.
La jurisprudence abonde de cas de délits d'imprudence ou d'omission où la force majeure a eu
l'effet exonératoire :
- La séquestration dont sont victimes les témoins et qui les met ainsi dans l'impossibilité de
s'acquitter de leur devoir598 ;
596 ère
Boma, 5 sept. 1905, Jur. Et. II, 51 ; I Inst. Léo, 31 déc. 1901, Jur. Et., II, 302 et 341 ; Elis., 5 mai 1914, Jur.
Col., 1924. Voir aussi G. MINEUR, op. cit., p. 70.
597
Le NCPF reprend les dispositions de l'ancien CP sur la contrainte (article 122-2).
194

- La cabaretière que les consommateurs empêchent de fermer l'établissement à l'heure


réglementaire599 ;
- La prostituée empêchée par la maladie de se présenter à la visite sanitaire600 ;
- L'agent qui, réduit à la maladie et à la pauvreté, n'a pas pu donner la pension alimentaire à
son conjoint (abandon de famille)601;
- Le conducteur frappé d'un coma hypoglycémique, état qui se développe rapidement chez
un diabétique, et qui cause un accident de circulation602;
- Le conducteur qui, circulant sur la voie publique, se trouve soudainement dans un état de
crise de quinte de toux et suivie d'une perte de connaissance, ne répondra pas de l'accident
causé603.
B. LA CONTRAINTE MORALE
Il y a contrainte morale lorsque la volonté de l'agent a été irrésistiblement inclinée vers
l'infraction par crainte d'un mal le menaçant ou menaçant un de ses proches.
Alors que la contrainte physique désigne une force qui s'est exercée matériellement sur l'agent
et qui l'a obligé à faire ce qu'il ne devait pas faire ou l'a empêché de faire ce qu'il devait faire604,
la contrainte morale provient d'une pression exercée sur la volonté de l'agent par la menace d'un
mal ou par une force quelconque605.
Nous pouvons prendre à notre compte cette définition de la menace de Roger BERNARDINI :
« le terme menace concerne le fait d’annoncer à une personne un mal qu’on lui prépare ou
qu’on est censé lui préparer »606.
On distingue la contrainte externe et la contrainte interne.
Il y a contrainte morale externe lorsque l'agent est victime des menaces émanant d'un tiers. Ce
sera le cas d'un individu qu'un autre aura forcé, à l'aide des menaces, à lui prêter son concours
pour l'accomplissement d'un vol607.

598
BAUDRY, La force majeure en droit pénal, thèse, Lyon, 1938, p. 74.
599
Crim., 8 août 1840, S. 1841.1.549.
600
Crim., 3 mars 1865, D. 66.5.394.
601
Crim. , 24 avril 1937, D.H., 1937.429.
602
Bruxelles, 7 nov. 1987,R.W., 1989-1990, 748 ; R.D.P.C., 1990, 1084.
603
Bruxelles, 7 nov. 1989, R.W., 1989, 1263.
604
J.M. AUSSEL, La contrainte et la nécessité en droit pénal, in Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal,
Etudes de droit criminel sous la direction et avec une préface de G. STEFANI, Paris, Librairie Dalloz, 1957, p. 259.
605
Op cit., p. 268.
606
Roger BERNARDINI, V° Menaces, in Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, mise à jour 1999, Dalloz,
Tome V, Paris, 7 pages.
607
DONNEDIEU de VABRES, op. cit., n° 375.
195

Il y a contrainte morale interne lorsqu'elle a sa source dans la personne même de l'agent,


lorsqu'elle résulte de l'émotion provoquée chez elle par une circonstance extérieure, de ses
passions ou de ses convictions.
La contrainte morale interne est rarement retenue. En effet, si la colère, la passion ou la
conviction sont d'une violence telle qu'elles annihilent les facultés de liberté et de discernement,
il faudrait, dans ce cas, retenir la démence608, comme ce fut le cas dans l’affaire HADFIELD déjà
rencontrée609.
En dehors de ce cas, on ne peut fonder l'irresponsabilité pénale sur la colère, la passion ou la
conviction. «Tous les crimes et délits ne sont-ils pas en effet le résultat d'une passion (haine,
vengeance, colère, sensualité, appât du gain) à laquelle l'homme a précisément le devoir de
résister?»610.
Et l'un des principaux buts de la réaction répressive n'est-il pas «de donner à l'homme une
raison supplémentaire d'offrir quelque résistance à ses impulsions?»611.
Le crime passionnel doit être examiné sous l’angle ou à l’occasion de la contrainte morale.
C. LES CONDITIONS DE LA CONTRAINTE
Pour que la contrainte physique ou morale supprime l'imputabilité, elle doit être irrésistible et
extérieure au prévenu.
I. La contrainte doit être irrésistible
Elle doit exercer une pression telle que l'agent ne pouvait agir autrement. Il faut qu'elle soit
totale, annihilante et déterminante. Il n'y aura pas contrainte exonératoire si la volonté n'a été
qu'amoindrie ou si l'agent avait des possibilités d'éviter la commission de l'infraction.
Le caractère déterminant de la contrainte est relatif. Il sera apprécié in concreto, compte tenu
des capacités de résistance de chaque agent.
Il a été jugé que la contrainte morale résultant d’une force à laquelle on n’a pu résister et
libérant l’auteur de toute faute suppose que le libre arbitre de l’auteur de l’acte a été annihilé.
En constatant que tel n’est pas le cas en l’espèce, les juges ont justifié légalement leur décision
de rejeter la contrainte morale612.

608
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 301.
609
Voir supra, p. 319.
610
Loc. cit.
611
DONNEDIEU de VABRES, op. cit., n° 378.
612
Cass. 15 mars 1994, Pas., I, 264.
196

II. La contrainte doit être extérieure au prévenu (imprévisibilité)


Il ne faut pas que ce soit l'agent qui, par sa faute, s'est mis dans une situation où sa volonté a été
annihilée. Autrement dit, la faute antérieure de l'agent rend la contrainte inopérante et laisse
intacte sa responsabilité. L'exemple souvent cité est celui de ce matelot qui s'était enivré et,
arrêté par la police, n'avait pas pu regagner son navire au moment du départ. Pour sa défense, il
invoquait la force majeure. La chambre criminelle de la Cour de cassation française, tout en
reconnaissant l'impossibilité absolue dans laquelle s'était trouvé le matelot de rejoindre son
poste, n'en a pas moins retenu l'infraction de désertion au motif que l'agent, en s'enivrant par sa
faute, avait anéanti la force majeure en tant que cause de non-imputabilité613.
Dans l’espoir d’une abondance matérielle qui lui avait été promise par un escroc, un haut
fonctionnaire de la République avait déplacé des sommes d’argent d’une chambre forte de son
bureau, tout en renseignant faussement dans ses livres leur existence.
Poursuivi pour détournement, le haut fonctionnaire invoqua la contrainte morale irrésistible
La Cour Suprême de Justice, siégeant en cassation, rejeta ce moyen car, le prévenu s’étant
placé lui-même dans la servitude de ses croyances mystiques, les conditions d’une contrainte
totale, déterminante et annihilante, n’étaient pas réunies614.
De même, a été exclu du bénéfice de l'exonération le prévenu qui s'était lui-même constitué un
état de soi-disant contrainte par son propre comportement, en abusant notamment
chroniquement de substances euphorisantes615.
L’accusé ne peut invoquer la contrainte qui résulte des menaces proférées par une organisation
criminelle à laquelle il s’est joint de son propre gré, en sachant qu’elle pourrait le forcer à se
livrer à des activités criminelles.
Enfin, une conviction religieuse personnelle s’opposant à ce que fut accomplie toute forme de
service militaire ne peut pas constituer une contrainte morale étant donné que la conviction
n’est pas imposée de l’extérieur.
Cette solution est juste, car « la thèse contraire aboutissant au résultat que tout prévenu pourrait
s’octroyer à lui-même une cause de non-imputabilité »616, telle étant sa conviction.

613
Crim., 29 janvier 1921, S. 1.185, note ROUX (Affaire TREMINTIN).
614
C.S.J., 31 août 1984, en cause MP c/KASHWANTALE ka RUHANGAMUGABO BALEMBA et NZUNZUMUNA
DIJIBA MBAKI, BA, 1980-1984, 2001, 507-517.
615
Bruxelles, 28 juin 1989, J.L.M.B., 1989, 179, R.D.P.C., 1990, 1083.
616
Cass., 15 mars 1994, Pas., I, 264.
197

§ 3. L'ERREUR INVINCIBLE
A. NOTION
L'erreur ou l'ignorance peuvent affecter la loi ou les faits. Il y a erreur de droit lorsque le droit
n'est pas tel que l'agent le suppose : soit qu'il ignore la loi dans son existence même, soit qu'il
en fait une mauvaise interprétation.
Il y a erreur de fait lorsque les faits ne sont pas tels que l'agent le suppose : il s'en fait une
fausse représentation ou une description inexacte.
B. LE CARACTERE INVINCIBLE
Pour valoir cause de non-imputabilité, l'erreur, qu'elle soit de fait ou de droit, doit être
invincible et porter sur un élément constitutif de l'infraction.
L'erreur est dite invincible lorsqu'elle aurait pu être également commise par une personne
faisant preuve d'une prudence, d'une attention et d'une diligence moyenne, compte tenu des
intérêts en présence et des circonstances concrètes objectives de l'espèce617. C'est ce que l'on
appelle le critère de l'homme raisonnable.
Cet homme raisonnable ne saurait être abstrait. Il doit être situé et défini aussi objectivement
que possible. « Le comportement d’un médecin, d’un avocat, d’un banquier ne sera pas
comparé à celui d’un homme normalement prudent et raisonnable, mais bien à celui d’un
médecin, d’un avocat, d’un banquier … normalement prudent et raisonnable »618.
Dans le contexte de poursuites intentées à charge d’un officier supérieur, il faut confronter le
comportement du prévenu à celui d’un officier supérieur normalement prudent et raisonnable et
placé dans les mêmes circonstances de fait externes619.
L'erreur est aussi invincible lorsqu'elle est provoquée par la loi, un règlement, une décision, une
opinion ou une motivation judiciaires ou administratives, ou même une interprétation officielle
de l'institution ou de l'organisme qui est à l'origine du texte considéré620.
Il en sera de même si l'interprétation émane de l'autorité qui a, dans ses attributions, la matière
concernée.
C'est ainsi qu'il a été jugé que l'ignorance ou l'erreur invincible dans le chef du bourgmestre
pouvait se déduire de ce que tant le commissaire d'arrondissement que le ministre de l'intérieur

617
Cass. b., 6 oct. 1952, Pas.1953, I, 37 (Affaire Romain).
618
CORNELIS L., Principes du droit belge de la responsabilité extra-contractuelle, vol. I, 1991, p. 39) ; Cour
militaire, 4 juillet 1996, R..D.P.C., 1997, 118.
619
Cour militaire b., 4 juillet 1996, R.D.P.C., 1997, 115.
620
Voir J. P. DOUCET, Précis de droit pénal général, Liège, 1976, pp. 126-127.
198

avaient estimé que les examens médicaux n'étaient pas obligatoires pour les membres de la
police communale621.
Il a encore été jugé que l’erreur de droit sera considérée comme inévitable, donc justificative, si
l’agent a accompli toutes les diligences requises pour ne pas se tromper. Tel est le cas lorsque,
s’étant renseigné auprès de l’Administration, il a été induit en erreur par celle-ci622.
Les propos régulièrement tenus et largement diffusés par de nombreux responsables du pouvoir
exécutif, relativement à la détention et à la consommation personnelle de drogue dite douce, ont
pu légitimement induire dans la population une erreur invincible, justifiant l’acquittement des
poursuites exercées de ce chef623.
Le tribunal correctionnel de Neufchâteau a décidé que des prévenus étaient dans l’erreur
invincible compte tenu du caractère manifestement inapplicable de la législation sur les quotas
laitiers624.
Des circonstances que les fonctionnaires de police n’ont pas constaté antérieurement
l’infraction et que des poursuites pénales n’ont pas été exercées à l’égard de faits analogues (en
l’espèce, la tenue d’une maison de débauche et de prostitution) sont insuffisantes pour
permettre au prévenu de se prévaloir de l’erreur invincible. Toutefois, le caractère isolé des
poursuites justifie l’atténuation de la peine625.
L’erreur invincible ne peut être déduite de la seule circonstance que le prévenu a été mal
conseillé, même par une personne qualifiée. Il convient d’apprécier si le prévenu a agi comme
tout homme raisonnable et prudent dans les circonstances de l’espèce.
La bonne foi de l’auteur ne suffit pas à établir le caractère invincible de l’erreur qu’il
invoque626.
Il a été soutenu pendant longtemps, notamment en Belgique, que seule l'erreur de fait invincible
était exclusive de responsabilité. Cette doctrine est toujours répandue en vertu du principe
rigoureusement interprété selon lequel «nul n'est censé ignorer la loi». Ce principe «s’oppose
absolument à ce que l’erreur constitue une cause de non-culpabilité. L'ignorance de la loi pénale

621
Bruxelles, 7 mars 1990, J.L.M.B., 674, R.D.P.C.,1083.
622
Dijon, 15 juin 1994, Gaz. Pal., 3 déc. 1994, cité par ROUJOU de BOUBEE, op. cit., p. 32.
623
Corr. Namur, 31 oct. 2003, J.L.M.B., 2003, 1803.
624
Cité par Thierry BOSLY dans la recension faite de l’ouvrage de Olivier RALET, Responsabilité des dirigeants de
société, Larcier, Bruxelles, 1996, in R.D.P.C., 1996, 1102-1103.
625
Corr. Brux., 31 oct. 1995, R.D.P.C., 1996, 232.
626
Cass. b. 21 sept. 1994, Pas., I, 750 ; 15 mars 1994, Pas., I, 261.
199

n’a aucune influence sur la responsabilité, elle la laisse demeurer entière, qu’il s'agisse d’une
infraction intentionnelle ou non intentionnelle»627.
Ce fétichisme de l'adage « Nemo censetur ignorare legem» a cédé au réalisme en Belgique
depuis que la Cour de cassation a jugé en 1946 que «si, en principe, l'erreur de droit ou
l'ignorance de la loi ne constitue pas une cause de justification, il en est autrement lorsqu'en
raison de circonstances spéciales à l'espèce, elle apparaît comme invincible»628.
En droit congolais, la reconnaissance de l'erreur de droit invincible en tant que cause de non-
imputabilité est encore plus ancienne. C'est ainsi qu'il a été jugé que:
- L'ignorance de la loi pouvait être une cause de non-imputabilité s'il est établi qu'il y avait
pour l'agent une impossibilité absolue de connaître l'existence d'une prescription légale
particulière629;
- Il résulte de la publication régulière de la loi une présomption légale de la reconnaissance
de cette loi par les justiciables. Cette présomption cède lorsque le justiciable prouve qu'il lui a
été matériellement impossible de connaître la loi630 ;
- La connaissance par le prévenu de la loi régulièrement publiée se présume; c'est à celui-ci
de prouver l'impossibilité invincible où il serait trouvé de connaître la disposition légale qu'il a
enfreinte631.
Cette jurisprudence citée prouve à suffisance que l'ignorance ou l'erreur de droit invincible est
retenue comme cause de non-imputabilité.
L'adage «Nemo censetur ignorare legem » recule sérieusement, et le caractère exonératoire de
l'erreur invincible est retenu dans de nombreuses législations modernes. Nous citerons à titre
d'exemples:
Finalement, comme le relève Bernard BOULOC, « il y aura toujours une possibilité de
connaître le droit, de sorte que l’article 122-3 du NCPF s’avère être une fausse cause de non-
imputabilité »632.
D’où le souhait formulé par le même auteur de voir assouplir les conditions d’invocation de
l’erreur de droit en vue d’en faire, en pratique et en conformité avec les termes de la loi, une

627
G.STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 303.
628
Cass. 10 juillet 1946, Pas., I, 293 (affaire des tailleurs de Binche).
629 ère
I Inst. Elis., 9 avril 1941, R.J.C.B., 151.
630
Léo, 27 mars 1943, R.J.C.B., 215.
631
Léon, 29 juin1944, R.J.C.B., 1945, 72.
632
Loc. cit.
200

véritable cause de non-imputabilité633, du moment que cette erreur s’avérerait invincible, non
fautive.
Nous pensons toutefois qu’à ce jour, il serait très tôt de dégager la tendance dominante et de
dire l’avenir que les cours et tribunaux français assureront à l’erreur de droit invincible.
« Laissant le temps au temps »634 , il est fort probable que la pratique judiciaire (jurisprudence)
se rapprochera de la formulation légale.
Ainsi, pour revenir sur et terminer avec la maxime «nul n'est censé ignorer la loi », nous
relèverons l'évolution qui est partie d'une présomption irréfragable de la connaissance de la loi
à une présomption simple qui permet désormais à l'agent de pouvoir démontrer ou alléguer, de
manière vraisemblable, qu'il a eu des raisons d'ignorer la loi ou de se tromper sur son
interprétation.
Le professeur LIKULIA semble soutenir un point de vue tout à fait contraire635. Cependant, des
juristes congolais de grand renom tels que NIMY MAYIDIKA NGIMBI ou BAYONA-ba-
MEYA soutiennent le caractère relatif de la présomption de la connaissance de la loi, et la
possibilité d’une erreur ou d’une ignorance exonératoire dans le chef de toute personne636.
La question que l'on peut se poser est de savoir si cette maxime, réduite à une présomption
simple, présente encore quelque intérêt. Nous pouvons répondre affirmativement. En effet,
imaginons un seul instant où une maxime inverse serait de rigueur: «Nul n'est censé connaître
la loi». Elle conduirait à l'anarchie absolue et à l'impunité quasi généralisée, car le ministère
public, pour poursuivre et obtenir la condamnation du délinquant, devra au préalable et chaque
fois apporter la preuve de la connaissance de la loi par ce dernier. Ce qui, dans la pratique,
s'avérerait impossible.
Voilà pourquoi, nous retenons que la maxime «Nemo censetur ignorare legem», même réduite
à une présomption simple, constitue un mécanisme nécessaire au maintien de l'ordre public, un
instrument utile entre les mains de la société qui peut, à tout moment, engager des poursuites
sur base de la présomption de la connaissance de la loi, quitte à l'individu à se libérer par la
preuve ou, tout au moins, par l'allégation vraisemblable, qu'il a eu des raisons plausibles
d'ignorer la loi soit dans son existence même, soit dans son interprétation.

633
Loc. cit.
634
Formule attribuée à François MITTERRAND.
635
Droit pénal spécial zaïrois, L.G.D.J., Paris, 1985, p. 177.
636
Voir leurs textes respectifs ; Essai critique de jurisprudence, déjà cité, pp. 136-137 ; La maxime «Nul n’est
censé ignorer la loi», Discours de rentrée de la C.S.J., 10 novembre 1977, in Bull., 1978, 159-181.
201

C. L'ERREUR FAUTIVE
Nous voulons préciser ici quelle peut être l'incidence de l'erreur non-invincible, dite aussi
erreur fautive, sur la responsabilité pénale. Pour cela, il faudra distinguer selon qu'il s'agit d'une
erreur de fait ou de droit.
I. L’erreur de fait fautive ou non-invincible
L'erreur de fait fautive, sans valoir cause de non-imputabilité, peut néanmoins exonérer de
toute responsabilité en matière d'infractions intentionnelles, car elle démontre l'inexistence de
l'intention (culpa dolo exonerat). «L'erreur de fait, quand même elle pouvait être évitée, exclut
le dol.»637
Pour que l'erreur de fait supprime la responsabilité pénale, elle doit porter sur un élément
essentiel de l'infraction ou sur une circonstance aggravante. Il en est ainsi pour :
- Celui qui, par erreur, enlève du vestiaire le manteau d'autrui. Il ne répondra pas du vol;
- L'infirmière qui, par erreur, administre un poison au lieu d'un médicament. Elle ne
répondra pas du meurtre par empoisonnement. Elle pourra néanmoins être condamnée pour
délit d'imprudence ;
- Le fonctionnaire qui ignore le caractère faux du document qu’il légalise. Il ne commet pas
l’infraction de faux en écritures638;
Dans les pays qui incriminent le parricide comme un meurtre sui generis, celui qui tue son père
alors qu'il croyait avoir affaire à un individu quelconque, ne répondra pas du parricide, mais
plutôt du meurtre.
II. L’erreur de droit fautive ou non invincible
En ce qui concerne l'erreur de droit fautive, il faut maintenir l'adage selon lequel «l'erreur de
droit fautive ne profite jamais», sauf dans les incriminations qui exigent la connaissance
positive de la loi, notamment l'arrestation, la détention arbitraires (art.67 et 68 du CP) et les
atteintes par les fonctionnaires aux droits garantis aux particuliers (art. 180 CP).
En effet, les articles 67, 68 et 180 de notre CP font de la connaissance de la loi un des éléments
constitutifs des infractions qu'ils prévoient et, en conséquence, l'erreur de droit fautive, pourvu

637
HAUS, op. cit., n° 300; Voir aussi l'article de J. VERHAEGEN, L'erreur non invincible de fait et ses effets en droit
pénal belge, in R.D.P.C., janvier 1989, 17 et s.; App. Boma, 15 juillet 1902, Jur. Etat., I,202 (Affaire procureur
SCHMITZ).
638
Kis., 2 mars 1974, R.J.Z., 88.
202

que son allégation soit vraisemblable, profite à l'agent639. Elle ne vaut pas cause de non-
imputabilité, mais supprime un des éléments essentiels de l'infraction
D. L'ERREUR DE DROIT ET LE JURISTE
La question peut se poser de savoir si un juriste sera exonéré par une erreur de droit invincible
ou par une erreur de droit fautive.
Un juriste peut bien être non-imputable par une erreur de droit invincible. Bien entendu,
l'appréciation de cette invincibilité doit tenir compte de la qualité de l'agent, de sa formation
notamment. Mais on ne peut pas, par principe et a priori, indépendamment des circonstances de
l'espèce, exclure le juriste de la possibilité de bénéficier de l'erreur invincible. Le droit est
tellement difficile et complexe qu'il serait irréaliste de croire qu'il existe des hommes ou une
catégorie d'entre eux qui soient censés le connaître à la perfection, sans risque d'erreur non
fautive.
De même, en ce qui concerne l'erreur de droit fautive, elle peut aussi être commise par un
juriste et devra lui profiter si l'on est dans le domaine des infractions qui font de la
connaissance positive de la loi un de leurs éléments constitutifs. Ici, l'appréciation de la
vraisemblance de l'erreur devra être sévère, compte tenu de la formation de l'agent considéré.
En effet, il serait « difficile de traiter de la même manière le profane et l’agrégé des Facultés de
Droit »640.
L’on voit bien que, comme pour toutes les questions complexes, seule la mesure déterminée par
un solide bon sens, apportera la bonne solution à chaque cas d’espèce.
§ 4. LA MINORITE
Le décret du 6 décembre 1950 disposait en son article 1er qu'est mineure toute personne qui a
moins de 18 ans accomplis au moment des faits. L’ordonnance-loi n° 78/016 du 4 juillet 1978
modifie ce seuil d'âge et le fixe à 16 ans.
En droit congolais, les mineurs ainsi définis sont, par fiction légale, considérés comme
pénalement non responsables. La minorité d'âge constitue une cause de non-imputabilité.
Seules relèvent du droit pénal congolais les personnes qui, au moment des faits, ont 16 ans
accomplis.

639
Voir la très intéressante étude de KALOMBO MBANGA, Encore à propos de l'arrêt de la Cour Suprême de
Justice du 13 juillet 1972, in Somme juridique, Revue des étudiants, 1982-1983, n° 4, p. 3 et s; J. VERHAEGEN, La
protection pénale contre les excès de pouvoir et la résistance légitime à l'autorité, Bruxelles, Bruylant, 1969,
p.139 et s.; Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 261.
640
ROUJOU de BOUBEE, op. cit., p. 32.
203

En deçà de cet âge, il s’agit des personnes qui font l’objet des mesures de protection,
d’assistance, de surveillance et d’éducation.
La tendance majoritaire serait de fixer le seuil d’âge à 18 ans641, et un retour par notre
législation à la disposition prévoyant ce même âge, serait un engagement dans la bonne voie.
Le droit français prévoit la possibilité d’appliquer des peines à des mineurs âgés de plus de
treize ans642, et nous le déplorons.

SECTION IV. L'ELEMENT MORAL

Pour que l'agent réponde de l'infraction, il ne suffit pas d'établir l'élément légal et matériel, ni
même d'établir son imputabilité. Il faut encore prouver l'élément moral, c'est à dire la faute,
«l'état d'âme, la tournure d'esprit, socialement et même moralement répréhensible»643, qui aura
accompagné et caractérisé son activité délictueuse. L'élément moral est aussi appelé « mens
rea ».
Sur base de cet élément, les infractions sont classées tantôt en infractions intentionnelles et en
infractions non-intentionnelles, tantôt en infractions intentionnelles, en délits d'imprudence et
en délits matériels. Les deux classifications sont exactes et se complètent, mais nous allons
poursuivre notre exposé sur la base de la dernière qui est plus explicite.
Nous prendrons soin d'ajouter quelques éléments sur une notion qui prend de plus en plus place
dans le droit comparé, à savoir: la mise en danger.
§ 1. LES INFRACTIONS INTENTIONNELLES
On appelle infractions intentionnelles celles qui se commettent avec conscience et volonté
d'accomplir l'acte illicite. C'est cet état d'esprit qu'on appelle aussi dol ou intention. Le dol
connaît des modalités et des degrés divers.
A. DOL GENERAL ET DOL SPECIAL
Il est courant en doctrine de définir le dol général comme la volonté d'accomplir un acte que
l'on sait être défendu par la loi644.
Ce dol général est une condition tacite de toutes les infractions, sauf lorsque la loi dispose
autrement. La jurisprudence affirme que la nécessité d’une intention délictueuse est un principe
général et que son existence doit être prouvée dans tous les cas où le législateur n’en a pas
641
Reynald OTTENHOF, Rapport déjà cité, p. 31.
642
Article 122-8, al. 2.
643
BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 119.
644
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 199; E. GARCON, op. cit., 1ère éd., art.1. n° 77; HAUS, op. cit., I, n° 298.
204

dispensé le ministère public645. «Le dol est un élément essentiel pour l'existence de toute
infraction prévue par les différentes dispositions qui forment le code congolais, sauf dans le cas
où le texte lui-même prévoit expressément la simple faute, la simple négligence.»646
L'exposé des motifs du code pénal belge de 1867 était déjà précis à ce sujet: «L'intention
criminelle (dolus) est un élément constitutif de tout crime et même de tout délit, à moins que la
loi n'ait puni, par une disposition expresse et spéciale, la simple faute (culpa).»647
Intégrant la même idée, le NCPF dispose en son article 121-3:
«Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas d'imprudence, de négligence ou de mise
en danger délibérée de la personne d'autrui».
De même, pour éviter une mauvaise application de la loi, il arrive que le législateur précise
l'exigence du dol général en se servant des termes tels que: sachant, connaissant, sciemment,
volontairement, à dessein, etc.648
La notion de dol général est cependant contestée par certains auteurs qui la trouvent inutile et
factice649, voire sans existence propre650. En effet, la connaissance de la loi étant présumée, il
n'y a pas des raisons de la considérer comme élément spécifique de certaines infractions651.
Nous nous rallions à ce point de vue et retiendrons qu'en ce qui concerne les infractions
intentionnelles, le dol général n'est pas suffisant. « Plus intéressant est le dol spécial qui est
inévitable, alors que le dol général est introuvable.»652
Le législateur exigera souvent le dol spécial. Celui-ci est réalisé lorsque la volonté porte à la
fois sur l'acte et ses conséquences. Cet élément moral est notamment réalisé dans le meurtre
(art. 44 CP), le vol (art. 79) ou le faux en écritures (art.124 CP).
Il a été jugé que :
- Le dol spécial de l'infraction de meurtre est la volonté de donner la mort, et non l'intention
d'attenter à la personne d'autrui; lorsque cette intention homicide n'a pu être établie à suffisance

645
Crim. 30 mars 1944, Bull., n° 90.
646
Tribunal d'Appel de Boma, 15 juil. 1902, Jur. Et., I, p. 202 (affaire procureur SCHMITZ. Voir aussi , op. cit., I. n°
295.
647
Législation criminelle, I,134, n° 306; HAUS, op. cit., n° 295.
648
HAUS, op. cit., I, n° 299.
649 s
R. LEGROS, op. cit., n° 109-174.
650
A. Ch. DANA, Essai sur la notion d'infraction pénale, 1982, n° 421.
651
Op. cit., n° 419; A. Ch. DANA, op. cit., n° 419.
652
J.PRADEL , op. cit., n° 419; A. Ch. DANA, op. cit., n° s 418 et 432.
205

de droit, bien que le prévenu ait causé la mort de la victime, l'acte constitue simplement
l'infraction prévue par l'art 48 653;
- Le dol spécial de toutes les infractions contre la propriété est constitué par l'intention de
s'approprier injustement le bien d'autrui654;
- Le dol spécial qui caractérise l’escroquerie consiste dans l’intention de devenir
propriétaire655;
- Le dol spécial est l’élément moral du faux en écriture. Il consiste dans l’intention
frauduleuse de procurer à autrui un avantage illicite. En l’espèce, cet élément moral est établi
par le fait pour les prévenus de savoir que l’acte de prêt hypothécaire à notarier avait pour
finalité d’enrichir l’une des deux parties au préjudice de l’autre partie, par l’expropriation
frauduleuse de l’immeuble querellé656;
- L’élément moral de l’infraction d’arrestation arbitraire consiste dans l’intention de porter
atteinte à la liberté individuelle ainsi que dans la conscience effective de l’illégalité de l’acte
posé 657;
- En constatant l’absence de malveillance dans le chef du prévenu en ce qui concerne le faux
commis en écritures, le juge considère que tant l’intention frauduleuse que le dessein de nuire
ne sont pas établis658.
De même, l'intention méchante, le dessein de nuire ou l'intention de se procurer à soi ou à
autrui un avantage illicite... constituent le dol spécial (art. 112, 114, 124, 106, 97, 74, ... CPC).
L'exigence du dol spécial n'est pas toujours exprimée par la loi et peut résulter de la nature
même de l'infraction. Exemple: l'outrage à un fonctionnaire (art. 136 CP) ne peut se réaliser
sans animus injuriandi. L'agent pose son acte volontairement, en sachant et en voulant que le
fonctionnaire en souffre, soit atteint dans son honneur ou sa dignité.
B. LE DOL PLUS SPECIAL
En règle générale, le droit pénal ne prend pas en compte le mobile, l'intérêt ou le sentiment
personnel qui a déterminé l'agent à commettre l'infraction.
Que quelqu'un tue ou vole pour se venger ou se divertir, cela est indifférent quant à l'existence
de l'infraction.

