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TD 1 Droit international privé

Fiche d’arrêt Civ. 1er 19.10.1959 Pelassa :


Faits : Une collision a eu lieu entre une société de transports française et une société de transports italienne,
domiciliée à Turin, qui a fait une victime française en Italie.
Procédure : La victime assigne la société française en réparation du dommage subi devant le tribunal
français du domicile de la société. Cette dernière appelle en garantie la société italienne devant le même
tribunal.
Une personne interjette appel. La cour d’appel rend un arrêt dans lequel elle déclare le tribunal français
internationalement compétent pour connaître de l’action délictuelle récursoire en vertu de l’article 14 du
Code civil.
Prétentions des parties : Un pourvoi en cassation est alors formé par la société italienne. Cette dernière
conteste la décision rendue par la cour d’appel à savoir la compétence internationale du tribunal français au
moyen que le Traité franco-italien, actuellement en vigueur, exclut par l’article 30 de son Titre III
l’application de l’article 14 en matière d’action délictuelle contre un Italien domicilié en Italie.
Problème de droit : Les règles de compétences internes françaises s’appliquent-elles à l’ordre international ?
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 octobre 1959 répond par
la positive et rejette le pourvoi formé par le demandeur. La Cour donne raison à la cour d’appel qui a
légalement justifié sa décision.
En effet, la Cour approuve que la compétence du tribunal saisi de la demande principale pour connaître de
l’action en garantie y est expressément fondée sur l’article 181 du Code de Procédure Civile. Elle met en
avant que la Cour d’appel a fait une juste application du principe qui étend à l’ordre international les règles
françaises internes de compétence. De plus, elle rejette l’argument de l’applicabilité du traité franco-italien.

Quel principe est clairement énoncé par la Cour dans cet arrêt (être capable d’expliquer ce principe)  ?

Il s’agit du principe qui « étend à l’ordre international les règles françaises internes de compétence ». En
effet, il faut regarder les règles de compétences interne françaises et on les étend en matière internationale.
Ces règles sont notamment édictées dans le Code de procédure civile. Le tribunal français est compétent
lorsque le défendeur à son domicile en France en vertu de l’article 42 du Code de procédure civile. Ici, la
société française était défenderesse et avait son domicile en France ce qui justifie la compétence du tribunal
français.
Fiche d’arrêt civ 1er, 26 novembre 1974 :
Faits : On est en présente de difficultés s’élevant sur l’exécution d’un contrat passé entre une société
italienne dont le siège est basé en Italie et une société européenne dont le siège est basé en France.
Procédure : La société italienne assigne la société française en résolution de la convention et paiement
d’une certaine somme devant le tribunal de Milan. La société française assigne à son tour la société
italienne pour la même action devant le tribunal de commerce de Paris.
Une personne interjette appel. La cour d’appel rend un arrêt dans lequel elle se fonde sur les articles 14 et
19 de la convention franco-italienne et décide que le contrat est soumis à la loi française puisque le contrat
est considéré passé en France puisqu’il y avait eu acceptation de l’offre à Paris. Elle considère donc que le
tribunal de commerce de Paris est compétent.
Prétentions des parties : Un pourvoi est alors formé par la société italienne. Elle met en avant l’exception
de litispendance au regard de la convention franco-italienne qui renvoie à la loi du premier tribunal saisi à
savoir la loi italienne. En vertu de cette loi, le contrat a été passé en Italien où il y a eu réception de
l’acception. Par conséquent, l’exception de litispendance doit être acceptée.
Problème de droit : L’exception de litispendance internationale peut-elle être retenue par un juge français ?

Solution : La Cour de cassation dans son arrêt de principe en date du 26 novembre 1974 répond par la
positive et rejette le pourvoi de la société italienne. En effet, la Cour met en avant que l’exception de
litispendance puisse être reconnue en France dans le cadre d’un litige international. Cependant, elle pose
aussi une exception sur cette reconnaissance. Elle ne peut notamment pas être reconnue lorsque la décision
étrangère n’est pas susceptible d’être accueillie en France.

