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SERVICE DE DOCUMENTATION, DES ETUDES

ET DU RAPPORT DE LA COUR DE CASSATION


Bureau du droit public

La jurisprudence du Conseil d’Etat relative aux conditions indignes de détention 1

4 mars 2021

La présente note vise à apporter des éléments de droit public sur l’intervention du juge
administratif dans le contentieux des conditions de détention contraires à la dignité humaine
(I.). Elle présente également un tableau de synthèse retraçant les principales décisions rendues
par le Conseil d’Etat en cette matière (II.).

I. L’INTERVENTION DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LE CONTENTIEUX DES CONDITIONS


INDIGNES DE DETENTION. ............................................................................................................................ 1
A. LE REFERE-LIBERTE. ................................................................................................................................... 2
1°) L’office du juge du référé-liberté. ..................................................................................................... 2
2°) L’appréciation de l’indignité des conditions de détention par le juge du référé liberté. .................. 4
B. LES RECOURS INDEMNITAIRES. ................................................................................................................... 5
1°) L’engagement de la responsabilité de l’administration du fait de conditions indignes de détention.5
2°) L’appréciation de la faute de l’administration tenant à l’indignité des conditions de détention. ..... 6
C. LE RECOURS EN EXCES DE POUVOIR (REP). ................................................................................................ 6
D. LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE (QPC). ..................................................................... 7
II. SYNTHESE DES PRINCIPALES DECISIONS RENDUES PAR LE CONSEIL D’ETAT ................. 8
A. DECISIONS RELATIVES AUX CONDITIONS INDIGNES DE DETENTION. ............................................................ 8
1°) Référés-libertés. ................................................................................................................................ 8
2°) Les recours indemnitaires. .............................................................................................................. 19
3°) Les autres voies de recours (REP et QPC). .................................................................................... 24
B. DECISIONS SPECIFIQUES AUX FOUILLES EN DETENTION AU REGARD DE L’ARTICLE 3 DE LA CEDH. ......... 25

I. L’intervention du juge administratif dans le contentieux des conditions indignes


de détention.

Les conditions matérielles de détention peuvent donner lieu à plusieurs types de recours devant
les juridictions administratives.

1
Avertissement : La présente note rédigée par Eloïse Beauvironnet, juriste assistante, sous la direction de Jean-
Baptiste Claux, chef du bureau du droit public, a vocation à apporter des éléments de réflexion ou documentaires
sur la question de droit posée au SDER. Elle ne saurait engager la Cour de cassation dans le cadre de son
activité juridictionnelle.

1
A. Le référé-liberté.

1°) L’office du juge du référé-liberté.

La procédure de référé-liberté est prévue à l’article L. 521-2 du CJA. En application de ces


dispositions, le juge du référé-liberté statue dans les quarante-huit heures de sa saisine. Son
ordonnance est susceptible d’être contestée devant le Conseil d’État, dont le juge des référés
dispose d’un même délai de quarante-huit heures pour statuer.
Saisie d’une demande justifiée par l’urgence, ce dernier a le pouvoir d’ordonner « toutes
mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne
morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public
aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale »
(art. L. 521-2 du CJA).
Le positionnement et le cadre de l’office du juge du référé-liberté, lorsque est invoquée
l’indignité des conditions de détentions, ont été fixés par le Conseil d’Etat dans une décision
n°410677 du 28 juillet 2017, Section française de l’OIP, fiché en A, confirmée ensuite par une
décision du 19 octobre 2020, n°439372 et 439444, Garde des sceaux c/ Section française de
l’OIP, fiché en A (v. infra).
Le Conseil d’État a jugé qu'eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière
dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci et, notamment aux directeurs
des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures
propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de
garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les
articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (ci-après « CEDH »). Il a également jugé que le droit au respect de la vie ainsi
que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, tels que
mentionnés aux articles 2 et 3 de la CEDH, constituent des libertés fondamentales au sens des
dispositions de l’article L. 521-2 du CJA.
Il a ainsi considéré qu’il appartient au juge du référé-liberté, lorsqu’il constate qu’une carence
de l’administration crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des détenus ou les expose
à être soumis, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant prohibé par
l’article 3 de la CEDH, de prescrire les mesures de nature à faire cesser cette situation,
lorsqu’elles relèvent de la compétence de l’autorité administrative mise en cause2.
Toutefois, l’office du juge du référé-liberté, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du CJA,
connait des limitations qui « découlent des dispositions législatives qui ont créé cette voie de

2
Le Conseil d’Etat a, par exemple, jugé que tel n’était pas le cas de mesures relevant du législateur (CE, 8 avril
2020, n°439827, Section française de l'OIP, à propos d’une demande visant à ce que soit notamment ordonné
l’élargissement du champ d’application du dispositif de l’article 28 de l’ordonnance n°2020-303 du 25 mars
2020 portant adaptation des règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars
d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, JORF n°74 du 26 mars 2020, texte n°3, de libération
anticipée des personnes détenues ainsi que l’édiction de consignes contraignantes visant à réduire
significativement le nombre d’entrées en détention, dans le cadre de l’épidémie de covid-19).

2
recours et sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles ce juge doit statuer en
urgence » (CE, 19 octobre 2020, n°439372 et 439444, précitée).

D’une part, il ne peut prendre que des mesures provisoires, sauf lorsqu'aucune mesure de cette
nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle
il est porté atteinte.
D’autre part, il ne peut qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à
sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté
une atteinte grave et manifestement illégale. Comme l’indique M. Lallet dans ses conclusions
sur la décision du Conseil d’Etat du 19 octobre 2020 : « l’office de ce juge se limite aux mesures
qui peuvent recevoir un début d’exécution sinon dans ce délai, au moins à très brève
échéance – huit3 à dix4 jours dans votre jurisprudence - et déployer utilement leur plein effet
dans la foulée et, à tout le moins, à un horizon pré-déterminé et rapproché »5.
Ainsi, le juge du référé liberté « ne peut ordonner des mesures d’ordre structurel reposant sur
des choix de politique publique insusceptible d’être mises en œuvre à très bref délai6. Il ne peut
ainsi enjoindre à l’administration de réaliser des travaux lourds 7, d’augmenter les moyens
financiers, humains et matériels alloués aux services judiciaires et pénitentiaires8, de prendre
des mesures pérennes de réorganisation des services ou une circulaire de politique pénale,
d’élaborer des plans de mise en sécurité9 ou encore de recruter des agents pour résorber un
retard de traitement de dossiers10. En revanche, il peut ordonner l’affectation provisoire de
locaux non utilisés dans des bâtiments existants à certaines activités, le cloisonnement partiel
de toilettes dans les cellules ou la rénovation de cours de promenade n’impliquant pas de
travaux lourds11 ; l’installation de dispositifs adaptés permettant de rendre disponibles, à titre
provisoire, des points d’eau, latrines et douches12 ; le lancement d’opérations d’envergure pour
éliminer les nuisibles et la réalisation de diagnostics à prendre en compte dans les futurs
marchés publics13 ; le dépôt d’une demande d’autorisation de travaux pour la modification du
système de sécurité incendie ; et même une mesure provisoire d’organisation des services

3
CE, 23 novembre 2015, n°394540 et 394568, Commune de calais et Ministre de l’intérieur, fiché en A.
4
CE, 22 décembre 2012, n°364584,364620,364621,364647, Section française de l'OIP et autre, fiché en A.
5
A. Lallet, concl. sur CE, 19 octobre 2020, n°439372, 439444, SFOIP c/ Garde des sceaux, p. 2.
6
Certaines décisions s’en tiennent à un « bref délai » (v. par ex. CE, 31 juillet 2017, n°412125 et 412171,
Commune de calais et Ministre de l’intérieur, fiché en A), mais le sens est le même.
7
Y compris, par ex., l’alimentation en eau chaude des cellules (v. par ex. JRCE, 6 aout 2019, n°432589, Ministre
de la justice c/ SFOIP).
8
Par ex., affecter des moyens humains suffisants pour assurer l’effectivité du dispositif de libération anticipée des
condamnés lors de la crise sanitaire (JRCE, 8 avril 2020, n°439827, SFOIP).
9
JRCE, 23 décembre 2016, n°405791 et 405788, SFOIP.
10
JRCE, 22 juillet 2020, n°441902, Association juridique du collectif du 5 novembre.
11
JRCE, 4 avril 2019, n°428747, Ministre de la justice c/ SFOIP.
12
CE, 31 juillet 2017, n°394540 et 394568, Commune de calais et Ministre de l’intérieur, fiché en A.
13
JRCE, 22 septembre 2012, n°364584, SFOIP et JRCE, 30 juillet 2015, n°392043, SFOIP.

3
pénitentiaires14 »15. Ainsi son intervention est subordonnée au constat que la situation litigieuse
permet de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaire.
Le juge du référé liberté peut en outre décider, eu égard à son office, de déterminer dans une
décision ultérieure prise à brève échéance, les mesures complémentaires que la situation exige
et qui peuvent elles-mêmes être très rapidement mise en œuvre (v. en ce sens, CE, sect., 16
novembre 2011, n°353172, Ville de Paris, Société d'économie mixte Pariseine, fiché en A,
Lebon)16.

Enfin, le Conseil d’Etat a rappelé, dans sa décision du 19 octobre 2020 précitée17, que, compte
tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés, le caractère manifestement
illégal de l’atteinte à une liberté fondamentale s’apprécie en tenant compte des moyens dont
dispose l’administration et des mesures qu’elle a déjà prises pour prévenir ou remédier à
cette atteinte18.

2°) L’appréciation de l’indignité des conditions de détention par le juge du référé liberté.

Le Conseil d’Etat juge que « pour déterminer si les conditions de détention portent, de manière
caractérisée, atteinte à la dignité humaine, il convient d’apprécier, à la lumière des
dispositions précitées du code de procédure pénale [articles D. 349, D. 350 et D. 351], l’espace
de vie individuel réservé aux personnes détenues, la promiscuité engendrée, le cas échéant,
par la sur-occupation des cellules, le respect de l’intimité à laquelle peut prétendre tout
détenu, dans les limites inhérentes à la détention, la configuration des locaux, l’accès à la
lumière, la qualité des installations sanitaires et de chauffage » (CE, 30 juillet 2015,

14
CE, 28 juillet 2017, n°410677, Section française de l'OIP, fiché en A.
15
A. Lallet, concl. sur CE, 19 octobre 2020, n°439372, 439444, loc. cit., pp. 2-3.
16
Dans une décision du 19 octobre 2020, le Conseil d’Etat a, par exemple, considéré que, compte tenu des
conditions générales de détention au sein du centre pénitentiaire de Nouméa, la circonstance que les cours de
promenade du quartier disciplinaire et d’isolement soient situées dans des conteneurs et offrent aux détenus un
espace particulièrement réduit, une faible luminosité et une aération très largement insuffisante et que celles du
quartier fermé du centre de détention et du quartier des mineurs ne soient pas équipées de toilettes, était
susceptible de caractériser une violation de l’article 3 de la CEDH. Jugeant, toutefois, que l’appréciation qu’il
appartenait au juge des référés de porter supposait « qu’il dispose d’information complémentaires s'agissant,
d'une part, des contraintes physiques et organisationnelles justifiant que les cours de promenade du quartier
disciplinaire et d'isolement soient aménagées dans des conteneurs, de la durée moyenne d'occupation de ces
cours et de la faisabilité de solutions alternatives, même provisoires, permettant de proposer aux détenus placés
à l'isolement un accès à des cours de promenade dans des conditions pleinement respectueuses des exigences
découlant de l'article 3 de la convention, et, d'autre part, des contraintes physiques et sécuritaires mises en
avant par l'administration pour justifier l'absence de toilettes dans certaines cours de promenade, ainsi que de
la durée moyenne passée par les détenus dans ces cours », il a décidé qu’il y avait lieu, « dans ces conditions et
dans la perspective d’une décision ultérieure prise à brève échéance susceptible de déterminer les mesures
complémentaires qui s’imposent et qui peuvent être très rapidement mises en œuvre, de surseoir à statuer sur
les conclusions relatives à la fermeture des cours de promenade situées dans des conteneurs et à l’installation
de toilettes dans l’ensemble des cours de promenade et de demander à l’administration de produire, dans un
délai de dix jours, tous éléments complémentaires à même d’éclairer le juge des référés du Conseil d’Etat sur
ces questions » (CE, 19 octobre 2020, n°439372 et 439444, précitée).
17
V. éga., par ex. CE, Sect., 13 juillet 2016, n°400074, Ministre des affaires sociales et de la santé, fiché en A,
Lebon.
18
A. Lallet, concl. sur CE, 19 octobre 2020, n°439372, 439444, loc. cit., p. 3.

