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Séance 7 Droit administratif

A titre liminaire, il convient de distinguer les mesures qui permettent à l’Administration, en vertu de
circonstances particulières, d’appliquer un principe de légalité « allégé » mais qui restent néanmoins soumises
au contrôle juridictionnel, alors que d’autres sont tout simplement exclues du contrôle du juge et peuvent être
considérées comme en dehors du principe de légalité.

1. SUR LA NOTION DE CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES

• Définition et rôles de la notion de circonstances exceptionnelles

Circonstances exceptionnelles (théorie jurisprudentielle) :


Cette théorie assure l’extension des pouvoirs des autorités administratives autant que nécessaire afin de faire
face au caractère exceptionnel des circonstances. Trois conditions
 Les mesures doivent être prises pour répondre à une situation exceptionnelle
 L’Administration du fait des circonstances était dans l’impossibilité d’agir conformément au principe de
légalité
 Intérêt suffisamment important pour justifier le non respect du principe de légalité ( défense nationale,
continuité SP…)

CE, 28 juin 1918 HEYRIES : cet arrêt amorce la théorie des circonstances exceptionnelles, et indique que « Le
principe de continuité des services publics comportait des exigences exceptionnelles en temps de guerre,
justifiant une extension exceptionnelle des pouvoirs du gouvernement et de l’administration ». Les arrêts
DAMES DOL ET LAURENT de 1919 et LECOQ de 1944 confirmeront cette approche.

Etat de siège était prévu par la loi du 9 aout 1849 sur l’état de siège. Cette loi a été abrogée par une ordonnance
du 20 décembre 2004. Il est aujourd’hui codifié aux articles L2121-1 du code de la défense (CD) et cité à
l’article 36 de la C°L'état de siège ne peut être déclaré, par décret en conseil des ministres, qu'en cas de péril
imminent résultant d'une guerre étrangère ou d'une insurrection armée. Le décret désigne le territoire auquel il
s'applique et détermine sa durée d’application. (Article L2121-1 CD)Aussitôt l'état de siège décrété, les
pouvoirs dont l'autorité civile était investie pour le maintien de l'ordre et la police sont transférés à l'autorité
militaire. (Article L.2121-2 CD)

Lorsque l'état de siège est décrété, l'autorité militaire peut :

Faire des perquisitions domiciliaires de jour et de nuit ;


Interdire les publications et les réunions qu'elle juge de nature à menacer l'ordre public. (Article L.2121-7 CD) ;
Les tribunaux militaires sont compétents pour connaitre de certaines infractions pénales. (Article L2121-3 CD).

2. SUR LA NOTION D’ETAT D’URGENCE

1. Définir l’état d’urgence. Quelles sont les conditions de sa mise en place et de son prolongement? Quelle est
l’autorité compétente pour mettre fin à l’état d’urgence?

L’état d’urgence est défini par l’article 1er de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence dispose que :

«  L'état d'urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des départements
d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-
Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public, soit en cas
d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique. »

L’état d’urgence est défini par l’article 1er de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence
La loi ouvre donc deux hypothèses dans lesquelles l’état d’urgence peut être instauré:
1- péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public
2- Évènements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique.

L’état d’urgence est dans un premier temps déclaré par décret pris en Conseil des Ministres.
Le décret détermine les circonscriptions territoriales dans lesquelles l’état d’urgence va trouver à s’appliquer.
Depuis, donc, une fois ce délai de 12 jours expiré, sa prolongation ne peut être autorisé que par la loi qui
n’autorise la prolongation de l’état d’urgence que pour une durée déterminée.
Le Président de la République est seul compétent pour mettre un terme à l’état d’urgence avant que la durée
prévue par la loi n’expire par un décret en CM.

Le juge administratif est compétent comme il s’agit d’un acte administratif, pour connaitre de la légalité de ce
décret. (CE, 14 novembre 2005, n°286835; CE, 21 novembre 2005, n°287217). Le Conseil d’Etat est seul
compétent pour connaître de ce contentieux, compte tenu de l’auteur de ce décret. Pour autant, le contrôle
exercé sur ce décret est limité quant à la décision de déclarer l’état d’urgente et étroit en ce qui concerne les
modalités de mise en oeuvre de celui-ci ainsi qu’à la stricte proportion de cet acte. CE, juge des référés, 27
janvier 2016, n°396220
Le juge administratif exerce un contrôle restreint sur le décret prononçant l’état d’urgence. Il n’a pas à
substituer son appréciation sur celle du législateur ou du Président de la République. Le Conseil d’Etat est
compétent pour connaitre de la prorogation de l’état d’urgence par la loi. En effet, même s’il s’agit d’une loi,
cette dernière ne fait que proroger la validité du décret initial. La loi peut donc être déférée au Conseil d’Etat.