Indiquer quelle est la différence essentielle avec l’arrêt suivant

Cet arrêt met en avant l’exception de litispendance internationale tandis que l’arrêt Benichou met en avant
l’exception de de connexité internationale.

L’exception de litispendance suppose qu'une procédure est déjà engagée devant un tribunal étranger
également compétent, si bien que le juge saisi en second doit se déclarer incompétent au profit de la
juridiction étrangère première saisie (article 100 du Code de procédure civile). L’exception de connexité
internationale suppose deux affaires portées devant deux juridictions distinctes ont des liens étroits et que
par conséquent il apparait plus juste qu’elles soient jugées par une seule et même juridiction. Une des
juridictions devra alors se dessaisir au profit de l’autre (article 101 du Code de procédure civile).

Dans le premier arrêt, la faculté de se dessaisir des juridictions françaises est obligatoire tandis que dans
Benichou, la faculté des juridictions françaises de se dessaisir est facultative.
Fiche d’arrêt Civ 1ère, 22. 06.1999 Benichou :

Faits : Une saisie est pratiquée à l’Ile Maurice par une banque mauricienne à l’encontre d’un client pour la
garantie d’une créance. Ce dernier est ex-administrateur d’une société domiciliée à Hong Kong.
Procédure : La société basée à Hong Kong fait assigner la banque mauricienne et son ex-administrateur
d’abord devant la Cour supérieure de l’Ile Maurice en revendication d’une certaine somme, objet de la
saisie, qu’elle soutenait avoir remise à M. Benichou aux fins de placement. D’autre part, elle assigne devant
la juridiction française en paiement de la même somme.
Une personne interjette appel. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 20 novembre 1996 fait droit à
l’exception de connexité invoquée par la banque mauricienne qui dessaisit les juridictions françaises.
La société chinoise se pourvoit en cassation.
Prétention des parties : La société chinoise reproche la décision rendue par la cour d’appel. Selon elle, cette
dernière n’a pas précisé en quoi le dessaisissement de la juridiction française permettait d’éviter une
contrariété des décisions. De plus, elle n’a pas recherché si la décision étrangère serait susceptible d’être
reconnue en France.
Problème de droit : L’exception de connexité internationale peut-elle être retenue par un juge français ?
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt en date du 22 juin 1999 dans
lequel elle répond par l’affirmative et rejette le pourvoi de la société chinoise. La Cour retient que
l’exception de connexité internationale peut être admise. Cependant, pour qu’elle le soit, elle pose deux
conditions. Tout d’abord, il faut que deux juridictions relevant de deux Etats différents soient également et
compétemment saisies de deux instances en cours. De plus, les instances doivent faire ressortir entre elles un
lien de nature à créer une contrariété. La cour d’appel a ainsi légalement justifié sa décision de se dessaisir
au profit de la juridiction étrangère également compétente au titre du domicile d’un codéfendeur.

- Quel est l’apport de l’arrêt au DIP français  ? Situez-le par rapport à l’arrêt Pelassa.

Cet arrêt souligne l’exception du principe mis en avant par l’arrêt Pelassa. En effet, ce dernier retient
l’extension des règles de compétence interne françaises en matière internationale. Cependant, ce principe
connait des exceptions. Si une voie d’exécution est diligentée à l’étranger, les tribunaux français ne sont
jamais compétents. En l’espèce, la saisie a été pratiquée à l’Ile Maurice et non en France d’où
l’incompétence des tribunaux français.
- Pourquoi la Cour ne peut remettre en cause la décision des juges d’appel ?

