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UNIVERSITE DE LORRAINE

UFR DROIT, ECONOMIE ET ADMINISTRATION METZ/CU Sarreguemines


Année universitaire 2021/2022

LICENCE DROIT – 2e année


DROIT PENAL GENERAL

Cours magistral de M. J. WALTHER


TDs de Mme LEPORCQ, M. C. LEBOEUF, Mes P-A. DEGEHET, U. GOBERT, O.
HURAULT

SEANCES TD N° 1 ET 2 : LA LOI ET LES AUTRES SOURCES NATIONALES – LA LOI ET LES


SOURCES INTERNATIONALES – LE DROIT DE L’UE ET LA MATIERE PENALE

LA LEGALITE CRIMINELLE ET LES CONTROLES HIERARCHIQUES

SEANCE 1. LA LOI ET LES AUTRES SOURCES NATIONALES – LE DROIT DE L’UE ET LA


MATIERE PENALE

Travaux à effectuer :

1. Introduction et plan détaillé de l'arrêt Cassation criminelle, 12/10/2005, n° 05.80.596-


>à rechercher.
2. Consulter pour vous-même : JurisClasseur Pénal Code, Synthèse 10, principes généraux
de la loi pénale.
3. Lire l’ensemble des arrêts proposés et établir une fiche d’arrêt.

4. Etablir une fiche récapitulative sur la procédure de requête devant la Cour EDH.

Liste des documents :

- Le pouvoir réglementaire en matière pénale : Conseil d'État, 12 février 1960, Société


Eky
- Les usages et le droit pénal : Cour de cassation, chambre criminelle, 15 mai 2001, n°00-
84279, bull crim 2001 n°121
- La notion de loi pénale : Recherchez CEDH, Kruslin & Huwig c/ France, 24 avril 1990,
requêten°11801/85
- Les compétences pénales en droit européen : CJCE, 13 septembre 2005, Commission
c/Conseil UE, n° C176/03
- Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 janvier 2011, 10-90.116

1
Conseil d'État, 12 février 1960, Société Eky

Vu sous le n° 46922 la requête présentée assorties et ont, par conséquent, entendu


pour la Société Eky... ladite requête spécialement déroger sur ce point au
enregistrée au secrétariat du contentieux du principe général énoncé par l’article 8 de la
Conseil d’Etat le 24 février 1959 et Déclaration des Droits ; QUE, DES LORS,
tendant à ce qu’il plaise au Conseil LA MATIERE DES
d’annuler pour excès de pouvoir les CONTRAVENTIONS RELEVE DU
dispositions des articles R. 30-6°, R. 31, POUVOIR REGLEMENTAIRE PAR
dernier alinéa, R. 32, dernier alinéa et R. 33, APPLICATION DES DISPOSITIONS
alinéa 1er du Code pénal, édictées par DE L’ARTICLE 37 DE LA
l’article 2 du décret n° 58- 1303 du 23 CONSTITUTION ;
décembre 1958 ;
Considérant que, d’après l’article 1er du
Vu sous le n° 46923 la requête présentée Code pénal, l’infraction qui est punie de
pour la société susnommée, ladite requête peines de police est une contravention ;
enregistrée comme ci-dessus le 24 février qu’il résulte des articles 464, 465 et 466
1959 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil dudit code que les peines de police sont
annuler pour excès de pouvoir l’article 136 l’emprisonnement pour une durée ne
du Code pénal (article 13 de l’ordonnance pouvant excéder deux mois, l’amende
du 23 décembre 1958) ; [...] Sur les moyens jusqu’à un maximum de 200.000 francs et
tirés de la violation de l’article 8 de la la confiscation de certains objets saisis ; que
Déclaration des Droits de l’Homme et de les dispositions attaquées des articles R. 30
l’article 34 de la Constitution ; et suivants du Code pénal punissent d’une
amende de 2.000 à 4.000 francs et d’un
Considérant que, si l’article 8 de la emprisonnement de trois jours au plus et, en
Déclaration des Droits de l’Homme de cas de récidive, de huit jours, ceux qui
1789 à laquelle se réfère le Préambule de la auront accepté, détenu ou utilisé des
Constitution pose le principe que « nul ne moyens de paiement ayant pour objet de
peut être puni qu’en vertu d’une loi suppléer ou de remplacer les signes
établie et promulguée antérieurement au monétaires ayant cours légal ; que les
délit », l’article 34 de la Constitution qui infractions ainsi visées se trouvant punies
énumère les matières relevant du de peines de simple police, constituent des
domaine législatif, dispose que la loi fixe contraventions ; que, dès lors, c’est par une
« les règles concernant... la détermination exacte application de la Constitution que le
des crimes et délits et les peines qui leur Gouvernement, par voie réglementaire, les
sont applicables » ; que ni cet article ni a définies et a fixé les peines qui leur sont
aucune autre disposition de la Constitution applicables ;
ne prévoit que la matière des contraventions
appartient au domaine de la loi ; qu’ainsi il Sur le moyen tiré de la violation de l’article
résulte de l’ensemble de la Constitution et, 4 du Code pénal :
notamment, des termes précités de l’article
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit
34 que les auteurs de celle-ci ont exclu dudit
domaine la détermination des ci-dessus que l’article 4 dudit code édicte
contraventions et des peines dont elles sont par la loi du 12 février 1810 est

2
incompatible avec les dispositions des Considérant qu’il résulte de tout ce qui
articles 34 et 37 de la Constitution du 4 précède que les requêtes susvisées ne
octobre 1958 en tant qu’il a prévu que nulle sauraient être accueillies.
contravention ne peut être punie de peines
DECIDE : ARTICLE 1ER. - LES
qui n’aient été prononcées par la loi et doit,
par suite, être regardé comme abrogé sur ce REQUETES SUSVISEES DE LA
point ; […] SOCIETE EKY SONT REJETEES.