653
Boma, 30 juillet 1912, Jur. Congo, 1914-1919,156.
654
Boma, 14 mars et 8 avril 1911, Jur. Congo, 1912, 43, 1913, 1 ; C.S.J, 4 avril 1997, R.P.A. 217, en cause M.P. et
Société RECODI c/RUGENDA BANGA.
655
C.S.J., 27 fév. 1990, R.P. 1.220/1.225, en cause Mr KAYEMBE MUKUTA et M.P. c/Mr PORTUGAL Alexandre.
656
C.S.J., 29 août 1997, R.P.A. 220, en cause M.P., Société SITREX, BODART c/LUWAWU SADILA François et crts.
657
C.S.J., 20 nov. 1985, en cause MP c/IYELI MPELA ISEKI et crts, in BA 1985-1989, 2002, 85.
658
Cass. B., 26 oct. 1994, Pas., I ; 718.
206

La circonstance que les auteurs de faux en écritures soient mus par des mobiles différents est
sans incidence sur l’intention frauduleuse relevée à leur charge, de se procurer ou de procurer à
autrui un avantage illicite659.
L’élément moral du délit d’abus de confiance consiste en l’intention de l’auteur de s’approprier
la chose remise ou d’en dépouiller celui à qui elle appartient et, dès lors, d’en disposer en tant
que propriétaire ; sont à cet égard sans pertinence tant la bonne foi de l’auteur que ses
mobiles660.
La Cour Suprême du Canada a formulé la proposition suivante : « Le mobile ne fait
aucunement partie du crime et n’est juridiquement pertinent à la responsabilité criminelle. Il ne
constitue pas un élément juridiquement essentiel de l’accusation portée par le ministère
public »661.
Il est entendu que le mobile est intéressant du point de vue criminologique, et le juge devra en
tenir compte pour le choix de la sanction la plus adaptée à la situation et à la personnalité du
délinquant.
Il arrive toutefois que le législateur érige le mobile en élément constitutif de certaines
infractions. On parle alors de dol plus spécial.
Il en est ainsi des dispositions suivantes :
- L'article 57 du CP : «... en vue de déduire des effets produits l'imputabilité d'un acte ...» ;
- L'article 68 CP : «... pour les vendre comme esclaves ...» ;
- L’article 195 CP : «attentat dont le but aura été de détruire ou de changer le régime
constitutionnel ...» ;
- L’article 200 CP: «attentat dont le but aura été de porter le massacre, la dévastation ou
le pillage», etc.
C. DOL DIRECT ET DOL INDIRECT
Le dol est direct lorsque l'agent recherche le résultat prohibé.
Le dol indirect est susceptible de prendre deux formes: le dol nécessaire et le dol éventuel.
Il y a dol nécessaire lorsque l'agent accepte ou se résigne au résultat comme lié nécessairement
au but réel qu'il poursuit. On comprendra plus aisément l'hypothèse par un exemple.

659
Cass. b., 26 oct. 1994, Pas., I, 860.
660
Cass., 6 sept. 1995, R.D.P.C., 1996, 334.
Lewis c. La Reine 1979 2 R.C.S. 821, 831, cité par Gisèle CÔTE-HARPER, Antoine D. MANGANAS, Jean
661
ème
TURGEON, Droit pénal canadien, Ed. Yvon BLAIS inc., 3 éd. – Owansville(Que) 1989, p. 257.
207

L'anarchiste X décide d'éliminer physiquement tel homme politique Y, lors de son passage à
telle heure, à tel endroit, à bord de sa voiture. Il prépare à cet effet l'explosif et se poste à
l'endroit approprié. X sait bien que l'homme politique est toujours conduit par un chauffeur et
l'arme utilisée ne peut pas atteindre Y sans tuer le chauffeur.
Néanmoins, il décide de commettre son forfait, qui d'ailleurs réussit comme prévu. Vis-à-vis
de Y, l'anarchiste X a commis un homicide avec dol direct. Mais vis-à-vis du chauffeur, il est
coupable d'un homicide avec dol nécessaire662.
Il y a dol éventuel lorsque l'agent accepte ou se résigne à la réalisation éventuelle du résultat
prohibé.
HAUS a mis nettement en lumière la mens rea, l'élément psychologique d'un délinquant qui
agit, animé d'un dol éventuel: il sait que son acte est susceptible de produire la lésion non
recherchée, mais préfère «subir cette conséquence de son fait, plutôt que de renoncer à son
projet qu'il voulait exécuter, même au risque du résultat prévu... Ainsi, bien qu'il ne l'ait même
pas désiré, il y a cependant consenti pour le cas où il résulterait du fait; ce crime était compris
directement et éventuellement dans son intention.»663
A titre d'exemples de dol éventuel, nous pouvons donner les cas suivants :
1) Malgré l'avis du commandant du navire, un armateur, poussé par le gain, laisse prendre la
mer un vaisseau dont il connaît le mauvais état, sans se soucier de l'éventualité du naufrage ou
en s'y résignant. Si le navire fait naufrage et que les passagers meurent par noyade, l'armateur
répondra de ces homicides volontaires664.
2) L'employeur qui remet à son chauffeur un véhicule dont il connaît l'état défectueux de
marche pourra répondre d'un homicide ou des lésions volontaires (dol éventuel) si, par
exemple, mû par l'intérêt, il se résignait à l'éventualité d'un accident que, par ailleurs, son
chauffeur lui avait préalablement rappelée665.
3) L'automobiliste qui, dans sa fuite, n'entend point s'arrêter devant un barrage de
gendarmerie ou de police, prend le pari de le franchir coûte que coûte, et cause ainsi la mort
d'un gendarme ou d'un policier, ne recherche probablement pas cette mort, mais s'y résigne ou
l'accepte au cas où elle surviendrait666.

662
Voir JIMENEZ de ASUA, La faute consciente et le dolus eventualis, in R.D.P.C., 1959-1960, p. 603 et s.
663
Op. cit., I, n° 314. Voir aussi Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 353-353 bis.
664
J. CONSTANT, Traité élémentaire de droit pénal ; Principes généraux du droit pénal positif belge, I, Liège, 1965,
p. 185.
665
Voir NYABIRUNGU mwene SONGA, La faute punissable, op. cit., p. 229.
666
Voir J. VERHAEGEN, Dol et faute lourde en droit pénal, in Liber amicorum M. Châtel, Kluwer, Anvers, 1991, p.
460.
208

Le dol éventuel est intégré expressément dans la notion d'intention par de nombreuses
législations modernes. Nous citerons notamment les codes pénaux d'Ethiopie (art. 58, 1), de
Hongrie (art. 12, 1), de la Grèce (art. 17 §1), de la R.S.F.S.R. (art. 8), de la Pologne (art. 14,
§1), de la Russie (art. 25 du nouveau code pénal) et le code pénal type pour l'Amérique latine
(art. 25, al. 2). Tous disposent qu'agit aussi intentionnellement celui qui, se représentant la
possibilité des conséquences dommageables de son action, agit néanmoins, en les acceptant
dans l'éventualité où elles se produiraient.
Dans le cadre du droit pénal congolais, certains s’inquiétant de la manière dont conduisent les
« chauffards », surtout à Kinshasa, se demandent souvent comment les atteindre et les punir à
la mesure de leur désinvolture. Le professeur BAYONA-ba-MEYA, alors Premier Président de
la Cour Suprême de Justice, avait même suggéré aux magistrats « d’examiner dans ce cas
précis les possibilités de disqualifier les faits d’accidents de roulage et de les requalifier de
faits de meurtre ou d’homicide volontaire. Certains, avait-il précisé, se permettant de provoquer
volontairement les accidents alors qu’ils ont la possibilité de les éviter. »667
Retenir, dans des tels cas, la qualification de meurtre, infraction intentionnelle, n’est
théoriquement possible qu’avec le concours d’un dol éventuel intégré dans l’intention.
Toutefois, tout en comprenant ce que furent les préoccupations du juge BAYONA pour le
respect de la vie dans la circulation routière, il demeure difficile de punir la désinvolture, même
la plus grossière, de la même peine que le meurtre. Nous pensons que la meilleure solution doit
être intermédiaire, et devrait consister à punir d’une peine située entre celle qui frappe la faute
consciente et celle qui frappe l’intention.
D. LE DELIT PRETERINTENTIONNEL
Il s'agit d'une infraction comportant plusieurs conséquences dommageables dont les unes ont
été voulues, et dont les autres ont dépassé l'intention de l'auteur.
L'exemple typique nous est donné par l'article 48 de notre code pénal : «Lorsque les coups
portés ou les blessures faites volontairement mais sans intention de donner la mort l'ont
pourtant causée, le coupable sera puni...».
HAUS enseigne justement que dans ce type d'infraction, il y a concours de dol et de faute, le
dol portant sur les coups et blessures, et la faute sur la mort (culpa dolo determinata)668.
D’après l’Exposé des motifs du CPB, l’article 401 relatif au délit préterintentionnel n’est
applicable que lorsque l’auteur des violences a prévu le résultat de son action (faute consciente)

667
Voir Salongo, quotidien de Kinshasa, 5 novembre 1975.
668
Op. cit., I, n° 329.
209

… Lorsqu’il est constaté que l’agent n’avait point prévu le résultat de son action, mais qu’il
aurait pu le prévoir, il est coupable d’avoir volontairement porté des coups ou fait des blessures
et d’avoir involontairement causé la mort de la personne maltraitée (…). Lorsque l’agent n’a pu
prévoir le mal qu’il a causé, il n’y a qu’une seule infraction ; il n’est coupable que de coups ou
blessures volontaires, car l’homicide est casuel669.
E. DOL INDETERMINE
Généralement, lorsque l'auteur agit, il est animé d'un dol déterminé, précis. Il veut tuer un tel, il
veut voler tel objet.
Mais, il peut se faire que l'auteur n'ait pas en vue un résultat aussi précis. Il ne vise personne, ni
aucun objet en particulier. Il veut simplement tuer, quelle que soit la victime, ou voler, quel que
soit ce qui tombera sous la main. «Lorsque l'agent a commis le fait dans une intention
indéterminée de nuire, on doit lui imputer, comme volontaire ou intentionnel, le résultat de son
action, quel qu'il soit ; mais on ne peut lui imputer que ce résultat.»670
L'article 43 de notre CP a résolu la question de dol indéterminé en matière d'homicide et de
lésions corporelles volontaires en décidant que l'identité de la victime était indifférente, du
moment que l'intention de tuer était établie.
Dans l’Affaire BUUNDA BIRERE, la Cour Suprême de Justice a retenu le meurtre « par le fait
que le prévenu a tiré sciemment un coup de feu à travers la foule, sachant que ce coup pouvait
donner la mort, peu importe le fait qu’il n’ait pas visé une personne déterminée »671.
La théorie du dol indéterminé doit être étendue à tous les genres d'infractions.
Il en serait cependant autrement dans le cas où la qualité de la victime est un élément constitutif
de l'infraction. Exemple: coups ou injures faits à un fonctionnaire (art. 136). Si l'agent, par une
erreur invincible, a cru qu'il avait affaire à un particulier, il ne pourra pas être condamné pour
cette infraction aggravée, mais répondra plutôt des coups ou injures simples.
F. DOL REFLECHI OU DOL AGGRAVE
Le dol réfléchi ou préméditation existe lorsque l'agent réfléchit à son action à l'avance. Le
NCPF définit la préméditation comme « le dessein formé avant l’action de commettre un crime
ou un délit déterminé » (article 132-72). La préméditation est une circonstance aggravante des

669
Législation criminelle, III, 219, citée par Christiane HENNAU et Jacques VERHAEGEN, La faute non-
intentionnelle et sa réglementation dans les codes pénaux modernes, in Le défaut de prévoyance à l’épreuve des
faits et du droit, droit belge et droit comparé, Séminaire « Université-Monde judiciaire », Louvain -la -
Neuve,1993, in R.D.P.C., 1994, 572-573.
670
HAUS, op. cit., I, n° 312.
671
C.S.J., 30 juillet 1985, en cause MP c/BUUNDA BIRERE SHAMWAMI, BA, 1985-1989, 2002, 39-44.
210

coups volontaires prévus à l'article 46, alinéa 2. Elle est un élément constitutif de l'assassinat
prévu par l'art. 45 du CP.
Suffit-il qu'un certain temps s'écoule entre la résolution criminelle et la commission de
l'infraction ? A notre avis, non. La préméditation étant un dol aggravé, pour qu'elle existe, il ne
suffit pas que l'intention de commettre le crime ait précédé l'action, il faut encore que le temps
qui s'est écoulé entre la résolution criminelle et l'exécution de l'acte «ait été employé à la
réflexion.»672
La Cour Suprême de Justice a jugé que la préméditation requise pour l'existence de l'infraction
d'assassinat est établie par une succession d'actes préparés au moins 24 heures à l'avance, à
savoir le fait d'avoir déjà attiré la victime sur les lieux du crime, porteur d'un revolver chargé673.
Il est entendu que cette appréciation ne lie aucune juridiction, et les Cours et tribunaux restent
libres de décider, dans chaque cas d'espèce, si le temps écoulé constitue ou non la
préméditation.
La question de savoir si la préméditation est une circonstance aggravante réelle n'est pas
unanimement résolue.
Pour la jurisprudence française, la préméditation est une circonstance aggravante réelle et qui,
de ce fait, s'étend aux complices674.
Pour certains auteurs, par contre, la préméditation est une circonstance personnelle, inhérente à
la volonté de l'agent et qui, de ce fait, ne peut aggraver que le sort de la personne chez qui elle
est rencontrée675. Ce point de vue semble fondé. Il a été défendu en droit congolais par E.
LAMY, notamment676.
G. L'ABERRATIO ICTUS
On parle d'aberratio ictus surtout en matière d'infractions qui peuvent se commettre au moyen
des projectiles. Il y a aberratio ictus lorsque, par maladresse de l'agent, le coup dirigé contre
une personne atteint une autre. La question qui se pose est celle de savoir de quelles infractions
il devra répondre.
Il existe deux thèses en présence.

672
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 200.
673
C.S.J., 10 juil. 1972, Bull., 1973, 88; R.J.Z. 1972, 135.
674
Crim., 5 juin 1956, D. 576 ; Crim. 27 déc. 1960, Bull., n° 621 ; Crim., 12 mai 1970, D. 515.
675
HAUS, op. cit., I, n° 574.
676
Op. cit., p. 464.
211

La première est celle de la jurisprudence belge et française qui considère qu'en pareille
hypothèse, il y a une infraction unique qui doit être appréciée d'après l'intention de l'agent par
rapport à la victime qu'il voulait atteindre677.
Cette jurisprudence assimile en fait l'aberratio ictus à l'erreur sur la personne. Si, vis-à-vis de la
victime visée, l'acte de l'agent était prémédité, cette circonstance aggravante sera retenue aussi
vis-à-vis de la victime atteinte. De même, si par rapport à la personne visée, l'infraction pouvait
être justifiée, elle le sera aussi vis-à-vis de la personne réellement atteinte.
Cette thèse a été aussi soutenue par E. LAMY qui condamne les décisions de certaines
juridictions congolaises qui allaient dans le sens contraire678.
La deuxième thèse est celle défendue par HAUS679 et qui, en droit congolais, a été suivie par
Jacques VERHAEGEN680 et KALOMBO MBANGA681. L'auteur d'une aberratio ictus
répondra de deux infractions en concours idéal, dont l'une est intentionnelle et l'autre culpeuse.
Le sieur A tire sur B dans l'intention de le tuer, et le coup atteint C.
Si C est tué ou blessé, il y a homicide ou lésions par imprudence, et à l'égard de B, victime
initialement visée, il y a tentative de meurtre.
Si les deux sont tués, on retiendra l'homicide volontaire vis-à-vis de B, et involontaire vis-à-vis
de C, et s'ils sont seulement blessés, il y aura tentative de meurtre vis-à-vis de B, et coups et
blessures par imprudence vis-à-vis de C.
Mais si la personne visée était très proche de la personne atteinte et que «c'eût été un heureux
hasard que le coup n'eût pas atteint une autre personne», on retiendra deux infractions
intentionnelles, consommées ou tentées selon le résultat obtenu vis-à-vis de chaque victime.
Il y a dol direct à l'égard de la personne visée, et dol éventuel à l'égard de la personne non
recherchée. Tirer sur A alors qu'il se tient près de B ou qu'il porte un enfant dans ses bras, c'est
accepter la mort de B ou de l'enfant dans l'éventualité où elle se produirait.
La thèse de HAUS est prédominante en droit belge, comme le confirment aussi bien la
doctrine682 que la jurisprudence.

677
Crim., 18 fév. 1922, S. 1.329, note Roux ; Cass., 2è Civ., 15 déc. 1965., Gaz. Pal., 1966, I. 240.
678
E. LAMY, Cours, op. cit., p. 255.
679
Op. cit., I, n° 331.
680
J. VERHAEGEN, Aberratio ictus ou le problème pénal du coup dévié, in R.J.Z., n° spécial, 50è anniversaire, p.
187 et s.
681
Notes d'Etudiants, op. cit.
682
Voir NYPELS et SERVAIS, Le code pénal belge interprété, 1877, Tome III, art. 392, n° 9 ; P.E. TROUSSE, Novelles,
s
Droit pénal, I, 1, n° 2309 ; Ch. HENNAU et J. VERHAEGEN, Droit pénal général, 2è éd. 1965, n° 417-420.
212

Il en est ainsi dans un cas d’espèce jugé par le Conseil de guerre permanent, et relatif au fait
qu’un militaire au cours d’une bagarre dans un café, avait lancé une chaise qui avait atteint un
agent de police, alors que le prévenu visait un adversaire.
Le jugement déclare que, dans ce cas, l’agent qui voulait frapper des personnes impliquées dans
une bagarre, mais qui, par erreur, porte des coups ou inflige des blessures à un tiers, se rend
coupable de l’infraction de coups ou blessures involontaires683.
Il est cependant précisé, dans la même décision et à bon droit, qu’en cas d’erreur sur la
personne ou d’aberratio ictus, les circonstances aggravantes inhérentes à la personnalité de la
victime (dans le cas d’espèce, un agent de police) et non voulues par l’agent ne peuvent être
retenues à l’encontre du prévenu684.
La thèse de HAUS a connu quelques faveurs dans notre jurisprudence685, et nous semble la plus
proche de la responsabilité pénale fondée non sur des fictions, mais plutôt sur la psychologie
réelle du délinquant et sa faute personnelle.
§2. LES DELITS D'IMPRUDENCE
L'élément moral qui caractérise les infractions d'imprudence porte, dans la littérature juridique,
divers noms: imprudence, négligence, inattention, faute pénale, culpa, etc.
Les délits d'imprudence sont aussi appelés délits culpeux ou délits involontaires.
Notre code pénal ne définit pas la faute pénale. Néanmoins, toutes les fois qu'il érige la faute en
élément constitutif d'une infraction, il le dit expressément, en utilisant des termes comme ceux-
ci : involontaire(ment) (art. 52, 53, 55.), imprudemment (art. 56), défaut de prévoyance ou de
précaution (art. 52, art. 109 CP), etc.
Le délit d'imprudence comporte trois éléments : la faute pénale, le dommage et le lien de
causalité. Ces éléments sont si intimement liés qu'il convient de les étudier ensemble.
A. LA FAUTE PENALE686
Le code pénal congolais contient quelques délits d'imprudence type, tels que l'homicide et les
lésions corporelles involontaires (art. 52-54 CP), l'incendie involontaire (art. 109), etc.
Les termes utilisés «défaut de prévoyance et de précaution» couvrent toutes les formes de
faute.
Le code pénal français de 1810 comportait une énumération apparemment plus exhaustive des
formes de faute: «maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des

683 e
Conseil de guerre permanent, 2 Ch. Néerl., 13 oct. 1998, in R.D.P.C., 1999, 1286.
684
Voir aussi Cass. b., 22 juin 1936, Pas. I. 315.
685 ère
Appel Boma, 13 sept. 1904 ; Jur. Etat Congo, 393 ;I Inst. Kas. 25 janv. 1950, R.J.C.B., 1951, 139.
686
Voir pour plus de développements : NYABIRUNGU m. S., La faute punissable, op. cit., pp. 208-231.
213

règlements» (art. 319). Tandis que le NCPF, en son article 221-6, al. 1er maintient cette
énumération, tout en remplaçant «l'inobservation des règlements» par le «manquement à une
obligation de sécurité ou de prudence».
Mais, en fait, toutes ces catégories se confondent le plus souvent les unes avec les autres et se
ramènent presque toujours à une imprudence, au point que dans le langage courant, le délit de
l'article 319 est devenu l'homicide par imprudence687.
Cependant, la terminologie légale retenue, aussi bien en droit français qu'en droit congolais, est
insuffisante pour traduire les formes concrètes de la faute et décrire la psychologie possible du
délinquant culpeux vis-à-vis des conséquences de son acte.
Des termes légaux «défaut de prévoyance et de précaution», HAUS a inféré que la faute
culpeuse était susceptible d'être ramenée à deux formes: faute sans prévoyance et faute avec
prévoyance. Dans la doctrine actuelle, on parle de faute inconsciente et de faute consciente688.
I. La faute sans prévoyance ou la faute inconsciente
Il y a faute sans prévoyance ou faute inconsciente lorsque l'agent n'a pas prévu les
conséquences de son action ou de son omission alors qu'il aurait pu les prévoir689. Cette faute
recouvre deux hypothèses:
La première est que l'agent n'a pas connu la nature de son action, n'a pas su qu'elle pouvait
produire le mal qui en est résulté, par ignorance ou par erreur. Mais il est en faute pour avoir
négligé d'acquérir les connaissances, de prendre les renseignements qui auraient pu l'éclairer690.
Rentrent dans les prévisions de cette hypothèse :
- Le fait de manier une arme à feu, croyant qu'elle n'est pas chargée, et tuer ainsi quelqu'un
;
- Le fait pour un médecin de tuer son malade sur le lit de l'opération, parce qu'il a ignoré
l'exacte nature de son intervention.
La deuxième hypothèse est que l'agent a connu la nature de son action, savait que des
conséquences dommageables pouvaient en résulter, mais n'a pas songé au mal déterminé qui
est arrivé, alors qu'il «aurait pu le prévoir s'il avait réfléchi, s'il avait fait des ses facultés
intellectuelles l'usage que son devoir lui prescrivait. La cause interne du délit est une

687 ème ème


A. LAINGUI., La responsabilité pénale dans l'ancien droit, (XVI - XVII S), L.G.D.J., Paris, 1970, p. 54.
L'article 319 visé est celui du CPF de 1810.
688
Voir sur la question de la faute pénale, les travaux du Séminaire « Université-Monde judiciaire » sous la
direction de Christiane HENNAU-HUBLET, publiés sous le titre « Le défaut de prévoyance à l’épreuve des faits et
du droit », droit belge et droit comparé, Louvain-la-Neuve, avril 1993, in R.D.P.C., 1994, 229-587.
689
HAUS, op. cit., I, n° 326.
690
Loc. cit.
214

inattention, une irréflexion coupable»691, ou, selon l'expression de R. GARRAUD, une


imprévoyance coupable692. Rentrent dans cette hypothèse :
- Le fait de jouer avec un fusil qu'on sait être chargé et de blesser ou tuer quelqu'un ;
- Le fait, pour quelqu'un qui ne sait pas conduire, de s'installer au volant d'un véhicule et de
démarrer, emportant ainsi, dans cette course insensée, des personnes qui se trouvaient sur son
passage.
II. La faute avec prévoyance ou la faute consciente
Il y a faute consciente lorsque l'agent a prévu le malheur arrivé comme une conséquence
possible de son acte, mais sans qu'il l'ait voulu. Cependant, il aurait dû le prévenir en prenant
des précautions ou en s'abstenant d'agir693.
La faute consciente est proche du dol par la conscience que l'agent avait de la possibilité du mal
qu'il a causé (culpa dolo proxima). Mais, elle en diffère par le fait que l'agent non seulement n'a
pas l'intention de produire ce mal, mais exclut finalement la possibilité de la survenance de ce
mal, soit qu'il compte sur le hasard, soit qu'il compte sur son habileté694.
La faute consciente étant la forme la plus grave de la faute, elle est naturellement très proche de
la forme du dol la moins grave, à savoir : le dol éventuel.
La jurisprudence et la doctrine françaises695, sans doute pour ne pas se faire trop de mal,
confondent les deux notions, et considèrent que le dol éventuel rentre dans la faute consciente.
Et le nouveau code pénal ne fait que confirmer cette tendance.
Par contre, de nombreux codes pénaux modernes font la distinction et précisent «ce qui
fondamentalement sépare ces deux états d'esprit» : en cas de faute consciente, l'agent a
finalement exclu de son esprit le dommage qui, malgré tout, est arrivé ; tandis qu'en cas de dol
éventuel, l'agent accepte le dommage dans l'éventualité où il se produirait696.
Reinhard FRANK a proposé le critère suivant : l'agent, se représentant les conséquences
possibles de son acte, aurait-il poursuivi son action en cas de connaissance certaine de ce qui
allait arriver?

691
Loc. cit.
692
Op. cit., V, n° 2052.
693
HAUS, Op. cit., 327.
694
Voir L. JIMENEZ de ASUA, La faute consciente et le dolus eventualis, in R.D.P.C., 1959-1960, 607.
695
Voir J. PRADEL, op. cit., n° 430 ; Crim. 27 mars 1902, B.C., n° 128.
696
Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, Loc. cit., n° 385.
215

Si la réponse est positive, le dol éventuel est établi. En cas de réponse négative, la faute
consciente sera retenue697.

III. Etat des législations sur la faute pénale

La plupart des codes pénaux modernes consacrent les deux formes de la faute (faute consciente
et faute inconsciente).
A titre d'exemple, nous pouvons citer l’article 9 du CP de la Russie de 1960: «Commet une
infraction par négligence celui qui, par une imprévoyance ou une imprudence coupable, agit
sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte».
L'article 59 du CP d'Ethiopie (1957) reprend textuellement les mêmes termes.
Aujourd’hui, le nouveau code pénal russe consacre aussi les deux formes de faute pénale en
retenant respectivement l’insouciance (faute consciente) et la négligence (faute inconsciente)
(art. 26).
B. LE DOMMAGE
Le délit d'imprudence exige, pour sa réalisation, la survenance du dommage. Il faut une lésion
effectivement réalisée : mort d'homme (art. 53 CP), lésion corporelle (art. 109), etc. Et il faut
signaler ici que, contrairement aux infractions intentionnelles à résultat qui, lorsque celui-ci
n'est pas réalisé, sont punies à titre de tentative, les délits d'imprudence ne peuvent connaître la
tentative. Celle-ci, comme nous le savons, exige une résolution criminelle portant sur tous les
éléments constitutifs de l'infraction. Or, la conséquence étant toujours non voulue dans le délit
d'imprudence, la résolution criminelle ne peut porter sur elle. Comme l'a dit CARRARA, la
tentative du délit d'imprudence est un monstre logique.
Donc, la faute, même la plus grave et la mieux prouvée, si elle n'a en fait occasionné ni
homicide, ni blessure698 ni autre préjudice légalement prévu, n'est pas punissable sous la
qualification de délit d'imprudence.
Mais le législateur ne s'est pas contenté de faire du préjudice un élément constitutif de
l'infraction culpeuse. Il en a fait aussi «la pierre angulaire du système répressif»699, car les

697
Cité par JIMENEZ DE ASUA, Loc. cit. Voir aussi J. VERHAEGEN, Dol et faute lourde en droit pénal, in Liber
Amicorum M. Châtel, Kluwer, Anvers, 1991, p. 461 et s.
698
E. GARCON, Code pénal annoté, art. 319-320 bis, n° 9.
699
ROKOFYLLOS, Le concept de lésion et la répression de la délinquance par imprudence, (Essai de critique),
L.G.D.J., Paris, 1967, n° 34.
216

peines sont déterminées et varient suivant le résultat. L'homicide par imprudence, par exemple,
est plus sévèrement puni que les lésions involontaires.
Ce système, qui fait du préjudice l'élément prépondérant dans la répression des délits culpeux,
est l'objet de vives critiques en doctrine. La plus fréquente est le caractère aléatoire des suites
qui peuvent résulter de l'activité délictuelle. La faute la plus grossière peut n'avoir aucune
conséquence alors qu'une faute légère entraîne des dégâts considérables. La répression ainsi
fondée ne peut être qu'injuste et, partant, inefficace700.