La Cour de cassation rappelle « qu’usant de la faculté qui est reconnue à cet égard aux tribunaux français,
la cour d’appel a, souverainement, relevé que la solution du litige qui lui était soumis - qui ne concernait
pas une mesure d’exécution pratiquée en France ».
On rappelle que la Cour de cassation est seulement juge du droit. Elle ne rejuge pas les faits. Ce rôle
appartient à la cour d’appel. Cette dernière a retenu que la mesure d’exécution n’a pas été pratiquée en
France. La Cour de cassation ne peut donc pas revenir sur le lieu de la mesure d’exécution. D’où le fait
qu’elle approuve le dessaisissement de la juridiction française au profit de la juridiction mauricienne.
Après avoir lu l’arrêt Nassibian (doc 5), les étudiants indiqueront quelle aurait été la solution si le litige avait
concerné la validité d’une saisie pratiquée en France.
L’arrêt Nassibian met en avant que « les tribunaux français sont seuls compétents pour statuer sur
l’instance en validité d’une saisie-arrêt pratiquée en France ». Dès lors, si la saisie avait été pratiquée en
France, le tribunal français aurait été compétent.
Fiche d’arrêt Civ 1ère 6.11.1979 Nassibian :

Faits : Une créancière libanaise a été autorisée par ordonnance du Président du tribunal de grande instance
de Nice à prendre des inscriptions provisoires d’hypothèques sur des immeubles à Nice et appartenant à son
époux libanais et à faire saisie-arrêt auprès d’une banque à Nice sur un compte de son époux, domicilié à
Lausanne.
Procédure : La créancière assigne son époux devant le tribunal de grande instance de Nice pour le faire
condamner à lui payer diverses sommes d’argent et pour mettre en œuvre ce que l’ordonnance du Président
du tribunal de grande instance lui a autorisé.
Une juridiction du premier degré a déclaré incompétent le tribunal de grande instance de Nice au motif que
la créancière était domiciliée à Lausanne. La créancière interjette appel. La Cour d’appel confirme cette
décision dans un arrêt.
Un pourvoi en cassation est formé par la créancière.
Problème de droit : Un juge français peut-il se prononcer sur la compétence du tribunal français sur le fond
d’une créance à l’occasion d’une saisie arrêt est pratiquée en France ?
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt en date du 6 novembre 1979
répond par la positive et casse la solution de la cour d’appel aux visas des articles 59 alinéa 1 er et de l’article
567 , alinéa 1er du Code de procédure civile. Elle considère que la Cour d’appel a violé ces textes par fausse
application. Dans son attendu de principe, elle met en avant une dérogation au principe qui étend à l’ordre
international les règles internes de compétence territoriale. Elle dit que les tribunaux français sont seuls
compétents pour statuer sur l’instance en validité d’une saisie-arrêt pratiquée en France, et qu’ils peuvent
statuer éventuellement, à cette occasion, sur l’existence de la créance invoquée par le saisissant. De plus,
lorsque le Président du tribunal de grande instance a autorisé un créancier à prendre inscription provisoire
d’hypothèque judiciaire sur un immeuble situé en France, les tribunaux français sont nécessairement
compétents pour statuer sur l’instance au fond engagée conformément à l’ordonnance du Président.
Article R121-2 du Code des Procédures civiles d’Exécution (texte créé en 1992, aucun équivalent en 1979).

« A moins qu'il n'en soit disposé autrement, le juge de l'exécution territorialement compétent, au choix
du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure.
Lorsqu'une demande a été portée devant l'un de ces juges, elle ne peut l'être devant l'autre.

Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du
lieu d'exécution de la mesure ».

Les étudiants situeront ce texte par rapport à l’arrêt Nassibian.