4
n°392043, 392044, Section française de l’OIP et ordre des avocats au barreau de Nîmes, fiché
en A ; CE, 28 juillet 2017, n°410677, Section française de l'OIP, fiché en A, toutes deux cités
infra).
Pour des exemples d’application de ces critères par le Conseil d’Etat, voir le tableau en partie
II.

B. Les recours indemnitaires.

1°) L’engagement de la responsabilité de l’administration du fait de conditions indignes


de détention.

La responsabilité de l’administration pénitentiaire peut être engagée du fait de conditions


indignes de détention, que ce soit dans le cadre d’un recours en responsabilité ou d’un référé
provision19. La grille d’indemnisation de ce préjudice a été défini par le Conseil d’Etat dans une
décision du 6 décembre 2013, M. B... (CE, sect., 6 décembre 2013, n°363290, M. B., fiché en
A, p. 309, concl. D. Hedary, AJDA, 2014, p. 237, note M. Guyomar Gaz. Pal. n° 29-30/2014,
p. 21, cité infra)20.
La Haute juridiction administrative a consacré, sur le fondement de l’article 3 de la CEDH
prohibant les traitements inhumains et dégradants, le droit des prisonniers, aujourd’hui repris
en substance à l’article 22 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 200921, à être détenu dans des
conditions conformes à la dignité humaine.
Elle en a déduit que des conditions indignes de détention révèlent l’existence d’une faute de
nature à engager la responsabilité de l’Etat et ouvrent ainsi droit à indemnisation, y compris
dans le cadre du référé-provision. Par une décision du 5 juin 2015, le Conseil d’Etat a jugé que
cette faute fait automatiquement naître un préjudice moral pour la personne détenue, qui n’a
pas à en faire la démonstration (CE, 5 juin 2015, n°370896, M. A…., fiché en B sur ce point, T.
pp. 741-869), lequel revêt un caractère continu et évolutif (CE, sect., 3 décembre 2018,
n°412010, M. A…., fichée en A sur ce point, cité infra). A conditions de détention constantes,
le seul écoulement du temps aggrave, en conséquence, l’intensité du préjudice subi (CE, sect.,
3 décembre 2018, n° n°412010, précité).

19
L’art. R. 541-1 du CJA, qui prévoit la procédure de référé-provision, permet au juge des référés, même en
l’absence d’une demande au fond, d’« accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de
l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». Ce recours, pour lequel la condition d’urgence n’est pas
requise, peut ainsi permettre à un requérant d’obtenir de l’administration débitrice une provision lorsque sa
créance n’est pas sérieusement contestable.
20
V. sur ce point, A. Bretonneau, concl. sur CE, 3 décembre 2018, n° n°412010, M. A. et E. Crépey, concl. sur
CE, 13 janvier 2017, n°389709, M. A…, n°389710, M. A…., n°389711, M. B….. et n°389712, M. B….
21
Aux termes de l’art. 22 de la loi n°2009-1439 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, JORF n°273 du 25 novembre
2009, texte n°1 : « L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et
de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes
inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la
récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé,
du handicap et de la personnalité de la personne détenue ».

5
2°) L’appréciation de la faute de l’administration tenant à l’indignité des conditions de
détention.

Le Conseil d’Etat a jugé qu’en raison de la situation d’entière dépendance des personnes
détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la
dignité des conditions de détention dépend de trois facteurs : la vulnérabilité de la personne
détenue (âge, état de santé, personnalité, handicap) ; la nature et la durée des manquements
constatés ; ainsi que les motifs susceptibles de « justifier22 ces manquements, eu égard aux
exigences qu’impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements
pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l’intérêt des victimes » (v. par
ex. CE, 6 décembre 2013, n°363293, M. B…., cité infra). Ce dernier élément, tiré de la
protection de l’intérêt de la victime, a ensuite été supprimé dans les décisions postérieures (v.
par ex. CE, 13 janvier 2017, n°389711, M. B…., fiché en A, cité infra).
S’agissant des conditions de détention, le Conseil d’Etat a, précisé, dans un arrêt du 13 janvier
2017, qu’elles « s’apprécient au regard de l’espace de vie individuel réservé aux personnes
détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du
respect de l’intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la
détention, de la configuration des locaux, de l’accès à la lumière, de l’hygiène et de la qualité
des installations sanitaires et de chauffage » (CE, 13 janvier 2017, n°389711, précité).
Pour des exemples d’application de ces critères, voir le tableau en partie II.

C. Le recours en excès de pouvoir (REP).

Le juge de l’excès de pouvoir peut être saisi d’une demande d’annulation d’une décision
administrative au motif que celle-ci méconnaîtrait l’article 3 de la CEDH.
Ainsi le Conseil d’Etat a annulé, sur ce motif, la décision par laquelle le directeur de la Maison
d’arrêt de Fleury-Mérogis a implicitement rejeté la demande tendant à ce qu’il soit mis fin à
l’utilisation des quartiers disciplinaires de cet établissement réservés aux femmes, après avoir
constaté qu’une telle décision « pouvait avoir pour effet d’exposer les détenues les plus
vulnérables (…) ou celles sanctionnées par les mises en cellule disciplinaire les plus longues,
à des épreuves physiques et morales, d’ailleurs contraires aux règles d’hygiène et de salubrité
prescrites par les articles D. 349 à D. 351 du code de procédure pénal, qui, même rapportées
aux motifs susceptibles de les justifier et notamment aux exigences qu’impliquait le maintien
de la sécurité et du bon ordre dans l’établissement en cause, excédaient le niveau inévitable de
souffrance inhérent à la détention et étaient, dès lors, attentatoires à la dignité des intéressées »
(CE, 30 décembre 2014, n°364774, Section française de l'OIP, toutefois inédit au Recueil
Lebon).

22
C’est-à-dire, selon les termes de Mme Bretonneau, de « les expliquer par des exigences carcérales (au premier
rang desquelles figurent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires – votre
décision parle également, mais nous avouons être sceptique quant à ces deux critères, de prévention de la
récidive et de protection de l’intérêt des victimes) », A. Bretonneau, concl. sur CE, 3 décembre 2018, n°412010,
loc. cit., p. 1.

6
Par ailleurs, le juge de l’excès de pouvoir peut prononcer des injonctions à l’administration dès
lors qu’elles découlent nécessairement des motifs de l’annulation qu’il prononce (art. L 911-1
et sq du CJA)23. Le Conseil d’Etat, dans la décision du 19 octobre 2020, n°439372 et 439444
précitée, a précisé à cet égard que le juge de l'excès de pouvoir peut, lorsqu'il est saisi à cet
effet, enjoindre à l'administration pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux
droits fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de moyens ou
de résultats. Il lui appartient alors de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de
l'espèce (CE,19 octobre 2020, n°439372 et 439444, Garde des sceaux, ministre de la justice c/
Section française de l'OIP, fiché en A sur ce point)

D. La question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Le juge administratif peut être amené, dans le cadre de son office de juge du filtre, à apprécier
le caractère sérieux d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de
dispositions législatives relative aux conditions de détention avec le principe à valeur
constitutionnel de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

Ainsi le Conseil d’Etat a ainsi estimé que « Le moyen tiré de ce que [les articles 707, 720-1,
720-1-1, 723-1, 723-7 et 729 du code de procédure pénale relatifs au juge d’application des
peines et aux aménagements de peine] portent atteinte aux droits et libertés garantis par la
Constitution, notamment le principe à valeur constitutionnelle de dignité de la personne
humaine et le droit à un recours juridictionnel effectif, faute de prévoir la possibilité pour le
juge de l'application des peines de tirer les conséquences de conditions de détention contraires
à la dignité de la personne humaine afin qu'il y soit mis fin par un aménagement de la peine,
soulève une question présentant un caractère sérieux. Il y a lieu, dès lors, de renvoyer au
Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée » (v. infra CE, 27
janvier 2021, n°445873, Section française de l’OIP).

23
Ainsi, selon l’article L. 911-1 : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution
dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette
mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette
mesure ». Lorsque les motifs de la décision du juge n’impliquent pas que l’administration prenne une décision
dans un sens déterminé mais seulement une nouvelle décision après ré-instruction, s’applique l’article L. 911-2
aux termes duquel : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou
un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une
nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision
juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut
également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ».

7
II. Synthèse des principales décisions rendues par le Conseil d’Etat

A. Décisions relatives aux conditions indignes de détention.

1°) Référés-libertés.

Thèmes Décisions

CE, 22 décembre 2012, n°364584, 364620, 364621,364647, Section française de


Centre
l'OIP et autre, fiché en A
pénitentiaire
des Baumettes
(Marseille). Référé-liberté fondé sur une atteinte aux droits et à la vie et à la dignité de
personnes détenues au centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille du fait de
la carence à les garantir de l’administration pénitentiaire.
Référé-liberté.
Art. 2 et 3 de la
Saisi en appel, le juge des référés du Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé que, eu
CEDH –
égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis-à-
Conditions
vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des
indignes de
établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les
détention :
mesures propres à protéger leur vie ainsi qu’à leur éviter tout traitement inhumain
hygiène et
ou dégradant afin de garantir le respect effectif de leurs droits rappelés notamment
salubrité.
par les articles 2 et 3 de la CEDH, qui constituent des libertés fondamentales au sens
Loi n°2009-1436 des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la
du 24 novembre carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie
2009 des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement
pénitentiaire, inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à
JORF n°273 du ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des
25 novembre mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés
2009, art. 22. peut, au titre de la procédure particulière du référé liberté, prescrire toutes les
mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence (cons. 6).
Il a, ensuite, estimé, s’agissant des conditions d’hygiène et de salubrité, que la
prolifération dans les espaces communs et les cellules d'animaux nuisibles (des
rats et de nombreux insectes, « tels des cafards, cloportes et moucherons, [qui]
colonisent les espaces communs ainsi que certaines cellules, y compris les
réfrigérateurs des détenus ») et de cadavres de rats, qui « en raison d’une carence
du service d’entretien général, (…) peuvent rester plusieurs jours consécutifs sur
place avant d’être prélevés », imputable à une carence de l'administration, affecte
la dignité des détenus et engendre un risque sanitaire pour l'ensemble des personnes
fréquentant l'établissement, constituant par là-même une atteinte grave et
manifestement illégale à une liberté fondamentale (cons. 10).
Il a, en conséquence, enjoint à l'administration de réaliser un diagnostic des
prestations de lutte contre les animaux nuisibles à intégrer dans le prochain contrat
de dératisation et de désinsectisation du centre pénitentiaire ainsi que, dans

8
l'intervalle, une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation et la
désinsectisation de l'ensemble des locaux de ce centre (cons. 11).