Cour de cassation, chambre criminelle, 15 mai 2001, n°00-84279

REJET du pourvoi formé par : - X... Jean- de la charcuterie et des conserves de


Paul, viandes, la Cour constate qu’il existe des
usages dans la profession et qu’il en résulte
contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, que la composition des produits fabriqués
13e chambre, en date du 23 mai 2000, qui, par la société Chelloise de Salaisons et
pour tromperie en état de récidive, l’a composés de jambon et d’épaule ne pouvait
condamné à 250 000 francs d’amende. recevoir la dénomination de “jambon
LA COUR, supérieur” indiquée sur l’étiquette ; qu’à cet
égard, les considérations de la défense, sur
Vu le mémoire produit ; l’applicabilité du code des usages de la
charcuterie et sur l’éventuelle non
Sur le moyen unique de cassation, pris de la
conformité de ce texte avec les directives
violation des articles L. 213-1 du Code de la
communautaires, sont sans effet sur
consommation, 28, 29 et 30 du Traité CEE,
l’existence d’un usage professionnel
8 et 9 de la directive n° 83-189 CEE du 28
effectif en France, et même d’un usage
mars 1983 telle que modifiée par la
commun, admis par le consommateur, qui
directive n° 88-182 CEE du 22 mars 1988,
réserve l’appellation jambon supérieur à la
6 de la Convention européenne des droits de
cuisse du cochon (le jambon), sans
l’homme et 593 du Code de procédure
adjonction d’autre viande, et qui interdit
pénale, défaut de motif et manque de base
l’appellation de jambon supérieur à un
légale :
mélange plus ou moins compact d’épaule et
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le de jambon qui n’a pas les mêmes qualités
prévenu, Jean-Paul X..., coupable du délit énergétiques et qui peut se distinguer
de tromperie sur la nature ou les qualités objectivement du jambon supérieur par des
substantielles de jambons cuits supérieurs et analyses scientifiques complexes ; qu’il
l’a, en conséquence, condamné à une appartenait aux prévenus, qui sont des
amende de 250 000 francs ; professionnels avertis, de se conformer aux
usages commerciaux et à la définition
” aux motifs que si la Direction générale de courante du jambon supérieur ; que le délit
la Concurrence, de la Consommation et de de tromperie sur les qualités substantielles
la répression des Fraudes s’est fondée, pour de la marchandise vendue, visé à
les références de ses analyses chimiques, l’ordonnance de renvoi, est donc bien
aux taux établis par le code des usages de la caractérisé dans tous ses éléments, qu’il
charcuterie dans sa version d’avril 1993, convient donc d’infirmer le jugement déféré
édité par le Centre technique de la salaison,

3
en toutes ses dispositions et de retenir les indépendant du code des usages de la
mis en cause dans les liens de la prévention charcuterie, l’arrêt ne pouvait, sans
; méconnaître le principe du respect des
droits de la défense et du droit au procès
” alors que, d’une part, la directive n° 83- équitable, fonder sa décision sur un tel
189 CEE du 28 mars 1983, telle que usage sans indiquer les éléments de preuve
modifiée par la directive n° 88-182 CEE du dont il résulterait et vérifier qu’ils auraient
22 mars 1988 ayant pour objectif de été soumis à un débat contradictoire ;
protéger la libre circulation des
marchandises par un contrôle préventif, ” alors que, d’autre part, toute norme
impose aux Etats membres, comme moyen d’origine privée qui a un caractère
essentiel pour la réalisation de ce contrôle obligatoire est une mesure au sens des
communautaire, une procédure de articles 28 et 29 CEE alors même qu’elle
notification de tout projet de règle technique n’émane pas de l’Etat lui-même ; qu’en
concernant les caractéristiques requises l’espèce, l’usage français qui réserverait,
pour un produit ; que les articles 8 et 9 de hors de toute exigence requise par le droit
cette directive doivent être interprétés en ce communautaire, la dénomination “jambon
sens que les particuliers peuvent s’en supérieur” à la cuisse de cochon sans
prévaloir devant le juge national auquel il adjonction d’autre viande et de certains
incombe de refuser d’appliquer une règle additifs étant susceptible d’entraver les
technique nationale qui n’a pas été notifiée échanges intracommunautaires de jambon,
conformément à la directive ; constituerait une mesure d’effet équivalent
qui ne serait applicable qu’à la condition
qu’en l’espèce, en faisant application, sous d’être nécessaire et proportionnée aux
couvert d’un usage professionnel effectif en exigences impératives tenant à la loyauté
France et commun, d’une règle technique des transactions commerciales et à la
prescrite par le Code des usages de la protection des consommateurs qui ne
charcuterie et relative aux caractéristiques pourraient être atteintes par d’autres
requises pour qu’un produit puisse moyens ; qu’en refusant explicitement de
bénéficier de l’appellation “jambon rechercher, comme elle y était invitée, si
supérieur”, et en refusant dès lors de l’usage dont elle a ainsi sanctionné la
rechercher comme elle y était invitée si cette méconnaissance n’était pas une mesure
règle technique était opposable à Jean-Paul d’effet équivalent au sens des articles 28 et
X... bien qu’elle n’ait pas fait l’objet de la 29 CEE du traité et si la preuve avait été
procédure de notification précitée, la Cour, apportée de sa nécessité et de sa
qui n’a par ailleurs même pas constaté que proportionnalité aux exigences impératives
l’usage imposant la règle technique dont qu’il poursuit, la cour d’appel a violé les
elle a ainsi fait application existait textes susvisés “ ;
antérieurement à l’entrée en vigueur des
directives précitées, n’a pas légalement Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué qu’à
justifié sa décision au regard des textes la suite de contrôles effectués, courant 1996
susvisés ; et 1997, par les agents de la Direction de la
Concurrence, de la Consommation et de la
” alors que, de deuxième part, à considérer répression des Fraudes au sein de
subsidiairement cet usage comme