Ce texte est entré en vigueur après l’arrêt Nassibian. Il met en avant la compétence du juge du lieu
d’exécution de la mesure si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu.
Nassibian concernait une saisie arrêt en France autorisée par le juge pour le compte d’une créancière
libanaise contre son époux libanais, tous deux domiciliés en Suisse à Lausanne. Il semble que l’arrêt
Nassibian ait été à l’origine de ce texte.
Fiche d’arrêt Civ 1ère 21.3.1966 Compagnie la Métropole :

Faits : Une société française a indemnisé une société britannique ( Davidson) ayant subi un dommage causé
par une autre société britannique ( Muller) dans le cadre d’un contrat de transport. L’assureur ( société
française) exerce une action en subrogation contre la société Muller, à l’origine du dommage.
Procédure ;
Une juridiction de premier degré a déclaré compétent les tribunaux français pour connaitre de l’action de
l’assureur français conventionnellement subrogée aux droits de son assurée. Par une procédure de contredit,
une société Britannique conteste ce jugement.
Une personne interjette appel. La Cour d’appel rend un arrêt dans lequel elle considère que l’assureur
français ne possède aucun droit propre distinct de celui de son assuré étranger et elle ne peut invoquer le
bénéficie de l’article 14 du Code civil.
Un pourvoi en cassation est formé par la société française.
Problème de droit : L’application de l’article 14 du Code civil pour retenir la compétence des juridictions
françaises se fonde- t-elle uniquement sur la nationalité du demandeur ?
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 21 mars 1966 répond par
l’affirmative et casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 14 du Code civil. Elle rappelle que ce
texte permet au plaideur français de citer un étranger devant les juridictions françaises. Elle dit que la
compétence internationale des tribunaux français est fondée, non sur les droits nés des faits litigieux, mais
sur la nationalité des parties. Elle considère donc que la Cour d’appel a violé l’article 14 du Code civil par
refus d’application.

- Quelle était l’argumentation de la société Muller ?


La société Muller met en avant que la compagnie d’assurance qui est française ne peut faire valoir ses
propres droits puisque cette dernière est subrogée dans les droits de la victime du préjudice qui est
britannique. Par conséquent, elle ne peut invoquer le bénéfice de l’article 14 du Code civil qui permet au
plaideur français d’attraire un étranger devant les juridictions françaises.
- Pourquoi LA COUR casse l’arrêt ? Approuvez vous la solution ?
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel car elle considère qu’elle a violé l’article 14 du Code
civil par refus d’application. Pour la Cour, seule la nationalité du demandeur est pris en compte pour
apprécier la compétence des juridictions françaises et non les droits nés des faits litigieux. La solution de la
Cour semble logique dans la mesure où la nationalité s’apprécie au jour de la demande en instance et non au
jour où se sont produits les faits litigieux. En l’occurrence, c’est la société de nationalité française qui est
demanderesse donc elle peut attraire la société britannique devant le tribunal français.
Fiche d’arrêt Civ. 1ère 27.5.1970 Weiss  :

Faits : Weiss a assigné d’une part une société française, et, d’autre part, les deux sociétés qui l’ont
constituée, à savoir la Société italienne et la Société panaméenne en payement notamment de dommages-
intérêts à la suite de la révocation de son mandat de gérant et de la rupture de son contrat de Directeur
commercial de la Société française. Les sociétés italiennes et panaméenne ont décliné la compétence des
juridictions françaises.
Procédure : Un jugement en première instance a été rendu dans lequel est décliné la compétence des
juridictions françaises.
Une personne interjette appel. La cour d’appel confirme ce jugement. Elle se fonde uniquement sur ce
qu’aucune convention n’est intervenue entre Weiss, d’une part, et lesdites sociétés, d’autre part et donc que
l’article 14 du Code civil est inapplicable à la demande de Weiss.
Weiss forme un pourvoi en cassation. Elle souhaite la compétence des juridictions française.
Problème de droit  : L’article 14 est- il applicable en matière délictuelle lorsque le demandeur est français?

Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt en date du 27 mai 1970 dans
lequel elle répond par la positive et elle casse l’arrêt de la cour d’appel au visa de l’article 14 du Code civil.
Elle rappelle que ce texte « permet au plaideur français d’attraire un étranger devant les juridictions
françaises ». Ce texte a notamment «  une portée générale s’étendant à toutes matières, à l’exclusion des
actions réelles immobilières et demandes en partage portant sur des immeubles situés à l’étranger ainsi que
des demandes relatives à des voies d’exécution pratiquées hors de France et s’applique notamment à tous
litiges ayant pour fondement la responsabilité extra-contractuelle ». Elle dit que la Cour a violé ce texte par
refus d’application.