CE, 30 juillet 2015, n°392043, 392044, Section française de l’OIP et ordre des
Maison d’arrêt
avocats au barreau de Nîmes, fiché en A
de Nîmes.

Référé liberté tendant à enjoindre à l’administration de prendre toutes les mesures


Arrêt de
nécessaires afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales
principe.
portées aux libertés fondamentales des personnes détenues à la Maison d’arrêt de
Référé-liberté. Nîmes et, en particulier, aux droits garantis par les articles 2, 3 et 8 de la CEDH.
Art. 2, 3 et 8 de
la CEDH – Arrêt de principe : Le juge des référés du Conseil d’Etat a jugé que « pour
Conditions déterminer si les conditions de détention portent, de manière caractérisée, atteinte
indignes de à la dignité humaine, il convient d’apprécier, à la lumière des dispositions précitées
détention : du code de procédure pénale [articles D. 349, D. 350 et D. 351] , l’espace de vie
- conditions de individuel réservé aux personnes détenues, la promiscuité engendrée, le cas
vie en cellule, échéant, par la sur-occupation des cellules, le respect de l’intimité à laquelle peut
prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, la configuration
- conditions des locaux, l’accès à la lumière, la qualité des installations sanitaires et de
d’hygiène et de chauffage ». Appliquant ces principes aux faits de l’espèce, il a considéré que les
salubrité, conditions de détention en cellule au sein de la Maison d’arrêt exposaient les
- respect de personnes qui y sont soumises à un traitement inhumain ou dégradant portant une
l’intimité. atteinte grave à une liberté fondamentale (cons. 17).
Loi n°2009-1436
du 24 novembre A cet égard, il a relevé, en premier lieu, s’agissant des conditions de vie en cellule,
2009 que « la maison d’arrêt de Nîmes, qui est sous-dimensionnée, est confrontée à un
pénitentiaire, taux de sur occupation particulièrement élevé » (après avoir atteint 216% en avril
JORF n°273 du 2015, le taux d’occupation est descendu à 199% à la fin du mois de juillet 2015 ;
25 novembre alors qu’en 2012, le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait compté
2009, art. 22. une quarantaine de matelas au sol, ce nombre était au 30 juillet 2015 de 14) ; « que
cette situation entraîne la nécessité d’héberger un troisième détenu dans certaines
Art. D. 349, D. cellules de 9 m2 conçues pour être occupées par deux personnes ; que selon les
350 et D. 351 du termes du rapport du Contrôleur général « si l’on retranche la surface au sol des
code de différents meubles et espaces dédiés aux coins sanitaires et à la literie, seul subsiste
procédure un espace disponible de l’ordre de 4 m2 soit 1,33 m2 par personne dans le cas d’une
pénale. cellule occupée par trois personnes » ; qu’il en est de même s’agissant des cellules
conçues pour quatre personnes dans lesquelles sont hébergés six détenus ; qu’à
cela s’ajoute la circonstance que la personne ou les personnes hébergées au-delà
de la capacité d’accueil normale des cellules sont contraintes de dormir sur un
matelas posé à même le sol ; qu’ainsi que le relève le rapport précité : « dans
certaines de ces cellules, les détenus ont positionné une armoire au sol sur le côté
afin de d’y placer le matelas supplémentaire, ce qui leur évite de dormir par terre,
cette solution a cependant pour conséquence de réduire encore plus l’espace
disponible dans la cellule » ; que de telles conditions de détention qu’aggravent
encore la promiscuité et le manque d’intimité qu’elles engendrent exposent les

9
personnes qui y sont soumises à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi
une atteinte grave à une liberté fondamentale » (cons. 18).
Le juge des référé a toutefois relevé « que le caractère manifestement illégal de
l’atteinte à la liberté fondamentale en cause doit s’apprécier en tenant compte des
moyens dont dispose l’autorité administrative compétente ; (…) que
[l’administration pénitentiaire] ne dispose d’aucun pouvoir de décision en matière
de mises sous écrou, lesquelles relèvent exclusivement de l’autorité judiciaire ;
qu’une maison d’arrêt est ainsi tenue d’accueillir, quel que soit l’espace disponible
dont elle dispose, la totalité des personnes mises sous écrou ; qu’il résulte en outre
de l’instruction que, pour gravement préoccupante qu’elle demeure, la situation de
la maison d’arrêt de Nîmes est en voie d’amélioration ; qu’après avoir atteint 216
% en avril 2015, le taux d’occupation est descendu à 199 % à la fin du mois de
juillet 2015 ; qu’alors qu’à la date de la visite réalisée en 2012, les contrôleurs
avaient compté une quarantaine de matelas au sol, ce nombre est, à ce jour, de 14
; que selon les explications fournies par l’administration pénitentiaire, cette
diminution s’explique par des facteurs d’ordre structurel, les effets de la réforme
pénale sur l’octroi de crédits de réduction de peine supplémentaires aux détenus
récidivistes ainsi que la politique de transferts organisée par la direction
interrégionale afin de soulager la maison d’arrêt de Nîmes ». Le juge des référés a
ainsi jugé « que, dans ces conditions, la situation d’urgence étant caractérisée, il y
a seulement lieu d’enjoindre à l’administration pénitentiaire de prendre, dans les
meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans
l’attente d’une solution pérenne, les conditions matérielles d’installation des
détenus durant la nuit » (cons. 19).

S’agissant, en deuxième lieu, des conditions d’hygiène et de salubrité, le juge des


référés du Conseil d’Etat a constaté « qu’il ne résulte pas de l’instruction que soit
effectivement respectée la fréquence à laquelle doivent en principe être distribués
aux détenus, qui ont la charge de l’entretien de leurs cellules, les produits
nécessaires à cet effet ni celle à laquelle doivent, en principe, être nettoyés les
draps et couvertures mis à leur disposition ». Il a, en conséquence, décidé
« d’enjoindre à l’administration de prendre, dans les meilleurs délais, toute mesure
de nature à assurer et à améliorer l’accès aux produits d’entretien des cellules et à
des draps et couvertures propres » (cons. 20).

Concernant, en dernier lieu, le respect de l’intimité, il a, en revanche, considéré


que « l’absence de cloisonnement du sol au plafond des toilettes qui se trouvent
dans les cellules » ne portait pas une atteinte grave et manifestement illégale à la
dignité humaine dès lors que ce dispositif, « que justifie la nécessité de pouvoir
surveiller la totalité de la cellule, ne fait pas obstacle à ce que soit préservée
l’intimité des détenus, quelles que soient les regrettables conséquences que ce
dispositif entraîne » (cons. 20).

10
CE, 28 juillet 2017, n°410677, Section française de l'OIP, fiché en A
Maison d’arrêt
de Fresnes.
Référé-liberté fondé sur une atteinte aux droits à la vie et à la dignité de personnes
détenues à la Maison d’arrêt de Fresnes du fait de la carence de l’administration
Référé-liberté.
pénitentiaire à les garantir.
Art. 2 et 3 de la
CEDH –
Le juge des référés du Conseil d’Etat a jugé que portaient une atteinte grave à la vie
Conditions
privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la
indignes de
détention et qu’elles étaient de nature à les exposer à un traitement inhumain et
détention :
dégradant, portant ainsi une atteinte grave à deux libertés fondamentales, les
conditions de vie
conditions de détention en cellule à la Maison d’arrêt des hommes du centre
en cellule.
pénitentiaire de Fresnes, « marquées par la promiscuité et le manque d’intimité ».
Loi n°2009-1436 Il a, plus précisément, constaté que celle-ci, « qui est sous-dimensionnée, a atteint
du 24 novembre un taux d’occupation de 214 % au 18 avril 2017, ce qui implique des
2009 encellulements à trois dans des cellules conçues pour deux détenus. Par ailleurs,
pénitentiaire, il ressort des recommandations en urgence formulées le 18 novembre 2016 par le
JORF n°273 du contrôleur général des lieux de privation de liberté que l’établissement, vétuste en
25 novembre raison de son ancienneté et du manque de rénovation, est confronté de façon
2009, art. 22. récurrente à la présence de nuisibles, et notamment de punaises dans les lits des
détenus. Par ailleurs, les détenus pâtissent également du manque de luminosité des
Art. D. 349, D.
cellules, et de l’humidité de ces dernières » (pt. 13).
350 et D. 351 du
code de Toutefois, le Conseil d’Etat a souligné que, d’une part, l'administration pénitentiaire
procédure ne dispose d'aucun pouvoir de décision en matière de mises sous écrou, lesquelles
pénale. relèvent exclusivement de l'autorité judiciaire, de sorte qu’une maison d'arrêt est
tenue d'accueillir, quel que soit l'espace disponible dont elle dispose, la totalité des
personnes mises sous écrou ; que, d'autre part, les mesures prises par
l'administration et la hauteur sous plafond des cellules ont permis d'éviter
l'installation de matelas au sol en superposant trois lits ; qu’enfin, l'administration
pénitentiaire fait état des multiples démarches qu'elle a engagées afin d'améliorer
l'état des cellules, notamment en prévoyant de recourir dès 2017, dans le cadre d'un
marché régional, à un prestataire extérieur pour procéder à leur désinsectisation et
en renouvelant une partie du mobilier. Il a, par conséquent, jugé que, dans ces
conditions, l’association requérante n’était pas fondée à soutenir que le premier juge
se serait à tort borné « à enjoindre à l'administration pénitentiaire de prendre, dans
les meilleurs délais, toutes les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer,
dans l'attente d'une solution pérenne, les conditions matérielles d'installation des
détenus, notamment en ce qui concerne la luminosité et l'aération des cellules » (pt.
14).

CE, 4 avril 2019, n°428747, Garde des sceaux / Section française de l'OIP
Centre
pénitentiaire de
Rémire- Référé-liberté demandant au juge des référés d’ordonner différentes mesures afin
Montjoly de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés
(Guyane).