C. LE LIEN DE CAUSALITE

I. La nécessité du lien de causalité


Le délit d'imprudence ne peut exister en l'absence du lien de causalité. Le fait fautif et le
dommage, autres éléments nécessaires de l'infraction culpeuse, sont insuffisants s'ils ne sont pas
liés entre eux par un rapport causal.
La nécessité du lien de causalité se dégage de la lecture même du code pénal.
Aux termes de l'article 52 CP, n'est coupable d'homicide ou de lésions involontaires que celui
qui a causé le mal par défaut de prévoyance ou de précaution. L'article 53 incrimine le fait de
causer la mort. Et les coups et blessures involontaires n'existent que s'ils résultent du défaut
d'adresse ou de précaution ( art. 54).
L'article 109 parle de l'incendie ... qui aura été causé par défaut de prévoyance ou de
précaution.
Le lien de causalité ainsi exigé doit être certain. Aucune poursuite ne sera exercée, non
seulement si le dommage et la faute sont étrangers l'un à l'autre, mais encore si, d'une manière
certaine, aucun lien ne peut être établi entre eux. Le juge ne saurait se contenter d'un lien
probable ou possible. Il s'abstiendra de déduire la causalité de la simple succession des faits, et
le moindre doute devra bénéficier au prévenu. Le lien de causalité manque si la possibilité
d'autres causes n'est pas exclue701. Ainsi, par exemple, un médecin, malgré des erreurs fautives,
ne se verra pas reproché la mort de son patient s'il n'est pas établi que ces erreurs ont déterminé
le décès.

700
Voir pour des développements plus amples NYABIRUNGU m. S., op. cit., pp. 132-157.
701
Voir Cass. b., 23 sept. 1974, R.G.A.R., 1975, 9472, note de R.O. DALCQ.
217

II. Le critère de causalité

Il est rare, voire impossible, qu'un résultat soit dû à un seul facteur. Chaque événement provient
de beaucoup d'activités et d'omissions qui ont concouru à sa survenance.
«Chacun de ces faits étant lui-même dû à plusieurs activités ou abstentions et ainsi
de suite.
A mesure qu'on remonte dans le passé, croît donc en progression géométrique, le
nombre des causes de tout dommage. Et il est vrai que, si l'un de ces faits avait
manqué, le dommage ne se serait pas produit. »702
Jusqu'à quand un fait est-il alors la «cause» de ces dommages successifs?703 Quand devient-il
avec certitude le facteur prépondérant, la causalité majeure du dommage ?704 Il faut imposer
des limites à cette ascension infiniment lointaine et infiniment complexe de tout dommage, de
peur que chaque homme ne soit impliqué «dans tout le mal qui déchire l'univers», selon
l'heureuse formule de CARBONNIER705.
C'est à quoi la doctrine s'est essayée, en donnant naissance à plusieurs théories dont les plus en
vue actuellement sont celles de l'équivalence des conditions et de la causalité adéquate.
a) Théorie de l'équivalence des conditions
Cette théorie signifie que dans le rapport causal, toutes les conditions, voire toutes les occasions
du dommage sont équivalentes, toutes en sont la cause au même titre.
Du moment que, sans chacune des conditions, le résultat ne se serait pas produit, il faut les
traiter de manière égale, car une seule d'entre elles comme toutes les conditions moins une ne
peuvent produire le résultat. La causalité est indivisible. Elle sera retenue pour chaque facteur
toutes les fois qu'il sera établi que sans celui-ci le résultat ne se serait pas produit.
Cette théorie est appelée aussi celle de la conditio sine qua non, car elle retient comme cause
tout facteur sans lequel le dommage ne serait pas survenu.
L'affaire HAZARD s'inscrit dans ce cadre706. Le prévenu avait été auteur d'un accident, et sa
victime avait encouru la fracture d'une côte. Admise à l'hôpital, elle décéda à la suite d'une
méningite purulente.

702
R. SAVATIER, Traité de la responsabilité civile en droit français, II, 2è éd. L.G.D.J., Paris, 1951, n° 457.
703
H. L. MAZEAUD et J. MAZEAUD, Traité théorique et pratique de la responsabilité civile délictuelle et
contractuelle, II, 6è éd., Montchrestien, Paris, 1970, n° 1821.
704
MERLE et VITU, op. cit., 1973, n° 495.
705
J. CARBONNIER, Droit civil, 4, P.U.F., Thémis, 1972, p. 322.
706
Cass. b., 15 oct. Pas. 1974. I. 162.
218

HAZARD fut condamné pour homicide involontaire et, à propos du lien de causalité, la Cour
de cassation s'exprima ainsi: «Qu'ainsi, entre le traumatisme causé par l'accident et les lésions
il s'est produit un enchaînement ininterrompu de complications consécutives les unes des
autres et que, dès lors la faute initiale du demandeur présente avec le dommage un lien
nécessaire, direct et certain ...»
C'est encore en application de l'équivalence des conditions que, alors que la personne victime
d'un accident était morte à la suite d'une faute d'un médecin qui l'avait soignée, la chambre
criminelle de France a condamné le conducteur pour homicide par imprudence707.
C'est toujours la théorie de l'équivalence des conditions qui fait que l'état de santé antérieur de
la victime n'a aucune influence sur l'existence du délit d'imprudence. Il y a homicide
involontaire lorsque la faute du coupable a déterminé chez la victime des blessures ou maladies
qui, à raison des prédispositions pathologiques, ont entraîné la mort.
La faute de la victime n'exclut pas la responsabilité du prévenu, à moins qu'elle ne
revête les caractères de la force majeure.
De même, un conducteur, auteur d'un accident, s'est vu condamné pour homicide involontaire
suite au suicide de sa victime, les experts ayant estimé que l'accident entrait à concurrence de
20 % dans la survenance du suicide708.
Il faut enfin préciser que si la cause doit être certaine, elle ne doit pas être directe ou immédiate.
b) Théorie de la causalité adéquate
Cette théorie retient aussi toutes les conditions sine qua non. Est causal un fait sans lequel le
dommage ne se serait pas produit. Cependant, alors que la théorie de l'équivalence des
conditions se limite à cela, celle la causalité adéquate procède à ce que RUMELIN a appelé le
«pronostic objectif rétrospectif». A partir du dommage, on remonte à toutes les conditions sine
qua non et on retient seulement celles qui avaient normalement en elles-mêmes, dans les
circonstances concrètes de la cause, la possibilité de produire le résultat.
Sont éliminées toutes celles qui, tout en présentant un rapport nécessaire avec le dommage,
n'étaient pas de nature à produire le résultat709.
Un automobiliste heurte imprudemment un piéton qu'il blesse gravement. Il le prend aussitôt
dans sa voiture et l'amène à l'hôpital. Mais celui-ci prend feu et le malheureux piéton meurt. Il
est certain que sans l'accident d'automobile, le piéton ne serait pas mort brûlé à l'hôpital. Il

707
Crim., 15 janv. 1958, Bull., obs. L. HUGUENEY, R.S.C., 857.
708
Crim., 24 nov. 1964, D. 1966, 104.
709
Cité par PIROVANO, Faute civile et faute pénale, L.G.D.J., Paris, 1966, 286.
219

constitue une condition sine qua non de la mort. Néanmoins, la causalité n'est pas adéquate car
l'accident d'auto ne peut pas en lui-même provoquer la mort par le feu dans un hôpital710.
c) Critique des théories sur la causalité
En fait, contrairement à ce qu'on pourrait croire, les deux théories ne s'opposent pas et, en
pratique, se complètent711.
Les deux théories partagent la condition sine qua non, et la théorie de la causalité adéquate n'est
qu'une limitation du système de l'équivalence des conditions, par l'idée de la prévisibilité712.
Elle montre que, outre le caractère sine qua non, un fait causal doit avoir celui de l'efficience.
C'est à partir de celle-ci qu'on peut dire alors qu'un homme normal, en posant tel acte dans
telles circonstances données, devait au moins être en mesure d'en prévoir les suites.
C'est l'idée de l'efficience et de la prévisibilité qui explique les situations où, alors que le fait
jugé est une condition sine qua non du dommage, le tribunal ne retient pas le rapport causal
parce que la prévisibilité de l'agent était exclue. Il en est ainsi de la force majeure et de la faute
de la victime lorsque la faute présente les caractères de la première.
D. RAPPORTS ENTRE LA FAUTE PENALE ET LA FAUTE CIVILE
Il existe des similitudes entre les articles 52 et s. du CP et les articles 258 et 259 de notre Code
civil, livre III, qui fondent la responsabilité aquilienne. Dans les deux cas, le dommage est
nécessaire pour que la responsabilité soit engagée. Dans l'un et l'autre cas, il est nécessaire que
ce préjudice soit la conséquence de la faute de l'agent ; en d'autres termes, le lien de causalité
est exigé. Enfin, comme pour le délit et quasi-délit où la réparation se mesure à l'étendue du
dommage, le droit pénal congolais organise la répression du délit culpeux sur la base de la
gravité du dommage.
C'est pour toutes ces raisons que l'unité et l'identité de la faute pénale et civile sont proclamées
en droit positif713.
Une des plus importantes conséquences de ce principe porte sur l'autorité de la chose jugée au
pénal sur le civil.
La condamnation pénale pour délit d'imprudence implique que l'agent est nécessairement aussi
responsable d'une faute civile. Il est tenu de réparer le dommage qui en est résulté.

710
MERLE et VITU, op. cit., 1973, n° 495.
711
Voir notre thèse, op. cit., p. 166 et s ; notre communication au XIIè Congrès international de Droit pénal
(Hambourg, 1979), Actes du Congrès, pp. 134-137.
712
HOSNI, Le lien de causalité en droit pénal, thèse, Paris, 1952, éd. Le Caire, 1955, p. 56.
713 ère
I Inst. Léo, 7 avril 1934, R.J.C.B., 1935 ; Elis, 7 avril 1926 R.J.C.B., 1938, 89; Voir aussi appel, Rwanda-Urundi,
25 mai 1954, R.J.C.B., 208.
220

L'acquittement pour les mêmes faits exclut toute faute civile, car, entre celle-ci et la faute
pénale il n'existe aucune différence de nature ni de gravité714. Le juge civil, en statuant
autrement, se mettrait en contradiction avec ce qui a été jugé au répressif. Cette règle vaut aussi
pour les dégâts matériels.
Pour échapper aux conséquences qui, souvent, se révèlent fâcheuses pour les victimes de
l'infraction, la jurisprudence recourt à d'autres techniques. Il en est ainsi de l'application des
dispositions du code civil sur le fait des choses que l'on a sous sa garde (art. 260, 1 CC L.III).
La jurisprudence congolaise décide que celui qui réclame des dommages-intérêts sur base de la
responsabilité du gardien doit prouver uniquement que le défendeur à l'action avait sous sa
garde une chose atteinte d'un vice, qu'un dommage a été subi par le demandeur et qu'il existe
une relation de causalité entre le vice de la chose et le dommage715. Le fait d'avoir la garde
d'une chose vicieuse entraîne la responsabilité, peu importe qu'en fait l'existence du vice puisse
ou non être imputée à faute du gardien de la chose. La faute est présumée de manière
irréfragable.
La faute ainsi présumée étant différente de la faute délictuelle et quasi-délictuelle des articles
258-259 du CC, livre III, l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne joue pas.
Cette tentative de contourner l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est une mise en
cause de l'unité des fautes civile et pénale, et des auteurs de plus en plus nombreux716 pensent
que pour faire face aux graves problèmes de responsabilité que posent notamment les accidents
de circulation, il faudra séparer les deux fautes. Telle est la solution consacrée notamment par
le droit suisse qui, en son article 53 du code des obligations, reconnaît l'indépendance absolue
de la faute pénale en ce qui concerne les notions de capacité, de discernement, de faute et de
son appréciation, de légitime défense et d'état de nécessité, d'erreur excusable, de dommage et
de sa fixation717.
De même, la loi française n° 96-393 du 13 mai 1996 (art. 470-1 du code de procédure pénale)
autorise le juge pénal à accorder une réparation à la victime partie civile malgré relaxe du
prévenu pour absence de faute718.

714
DEPREZ, Faute pénale et faute civile, in Quelques aspects de l'autonomie du droit pénal, op. cit., p. 179.
715
Léo, 29 oct. 1957, J.T.O., 1958, 91.
716
Voir. PIROVANO, Faute civile et faute pénale, L.G.D.J., Paris, 1966, n° 319 et s., P. BOUZAT, Intervention au
Colloque du XXVè anniversaire de la R.S.C., même Revue, 1962, 279 ; A. CHAVANNE, Les effets du procès engagé
devant le tribunal civil, in R.S.C., 1954, 239 et s. ; HANNEQUART, La responsabilité pénale de l'ingénieur, Ed.
Vaillant-Carmanne, Liège, 1959, p. 314 et s.
717
Voir P. ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, Ed. Ides et Calendes, Neuchâtel, 1973, p. 385.
718
Jean PRADEL, Le défaut de prévoyance en droit pénal français, in R.P.D.C., 1994, 447.
221

§ 3. LES INFRACTIONS DITES MATERIELLES


La question des infractions dites matérielles divise toujours la doctrine et la jurisprudence719.
Il y a lieu de regrouper les différentes opinions sous deux étiquettes : La première qu'on
pourrait appeler traditionnelle ou classique ou encore la théorie de la faute contraventionnelle,
et la seconde, moderne qui exige la faute pénale, même dans les infractions dites matérielles.
A. LA THEORIE CLASSIQUE DE LA FAUTE CONTRAVENTIONNELLE

On enseigne traditionnellement que l'infraction matérielle existe par le seul fait de


l'inobservation du règlement, sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher ni l'intention, ni la faute
du prévenu. L'infraction matérielle réside tout entière dans le fait qui la constitue,
indépendamment de toute faute ou de toute intention délictueuse du prévenu, dès lors que celui-
ci n'a pas agi sous la force majeure.
Le fait matériel se suffit (Res in se culpam habet)720. Le ministère public n'a pas à prouver
l'élément moral.
L'infraction matérielle ainsi définie pose le problème de culpabilité. Comment concilier cette
notion avec le principe «Nullum crimen sine culpa ?».
Pour nombre d'auteurs, dans l'infraction matérielle, la faute est présumée de manière
irréfragable, car elle «ne saurait être mise en échec même par les constatations les plus
formelles des juges du fond, parce qu'elle est nécessairement inhérente à l'acte accompli».
Cette explication ne nous semble pas suffisante au regard de la question posée. Destinée à
affirmer la nécessité de la culpabilité dans toutes les infractions, y compris celles dites
matérielles, elle aboutit en fait à dire que l'agent ne peut s'exonérer par la preuve de l'absence
de faute. Donc, la théorie de la faute présumée ne résout pas le problème de la culpabilité
nécessaire pour toute condamnation pénale.
Pour d'autres auteurs encore, notamment R. LEGROS, il n'est pas nécessaire de recourir à la
théorie de la faute présumée pour établir l'élément moral des infractions matérielles. Il ne peut
être ainsi, dit-il, car l'infraction est en elle-même une faute.
Cette opinion est partagée par MERLE, VITU721 et VIDAL722. Son défaut majeur réside dans ce
constat de F. CHABAS: «La faute, élément subjectif, ne peut se confondre avec un fait
matériel.»723

719
Voir Philippe CONTE et al., op. cit., p. 205.
720
A. LEGAL, La notion d'infraction matérielle, Chronique de jurisprudence, in R.S.C., 1960, 71.
721
Op. cit., I, 1973, n° 515.
722
VIDAL, La conception juridique française de la culpabilité, op. cit. Nations Unies, pp. 54-55.
222

B. LA FAUTE PENALE DANS LES INFRACTIONS DITES MATERIELLES


Il est aujourd'hui de plus en plus affirmé que même les infractions matérielles exigent la faute.
On ne devrait pas condamner quelqu'un s'il prouve ou allègue de manière vraisemblable
l'absence de faute.
Plusieurs éléments nous permettront de démontrer la vanité du concept d'infraction matérielle :
1. L'exposé des motifs au Code belge de 1867 et l'enseignement de HAUS selon lesquels
«un fait purement matériel, un acte qui ne peut être imputé ni au dol ni à la faute de l'auteur, ne
constitue ni crime, ni délit, ni contravention ...»724.
Cette leçon déjà ancienne a été, pendant longtemps, purement et simplement oubliée.
2. Les cours et tribunaux ont maintes fois acquitté du chef d'infractions matérielles pour
absence de faute, celle-ci étant entendue comme l'erreur que n'eut pas commise un homme
prudent et avisé, placé dans les mêmes circonstances de fait que le prévenu725.
3. Les commissions de réforme du code pénal du Canada et de la Belgique préconisent que,
même en matière réglementaire, «nul prévenu ne devrait être condamné s'il établit qu'il a agi
avec diligence raisonnable, qu'il n'a pas été négligent.»726
4. Dans ses conclusions dans l'affaire DAVID, l'avocat général J. du JARDIN s'exprime en
des termes sans équivoque sur la nécessité de l’élément moral pour toute infraction, « ne fût-ce
que la faute »727.
5. Cette tendance vers une faute pénale subjective, exigible dans toute infraction, ira sans
doute croissante. Elle a été confirmée à la quasi-unanimité au XIIè Congrès de l'A.I.D.P. à
Hambourg728.
Finalement, nous pouvons dire que les infractions dites matérielles postulent le même élément
moral que les délits d'imprudence, la culpa (négligence ou imprudence). La seule différence se
situe au niveau de la preuve: alors que pour les délits culpeux le ministère public doit établir
positivement tous les éléments constitutifs de l'infraction, en matière d'infractions dites
matérielles, il se contente de rapporter les faits. Il revient alors au prévenu de prouver ou

723
F. CHABAS, La notion de contravention, in R.S.C., 1969, 25.
724
HAUS, op. cit., I, n° 292.
725 ère
Voir Distr. Kin, 21 juin 1971, R.M.D. 48.038, Kab. rôle 32.949 ;I Inst. Mbuji Mayi, 16 juillet 1974, R.P. 20.
Décisions citées par NYABIRUNGU, op. cit., p. 62.
726
Commission de réforme du droit du Canada, Etudes sur la responsabilité stricte, juin 1974, Ottawa, p. 37.
727 s
Cass. b., 12 mai 1987, R.D.P.C., 1988, 711. Voir Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n° 383-384.
728
Voir J. VERHAEGEN, Analyse des recommandations du Congrès de Hambourg (16-22 sept. 1979) relatives aux
infractions d'imprudence, à leur prévention et au traitement des délinquants, in R.D.P.C., déc. 1979,949.
223

d'alléguer de manière vraisemblable qu'il n'a pas commis de faute. Il y a pratiquement un


renversement de la charge de la preuve.
C. APPRECIATION CRITIQUE
L’exigence de l’élément moral pour toute infraction, même matérielle, participe de la
rénovation du droit pénal qui consacre désormais et de manière absolue le principe de la
responsabilité personnelle.
Certes, ce principe veut d’abord dire qu’on répond individuellement, et non collectivement. Il
veut encore dire qu’on répond de son fait, et non du fait d’autrui. Mais aussi, et probablement
surtout, il veut dire qu’on est responsable parce qu’on est coupable, parce qu’on a agi animé
d’un mauvais esprit, bref, parce qu’on a commis une faute qui se caractérise au moins par la
culpa la plus légère (levissima) et au plus, par la préméditation, en passant par les divers degrés
de l’élément moral que sont, en ordre croissant en gravité, la faute consciente, le dol éventuel,
le dol nécessaire et l’intention proprement dite (recherche du résultat).
§ 4. LES INFRACTIONS DE MISE EN DANGER729

La notion d'infraction de mise en danger prend de plus en plus de l'ampleur dans le droit pénal
contemporain730.
La prééminence de la faute personnelle dans la responsabilité pénale appelle une nouvelle
façon d'incriminer qui prenne en compte le comportement plutôt que le résultat. Et les
infractions de mise en danger s'inscrivent dans cette logique.
A. NOTION
Les délits de mise en danger, les délits - obstacles ou les délits de mise en péril traduisent la
même réalité, désignent les mêmes faits. Ils concernent tous des faits ou des comportements
humains, voire même des manières de vivre que le législateur érige en infractions et punit
sévèrement, en vue de prévenir des atteintes graves à la vie, à l'intégrité physique731, à la
qualité de la vie ou à tout autre bien juridiquement protégé.
Il s'agit donc des actes qui n'ont conduit à aucun résultat, à aucun dommage, mais dont la
commission rend probable la survenance d'un dommage, d'une lésion telle que l'homicide, les
blessures involontaires, les atteintes à la qualité de la vie, etc.

729
Voir, pour plus de développements, notre thèse de doctorat, déjà citée, pp. 274 et s.
730 ème
Voir notamment les travaux préparatoires du X Congrès international de droit pénal (Rome, 1968), in
s
R.I.D.P., 1969, n° 1-2.
731
Voir, ROKOFYLLOS, op. cit., n° 25.
224

B. ELEMENT MORAL DANS LES INFRACTIONS DE MISE EN DANGER


Comme l'a relevé S. C. VERSELE, l'élément moral des infractions de mise en danger consiste
dans l'insensibilité ou l'insouciance sociales, l'état d'immaturité qui se manifeste par une
absence de considération pour l'intégrité, les droits et les biens d'autrui732.

Quatrième partie

LA SANCTION

732
R.I.D.P., 1969, 74.
225

SECTION Ière

NOTIONS PRELIMINAIRES

§1. NOTION DE PEINE

La peine est un mal infligé à titre de punition par le juge à celui qui est reconnu coupable d'une
infraction733.
Ainsi donc, la notion de peine est inséparable de l'idée de souffrance. C'est celle-ci qui permet
de distinguer la peine des autres mesures coercitives734. C'est ainsi qu'elle se distingue de la
simple mesure administrative de la police, qui intervient avant la commission de l'infraction en
vue de la prévenir. De même, elle se distingue de la réparation civile qui résulte de la
condamnation à des dommages-intérêts.
§2. LES FONCTIONS DE LA PEINE
La peine remplit essentiellement cinq fonctions :
- La fonction morale ou retributive ;
- La fonction de prévention individuelle ;
- La fonction de prévention générale ;
- La fonction éliminatrice ;
- La fonction réparatrice.
B. LA FONCTION DE PREVENTION INDIVIDUELLE OU SPECIALE
La peine a pour fonction d'empêcher celui à qui elle est appliquée de recommencer. Elle atteint
ce but soit par l'intimidation pure, soit encore par l'amendement.
I. Intimidation
On espère que le délinquant qui a déjà subi une peine en a pris la mesure. Il connaît les
désagréments qu'elle comporte et doit autant que possible éviter de les subir de nouveau. C'est
la fonction utilitaire au sens benthamien : l'agent doit avoir plus d'intérêt à respecter la loi qu'à
la violer.

733
J. CONSTANT, Traité élémentaire de Droit pénal, II, Imprimeries Nationales, Liège, 1966, p. 615.
734
DONNEDIEU de VABRES, op. cit., n° 464.
226

II. Amendement
La peine peut retenir l'ancien délinquant dans la bonne voie en lui inspirant des attitudes
honnêtes vis-à-vis de la société.
On espère surtout que, par les peines privatives de liberté, on peut soumettre le détenu à un
traitement de resocialisation et de relèvement.
Cette fonction est jusqu'à ce jour considérée comme la plus importante de la peine. Toutefois,
les résultats n'ont pas toujours été à la hauteur des espoirs formulés, compte tenu notamment de
la façon défectueuse dont les établissements pénitentiaires fonctionnent dans de nombreux
pays. Bien plus, le rôle nocif des prisons (surtout celui de courtes peines) est de plus en plus
dénoncé, et leur aménagement a été proposé, lorsque ce n'était purement et simplement leur
suppression.
En tout cas, le doute s'installe quant à la fonction d'amendement de la peine par la prison.
Certains préconisent même le retour pur et simple à la fonction répressive de la peine735.
C. LA FONCTION DE PREVENTION GENERALE
La peine infligée au délinquant constitue un avertissement, une mise en garde adressée à tous
les citoyens qui seraient tentés de l'imiter. Cette fonction de la peine est appelée «intimidation
collective ». C'est en vue de réaliser cette fonction d'intimidation collective que les jugements
sont publiquement rendus ou que, dans certains cas, ils sont publiés.
C'est cette idée de prévention générale qui fait qu'en cas d'augmentation ou de radicalisation de
la criminalité, lorsque des crimes crapuleux ou spectaculaires se commettent avec une tendance
à la répétition, l'opinion publique réclame des châtiments exemplaires, des peines de nature à
décourager toute velléité de commettre des infractions semblables.
D. LA FONCTION ELIMINATRICE
La fonction d'élimination consiste en ce que, par l'exécution de la peine, le délinquant est mis
hors d'état de nuire. La peine qui remplit par excellence ce rôle est la mort.
Mais on peut dire aussi que les peines privatives de liberté comportent une dimension
éliminatrice en ce sens que, pendant leur application, le condamné n'est pas en mesure de
recommencer.
De même, la peine ou la mesure de sûreté consistant à déchoir le délinquant routier de son droit
de conduire, remplit la fonction d'élimination dans ce sens que si elle est effectivement
appliquée, elle a pour conséquence d'exclure le mauvais conducteur de la circulation,
définitivement ou pour un temps.

735
Voir LEJINS, Criminogenèse, in R.S.C., 1979, 497.
227

E. LA FONCTION REPARATRICE

La fonction de réparation consiste à se préoccuper de la victime, que celle-ci soit un particulier


ou une collectivité, afin de réparer le préjudice causé par la commission de l’infraction.
Cette fonction a été longtemps dévalorisée, la réparation ayant toujours été renvoyée au droit
civil, qu’il ne fallait pas confondre avec le droit pénal.
Mais avec la prise en compte toujours plus accrue de la place et du rôle de la victime dans un
procès pénal, la fonction de réparation par la peine « opère aujourd’hui un retour en force »736.
L’intérêt aujourd’hui porté à la victime conduira à mettre au point des mécanismes offrant des
garanties supplémentaires en vue de la réparation du dommage subi, et établissant un lien entre
la sanction de l’auteur de l’infraction et la réparation accordée à la victime737.
F. CONSIDERATIONS GENERALES
D'une manière générale, nous croyons que la prépondérance d'une fonction sur d'autres est une
question de société, d'époque, mais aussi de cas d'espèce, et que toutes devraient être attendues
de la peine à des degrés divers738.
§ 3. LES CARACTERES DE LA PEINE
La peine est régie par quelques principes fondamentaux qui en déterminent les caractères. Il
s'agit de :
- La légalité,
- L'égalité,
- La personnalité et
- La dignité humaine.
A. LA PEINE DOIT ETRE LEGALE
Ce principe, déjà rencontré au niveau des incriminations, est aussi essentiel en matière de
peines. Le juge ne peut prononcer une peine dont la nature et le taux n'ont pas été
préalablement déterminés par la loi. «Nulla poena sine lege». Le souci de légalité fut tel qu'au
XVIIIème siècle, le code pénal révolutionnaire français de 1791 avait institué le système des
peines fixes, ne connaissant ni le minimum ni le maximum, et avait supprimé le droit de grâce.

736
F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Le présent, horizon paradoxal des sanctions réparatrices, in Philosophie du
droit et droit économique, quel dialogue, Paris, Ed. Frison-Roche, 1999, p. 477 et s.
737
Voir Séminaire international sur la protection des victimes d’infractions pénales, Rome, 27-29 mai 1999, in
R.S.C., 2000, 266-268. A suivre sont les travaux du Xe Symposium International de victimologie : « Au delà des
frontières », Montréal, 6-11 août 2000 ; voir son ordre du jour, in R.S.C., 2000, 276.
738
Voir LEJINS, article cité, pp. 506-507.
228

Ces dispositions allaient toutefois être abandonnées par la législation napoléonienne (code
pénal de 1810).

Un autre aspect de la légalité de la peine est que celle-ci est obligatoire, qu'une fois qu'elle est
prévue par la loi, le juge n'est pas libre de la prononcer ou de ne pas la prononcer. Il doit
condamner à cette peine, à moins que la loi ne dispose autrement, de manière expresse. Il en est
ainsi lorsqu'elle prévoit une excuse absolutoire.

B. LA PEINE DOIT ETRE EGALE

L’égalité de la peine est un corollaire de l’égalité des citoyens devant la loi. Ce principe exclut
les privilèges. Tous les congolais sont égaux devant la loi739, et il ne saurait être question pour
le juge d'appliquer aux délinquants des peines différentes en fonction des classes sociales
auxquelles ils appartiennent.
C. LA PEINE DOIT ETRE PERSONNELLE

La peine ne doit frapper que l'auteur même de l'infraction. Nul ne peut être inquiété, poursuivi
ni pris en otage pour des faits reprochés à autrui 740. Ce principe n'alla pas toujours de soi, et
dans l'histoire, on a connu des peines qui étaient destinées à frapper à la fois le délinquant et sa
famille. La responsabilité collective qui, longtemps, a caractérisé le droit traditionnel africain,
contrariait la notion de peine personnelle. Dans l'ancien droit français, pour certains crimes,
notamment ceux de lèse-majesté, la famille du coupable était frappée par la confiscation
générale.
Non seulement la peine doit être personnelle, mais elle doit encore être individuelle, en ce sens
que, lorsque l'infraction a été commise par plusieurs personnes, le juge doit prononcer une
peine pour chacune d'elles. Il ne peut donc être prononcé de peines globales ou collectives.
C'est en application de ce principe que l'article 11 du CP édicte que l'amende est prononcée
individuellement contre chacun des condamnés à raison d'une même infraction.