- Quel est l’apport de cet arrêt  ?

L’arrêt met en avant la portée générale de l’article 14 du Code civil qui s’étend à toutes les matières
( contractuelle, délictuelle, extra-patrimoniale). Toutefois, la Cour limite la portée de cet article à 3
exceptions :
- Les actions réelles immobilières
- Demandes relatives au partage des immeubles situés à l’étranger
- Demandes relatives à des voies d’exécution pratiquées hors de France.

- Que pensez-vous de la solution  ?

Consacrer la portée générale de l’article 14 du Code civil met en avant une compétence exclusive des
juridictions françaises en raison de la nationalité du demandeur. A terme, cela donne toujours compétence
aux juridictions françaises dès lors qu’un Français est parti au litige sans chercher forcément la compétence
des juridictions étrangères (ici la compétence des juridictions italiennes ou panaméennes). En effet, on aurait
pu appliquer les règles de procédures civiles françaises qui donnent compétences au tribunal du domicile du
défendeur. Ici, on écarte les règles de procédures internes françaises au profit de l’article 14 du Code civil.
Cela ne mène-t-il pas à une solution injuste à l’égard des codéfendeurs ?
Fiche d’arrêt Civ. 1ère 13 juin 1978 Dame Mora (extraits)

Faits : Une française ( Dame Mora) est victime d’un accident en Espagne par une Espagnole.
Procédure : Elle assigne devant le juge des référés de Bordeaux ( son domicile) l’espagnole, auteure du
dommage et l’assurance de cette dernière dont le siège social se situe en Espagne.
Une personne interjette appel. La Cour d’appel de Bordeaux a rendu un arrêt dans lequel elle refuse la
compétence du tribunal français au motif que les règles internes de procédure ne lui permettaient d’appeler
l’auteur du dommage et son assurance que devant le tribunal espagnol du domicile de l’un deux ou du lieu
de l’accident.
Dame Mora se pourvoit en cassation
Problème de droit : Une règle de compétence interne donnant compétence à un tribunal étranger prime-t-
elle sur le privilège de la nationalité française de la demanderesse au regard de l’article 14 du Code civil ?
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 juin 1978 répond par la
négative et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa de l’article 14 du code civil . La règle de
compétence de l’article 14 du code civil a pour seul fondement la nationalité française du demandeur qui
l’invoque. Les règles de compétence interne ne peuvent faire obstacle à son application et que dans
l’hypothèse où elles ne permettent pas de déterminer la juridiction française compétente, le demandeur
français peut valablement saisir le tribunal français qu’il choisit en raison d’un lien de rattachement de
l’instance au territoire français ou, à défaut, selon les exigences d’une bonne administration de la justice.

La solution est-elle totalement nouvelle  ?

La solution n’est pas totalement nouvelle étant donné qu’elle rappelle l’arrêt Pelassa. La société
demanderesse voulait la compétence des juridictions italiennes puisque le lieu du dommage avait eu lieu en
Italie. Or, la cour d’appel déclare le tribunal français internationalement compétent pour connaître de
l’action délictuelle récursoire en vertu de l’article 14 du Code civil. On avait donc une règle de compétence
interne qui ne donnait pas compétence au tribunal français. La cour d’appel a donc appliqué l’article 14 qui
donnait compétence aux juridictions françaises. Ici, c’est le même raisonnement. La règle de compétence
interne donne compétence à la juridiction étrangère. On applique donc l’article 14 qui donne compétence
aux juridictions françaises lorsque le français est demandeur.

Quel est l’arrêt que la cour d’appel comme l’assureur et l’auteur du dommage  prétendaient ignorer ?