11
fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire de Rémire-
Référé-liberté. Montjoly (Guyane) invoquées par l’association requérante.
Art. 2 et 3 de la
CEDH – Saisi en appel de l’ordonnance n°1900211 du 23 février 2019 par laquelle le juge
Conditions des référés du tribunal administratif de la Guyane a fait droit à certaines conclusions
indignes de de l’association requérante, le Conseil d’Etat a rappelé que « la validité des
détention : injonctions prononcées par le juge des référés doit être examinée au regard, d’une
-conditions part, de la gravité des atteintes à la dignité humaine qui sont constatées et de la
d’hygiène et de possibilité d’y remédier à court délai et, d’autre part, des moyens dont dispose
salubrité, l’administration et des mesures qu’elle a déjà prises à cette fin » (pt. 7). Il a ensuite
confirmé les injonctions suivantes prononcées par le premier juge :
- mesures de
fouilles - S’agissant des conditions d’hygiène et de salubrité, celle visant à ce que « les
intégrales, détenus qui le souhaitent aient accès à des douches intérieures en état satisfaisant
de propreté, répondant à des conditions suffisantes d’hygiène et de salubrité », en
- respect de ce que cette injonction est « justifiée par la circonstance que certains détenus, qui
l’intimité des refusent de se rendre dans les cours de promenades, ne peuvent utiliser les douches
personnes situées dans ces cours et ne peuvent recourir qu’aux sanitaires intérieurs » (pt. 9).
détenues.
- S’agissant des mesures de fouilles intégrales, celle faite à l’administration
Loi n°2009-1436 pénitentiaire de consacrer spécifiquement un local pour ces mesures qui, en raison
du 24 novembre de l’atteinte à l’intimité qu’elles impliquent, doivent faire l’objet d’une attention
2009 particulière de façon à être menées dans le respect de la dignité des personnes
pénitentiaire, détenues. Au cas d’espèce, « la réalisation de ces fouilles dans les locaux des
JORF n°273 du douches de l’établissement ne garantit pas ce respect » (pt. 10).
25 novembre
2009, art. 22. - S’agissant du respect de l’intimité des détenus, celle d’aménager dans chaque
cellule un cloisonnement partiel des toilettes permettant d’éviter les angles morts
qui échappent à la surveillance du personnel tout en préservant l’intimité des
occupants, « l’absence de cloison séparant dans chaque cellule les toilettes du
reste de la cellule [étant] particulièrement attentatoire à la dignité des détenus »
(pt. 11).

En revanche, le Conseil d’Etat a estimé que, « si le quartier d’isolement et le


quartier disciplinaire offraient, selon les recommandations du 17 décembre 2018
du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, « des conditions
d’hébergement déplorables », caractérisées par des « coupures d’eaux (…)
fréquentes », des « nuisibles nombreux » et des cours de promenade « dans un état
de dégradation très avancé », il résulte de l’instruction que (…) le problème des
coupures d’eau a été résolu, que les opérations de dératisation sont mensuelles et
que la fréquence des opérations de désinsectisation a été doublée. Il résulte par
ailleurs de pièces produites (…) que l’administration a conclu en octobre 2018,
avant l’intervention de l’ordonnance attaquée, un marché public de rénovation de
ces quartiers incluant une réfection de leurs cours et que les travaux
correspondants doivent débuter au printemps 2019 pour une durée de quatre
mois ». Il a ainsi jugé que : « compte tenu des mesures ainsi prises par
l’administration et qui produiront des effets à bref délai, l’ordonnance attaquée doit

12
être annulée en tant qu’elle prononce une injonction relativement à l’amélioration
des conditions d’hébergement dans les quartiers disciplinaire et d’isolement et à la
rénovation de leurs cours de promenade » (pt. 12).
Le Conseil d’Etat a, par ailleurs, confirmé l’ordonnance du premier juge en ce
qu’elle a rejeté les conclusions tendant à ce qu'il soit mis fin aux incarcérations de
mères avec nourrisson en cellule ordinaire. Il a en effet relevé que « l'administration
a (…) soutenu à l'audience, sans être sérieusement contredite que si les trois cellules
équipées en nurserie étaient souvent insuffisantes, les femmes accompagnées de
nourrissons placées en cellule ordinaire y étaient seules, sauf si elles émettaient le
vœu de ne pas l’être, et qu’elles pouvaient accéder à tout moment à leur demande
aux cellules et sanitaires de nurserie, pour bénéficier notamment d’équipements
sanitaires en meilleur état » (pt. 14).

CE, 19 octobre 2020, n°439372 et 439444, Garde des sceaux, ministre de la


Centre
justice c/ Section française de l'OIP, fiché en A
pénitentiaire de
Nouméa.
Référé-liberté tendant à ordonner toutes mesures utiles de nature à faire cesser les
atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des
Référé-liberté.
personnes détenues au centre pénitentiaire de Nouméa invoquées par
Art. 2 et 3 de la l’association requérante.
CEDH –
Conditions
Concernant, en premier lieu, la configuration des locaux, le Conseil d’Etat a jugé
indignes de
que, eu égard aux conditions générales de détention dans le centre pénitentiaire,
détention :
notamment dans les cellules, l'absence d'abris dans certaines cours de
- configuration promenade permettant de se protéger du soleil et des intempéries est de nature
des locaux, à caractériser une violation de l'article 3 de la CEDH. Il a, dès lors, décidé que
« l’implantation de tels équipements [étant] susceptible d’être mise en œuvre à très
- conditions de
bref délai (…) [qu’]il y a lieu d’enjoindre à l’administration de prendre une telle
vie en cellule,
mesure » (pt. 19).
- respect de
En revanche, il a refusé de faire droit à la demande d’injonction tendant à
l’intimité des
l’équipement complet de certaines cours qui « ne possédaient pas de banc, ni
personnes
d’installation permettant l’exercice physique, ni point d’eau, que leur sol n’était
détenues,
qu’en partie bitumé et que des remontées d’égout étaient observées en saison des
- accès à la pluies », dès lors que « l’installation de la plupart de ces équipements est rendue
lumière. difficile, voire impossible, par l’exiguïté de ces cours » et porte en conséquence
Loi n°2009-1436 « sur des mesures d’ordres structurels insusceptibles d’être mises en œuvre, et, dès
du 24 novembre lors, de porter effet à très bref délai et ne sont pas au nombre des mesures d’urgence
2009 que la situation permet de prendre utilement dans les cadre des pouvoirs que le juge
pénitentiaire, des référés tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative » (pt. 18).
JORF n°273 du Enfin, il a considéré que, compte tenu des conditions générales de détention au sein
25 novembre du centre pénitentiaire, la circonstance que « les cours de promenade du quartier
2009, art. 22. disciplinaire et d’isolement soient situées dans des conteneurs maritimes et offrent
aux détenus un espace particulièrement réduit, une faible luminosité et une aération
très largement insuffisante » et que celles « du quartier fermé du centre de détention

13
et du quartier des mineurs ne soient pas équipées de toilettes » était « susceptible
de caractériser une violation » de l’article 3 de la CEDH (pt. 20). Jugeant toutefois
que l’appréciation qu’il appartenait au juge des référés de porter supposait qu’il
dispose d’informations complémentaires, il a décidé qu’il y avait lieu « de surseoir
à statuer sur les conclusions relatives à la fermeture des cours de promenade situées
dans des conteneurs et à l’installation de toilettes dans l’ensemble des cours de
promenade et de demander à l’administration de produire, dans un délai de dix
jours, tous éléments complémentaires à même d’éclairer le juge des référés du
Conseil d’Etat sur ces questions » (pt. 21).

S’agissant, en deuxième lieu, des conditions de vie en cellule, le Conseil d’Etat a


jugé que « les conditions de détention dans les cellules pour lesquelles un espace
individuel d’au moins 3 m2 au moins est garanti aux personnes détenues ne peuvent
pas être regardées comme contraire aux stipulations de l’article 3 de la convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour
ce seul motif ». Il a, en conséquence, considéré conforme à cette disposition les
conditions de vie en cellules au sein du centre pénitentiaire dont la densité carcérale
est de 107%, après avoir relevé que celles de 9 m² et de 11 m² pouvaient être
occupées par deux personnes ou, pour certaines cellules de 11 m², par trois
personnes avec la pose de deux ou trois matelas au sol (pt. 22).

S’agissant, en troisième lieu, du respect de l’intimité, il a considéré que, lorsqu'une


cellule est occupée par plus d'une personne, l'absence de séparation des sanitaires
par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment
l'intimité est de nature « tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une
mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu'à les exposer à un
traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à deux libertés
fondamentales ». Après avoir constaté qu’au cas d’espèce, une telle séparation
n’était pas systématiquement assurée par l'administration, laquelle se contentait de
distribuer des rideaux aux détenus, il décider de prononcer une injonction tendant à
ce que l'administration assure, dans l'ensemble des cellules, la séparation de l'espace
sanitaire du reste de l'espace (pt. 23).

Concernant, en quatrième lieu, l’accès à la lumière, le Conseil d’Etat a constaté


que, si les fenêtre des cellules étaient d’une taille satisfaisante de 90x110 cm, celles
défectueuses ne faisaient pas l’objet d’un remplacement systématique et que le
déficit de luminosité provenait avant tout d’une puissance insuffisante des
ampoules électriques. Il a, en conséquence, jugé qu’« il appartient à
l’administration, eu égard aux conditions de détention au centre pénitentiaire de
Nouméa et dans l’attente d’une solution pérenne, de prendre toutes les mesures
utiles de nature à améliorer la luminosité des cellules afin de permettre aux
personnes détenues de pouvoir procéder aux actes de la vie courante » (pt. 24).

En dernier lieu , le Conseil d’Etat a relevé qu’ « à la suite de l’ordonnance du juge


des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, l’administration

14
pénitentiaire a mis en place un plan d’actions dans lequel s’inscrivent des projets
de travaux et d’équipement de l’établissement tendant à la réfection de la peinture,
de la plomberie et de l’électricité de l’ensemble des cellules de l’établissement, à
l’installation de réfrigérateurs pour chacune des cellules, à l’achat d’un stock de
ventilateurs destiné au remplacement des appareils défectueux, à l’installation d’un
lave-linge et d’un sèche-linge dans chaque quartier ; à la restructuration du
revêtement des cours de promenades ; à la réfection des réseaux d’assainissement
et de distribution d’eau ; à l’installation de bancs et à des travaux de peinture dans
les salles d’attente ; à la réfection de la salle des parloirs ; à l’installation de points
d’eau et d’urinoirs sur les terrains de sport des personnes détenues mineures. Un
plan d’action pour lutter contre la prolifération des moustiques a également été mis
en œuvre ». Il en a, par conséquent, déduit que « les demandes d’injonction portant
sur l’adoption de ces mesures par l’administration ne peuvent qu’être écartées »
(pt. 26).

CE, 16 décembre 2020, n°447141, Garde des sceaux c/ M. B.