4
l’établissement de la société Chelloise de considérations du prévenu sur un éventuel
Salaisons, Jean-Paul X..., président du défaut de conformité dudit code avec le
conseil d’administration de cette société, est droit communautaire “ sont sans effet sur
poursuivi pour avoir trompé le l’existence d’un usage professionnel
consommateur en ayant commercialisé, effectif en France, et même d’un usage
sous la dénomination “ jambon supérieur “, commun, admis par le consommateur, qui
un produit ne pouvant, au regard des usages, réserve l’appellation de jambon supérieur à
bénéficier de cette appellation étant la cuisse de cochon, sans adjonction de
composé d’une forte proportion d’épaule de viande “ ; que les juges ajoutent qu’il
porc et d’additifs favorisant la rétention appartenait au prévenu, professionnel
d’eau ; averti, de se conformer aux usages
commerciaux ;
Attendu que le prévenu a fait valoir pour sa
défense que les prescriptions du code des Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et
usages de la charcuterie et de la salaison dès lors qu’en matière de fraude
constituaient une règle technique qui devait, commerciale portant sur la dénomination
en application de la directive 83-189-CEE d’une denrée alimentaire non réglementée,
du 28 mars 1983 modifiée, prévoyant une il appartient aux juges du fond de se référer
procédure d’information dans le domaine aux usages commerciaux en vigueur dont ils
des normes et réglementations techniques, apprécient souverainement l’existence, et
être communiquée à la Commission dont la sanction par la loi pénale est
européenne, et qu’à défaut de respect de nécessaire à la loyauté des transactions
cette procédure, les dispositions à caractère commerciales et à la protection des
normatif de ce Code lui étaient consommateurs, la cour d’appel, qui a fait
inopposables ; qu’il a aussi soutenu que ces l’exacte application de l’article 8 du décret
usages s’analysaient en une mesure d’effet du 7 décembre 1984 devenu l’article R.
équivalent constituant une entrave aux 112-14 du Code de la consommation,
échanges intracommunautaires interdite par transposant la directive 19-112-CEE du 18
l’article 30, devenu 28, du Traité instituant décembre 1978 relative au rapprochement
les Communautés européennes ; que, le des législations des Etats membres
juge répressif ayant l’obligation d’écarter concernant l’étiquetage et la présentation
l’application des dispositions internes non des denrées alimentaires, a caractérisé, en
conformes au droit communautaire, il a tous ses éléments, la tromperie dont elle a
conclu à sa relaxe ; déclaré le prévenu coupable ;

Attendu que, pour écarter ces moyens de D’où il suit que le moyen, inopérant en ce
défense et déclarer le prévenu coupable du que, s’agissant d’usages commerciaux
délit, la juridiction du second degré, après recueillis par un organisme professionnel, il
avoir relevé que les analyses des invoque la directive européenne relative à la
échantillons prélevés établissaient, au procédure d’information dans le domaine
regard du code des usages de la charcuterie des normes et réglementation techniques, ne
et de la salaison, que les produits ne saurait être admis ;
pouvaient bénéficier de l’appellation “
jambon supérieur “, retient que les Et attendu que l’arrêt est régulier en la
forme ;

5
REJETTE le pourvoi.

CJCE, 13 septembre 2005, Commission c/ Conseil UE, n°C-176/03

Dans l'affaire C-176/03, ayant pour objet un «Chaque État membre prend les mesures
recours en annulation au titre de l'article 35 nécessaires pour qualifier d'infractions
UE, introduit le 15 avril 2003 pénales, en vertu de son droit interne :