Elles prétendaient ignorer la solution de l’arrêt Weiss qui consacre la portée générale de l’article 14 du Code
civil. La Cour de cassation dans Weiss précise qu’il faut « choisir la juridiction qui a le plus de liens avec
l'affaire en trouvant un lien de rattachement avec la France  ». Cela rappelle notamment le privilège de
nationalité. Ou alors il faut choisir la juridiction en veillant à assurer une bonne administration de la justice.
Le privilège de nationalité en vertu de l’article 14 du Code civil prime sur les règles de compétences
internes lorsqu’elles ne permettent pas de déterminer la compétence de la juridiction française. Or , en
l’espèce ici, c’était le cas , la règle de compétence interne donnait compétence au tribunal du lieu du
dommage ( Espagne). La Cour a donc fait primer le privilège de nationalité.

Fiche d’arrêt Civ. 1ère 19.11.1985 Société Cognacs and Brandies

Faits : Une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Montauban a autorisé une société
française à saisir conservatoirement les fonds appartenant à une société américaine ayant son siège à Old
Greenwich, Etat du Connecticut (Etats Unis d’Amérique). Ces fonds sont déposés au compte ouvert dans
une banque au Jura.
La société américaine a demandé au même magistrat de rétracter son ordonnance en soulevant son
incompétence notamment au regard des dispositions de l’article 48 du Code de procédure civile.
Procédure : La société américaine interjette appel. La cour d’appel rejette la demande de la société
américaine. Elle dit que l’article 14 du Code civil énonce une disposition spéciale qui, dérogeant au droit
commun, instaure au profit de tout français, un privilège de juridiction qui l’autorise à saisir tout tribunal de
son choix.
La société américaine se pourvoit en cassation.
Problème de droit : L’article 14 du Code civil est-il applicable lorsque une règle de compétence interne
permet elle aussi d’assigner devant le tribunal français ?
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation rend un arrêt en date du 19 novembre 1985
dans lequel elle répond par la négative et e casse l’arrêt de la Cour d’appel aux visas des articles 14 et 48 du
Code de procédure. Elle aurait dû appliquer l’article 48 du Code de procédure civile au lieu de l’article 14 du
Code civil. Elle dit que l’article 14 du Code civil ne s’applique que lorsque aucun critère ordinaire de
compétence territoriale n’est réalisé en France. Or, l’article 48 permet d’assigner au domicile du domicile
débiteur ou dans le ressort duquel sont situés les biens à saisir lorsque qu’une mesure de saisie conservatoire
sur des fonds est autorisée par le magistrat.

Quelle était la juridiction française que pouvait saisir la demanderesse ?

L’article 48 du Code de procure civile permet d’assigner dans le ressort duquel sont situés les biens à saisir
lorsque qu’une mesure de saisie conservatoire sur des fonds est autorisée par le magistrat. Les biens à saisir (
les fonds de la société ) sont déposés au compte ouvert dans une banque au Jura. Par conséquent, le tribunal
compétent est celui du Jura.
Commentaire d’arrêt Civ. 1ère 11.2. 1997 Strojexport