Maison d’arrêt
des Hauts-de-
Seine (Nanterre). Référé-liberté tendant à enjoindre à l’Etat d’ordonner toutes mesures utiles pour
faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés
fondamentales invoquées par le requérant détenu à la Maison d’arrêt des Hauts-
Référé-liberté.
de-Seine (Nanterre).
Art. 2 et 3 de la
CEDH –
En premier lieu, le Conseil d’Etat a jugé que les « mesures humiliantes » subies par
Conditions
celui-ci, « notamment une fouille intégrale injustifiée le 9 novembre 2020, effectuée
indignes de
en dehors du cadre règlementaire, dans un objectif d’intimidation », étaient
détention :
constitutives, « dans les circonstances de l’espèce, [d’]une atteinte grave et
- sécurité et manifestement illégale aux stipulations de l’articles 3 de la convention européenne
intégrité de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui prohibent
physique et les traitements inhumains et dégradants ». Il a, en conséquence, confirmé
psychologique l’injonction faite par le premier juge à l’administration pénitentiaire « de prendre
du requérant, sans délai toute mesure pour garantir et assurer la sécurité et l’intégrité physique
- qualité des et psychologique de M. B. au cours de sa détention » (pt. 6).
installations
sanitaires et de En deuxième lieu, s’agissant de la qualité des installations sanitaires et de
chauffage, chauffage, la haute juridiction administrative a estimé que la détention du requérant
« dans une cellule dotée d’un chauffage très insuffisant au regard des
- conditions
températures extérieures constitue, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte
d’hygiène et de
grave et manifestement illégale au droit de ne pas être soumis à des traitements
salubrité.
inhumains ou dégradants qui constituent une liberté fondamentale au sens des
Loi n°2009-1436 dispositions de l’article L. 521 2 du code de justice administrative. La condition
du 24 novembre d’urgence requise par les dispositions de cet article est remplie compte tenu des
2009 températures très basses en cette période hivernale » (pt. 11). Il résultait, à ce titre,
pénitentiaire, de l’instruction « et notamment des observations produites par la Contrôleure
JORF n°273 du générale des lieux de privation de liberté, que plusieurs personnes détenues à la
maison d’arrêt des Hauts-de-Seine se plaignent du froid dans les cellules en période

15
25 novembre hivernale, due notamment à la vétusté des fenêtres » et que « les photographies de
2009, art. 22. la nouvelle cellule de M. B., produites par le garde des sceaux, ministre de la justice,
montrent que sa fenêtre a été calfeutrée à l’aide d’une couverture » (pt. 10). Celui-
Art. D. 349 et D.
ci faisait valoir, en outre, que la cellule qu’il partageait avec son codétenu avant son
350 du code de
changement d’affection n’était chauffée « que par leurs propres soins, au moyen
procédure
d’une casserole chauffée en permanence sur la plaque électrique, et que dans sa
pénale.
nouvelle cellule, il ne dispose plus de cette plaque électrique et les joints de sa
fenêtre étant usés, il doit utiliser une couverture pour la calfeutrer » (pt. 9). Le
Conseil d’Etat a, dès lors, confirmé l’injonction faite à l’administration « de mettre
à la disposition de M. B. un chauffage d’appoint conforme à la réglementation »
(pt. 11).

En troisième lieu, s’agissant des conditions d’hygiène et de salubrité, ont


également été jugées constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale aux
libertés fondamentales invoquées la prolifération des cafards au sein de la Maison
d’arrêt, qui avait déjà fait l’objet de recommandations de la part de la Contrôleure
générale des lieux de privation de liberté en 2016 et ce malgré les mesures prises
par l’administration pénitentiaire qui demeurent insuffisantes pour y remédier, ainsi
que le non-respect des périodicités prévues pour le lavage des draps
(hebdomadaire) et de tout linge de lit (mensuel) à disposition des détenus, dans
des conditions conformes à la règlementation (pts. 13 et 14). Il a, par conséquent,
été enjoint à l’administration « de prendre toutes mesures utiles et nécessaires pour
assurer une procédure de désinsectisation rapide, efficace et régulière de
l’ensemble des cellules et pour assurer un lavage hebdomadaire des draps et un
lavage mensuel de tout linge de lit à disposition des détenus, dans les conditions
conformes à la règlementation » (pt. 15).

En revanche, si le requérant soutenait que sa cellule était « particulièrement sale et


infestée par les cafards » et que « les joints de sa fenêtre [étaient] en très mauvais
état », le juge des référés du Conseil d’Etat a relevé qu’un nettoyage de sa cellule
lui avait été octroyé le 4 décembre 2020 et que les opérations de désinsectisation ne
peuvent être efficaces que si elles sont mises en œuvre à l’échelle de l’établissement
et non d’une cellule. Il a également estimé que l’usure des joints de la fenêtre ne
pouvait suffire, à elle seule, à caractériser une atteinte grave et manifestement
illégale à une liberté fondamentale (pts. 17 et 18).

CE, 2 mars 2021, n°449514, M. A...


Centre
pénitentiaire de Référé-liberté tendant à ordonner à l’administration pénitentiaire de prendre toutes
Faa'a Nuutania mesures utiles afin de garantir aux personnes détenues au Centre pénitentiaire de
(Polynésie Faa'a Nuutania en Polynésie française des conditions de détention dignes et
française). humaines conformes aux exigences de l’art. 3 de la CEDH.

Référé liberté. En premier lieu, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que les mesures
prises par l’administration pénitentiaire afin d’assurer une dératisation

16
Art. 3 de la hebdomadaire sur des zones identifiées « [restaient] insuffisantes pour remédier
CEDH – de manière efficace à cette situation d’atteinte caractérisée à une liberté
Conditions fondamentale ». Il a, en conséquence, enjoint à l’administration de demander à son
indignes de prestataire de modifier les méthodes qu’il utilise afin de renforcer l’efficacité de la
détention : lutte contre les rats dans la cour de promenade et les coursives du bâtiment C (pt.
9).
- conditions
d’hygiène et de
salubrité, En deuxième lieu, il a jugé que « la présence d’eaux souillées dans la cour de
promenade résulte d’un problème structurel d’inclinaison des canalisations
- configuration
d’évacuation des eaux usées, dont l’administration ne conteste pas l’existence. Le
des locaux,
ministre de la justice fait valoir qu’un curage de ces canalisations est réalisé tous
- qualité des les quinze jours par une entreprise spécialisée afin de prévenir les remontées
installations d’égouts et qu’un constat d’huissier atteste l’absence d’odeur nauséabondes. Il
sanitaires, résulte toutefois de l’instruction que la fréquence de ces opérations de curage
- conditions de n’apparaît pas suffisante eu égard à la persistance de ces remontées d’eaux
vie en cellule, souillées, qui constituent une atteinte grave et manifestement illégale au droit de ne
pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants. Dès lors, il y a lieu de
- respect de prononcer une injonction tendant à ce que l’administration procède à un curage
l’intimité des hebdomadaire des canalisations en cause » (pt. 11).
personnes
détenues,
En troisième lieu, s’agissant de l’accès aux parloirs dans de bonnes conditions,
- accès aux le juge des référés du Conseil d’Etat a estimé qu’il résultait de l’instruction que « le
parloirs, caractère étanche des parois amovibles en plexiglas qui séparent les détenus de
- mesures leurs visiteurs sur la totalité de la hauteur et de la longueur de chaque parloir rend
destinées à excessivement difficile la communication entre les détenus et leurs familles dans un
limiter la environnement bruyant, et porte ainsi une atteinte grave et manifestement illégale
propagation du au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ». Il a
virus covid-19. ainsi considéré qu’il y avait lieu « d’enjoindre à l’administration de modifier
l’aménagement des parloirs afin de permettre une qualité de communication
Loi n°2009-1436 correcte entre les détenus et leurs visiteurs » (pt. 13).
du 24 novembre
2009
pénitentiaire, En quatrième lieu, s’agissant du respect de l’intimité des détenus, le juge des
JORF n°273 du référés du Conseil d’Etat a estimé que « lorsqu’une cellule est occupée par plus
25 novembre d’une personne, l’absence de séparation des sanitaires par une cloison ou des
2009, art. 22. rideaux permettant de protéger suffisamment l’intimité est de nature tant à porter
atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions
inhérentes à la détention, qu’à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant,
portant une atteinte grave à ces deux libertés fondamentales ». Il a toutefois relevé,
en l’espèce, que « la séparation actuelle entre les sanitaires et le reste de la cellule,
par une cloison et un rideau opaque fourni par l'administration, permet de garantir
une intimité suffisante des personnes détenues » et qu’il n’y avait dès lors pas lieu
« de prononcer une injonction sur ce point » (pt. 15).

En cinquième lieu, le juge des référés du Conseil d’Etat a relevé que « si M. B.


soutient que l’absence d’eau chaude affecte les conditions de vie des personnes

17
détenues, l'administration fait valoir qu’il n’existe pas de local permettant la
production et la distribution d’eau chaude dans les cellules et que cette contrainte
technique ne permet pas la réalisation de travaux susceptibles d’être mis en œuvre
efficacement à bref délai ». Il a dès lors estimé « que cette demande porte sur une
mesure structurelle et n’est ainsi pas au nombre des mesures d’urgence que la
situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des
référés tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative » (pt. 16).

En sixième lieu, le Conseil d’Etat a jugé que, si « le requérant demande qu’il soit
enjoint à l’administration de faire cesser la distribution de produits périmés ou non
frais, de fournir des repas variés et équilibrés, de réduire le temps d’encellulement
des personnes détenues, d’allouer aux détenus un crédit supplémentaire leur
permettant de joindre leurs familles et d’assurer le fonctionnement permanent des
téléphones », il ne résultait toutefois de l’instruction « que l'administration
pénitentiaire porterait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté
fondamentale sur ces différents points » (pt. 17).

Enfin, s’agissant des mesures destinées à limiter la propagation du virus covid-


19, le juge des référés du Conseil d’Etat a, d’une part, considéré « que, compte tenu
de l’amélioration de la situation sanitaire, l’administration pénitentiaire a adapté
les mesures mises en place pour limiter la propagation du virus covid-19 au centre
de détention de Faa’a Nuutania. Les parloirs pour les avocats et les familles ont
ainsi été rétablis dans les conditions habituelles, sous réserve de la fermeture de la
moitié des boxes ainsi qu’il a été dit au point 13. Les dépôts de linges et d’objets
autorisés sont désormais possibles à l’occasion des parloirs trois fois par semaine.
Les personnes détenues peuvent par ailleurs accéder, depuis le 22 février 2021, à
la salle de sport dans le strict respect des consignes sanitaires. Elles ont également
la possibilité de demander tout objet autorisé par l’intermédiaire des cantines
ordinaires ou exceptionnelles selon la nature de l’article. Enfin, l’établissement est
équipé de plusieurs distributeurs de gel hydro-alcoolique en libre accès pour les
personnes détenues ». Il a dès lors rejeté les demandes d’injonction portant sur ces
différents points (pt. 18)
Il a, d’autre part, estimé qu’il ne résultait pas de l’instruction qu’en l’espèce, « la
durée d’encellulement quotidienne imposée aux détenus qui déclarent la maladie
covid-19, ce qui n’est au demeurant pas le cas du requérant, serait excessive ». Il a
également considéré que « l’absence de possibilité pour M. B. de subir un test
sérologique comme il le souhaite et l’absence d’information hebdomadaire des
personnes détenues sur la propagation de l’épidémie de covid-l9 ne constituent pas
des atteinte graves et manifestement illégales à une liberté fondamentale » (pt. 19).

18
2°) Les recours indemnitaires.