[...] a) le rejet, l'émission ou l'introduction d'une


quantité de substances ou de radiations
1 Par sa requête, la Commission des ionisantes dans l'atmosphère, le sol ou les
Communautés européennes demande à la eaux, qui causent la mort ou de graves
Cour d'annuler la décision-cadre lésions à des personnes;
2003/80/JAI du Conseil, du 27 janvier
2003, relative à la protection de b) le rejet, l'émission ou l'introduction
l'environnement par le droit pénal (JO L 29, illicites d'une quantité de substances ou de
p. 55, ci-après la «décision-cadre»). radiations ionisantes dans l'atmosphère, le
sol ou les eaux, qui causent ou sont
Le cadre juridique et les antécédents du susceptibles de causer leur détérioration
litige durable ou substantielle ou la mort ou de
2 Le 27 janvier 2003, le Conseil de l'Union graves lésions à des personnes, ou des
européenne a adopté, à l'initiative du dommages substantiels à des monuments
Royaume de Danemark, la décision-cadre. protégés, à d'autres objets protégés, à des
biens, à des animaux ou à des végétaux;
3 Fondée sur le titre VI du traité sur l'Union
européenne, notamment les articles 29 UE, c) l'élimination, le traitement, le stockage, le
31, sous e), UE ainsi que 34, paragraphe 2, transport, l'exportation ou l'importation
sous b), UE, dans leur version antérieure à illicites de déchets, notamment de déchets
l'entrée en vigueur du traité de Nice, la dangereux, qui causent ou sont susceptibles
décision-cadre constitue, ainsi qu'il ressort de causer la mort ou de graves lésions à des
de ses trois premiers considérants, personnes, ou de causer des dommages
l'instrument par lequel l'Union européenne substantiels à la qualité de l'air, du sol, des
entend réagir de façon concertée à eaux, à des animaux ou à des végétaux;
l'augmentation préoccupante des infractions d) l'exploitation illicite d'une usine dans
commises au détriment de l'environnement. laquelle une activité dangereuse est exercée
4 La décision-cadre définit un certain et qui cause ou est susceptible de causer à
nombre d'infractions à l'environnement, l'extérieur de cette usine la mort ou de
pour lesquelles les États membres sont graves lésions à des personnes, ou des
invités à prévoir des sanctions de nature dommages substantiels à la qualité de l'air,
pénale. du sol, des eaux, à des animaux ou à des
végétaux;
5 Ainsi, aux termes de l'article 2 de la
décision-cadre, intitulé «Infractions e) la fabrication, le traitement, le stockage,
commises intentionnellement» : l'utilisation, le transport, l'exportation ou
l'importation illicites de matières nucléaires

6
ou d'autres substances radioactives 9 L'article 6 de la décision-cadre régit la
dangereuses qui causent ou sont responsabilité, par action ou par omission,
susceptibles de causer la mort ou de graves des personnes morales et l'article 7 de la
lésions à des personnes, ou des dommages même décision définit les sanctions qu'il
substantiels à la qualité de l'air, du sol, des convient de leur appliquer, lesquelles
eaux, à des animaux ou à des végétaux ; «incluent des amendes pénales ou non
pénales et éventuellement d'autres
f) la possession, la capture, la dégradation, sanctions».
la mise à mort ou le commerce illicites
d'espèces animales et végétales protégées 10 Enfin, l'article 8 de la décision-cadre
ou de parties de celles-ci, du moins concerne la compétence juridictionnelle et
lorsqu'elles sont définies par la législation l'article 9 traite des poursuites engagées par
nationale comme étant menacées un État membre qui n'extrade pas ses
d'extinction; ressortissants.

g) le commerce illicite de substances 11 La Commission s'est prononcée devant


appauvrissant la couche d'ozone, lorsqu'ils les différentes instances du Conseil contre
sont commis intentionnellement.» la base juridique retenue par ce dernier pour
imposer aux États membres l'obligation de
6 L'article 3 de la décision-cadre, intitulé prescrire des sanctions pénales contre les
«Infractions de négligence», dispose : auteurs d'infractions commises au détriment
«Chaque État membre prend les mesures de l'environnement. Elle estime, en effet,
nécessaires pour qualifier d'infractions que la base juridique correcte à cet égard est
pénales, en vertu de son droit interne, les l'article 175, paragraphe 1, CE et avait
infractions énumérées à l'article 2 d'ailleurs présenté, le 15 mars 2001, une
lorsqu'elles sont commises par négligence proposition de directive du Parlement
ou au moins par négligence grave.» européen et du Conseil relative à la
7 L'article 4 de la décision-cadre énonce que protection de l'environnement par le droit
chaque État membre prend les mesures pénal (JO C 180, p. 238, ci-après la
nécessaires pour que la participation ou «proposition de directive»), fondée sur ledit
l'incitation aux agissements visés à l'article article, laquelle énumérait à son annexe les
2 de cette décision soient punissables. actes de droit communautaire visés par les
activités constitutives des infractions
8 L'article 5, paragraphe 1, de la décision- énumérées à l'article 3 de cette proposition.
cadre prévoit que les sanctions pénales ainsi
édictées doivent être «effectives, 12 Le 9 avril 2002, le Parlement européen
proportionnées et dissuasives» et que, parmi s'est prononcé à la fois sur la proposition de
celles- ci, doivent figurer, «au moins dans directive, en première lecture, et sur le
les cas les plus graves, des peines privatives projet de décision-cadre.
de liberté pouvant donner lieu à 13 Il a partagé l'approche préconisée par la
extradition». Le paragraphe 2 du même Commission quant à l'étendue des
article ajoute que lesdites sanctions compétences communautaires, tout en
«peuvent être accompagnées d'autres invitant le Conseil à faire de la décision-
sanctions ou mesures». cadre un instrument complémentaire de la