739
Voir notamment les articles 12 du projet de Constitution de la République Démocratique du Congo : « Tous les
êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit », et l’article 13 du même projet : « Tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».
740
Article 16 du projet de Constitution de la RDC du 10 février 1999.
229

Il ne peut donc exister de responsabilité pénale pour une infraction commise par autrui. On ne
peut prononcer une peine contre l'héritier du coupable, ni même contre le civilement
responsable en vertu de l'article 260 du code civil, livre III.
En droit pénal, on parle de la responsabilité pénale du fait d'autrui, notamment pour
sanctionner des chefs d'entreprise ou des préposés à la place des auteurs matériels de certaines
infractions. Mais, en fait, en tenant compte des principes généraux du droit, la responsabilité ne
saurait être fondée sur des présomptions irréfragables de culpabilité. Il s'agira toujours des
manquements personnels des patrons ou des personnes chargées de la gestion journalière de
l'entreprise, notamment la violation de l'obligation personnelle de veiller à l'accomplissement
des prescrits légaux, ou le manque de diligence de la part des organes ou des préposés dans la
surveillance des travaux exécutés dans l'entreprise.
Enfin, il faut relever le fait que certaines personnes physiques ou morales peuvent être tenues
par la loi de répondre civilement des amendes prononcées contre leurs employés. Il ne s'agira
pas dans ce cas d'une peine, mais simplement d'une garantie de recouvrement des amendes que
le législateur aura prévue en faveur du Trésor.
D. LA PEINE DOIT RESTER RESPECTUEUSE DE LA DIGNITE HUMAINE

La dignité humaine est une des exigences les plus fondamentales de notre temps. Elle est le
fondement et la finalité de la Charte des Nations Unies et de la Déclaration universelle des
Droits de l’homme. Elle est le fondement et la finalité des actions que les institutions, les Etats,
les gouvernements, les organisations non gouvernementales et les individus doivent
entreprendre et conduire.
Aussi, est-il impératif que toute peine soit respectueuse de la dignité humaine.
C'est en vertu des exigences de la dignité humaine que les châtiments corporels, tels que les
coups de fouet, ont été abolis dans la plupart des législations modernes. Ils sont considérés
comme avilissants et constitutifs d'un retour inadmissible à la barbarie ancienne.
De même, la stérilisation et la castration connues par le Régime hitlérien et certains Etats
américains (USA), ont été combattues ou rejetées à cause de l'atteinte irréparable portée à la
dignité humaine.
Enfin, la peine de mort est mise en cause avec un certain succès parce qu'elle est rangée par les
abolitionnistes en première place parmi les peines cruelles et inhumaines.
230

§ 4. NOMENCLATURE DES PEINES

L'article 5 de notre code pénal dispose que les peines applicables aux infractions sont :
- La mort ;
- Les travaux forcés ;
- La servitude pénale ;
- L'amende ;
- La confiscation spéciale ;
- L'obligation de s'éloigner de certains lieux ou d'une certaine région ;
- La résidence imposée dans un lieu déterminé ;
- La mise à la disposition du Gouvernement.
Il existe d'autres peines ou mesures prévues dans des lois particulières ou complémentaires,
telles que la confiscation générale ou la déchéance de certains droits.
Certaines peines figurant dans notre code pénal appellent des observations particulières, compte
tenu de l'évolution de la science pénale et des mœurs de notre temps.

A. LA PEINE DE MORT

I. Notion
Dans les droits anciens, la mort du condamné était accompagnée des supplices inutiles. A titre
d’illustration, nous citerons la France monarchique qui réservait aux crimes atroces, le supplice
de la roue, l’écartèlement à quatre chevaux, le carcan, le pilori, le fouet, la marque, le poing
coupé, la langue coupée ou percée, l’oreille coupée (essorillement), l’enfouissement vif, etc741.
Aujourd'hui, de tels supplices sont inconcevables. La peine de mort est définie comme étant la
simple privation de la vie, ordonnée par le juge et exécutée en vertu d'une décision judiciaire.
II. Domaine d'application
La peine de mort est prévue par de nombreuses dispositions en droit pénal commun congolais.
III. L'exécution
L'exécution de la peine de mort se fait par la pendaison pour les civils, et par les armes pour les
militaires (art. 1er de l’arrêté du Gouverneur Général du 09 avril 1898).

741 ème
Voir notamment W. JEANDIDIER, Droit pénal général, 2 éd., Monchrestien, Paris, 1991, p. 422.
231

Le lieu d'exécution est la localité déterminée par l’officier du ministère public, à l'endroit choisi
par l'autorité administrative (art. 2 du même arrêté).
Pratiquement, l'exécution a lieu dans l'enceinte d'une prison, à moins que, pour des raisons
d'exemplarité et d'intimidation, le Gouvernement décide qu'elle aura lieu publiquement.
IV. Controverse sur la peine de mort
Une vieille controverse divise tous ceux qui, un tant soit peu, se donnent la peine de réfléchir
sur le châtiment suprême.
Ceux qui sont pour le maintien de la peine de mort sont appelés rétentionnistes.
Voici quelques-uns de leurs arguments:
a) La peine de mort est nécessaire à la société pour assurer sa légitime défense contre les
criminels qui la mettent en péril;
b) Elle remplit efficacement la fonction d'élimination, car elle met le délinquant dans
l'impossibilité de s'évader ou de procréer;
c) Elle est intimidante, exemplaire.
Ceux qui la rejettent sont appelés abolitionnistes. Ils développent notamment les arguments
suivants :
a) La justice humaine n'étant pas à l'abri d'une erreur judiciaire, la peine de mort conduirait à
un mal irréparable au préjudice d'un innocent éventuel. «Ce seul risque devrait suffire à
interdire la peine de mort dans tout Etat»742 ;
b) La peine de mort doit être rejetée, car elle est cruelle et inhumaine, et contrarie les
sentiments les plus profonds et les plus nobles de notre civilisation et de notre époque ;
c) La peine de mort n'est ni efficace ni exemplaire. La criminologie a démontré qu'il n'y
avait aucun lien significatif entre l'évolution de la criminalité et la peine de mort. «La peine de
mort ne réduit pas plus le crime que l'abolition ne l'accroît»743.
d) En s'arrogeant le droit de décider que certains individus n'ont plus le droit de vivre, l'Etat
donne un mauvais exemple aux citoyens qui y voient la négation du caractère sacré de la vie et
de son respect absolu744. Quand il menace de la peine capitale et, plus encore, quand il exécute,
« l’Etat se déshumanise et se ravale pour ainsi dire au rang d’un Léviathan diabolique.»745

742
R. BADINTER, France : abolition de la peine de mort. L'expérience française, in Prévention du crime et justice
pénale, Bulletin d'information, n° 11, décembre 1984, pp. 19-22.
743
R. BADINTER, Article déjà cité.
744
R. MERLE et A. VITU, op. cit., n° 508.
745
Eduardo CORREIA, La peine de mort : Réflexions sur la problématique et le sens de son abolition au Portugal,
in R.S.C., 1968, 21.
232

V. Notre position

En tant qu'abolitionniste, nous devons d'abord rencontrer les arguments des rétentionnistes ci-
dessus rappelés, avant de donner notre position au regard des réalités et du contexte congolais.

a) Critique des arguments des rétentionnistes

1. De la légitime défense de la société

Il est certes légitime qu'une société se défende, mais il n'est plus légitime qu'elle le fasse
n'importe comment. S'il faut penser à la défense individuelle, celle-ci n'est légitime que pour
autant que l'individu n'avait aucune possibilité d'en appeler à l'autorité. Ce n'est plus le cas pour
la société qui, elle, dispose de tous les moyens de neutraliser le délinquant sans le tuer, et de
l'empêcher ainsi de nuire de nouveau.
La société qui exerce la répression ne peut avoir le même comportement que les délinquants
qu’elle poursuit : « quand nous combattons les cannibales, nous ne les mangeons pas. »746
2. De la fonction éliminatrice
Cette fonction est d'abord incompatible avec la tendance dominante moderne qui veut que la
peine serve au traitement du délinquant et à sa réinsertion dans la société747. « Nulle créature
humaine n’est perdue à tout jamais et sans espoir.»748
Ensuite, dans la pratique, la peine de mort ne peut pas pleinement assurer la fonction
d'élimination dans la mesure où des délinquants dangereux peuvent être acquittés ou voir leur
peine diminuée, notamment en cas de démence ou d'anormalité749.
En tout état de cause, « s’il ne s’agit que de cela, relève Victor HUGO, la prison perpétuelle
suffirait. A quoi bon la peine de mort ? (…) Pas de bourreau où le geôlier suffit. »750

746 ème
Philippe MALAURIE, Préface à l’ouvrage de Claude LOMBOIS, Droit pénal international, 2 éd., Dalloz, Paris,
1979, VII.
747 ème
Voir M. ANCEL, La peine de mort dans la deuxième moitié du XX siècle, in Revue de la Commission
Internationale de Justice, n° 2, juin, 1964, 41.
748
Eduardo CORREIA, article déjà cité, 31.
749
Voir J. PRADEL, op. cit., n° 516.
750
Victor HUGO, Le dernier jour d’un condamné, Préface, Romans, Tome I, Présentation d’Henri Guillemin, éd. du
Seuil, 1963, p. 210.
233

3. De l'intimidation et de l'exemplarité
La doctrine dominante est d'accord que l'effet intimidant de la peine de mort n'a jamais été
démontré.
Bien plus, des auteurs, juristes, philosophes ou poètes éminents, ont souligné le caractère
vicieux, pernicieux et pervers de la peine de mort et de son exécution, surtout lorsque celle-ci
était publique.
Au 19ème siècle, Victor HUGO, réfutant l’argument fondé sur l’exemplarité, écrivait : « Eh
bien ! nous nions d’abord qu’il y ait exemple. Nous nions que le spectacle des supplices
produise l’effet qu’on attend. Loin d’édifier le peuple, il le démoralise et ruine en lui toute
sensibilité, partant toute vertu. »751
A la fin du même siècle, un criminaliste de renom et de grand mérite, en la personne de J. J.
HAUS, abonde dans le même sens lorsque, après avoir dénoncé le législateur qui croit bien
faire en prévoyant les exécutions publiques, il précise : « Loin d’augmenter l’intimidation des
masses et de leur inspirer l’horreur du crime, les exécutions publiques produisent des effets tout
opposés à ceux que l’on a en vue, et exercent en outre, sur la multitude l’influence la plus
pernicieuse. »752
L’état actuel de la question est donné par le grand criminologue américain d’origine suédoise,
Thorsten SELLIN : «D'une façon générale, les chercheurs n'ont pas trouvé de preuves
permettant d'affirmer que la peine capitale ait un pouvoir dissuasif sur les meurtriers en
puissance»753 ou que son abolition augmente la criminalité grave.
A. KOESTLER, abolitionniste passionné, engagé, déterminé et combatif754, dans ses
«Réflexions sur la potence», rappelle cette statistique anglaise du début du siècle, selon laquelle
sur 250 pendus, 170 d'entre eux avaient assisté dans leur vie, à une ou deux exécutions
capitales755.
L'étude de Thorsten SELLIN756 a permis au Groupe consultatif des Nations Unies pour la
prévention du crime et le traitement des délinquants757 de conclure que «dans les pays où le

751
Op. cit., p. 210.
752
Op. cit., I, n° 82.
753
Thorsten SELLIN, La peine capitale, in Prévention du crime et justice pénale, Bulletin d'information, Nations
Unies, n° 12 et 13, nov. 1987,7.
754
« Je ne pourrai jamais accéder vraiment à la paix intérieure tant que la peine de mort ne sera pas abolie »,
écrit-il dans la préface. Voir aussi Arthur et CYNTHIA KOESTLER, L’étranger du square, Calmann-Lévy, Paris, 1984,
pp. 206-231.
755
Cité par J. PRADEL, op. cit., n° 516.
756
La peine de mort et le meurtre, R.S.C., 1957, 739-764.
757
Genève, du 6 au 16 Août 1968.
234

nombre des assassinats s'accroît, l'abolition de la peine capitale ne semble pas en accélérer
l'accroissement; là où le nombre des assassinats décroît, elle ne paraît pas non plus en ralentir
la décroissance. Lorsque leur nombre est stable, il ne semble pas que l'existence ou l'absence
de la peine capitale exerce une influence quelconque.»758

b) L'abolition et les réalités socio-politiques de notre société


La question que l'on peut se poser est celle de savoir si un Etat comme la République
Démocratique du Congo peut décider aujourd'hui et tout de suite que la peine de mort soit
abolie.
Nous ne le croyons pas, et cela pour deux raisons :
1) L'opinion publique croit encore en la peine de mort en tant que moyen d'expiation et
d'intimidation, surtout en ce qui concerne les infractions d'atteinte à la vie. Elle n'est pas prête à
admettre qu'un assassin puisse ne pas être tué. Déjà, elle trouve d'ailleurs la procédure légale
longue et inutile en cas de meurtre. Cette mentalité doit donc être préparée, informée et
éduquée dans le sens d'un certain humanisme.
2) Notre administration pénitentiaire n'inspire pas une confiance telle que l'on puisse dire
que le délinquant, auteur d'une infraction naguère punie de mort, exécutera complètement la
peine de remplacement. Quel ne serait alors le désarroi des citoyens qui, deux ou cinq ans après
la condamnation du meurtrier, verraient celui-ci se pavaner dans la rue? Leur sentiment serait
que la justice n'est plus rendue, avec, comme conséquence, un retour à la justice privée. Il faut
donc que la marche vers l'abolition de la peine de mort s'accompagne d'une amélioration de la
politique et de l'administration pénitentiaires.
En attendant que la mentalité congolaise s'humanise davantage, et que l'administration
pénitentiaire soit à la hauteur de ces ambitions nouvelles, le seul pas possible sur la voie de
l'abolition consisterait à réduire le nombre de cas qui, aujourd'hui, se chiffrent à dix-sept en
droit pénal commun, en ne maintenant la peine de mort que pour les cas objectivement les plus
graves. Un même effort pourrait être entrepris dans le cadre du droit pénal militaire.
VI. Peine de remplacement
Si la peine de mort doit être un jour abolie dans notre pays, il faut dès maintenant réfléchir sur
la peine de remplacement.

758
Voir M. ANCEL, Annexe à l'article déjà cité, 52 ; E.A. FATTAH, Is capital punishment a unique deterrent ? A
dispassionate review of old and new evidence, Canad. J. Criminol., 23/3 (1981), 291-311.
235

A priori, on penserait à l'emprisonnement à perpétuité. Mais des considérations de défense


sociale suggèrent que la peine à retenir ne soit pas d'une durée telle que le condamné perde tout
espoir de rejoindre la société des hommes libres, du moment que, par son comportement, il aura
cessé d'être un danger pour elle.
En nous référant au droit comparé, il apparaît que les pays ayant aboli la peine de mort l'ont
remplacée par une peine de longue durée. C'est le cas notamment des Etats scandinaves qui
prévoient un emprisonnement dont la durée ne dépasse presque jamais douze à quinze ans.
Par ailleurs, on admet généralement qu'une durée minimum soit fixée en deçà de laquelle le
condamné ne pourra jamais être remis en liberté. Il s'agit là d'une fraction incompressible de la
peine qui permet de mettre la justice à l'abri de toute accusation de laxisme ou de complaisance
à l'égard des personnes les plus dangereuses, et des actes les plus graves.
Le droit chinois assortit la condamnation à la peine de mort d’un sursis de deux ans, temps
d’épreuve pour le condamné qui, s’il s’est entre-temps sincèrement repenti, voit sa sentence
commuée en un emprisonnement perpétuel ou temporaire759.
En droit pénal belge, les infractions anciennement passibles de la peine de mort sont désormais
punies, soit de la réclusion à perpétuité, qui est une peine de droit commun760, soit de la
détention à perpétuité, qui est une peine politique761.
Bien que le nouveau code pénal russe maintienne la peine de mort762, il prévoit néanmoins son
remplacement du fait d’une décision de grâce, par la privation de liberté à perpétuité ou par la
privation de liberté pour la durée de 25 ans (art. 59,3).
B. LES TRAVAUX FORCES
La peine de travaux forcés est d'un an au minimum, et de 20 ans au maximum. Elle a été
introduite dans notre droit en matière de détournement par la loi n° 73-017 du 05 janvier 1973,
au moment où elle était critiquée et rejetée dans d'autres pays763.
Les raisons qui ont justifié l'établissement de cette peine par le législateur sont qu'elle est
intimidante et permet par ailleurs à l'Etat de se procurer de l'argent et des biens par le travail du
condamné.

759
Voir R.I.D.P. 1987.
760
Voir Encyclopédie Dalloz, 1999, V° Détention criminelle.
761
Voir Encyclopédie Dalloz, 1999, V° Réclusion criminelle.
762
La Russie s’est engagée de ne plus appliquer la peine de mort dès qu’elle sera admise au Conseil de l’Europe.
763
En France notamment, l’ordonnance du 4 juin 1960 a unifié les travaux forcés et la réclusion pour donner lieu
à la réclusion criminelle, qui peut être perpétuelle ou temporaire (Voir J. PRADEL, op. cit., n° 529). Cette pénalité
est maintenue par le NCPF, toujours en matière criminelle.
236

A ce propos, l'exposé des motifs est explicite : «... L'institution de la peine de travaux forcés a
été envisagée en vue d'assurer à l'Etat une certaine compensation de la perte qu'il subit à la suite
de l'infraction de détournement.»764
Peut-on dire que ces buts proclamés soient effectivement atteints?
L'effet intimidant de la peine dépend essentiellement de la façon dont elle est organisée.
D'après la loi, un règlement fixé par ordonnance du Président de la République aurait dû
intervenir à cet effet. On l'attend toujours.
Concrètement, la peine de travaux forcés est exécutée dans les mêmes conditions que celle de
servitude pénale. Elle ne peut donc prétendre à une plus grande efficacité préventive. Les
procès initiés en 1982 contre un nombre considérable de fonctionnaires impliqués dans l'affaire
dite de «Débit d'office» en disent long. Quant à la fonction économique des travaux forcés,
nous formulons les mêmes doutes, étant donné l'absence de l'organisation de cette peine.
Par ailleurs, il ne faudrait pas perdre de vue que l'institution des travaux forcés ne constitue pas
une innovation fondamentale en matière de travail pénitentiaire. L’ordonnance n° 344 du 17
septembre 1965 portant régime pénitentiaire dispose bien, dans son article 64, al. 1er: «Le
travail est obligatoire pour les détenus des prisons et des camps de détention».
Ce travail ainsi prescrit s'est-il avéré productif? Les témoignages concordent pour répondre par
la négative. En l'absence de toute organisation, on ne peut rien attendre.
Alors se pose finalement la question de l'intérêt de la peine de travaux forcés dans notre arsenal
pénal. Elle ne présente, à notre avis, aucun avantage. Au contraire, elle a l'inconvénient de
constituer une expression archaïque des fonctions de la peine qui ne se réduiraient qu'à la
répression et à l'infliction du mal pour le mal.
C. LA SERVITUDE PENALE OU LA PRISON
La peine de servitude pénale est réglementée par les articles 7 à 9 de notre code pénal.
Il y a plus au moins deux cent cinquante ans, la prison est entrée dans les législations pénales
comme un remède infaillible au problème de la criminalité. Aujourd'hui, elle n'a plus ce
prestige, et si elle est toujours maintenue, c'est moins pour ses bienfaits que par la difficulté à
lui trouver une peine de remplacement.
Le droit pénal congolais connaît deux sortes de peine de servitude pénale:
- La servitude pénale à perpétuité et
- La servitude pénale à temps.

764
Voir J.O. du 15 fév. 1973, Ed. provisoire, n° 4, p. 26.
237

Cette dernière peut varier entre 1 jour et 20 ans. Elle ne peut en aucun cas dépasser ce seuil,
même en cas de concours matériel d'infractions.
La servitude pénale est encore très utilisée en droit congolais. Outre les nombreux cas où elle
est prévue, seule ou avec d'autres peines, elle remplace la peine de mort en cas d'admission de
circonstances atténuantes, et la peine d'amende à défaut de paiement dans les délais légaux.
Dans ce dernier cas, elle prend le nom de servitude pénale subsidiaire.
Le mode d'exécution de la servitude pénale est fixé par l’ordonnance du 17 septembre 1965
portant organisation du régime pénitentiaire. Cette ordonnance tient compte des exigences
formulées sur le plan international en vue d'améliorer les conditions des détenus. Le principe
actuellement retenu est que «le condamné... n'est pas déchu de tous les droits d'un homme libre
et il jouit de tous les droits, sauf ceux dont il est privé par le jugement de condamnation.»765
En outre, on retiendra particulièrement «les règles minima des Nations Unies pour le traitement
des détenus» acceptées à Genève en 1955766 et dont la première règle est que le condamné a le
droit d'être amendé, reclassé et préparé à l'insertion dans la société des hommes libres. Mais
comme le relève avec pertinence le professeur S. PLAWSKI, «le plus grand malaise de la vie
pénitentiaire, c'est le décalage entre les dispositions de la loi et la réalité.»767
Le manque de personnel qualifié et l'inexistence ou l'insuffisance des infrastructures matérielles
font que la servitude pénale, loin d'assurer le traitement du délinquant, le conduit au désespoir
et à la déchéance768.
Quant aux possibilités de remplacement de la peine d'emprisonnement, plus particulièrement
les courtes peines, les sciences criminelles769 ont imaginé de nombreuses peines et mesures de
substitution, dont nous relevons celles qui ont les faveurs des législations modernes. Il s'agit
notamment :

765
S. PLAWSKI, Les Droits de l'homme dans le procès pénal, in R.I.D.P. 1978, n° 486.
766
Adoptées par le Premier Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants, les Règles minima ont été approuvées par le Conseil Economique et Social, Rés. 663 C(XXIV) du 31
juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Voir aussi Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus et
dispositions visant à assurer l'application effective de l'ensemble de règles, Nations Unies, Département de
l'Information, New York, 1985, 16 p.
767
Op. cit., 491.
768
On se référera avec intérêt au reportage du journal «Le Potentiel» reproduit en fin de la partie, et qui
concerne la prison Centrale de Makala à Kinshasa. Il est toujours actuel. Voir aussi l'article «Une journée à
Makala», paru dans la Tribune des Libertés, n° 39, 1993, 15-16.
769 ème
Voir notamment texte des résolutions du XII Congrès international de droit pénal (Hambourg), in R.S.C.,
1980,253 ; J. CONSTANT, Les mesures prévues par le législateur belge en remplacement des courtes et moyennes
peines privatives de liberté, in Revue de la Gendarmerie, n° 66,4-1976, p. 36.
238

- De l'extension du champ d'application de l'amende770. C'est ainsi que nombre de codes


pénaux, tels que le CP allemand de 1975 et, dans une certaine mesure, le NCPF entré en
vigueur le 1er mars 1994, renoncent à l'emprisonnement en matière correctionnelle (délits) en
le remplaçant notamment par l'amende ;
- Du sursis et de la probation ;
- Du régime de semi-liberté, entendu comme une forme de mise en liberté sous conditions,
en vertu de laquelle le détenu est tenu de retourner en prison de temps à autre ou après une
période déterminée ;
- Des travaux d'intérêt communautaire. On peut citer à titre d’exemple l’article 131-3 du
NCPF qui prévoit le travail d’intérêt général ;
- De la suspension du permis de conduire771 ;
- De la simple déclaration de culpabilité, de l'avertissement772 ou de l'exemption de la peine
qui exclut, contrairement au sursis par exemple, la condamnation à une peine773;
- De la dispense des poursuites et des peines, lorsque l'auteur de l'infraction est atteint dans
sa personne ou celle de ses proches774. La peine infligée dans ce cas paraîtrait à la fois inutile
et inhumaine ;
- De la procédure administrative qui implique d'abord la décrimi-nalisation de nombreux
actes qui, jusque-là, dépendaient du droit pénal ;
- Du placement sous surveillance électronique ;
- Du suivi socio-judiciaire775,
- Du consensualisme, « principe en vertu duquel magistrats de l’ordre répressif et parties
privées, délinquant ou victime, conviennent d’exclure l’application des règles juridiques
normalement applicables »776.
La médiation, la palabre africaine, l’ombudsmen font partie de différentes techniques du
consensualisme.

770
Mohamed ALI HASSAN, L'amende pénale dans les droits modernes et spécialement dans le code pénal suisse,
L.G.D.J., Paris, 1959, p. 36 et s.
771
Voir la loi française du 11 juillet 1975.
772
J. VERHAEGEN, L'incrimination de l'imprudence en droit pénal belge, Rapport au XIIè Congrès international de
Droit pénal, p. 13.
773
Loi française du 11 juillet 1975.
774
Résolution (75) 24 du Conseil de l'Europe ; Article 60,CP allemand de 1975.
775
Voir J. LARGUIER, Criminologie et science pénitentiaire, Mementos, Droit privé, 8è éd. Paris, 1999.
776
J. PRADEL cité par Jean-Paul EKEU, Consensualisme et poursuite en droit pénal comparé, Cujas, Paris, 1993,
recensé par Bernard MICHEL, in R.D.P.C., 1994, 770.
239

D. L'AMENDE
La peine d'amende consiste en une somme d'argent que le condamné a l'obligation de verser au
Trésor public à titre de sanction. L'article 10 du code pénal dispose que l'amende est de 1 Fc au
moins. Elle est perçue au profit de l'Etat.
L'amende présente des avantages qui en font la sanction qui paraît aux yeux des criminalistes et
des criminologues, comme la plus appropriée pour la plupart des infractions :
1) Contrairement à la servitude pénale ou aux travaux forcés, elle ne perturbe pas
profondément ni la famille ni la profession du condamné;
2) Elle soustrait l'agent à la promiscuité de la prison;
3) L'amende est toujours intimidante, contrairement à la peine privative de liberté à laquelle
on finit souvent par s'habituer ;
4) L'amende offre des possibilités plus grandes d'individualisation de la sanction et
d'adaptation à la gravité objective du fait. Cependant, pour qu'elle atteigne le maximum de son
efficacité, on devrait résoudre deux problèmes: son adaptation à la fortune du condamné et son
recouvrement.
E. LA CONFISCATION GENERALE

I. Textes
En dehors de la confiscation spéciale prévue par l'article 14 du code pénal et qui porte
uniquement sur les choses ayant un rapport avec l'infraction, le droit pénal commun connaissait
la confiscation générale jusqu'à une période récente. Elle était prévue par l'article 2 de la loi n°
73-017 du 5 janvier 1973 modifiant et complétant la section II du Livre I ainsi que les sections
VI et VII du livre II du code pénal.
En condamnant l'auteur du détournement des deniers publics aux travaux forcés, disait la loi, le
juge devait prononcer en outre la confiscation de tous les biens du coupable.
De même, l’ordonnance-loi n° 71-081 du 02 septembre 1971 sur le vol des substances
précieuses, prévoyait la confiscation générale.
Ces deux textes ont été modifiés successivement par les ordonnances-lois n° 86-029 et n° 86-
030 du 04 avril 1986: la confiscation générale est supprimée.
Elle ne subsiste finalement que dans le Code de justice militaire où elle est prévue comme
peine complémentaire, notamment en cas de trahison (art. 431) et de détournement des deniers
(art. 441 et 443).
240

II. Critique de la confiscation générale


Les arguments avancés généralement en faveur de cette peine sont que, d'une part, elle permet
de décourager les délinquants endurcis et que, d'autre part, elle permet à l'Etat de récupérer le
montant détourné.
Mais en fait, l'examen des conséquences de cette peine en révèle le caractère injuste et
inhumain.
La plus grande critique est que la confiscation générale porte atteinte au principe de la
personnalité de la peine. Elle frappe non seulement le coupable, mais aussi les membres de la
famille qui sont pourtant innocents.
On a parfois rejeté cette critique en prétendant que toute peine, et particulièrement l'amende,
rejaillissait sur la famille du condamné. Cette observation ne peut être retenue face à l'ampleur
du drame que subit la famille du coupable qui se voit condamnée à la misère pour longtemps,
lorsque ce n'est pas pour toujours. Face à «cette institution assez peu recommandable»777, il n'y
a pas d'autres solutions que sa suppression. On ne peut donc qu'être heureux de l'évolution
récente du droit positif congolais.
§ 5. CLASSIFICATION DES SANCTIONS
Il faut distinguer la peine de la mesure de sûreté, la peine principale, la peine accessoire et la
peine complémentaire et, enfin rendre compte de la classification des sanctions d'après le mal
infligé.
A. PEINE ET MESURE DE SURETE
Le législateur congolais ne fait pratiquement pas de distinction entre ces deux notions, et ne fait
pas une place à part aux mesures de sûreté.
Cependant, celles-ci existent bel et bien dans notre droit, même si elles n'en portent pas
toujours le nom.
Alors que la peine est une sanction infligée à titre de punition, la mesure de sûreté est une
mesure individuelle coercitive, sans coloration morale, imposée à un individu dangereux pour
l'ordre social afin de prévenir les infractions que son état rend probables778.
Les mesures de sûreté ont des traits et des objectifs variés. Certaines sont éducatives. Tel est le
cas des mesures de préservation, de garde ou d'éducation prévues en matière de protection de la
jeunesse.