Thèmes Décisions

CE, 6 décembre 2013, n°363290, M. B…, fiché en A


Maison d’arrêt de
Fresnes.
Arrêt de principe : définition du cadre d’indemnisation du préjudice moral
subi par une personne détenue en raison de conditions indignes
Référé-provision.
d’incarcération. Procédure de référé-provision initiée par une personne
Arrêt de principe : détenue à la Maison d’arrêt de Fresnes qui ne peut se déplacer qu’en
définition du cadre fauteuil roulant et qui invoquait des conditions de détention contraires au
d’indemnisation du respect de la dignité de la personne humaine.
préjudice moral subi du
fait de conditions
Par cette décision, le Conseil d’Etat a, d’abord, consacré le droit des
indignes d’incarcération.
prisonniers à être détenu dans des conditions conformes à la dignité
Art. 2 et 3 de la CEDH – humaine. Il a, ensuite, précisé que l’appréciation du caractère indigne
Conditions indignes de dépend de quatre facteurs : la vulnérabilité des personnes détenues (âge, état
détention. de santé, personnalité et handicap), la nature et de la durée des manquements
Loi n°2009-1436 du 24 constatés, ainsi que des motifs susceptibles de justifier ces manquements.
novembre 2009 Enfin, il a jugé que des conditions indignes de détention révèlent l’existence
pénitentiaire, JORF d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat et ouvrant droit à
n°273 du 25 novembre indemnisation, y compris dans le cadre d’un référé-provision, lorsque
2009, art. 22. l’obligation de l’administration, à ce titre, n’est pas sérieusement
contestable (cons. 3).
Art. D. 189, D. 349, D.
350 et D. 351 du code
En l’espèce, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêt de la cour administrative
de procédure pénale.
d’appel qui après avoir relevé, s’agissant de la détention en cellule
médicalisée du requérant, que celles-ci « étaient spécialement aménagées
pour accueillir des personnes handicapées » et pris en considération « les
conditions défectueuses de fonctionnement des équipements, les difficultés
de circulation et l’humidité régnant dans ces cellules » avait jugé que « ces
conditions de détention n’atteignaient pas un degré de gravité tel que
l’obligation invoquée puisse être regardée comme non sérieusement
contestable » (cons. 5).

Solution : Rejet du pourvoi.

CE, 6 décembre 2013, n°363292, M. A… B….


Maison d’arrêt de
Fresnes.
Procédure de référé-provision initiée par un détenu de la Maison d’arrêt
de Fresnes qui ne peut se déplacer, selon son état, qu’à l’aide de béquilles
Référé-provision.
ou en fauteuil roulant. Le requérant demandait ainsi le versement d’une
provision en réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de ses

19
Art. 2 et 3 de la CEDH – conditions de détention en cellule médicalisée et, au cours de certaines
Conditions indignes de périodes, en cellule ordinaire, conformément à des avis médicaux.
détention.
Ni les conditions de détention en cellule ordinaire de l’intéressé, ni celles en
Loi n°2009-1436 du 24 cellules médicalisées, « spécialement aménagées pour accueillir des
novembre 2009 personnes handicapées », y compris au regard des « conditions défectueuses
pénitentiaire, JORF de fonctionnement des équipements », des « difficultés de circulation » et de
n°273 du 25 novembre « l’humidité régnant dans ces cellules » ont été jugées comme franchissant
2009, art. 22. le seuil de gravité susceptible d’emporter une atteinte à la dignité humaine
de nature à constituer une faute de l’administration ouvrant droit à
indemnisation (cons. 4 et 5).

Solution : Rejet du pourvoi .

CE, 6 décembre 2013, n°363291, M. B., n°363293, M. B., n°363294, M.


Maison d’arrêt de
B., n°363295, M. B. (quatre décisions)
Fresnes.

Procédures de référé-provision initiées par quatre détenus qui ne pouvaient


Référé-provision.
se déplacer qu’en fauteuil roulant en réparation du préjudice qu’ils
Art. 2 et 3 de la CEDH – estimaient avoir subi du fait de leurs conditions de détention à la Maison
Conditions indignes de d’arrêt de Fresnes en cellules « médicalisées ».
détention.
Loi n°2009-1436 du 24 Dans ces décisions, le Conseil d’Etat a confirmé les arrêts de la cour
novembre 2009 administrative d’appel qui avait jugé que les conditions de détention des
pénitentiaire, JORF intéressés en cellules médicalisées, « spécialement aménagées pour
n°273 du 25 novembre accueillir des personnes handicapées », y compris au regard des
2009, art. 22. « conditions défectueuses de fonctionnement des équipements », des
« difficultés de circulation » et de « l’humidité régnant dans ces cellules »
Art. D. 189, D. 349, D.
n’étaient pas attentatoire à la dignité humaine et ne révélaient dès lors
350 et D. 351 du code de
aucune faute de nature à engager la responsabilité de l’administration.
procédure pénale.
Il a, par ailleurs, considéré que le placement de l’un des requérants en cellule
ordinaire pendant certaines périodes qui « n’était motivé que par la volonté
de soustraire l’intéressé aux menace dont il faisait l’objet », sans qu’il soit
allégué que d’autres moyens auraient pu être employés pour l’en préserver
n’était pas constitutif d’une atteinte aux libertés fondamentales invoquées
(CE, 6 décembre 2013, n°363293, M. B., cons. 4).

Solution : Rejet des pourvois.

CE, 13 janvier 2017, n°389711, M. B..., fiché en A


Maison d’arrêt de
Rouen.
Arrêt de principe : précision, dans la continuité de la décision du 6
décembre 2013, n°363290, M. B…., fiché en A, du cadre d’indemnisation
Référé-provision.
du préjudice moral subi par une personne détenue en raison de conditions
indignes d’incarcération. Recours en responsabilité contre l’Etat en

20
Arrêt de principe : réparation du préjudice moral que l’intéressé estime avoir subi du fait de
précision de la grille l’indignité de ses conditions de détention à la Maison d’arrêt de Rouen.
d’analyse de la décision
du 6 déc. 2013, Dans la continuité de sa décision du 6 décembre 2013, n°363290, M. B….,
n°363290, M.B..., fiché le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé le considérant de principe selon
en A. lequel, en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues
Art. 2 et 3 de la CEDH – vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère
Conditions indignes de attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de
détention. leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé,
de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la
Loi n°2009-1436 du 24
nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles
novembre 2009
de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le
pénitentiaire, JORF
maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires
n°273 du 25 novembre
ainsi que la prévention de la récidive (pt. 3).
2009, art. 22.
Il a, ensuite, complété cette grille d’analyse aux fins d’apprécier les
Art. D. 189, D. 349, D.
conditions matérielles de détention au regard du principe de respect de la
350 et D. 351 du code de
dignité humaine : « les conditions de détention s’apprécient au regard de
procédure pénale.
l’espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité
engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du respect de
l’intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes
à la détention, de la configuration des locaux, de l’accès à la lumière, de
l’hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage » (pt.
3).
Enfin, il a précisé que, « seules des conditions de détention qui porteraient
atteinte à la dignité humaine, appréciées à l’aune de ces critères et des
dispositions précitées du code de procédure pénale [articles D. 349, D.
350 et D. 351] , révèlent l’existence d’une faute de nature à engager la
responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est
caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral
pour la personne qui en est la victime » (pt. 3).

En application de ces principes, n’ont dès lors pas été jugées contraires aux
libertés fondamentales invoquées les conditions de détention du requérant,
« en dépit de la sur-occupation des cellules » successivement occupées par
celui-ci, dès lors qu’il « n’avait jamais bénéficié d’un espace individuel
inférieur à trois mètres carré » et « que dix-sept des dix-huit cellules qu’il
a occupées avaient fait l’objet de travaux récents de rénovation, qui ont
notamment permis de réaliser un cloisonnement partiel des toilettes » (pt.
5).
En revanche, le Conseil d’Etat a considéré qu’« en relevant que M. B. avait
été placé dans des conditions de détention ne respectant pas les règles
prévues par les textes rappelés au point 2 lorsqu’il occupait la cellule 210
de la division 2 de la maison d’arrêt de Rouen mais en excluant tout
préjudice subi du fait de la seule durée d’incarcération dans cette cellule

21
limitée à quinze jours, le tribunal administratif a commis une erreur de
droit. En effet, ainsi qu’il est dit au point 3, dès lors qu’il ressort des pièces
du dossier soumis aux juges du fond que les conditions de détention
caractérisent une atteinte à la dignité humaine, une telle atteinte est de
nature à engendrer, par elle-même, pour la personne qui en est la victime,
un préjudice moral qu’il incombe à l’Etat de réparer » (pt. 6).

Solution : Annulation du jugement attaqué, en tant seulement qu’il rejette


sa demande d’indemnisation du préjudice moral subi du fait de l’occupation,
pendant quinze jours, de la cellule 210 de la division 2 de la maison d’arrêt
de Rouen.

CE, sect., 3 décembre 2018, n°412010, M. B..., fiché en A


Maison d’arrêt de
Rémire-Montjoly
(Guyane). Arrêt de principe : précision, dans la continuité des décisions du 6
décembre 2013, n°363290, B..., fiché en A et du 13 janvier 2017, n°389711,
Référé-provision. M. B..., fiché en A, du cadre d’indemnisation du préjudice moral subi par
une personne détenue en raison de conditions indignes d’incarcération.
Arrêt de principe :
Recours en responsabilité contre l’Etat en réparation du préjudice moral
précision du cadre
qu’un ancien détenu incarcéré au sein de la Maison d’arrêt de Rémire-
d’analyse des décisions
Montjoly (Guyane) du 24 mai 2011 au 6 aout 2013 estime avoir subi du fait
du 6 déc. 2013,
de l’indignité des conditions de détention.
n°363290, B., fiché en A
et du 13 janv. 2017,
n°389711, M. B…., fiché Le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé le cadre d’analyse issu des
en A. jurisprudences du 6 décembre 2013, B... et du 13 janvier 2017, M. B..., dont
Art. 2 et 3 de la CEDH – il résulte que, d’une part, en raison de la situation d'entière dépendance des
Conditions indignes de personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation
détention. du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend
notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur
Loi n°2009-1436 du 24
état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi
novembre 2009
que de la nature et de la durée des manquements constatés et eu égard aux
pénitentiaire, JORF
contraintes qu'implique le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les
n°273 du 25 novembre
établissements pénitentiaires. Les conditions de détention s'apprécient au
2009, art. 22.
regard de l'espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la
Art. D. 189, D. 349, D. promiscuité engendrée, le cas échéant, par la sur-occupation des cellules, du
350 et D. 351 du code de respect de l'intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites
procédure pénale. inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l'accès à la
lumière, de l'hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de
chauffage. D’autre part, seules des conditions de détention qui porteraient
atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et des
articles D. 349, D. 350 et D. 351 du code de procédure pénale (CPP),
révèlent l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la
puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature

22
à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est
la victime qu'il incombe à l'Etat de réparer (pt. 3).
Il a, ensuite, complété celui-ci en précisant qu’à conditions de détention
constantes, le seul écoulement du temps aggrave l'intensité du préjudice
subi. Le préjudice moral subi par un détenu à raison de conditions de
détention attentatoires à la dignité humaine revêt ainsi un caractère continu
et évolutif. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que ce préjudice soit mesuré
dès qu'il a été subi. Il s'ensuit que la créance indemnitaire qui résulte de ce
préjudice doit être rattachée, dans la mesure où il s'y rapporte, à chacune des
années au cours desquelles il a été subi (pts. 3 et 5).