7
directive à intervenir en matière de réunion du Conseil au cours de laquelle la
protection de l'environnement par le droit décision-cadre a été adoptée : «La
pénal pour les seuls aspects de la Commission est d'avis que la décision-cadre
coopération judiciaire et à s'abstenir ne constitue pas l'instrument juridique
d'adopter la décisioncadre avant l'adoption approprié pour imposer aux États membres
de la proposition de directive [voir textes de mettre en place des sanctions de nature
adoptés par le Parlement le 9 avril 2002 et pénale au niveau national en cas
portant les références A5-0099/2002 d'infractions au détriment de
(première lecture) et A5-0080/2002]. l'environnement.

14 Le Conseil n'a pas adopté la proposition La Commission, ainsi qu'elle l'a rappelé à
de directive, mais les cinquième et septième plusieurs reprises dans des instances du
considérants de la décision-cadre sont Conseil, considère en effet que, dans le
libellés comme suit : «(5) Le Conseil a jugé cadre des compétences qu'elle détient aux
opportun d'intégrer dans la présente fins de réaliser les objectifs énoncés à
décision-cadre plusieurs dispositions de l'article 2 du traité instituant la
fond figurant dans la proposition de Communauté européenne, la Communauté
directive, et notamment celles qui est compétente pour imposer que les États
définissent les comportements que les États membres prennent des sanctions, le cas
membres devraient qualifier d'infractions échéant pénales, au niveau national, lorsque
pénales en vertu de leur droit interne. […] cela s'avère nécessaire pour atteindre un
objectif communautaire. Tel est le cas en
(7) Le Conseil a examiné cette proposition, matière environnementale, objet du titre
mais est arrivé à la conclusion que la XIX du traité instituant la Communauté
majorité requise pour son adoption par le européenne. La Commission constate en
Conseil ne pouvait être atteinte. Ladite outre que sa proposition de directive
majorité considère que la proposition sort relative à la protection de l'environnement
des compétences attribuées à la par le droit pénal n'a pas fait l'objet d'un
Communauté par le traité instituant la examen approprié dans le cadre de la
Communauté européenne et qu'il serait procédure de codécision. Dès lors que le
possible d'atteindre les objectifs recherchés Conseil adopte la décision-cadre en dépit de
en adoptant une décision-cadre sur la base cette compétence communautaire, la
du titre VI du traité sur l'Union européenne. Commission se réserve en conséquence
Le Conseil a en outre estimé que la présente tous les droits que lui confère le traité».
décision-cadre, fondée sur l'article 34 du
traité sur l'Union européenne, constituait un Sur le recours
instrument approprié pour imposer aux
Etats membres l'obligation de prévoir des 16 Par ordonnance du président de la Cour
du 29 septembre 2003, le Royaume de
sanctions pénales. La proposition modifiée
présentée par la Commission n'était pas de Danemark, la République fédérale
nature à modifier la position du Conseil sur d'Allemagne, la République hellénique, le
Royaume d'Espagne, la République
cette question.»
française, l'Irlande, le Royaume des Pays-
15 La Commission a fait annexer la Bas, la République portugaise, la
déclaration suivante au procès-verbal de la République de Finlande, le Royaume de

8
Suède ainsi que le Royaume-Uni de 20 La Commission reconnaît qu'il n'y a pas
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, de précédent en la matière. Elle invoque
d'une part, et le Parlement, d'autre part, ont toutefois, à l'appui de sa thèse, la
été admis à intervenir au soutien des jurisprudence de la Cour relative au devoir
conclusions respectivement du Conseil et de loyauté ainsi qu'aux principes
de la Commission. d'effectivité et d'équivalence (voir,
notamment, arrêts du 2 février 1977,
17 Par ordonnance du 17 mars 2004, le Amsterdam Bulb, 50/76, Rec. p. 137, point
président de la Cour a rejeté la demande 33, et du 8 juillet 1999, Nunes et de Matos,
d'intervention au soutien des conclusions de C-186/98, Rec. p. I-4883, points 12 et 14,
la Commission présentée par le Comité ainsi que ordonnance du 13 juillet 1990,
économique et social européen. Zwartvelde.a., C-2/88 IMM, Rec. p. I-3365,
Argumentation des parties point 17).