777
MERLE et VITU, op. cit., n° 562.
778
STEFANI et LEVASSEUR, op. cit., n° 346.
241

D'autres sont curatives. Il en est ainsi de l'internement des anormaux prévu par certaines
législations, ou du traitement des alcooliques et des toxicomanes.
D'autres sont préventives et visent à mettre le délinquant dangereux dans l'impossibilité de
commettre des infractions. Rentrent dans cette catégorie la fermeture d'établissement,
l'interdiction d'exercer une profession, etc.
D'autres sont enfin éliminatrices ou neutralisantes. Il en est ainsi de l'interdiction de séjour, de
l'éloignement de certains lieux, de l'expulsion des étrangers du territoire national, de la
déchéance du droit de conduire, de la mise à la disposition du Gouvernement, etc.
Les mesures de sûreté doivent répondre rigoureusement aux principes de légalité, d'égalité, de
personnalité et de dignité humaine.
Le législateur congolais utilise le mot «peine» même pour désigner des sanctions qui, à
l'évidence, sont des mesures de sûreté. Il en est ainsi à l'article 5 où figurent parmi les peines
applicables aux infractions :
«5- L'obligation de s'éloigner de certains lieux ou d'une certaine région;
6- La résidence imposée dans un lieu déterminé ;
7- La mise à la disposition du gouvernement .»779
B. PEINE PRINCIPALE, PEINE COMPLEMENTAIRE ET PEINE ACCESSOIRE
Ici encore, il s'agit des notions à propos desquelles la législation et la doctrine congolaises sont
hésitantes, voire contradictoires.
Seule la peine principale ne pose pas de problème. Elle a une existence par elle-même, et
fonctionne comme instrument direct de pénalité780.
Pour chaque infraction, il est prévu une ou plusieurs peines principales. Elles doivent être
expressément prononcées par le juge.
Les peines complémentaires s'ajoutent à la peine principale. Elles doivent être expressément
prononcées par le juge. Lorsque la loi impose à celui-ci de les prononcer, elles sont dites peines
complémentaires obligatoires, et lorsqu'elle lui en donne la faculté, elles sont dites facultatives.
Quoiqu'elles soient obligatoires, si le juge, pour une raison ou une autre, a oublié de les
prononcer, elles ne seront pas appliquées781.
Dans le droit positif congolais, nous pouvons considérer comme peines complémentaires
obligatoires la confiscation spéciale prévue à l'article 14 du code pénal, ainsi que celle prévue

779
Voir aussi LIKULIA BOLONGO qui les considère comme des mesures de sûreté. Droit et Science pénitentiaire,
PUZ., 1981, p. 43.
780
A. PRINS, Science pénale et Droit positif, n° 824.
781
BOUZAT et PINATEL, op. cit., I, n° 347.
242

par la loi n° 73-017 du 05 janvier 1973 en matière de concussion et de corruption («Le juge
prononcera en outre ..., le coupable de la corruption active ou passive sera en outre condamné
à ...»), la confiscation générale dans le Code de justice militaire, les interdictions introduites
dans notre droit par la loi n° 73-017 du 05 janvier 1973 en cas de condamnation pour
détournement, concussion et corruption (art. 145 à 149 bis du code pénal), la déchéance de la
puissance paternelle prévue par l'article 174, etc.
Par contre, constituent des peines complémentaires facultatives celles prévues par l'article 14b
du code pénal, à savoir l'obligation de s'éloigner de certains lieux ou d'une certaine région, ou
celle de résider dans un lieu déterminé pendant une durée maximum d'un an. Il en est de même
de la mise à la disposition du Gouvernement prévue par l'article 14d du CP.
C. CLASSIFICATION DES PEINES D'APRES LE MAL INFLIGE
Sur base du mal infligé au délinquant, on distingue:
I. Les peines corporelles
Notre droit ne connaît à ce titre que la peine de mort.
II. Les peines privatives de liberté
Il faut mentionner ici la servitude pénale et les travaux forcés.
III. Les peines restrictives de liberté
Elles consistent en des sanctions qui, sans conduire à l'emprisonnement du délinquant,
restreignent néanmoins sa liberté d'aller et venir. Tel est le cas des sanctions prévues aux
articles 14 alinéas a, b, et c du code pénal.
IV. Les peines privatives de patrimoine
Il s'agit, dans notre droit, de l'amende et de la confiscation, qu'elle soit générale (code de justice
militaire) ou spéciale.
V. Les peines privatives ou restrictives des droits
Rentrent dans cette catégorie :
- L'interdiction du droit de vote et d'éligibilité782,
- L'interdiction d'accès aux fonctions publiques et para-étatiques,
- La privation du droit à la condamnation et à la libération conditionnelles et à la
réhabilitation,
- L'expulsion définitive du territoire de la République783.

782
Voir art. 220 du CP (trahison...) et la loi n° 73-017 du 05/001/1973.
783
Toutes ces mesures sont portées par la loi n° 73-017 du 05 janvier 1973.
243

SECTION II

CIRCONSTANCES QUI FONT VARIER LA PEINE

Dès qu'il a constaté l'existence de l'infraction dans tous ses éléments constitutifs, qu'il s'est
assuré de l'identité de l'agent et qu'il est convaincu de sa culpabilité, le juge n'est pas encore au
bout de ses peines. Encore doit-il déterminer la sanction la plus appropriée, compte tenu de
l'acte et du délinquant. Il le fera tantôt dans le sens de l'indulgence, tantôt dans celui de la
sévérité, selon toutes les circonstances qui ont entouré le cas d'espèce.
Le législateur a mis à cet effet un certain nombre de moyens à la disposition du juge :
- Le texte incriminateur prévoit souvent un minimum et un maximum entre lesquels le juge
peut se mouvoir ;
- Le texte peut aussi prévoir une option entre des peines diverses ou, au contraire, leur
cumul ;
- La loi permet même de descendre en dessous du minimum si l'agent bénéficie des
circonstances atténuantes ou d'une excuse atténuante ;
- Par l'excuse absolutoire, l'agent est dispensé de toute peine;
- Enfin, il existe des possibilités légales d'aggraver le sort du délinquant, soit que son
attitude révèle une perversité particulière, soit que son acte est objectivement grave.
Nous allons examiner tous ces aspects dans trois paragraphes :
1. Les causes d'atténuation ou d'exemption de la peine;
2. Les circonstances aggravantes ;
3. La récidive.
§ 1. LES CAUSES D'ATTENUATION OU D'EXEMPTION DE LA PEINE
Nous étudierons d'une part, les circonstances atténuantes et, de l'autre, les excuses légales.
A. LES CIRCONSTANCES ATTENUANTES
Les circonstances atténuantes sont réglementées par les articles 18 et 19 du code pénal
congolais. Il s'agit des particularités qui accompagnent la commission de l'infraction, et dont le
juge a la faculté de tenir compte pour atténuer la peine au point de descendre en dessous du
minimum légal, jusqu'à un jour de servitude pénale ou à un Franc congolais d'amende.
Les circonstances qui peuvent être considérées comme atténuantes sont indéfinies. Ce peut être
le peu de gravité de l'infraction, le faible préjudice causé, le jeune âge du délinquant, l'ivresse,
même fautive, la tentative, le caractère fruste, la victime peu intéressante, le repentir actif, la
244

réparation du préjudice, l'erreur fautive, la contrainte résistible, une riposte disproportionnée,


l'absence d'antécédents judiciaires, etc.
Le juge apprécie les circonstances atténuantes souverainement. Il peut les retenir ou les rejeter.
Le juge d'appel n'est pas tenu de retenir les circonstances atténuantes invoquées par le ministère
public, ces circonstances étant, par nature, facultatives en droit pénal congolais784.
Le juge n'est soumis qu'aux obligations suivantes :
- Il ne peut accorder les circonstances atténuantes sans les motiver. La motivation consiste
à se référer à l'article 18 du code pénal et à invoquer et citer les circonstances auxquelles il
entend reconnaître l'effet atténuant (art. 19) ;
- Il ne peut retenir que les circonstances rationnellement admissibles.
Les circonstances atténuantes sont personnelles. En cas de participation criminelle, elles
peuvent être retenues en faveur des uns, et refusées aux autres.
Dans un même jugement, il peut être parfaitement tenu compte à la fois des circonstances
atténuantes et des circonstances aggravantes.
La loi définit quelques modalités d'application (art. 19 du code pénal) :
- La peine de mort pourra être remplacée par la servitude pénale à perpétuité ou par une
servitude pénale à temps dont la durée est déterminée par le juge ;
- Les peines de servitude pénale et d'amende pourront être réduites dans la mesure
déterminée par le juge.
Concrètement, l'application de ces règles peut conduire à ce qu'une infraction punissable de la
peine de mort soit en fait punie même d'un jour de servitude pénale avec sursis. On comprend
que cette législation n'ait pas été à l'abri de toute critique. C'est ainsi que Mr SOHIER a pu
écrire que le «législateur a cherché une solution simple et neuve... mais la recherche de la
simplicité et de la facilité a des limites qu'il ne faut pas franchir.»785
La peine de travaux forcés peut être réduite en vertu des circonstances atténuantes, étant donné
que la loi ne les a pas clairement et expressément écartées. Bien plus, l’ordonnance devant
organiser les travaux forcés n'ayant jamais été prise, ceux-ci se confondent pratiquement avec
la servitude pénale, et peuvent, en conséquence, être réduits jusqu'à un jour786.

784
C.S.J., 29 juillet 1980, R.P. 360/361, en cause ALI ADJA. MAY c/M.P. et LUSAKIVANA et KUSITEKA, cité par
KATUALA, loc. cit.
785
Cité par PIRON et DEVOS, Codes et Lois du Congo Belge, I, p. 314.
786
Dans le même sens, NSAMPOLU IYELA, Les circonstances atténuantes et le détournement des deniers publics
ou privés, prévu et sanctionné par l'article 145 du code pénal, in R.J.Z., 1979, 27-31.
245

Enfin, il faut préciser que les circonstances atténuantes ne s'appliquent pas aux peines
complémentaires.
B. LES EXCUSES LEGALES
Les excuses légales sont des circonstances spécialement définies par la loi, et qui ont pour effet
d'exempter de la peine ou de l'atténuer. Les excuses légales s'imposent au juge. Celui-ci doit
exempter de la peine ou l'atténuer si la loi le prévoit ainsi.
De leur définition, il apparaît que les excuses légales sont de deux sortes :
- Les excuses absolutoires et
- Les excuses atténuantes.
I. Les excuses absolutoires
Par l'excuse absolutoire, l'agent est exempté de la peine. Cette institution est fondée sur des
considérations de politique criminelle, d'opportunité et d'utilité sociale.
Le droit pénal congolais connaît quelques dispositions qui prévoient l'excuse absolutoire. Celle-
ci peut résulter de la dénonciation, de la soumission, de la réparation du préjudice, etc.
A ces excuses absolutoires de droit congolais, nous pouvons ajouter la parenté ou l’alliance
qu’on retrouve en droit comparé, notamment en droit belge.
a) Dénonciation
L'article 150 i du CP dispose :
«Seront exemptés de la peine portée par l'article précédent ceux qui auront fait
connaître l'auteur ou l'imprimeur ; les crieurs, afficheurs, vendeurs ou distributeurs
qui auront fait connaître la personne de laquelle ils tiennent l'écrit incriminé».
L'article 218 dispose :
«Sera exempté de la peine encourue celui qui, avant toute exécution ou tentative
d'une infraction contre la sûreté de l'Etat, en donnera le premier connaissance aux
autorités administratives ou judiciaires.
L'exemption de la peine sera seulement facultative si la dénonciation intervient
après la consommation ou la tentative de l'infraction, mais avant l'ouverture des
poursuites.
L'exemption de la peine sera également facultative à l'égard du coupable qui, après
l'ouverture des poursuites, procurera l'arrestation des auteurs et complices de la
même infraction, ou d'autres infractions de même nature ou de même gravité».
246

Dans la pensée du législateur, la prime à la dénonciation permet d'éviter la commission des


infractions particulièrement graves pour l'ordre public et, lorsqu'elles sont déjà consommées, en
facilite la poursuite et la répression.
La doctrine est critique vis-à-vis de ce «procédé peu élégant.»787.
b) Soumission
La prime à la soumission est prévue à l'article 205 du code pénal qui dispose :
«Il ne sera prononcé aucune peine, pour le fait de sédition, contre ceux qui, ayant
fait partie d'une bande armée sans y exercer aucun commandement et sans y
remplir aucun emploi ni fonction, se seront retirés au premier avertissement des
autorités civiles ou militaires, ou même depuis, lorsqu'ils auront été saisis hors des
lieux de la réunion séditieuse, sans opposer de résistance et sans armes».
Le but du législateur est d'apaiser les troubles et les émeutes. Les membres des bandes armées
peuvent effectivement avoir intérêt à se soumettre plutôt qu'à résister avec la conséquence qu'en
cas de défaite, la loi leur sera appliquée dans toute sa rigueur.
c) Réparation du préjudice
On peut rapprocher avec les excuses absolutoires la cause d'exonération retenue par l'article
102 bis du code pénal relatif à la grivèlerie : «Les infractions prévues à l'alinéa précédent ne
pourront être poursuivies que sur la plainte de la partie lésée. Le paiement du prix et des frais
de justice avancés par la partie plaignante ou le désistement de celle-ci éteindra l'action
publique».
Rigoureusement parlant, nous ne pensons pas que cette disposition crée une excuse absolutoire,
comme l'écrit le professeur E. LAMY788. En effet, l'excuse absolutoire implique que le procès
pénal poursuive son cours jusqu'à ce que le juge prononce d'abord le jugement de
condamnation et accorde, enfin, l'absolution. Tandis que le cas prévu par l'article 102 bis du
code pénal permet de constater l'extinction de l'action publique à tous les stades de la
procédure. Il s'agit d'une fin de non-recevoir. Le ministère public, constatant que le paiement du
prix et des frais de justice a été effectué, doit renoncer à poursuivre. Et si l'action publique
arrivait jusqu'au juge, celui-ci doit la déclarer irrecevable.

787
J. VERHAEGEN, Cours de Droit pénal, Syllabus, Lovanium, 1969, p. 81.
788
Cours, op. cit., p. 292.
247

d) La parenté ou l’alliance
L’article 462 du Code pénal belge prévoit ce qu’on appelle la circonstance absolutoire fondée
sur la parenté ou l’alliance, et qui s’applique aux vols commis entre époux, entre ascendants ou
descendants.
L’interprétation actuellement donnée à cette disposition est que la volonté du législateur a été
d’affranchir de la rigueur des poursuites, toute espèce de fraude, toute atteinte à la propriété qui
peuvent se commettre entre époux, entre ascendants ou descendants.
C’est ainsi que bénéficient de cette circonstance absolutoire les auteurs de vol, d’escroquerie,
d’extorsion et d’abus de confiance.
Le fait de se procurer un avantage patrimonial frauduleux au moyen d’une manipulation de
données (informatiques), a été assimilé au vol, et en conséquence, son auteur bénéficie de la
même circonstance absolutoire789.
Cette disposition nous semble intéressante dans la mesure où elle est susceptible de concourir à
la pacification de la famille. Bien plus, étant du domaine du droit favorable, elle pourrait être
retenue devant nos cours et tribunaux à titre d’un principe général de droit.
II. Les excuses atténuantes
Le législateur peut créer une excuse atténuante à partir du fait que le trouble social est moindre.
C'est ainsi que constitue une excuse atténuante de l'infraction d'attentat contre la vie ou la
personne du Chef de l’Etat (art. 193 al. 1), le fait que cet attentat n'a pas eu des suites graves
(art. 193 al. 2).
De même, l’ordonnance-loi n° 68-195 du 03 mai 1968 sur les chèques sans provision crée une
excuse atténuante en faveur du tireur de chèque qui aura désintéressé le porteur avant que le
Tribunal ait été saisi. Dans ce cas, «la peine applicable ne dépassera pas le quart du maximum
de la servitude pénale et de l'amende prévues...» (art. 3).
§ 2. LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES
A. DEFINITION
Les circonstances aggravantes sont des éléments prévus par la loi qui, ajoutés à l'infraction
simple, en aggravent la peine. Elles jouent un rôle systématiquement opposé à celui des
excuses atténuantes. Dès qu'elles sont constatées, elles obligent le juge à dépasser le maximum
de la peine prévue pour l'infraction à l'état simple.
De la définition donnée, nous devons déduire que :

789 ème
Brux., (12 ch.), 12 février; 2004, R.D.P.C., 2004, 748.
248

1. Les circonstances aggravantes sont légales, et tout autre élément que la loi n'a pas ainsi
défini ne peut constituer qu'une circonstance aggravante judiciaire. Dans ce cas, le juge peut en
tenir compte jusqu'à porter la peine à son maximum, mais jamais au-delà.
2. Il n'y a pas de circonstance aggravante s'il n'existe pas d'infraction à l'état simple.
Ainsi, le même élément peut constituer une circonstance aggravante dans telle disposition, alors
qu'il est constitutif de l'infraction dans telle autre. Par exemple, l’élément «avec violences ou
menaces» aggrave le vol (art. 82) mais est un élément constitutif de l'extorsion (art. 84). La
qualité de fonctionnaire aggrave le faux en écritures (art. 125), mais devient un élément
constitutif de l'infraction prévue à l'article 180 du code pénal. La torture et la torture mortelle
aggravent l'enlèvement, l'arrestation et la détention arbitraires (art. 67 al. 2), mais peuvent être
un élément constituant les articles 44 et 45 qui prévoient le meurtre et l'assassinat.
3. Il n'y a pas de circonstance aggravante s'il n'y a pas aggravation légale de la peine.
Ainsi, bien que l'assassinat implique que l'élément «préméditation» s'ajoute au meurtre, on ne
peut considérer cet élément comme aggravant parce que ces deux infractions sont punies de la
même peine (peine de mort) par notre code pénal.
B. LES ELEMENTS FORMANT LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES
Les causes d'aggravation sont multiples. On peut toutefois, à la lecture du code pénal, tenter
leur regroupement par catégorie790 :
1. Circonstances de temps, de lieu
L'article 81, alinéa 2 aggrave le vol simple en y ajoutant les éléments «la nuit» et «une maison
habitée».
2. Qualité du sujet
La qualité d'agent des postes (art. 71, al. 2) aggrave l'infraction de violation du secret des lettres
(art. 71, al. 1er).
La qualité de père ou mère (art. 174) aggrave les infractions d'attentat aux mœurs prévues par
les articles 173 du code pénal.
La qualité de préposé à la conduite ou la garde des détenus (art. 162) aggrave l'infraction d'aide
à l'évasion des détenus (art. 161), etc.
3. Qualité de la victime
L'âge de la victime (notamment l'enfant âgé de moins de 10 ans accomplis dont il est question à
l'article 173 du CP) aggrave l'attentat aux mœurs prévu et puni par l'article 172.

790
Voir J. VERHAEGEN, Cours de Droit pénal, op. cit., p. 56.
249

Il en est de même de l'article 168 in fine qui aggrave l'infraction prévue au début de la même
disposition.
4. L'objet du délit
Le fait que la lettre ou l'envoi violé était recommandé ou assuré ou s'il renfermait des valeurs
réalisables (art. 71 in fine) aggrave l'infraction de violation du secret des lettres (art. 71).
Le meurtre commis pour faciliter le vol ou l'extorsion (art. 85) aggrave ces deux infractions
(art. 80 et 84 du code pénal).
Les violences ou les menaces (art. 82) aggravent l'infraction de vol (art. 80).
5. Conséquences incriminées
La mort non voulue (art. 48) aggrave les coups et blessures volontaires prévus par l'article 46
du code pénal.
Donner la mort au cours d'un duel (art. 66) constitue une aggravation du duel prévu et puni par
l'article 65 du code pénal.
Les tortures mortelles (art. 67, al. 2) aggravent l'enlèvement, l'arrestation et la détention
arbitraires prévus par l'article 67, alinéa 1er.
6. L'élément moral
La préméditation est une cause d'aggravation des coups et blessures volontaires (art. 46, al. 2).
Le concert préalable aggrave l'infraction de rébellion (art. 135 du code pénal).
C. DISTINCTION ENTRE CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ET ELEMENTS
CONSTITUTIFS
La doctrine reconnaît la difficulté qu'il peut y avoir à distinguer les uns des autres791.
Les éléments constitutifs sont ceux sans lesquels l'infraction n'existe pas. Ainsi, en matière de
meurtre, sans l'intention de tuer, l'infraction ne peut exister. En matière de vol, l'intention de
soustraire frauduleusement la chose d'autrui est nécessaire à l'existence de cette infraction.
Tandis que les circonstances aggravantes sont des éléments accessoires de l'infraction. Elles
aggravent leur caractère d'infraction. «On peut détacher ces circonstances de l'infraction
qu'elles accompagnent sans changer la nature intrinsèque de cette infraction.»792
L'escalade, l'effraction, les violences. aggravent le vol. Mais leur absence ne supprime pas le
vol. Celui-ci reste constitué dans ses éléments essentiels, et donc punissable.

791
J. CONSTANT, op. cit., II, n° 902 ; BOUZAT et PINATEL, op. cit., n° 657.
792
Loc. cit.
250

D. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES REELLES ET CIRCONSTANCES


AGGRAVANTES PERSONELLES
Les circonstances aggravantes réelles sont relatives à l'élément matériel de l'infraction.
L'effraction, l'escalade, l'emploi des fausses clés... sont des circonstances aggravantes réelles.
Les circonstances aggravantes personnelles ou subjectives sont relatives à l'agent. Il peut
notamment s'agir de la qualité du sujet (fonctionnaire, domestique, père ou mère...), de
l'élément moral, tel que la préméditation.
Cette distinction offre beaucoup d'intérêt en matière de participation. Les circonstances
aggravantes personnelles ne s'appliquent qu'à la personne chez qui elles sont rencontrées.
Tandis que pour les tenants de la théorie de la criminalité d'emprunt, les circonstances
aggravantes réelles se communiquent à tous les participants.
§ 3. LA RECIDIVE
A. NOTION
Bien que la récidive ne soit pas définie par la loi, la doctrine enseigne qu'il s'agit de la rechute
dans l'infraction selon les conditions légalement déterminées, et après une ou plusieurs
condamnations coulées en force de chose jugée793. Cette rechute doit se produire dans un délai
déterminé794.
La récidive constitue un problème pénal important puisqu'elle démontre que les sanctions
jusque-là prises à l'égard du délinquant n'ont pas été efficaces.
Les théories de l'Ecole classique ont toujours vu dans la réitération de l'infraction une
circonstance qui justifierait l'aggravation de la peine. «Si cette première peine n'a pas réussi à
corriger le délinquant, il en résulte qu'elle était insuffisante.»795
Mais les statistiques ont révélé que l'aggravation de la peine n'avait pas l'effet escompté, et que
la courbe de la récidive était ascendante796. L'échec de l'Ecole classique était ainsi démontré.
Ce sont les positivistes qui ont mis en lumière que le récidiviste ne devait pas être plus
sévèrement puni, mais plutôt autrement traité. A la place des peines, ils ont préconisé des
mesures de sûreté «adaptées au caractère, à la constitution physique et aux possibilités
physiques des récidivistes, en un mot, à leur personnalité.»797

793
Voir E. LAMY, cours, op. cit., p. 466.
794
Marie Hélène RENAUT, Une technique juridique appliquée à un problème de société, la récidive. De la notion
de Consuetudo delinquendi au concept de dangerosité, in R.S.C., 2000, 319.
795
J. CONSTANT, op. cit., I, n° 910.
796
Loc. cit.
797
Loc. cit.
251

Le décret du 08 août 1959 (art. 14 et s. du code pénal) est une tentative de répondre à ces
exigences. Il distingue notamment le récidiviste et le délinquant d'habitude. Mais en fait, ces
deux types de délinquant posent le même problème et relèvent tous du phénomène de la
réitération de l'infraction, de la rechute dans l'infraction.

SECTION III. CAUSES DE SUSPENSION DE LA PEINE

En vue de réaliser sa politique criminelle, le législateur a prévu certaines institutions dont le but
est de permettre une exécution des peines plus individualisée, mieux orientée vers
l'amendement et la resocialisation du délinquant. Il en est notamment ainsi de la condamnation
et de la libération conditionnelles.
§ 1. LA CONDAMNATION CONDITIONNELLE OU LE SURSIS
La condamnation conditionnelle est réglementée par l'article 42 du code pénal. Son origine
remonte à la loi belge du 31 mai 1888, dite «Loi LE JEUNE».
A. DEFINITION
Le sursis est une mesure de dispense de l'exécution de la servitude pénale, que le juge a la
faculté d'accorder pour réduire les inconvénients inhérents aux courtes peines de prison, et
stimuler ainsi l'amendement du délinquant pendant une durée d'épreuve qui ne dépassera pas
cinq ans.
Il faut relever l'impropriété de l'expression «condamnation conditionnelle» pour désigner
l'institution. En effet, il ne s'agit pas d'une condamnation conditionnelle, car celle-ci est bel et
bien prononcée. Ce qui est par contre conditionnelle, c'est l'exécution de la peine.

B. CONDITIONS D'OCTROI

L'octroi du sursis est soumis à deux conditions :

1. Il faut que la peine de servitude pénale prononcée soit égale ou inférieure à un an.
En cas de concours matériel, on accordera le sursis si les peines prononcées prises séparément
sont chacune inférieures ou égales à un an, même si leur cumul dépasse un an798.
Le sursis ne concerne que la servitude pénale. Il est donc inapplicable à l'amende, aux peines
complémentaires ou aux mesures de sûreté.
798
Cass. b., Pas., 1933, I, 266.
252

2. Il faut que le condamné n'ait pas encouru dans le passé une condamnation de servitude
pénale, même d'un jour, pour une infraction punissable de plus de deux mois. Un exemple : si
par le passé, le délinquant avait déjà été condamné à 8 jours d'emprisonnement pour vol, il ne
pourra pas bénéficier du sursis. Par contre, si pour la même infraction, il avait été condamné à
une amende, même la plus forte, le sursis pourra être accordé.
Toutes les condamnations à la servitude pénale sont prises en compte, qu'elles aient été
exécutées ou non, graciées ou prescrites. Seules ne sont pas prises en considération les peines
couvertes par l'amnistie, la réhabilitation et la révision.
La condamnation conditionnelle est facultative. Elle est une faveur que le juge accorde
discrétionnairement au condamné. Donc, même lorsque les conditions légales sont réalisées, le
juge peut refuser d'accorder le sursis, sans devoir motiver. Par contre, si la condamnation
conditionnelle est accordée, elle doit être motivée.
C. EFFETS DU SURSIS
Si pendant la durée d'épreuve, qui ne dépassera pas cinq ans, le condamné sursitaire n'a encouru
aucune condamnation nouvelle grave, pour infractions punissables de plus de deux mois, la
dispense de l'exécution de la peine sera définitive.
Cela n'efface pas la condamnation. Celle-ci subsiste et figure au casier judiciaire. Elle pourra
être prise en considération comme un des termes de la récidive, telle que définie par les articles
14 b et d du code pénal et, s'il s'agit d'un fait passible de plus de deux mois, pourra empêcher
l'octroi ultérieur d'un nouveau sursis.
Si, au contraire, pendant le délai d'épreuve fixé par le juge, le délinquant a encouru une
condamnation pour une infraction grave, le sursis sera révoqué de plein droit, et la
condamnation ancienne, pour laquelle il avait bénéficié du sursis, sera exécutée en cumul avec
la condamnation nouvelle.
Depuis la loi n° 73-017 du 05 janvier 1973, les auteurs de détournement, de concussion et de
corruption sont exclus du bénéfice de la condamnation conditionnelle.
§ 2. LA LIBERATION CONDITIONNELLE
La libération conditionnelle est prévue et réglementée par les articles 35 à 41 du code pénal et
par l’ordonnance n° 344 du 17 septembre 1965 portant organisation du régime pénitentiaire.
A. DEFINITION
La libération conditionnelle est une mise en liberté que l'administration pénitentiaire accorde
au condamné, et qui est destinée à stimuler l'amendement de ce dernier par la perspective
d'une libération définitive en cas de bonne conduite.
253

B. CONDITIONS D'OCTROI

Les conditions d'octroi de la libération conditionnelle sont précisées à l'article 35 du code pénal
:
1. Il faut que le condamné à une peine comportant privation de liberté ait exécuté une partie
de la peine : un quart de la peine, et à condition que la durée de l'incarcération déjà subie
dépasse trois mois.
Si, par exemple, un condamné doit exécuter une peine de 8 mois, il faut vérifier la première
limitation qui est le quart de la peine, soit 2 mois. Mais il ne peut prétendre à la libération, car
la deuxième limitation n'est pas respectée : le temps d'incarcération déjà subi ne dépasse pas
trois mois. Donc, le condamné devant exécuter la peine de servitude pénale de 8 mois, ne peut
être conditionnellement libéré qu'après qu'il ait fait trois mois et un jour.
Si la peine qui doit être exécutée est la servitude pénale à perpétuité, la libération conditionnelle
ne peut être accordée que si le condamné a déjà purgé 5 ans, soit le quart du maximum de la
servitude pénale (20 ans).
Tous ces délais d'incarcération (un quart, trois mois et cinq ans) peuvent cependant être réduits
si la vie du détenu se trouve en péril (art. 35, al. 3 du code pénal).
Nous devons préciser que la peine qui sert de base de calcul n'est pas celle prononcée par le
juge, mais plutôt celle que le condamné doit effectivement exécuter, compte tenu des mesures
de grâce éventuelles dont il peut avoir bénéficié799.
2. Il faut que le détenu donne des signes d'amendement et de bonne conduite.
Cette condition est implicitement exigée par l'article 36 du code pénal qui prévoit la révocation
de la libération conditionnelle pour cause d'inconduite. Elle est par contre expressément
formulée par l'article 91 de l’ordonnance n° 344 du 17 septembre 1965 portant organisation du
régime pénitentiaire.
3. Il faut que le détenu accepte les conditions posées par l'administration pénitentiaire800.
Cette condition est nécessaire à la réussite de la mesure, en ce sens que l'agent est prêt à
contribuer à l'œuvre de redressement entreprise. Elle crée un climat de confiance.
C. AUTORITES COMPETENTES
Il faut distinguer les autorités de consultation et l'autorité de décision.