Enfin, appliquant ces principes aux faits de l’espèce, le Conseil d’Etat a


considéré que les conditions de détention du requérant pour la période du
1er janvier 2012 au 6 aout 2013 (la créance dont se prévalait l’intéressé pour
le préjudice subi du fait de ses conditions de détention sur la période allant
du 24 mai au 31 décembre 2011 étant prescrite) caractérisaient une atteinte
à la dignité de celui-ci. Il a, en ce sens, relevé qu’il avait occupé pendant
dix-neuf mois au sein de la maison d’arrêt qui connaissait alors une forte
surpopulation carcérale, « plusieurs cellules collectives d’environ 12 m2 qui,
prévues pour deux personnes, accueillaient trois détenus. Ces cellules ne
comportaient qu’une fenêtre grillagée et située dans un coin de la pièce,
cette ouverture étant insuffisante pour apporter une lumière naturelle dans
l’ensemble de la cellule comme pour assurer la ventilation nécessaire au
climat chaud et humide qui prévaut tout au long de l’année en Guyane. Ces
mêmes cellules, dans lesquelles les détenus pouvaient être amenés à prendre
leurs repas, étaient dotées de toilettes dont les modalités de cloisonnement
interdisaient toute forme d’intimité et induisaient des risques en matière
d’hygiène » (pt. 7). Il en a dès lors conclu que les effets cumulés de ces
conditions de détention, « pendant plus de dix-neuf mois, dans des cellules
collectives sous-dimensionnées pour le nombre d’occupants, dépourvues
d’un apport de lumière naturelle suffisant, privées d’un système d’aération
adapté au climat de la Guyane et dans des conditions d’intimité et d’hygiène
notablement insuffisantes (…) constituent, eu égard à leur nature et à leur
durée, une épreuve qui excède les conséquences inhérentes à la détention.
Ils caractérisent, par suite, des conditions de détention attentatoires à la
dignité humaine constitutives d’une faute engendrant, par elle-même, un
préjudice moral qu’il incombe à l’Etat de réparer » (pt. 10).

Solution : Le Conseil d’Etat a jugé que, « compte-tenu, d’une part, de la


nature de ces manquements et de leur durée et, d’autre part, de la
circonstance qu’ils ont été précédés de plus de sept mois de détention dans
des conditions analogues, il y a lieu, eu égard à l’aggravation de l’intensité
du préjudice subi au fil du temps, de fixer le montant de la provision au
versement de laquelle l’Etat doit être condamné à 1 000 euros au titre de la
période courant du 1er janvier au 31 mai 2012, à 3 600 euros au titre de la

23
période courant du 1er juin 2012 au 31 mai 2013, et à 900 euros pour la
période courant du 1er juin 2013 au 6 août 2013, soit au total 5 500 euros
tous intérêts compris au jour de la présente décision » (pt. 11).

3°) Les autres voies de recours (REP et QPC).

Thèmes Décisions

CE, 30 décembre 2014, n°364774, Section française de l'OIP


Maison d’arrêt de
Fleury-Mérogis.
Recours en excès de pouvoir de l’OIP contre la décision implicite de rejet du
directeur de la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis de mettre fin à l’utilisation
REP.
des quartiers disciplinaires de cet établissement
Art. 3 et 8 de la
CEDH – Conditions
Ont été jugées contraires aux règles d’hygiène et de salubrité prescrites par les
de détention
articles D. 349 à D. 351 du CPP et attentatoire à la dignité des intéressées les
indignes.
conditions de détention au sein des quartiers disciplinaires de cet établissement
Art. D. 189, D. 349, réservés à la détention des femmes.
D. 350 et D. 351 du
Le Conseil d’Etat a, en ce sens, relevé « que les parties communes ainsi que les
code de procédure
cellules encore affectées du quartier disciplinaire en cause se trouvaient, à la
pénale.
date du 6 octobre 2007, dans un état d’ensemble particulièrement dégradé ;
qu’une partie de ces locaux, y compris les sanitaires, étaient sujets à des
infiltrations, pouvant conduire à leur inondation totale ou partielle en cas de
pluie ; que, dans la très grande majorité de ces cellules, la configuration du
système d’aération ne permettait pas d’assurer une ventilation satisfaisante des
locaux ; que, dans la très grande majorité d’entre elles, ni l’éclairage naturel ni
même la lumière artificielle n’étaient suffisants pour permettre aux détenus de
lire et travailler sans altérer leur vue ; qu’enfin, l’administration pénitentiaire
n’effectuait pas toutes les diligences nécessaires au maintien de la propreté des
parties communes, notamment des sanitaires, locaux techniques et espaces
réservés à la promenade des détenues » (cons. 9).
Il a, par conséquent, jugé que « dans les circonstances particulières de l’espèce,
l’exécution de la décision litigieuse du directeur de la maison d’arrêt de Fleury-
Mérogis pouvait avoir pour effet d’exposer les détenues les plus vulnérables, au
sens exposé au point 8, ou celles sanctionnées par les mises en cellule
disciplinaire les plus longues, à des épreuves physiques et morales, d’ailleurs
contraires aux règles d’hygiène et de salubrité prescrites par les articles D. 349,
à D. 351 du code de procédure pénale, qui, même rapportées aux motifs
susceptibles de les justifier et notamment aux exigences qu’impliquait le
maintien de la sécurité et du bon ordre dans l’établissement en cause, excédaient
le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et étaient, dès lors,
attentatoires à la dignité des intéressées » (cons. 10).

24
Solution : Annulation, en tant qu’elle porte sur le quartier disciplinaire réservé
aux femmes, de la décision implicite par laquelle le directeur de la maison d’arrêt
de Fleury-Mérogis a rejeté la demande en date du 30 juillet 2007, présentée par
la section française de l’OIP et tendant à ce que soit immédiatement mis fin au
placement de détenus dans les deux quartiers disciplinaires de cet établissement.

CE, 27 janvier 2021, n°445873, Section française de l’OIP


QPC.
Principe à valeur QPC portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution
constitutionnelle de des articles 707, 720-1, 720-1-1, 723-1, 723-7 et 729 du code de procédure
dignité de la pénale relatifs au juge d’application des peines et aux aménagements de peine.
personne humaine et
droit à un recours Solution : « Le moyen tiré de ce que ces dispositions portent atteinte aux droits
juridictionnel et libertés garantis par la Constitution, notamment le principe à valeur
effectif. constitutionnelle de dignité de la personne humaine et le droit à un recours
Art. 707, 720-1, juridictionnel effectif, faute de prévoir la possibilité pour le juge de l’application
720-1-1, 723-1, des peines de tirer les conséquences de conditions de détention contraires à la
723-7 et 729 du dignité de la personne humaine afin qu’il y soit mis fin par un aménagement de
code de procédure la peine, soulève une question présentant un caractère sérieux. Il y a lieu, dès
pénale. lors, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité invoquée » (pt. 4).

B. Décisions spécifiques aux fouilles en détention au regard de l’article 3 de la


CEDH.

Thèmes Décisions

CE, 14 novembre 2008, n°315622, M. A..., fiché en A


Arrêt de
principe.
Arrêt de principe : conditions de compatibilité du régime de fouilles corporelles
Référé-liberté.
intégrales répétées sur un détenu aux exigences de l’article 3 de la CEDH.
Art. 3 de la
Référé-liberté d’une personne détenue tendant à la suspension de l’exécution du
CEDH – Régime
régime spécial des fouilles intégrales, comportant 4 à 8 inspections par jour et leur
de fouilles
enregistrement vidéo, auquel elle est soumise à l’occasion des extractions
intégrales.
judiciaires quotidiennes nécessitées par ses comparutions devant les juridictions
judiciaires.

Saisi en appel contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de


Pau ayant rejeté la demande du requérant comme portée devant une juridiction
incompétente pour en connaître, le juge des référés du Conseil d’Etat a, tout
d’abord, confirmé la compétence de la juridiction administrative à l’égard des
« décisions par lesquelles les autorités pénitentiaires, afin d’assurer la sécurité
générale des établissements ou des opérations d’extraction, décident de soumettre

25
un détenu à des fouilles corporelles intégrales dans le but de prévenir toute atteinte
à l’ordre public », en ce qu’elle relèvent de l’exécution du service public
pénitentiaire.
Il a, ensuite, précisé les conditions de la compatibilité du recours à des fouilles
corporelles intégrales répétées sur un détenu aux exigences de l’article 3 de la
CEDH : « si les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public
pénitentiaire peuvent légitimer l’application à un détenu d’un régime de fouilles
corporelles intégrales répétées, c’est à la double condition, d’une part, que le
recours à ces fouilles intégrales soit justifié, notamment, par l’existence de
suspicions fondées sur le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou
les circonstances de ses contacts avec des tiers et, d’autre part, qu’elles se déroulent
dans des conditions et selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à
ces nécessités et ces contraintes ; qu’il appartient ainsi à l’administration de
justifier de la nécessité de ces opérations de fouille et de la proportionnalité des
modalités retenues ».
Constatant, enfin, que la condition d’urgence n’était pas satisfaite au cas d’espèce,
dès lors qu’il n’était ni établi ni allégué que le requérant devait prochainement faire
l’objet d’une extraction à laquelle le régime litigieux s’appliquerait, le juge des
référés du Conseil d’Etat a, rejeté sa demande.

Solution : rejet de la demande.

CE, 20 mai 2010, n°339259, Ministre d’Etat, Garde des sceaux, ministre de la
Centre de
justice c/ M. A….
détention de
Caen.
Référé-liberté tendant à demander la suspension de l’application du régime de
Référé liberté.
fouilles corporelles intégrales auquel est soumis le requérant, incarcéré au centre
Art. 3 et 8 de la de détention de Caen. Saisi en appel, par le garde des sceaux, de l’ordonnance du
CEDH. tribunal administratif par laquelle celui-ci a ordonné la suspension de l’application
de ce régime, le juge des référés du Conseil d’Etat a confirmé celle-ci.
Mesures de
fouilles
corporelles Il a, tout d’abord, rappelé le considérant de principe aux termes duquel, « si les
intégrales. nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire
peuvent légitimer l’application à un détenu d’un régime de fouilles corporelles
Loi n°2009-1436
intégrales répétées, c’est à la double condition, d’une part, que le recours à ces
du 24 novembre
fouilles intégrales soit justifié, notamment, par l’existence de suspicions fondées sur
2009
le comportement du détenu, ses agissements antérieurs ou les circonstances de ses
pénitentiaire,
contacts avec des tiers et, d’autre part, qu’elles se déroulent dans des conditions et
JORF n°273 du
selon des modalités strictement et exclusivement adaptées à ces nécessités et ces
25 novembre
contraintes ; qu’il appartient ainsi à l’administration de justifier de la nécessité de
2009, art. 57.
ces opérations de fouille et de la proportionnalité des modalités retenues ».
Appliquant ces principes aux faits de l’espèce, le Conseil d’Etat, après avoir relevé
que le requérant, « tout en cherchant depuis plusieurs années à être incarcéré en
quartier disciplinaire et à vivre sa détention dans le plus grand isolement possible,

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a en permanence un comportement paisible et correct » et qu’il avait été rayé de la
liste des détenus particulièrement signalé, a estimé que, « dans ces conditions, le
juge des référés de première instance a estimé à bon droit que ni son comportement
ni ses agissements ne faisaient apparaître d’éléments justifiant qu’il soit soumis à
un régime de fouilles corporelles intégrales pratiquées quotidiennement à l’issue
de sa promenade ». Il a, en conséquence, jugé que l’application d’un tel régime
constituait « ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté
fondamentale invoquée par les principes énoncés ci-dessus et dont l’article 9 de la
loi du 24 novembre 2009 rappelle les exigences ».