18 La Commission conteste le choix par le 21 De même, plusieurs règlements adoptés


Conseil de l'article 34 UE, en liaison avec dans le domaine de la politique de la pêche
les articles 29 UE et 31, sous e), UE, comme ou des transports feraient obligation aux
base juridique des articles 1 er à 7 de la États membres d'agir par la voie pénale ou
décision-cadre. Elle estime que la finalité et apporteraient des limites aux types de
le contenu de celle-ci relèvent des sanctions que ces derniers peuvent instituer.
compétences communautaires dans le La Commission mentionne, en particulier,
domaine de l'environnement, telles deux actes communautaires qui prévoiraient
qu'énoncées aux articles 3, paragraphe 1, l'obligation pour les États membres
sous 1), CE et 174 CE à 176 CE. d'instaurer des sanctions de nature
nécessairement pénale, même si cette
19 Sans pour autant revendiquer pour le qualification n'a pas été expressément
législateur communautaire une compétence utilisée [voir article 14 de la directive
générale en matière pénale, la Commission 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991,
considère que ce dernier est compétent, au relative à la prévention de l'utilisation du
titre de l'article 175 CE, pour imposer aux système financier aux fins du blanchiment
États membres l'obligation de prévoir des de capitaux (JO L 166, p. 77), et articles 1er
sanctions pénales en cas d'infraction à la à 3 de la directive 2002/90/CE du Conseil,
réglementation communautaire en matière du 28 novembre 2002, définissant l'aide à
de protection de l'environnement, dès lors l'entrée, au transit et au séjour irréguliers
qu'il estime que c'est un moyen nécessaire (JO L 328, p. 17)].
pour garantir l'effectivité de cette
réglementation. L'harmonisation des 22 En outre, la Commission fait valoir que
législations pénales nationales, en la décision-cadre doit, en tout état de cause,
particulier des éléments constitutifs des être annulée partiellement au motif que ses
infractions commises au détriment de articles 5, paragraphe 2, 6 et 7 laissent aux
l'environnement et passibles de sanctions États membres la liberté de prévoir
pénales, serait conçue comme un outil au également des sanctions autres que pénales,
service de la politique communautaire en voire de choisir entre les sanctions pénales
question. et d'autres sanctions, ce qui relèverait

9
incontestablement de la compétence d'imposer ou non uniquement des sanctions
communautaire. pénales, considérations qui auraient dû
avoir leur place dans la procédure
23 Toutefois, la Commission ne soutient législative, sur le fondement des articles
pas que l'ensemble de la décision-cadre 175 CE et 251 CE.
aurait dû faire l'objet d'une directive. Elle ne
conteste pas, en particulier, que le titre VI 26 Le Conseil et les États membres qui sont
du traité sur l'Union européenne constitue la intervenus au présent litige autres que le
base juridique adéquate pour les Royaume des Pays-Bas font valoir que, en
dispositions de cette décision traitant de la l'état actuel du droit, la Communauté ne
compétence juridictionnelle, de dispose pas de la compétence pour obliger
l'extradition et des poursuites engagées à les États membres à sanctionner pénalement
l'encontre des auteurs d'infractions. les comportements visés par la décision-
Toutefois, étant donné que ces dispositions cadre.
ne sauraient avoir d'existence autonome,
elle serait tenue de demander l'annulation de 27 Non seulement il n'existerait, à cet égard,
la décision-cadre dans son ensemble. aucune attribution expresse de compétence,
mais, compte tenu de l'importance
24 Par ailleurs, la Commission soulève un considérable du droit pénal pour la
grief tiré du détournement de procédure. À souveraineté des États membres, il ne
cet égard, elle s'appuie sur les cinquième et saurait être admis que cette compétence ait
septième considérants de la décision-cadre, pu être implicitement transférée à la
lesquels font ressortir que le choix d'un Communauté à l'occasion de l'attribution de
instrument relevant du titre VI du traité compétences matérielles spécifiques, telles
résulterait de considérations d'opportunité, que celles exercées au titre de l'article 175
la proposition de directive n'ayant pas réuni CE.
la majorité requise pour son adoption en
28 Les articles 135 CE et 280 CE, qui
raison du refus d'une majorité d'États
membres de reconnaître à la Communauté réservent explicitement l'application du
droit pénal national et l'administration de la
la compétence nécessaire pour imposer aux
États membres de prévoir des sanctions justice aux États membres, confirmeraient
pénales en matière d'infractions commises cette interprétation.
au détriment de l'environnement. 29 Celle-ci serait encore confortée par le fait
25 Le Parlement fait sienne l'argumentation que le traité sur l'Union européenne
de la Commission. Il estime plus consacre un titre spécifique à la coopération
judiciaire en matière pénale [voir articles 29
particulièrement que le Conseil a opéré une
confusion entre la compétence pour adopter UE, 30 UE et 31, sous e), UE], qui
la proposition de directive, détenue par la conférerait expressément à l'Union
européenne une compétence en matière
Communauté, et une compétence, non
réclamée par cette dernière, pour l'adoption pénale, en particulier en ce qui concerne la
de la décision-cadre dans son ensemble. Les détermination des éléments constitutifs des
infractions et des sanctions applicables. La
éléments que le Conseil invoque à l'appui de
sa thèse seraient, en réalité, des position de la Commission serait dès lors
considérations d'opportunité quant au choix paradoxale puisqu'elle reviendrait, d'une

