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CONSEIL D'ETAT PD

statuant
au contentieux

N° 458542 REPUBLIQUE FRANÇAISE

__________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. ULLMANN
__________

Mme Rozen Noguellou


Rapporteure Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
__________ (Section du contentieux, 6ème et 5ème chambres réunies)

M. Nicolas Agnoux
Rapporteur Sur le rapport de la 6ème chambre
__________ de la Section du contentieux

Séance du 9 février 2022


Décision du 17 février 2022
__________

Vu la procédure suivante :

M. Ullmann, à l’appui de son appel contre le jugement du tribunal administratif


de Lyon n° 1904890 du 3 novembre 2020, a produit un mémoire, enregistré le 12 juillet 2021 au
greffe de la cour administrative d’appel de Lyon, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance
n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel il soulève une question prioritaire de
constitutionnalité.

Par un arrêt n° 20LY03779 du 18 novembre 2021, enregistré le 18 novembre


2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel de Lyon,
avant qu’il soit statué sur l’appel de M. Ullmann, a décidé, par application des dispositions de
l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat
la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du premier alinéa
de l’article L.123-4 du code de l’environnement.

Par la question prioritaire de constitutionnalité transmise et par deux mémoires


enregistrés les 9 décembre 2021 et 10 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil
d’Etat, M. Ullmann soutient que le premier alinéa de l’article L. 123-4 du code de
l’environnement, applicable au litige, méconnaît les principes d’impartialité et d’indépendance
garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et les
principes de proportionnalité et d’individualisation des peines découlant de l’article 8 de cette
Déclaration.
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Par un mémoire, enregistré le 24 décembre 2021, la ministre de la transition


écologique soutient que les conditions posées par l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre
1958 ne sont pas remplies et, en particulier, que la question ne présente pas de caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l’environnement ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-


Drusch, avocat de M. Ullmann ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 février 2022, présentée par M. Ullmann.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre


1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du
Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance,
la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil
constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la
disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée
conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil
constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente
un caractère sérieux.

2. Aux termes du premier alinéa de l’article L. 123-4 du code de


l’environnement : « Dans chaque département, une commission présidée par le président du
tribunal administratif ou le conseiller qu’il délègue établit une liste d’aptitude des commissaires
enquêteurs. Cette liste est rendue publique et fait l’objet d’au moins une révision annuelle. Peut
être radié de cette liste tout commissaire enquêteur ayant manqué aux obligations définies à
l’article L. 123-15 ».

3. M. Ullmann soutient que la dernière phrase de ces dispositions est contraire


aux principes d’impartialité et d’indépendance découlant de l’article 16 de la Déclaration des
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droits de l’homme et du citoyen de 1789 et aux principes de proportionnalité et


d’individualisation des peines garantis par l’article 8 de cette Déclaration.

Sur les principes d’impartialité et d’indépendance découlant de l’article 16 de


la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :

4. M. Ullmann soutient que les règles relatives à la composition, à la saisine et


au fonctionnement de la commission compétente pour prononcer la radiation d’un commissaire-
enquêteur de la liste d’aptitude qu’elle établit méconnaissent les principes d’impartialité et
d’indépendance découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen
de 1789.

5. Toutefois, d’une part, s’agissant de la composition de cette commission, la


disposition législative en cause se borne à prévoir sa présidence par le président du tribunal
administratif ou le magistrat administratif qu’il délègue, ce qui constitue une garantie de
l’impartialité et de l’indépendance de cette commission, les autres dispositions relatives à la
composition de la commission étant fixées par voie réglementaire et ne pouvant, dès lors, être
contestées dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.

6. D’autre part, eu égard à la nature de la mission du commissaire enquêteur,


qui est désigné pour une enquête publique donnée, par le président du tribunal administratif,
parmi les membres de la liste d’aptitude arrêtée par la commission, M. Ullmann ne saurait
utilement soutenir que le législateur aurait dû, pour assurer le respect du principe d’impartialité
garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, organiser une
séparation des fonctions de poursuite, d’instruction et de jugement. Il résulte de ce qui précède
que les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’impartialité et d’indépendance garantis
par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne peuvent qu’être écartés.

Sur les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines garantis


par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 :

7. Aux termes des dispositions contestées, la radiation de la liste des


commissaires-enquêteurs est prévue en cas de manquement d’un commissaire-enquêteur à ses
obligations. La limitation par la loi de la sanction à la seule radiation de la liste ne méconnaît
pas, par elle-même, les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines découlant
de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dès lors qu’elle est prononcée
en fonction de la gravité des manquements reprochés au commissaire-enquêteur, après un
examen individuel par la commission et sous le contrôle du juge administratif.

8. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n’est pas nouvelle,
ne présente pas de caractère sérieux. Il n’y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil
constitutionnel.
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DECIDE:
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité transmise par la cour administrative d’appel de Lyon.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Ullmann, au Premier ministre et à la ministre


de la transition écologique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et à la cour administrative d’appel de Lyon.
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Délibéré à l'issue de la séance du 9 février 2022 où siégeaient : M. Christophe


Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Denis Piveteau, M. Fabien
Raynaud, présidents de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Jean-Philippe Mochon,
Mme Suzanne von Coester, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, conseillers d'Etat et
Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat-rapporteure.

Rendu le 17 février 2022.

Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy

La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou

La secrétaire :
Signé : Mme Marie-Adeline Allain

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique,


en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit
commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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