2. SUR LA NOTION D’ACTE DU GOUVERNEMENT

• Qu’est-ce qu’un acte de gouvernement ?

Il s’agit d’acte qui, bien que pris par une autorité administrative compétente, ne sont pas administratif et
échappent ainsi à tout contrôle juridictionnel, que ce soit dans le cadre du contentieux de la légalité, comme
dans celui de la responsabilité. Le juge administratif souhaite laisser une large marge d’appréciation pour
certaines décisions politiques dans des domaines sensibles. Deux types d’actes dégagés par la jurisprudence : les
relations internationales/ diplomatiques (CE, 23 septembre 1992, GISTI et MRAP  ; CE, 29 septembre 1995
ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE ) et les relations entre les pouvoirs publics (CE, ass, 5 mars 1999
PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE ; CE, 9 avril 1999, Mme BA). C’est l’arrêt de1875, PRINCE
NAPOLEON consacre l’abandon de la théorie du mobile politique pour qualifier un acte de gouvernement. Cet
arrêt n’a cependant pas fait disparaitre la catégorie des actes de gouvernement.

4. SUR LA NOTION DE MESURE D’ORDRE INTERIEUR

Une mesure d’ordre intérieur est une catégorie spécifique, considérés comme ne faisant pas grief c’est à dire
qu’elle n’affecte pas la situation juridique des personnes. Dès lors, il n’est pas possible de les contester : De
minimis non curat preator : le juge ne s’occupe pas des « petites choses ». Ces mesures ne concernent que
l’ordre interne. De ce fait, l’Administration doit pouvoir agir sans être perturbée par des complications
contentieuses. Il s’agit donc de préserver une certaine sécurité juridique. Ces mesures ne portent pas gravement
atteinte à des droits et obligations. Les soumettre à un contrôle du juge n’est donc pas nécessaire. Elles
concernent différents domaines, comme l’éducation nationale, l’armées, le Service public pénitentiaire.
Ces mesures ont connu une évolution jurisprudentielle, le juge administratif rétrécissant le champ de ces
mesures afin de protéger les administrés

CE, 27 janvier 1984, CAILLOL


Le juge administratif indique que la décision du directeur de la maison d’arrêt plaçant un détenu en « quartier de
plus grande sécurité », est une mesure d’ordre intérieur, insusceptible de recours.

Evolution progressives : CE, 2 novembre 1992, KHEROUAA (Le juge administratif accepte de contrôler la
légalité des règlements intérieurs des établissements scolaires dès lors que les dispositions contestées portent
atteinte aux droits et libertés fondamentaux).

Puis, une étape importante a été franchie avec les arrêts de 1995 Sieur Marie et Hardouin. Dans ces arrêts, le
Conseil d’Etat a fixé un critère clair d’identification des mesures susceptibles de recours: la nature et la gravité
de cette mesure, notamment eu égard à ses incidences concrètes sur la situation sur la personne concernée

De nombreux arrêts consacrent cette évolution ( v. les arrêts de la plaquette, CE, 14 décembre 2007, PAYET  :
Le juge administratif se déclare compétent pour contrôler la légalité des décisions de soumission d’un détenu à
un régime de rotation de sécurité, etc.)

3. SUR L’ETAT D’URGENCE SANITAIRE

L’objet de l’état d’urgence sanitaire est de déroger au droit normalement applicable en vue de parer à diverses
conséquences de la pandémie. Régime institué par la loi du 23 mars 2020 instaurant un nouveau régime
d’exception applicable à toute catastrophe sanitaire mettant en péril par sa nature et sa gravité la santé de la
population.
Ce régime est introduit à l’article L3131-12 ss du Code de la santé publique

Adoption :

Par décret en conseil des Ministres donc signé par le chef de l’Etat comme pour l’état d’urgence, en cas de
menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie

Le décret doit être pris sur rapport du ministre de la santé et doit être motivé, les données scientifiques
disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision doivent être rendues publiques. L’état d’urgence
est décrété pour une durée maximale d’un mois.

Prorogation :

Au-delà de la durée d’un mois, la prorogation doit être autorisée par la Loi pour une durée qu’elle détermine au-
delà du délai précité.

Mesures pouvant être adoptées ( voir également l’article de JM PONTIER sur l’extension des pouvoirs).

Le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l'intérêt de la santé publique toute mesure
proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de
limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population. Extension des pouvoirs de police
administrative impliquant pour certaines libertés qui en temps ordinaires auraient été illégales. V. notamment
l’article L3131-15 Code de la Santé publique.

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