799
Voir ESIKA, op. cit., n° 255.
800
Articles 97 et 98 de l’ordonnance n° 344 du 17 septembre 1965.
254

Les autorités de consultation sont le ministère public, le Directeur de la prison, le Gouverneur


de province ou son Délégué et le Chef de Division provincial qui a l'inspection des services
pénitentiaires dans ses attributions.
L'autorité de décision est le Ministre de la Justice pour les condamnés par les juridictions
civiles, et le Ministre de la Défense Nationale pour les condamnés par les juridictions militaires
(art. 371 du Code de Justice Militaire).
Il faut relever le caractère facultatif de la libération conditionnelle. Même lorsque toutes les
conditions sont remplies, l'autorité compétente peut la refuser.
D. TEMPS D'EPREUVE
L'article 37 du code pénal fixe la durée du temps d'épreuve : la libération définitive est acquise
au condamné si la révocation n'est pas intervenue avant l'expiration d'un délai égal au double du
terme d'incarcération que celui-ci avait encore à subir à la date à laquelle la mise en liberté lui a
été accordée.
Exemple: Un détenu a quatre ans de servitude pénale à exécuter. Il obtient la libération
conditionnelle après une année d'emprisonnement. Il lui restait donc trois ans à purger encore.
Le temps d'épreuve sera de trois ans fois deux, soit six ans.
E. EFFETS DE LA LIBERATION CONDITIONNELLE
La libération conditionnelle est notamment destinée à ménager une période de transition entre
le régime de détention et la liberté totale801.
Si donc le libéré conditionnel se comporte bien et respecte les conditions imposées par
l'Administration, il verra sa libération confirmée à l'issue du temps d'épreuve (art. 37 du code
pénal).
Si par contre, pendant ce temps, il commet des actes d'inconduite (ivresse, débauche, mauvaises
fréquentations...) ou de manquements aux conditions énoncées dans le permis de libération,
celle-ci pourra être révoquée (art. 36 du code pénal), sur avis du Paquet. Dans ce cas, le libéré
conditionnel regagnera la prison et exécutera le restant de la peine.
Il faut rappeler que depuis la loi n° 73-017 du 05 janvier 1973, les auteurs de détournement, de
concussion et de corruption ne peuvent pas bénéficier de la libération conditionnelle.

801
J. VERHAEGEN, Cours de Droit pénal, op. cit., p. 87.
255

SECTION IV

CAUSES D'EXTINCTION DE LA PEINE

Les peines peuvent disparaître, soit parce qu'elles ont été exécutées, soit parce que le condamné
est décédé, soit encore parce qu'il existe des raisons légales qui s'opposent à leur exécution,
telles que la prescription et la grâce.
§ 1. L'EXECUTION DES PEINES
L'exécution de la peine est le mode normal de son extinction. Lorsqu'elle est réalisée, le
délinquant est quitte vis-à-vis de la société, il a payé sa dette. Et en application du principe
«non bis in idem », il ne peut plus lui être demandé des comptes pour les faits qui ont donné
lieu à la peine déjà exécutée.
A l'occasion de l'étude des peines figurant dans notre droit positif, nous avons précisé chaque
fois leur mode d'exécution. On s'y référera.
§ 2. LE DECES DU CONDAMNE
La mort du condamné est l'issue normale des peines perpétuelles. Elle met aussi fin à
l'exécution des peines temporaires. Cela est conforme au principe de la personnalité des peines
qui s'oppose à ce qu'on étende l'application de la peine aux héritiers.
Par contre, les condamnations civiles (restitutions, dommages-intérêts, frais) ne constituent pas
des sanctions pénales, et peuvent être exécutées contre les héritiers.
De même, dans le cas où la loi prévoit des civilement responsables de l'amende, ces derniers
restent tenus de la payer en cas de décès du condamné.
Enfin, la confiscation spéciale, qui est une mesure de sûreté (art. 14 CP), peut être exécutée
même après la mort du condamné, à condition qu'elle ait été prononcée par un jugement coulé
en force de chose jugée de son vivant.
Bien que notre exposé ne concerne maintenant que l’extinction de la peine, il importe de
relever en même temps que le décès du prévenu survenu avant la condamnation, en cours
d’instance, éteint évidemment l’action publique, rendant ainsi impossible toute condamnation,
tout prononcé et toute exécution d’une peine.
Cette extinction de l’action publique ne concerne bien entendu que le prévenu décédé, et ne
profite pas à ses coauteurs ou complices éventuels802.

802
Voir MERLE et VITU, op. cit., 1967, p. 678 ; KENGO-wa-DONDO, L’évolution jurisprudentielle de la Cour
Suprême de Justice au Zaïre (1968-1979), Mercuriale du 4 novembre 1978, in Bull. 1979, 246-247.
256

§ 3. LA PRESCRIPTION

Le droit pénal connaît deux sortes de prescriptions : celle de l'action publique et celle de la
peine.
La prescription de l'action publique consiste en ce que celle-ci s'éteint si, après l'écoulement
d'un certain délai, les poursuites n'ont pu être engagées.
Par cette définition, il apparaît clairement que cette institution relève de la procédure pénale.
Nous allons néanmoins l'examiner ici, car il est de tradition qu'elle soit enseignée dans le cadre
du droit pénal général.
Bien plus la place qu'elle occupe dans notre code pénal, juste avant les règles relatives à la
prescription de la peine conforte notre démarche.
D'ailleurs, les deux prescriptions ont une relation fondamentale: la prescription de l'action
publique, en éteignant celle-ci, rend impossible l'application de toute peine.
Quant à la définition de la prescription de la peine, nous dirons qu'elle consiste dans le fait que
le délinquant échappe aux effets de la condamnation si celle-ci, après l'écoulement d'un certain
délai, n'a toujours pas été exécutée.
A. LA PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE
(Art. 24 du CP et S.)
I. Fondement
La justification de la prescription de l'action publique est qu'après un certain temps, la mémoire
des témoins s'évanouit, les traces matérielles de l'infraction disparaissent, et les risques de
commettre ainsi une erreur judiciaire augmentent. On estime que la société ne gagne rien à
poursuivre dans ces conditions.
La prescription de l'action publique est d'ordre public, et le prévenu ne peut y renoncer. Elle
doit être examinée d'office, et le prévenu peut l'invoquer devant toutes les juridictions et pour la
première fois en appel ou en cassation.
II. Délais de la prescription
Ces délais sont prévus et réglementés par les articles 24 à 26 du code pénal. La prescription de
l'action publique est acquise en:
- Un an, si l'infraction est punie d'une simple peine d'amende ou d'une peine de servitude
pénale d'un an au maximum;
- Trois ans, si l'infraction est punie d'une servitude pénale de 5 ans au maximum;
257

- Dix ans, si l'infraction est punie d'une servitude pénale dépassant 5 ans ou de la peine de
mort.
Le point de départ de ces délais est défini par l'article 25 du code pénal: «Les délais de la
prescription commenceront à courir du jour où l'infraction a été commise (dies a quo) ». Celui-
ci est compris dans le délai (art. 26, al. 2).
Il faut avoir présente à l'esprit la distinction des infractions selon le moment de leur réalisation.
Le délai commencera à courir:
- Pour les infractions instantanées, le jour du moment de l'infraction;
- Pour les infractions continues, le jour où la situation délictueuse a cessé;
- Pour les infractions d'habitude, le jour où le dernier acte formant l'habitude a été posé.
Le délai de prescription se calcule « de die ad diem», de date à date. Le «dies ad quem» n'est
pas compté.
III. Interruption de la prescription
L'article 26 du code pénal dispose: «la prescription sera interrompue par des actes d'instruction
ou de poursuite faits dans le délai de un, de trois ou de dix ans, à compter du jour où l'infraction
a été commise».
L'interruption veut dire non seulement que le cours de la prescription s'arrête, mais encore que
le laps de temps passé est effacé, et qu'un nouveau délai de prescription, égal au délai initial,
prend son cours803.
Cependant, les actes interruptifs ne peuvent jouer indéfiniment. La loi a prévu des limites: il
faut qu'ils soient posés «dans le délai de un, de trois ou de dix an(s) à compter du jour où
l'infraction a été commise», c'est à dire que le temps de la prescription peut se porter au double,
mais il ne peut pas dépasser cette limite804.
Le tribunal de BOMA,805, et le tribunal de première instance de COQUILHATVILLE806 ont
jugé que les interruptions de la prescription ne peuvent jamais avoir pour effet de proroger
l'action publique au-delà du double de terme primitif.
Les actes interruptifs de la prescription sont, soit les actes d'instruction, soit les actes de
poursuite.
Les actes d'instruction sont ceux qui visent à recueillir les preuves de l'existence de l'infraction,
de l'identité et de la culpabilité de l'auteur.

803
Cass. b., 16 avril 1960, Pas., I, 24.
804
Voir E. LAMY, op. cit., n° 522.
805
Boma, le 02 mars 1909, Jur. Et., II, p. 307.
806 ère
I Inst. Coq.30 déc. 1931, R.J.C.B., 1932, p. 258
258

Les actes de poursuite visent à s'assurer de la personne du prévenu et à le traduire en justice.


Ont été considérés comme interruptifs les actes suivants 807:
- L'assignation du prévenu faite à la requête du ministère public pour statuer sur l'appel du
prévenu;
- Un jugement de la remise de la cause;
- La visite domiciliaire;
- Le dépôt du rapport d'expertise;
- Les mandats de comparution, d'arrêt et d'amener du prévenu;
- L'interrogatoire par l’officier du ministère public ou l'audition d'un témoin;
- Le jugement de condamnation non encore coulé en force de chose jugée;
- L'appel régulier du ministère public;
- La réquisition d'information du ministère public;
- La demande du ministère public tendant à obtenir un extrait du casier judiciaire du
prévenu, etc.808
IV. Suspension de la prescription
La suspension de la prescription a pour effet que celle-ci est arrêtée dans son cours, tout en
laissant au prévenu le bénéfice du laps de temps antérieur écoulé. Elle résulte de certains
obstacles légaux ou de fait qui retardent le jugement.
Le code pénal congolais ne contient aucune disposition relative à la suspension de la
prescription de l'action publique. Cela a fait dire à certains auteurs809, sans doute avec raison,
qu'elle n'existait pas dans notre droit.
Etant défavorable au prévenu, la suspension de la prescription de l'action publique ne peut être
admise que dans les cas prévus par la loi.
Elle ne saurait être retenue par analogie dans la mesure où celle-ci n'est acceptable en droit
pénal que si elle est favorable à l'accusé810. Or, la suspension de la prescription, en l'exposant
aux poursuites pour une durée plus longue, loin de lui être favorable, aggrave plutôt son sort.
Ainsi, il n'existe point en droit pénal congolais la suspension de la prescription de l'action
publique.

807
Voir notamment E. LAMY, Cours, op. cit., p. 494.
808
Cass. b. 3 déc.1985, Pas. I, 425 et note.
809
J. VERHAEGEN, op. cit., p. 68.
810
Op. cit., n° 1363.
259

B. PRESCRIPTION DES PEINES


Cette question est réglementée par les articles 27 à 34 du code pénal. La prescription de la
peine laisse subsister la condamnation. C'est ainsi qu'une peine prescrite ne sera plus jamais
exécutée, mais peut constituer un obstacle au sursis et compter comme un des termes de la
récidive ou de la délinquance d'habitude, si elle avait consisté en une servitude pénale d'au
moins six mois.
I. Délais de prescription des peines
Les délais de prescription sont fixés par les articles 27 à 29 du code pénal. Les peines se
prescrivent en:
- Deux ans ou quatre ans révolus selon l'importance de l'amende;
- Délai double de la peine prononcée pour les peines de servitude pénale de dix ans ou
moins, sans que ce délai puisse être inférieur à 2 ans.
Exemple: un condamné à 5 ans pour abus de confiance verra sa peine prescrite après 10 ans, un
condamné à trois mois pour escroquerie verra sa peine prescrite, non plus après le délai double
de la peine prononcée- ce qui ne ferait que 6 mois - mais plutôt après deux ans;
- Vingt ans pour les peines de servitude pénale de plus de dix ans;
- Vingt-cinq ans pour les peines perpétuelles.
Nous pensons que la peine de travaux forcés, malgré les lacunes de la loi qui l'a introduite dans
notre système, devrait être prescrite selon les modalités prévues pour la servitude pénale à
temps.
Quant à la peine de mort, on remarquera que la loi est silencieuse à son sujet. Il faut en
déduire, à notre avis, qu'elle est imprescriptible.
La prescription ne concerne que des peines susceptibles d'exécution matérielle, et est
incompatible avec celles qui atteignent le condamné sans qu'un acte d'exécution ne soit
nécessaire. C'est ainsi que les peines privatives ou restrictives des droits ne se prescrivent pas.
Il en est de même de la mise à la disposition du gouvernement.
Le point de départ du délai de prescription des peines est fixé par l'article 30 du CP.
Si le jugement est rendu en dernier ressort, la prescription commence à courir à la date de son
prononcé. Si le jugement est rendu en premier ressort, à la date ou la décision est coulée en
force de chose jugée, à l'expiration du délai d'appel.
Si le condamné qui subissait sa peine est parvenu à s'évader, la prescription commence à courir
le jour de l'évasion.
260

II. Interruption de la prescription des peines


Le seul cas d'interruption prévu est l'arrestation du condamné (art. 33 du CP). Les actes
interruptifs de la prescription des peines, contrairement à la prescription de l'action publique,
peuvent être indéfiniment renouvelés, pourvu qu'ils se fassent dans les délais légaux.
III. Suspension de la prescription de la peine
Bien que le législateur congolais n'ait pas posé une règle générale sur la suspension, celle-ci est
légalement consacrée en cas de libération et de condamnation conditionnelles. «La prescription
des peines ne court pas pendant que le condamné se trouve en liberté» (art. 40 du code pénal).
De même, l'article 42 dispose «qu'en cas de sursis applicable à la servitude pénale subsidiaire,
la suspension de la prescription s'étend à l'amende».
En cas de suspension, le délai qui a couru avant l'apparition de la cause de suspension est prise
en compte pour le calcul du délai de la prescription.
§ 4. LA GRÂCE
A. DEFINITION
Le législateur congolais n’a pas défini la grâce, alors que, par ailleurs, le Chef de l’Etat, par
acte réglementaire (ordonnance ou décret) en fait un usage constant, exerçant ainsi un pouvoir
que lui ont toujours reconnu tous les textes constitutionnels de la République. A l’occasion
notamment des dates anniversaires de l’indépendance (30 Juin) ou de prise de pouvoir (24
Novembre sous la Deuxième République et 17 mai pour la Libération par l’AFDL), des
mesures de grâce collective sont prises, généralement en faveur des condamnés de droit
commun. De même, des mesures de grâce individuelle peuvent être prises, en principe à la
requête du condamné.
La doctrine811 comme la législation comparée812 nous permettent néanmoins d’avoir de la grâce
une définition précise : elle est une mesure de clémence, un acte de bienveillance que le
pouvoir exécutif prend en faveur d'un délinquant définitivement condamné, et qui a pour effet
de commuer la peine en une autre qui lui est plus favorable, ou de le soustraire à l'application
d'une partie ou de la totalité de la peine.

811
J. PRADEL, op. cit., n° 691 ; R. MERLE, Droit pénal général complémentaire, P.U.F., 1957, p. 374 ;
LEMERCIER, Les mesures de grâce et de révision dans la législation récente, in R.S.C., 1947, 41 et s. ; J. FOVIAUX,
La rémission des peines et les condamnations : droit monarchique et droit moderne, P.U.F., Paris, 1970.
812
Code pénal éthiopien, art. 239.
261

B. POUVOIR DE DECISION
Seul le président de la République peut accorder la grâce. Son pouvoir est discrétionnaire,
même s’il s’exerce moyennant proposition ou avis préalable d’une autre institution telle que le
Gouvernement ou le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Historiquement, la grâce a toujours appartenu au souverain. Elle fait partie des droits régaliens,
c’est-à-dire des attributions qui, traditionnellement, relèvent du pouvoir du roi, du souverain :
battre la monnaie, déclarer la guerre, lever les impôts, envoyer des ambassadeurs, etc. L'autorité
compétente exerce le droit de grâce sans restrictions. Elle peut subordonner son octroi à
certaines conditions telles que le paiement des dommages-intérêts à la victime, la bonne
conduite de l'agent pendant un certain délai, l'accomplissement de certaines obligations, comme
la cure de désintoxication, l'abstention de fréquenter les débits de boissons, etc.813
C. EFFETS DE LA GRÂCE
Le premier effet de la grâce est de dispenser de l'exécution de la peine prononcée par le juge,
soit totalement par la remise de la peine ou la commutation de celle-ci en une peine d'une
nature plus douce, soit partiellement en cas de simple réduction.
La grâce peut porter aussi bien sur les peines principales que sur les peines complémentaires.
Toutefois, on exprime les plus grandes réserves en ce qui concerne les mesures de sûreté qui,
par nature, sont prises en fonction de la dangerosité du délinquant. La grâce n'aurait pour effet
que de «rendre leur activité complète à des individus encore dangereux, ce qui ne paraît guère
souhaitable. Aussi admet-on en général que les mesures de sûreté ne peuvent être remises par la
grâce.»814
Quant aux peines accessoires, on considère qu'elles peuvent bénéficier de la grâce, si
l’ordonnance l'accordant les mentionne expressément815.
La grâce laisse subsister la condamnation. Cela veut dire que la peine dispensée, commuée ou
réduite, reste inscrite au casier judiciaire, et peut être un obstacle à l'octroi d'un sursis.
Elle peut aussi constituer un des termes de la récidive ou de la délinquance d'habitude (art.14 b
du code pénal).
La grâce peut être individuelle ou collective.

813
Voir STEFANI, LEVASSEUR et BOULOC, Droit pénal général, 11è éd., Dalloz, Paris, 1980, n° 693.
814
Op. cit., n° 697.
815
Op. cit., n° 694.
262

D. APPRECIATION CRITIQUE
La grâce est considérée comme une mesure permettant de réparer les erreurs judiciaires sans
devoir attendre la révision. Elle atténue aussi les rigueurs excessives de la répression. On croit
même qu'elle a une valeur curative et contribue à l'amendement du délinquant.

SECTION V. CAUSES D'EFFACEMENT DES CONDAMNATIONS

La peine peut s'éteindre directement par l'effacement de la condamnation qui lui servait de
support. A cet effet, le droit congolais connaît trois institutions: l'amnistie, la réhabilitation et la
révision.
§1. L'AMNISTIE
A. DEFINITION
L'amnistie est une mesure de clémence ayant pour effet d'enlever rétroactivement à certains
faits leur caractère délictueux.
Les faits ont bel et bien eu lieu et constituaient des infractions. Ils ne sont pas effacés, mais par
l’amnistie, ils cessent d’être des infractions, car ils sont considérés, par la volonté du
législateur, comme n’ayant jamais été commis. Leur caractère infractionnel et leur dimension
pénale sont effacés, car la société décide de les couvrir du voile du pardon et de les faire
sombrer dans l’oubli.
L'amnistie a généralement pour objet d'apaiser les passions et les esprits après une crise
politique. Comme son nom l'indique, elle est une loi de l'oubli (du grec a, privatif et mnaomai
qui veut dire: je me souviens).
L’amnistie peut être réelle, personnelle ou mixte.
I. Amnistie réelle
Historiquement, l'amnistie était, à l'origine, de caractère réel, «elle était dispensée en
considération, non de la qualité et des mérites d'un délinquant, mais seulement en raison de la
nature des infractions et de l'époque où elles avaient été commises.»816
Elle est accordée aux auteurs des infractions déterminées, énumérées dans la loi, sans qu’il ne
soit tenu compte de la qualité des bénéficiaires817.

816
BOUZAT et PINATEL, op. cit., n°879.
817 ème
J. PRADEL, Droit pénal général, 5 éd., Cujas, Paris, 1985, N° 314, p. 324. Voir aussi Jean-Marie ROBERT, V°
Amnistie, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, mise à jour 1999, Dalloz, Paris, 35 p.
263

Le législateur peut s’attacher à la nature des infractions amnistiées, en en donnant la


qualification ou en les énumérant.
Il peut exclure expressément celles qui, à ses yeux, présentent un danger particulier au regard
de l’ordre social : crimes de sang, atteintes aux mœurs ou à l’environnement, trafic de drogue,
crimes économiques, etc.
Un exemple d’une amnistie réelle fondée sur la nature de l’infraction est donné par le décret-loi
n° 017/2000 du 19 février 2000 portant amnistie générale.
Celle-ci est accordée à tous les congolais poursuivis ou condamnés pour atteinte à la sûreté
intérieure ou extérieure de l’Etat.
Le législateur peut plutôt prendre en compte la gravité des infractions, et ne faire alors
bénéficier de l’amnistie que les auteurs des infractions dont la peine est inférieure à tel taux
déterminé.
II. Amnistie personnelle
Cependant, cette institution a évolué et, à travers de nombreuses lois, a revêtu souvent un
caractère personnel.
Elle est personnelle lorsqu’elle est accordée à des auteurs, coauteurs ou complices d’une
infraction, non plus en vertu de la nature ou de la gravité de celle-ci, mais par la prise en
compte de la classe des individus ou de la qualité particulière dont ils sont revêtus : femmes,
mineurs d’âge, anciens combattants, anciens rebelles, mandataires publics, etc.
III. Amnistie mixte
L’amnistie peut même être mixte, en ce sens que la loi la portant peut tenir compte à la fois de
la nature de l’infraction commise (caractère réel) et de la qualité du délinquant (caractère
personnel).
Tel fut le cas de la loi n° 74/023 du 27 novembre 1974 promulguée par le président MOBUTU
SESE SEKO, et qui portait amnistie des commissaires d’Etat, des commissaires de région et
des ambassadeurs ainsi que leurs complices condamnés pour détournement des deniers publics.
IV. L’amnistie conditionnelle
Le législateur peut soumettre l’octroi de l’amnistie à certaines conditions.
Ainsi, le décret-loi n° 017/2000 du 19 février 2000 portant amnistie générale a posé les
conditions ci-après :
- Mettre fin immédiatement à tout acte portant atteinte à la sûreté de l’Etat ;
264

- Pour les personnes résidant à l’étranger, regagner le pays dans le délai de 60 jours à dater
de l’entrée en vigueur du décret-loi ou se faire enregistrer auprès de l’ambassade de la
République Démocratique du Congo dans le pays de résidence ;
- Pour ceux qui sont dans la rébellion, se faire enregistrer auprès de l’autorité compétente
sur le lieu d’entrée dans le territoire sous contrôle du Gouvernement du Salut Public ;
- Se conformer aux textes constitutionnels, législatifs et réglementaires en vigueur en
République Démocratique du Congo.
V. L’amnistie et l’ordre public

L'amnistie est d'ordre public, et l'individu qui en est bénéficiaire ne peut y renoncer. Si les
poursuites ont commencé, il ne peut exiger qu'elles aillent à leur terme afin que son innocence
soit établie. L'autorité judiciaire doit lui donner application d'office même si l'individu ne
l'invoque pas.
B. L'AUTORITE COMPETENTE
Nous avons vu que l'amnistie efface le caractère délictueux du fait.
Dès lors, et cela en vertu même de la théorie de l’acte contraire ou du parallélisme des formes,
il faut considérer que le législateur étant la seule autorité habilitée à conférer aux faits leur
caractère infractionnel, il revient au même législateur le pouvoir d’enlever à ces mêmes faits
leur dimension pénale.
Dans le système juridique actuel tel qu’organisé par le décret-loi n° 003 du 27 mai 1997 relatif
à l’organisation et à l’exercice du pouvoir en République Démocratique du Congo, seul le
Président de la République, dans l’exercice de sa fonction législative, peut prendre un décret-
loi accordant amnistie.
Donc, dans le cadre de notre système constitutionnel, c'est le parlement qui décide d'accorder
l'amnistie par la voie d'une loi.
Il n'existe pas une loi générale sur l'amnistie. Celle-ci est accordée chaque fois par des lois
particulières. Chacune se suffit et ne peut être interprétée à la lumière de l'autre.
C. EFFETS DE L'AMNISTIE
Si les infractions amnistiées ne font pas encore l'objet des poursuites, celles-ci ne peuvent plus
être engagées, « car au regard de l’action publique, le fait doit être considéré comme n’ayant
jamais été commis »818. Et si les poursuites sont en cours, elles cessent immédiatement. Le
ministère public doit rendre une décision de classement sans suite, et si le juge est déjà saisi, il

818
Cass. fr., Crim., 22 oct. 1928, S. 1929.I.97.
265

doit rendre une décision de relaxe. L'action s'éteint. Les personnes non encore poursuivies
peuvent bénéficier de l’amnistie. Si l'individu bénéficiaire de l'amnistie a déjà été condamné, la
condamnation s'efface et s'il exécute déjà la peine, celle-ci doit s'éteindre immédiatement.
Toutes les condamnations qui ne sont pas encore revêtues de la force de la chose jugée sont
anéanties par la loi d’amnistie, et les condamnations irrévocables sont considérées comme
n’ayant jamais été prononcées. L'amnistie concerne les peines principales, complémentaires et
accessoires.
La condamnation ne peut donc figurer dans le casier judiciaire, ni constituer un empêchement à
l'octroi du sursis, ni être prise en considération pour la récidive ou la délinquance d'habitude. La
condamnation ne peut plus être rappelée, ni fonder ou justifier une quelconque prétention en
justice ou devant l'administration, ni figurer dans un document quelconque. L'amnistie, c'est
l'oubli.
§ 2. LA REHABILITATION
La réhabilitation est réglementée par le décret du 21 juin 1937, tel que modifié notamment par
le décret du 22 août 1959 et l’ordonnance législative du 28 août 1959.
A. DEFINITION
La réhabilitation est une mesure prise par l'autorité judiciaire à la demande du condamné, en
vue de remettre celui-ci dans la situation légale et, si possible, sociale qu'il a perdue suite à
une juste condamnation.
Notre droit ne connaît que la réhabilitation judiciaire.
En droit comparé (notamment en France), il existe aussi la forme de réhabilitation légale, dont
la nature est de bénéficier au condamné de plein droit dès que certaines conditions sont
remplies. La réhabilitation efface les effets de la condamnation pour l'avenir. Elle est un
encouragement à la bonne conduite du délinquant et vise sa réinsertion sociale.
B. CONDITIONS D'OCTROI
Pour l'obtenir, le condamné doit remplir cinq conditions:
1. La peine doit avoir été exécutée, remise en vertu du droit de grâce, ou être comme non
avenue par suite du sursis.
2. Le requérant doit s'être acquitté des restitutions, dommages et intérêts et frais auxquels il
avait été condamné. En cas d'indigence ou de force majeure, la Cour peut dispenser le requérant
de la totalité ou d'une partie de ces obligations, sans que toutefois préjudice ne soit porté aux
droits des créanciers.
266

3. Cinq ans doivent s'être écoulés depuis l'extinction de la peine ou depuis la condamnation
conditionnelle.
4. Pendant ce délai, le condamné doit avoir fait preuve de bonne conduite et avoir eu une
résidence certaine.
5. Le condamné doit n'avoir jamais bénéficié auparavant d'une mesure de réhabilitation.
C. PROCEDURE
Le condamné doit adresser sa demande au procureur général près la Cour d’appel dont relève la
juridiction qui a prononcé la condamnation. Cette requête comporte certaines mentions, telles
que la date de la condamnation et l'adresse résidentielle, et certains documents, tels que l'extrait
du casier judiciaire, les attestations des autorités faisant connaître l'époque et la durée de sa
résidence dans chaque lieu, sa conduite et ses moyens d'existence pendant le même temps.
Ces attestations doivent contenir la mention expresse qu'elles ont été rédigées en vue de la
demande de réhabilitation (art. 2 du décret du 21 juin 1937).
Dans les six mois de la réception de la requête, le procureur général soumet la procédure à la
Cour. Celle-ci fixe le jour de l'audience à laquelle seront entendus le procureur général et le
condamné. Celui-ci peut se faire représenter, mais la Cour peut exiger sa comparution
personnelle. Il peut se faire assister de son conseil.
La Cour instruit le dossier, entend les témoins ... Si le requérant fait défaut sans justification, sa
demande est purement et simplement rejetée.
L'instruction du dossier terminée, deux attitudes de la Cour sont possibles:
- Soit elle rejette la demande. Dans ce cas, le condamné ne pourra la réintroduire qu'après
un délai de deux ans ;
- Soit elle accède à la demande. Dans ce cas, elle ordonne qu'un extrait de l'arrêt de
réhabilitation soit mentionné en marge des jugements ou arrêts de condamnations définitives
antérieures.
D. EFFETS DE LA REHABILITATION
Elle fait cesser, pour l'avenir, tous les effets de la condamnation. Celle-ci ne figurera plus au
casier judiciaire, n'empêchera plus l'octroi du sursis et ne sera pas prise en considération pour
déterminer l'application des articles 14 b et d sur la récidive et la délinquance d'habitude.
Par contre, la réhabilitation ne peut mettre obstacle à une action en divorce ou en séparation des
corps fondée sur la condamnation, ni empêcher l'action en dommages-intérêts. Elle ne peut
nuire aux intérêts des tiers.
267

