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Commentaire d'arrêt droit pénal

L'arrêt étudié est un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité de


la Chambre Criminelle de la Cour de cassation datant du 4 décembre 2012.

La demanderesse au pourvoi a été poursuivie par le tribunal correctionnel d'Evry pour


chef d’exercice illégal de la médecine.

La requérante a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la


décision rendue par le tribunal correctionnel d’Evry en date du 11 septembre 2012 dans le
cadre d’une procédure d’exercice illégal de la médecine. Dans le cadre de la procédure
définie à l’article 61-1 de la Constitution, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a
été examinée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation en audience publique le 20
novembre 2012 qui a rendu sa décision le 4 décembre 2012. L’objet de la question prioritaire
de constitutionnalité porte sur l’article L. 4161 du code de la santé publique, jugé par la
demanderesse comme portant atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 34 de la
Constitution, l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et au principe
de légalité des délits.

Ainsi, la Cour de Cassation a dû répondre à la question suivante: l’article l. 4161 du code


de la santé publique est-il conforme au principe de légalité des délits et des peines, bien que
la définition des actes médicaux réservés aux médecins est régie par un texte réglementaire
conformément à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958?

La Cour de Cassation, lors de son examen de la question prioritaire de


constitutionnalité en question, a jugé que la question n’est pas nouvelle, et ne présente pas un
caractère sérieux. Pour ce faire, elle décide de ne pas renvoyer la question au Conseil
Constitutionnel, tout en rappelant les exigences des composantes d’une question prioritaire de
constitutionnalité.

De ce fait, la Cour, d’une part veille au respect de l’impératif de la légalité des peines
(I) et pourtant d’autre part, commet une entorse à l’article 34 de la Constitution au même
principe en admettant la possibilité qu’une norme inférieure complète la loi quant à la
définissions des éléments d’une infraction (II).
I. L’appréciation par la cour des conditions de formes du respect du principe de
légalité

La légalité des peines s'apprécie d’une part au vu du respect de certaines conditions de


formes parmi lesquelles le caractère sérieux (A) et nouveau (B) de la question.

A. Le contrôle de légalité de la loi par l’article 61-1 de la Constitution du 04 octobre


1958

En droit pénal, le principe de légalité des délits et des peines signifie que nul ne peut
être condamné pénalement qu'en vertu d'un texte pénal précis et clair « Nullum crimen, nulla
pœna sine lege ». Ce principe désigne le fait qu’un individu ne puisse être condamné pour un
fait ne constituant pas une infraction au regard du droit national ou international. Ce principe
est repris dans plusieurs formulations figurant dans toutes différentes strates de la hiérarchie
des normes. Tout d’abord à l'échelle nationale, ce principe est garanti par le législateur au
terme l'article 111-3 du code pénal. De plus, ce principe est mentionné à l'article 8 de la
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 27 août 1789 et depuis la décision
Liberté d’association de 1971, c’est un principe qui fait partie intégrante du bloc de
constitutionnalité. Sa place dans la hiérarchie des normes lui confère une portée
constitutionnelle, permettant ainsi au Conseil constitutionnel d’annuler ou d'émettre une
interprétation restrictive d’une loi qu’il jugerait comme inconstitutionnelle au vu de son non-
respect du principe de légalité. Ainsi, dans l’arrêt étudié, le Conseil Constitutionnel doit
décider si l’article l. 4161 du code de la santé publique est conforme au principe de légalité
des délits et des peines, bien que la définition des actes médicaux réservés aux médecins est
régie par un texte réglementaire conformément à l'article 34 de la Constitution du 4 octobre
1958. L’article 34 fixe le domaine de la loi, soit les matières relatives à la compétence
législative exclusive du Parlement, dont entre autre « la détermination des crimes et délits
ainsi que les peines qui leur sont applicables». En l’espèce, il s’agissait de savoir si le texte
d’incrimination était supposément imprécis, définissant certains modes d’exercice illégal de
la médecine. Cet article signifie que dans le but de respecter le principe de légalité des délits,
seul le législateur peut légiférer en matière de comportements en infraction de nature
criminelle conformément à la répartition opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution, en
des termes suffisamment clairs et précis. Ainsi, pour ce faire, le Conseil constitutionnel a
l’occasion d’une QPC doit passer au travers d’un « double filtre ». Ce double filtrage est
opéré par le Conseil d’Etat ainsi que la Cour de cassation, qui vérifient que la QPC remplisse
certaines conditions, dont le caractère sérieux et nouveau de la question. Ainsi, la Cour de
Cassation peut refuser l’envoi d’une QPC à la Cour constitutionnelle en cas de lacunes au
niveau des critères requis.