En matière de voies d’exécution, la jurisprudence dans un arrêt Nassibian avait admis la compétence des
juridictions françaises pour statuer sur le fond d’une créance à l’occasion d’une saisie pratiquée en France.
Un revirement de cette jurisprudence a été rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation en
date 11 février 1997.
En l’espèce, la Banque centrale syrienne a souscrit une garantie à la société tchèque Strojexport, à l’occasion
de l’exécution de travaux de génie civil en Syrie. Une saisie conservatoire a été pratiqué en France à
l’encontre de la banque syrienne.
La société tchèque assigne la Banque centrale syrienne afin d’obtenir paiement de la garantie souscrite. Elle
interjette appel. La cour d’appel a rendu un arrêt dans lequel elle écarte la compétence internationale de la
juridiction française pour statuer sur l’instance engagée au fond à la suite d’une saisie conservatoire
pratiquée en France à l’encontre de la Banque centrale de Syrie.
Un pourvoi est formé par la société tchèque et une société américaine. Les sociétés reprochent à la cour
d’appel de s’être fondée sur les nouvelles dispositions internes de procédure restreignant la compétence du
juge de l’exécution, règles qui sont dépourvues de portée internationale. Elle lui reproche aussi d’avoir
méconnu le principe de compétence internationale incidente de la juridiction française pour statuer sur le
fond de la créance à l’occasion d’une saisie pratiquée en France.
Les juges de la Cour de cassation ont eu à se poser la question suivante : Les juridictions françaises sont-
elles compétentes pour statuer sur le fond d’une créance à l’occasion d’une saisie conservatoire pratiquée en
France ?
La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi formé par les sociétés. Elle rappelle que
« les juridictions françaises sont seules compétentes pour statuer sur la validité d'une saisie pratiquée en
France et apprécier, à cette occasion le principe de la créance ». Toutefois, « elles ne peuvent se prononcer
sur le fond de cette créance que si leur compétence est fondée sur une autre règle ». Elle précise que « la
cour d’appel, qui a retenu que, le litige au fond ne présentant aucun lien de rattachement avec la France, le
juge compétent était le juge de Damas, a justement décidé que le lieu de la saisie en France ne pouvait pas
fonder la compétence internationale de la juridiction française pour connaître du litige ».

Il conviendra de voir dans une première partie le revirement jurisprudentiel qui tranche l’incompétence des
juridictions françaises sur l’appréciation du fond de la créance (I). Dans une deuxième, il conviendra
d’aborder l’appréciation souveraine des juges du fond quant au fond du litige (II).
I) Un revirement jurisprudentiel consacrant l’incompétence des juridictions
françaises sur l’appréciation du fond de la créance

Initialement, la Cour de cassation avait accepté la compétence des juridictions françaises quant au fond de
la créance (A) avant de la rejeter (B).

A) Le rappel utile d’une solution antérieure 

- La Cour rappelle que « les juridictions françaises sont seules compétentes pour statuer sur la
validité d'une saisie pratiquée en France et apprécier, à cette occasion le principe de la créance ».
- Il s’agit d’un rappel de la jurisprudence antérieure. En effet, dans l’arrêt « Nassibian » (6 novembre
1979), la Cour de cassation dans son visa, avait dit que le juge français ayant prononcé une mesure
provisoire sur un bien situé en France était « nécessairement compétent pour statuer sur l’instance au
fond ».
- Ici, c’est que voulait faire valoir Strojexport : la société met en avant le principe de compétence
internationale incidente de la juridiction française pour statuer sur le fond de la créance à l’occasion
d’une saisie pratiquée en France.
- Cependant, dans la solution Nassibian, la Cour souligne que « les tribunaux français sont seuls
compétents pour statuer sur l’instance en validité d’une saisie-arrêt pratiquée en France, et qu’ils
peuvent statuer éventuellement, à cette occasion, sur l’existence de la créance invoquée par le
saisissant ».
L’utilisation du verbe « pouvoir » montre une faculté donner aux juridictions françaises mais pas une
obligation de statuer sur l’existence de la créance.
La Cour de cassation dans l’arrêt Strojexport a peut-être vu une brèche pour en décider autrement
notamment quant au fond de la créance.

B) L’admission de l’incompétence des juridictions françaises quant au statut du fond de la créance

- La Cour de cassation affirme que les juridictions françaises « ne peuvent se prononcer sur le fond de
cette créance que si leur compétence est fondée sur une autre règle »
- Revirement de la jurisprudence Nassibian. Strojexport fait la différence entre le principe de la
créance et le fond de la créance.
- Les juridictions françaises peuvent statuer sur le principe de la créance mais pas sur le fond à moins
qu’il y ait une autre règle qui fonde leur compétence.
- Cette solution semble être rendue dans la lignée d’un mouvement jurisprudentiel en faveur de cette
théorie.
- En 1995, la Cour de cassation dans son arrêt Sté Méridien refuse au juge du lieu d'exécution de la
saisie de statuer sur le fond de la créance si « sa compétence sur le fond ne pouvait se fonder sur une
autre règle. »
- Strojexport semble confirmer cet arrêt
- Ici , la Cour a décidé qu’il n’y a pas de compétence fondée sur une autre règle pour admettre la
compétence des juridictions françaises pour statuer sur le fond de la créance.
- Il est important de parler que l’on parle d’une autre règle que celle issue de la localisation des biens
saisissables en France. Par exemple on retient la règle de la nationalité du demandeur. Si la garantie
auprès de la banque syrienne avait été demandée par une société de nationalité française, la solution
aurait été différente.