10
part, à considérer que les auteurs des traités convient de prévoir des «sanctions
sur l'Union européenne et CE ont entendu effectives, proportionnées et dissuasives»
conférer implicitement à la Communauté (voir, par exemple, article 3 de la directive
une compétence pénale et, d'autre part, à 2002/90), sans cependant remettre en cause
ignorer que les mêmes auteurs ont la liberté des États membres de choisir entre
expressément confié à l'Union européenne la voie administrative et la voie pénale.
une telle compétence. Lorsqu'il est arrivé au législateur
communautaire, au demeurant à de rares
30 Aucun des arrêts ou des textes de droit occasions, de préciser que les États
dérivé auxquels la Commission se réfère ne membres engageront des poursuites pénales
serait de nature à corroborer sa thèse. ou administratives, il se serait borné à
31 D'une part, la Cour n'aurait jamais expliciter le choix qui en tout état de cause
contraint les États membres à adopter des s'offrait à eux.
sanctions pénales. Selon sa jurisprudence, il 33 En outre, chaque fois que la Commission
appartiendrait, certes, à ces derniers de a proposé au Conseil l'adoption d'un acte
veiller à ce que les violations du droit communautaire ayant des incidences en
communautaire soient sanctionnées dans
matière pénale, cette dernière institution
des conditions de fond et de procédure aurait disjoint la partie pénale de cet acte
analogues à celles applicables aux pour renvoyer celle-ci à une décision-cadre
violations du droit national d'une nature et
[voir règlement (CE) n° 974/98 du Conseil,
d'une importance similaires, la sanction du 3 mai 1998, concernant l'introduction de
devant, par ailleurs, avoir un caractère l'euro (JO L 139, p. 1), qui a dû être
effectif, dissuasif et proportionné à complété par la décision-cadre
l'infraction ; 2000/383/JAI du Conseil, du 29 mai 2000,
en outre, les autorités nationales devraient visant à renforcer par des sanctions pénales
procéder, à l'égard des violations du droit et autres la protection contre le faux-
communautaire, avec la même diligence monnayage en vue de la mise en circulation
que celle dont elles usent dans la mise en de l'euro (JO L 140, p. 1); voir également
oeuvre des législations nationales directive 2002/90, complétée par la
correspondantes (voir, notamment, arrêt du décisioncadre 2002/946/JAI du Conseil, du
21 septembre 1989, Commission/Grèce, 28 novembre 2002, visant à renforcer le
68/88, Rec. p. 2965, points 24 et 25). cadre pénal pour la répression de l'aide à
Toutefois, la Cour n'aurait ni explicitement l'entrée, au transit et au séjour irréguliers
ni implicitement jugé que la Communauté a (JO L 328, p. 1)].
compétence pour harmoniser les règles 34 En l'occurrence, eu égard tant à sa
pénales applicables dans les Etats membres. finalité qu'à son contenu, la décision-cadre
Elle aurait, au contraire, considéré que le concernerait l'harmonisation du droit pénal.
choix des sanctions incombe à ces derniers. Le seul fait qu'elle tend à combattre les
32 D'autre part, la pratique législative serait infractions au détriment de l'environnement
conforme à cette conception. Les différents ne serait pas de nature à fonder la
actes de droit dérivé reprendraient la compétence de la Communauté. En réalité,
formule traditionnelle selon laquelle il cette décision compléterait le droit

11
communautaire en matière de protection de dispositions pénales dans les États
l'environnement. membres. Le fait que des normes adoptées
en vertu du traité CE peuvent être
35 En outre, quant au grief tiré du concernées ne serait pas déterminant.
détournement de pouvoir, le Conseil estime
qu'il repose sur une lecture erronée des Appréciation de la Cour
considérants de la décision-cadre.
38 En vertu de l'article 47 UE, aucune des
36 S'agissant du Royaume des Pays-Bas, dispositions du traité CE ne saurait être
tout en soutenant les conclusions du affectée par une disposition du traité sur
Conseil, il défend une position un peu plus l'Union européenne. Cette même exigence
nuancée que celle de ce dernier. Il estime figure également au premier alinéa de
que, dans l'exercice des compétences qui lui l'article 29 UE, qui introduit le titre VI de ce
sont conférées par le traité CE, la dernier traité.
Communauté peut obliger les États
39 II incombe à la Cour de veiller à ce que
membres à prévoir la possibilité de
sanctionner pénalement certains les actes dont le Conseil prétend qu'ils
agissements au niveau national, à condition relèvent dudit titre VI n'empiètent pas sur
les compétences que les dispositions du
que la sanction soit indissociablement liée
aux dispositions communautaires traité CE attribuent à la Communauté (voir
matérielles et qu'il puisse être effectivement arrêt du 12 mai 1998, Commission/Conseil,
C-170/96, Rec. p. 1-2763, point 16).
démontré qu'une telle politique répressive
est nécessaire à la réalisation des objectifs 40 Il convient donc de vérifier si les articles
dudit traité dans le domaine concerné (voir 1er à 7 de la décision-cadre n'affectent pas
arrêt du 27 octobre 1992, la compétence que détient la Communauté
Allemagne/Commission, C-240/90, Rec. p. en vertu de l'article 175 CE en ce qu'ils
I-5383). Tel pourrait être le cas si auraient pu, ainsi que le soutient la
l'application d'une règle d'harmonisation Commission, être adoptés sur le fondement
fondée, par exemple, sur l'article 175 CE de cette dernière disposition.
nécessitait des sanctions pénales.
41 À cet égard, il est constant que la
37 En revanche, s'il découle du contenu et protection de l'environnement constitue un
de la nature de la mesure envisagée qu'elle des objectifs essentiels de la Communauté
tend essentiellement à harmoniser, de (voir arrêts du 7 février 1985, ADBHU,
manière générale, des dispositions pénales 240/83, Rec. p. 531, point 13; du 20
et que le régime de sanctions n'est pas septembre 1988, Commission/Danemark,
indissociablement lié au domaine du droit 302/86, Rec. p. 4607, point 8, et du 2 avril
communautaire concerné, les articles 29 1998, Outokumpu, C-213/96, Rec. p. 1-
UE, 31, sous e), UE et 34, paragraphe 2, 1777, point 32). En ce sens, l'article 2 CE
sous b), UE constitueraient le fondement énonce que la Communauté a pour mission
juridique correct de cette mesure. Or, tel de promouvoir un «niveau élevé de
serait le cas en l'espèce. En effet, il protection et d'amélioration de la qualité de
ressortirait de la finalité et du contenu de la l'environnement» et, à cette fin, l'article 3,
décisioncadre que celle-ci tend, de façon paragraphe 1, sous 1), CE prévoit la mise en
générale, à assurer une harmonisation de