Solution : rejet du recours du garde des sceaux.

CE, 6 juin 2013, n°368816, Section française de l'OIP, fiché en B


Maison d’arrêt
de Fleury-
Mérogis. Référé-liberté tendant à demander la suspension de l’exécution de la note de
service du directeur de la Maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en date du 28 mars
Référé-liberté.
2013 instituant, pour une période de trois mois, un régime de fouilles corporelles
Principes intégrales systématiques à l’égard de toute personne détenue sortant des parloirs
constitutionnels de l’établissement. L’association requérante soutenait, plus précisément, que la note
de respect de la litigieuse portait une atteinte grave et manifestement illégale aux principes
dignité humaine constitutionnels de respect de la dignité humaine et de respect de la vie privée, ainsi
et de respect de qu’aux articles 3 et 8 de la CEDH.
la vie privée.
Art. 3 et 8 de la Dans la continuité de la décision du 14 novembre 2008, n°315622, M. A., fiché en
CEDH. A, le juge des référés du Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé qu’aux termes de
l’article 57 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009, « d’une part, que les
Mesures de
mesures de fouilles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être
fouilles
intégrales. justifiées par l’un des motifs qu’elles prévoient et, d’autre part, que les fouilles
intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation
Loi n°2009-1436 ou à l’utilisation de moyens de détection électronique » (pt. 5).
du 24 novembre
2009 Il en résulte que, si « les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service
pénitentiaire, public pénitentiaire peuvent légitimer l’application aux détenus d’un régime de
JORF n°273 du fouilles corporelles intégrales » et « qu’en l’absence de portiques de détection
25 novembre métalliques (…) le recours à de telles opérations de fouilles, qui permettent de saisir
2009, art. 22 et les objets interdits ou dangereux que les détenus cherchent à introduire en
57. détention, apparaît justifié par la nécessité d’assurer la sécurité ainsi que le
maintien de l’ordre au sein de l’établissement (…) l’exigence de proportionnalité
des modalités selon lesquelles les fouilles intégrales sont organisées implique
qu’elles soient strictement adaptées non seulement aux objectifs qu’elles
poursuivent mais aussi à la personnalité des personnes détenues qu’elles
concernent ; (…) à cette fin, il appartient au chef d’établissement de tenir compte,
dans toute la mesure du possible, du comportement de chaque détenu, de ses
agissements antérieurs ainsi que des circonstances de ses contacts avec des tiers »
(pt. 7).

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Relevant, ensuite, que la note de service litigieuse contestée au cas d’espèce se
bornait à instituer un régime de fouilles intégrales systématiques sans organiser la
possibilité d’en exonérer certains détenus au vu des critères énoncés ci-dessus, pour
tenir compte de leur personnalité, de leur comportement en détention ainsi que de
la fréquence de leur fréquentation des parloirs, le juge des référés du Conseil d’Etat
en a conclu que « l’exécution d’un tel régime de fouilles intégrales était constitutif,
eu égard à son caractère systématique, d’une atteinte grave et manifestement
illégale aux libertés fondamentales énoncés ci-dessus dans la mesure où celui-ci n'a
pas prévu la possibilité de moduler son application pour tenir compte de la
personnalité des détenus, de leur comportement en détention ainsi que de la
fréquence de leur fréquentation des parloirs » (pt. 7).

Solution : Le juge des référés, après avoir constaté que la condition d'urgence,
comme celle d'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale,
étaient remplies, a enjoint à l'administration, non de suspendre l'exécution de la note
litigieuse mais de modifier, sans délai, les conditions d'application du régime des
fouilles intégrales systématiques afin d'en permettre la modulation en fonction de la
personnalité des détenus et de modifier, dans un délai de quinze jours à compter de
la notification de l'ordonnance, la note de service du 28 mars 2013 qui définit le
régime des fouilles intégrales systématiques afin d'y introduire la possibilité d'une
telle modulation (pt. 7).
Maison d’arrêt CE, 6 juin 2013, n°368875, M. B...A..., fiché en B.
de Fleury-
Mérogis.
Référé-liberté présenté par une personne détenue à la Maison d’arrêt de Fleury-
Référé-liberté. Merogis tendant à demander la suspension de l’exécution, d’une part, de
l’instruction du directeur de cette maison d’arrêt en date du 7 mai 2013 instituant,
Principes
en ce qui le concerne, un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques à
constitutionnels
l’issue de chaque parloir et, d’autre part, de la note de service de la même autorité
de respect de la
en date du 28 mars 2013 instituant, pour une période de trois mois, un régime de
dignité humaine
fouilles corporelles intégrales systématiques à l’égard de toute personne détenue
et de respect de
sortant des parloirs de l’établissement.
la vie privée.
Art. 3 et 8 de la Le juge des référés du Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé le considérant de
CEDH. principe aux termes duquel, en application de l’article 57 de la loi n°2009-1436 du
Mesures de 24 novembre 2009, « d’une part, que les mesures de fouilles ne sauraient revêtir un
fouilles caractère systématique et doivent être justifiées par l’un des motifs qu’elles
intégrales. prévoient et, d’autre part, que les fouilles intégrales revêtent un caractère
Loi n°2009-1436 subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l’utilisation de moyens de
du 24 novembre détection électronique » (pt. 4). Il en résulte que, si « les nécessités de l’ordre public
2009 et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l’application aux
pénitentiaire, détenus d’un régime de fouilles corporelles intégrales » et « qu’en l’absence de
JORF n°273 du portiques de détection métalliques (…) le recours à de telles opérations de fouilles,
25 novembre qui permettent de saisir les objets interdits ou dangereux que les détenus cherchent
à introduire en détention, apparaît justifié par la nécessité d’assurer la sécurité

28
2009, art. 22 et ainsi que le maintien de l’ordre au sein de l’établissement (…) l’exigence de
57. proportionnalité des modalités selon lesquelles les fouilles intégrales sont
organisées implique qu’elles soient strictement adaptées non seulement aux
objectifs qu’elles poursuivent mais aussi à la personnalité des personnes détenues
qu’elles concernent ; (…) à cette fin, il appartient au chef d’établissement de tenir
compte, dans toute la mesure du possible, du comportement de chaque détenu, de
ses agissements antérieurs ainsi que des circonstances de ses contacts avec des
tiers » (pt. 6).
Appliquant, ensuite, ces principes aux faits de l’espèce, le juge des référés a, en
premier lieu, relevé, concernant les conclusions dirigées contre l’instruction du 7
mai 2013, que le requérant, « condamné pour participation à une association de
malfaiteurs en vue de la préparation à un acte de terrorisme, faisait l’objet d’un
régime de fouilles intégrales à l’issue de chaque parloir à Fresnes, établissement
où il était détenu avant son arrivée à Fleury-Mérogis, le 6 mai 2013 ; qu’eu égard
tant à la nature des faits qui ont entraîné sa condamnation qu’à l’ensemble de son
comportement en détention au vu desquels il fait l’objet d’un suivi particulier, le
maintien, immédiatement après l’arrivée du requérant à la maison d’arrêt de
Fleury-Mérogis, du régime de fouilles intégrales systématiques dont il faisait l’objet
auparavant apparaît justifié par les nécessités de l’ordre public » (pt. 6). Soulignant
que, « si l’instruction litigieuse ne fixe pas de limite dans le temps à l’application
des mesures qu’elle prescrit, il incombe au chef d’établissement d’en réexaminer le
bien-fondé, à bref délai et, le cas échéant, à intervalle régulier, afin d’apprécier si
le comportement et la personnalité du requérant justifient ou non la poursuite de ce
régime exorbitant », il en a déduit que, dans ces conditions, le requérant n’était pas
fondé à soutenir que l’application du régime de fouilles défini par l’instruction du 7
mai 2013 constituait une atteinte manifestement illégale aux libertés fondamentales
invoquées (pt. 6).

Concernant, en second lieu, les conclusions dirigées contre la note de service du 28


mars 2013, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que celle-ci n’était pas
susceptible de recevoir exécution dans le chef du requérant en raison de l’instruction
particulière dont il faisait objet. Il a, en conséquence, rejeté ses conclusions dirigées
contre celle-ci dès lors que la situation d’urgence au sens de l’article L. 521-2 du
CJA n’était pas caractérisée (pt. 7).

Solution : rejet de la requête.

CE, 30 janvier 2019, n°416999, M. A…., fiché en B


Centre
pénitentiaire de
Châteauroux. Recours indemnitaire formé par un requérant détenu au centre pénitentiaire de
Châteauroux en réparation du préjudice moral qu’il estimait avoir subi du fait de
huit fouilles intégrales (mais dont l’existence d’une seule n’était pas contestée)
Référé-provision.
réalisées dans des conditions jugées attentatoires à sa dignité.
Art. 2 et 3 de la
CEDH –

29
Conditions Le Conseil d’Etat a, tout d’abord, rappelé qu’aux termes des articles 57 de la loi
indignes de n°2009-1436 du 24 novembre 2009 et R. 57-7-79 du CPP, « si les nécessités de
détention, l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer
mesures de l'application à un détenu de mesures de fouille, le cas échéant répétées, elle ne
fouille intégrales. sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des
motifs qu'elles prévoient, en tenant compte notamment du comportement de
Loi n°2009-1436
l'intéressé, de ses agissements antérieurs ou des contacts qu'il a pu avoir avec des
du 24 novembre
tiers ». De plus, « les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par
2009
rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection
pénitentiaire,
électronique. Il appartient à l'administration pénitentiaire de veiller, d'une part, à
JORF n°273 du
ce que de telles fouilles soient, eu égard à leur caractère subsidiaire, nécessaires et
25 novembre
proportionnées et, d'autre part, à ce que les conditions dans lesquelles elles sont
2009, art. 57.
effectuées ne soient pas, par elles-mêmes, attentatoires à la dignité de la personne »
Art. R. 57-7-79 (pt. 3).
du code de
Il a, ensuite, considéré que la fouille intégrale subi par le requérant à l’occasion de
procédure
son extraction médicale – aucun élément du dossier ne démontrant qu’il aurait fait
pénale.
l’objet d’autres mesures analogues – ne caractérisait pas une atteinte à la dignité
humaine. A cet égard, le Conseil d’Etat a relevé que, d’une part, cette mesure « était
motivée par le risque qu’il dissimule une arme afin de profiter de sa sortie de
l’établissement pénitentiaire pour s’évader », de sorte que son recours apparaissait,
dans les circonstances de l’espèce, « nécessaire et proportionné, dès lors qu’aucune
autre mesure moins intrusive n’aurait permis d’atteindre le même but dans des
conditions équivalentes ». D’autre part, il a considéré qu’il ne résultait pas de
l’instruction que les conditions dans lesquelles les agents de l’administration
pénitentiaire ont procédé à cette fouille seraient « par elles-mêmes (…) attentatoires
à la dignité humaine » (pt. 8).

Solution : rejet de la demande.

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