Pour arriver à conclure sur cette incompétence des juridictions françaises, la Cour s’est notamment fondée
sur une appréciation souveraine opérée par la cour d’appel quant au fond du litige.

II) L’appréciation souveraine des juges quant au fond du litige

La Cour ne peut pas remettre en cause le fait que la cour d’appel ait déduit que le fond de la créance n’avait
aucun lien avec la France (A). Nous remarquons que la solution rendue abandonne le forum arresti ce qui est
critiquable (B).

A) Un fond de créance dépourvu de lien avec la France ne pouvant être remis en cause

- La Cour de cassation souligne que « la cour d’appel, qui a retenu que, le litige au fond ne présentant
aucun lien de rattachement avec la France, le juge compétent était le juge de Damas ».
- En effet, on part du principe que la garantie a été souscrite par la Banque syrienne pour des travaux
en Syrie à une société tchèque. Le lien de rattachement ici du fond de la créance est la Syrie d’où la
compétence du juge de Damas. Il n’y a pas de lien de rattachement avec la France quant au fond de
la créance.
- Ici, elle a mis en lumière que la Cour d’appel a retenu que le litige au fond ne présente aucun lien
avec la France . Cette analyse ait repris par la Cour de cassation .
- Il faut rappeler que la Cour de cassation est juge du droit et non du fait. Elle ne peut remettre en
cause les faits mais seulement le droit.
- Par conséquent, il y a eu une appréciation souveraine des juges par la Cour de cassation

Finalement , cette solution met en avant un abandon du forum arresti.

B) Une solution critiquable au regard du forum arresti

- La Cour de Cassation dit que « la Cour d’appel a justement décidé que le lieu de la saisie en France
ne pouvait pas fonder la compétence internationale de la juridiction française pour connaître du
litige ».
- Mise en avant de l’abandon du forum arresti . Le forum arresti est une règle qui donne aux
juridictions ayant autorisé une mesure conservatoire sur un meuble situé sur leur territoire, la faculté
de connaître du contentieux qui commande au fond le sort de cette mesure. Règle prévue à l’article
R121-2 du Code des Procédures civiles d’Exécution
- Règle appliquée dans Nassibian mais pas dans Strojexport. Le juge de l’exécution français n’a plus la
faculté de reconnaitre du contentieux qui concerne le fond du litige. Ainsi, on en déduit que le forum
arresti ne permet plus de fonder la compétence du juge français. La doctrine met notamment en
avant que cela évite l’encombrement des tribunaux français sur un litige portant sur un fond qui n’a
pas d’autres liens avec la France autre que la saisie faite en France .
- Cependant, des critiques émergent vis-à-vis de de cette solution rendue. En effet, abandonner le
forum arresti revient notamment à mettre à mal « les droits de la demande » pour reprendre
l’expression de Horatia Muir Watt. En effet, le créancier ( la société tchèque en l’espèce) est
notamment obligé d’engager une instance sur le fond à l’étranger ( en Syrie). Cela peut notamment
mener au refus du juge étranger (le juge de Damas) et donc risquer un déni de justice. Par
conséquent, la société tchèque en l’espèce devra obtenir l’exequatur de la décision en France afin que
la saisie soit définitive. Ainsi, en refusant le forum arresti, la procédure pour le demandeur devient
beaucoup plus lourde.

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