B. Le refus d’admissibilité de la QPC au regard du manque de caractère innovant et


sérieux de la question
Dans son arrêt du 4 décembre 2012, la chambre criminelle juge que la question manque de
caractère innovant et sérieux, refusant ainsi de l’envoyer au Conseil constitutionnel, retenant
que « dès lors qu’en renvoyant, pour partie, sous le contrôle du juge pénal, la définition des
actes médicaux réservés aux médecins à une liste fixée par un texte réglementaire, la
disposition légale critiquée incrimine en termes clairs et précis les différents modes
d’exercice illégal de la médecine ». Le caractère « sérieux » de la question est un critère assez
strictement conduisant le juge à contourner les questions infondées ou conduisant la non
censure de la disposition sur le fondement des griefs invoqués. Le caractère nouveau d’une
question soulevée se caractérise par une situation où la norme constitutionnelle invoquée n’a
fait l’objet d’aucune application par le Conseil constitutionnel (CE, 8 octobre 2010, M. K. A.,
n° 338505, Rec.).

II) L’application d’un tempérament surprenant par les juges au principe de la légalité
des peines et des délits

Cet arrêt s'inscrit dans un revirement de jurisprudence quant à la position du Conseil


relative à l’esprit de l’article 34 de la Constitution (A), divergeant des jurisprudences édictées
au niveau européen (B).

A. Un revirement de jurisprudence de la part des juges quant à l’interprétation


stricte du principe de la légalité des délits et des peines

La chambre criminelle de la Cour de Cassation considère que même si la disposition


contestée n'érige pas la totalité des modes d’exercice illégal de la médecine, elle ne
méconnaît pas pour autant les principes de clarté et de précision de la loi pénale. Néanmoins,
le Conseil a contourné le principe de légalité des peines en jugeant qu’il n’était pas méconnu
lorsqu’une loi renvoyait à des normes inférieures (Cons. const., 10 nov. 1982) dans le cadre
de la définition d’incriminations. Elle a ensuite adopté une position plus conciliante à l’article
34 de la Constitution (Cons. const., 27 juill. 2000, n° 2000-433 DC), en exigeant que le
législateur érige l’ensemble des caractéristiques d’un comportement pénalement
répréhensible.

B. Une interprétation plus souple du principe de la légalité des peines

À l'échelle internationale, le principe de l’égalité des peines et délits figure également


à l'article 7 de la Convention européenne des droits de de l’Homme ainsi qu’à l'article 15 du
Pacte mondial des Nations Unies. De plus, via son inscription dans la Convention
Européenne des Droits de l’Homme, la Cour Européenne peut également condamner la
France si cette dernière ne respecte pas le principe de légalité des peines. La Cour européenne
des Droits de l'Homme retient une conception plus souple de ce principe, étant donné que
dans son arrêt datant du 15 novembre 1996 Cantoni c. France, elle statue que « remplie
lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à
l’aide de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa
responsabilité pénale ». Cette solution peut néanmoins résulter comme contestable au regard
d’une conception stricte du principe de légalité. En effet, tous les éléments consécutifs d’une
infraction ne sont pas naturellement tous intégralement érigés en des termes clairs et précis
par la loi. Toutefois, la conception européenne diverge avec celle nationale, qui exige que le
législateur ne puisse faire preuve d’une précision parfaite.

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