§ 3. LA REVISION
La procédure de révision est prévue et réglementée par les articles 70-75 de l'O.L. n° 82-017 du
31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice.
A. DEFINITION
La révision est une procédure spéciale devant la Cour Suprême de Justice par laquelle,
moyennant des éléments nouveaux légalement définis, peuvent être annulées des
condamnations passées en force de chose jugée pour toute infraction punissable de plus de
deux mois d'emprisonnement.
Il s'agit, en fait, d'un mécanisme juridique destiné à réparer une erreur judiciaire.
B. PERSONNES AYANT QUALITE POUR INITIER LA REVISION
Les requêtes en révision sont adressées à la Cour Suprême de Justice, soit par le Procureur
Général de la République sur injonction du Ministre de la Justice, soit par les parties. Par
parties, il faut entendre le condamné ou, en cas d'incapacité, son représentant, et en cas de décès
ou d'absence déclarée du condamné, son conjoint, ses descendants, ses ascendants, ses ayants-
droits coutumiers et ses légataires universels.
C. CONDITIONS
La loi prévoit trois conditions pour la procédure de révision :
1. Une condamnation passée en force de chose jugée;
2. Une infraction punissable de plus de deux mois de servitude pénale ;
3. La réalisation d'une des quatre hypothèses ci-après (art. 70):
- Condamnation ultérieure d'un autre prévenu pour les mêmes faits, alors que les deux
condamnations sont inconciliables, l'une étant la preuve de l'innocence de l'un ou de l'autre ;
- Un des témoins à charge ultérieurement condamné pour faux témoignage ;
- Découverte ultérieure, en cas de condamnation pour homicide, que la prétendue
victime est encore en vie ;
- Des faits nouveaux ou des pièces inconnues lors des débats qui, après condamnation,
seront de nature à établir l'innocence du condamné.
D. PROCEDURE
La Cour Suprême de Justice se prononce sur la recevabilité de la requête, et lorsque celle-ci est
recevable, la Cour procède à tout devoir susceptible de concourir à la manifestation de la vérité
(enquêtes, confrontation, reconnaissance d'identité, etc.).
La Cour Suprême de Justice rejette la demande si elle la trouve non fondée.
Dans le cas contraire, elle annule la condamnation prononcée.
268

S'il y a nécessité de nouveaux débats contradictoires, elle procède au renvoi du prévenu devant
une juridiction de même ordre et de même degré que celle dont émane la décision annulée, ou
devant la même juridiction autrement composée.
Aucun renvoi n'est prononcé si l'annulation de l'arrêt ou du jugement ne laisse rien subsister qui
puisse être qualifié d'infraction.
En cas d'impossibilité de nouveaux débats (décès, absence, démence, défaut d'un ou plusieurs
condamnés, prescription de l'action publique ou de la peine), la Cour Suprême statue au fond.
Dans ce cas, elle n'annule que les condamnations qui ont été injustement prononcées.
L'arrêt de la Cour Suprême de Justice, l'arrêt ou le jugement d'innocence sont, à la diligence du
greffier, affichés dans la localité :
- Où a été prononcée la condamnation;
- Où siège la juridiction de révision;
- Où l'action publique a été ouverte;
- Du domicile des demandeurs en révision;
- De son dernier domicile, lorsque le condamné est décédé.
Les mêmes décisions sont, à la requête du demandeur en révision, publiées par extrait dans
deux journaux, à charge du trésor public.
E. EFFETS DE LA REVISION
A son aboutissement, la révision a pour effets de :
- Rendre nulles la décision de condamnation et toutes ses conséquences. La partie civile
perd notamment le bénéfice des condamnations prononcées à son profit ;
- Réhabiliter la mémoire du condamné décédé ;
- Allouer des dommages-intérêts à l'innocent injustement condamné ou, s'il est décédé, à
son conjoint, ses descendants, ses ascendants et ses ayants-droits coutumiers, s'ils en font la
demande. Le même droit appartient aux autres personnes pour autant qu'elles justifient d'un
préjudice matériel résultant de la condamnation.
269

Cinquième partie

LA PREUVE
270

SECTION Ière

LA CHARGE DE LA PREUVE

Pour qu'un individu soit condamné, il faut que le juge ait procédé à la reconstitution des faits, et
ait établi une correspondance entre ces faits et la définition légale d'une infraction. Mais, pour
parvenir à cette vérité, à cette certitude judiciaire, l'accusation et la défense auront chacune
exprimé leurs prétentions. Dans ce duel judiciaire, des obligations pèsent sur l'une ou l'autre
partie. Elles découlent toutes de deux principes fondamentaux:
- La charge de la preuve incombe au ministère public;
- Le doute profite au prévenu.
§ 1. LA CHARGE DE LA PREUVE INCOMBE AU MINISTERE PUBLIC
La preuve de tous les éléments constitutifs de l'infraction et de l'absence des causes
d'exonération incombe tout entièrement au ministère public. Actori incumbit probatio.
Ce principe est de bon sens et répond à l'exigence de sécurité des citoyens. En effet, il n'est pas
toujours aisé pour un individu de prouver son innocence et, bien plus,
C’est ainsi que le ministère public doit établir le défaut de prévoyance ou de précaution,
élément constitutif de l’homicide involontaire ou des blessures par négligence, ou encore
l’absence de nécessité dans l’établissement de l’infraction d’incendie, prévue et punie par
l’article 114 du CPC. De même, le ministère public doit donner la preuve du défaut de porter
secours à une personne en danger (articles 66 bis et s.). Il en va de même de l'absence des
causes qui excluent la culpabilité ou la responsabilité.
Cependant, le ministère public peut se dispenser de prouver des éléments dont l'existence est
vraisemblable, et qui ne sont pas contestés par le prévenu. Par exemple, en matière d'infractions
dites matérielles, le ministère public se contente d'établir le fait matériel, et si la personne
poursuivie ne conteste pas l'existence de l'élément moral, celui-ci se déduira de la seule
matérialité du fait. «Res in se culpam habet». Du fait matériel non contesté, il peut être inféré
l'existence de la faute, jusqu’à preuve ou allégation vraisemblable contraire faite par le prévenu.
L’obligation, qui pèse sur le ministère public, d’apporter, à l’appui de l’accusation, la preuve de
l’existence des faits incriminés et de la culpabilité de l’accusé, incombe aussi à la partie civile
qui joint à l’action publique son action en réparation du dommage que lui a causé le prévenu819.

819
Voir Jean PATARIN, Le particularisme de la théorie des preuves en droit pénal, in Quelques aspects de
l’autonomie du droit pénal, op. cit., p. 15.
271

Le ministère public instruit non seulement à charge, mais aussi à décharge. Non seulement, il
doit apporter la preuve de l’existence de l’infraction et de la culpabilité de l’accusé, mais
encore réunir et rapporter tous les éléments susceptibles d’asseoir l’innocence de ce dernier.
Dans la pratique, nous savons combien ceci demeure théorique, mais il s’agit-là d’une culture
juridique à laquelle par honnêteté intellectuelle et par respect du droit, les magistrats du parquet
doivent, chaque jour, s’efforcer d’accéder.
§ 2. LE DOUTE PROFITE AU PREVENU
La condamnation ne peut être fondée que sur la certitude du fait et de la culpabilité de l'agent.
Le doute que n'a pas dissipé le ministère public profitera au prévenu. Celui-ci, au cours du
procès, peut rester passif et silencieux. In dubio pro reo. Ce principe est en fait le corollaire de
celui de la présomption d'innocence.
L’importance de ce principe mérite quelques développements.
§ 3. LA PRESOMPTION D’INNOCENCE
A. LE PRINCIPE
«Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente tant que sa
culpabilité n'est pas établie au cours d'un procès public où toutes les garanties
nécessaires à sa défense lui auront été assurées.»820
Il en résulte que le prévenu n'est pas tenu d'établir son innocence par des preuves décisives. Il
suffit qu'il allègue sa version des faits d'une manière vraisemblable, plausible, de nature à
semer le doute dans l'esprit du juge.

B. LA PRATIQUE JUDICIAIRE
Il importe cependant de relever que cette présomption d’innocence, qui est un triomphe fait au
permis et à la liberté, paraît difficilement compatible avec les articles 27 et suivants du code de
procédure pénale qui parlent de l’inculpé à mettre en détention préventive lorsqu’il existe des
indices sérieux de culpabilité.

C. LE DROIT AU SILENCE
C’est ici qu’il faut évoquer le droit au silence du prévenu.

820
Art. 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ; voir aussi l’article 17 du projet constitutionnel du
10 février 1999 : « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité
ait été établie par un jugement définitif ».
272

« Le droit de participer à la preuve implique aussi son contraire, le droit au silence, le droit de
ne pas être obligé de témoigner dans sa propre cause et de ne pas contribuer à sa propre
incrimination »821.
Le droit du prévenu à un procès équitable implique que celui-ci ne peut être forcé de témoigner
contre lui-même ou de s’avouer coupable822.
En tout état de cause, le silence de l’accusé
- Ne peut servir de fondement exclusif ou essentiel à sa condamnation ;
- Ne peut passer pour un indice de culpabilité ou un commencement de preuve ;
- Ne peut constituer une infraction pénale823 ;
- Ne peut être pris en considération pour déterminer sa culpabilité ou son innocence824.
D. DU RÔLE ACTIF DU JUGE
Le juge pénal étant actif, il résulte de la présomption d’innocence qu’il a le devoir de suppléer
d’office aux moyens de défense non invoqués par le prévenu et d’ordonner toutes les mesures
nécessaires à l’établissement de leur preuve. Le juge pénal a l’obligation de collaborer
activement à la recherche de la vérité. Ce principe signifie qu’il doit prendre d’office toutes les
initiatives nécessaires lorsque le matériel de preuves recueilli est insuffisant pour conduire à
une décision justifiée825. Ainsi, le juge pénal peut prendre l’initiative de vérifier si la
prescription est acquise, si les faits rentrent dans la qualification d’une infraction amnistiée ou
encore s’ils n’ont pas été définitivement jugés par une autre juridiction nationale ou étrangère,
etc.

821
C.E.D.H., 25 février 1993, Arrêt FUNKE c/France, série A, n° 256, cité par F. TULKENS et M. VAN DE KERCHOVE,
La justice pénale : justice imposée, justice participative, justice consensuelle ou justice négociée ?, in R.D.P.C.,
1996, 467 ; article 67, 1. g) du Statut de la Cour Pénale Internationale.
822
Cass., 11 mars 1992, Pas., I, 618 ; C.E.D.H., arrêt FUNKE c/France, 25 fév. 1993, § 44 ; arrêt John MURRAY
c/Royaume-Uni du 08 fév. 1996 ; arrêt SAUNDERS c/Royaume-Uni du 17 déc. 1996.
823
Franklin KUTY, L’étendue du droit au silence en procédure pénale, in R.D.P.C., 2000, 312.
824
Article 67, 1. g) du Statut de La Cour Pénale Internationale.
825
Cass. 23 nov. 1993, R.W., 1993-94, 1053, in R.D.P.C., 1995, 486.
273

SECTION II

LES MOYENS DE PREUVE

Le principe consacré en droit pénal est celui de la liberté de la preuve. Ce principe est lui-
même le corollaire de l’intime conviction du juge.
Contrairement au droit civil, il n'existe donc pas des modes de preuve exclus du champ du
débat a priori, ni préalablement constitués.
Aucun mode de preuve n’est privilégié ni ne prévaut sur d’autres. Parmi les différents moyens
de preuve disponibles ou potentiels, il n’existe aucune hiérarchie.
Ainsi, en matière de détention d’armes, la Cour Suprême de Justice a jugé que le fait que
l’arme du crime n’ait pas été saisie ne disculpe pas le prévenu dès lors que les témoignages
concordants et les autres éléments du dossier concourent à sa détention par le prévenu826.
Le juge ne peut refuser, sans motivations particulières, de recevoir les preuves que les parties
sont prêtes à fournir. Il doit, par exemple, en établir l'inutilité quant à la recherche et à la
manifestation de la vérité. Il ne saurait rejeter les offres de preuve « que dans le cas où elles ne
sont pas pertinentes, concluantes et admissibles»827.
La liberté de la preuve peut trouver ainsi sa justification: «quelques profondes que puissent être
les réformes, il restera que la matière à juger est humaine et à ce titre ne peut être appréciée que
par une pensée souple et nuancée.»828
Cependant, il existe des limitations à ces principes de la liberté de la preuve et de l'intime
conviction:
1. D'abord, le juge doit respecter la force probante que la loi attache à certains actes. Il en
est ainsi des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire et des procès-verbaux valant
jusqu'à inscription en faux. Pour les autres procès-verbaux, il est entendu que «le juge apprécie
la force probante qu'il convient de leur attribuer»829.
Le juge est libre d'apprécier le crédit qu'il faut attribuer aux procès-verbaux qui lui sont soumis.
Il n'est pas lié par les constatations des officiers de police judiciaire contenues dans ces procès-
verbaux830.

826
C.S.J., 30 juil. 1985, en cause MP c/BUUNDA BIRERE SHAMWAMI, BA, 1985-1989, 39.
827
Crim. 31 janv. 1918, Bull. 35, n° 26.
828
TROUSSE, La preuve des infractions, in R.D.P.C., 1959,754.
829
Article 75 du code de procédure pénale.
830
C.S.J., 5 juillet 1983, R.P.237, en cause MABIALA c/Ministère public et MBOMBO, cité par KATUALA, loc. cit.
274

2. Les moyens de preuve doivent être rationnels.


Seront rejetés ceux qui, logiquement ou d'après l'expérience, ne sont pas de nature à contribuer
à la manifestation de la vérité. C'est le cas des ordalies ou des pratiques divinatoires. C'est la
même exigence qui explique, pour partie, la méfiance dont font l'objet certains procédés
scientifiques utilisés en vue d'arracher des aveux, tels que l'hypnotisme et la narco-analyse,
procédés dangereux, constatent MERLE et VITU, les aveux obtenus n'étant pas nécessairement
conformes à la vérité, puisqu'ils tendent à un «déballage» dans lequel sont mêlés les souvenirs
conscients et les pulsions refoulées dans l'inconscient831.
Des moyens techniques modernes qui faisaient naguère l’objet d’une certaine méfiance, sont de
plus en plus largement reçus.
3. Les moyens de preuve doivent être respectueux de la dignité humaine. C'est ainsi que
doivent être combattus les passages à tabac, les tortures, la ruse, la narco-analyse... utilisés en
vue d'arracher des aveux. Une des résolutions du VIe Congrès de l'A.I.D.P. proclame qu'aucun
procédé artificiel, aucune violence ou pression ne peuvent être exercés sur l'inculpé pour le
déterminer à des aveux.
4. Les moyens de preuves doivent respecter les droits de la défense. Le juge ne peut recevoir
des moyens parvenus à sa connaissance en dehors des débats et non soumis au débat
contradictoire des parties.
«Même dans le for intérieur, le juge est tenu de rendre sa décision, non d'après ce qu'il sait
comme homme, mais d'après ce qu'il a appris comme juge.»832
Il ne peut non plus admettre des moyens irréguliers, tels que des documents saisis au cours
d'une perquisition irrégulière, ou la déposition sous serment d'une personne privée du droit de
déposer en justice, ou encore la production en photocopie (ou copie) non certifiée conforme du
document vanté, mais contesté par une des parties, etc.
Il a été jugé que le tribunal ne peut déclarer établie une infraction, si la preuve en a été obtenue
à la suite d’un fait punissable ou d’une autre manière irrégulière, soit de la part de l’autorité
chargée de la recherche, de la constatation ou des poursuites en matière d’infraction, soit de la
part du dénonciateur de l’infraction833.
Doivent être rejetées les preuves obtenues notamment par
- La violation du secret professionnel ;
- La violation du secret des lettres ;
831
Op. cit., n° 759.
832
BONNIER, tome I, n° 101; cité par J. VERHAEGEN, Cours, op. cit., p. 26.
833
Cass., 4 janv. 1994, R.D.P.C., 801.
275

- La soustraction frauduleuse (vol) des pièces pouvant servir des preuve, etc.
La violation de règles formelles de procédure pénale pour l’obtention d’une preuve contraint le
juge à la rejeter pour cause de nullité834. Il en est ainsi :
- De l’audition sous serment d’un témoin déchu du droit de témoigner ;
- De l’audition d’un inculpé sous serment ;
- De l’analyse de sang en violation des règles légales835.
Doivent enfin être rejetées, les preuves obtenues « par un acte qui est incompatible avec les
principes généraux du droit régissant la procédure pénale, notamment le respect des droits de la
défense, même si cet acte n’est pas expressément interdit par la loi »836.
La fouille corporelle constitue, par sa nature même, un acte de recherche et de constatation
d’une infraction dont la loi réserve l’initiative et l’exécution aux personnes autorisées à exercer
la fonction de police judiciaire ; dès lors, la preuve de la détention de stupéfiants par le prévenu
obtenue par une fouille corporelle effectuée par le portier d’un dancing est illégale837.

SECTION III. L'APPRECIATION DES PREUVES

§ 1. PRINCIPE
Le juge apprécie les moyens qu'on lui soumet souverainement, d'après son intime conviction,
pourvu que son raisonnement soit motivé838. Le système est appelé celui de l’intime conviction.
Ce système a succédé à celui des preuves légales. Dans ce dernier, la valeur des preuves était
tarifée. A chaque moyen de preuve, la loi ou la coutume attachait telle valeur probante, et dès
qu'elle était produite, elle s'imposait au juge qui devait condamner. Et quand elle n'était pas
rapportée, il devait acquitter, quelle que soit par ailleurs sa conviction personnelle.
Le système de l'intime conviction est aussi appelé celui des preuves morales.
L'intime conviction du juge ne signifie pas que celui-ci peut se livrer à des décisions arbitraires
ou fantaisistes. Sa conviction doit être raisonnable. Et les cours de cassation se permettent de
sanctionner les raisonnements du juge répressif entachés d'un vice radical ou de
contradiction839.

834
Conclusions de l’Avocat général Du JARDIN sous Cass., 4 janv. 1994, R.D.P.C., 802.
835
Cass. 10 déc. 1923, Pas. 1924, I, 67 avec les conclusions de P. LECLERCQ ; 26 fév. 1992, Pas. I, n° 338 ; 23 janv.
1990, Pas. I. Cités par du Jardin, loc. cit.
836
Cass. 13 mai 1986, R.D.P.C., 905.
837 e
Cour d’appel de Brux., 14 ch. corr., 20 juin 1997, R.D.P.C., 1092.
838
C.S.J., 28 janv. 1976, Bull., 1977, 20.
839
TROUSSE, op. cit., n° 3553.
276

§2. ILLUSTRATIONS

De manière plus détaillée, voyons quelle appréciation peut être faite de différents moyens de
preuve en droit pénal, sans perdre de vue que les divers modes de preuve ne sont pas cloisonnés
les uns par rapport aux autres et qu’ils s’interpénètrent mutuellement et pratiquement lors du
déroulement d’un procès.
« On avance en même temps par diverses voies pour découvrir la vérité, et l’on passe souvent
de l’une à l’autre, car la route est plus ou moins tortueuse, avec des ramifications »840.
A. LES CONSTATATIONS DIRECTES
Elles portent sur les données matérielles qui font l'infraction ou entourent sa commission.
Elles forment la preuve la plus simple et la plus sûre car elles donnent une vue directe et
immédiate sur l'activité infractionnelle, l'auteur matériel et les circonstances du fait. Elles
peuvent porter sur l'objet ou l'instrument de l'infraction, le plan des lieux, bref sur toute
personne a priori impliquée dans la commission de l'infraction, sur toute chose ayant fait l'objet
de l'infraction ou ayant servi à sa réalisation.
B. LES DOCUMENTS ECRITS
Les documents écrits forment la preuve écrite ou littérale. Celle-ci est une des preuves les plus
sûres car, lorsqu'elle est complète, elle est parfaite.
Une preuve écrite sera dite complète lorsque, quant à la forme, elle émane de la personne qui a
qualité pour l'établir et que, quant au fond, elle a un contenu sincère et exact au regard de la
cause qui est jugée et de ce qu'il faut prouver.
Dans la pratique, la preuve écrite est souvent fragmentaire, ce qui justifie la discussion, la
vérification et l'interprétation.
C. L'AVEU
L'aveu est constitué par des déclarations du prévenu par lesquelles il reconnaît le bien-fondé
des accusations portées contre lui841.
Longtemps, il a été considéré comme la reine des preuves, l'ultima probatio, d'une part parce
qu'il était de nature à rassurer la conscience du juge, et d'autre part, parce qu'on estimait que
personne n'avait intérêt à témoigner contre soi-même.
Aujourd'hui, l'aveu ne bénéficie plus d'un aussi grand crédit.

840
F. GORPHE, op. cit., p. 48.
841
MERLE et VITU, op. cit., n° 777 ; voir aussi B. DE SMET, La valeur de l’aveu en matière pénale, in R.D.P.C., 1994,
631 et s.
277

Des aveux peuvent être mensongers pour des raisons diverses. Le plus grand nombre d'aveux se
font sous l'effet de l'intimidation, de la peur et de la souffrance.
Il en est ainsi de certains qui sont obtenus par la torture ou, pour utiliser l'expression du droit
ancien, « la question judiciaire».
Dès lors qu’il apparaît que des aveux ont été obtenus de façon irrégulière, il appartient au juge
du fond de les écarter des débats, en vertu d’un principe fondamental de procédure pénale qui
veut que le juge ne puisse baser son intime conviction que sur des preuves qui ont été
recueillies régulièrement et avec des moyens qui ne portent pas atteinte aux droits de la
défense842.
Les chroniques judiciaires rapportent aussi de faux aveux faits dans un but de lucre, pour
avancer dans la hiérarchie d'une association criminelle843, ou sous l’effet d’un désordre mental.
« De plus, l’expérience a démontré qu’un aveu, même réellement spontané, même
de nature à faire tomber son auteur sous le coup de graves sanctions pénales, peut
être un mensonge, inspiré par des motifs qui résultent souvent de désordres
psychologiques »844.
Il existe, enfin des aveux par intérêt, d'autres par dévouement (par exemple pour sauver un être
cher), d'autres encore par désespoir, ou par jactance. «La vanité mène facilement à la
forfanterie, au détriment de la vérité.»845
D. LES TEMOIGNAGES
Le code de procédure pénale prévoit que l’officier du ministère public846, comme le juge847,
peuvent faire citer devant eux toute personne dont ils estiment l'audition nécessaire.
Sont dispensées de témoigner les personnes qui sont dépositaires par état ou par profession des
secrets qu'on leur confie. On pense ici notamment aux médecins et à toutes les personnes qui
exercent l'art de guérir, aux avocats, aux fonctionnaires de l'Etat848, aux membres des Forces
Armées849, aux ministres des cultes, aux banquiers, aux collaborateurs des personnes tenues au
secret professionnel, etc.

842
Corr. Namur, 30 juin 1994, J.L.M.B., 1143 ; R.D.P.C., 1995, 487.
843
F. GORPHE, op. cit., p. 231.
844
Jean PATARIN, op. cit., p. 51.
845
Op. cit., p. 225.
846
Article 16 du code de procédure pénale.
847
Article 17 du code de procédure pénale.
848
Voir l'article 52 de la loi n° 81-003 du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services
publics de l'Etat.
849
Voir les articles 492 à 500 du code de justice militaire.
278

La personne citée comme témoin doit, avant de déposer, prêter serment en ces termes : «Je jure
de dire toute la vérité, rien que la vérité».
On considère que «le serment améliore le témoignage, non seulement sous le rapport de la
sincérité, mais même sous celui de l'exactitude, en attirant l'attention du témoin sur l'importance
de ses déclarations et en rendant ses assertions plus réservées, de façon à ne pas donner pour
certains ce dont il n'est pas bien sûr.»850
Les déclarations des personnes qui déposent sans avoir prêté serment sont reçues à titre de
simples renseignements.
Longtemps, le témoignage a bénéficié de beaucoup de crédit, surtout lorsqu'il était le fait de
quelqu'un de bonne réputation, désintéressé, et qui déposait sous serment. Mais les progrès de
la psychologie ont permis de relativiser ce moyen de preuve. Il est rare qu'un témoignage soit
fidèle.
La bonne foi et l'assurance du témoin concourent souvent à la sincérité d'un témoignage, mais
n'assurent pas toujours son exactitude. Le témoin peut en effet prendre ses impressions et ses
désirs pour des réalités. C'est ainsi qu'un témoignage peut être à la fois sincère et faux.
Il faut surtout se méfier des dépositions des enfants, à cause de leur extrême suggestibilité, des
personnes âgées, à cause de leur perte de mémoire. Il faut se méfier des témoignages collectifs,
et retenir qu'une «minorité peut avoir raison contre une forte majorité»851.
Enfin, un témoignage peut être faux par intérêt ou par vengeance.
E. LES INDICES
Les indices sont formés de tout fait ou de toute circonstance pouvant conduire à la vérité. Ils
forment une preuve indirecte, dont le point de départ est constitué par «des faits ou des
circonstances qu'on suppose établis et dont il s'agit de dégager le rapport avec le fait
recherché»852.
C'est aussi une preuve de second degré en ce sens que les indices s'appuient, pour être connus,
sur le témoignage, les constatations, les aveux ou les expertises853.
Les indices doivent être maniés avec beaucoup de rigueur, car ils conduisent rarement à une
conclusion immédiate de la culpabilité. Ils sont plutôt le point de départ d'un raisonnement qui,
lorsqu'il est bien mené, conduit à la vérité.

850
F. GORPHE, op. cit., p. 376.
851
TROUSSE, op. cit., n° 3603.
852
F. GORPHE, op. cit., p. 247.
853
Op. cit., p. 248.
279

L'indice probant doit être univoque, ne doit pas être susceptible de deux explications
différentes. Doivent être éliminées au préalable «toutes les explications rivales»854.
Dans un cas d’espèce, pour établir le meurtre par empoisonnement, et à défaut d’une expertise
sur la nature et les effets des poisons, la bonne santé de la victime avant l’ingestion du poison,
d’une part, et les douleurs qui ont suivi immédiatement cette ingestion d’autre part, ont
constitué des indices à partir desquels le juge pouvait cheminer vers la vérité judiciaire.
Mais, à la vérité, comme tout autre moyen de preuve, les indices seront souvent confortés par
d’autres moyens. Et dans le cas sous examen, l’intime conviction du juge a été complètement
construite lorsque de l’opinion unanime des habitants du lieu du crime (témoignage) il a été
établi que les substances administrées étaient toxiques855.
F. L’EXPERTISE
En matière répressive, le juge du fond apprécie souverainement la valeur probante des éléments
de la cause qui lui ont été régulièrement soumis et que les parties ont pu contredire, tels que
notamment les éléments d’un rapport d’expertise ; rien ne l’empêche d’accorder crédit à un ou
plusieurs des éléments de ce rapport et d’accorder peu ou pas de crédit à d’autres éléments du
même rapport856.

854
Voir Chris. HENNAU et J. VERHAEGEN, op. cit., n°s 149 -150.
855
Kis., 19 déc. 1974, R.J.Z., 128.
856
Cass., 28 fév. 1995, Pas. I, 234.
280

TABLE DES MATIERES


COURS DE DROIT PENAL GENERAL ..............................................................................................1
INTRODUCTION ..........................................................................................................................2
§ 1. IMPORTANCE DU DROIT PENAL ...............................................................................2
§ 2. DEFINITION DU DROIT PENAL..................................................................................6
§ 3. EVOLUTION DU DROIT PENAL ..................................................................................7
A. LA VENGEANCE PRIVEE............................................................................................7
D'après « des récits légendaires, des textes sacrés et des œuvres littéraires », à ses
origines, l'infraction est une atteinte à l'ordre privé, et la justice pénale est une justice
privée......................................................................................................................................7
B. LE POUVOIR PUBLIC SANCTIONNATEUR ..................................................................8
C. LE FONDEMENT RELIGIEUX ........................................................................................9
D. DROIT PENAL ANCIEN ..................................................................................................9
E. LE SIECLE DES LUMIERES ..........................................................................................10
F. LES DOCTRINES ............................................................................................................11
I. La doctrine classique ..........................................................................................11
II. La doctrine positiviste ............................................................................................12
III. Les doctrines intermédiaires ou de conciliation ...................................................12
IV. Les doctrines pénales actuelles .............................................................................13
a) La défense sociale ..............................................................................................13
b) L’Ecole de la non-intervention ........................................................................14
c) Les doctrines néo-classiques .............................................................................16
G. LES CODES PENAUX FRANCAIS, BELGE ET CONGOLAIS .....................................17
§ 4. LES PRINCIPALES BRANCHES DU DROIT PENAL .................................................18
§ 5. LE DROIT PENAL ET LA POLITIQUE CRIMINELLE ...............................................19
Aussi, proposons- nous la définition suivante : la politique criminelle est l’ensemble des
mesures, à caractère pénal ou non, tendant à assurer la protection de la société contre les
activités criminelles, déviantes et antisociales, à aménager le sort des délinquants, des
déviants et des marginaux, et à garantir les droits des victimes. ........................................19
§ 6. LES RAPPORTS ENTRE LE DROIT PENAL ET LES DISCIPLINES VOISINES OU
AUXILIAIRES ......................................................................................................................19
§ 7. LES CARACTERES DU DROIT PENAL ......................................................................22
§ 8. PLAN DU COURS ........................................................................................................22
§ 9. BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE ....................................................................................24
A. EN GENERAL .................................................................................................................24
I. Ouvrages ..................................................................................................................24
II. Revues .....................................................................................................................26
B. DROIT CONGOLAIS ......................................................................................................27
281

I. Ouvrages et cours ....................................................................................................27


II. Revues .....................................................................................................................27
Première partie ...........................................................................................................................28
LA LOI PENALE .........................................................................................................................28
SECTION Ière INVENTAIRE DES LOIS PENALES ................................................................29
§ 1. LES LOIS DE DROIT PENAL COMMUN ...................................................................29
A. LE CODE PENAL (Coordination du décret du 30 janvier 1940). ..............................29
B. LES LOIS COMPLEMENTAIRES DU CODE PENAL ...............................................30
C. LES CARACTERES DU DROIT COMMUN ...............................................................30
§ 2. LES LOIS DE DROIT PENAL PARTICULIER ............................................................30
§ 3. RAPPORT ENTRE LES LOIS DE DROIT PENAL COMMUN ET LES LOIS DE
DROIT PENAL PARTICULIER ...........................................................................................31
SECTION II. PRINCIPE DE LA LEGALITE DES INFRACTIONS, DES PEINES ET DE LA
PROCEDURE ..........................................................................................................................31
§ 1. ENONCE DU PRINCIPE .............................................................................................31
§ 2. LA JUSTIFICATION DU PRINCIPE ...........................................................................32
A. LIMITATION DU DROIT DE PUNIR .........................................................................32
B. REMPART CONTRE L'ARBITRAIRE DU JUGE .......................................................33
C. EXIGENCE D'UNE MEILLEURE POLITIQUE CRIMINELLE.................................33
§ 3. LE CONTENU DU PRINCIPE .....................................................................................34
A. LEGALITE DES INCRIMINATIONS...........................................................................34
I. Pour le législateur d'abord ......................................................................................34
II. Pour le juge ensuite ................................................................................................34
B. LEGALITE DES PEINES.............................................................................................35
I. Au niveau du législateur ..........................................................................................35
II. Au niveau du juge ...................................................................................................35
C. LEGALITE DE LA PROCEDURE ..............................................................................36
§ 4. LE RECUL DU PRINCIPE ...........................................................................................36
A. AU NIVEAU THEORIQUE .........................................................................................36
B. AU NIVEAU PRATIQUE .............................................................................................37
I. Cas regrettables .......................................................................................................37
a) La rédaction vague et imprécise des incriminations .....................................37
b) L'acceptation de l'interprétation analogique .................................................37
c) La condamnation ante delictum .......................................................................37
d) La sentence indéterminée .................................................................................38
II. Cas où le recul du principe est justifié ...................................................................38
a) Protection de la jeunesse ..................................................................................38
b) Défense sociale à l'égard des anormaux ..........................................................39
c) Extension du pouvoir du juge ..........................................................................39
SECTION III. INTERPRETATION DE LA LOI PENALE .......................................................39
§ 1. LES SOURCES D'INTERPRETATION.........................................................................40
282

A. L'INTERPRETATION AUTHENTIQUE (DITE AUSSI LEGISLATIVE).....................40


I. Interprétation contextuelle ......................................................................................40
II. Interprétation postérieure......................................................................................41
B. L'INTERPRETATION JUDICIAIRE............................................................................41
C. L'INTERPRETATION DOCTRINALE .........................................................................42
D. INTERPRETATION DES NORMES INTERNATIONALES ........................................43
§ 2. LES METHODES D'INTERPRETATION .....................................................................44
A. INTERPRETATION LITTERALE ................................................................................44
B. INTERPRETATION TELEOLOGIQUE ......................................................................45
I. Les principes ............................................................................................................45
a) La loi pénale doit être appliquée à tous les cas rentrant dans ses termes ....46
b) La loi pénale ne peut être appliquée qu'aux seuls cas rentrant dans ses
termes .....................................................................................................................46
II. Techniques d'interprétation téléologique ...............................................................46
a) L'étude grammaticale .......................................................................................46
b) La ratio legis ......................................................................................................47
c) Les travaux préparatoires ................................................................................47
d) Interprétation évolutive....................................................................................48
1) Exemples d'adaptation aux progrès techniques: .........................................................49
2) Exemples d'adaptation des textes aux besoins de la politique criminelle : .................51
3) Intérêt d’une intervention législative ...........................................................................51
e) L'argument «a rubrica » ...................................................................................52
f) Le droit comparé ...............................................................................................53
g) Les données historiques, politiques et sociales ...............................................53
C. ANALOGIE ..................................................................................................................54
§ 3. AUTONOMIE DU DROIT PENAL ...............................................................................54
A. LES MANIFESTATIONS DE L'AUTONOMIE ............................................................54
I. Fonctionnaire ...........................................................................................................54
II. Biens meubles et immeubles ...................................................................................55
III. Domicile ................................................................................................................56
IV. Les actes nuls .........................................................................................................56
V. Homicide involontaire ............................................................................................57
B. APPRECIATION CRITIQUE DU PRINCIPE DE L'AUTONOMIE ...........................57
I. Justification du principe ..........................................................................................57
II. Recul du principe ....................................................................................................58
§ 4. IN DUBIO PRO REO....................................................................................................58
SECTION IV. L'APPLICATION DE LA LOI PENALE DANS LE TEMPS .............................59
§ 1. L'APPLICATION DANS LE TEMPS DES LOIS DE FOND ......................................60
A. LA LOI APPLICABLE .................................................................................................61
I. Comparaison de la sévérité des lois en conflit ........................................................61
a) Incriminations ...................................................................................................61
b) Pénalités .............................................................................................................61
II. L'effet de la loi nouvelle sur le procès en cours .....................................................62
283

III. L'effet de la loi nouvelle après un jugement définitif ............................................63


IV. Texte de loi comportant des dispositions les unes douces et les autres sévères ....64
B. LES EXCEPTIONS AUX REGLES DE CONFLITS ...............................................65
I. Les lois interprétatives .............................................................................................65
II. Les lois portant mesures de sûreté .........................................................................66
III. Problème posé par les lois temporaires et les lois de circonstances ....................66
IV. Problème posé par la dérogation légale ...............................................................66
§ 2. APPLICATION DANS LE TEMPS DES LOIS DE PROCEDURE ...............................67
A. APPLICATION IMMEDIATE DES LOIS NOUVELLES DE PROCEDURE .....67
I. En ce qui concerne les lois de compétence ou d’organisation judiciaires ..............69
II. Les lois relatives aux modes de preuve ..................................................................69
III. Les voies de recours ..............................................................................................70
IV. Les lois nouvelles relatives à la prescription ........................................................71
V. Les lois relatives à la poursuite (mise en mouvement ou exercice des poursuites) 72
§ 1. LES SYSTEMES DOCTRINAUX ..................................................................................73
A. LA TERRITORIALITE DE LA LOI PENALE ..............................................................73
I. Les arguments en faveur de ce système ...................................................................73
a) L'intérêt social ...................................................................................................74
b) Une meilleure justice ........................................................................................74
c) Le respect du principe de légalité ....................................................................74
d) Exercice de sa souveraineté par l'Etat de la commission de l'infraction .....74
II. Le reproche encouru par le système de la territorialité ........................................74
B. LA PERSONNALITE DE LA LOI PENALE ...........................................................75
I. Principe de la personnalité active ...........................................................................75
II. Principe de la personnalité passive ........................................................................76
C. SYSTEME DE L'UNIVERSALITE DU DROIT DE PUNIR (Judex
deprehensionis)................................................................................................................76
I. Définition .................................................................................................................76
II. Les infractions ou les atteintes à l’ordre public international ...............................77
III. La répression .........................................................................................................79
IV. Le droit pénal international...................................................................................79
§ 2. LE DROIT POSITIF CONGOLAIS ..............................................................................79
A. SIEGE DE LA MATIERE .........................................................................................80
B. SYSTEME EN VIGUEUR .........................................................................................80
I. Principe de territorialité .........................................................................................80
a) Définition du territoire .....................................................................................80
b) Statut des ambassades ......................................................................................81
c) Statut des aéronefs ............................................................................................82
d) Statut des navires ..............................................................................................82
II. Correctifs ................................................................................................................83
a) Correctif relevant du système de l'universalité ..............................................83
b) Correctif emprunté au système de la personnalité passive ..........................84
§ 3. LA COOPERATION INTERNATIONALE CONTRE LE CRIME ................................85
A. L'EXTRADITION .........................................................................................................85
I. Définition .................................................................................................................85
284

II. Conditions d'extradition .........................................................................................85


a) L'Etat requérant ...............................................................................................85
b) L'Etat requis......................................................................................................86
c) L'individu recherché .........................................................................................86
d) Les infractions extraditionnelles .....................................................................87
e) Les infractions politiques ..................................................................................88
1) Définition de l'infraction politique...............................................................................88
1. Les infractions politiques pures .........................................................................88
2. Les infractions politiques complexes ou mixtes ................................................89
3. Les infractions connexes à des délits politiques ................................................89
2) Le recul du principe de la non extradition du délinquant politique ...........................90
1. L'économie de la Convention.............................................................................90
2. Les antécédents les plus connus ........................................................................91
3. La controverse ...................................................................................................92
III. La procédure d'extradition ...................................................................................92
B. LES AUTRES FORMES DE COLLABORATION INTERNATIONALE ..............93
I. La collaboration policière internationale ................................................................93
II. La collaboration judiciaire internationale .............................................................94
a) Coopération entre les Etats ..............................................................................94
b) Coopération des Etats avec les Tribunaux pénaux internationaux .............94
III. La coopération internationale dans le cadre de l'ONU ........................................95
D e u x i è m e P a r t i e ...........................................................................................................96
L'INFRACTION ...........................................................................................................................96
SECTION Ière L'ELEMENT LEGAL DE L'INFRACTION ..........................................................97
§ 1. LA QUALIFICATION DES FAITS ..................................................................................97
A. LES PRINCIPES GENERAUX .......................................................................................97
B. LES QUALIFICATIONS MULTIPLES..........................................................................101
I. Les qualifications incompatibles et les qualifications alternatives ......................101
a) Les qualifications incompatibles ....................................................................101
b) Les qualifications alternatives .......................................................................102
II. Le concours d'infractions .....................................................................................102
a) Le concours idéal d'infractions ......................................................................102
1) Le délit complexe ou concours idéal proprement dit (art.20 al. 1.) .........................102
2) Le délit collectif.........................................................................................................103
3) Le délit continué ........................................................................................................103
4) La fiction de rattachement du délit collectif et du délit continué au concours idéal .104
5) Qualifications et sanctions .........................................................................................104
6) Tableau comparatif du concours idéal proprement dit, du délit collectif et du délit
continué ..........................................................................................................................106
b) Le concours matériel ......................................................................................107
§ 2. LA QUALIFICATION DES INFRACTIONS ..............................................................109
A. CRIMES, DELITS, CONTRAVENTIONS .................................................................109
B. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS POLITIQUES .....110
285

C. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS MILITAIRES ......110


D. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS TERRORISTES ..111
E. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET INFRACTIONS D'AFFAIRES ......113
F. INFRACTIONS DE DROIT COMMUN ET CRIMES INTERNATIONAUX .............113
§ 3. LES CAUSES DE JUSTIFICATION OU L’ELEMENT INJUSTE ............................114
A. L'ETAT DE NECESSITE ...........................................................................................115
I. Définition ..............................................................................................................115
II. Conditions d'ouverture du droit ...........................................................................115
a) L'intérêt à sauvegarder doit être de valeur supérieure ou au moins égale à
l'intérêt sacrifié ....................................................................................................115
b) L'intérêt à sauvegarder doit être menacé d'un péril grave et imminent ...116
c) La commission de l'infraction doit être le seul moyen de sauvegarder
l'intérêt menacé ...................................................................................................116
III. Conditions d'exercice ..........................................................................................116
IV. La faute antérieure ou la culpa praecedens ........................................................117
V. L'état de nécessité et la responsabilité civile ........................................................118
B. LA LEGITIME DEFENSE .........................................................................................118
I. Définition ...............................................................................................................118
II. Les conditions d'existence de la légitime défense .................................................119
a) L'attaque doit être actuelle ou imminente ....................................................119
b) L'attaque doit être injuste ..............................................................................120
c) Le recours à la force doit être le seul moyen de se protéger ou de protéger
autrui ....................................................................................................................121
d) L'agression doit être dirigée contre les personnes ou contre les biens.......121
III. Condition d'exercice de la légitime défense ........................................................123
IV. Cas privilégiés de légitime défense en droit comparé .........................................125
V. La légitime défense et la responsabilité civile ......................................................125
C. L'ORDRE OU L'AUTORISATION DE LA LOI ET LE COMMANDEMENT DE
L'AUTORITE ..................................................................................................................126
I. Définition ...............................................................................................................126
II. Conditions de la justification ................................................................................126
III. Ordre illégal ........................................................................................................127
a) Système de l'obéissance passive .....................................................................127
b) Système dit «des baïonnettes intelligentes» ...................................................128
c) Système intermédiaire ....................................................................................128
1) Principe ......................................................................................................................128
2) L’ordre manifestement illégal et la contrainte morale ............................................128
3) L’ordre manifestement illégal et les atteintes graves à la vie, à l’intégrité physique ou
à la santé ........................................................................................................................129
IV. Ordre de la loi ou commandement de l'autorité et responsabilité civile...........129
D. LE CONSENTEMENT DE LA VICTIME ..................................................................129
E. LES LIMITES DE LA JUSTIFICATION ....................................................................130
SECTION II. L'ELEMENT MATERIEL DE L'INFRACTION ...............................................131
§1. INFRACTION DE COMMISSION ET INFRACTION D'OMISSION ..........................131
286

A. INFRACTION DE COMMISSION .........................................................................131


B. INFRACTION D'OMISSION..................................................................................131
C. INFRACTION DE COMMISSION PAR OMISSION ..........................................132
§ 2. L'INFRACTION CONSOMMEE .................................................................................134
A. L'INFRACTION FORMELLE ....................................................................................134
B. L'INFRACTION MATERIELLE .................................................................................135
§ 3. MOMENT ET DUREE DE L'INFRACTION ..............................................................135
A. L'INFRACTION INSTANTANEE ..........................................................................135
B. L'INFRACTION CONTINUE ...................................................................................136
C. INFRACTION D'HABITUDE ...................................................................................137
D. CONSEQUENCES PRATIQUES DE LA DISTINCTION .........................................137
I. En matière de prescription.....................................................................................137
II. Quant à l'application de la loi pénale dans le temps .........................................138
III. Quant à l'application de la loi pénale dans l'espace .........................................138
IV. En ce qui concerne le principe non bis in idem..................................................138
V. Quant à la loi d'amnistie .......................................................................................139
§ 4. LA TENTATIVE PUNISSABLE...................................................................................139
A. L'INFRACTION TENTEE ..........................................................................................140
I. La résolution criminelle .........................................................................................140
II. Le commencement d'exécution .............................................................................141
a) La tendance objective .....................................................................................141
b) La tendance subjective ...................................................................................142
c) Notre opinion ...................................................................................................143
d) Les actes préparatoires punissables comme infractions particulières .......145
e) Les actes préparatoires constitutifs de complicité ........................................145
III. L'absence de désistement volontaire ...................................................................145
B. L'INFRACTION MANQUEE .....................................................................................147
C. L'INFRACTION IMPOSSIBLE..............................................................................148
I. Théorie objective ....................................................................................................148
II. Théorie subjective .................................................................................................149
III. Théories intermédiaires.......................................................................................150
a) Impossibilité absolue et impossibilité relative ..............................................150
b) Impossibilité de fait et impossibilité de droit ...............................................152
IV. Cas du délit absurde et du délit putatif ...............................................................153
a) Délit absurde....................................................................................................153
b) Délit putatif......................................................................................................154
V. La jurisprudence en matière de tentative impossible ...........................................155
VI. Infraction impossible et infraction manquée .......................................................156
D. LA REPRESSION DE LA TENTATIVE PUNISSABLE ............................................158
Troisième Partie ........................................................................................................................159
LE DELINQUANT.....................................................................................................................159
§ 1. LES PERSONNES PHYSIQUES .................................................................................160
287

A. PRINCIPE ..................................................................................................................160
B. LES IMMUNITES PENALES.....................................................................................161
I. Immunités de droit interne .....................................................................................161
a) Le Président de la République ......................................................................161
1. Le principe ........................................................................................................161
2. Immunités pénales et crimes contre l’humanité .............................................161
b) Les autres personnes bénéficiaires des immunités pénales .........................161
II. Immunités de droit international .......................................................................162
III. Immunités de la presse en droit congolais et en droit comparé ......................163
§ 2. LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES ..............................163
A. LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L'IRRESPONSABILITE PENALE DE LA
PERSONNE MORALE ...................................................................................................163
B. LES ARGUMENTS FAVORABLES A LA RESPONSABILITE PENALE DES
PERSONNES MORALES ...............................................................................................163
C. LA TENDANCE ACTUELLE.....................................................................................164
D. LA RESPONSABILITE DES PERSONNES MORALES EN DROIT CONGOLAIS ..165
SECTION II. LA PARTICIPATION CRIMINELLE ...............................................................168
§ 1. LES CONDITIONS GENERALES DE LA PARTICIPATION CRIMINELLE ............168
A. UNE INFRACTION PRINCIPALE ............................................................................168
B. UN ACTE DE PARTICIPATION ...............................................................................169
I. Actes limitatifs et de stricte interprétation ............................................................169
II. Actes positifs ........................................................................................................169
III. Actes consommés ................................................................................................171
IV. Actes antérieurs ou concomitants ........................................................................171
V. Le problème posé par les actes de participation commis à l’étranger .................172
C. L'INTENTION CRIMINELLE....................................................................................172
§ 2. LES MODES LEGAUX DE LA CORREITE ...............................................................174
A. L'EXECUTION MATERIELLE ET LA COOPERATION DIRECTE ........................174
I. L’exécution matérielle ......................................................................................174
II. La coopération directe ....................................................................................175
B. AIDE ET ASSISTANCE INDISPENSABLES .............................................................175
C. LA PROVOCATION PRIVEE ET PUBLIQUE .........................................................176
I. Deux formes de provocation ..................................................................................176
a) La provocation privée (Art.21, al. 4) .............................................................176
2) Menaces ....................................................................................................................177
3) Abus d'autorité et de pouvoir ....................................................................................177
4) Machinations ou artifices coupables .........................................................................178
b) La provocation publique (Art. 21, al. 5) .......................................................178
a) Etendue de la responsabilité du provocateur ...............................................179
1. Le provocateur avait précisé le mode d'exécution de l'infraction, le choix des
moyens et leur usage ............................................................................................180
2. Le provocateur a donné un ordre indéterminé...............................................180
288

3. L'ordre est précis, mais l'agent commet une infraction toute différente .......181
b) Désistement du provocateur ..........................................................................181
§ 3. LES MODES LEGAUX DE LA COMPLICITE ..........................................................182
A. INSTRUCTIONS ........................................................................................................182
B. FOURNITURE DE MOYENS ....................................................................................183
C. AIDE ACCESSOIRE ..................................................................................................183
D. RECEL DES MALFAITEURS ...................................................................................184
§ 4. DISPOSITIONS SPECIALES......................................................................................185
§ 5. REPRESSION DE LA PARTICIPATION....................................................................185
§ 6. INFRACTIONS PLURALES .......................................................................................185
SECTION III. LES CAUSES DE NON-IMPUTABILITE ......................................................186
§ 1. LA DEMENCE ............................................................................................................187
A. NOTION DE DEMENCE...........................................................................................188
B. EFFETS DE LA DEMENCE......................................................................................188
I. Elle doit être contemporaine à l'acte incriminé .....................................................189
II. La démence doit être totale ..................................................................................189
C. ETATS VOISINS DE LA DEMENCE ........................................................................191
I. Le somnambulisme ................................................................................................191
II. L'ivresse ...............................................................................................................192
§ 2. LA CONTRAINTE IRRESISTIBLE .............................................................................193
A. LA CONTRAINTE PHYSIQUE OU FORCE MAJEURE .........................................193
B. LA CONTRAINTE MORALE .....................................................................................194
C. LES CONDITIONS DE LA CONTRAINTE ...............................................................195
I. La contrainte doit être irrésistible .........................................................................195
II. La contrainte doit être extérieure au prévenu (imprévisibilité) ...........................196
§ 3. L'ERREUR INVINCIBLE ............................................................................................197
A. NOTION .....................................................................................................................197
B. LE CARACTERE INVINCIBLE .............................................................................197
C. L'ERREUR FAUTIVE ................................................................................................201
I. L’erreur de fait fautive ou non-invincible ..............................................................201
II. L’erreur de droit fautive ou non invincible .........................................................201
D. L'ERREUR DE DROIT ET LE JURISTE ..................................................................202
§ 4. LA MINORITE ............................................................................................................202
SECTION IV. L'ELEMENT MORAL .....................................................................................203
§ 1. LES INFRACTIONS INTENTIONNELLES ...............................................................203
A. DOL GENERAL ET DOL SPECIAL ......................................................................203
B. LE DOL PLUS SPECIAL ...........................................................................................205
C. DOL DIRECT ET DOL INDIRECT...........................................................................206
D. LE DELIT PRETERINTENTIONNEL .......................................................................208
289

E. DOL INDETERMINE ................................................................................................209


F. DOL REFLECHI OU DOL AGGRAVE .....................................................................209
G. L'ABERRATIO ICTUS ............................................................................................210
§2. LES DELITS D'IMPRUDENCE .................................................................................212
A. LA FAUTE PENALE ..................................................................................................212
I. La faute sans prévoyance ou la faute inconsciente ..............................................213
II. La faute avec prévoyance ou la faute consciente ................................................214
III. Etat des législations sur la faute pénale..............................................................215
B. LE DOMMAGE..........................................................................................................215
C. LE LIEN DE CAUSALITE .........................................................................................216
I. La nécessité du lien de causalité ...........................................................................216
II. Le critère de causalité ..........................................................................................217
a) Théorie de l'équivalence des conditions ........................................................217
b) Théorie de la causalité adéquate ...................................................................218
c) Critique des théories sur la causalité .............................................................219
D. RAPPORTS ENTRE LA FAUTE PENALE ET LA FAUTE CIVILE .................219
§ 3. LES INFRACTIONS DITES MATERIELLES .............................................................221
A. LA THEORIE CLASSIQUE DE LA FAUTE CONTRAVENTIONNELLE ........221
B. LA FAUTE PENALE DANS LES INFRACTIONS DITES MATERIELLES ....222
C. APPRECIATION CRITIQUE ....................................................................................223
§ 4. LES INFRACTIONS DE MISE EN DANGER ............................................................223
A. NOTION .....................................................................................................................223
B. ELEMENT MORAL DANS LES INFRACTIONS DE MISE EN DANGER .......224
Quatrième partie .......................................................................................................................224
LA SANCTION ..........................................................................................................................224
SECTION Ière .........................................................................................................................225
NOTIONS PRELIMINAIRES .................................................................................................225
§1. NOTION DE PEINE ....................................................................................................225
§2. LES FONCTIONS DE LA PEINE ................................................................................225
B. LA FONCTION DE PREVENTION INDIVIDUELLE OU SPECIALE .............225
I. Intimidation ...........................................................................................................225
II. Amendement.........................................................................................................226
C. LA FONCTION DE PREVENTION GENERALE ....................................................226
D. LA FONCTION ELIMINATRICE .............................................................................226
E. LA FONCTION REPARATRICE ..........................................................................227
F. CONSIDERATIONS GENERALES ......................................................................227
§ 3. LES CARACTERES DE LA PEINE ............................................................................227
A. LA PEINE DOIT ETRE LEGALE .............................................................................227
B. LA PEINE DOIT ETRE EGALE ...........................................................................228
290

C. LA PEINE DOIT ETRE PERSONNELLE ............................................................228


D. LA PEINE DOIT RESTER RESPECTUEUSE DE LA DIGNITE HUMAINE..........229
§ 4. NOMENCLATURE DES PEINES..............................................................................230
A. LA PEINE DE MORT ...............................................................................................230
I. Notion .....................................................................................................................230
II. Domaine d'application ........................................................................................230
III. L'exécution ..........................................................................................................230
IV. Controverse sur la peine de mort ........................................................................231
V. Notre position ......................................................................................................232
a) Critique des arguments des rétentionnistes ..................................................232
1. De la légitime défense de la société.................................................................232
2. De la fonction éliminatrice..............................................................................232
3. De l'intimidation et de l'exemplarité...............................................................233
b) L'abolition et les réalités socio-politiques de notre société..........................234
VI. Peine de remplacement........................................................................................234
B. LES TRAVAUX FORCES..........................................................................................235
C. LA SERVITUDE PENALE OU LA PRISON ........................................................236
D. L'AMENDE .............................................................................................................239
E. LA CONFISCATION GENERALE........................................................................239
I. Textes .....................................................................................................................239
II. Critique de la confiscation générale ....................................................................240
§ 5. CLASSIFICATION DES SANCTIONS .......................................................................240
A. PEINE ET MESURE DE SURETE ...........................................................................240
B. PEINE PRINCIPALE, PEINE COMPLEMENTAIRE ET PEINE ACCESSOIRE ....241
C. CLASSIFICATION DES PEINES D'APRES LE MAL INFLIGE .............................242
I. Les peines corporelles............................................................................................242
II. Les peines privatives de liberté ............................................................................242
III. Les peines restrictives de liberté .........................................................................242
IV. Les peines privatives de patrimoine ....................................................................242
V. Les peines privatives ou restrictives des droits ....................................................242
SECTION II ...........................................................................................................................243
CIRCONSTANCES QUI FONT VARIER LA PEINE ............................................................243
§ 1. LES CAUSES D'ATTENUATION OU D'EXEMPTION DE LA PEINE ....................243
A. LES CIRCONSTANCES ATTENUANTES ................................................................243
B. LES EXCUSES LEGALES ........................................................................................245
I. Les excuses absolutoires .......................................................................................245
a) Dénonciation ....................................................................................................245
b) Soumission .......................................................................................................246
c) Réparation du préjudice .................................................................................246
d) La parenté ou l’alliance ..................................................................................247
II. Les excuses atténuantes .......................................................................................247
§ 2. LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ................................................................247
A. DEFINITION ............................................................................................................247
291

B. LES ELEMENTS FORMANT LES CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ...............248


1. Circonstances de temps, de lieu .......................................................................248
2. Qualité du sujet.................................................................................................248
3. Qualité de la victime .........................................................................................248
4. L'objet du délit ..................................................................................................249
5. Conséquences incriminées ...............................................................................249
6. L'élément moral................................................................................................249
C. DISTINCTION ENTRE CIRCONSTANCES AGGRAVANTES ET ELEMENTS
CONSTITUTIFS .............................................................................................................249
D. CIRCONSTANCES AGGRAVANTES REELLES ET CIRCONSTANCES
AGGRAVANTES PERSONELLES .................................................................................250
§ 3. LA RECIDIVE .............................................................................................................250
A. NOTION .....................................................................................................................250
§ 1. LA CONDAMNATION CONDITIONNELLE OU LE SURSIS ..................................251
A. DEFINITION .............................................................................................................251
B. CONDITIONS D'OCTROI .........................................................................................251
C. EFFETS DU SURSIS .................................................................................................252
§ 2. LA LIBERATION CONDITIONNELLE .....................................................................252
A. DEFINITION .............................................................................................................252
B. CONDITIONS D'OCTROI .........................................................................................253
C. AUTORITES COMPETENTES..................................................................................253
D. TEMPS D'EPREUVE ................................................................................................254
E. EFFETS DE LA LIBERATION CONDITIONNELLE ...............................................254
SECTION IV ..........................................................................................................................255
CAUSES D'EXTINCTION DE LA PEINE .............................................................................255
§ 1. L'EXECUTION DES PEINES .....................................................................................255
§ 2. LE DECES DU CONDAMNE .....................................................................................255
§ 3. LA PRESCRIPTION....................................................................................................256
A. LA PRESCRIPTION DE L'ACTION PUBLIQUE .....................................................256
I. Fondement..............................................................................................................256
II. Délais de la prescription ......................................................................................256
III. Interruption de la prescription ............................................................................257
IV. Suspension de la prescription .............................................................................258
B. PRESCRIPTION DES PEINES ................................................................................259
I. Délais de prescription des peines ..........................................................................259
II. Interruption de la prescription des peines ............................................................260
III. Suspension de la prescription de la peine ...........................................................260
§ 4. LA GRÂCE .................................................................................................................260
A. DEFINITION .............................................................................................................260
B. POUVOIR DE DECISION.........................................................................................261
292

C. EFFETS DE LA GRÂCE ...........................................................................................261


D. APPRECIATION CRITIQUE ....................................................................................262
§1. L'AMNISTIE ................................................................................................................262
A. DEFINITION .............................................................................................................262
I. Amnistie réelle .......................................................................................................262
II. Amnistie personnelle.............................................................................................263
III. Amnistie mixte .....................................................................................................263
IV. L’amnistie conditionnelle ....................................................................................263
V. L’amnistie et l’ordre public ..................................................................................264
B. L'AUTORITE COMPETENTE ...................................................................................264
C. EFFETS DE L'AMNISTIE .........................................................................................264
§ 2. LA REHABILITATION................................................................................................265
A. DEFINITION .............................................................................................................265
B. CONDITIONS D'OCTROI .........................................................................................265
C. PROCEDURE ............................................................................................................266
D. EFFETS DE LA REHABILITATION .........................................................................266
§ 3. LA REVISION .............................................................................................................267
A. DEFINITION .............................................................................................................267
B. PERSONNES AYANT QUALITE POUR INITIER LA REVISION ...........................267
C. CONDITIONS ............................................................................................................267
D. PROCEDURE ...........................................................................................................267
E. EFFETS DE LA REVISION .......................................................................................268
Cinquième partie .......................................................................................................................269
LA PREUVE ..............................................................................................................................269
SECTION Ière .........................................................................................................................270
LA CHARGE DE LA PREUVE ..............................................................................................270
§ 1. LA CHARGE DE LA PREUVE INCOMBE AU MINISTERE PUBLIC ....................270
§ 2. LE DOUTE PROFITE AU PREVENU .......................................................................271
§ 3. LA PRESOMPTION D’INNOCENCE ........................................................................271
A. LE PRINCIPE ............................................................................................................271
B. LA PRATIQUE JUDICIAIRE ....................................................................................271
C. LE DROIT AU SILENCE ...........................................................................................271
D. DU RÔLE ACTIF DU JUGE ....................................................................................272
SECTION II ...........................................................................................................................273
LES MOYENS DE PREUVE..................................................................................................273
SECTION III. L'APPRECIATION DES PREUVES ...............................................................275
§ 1. PRINCIPE ...................................................................................................................275
§2. ILLUSTRATIONS .........................................................................................................276
293

A. LES CONSTATATIONS DIRECTES ..........................................................................276


B. LES DOCUMENTS ECRITS ......................................................................................276
C. L'AVEU ......................................................................................................................276
D. LES TEMOIGNAGES ................................................................................................277
E. LES INDICES ............................................................................................................278
F. L’EXPERTISE ............................................................................................................279
TABLE DES MATIERES ...........................................................................................................280

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