12
place d'une «politique dans le domaine de (arrêt du 30 janvier 2001, Espagne/Conseil,
l'environnement». C-36/98, Rec. p. 1-779, point 54).

42 En outre, aux termes de l'article 6 CE, 45 Par ailleurs il convient de rappeler que,
«[l]es exigences de la protection de selon une jurisprudence constante de la
l'environnement doivent être intégrées dans Cour, le choix de la base juridique d'un acte
la définition et la mise en oeuvre des communautaire doit se fonder sur des
politiques et actions de la Communauté», éléments objectifs susceptibles de contrôle
disposition qui souligne le caractère juridictionnel, parmi lesquels figurent,
transversal et fondamental de cet objectif. notamment, le but et le contenu de l'acte
(voir arrêts du 11 juin 1991,
43 Les articles 174 CE à 176 CE Commission/Conseil, dit «Dioxyde de
constituent, en principe, le cadre dans lequel titane», C-300/89, Rec. p. 1-2867, point 10,
la politique communautaire dans le et du 19 septembre 2002, Huber, C-336/00,
domaine de l'environnement doit être Rec. p. I-7699, point 30).
conduite. En particulier, l'article 174,
paragraphe 1, CE énumère les objectifs de 46 En ce qui concerne la finalité de la
l'action environnementale de la décision-cadre, il ressort tant de son intitulé
Communauté et l'article 175 CE définit les que de ses trois premiers considérants que
procédures à suivre en vue d'atteindre ces celle-ci poursuit un objectif de protection de
objectifs. La compétence de la l'environnement. Préoccupé «par
Communauté est, en général, exercée selon l'augmentation des infractions au détriment
la procédure prévue à l'article 251 CE, après de l'environnement et par leurs effets qui
consultation du Comité économique et s'étendent de plus en plus souvent au-delà
social et du Comité des régions. Toutefois, des frontières des États où ces infractions
en ce qui concerne certains domaines visés sont commises», le Conseil, après avoir
à l'article 175, paragraphe 2, CE, le Conseil constaté que celles-ci constituent «une
décide seul en statuant à l'unanimité, sur menace pour l'environnement» et «un
proposition de la Commission et après problème commun aux États membres», a
consultation du Parlement ainsi que des estimé qu'il est nécessaire d'y «apporter une
deux organes susmentionnés. réponse très ferme» et «de façon concertée
afin de protéger l'environnement sur le plan
44 Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, les pénal».
mesures visées aux trois tirets de l'article
175, paragraphe 2, premier alinéa, CE 47 Quant au contenu de la décision-cadre,
impliquent toutes une intervention des celle-ci dresse, à son article 2, une liste
institutions communautaires dans des d'agissements particulièrement graves au
domaines tels que la politique fiscale, la détriment de l'environnement que les États
politique de l'énergie ou la politique membres doivent sanctionner pénalement.
d'aménagement du territoire, dans lesquels, Il est vrai que les articles 2 à 7 de cette
en dehors de la politique communautaire de décision comportent une harmonisation
l'environnement, soit la Communauté ne partielle des législations pénales des États
dispose pas de compétence législative, soit membres, en particulier s'agissant des
l'unanimité au sein du Conseil est requise éléments constitutifs de différentes
infractions pénales commises au détriment

13
de l'environnement. Or, en principe, la 51 II résulte de ce qui précède que, en raison
législation pénale tout comme les règles de tant de leur finalité que de leur contenu, les
la procédure pénale ne relèvent pas de la articles 1er à 7 de la décision-cadre ont pour
compétence de la Communauté (voir, en ce objet principal la protection de
sens, arrêts du 11 novembre 1981, Casati, l'environnement et auraient pu valablement
203/80, Rec. p. 2595, point 27, et du 16 juin être adoptés sur le fondement de l'article
1998, Lemmens, C-226/97, Rec. p. I-3711, 175 CE.
point 19).
52 La circonstance que les articles 135 CE
48 Cette dernière constatation ne saurait et 280, paragraphe 4, CE réservent, dans les
cependant empêcher le législateur domaines respectivement de la coopération
communautaire, lorsque l'application de douanière et de la lutte contre les atteintes
sanctions pénales effectives, proportionnées aux intérêts financiers de la Communauté,
et dissuasives par les autorités nationales l'application du droit pénal national et
compétentes constitue une mesure l'administration de la justice aux États
indispensable pour lutter contre les atteintes membres n'est pas de nature à remettre en
graves à l'environnement, de prendre des cause cette conclusion. En effet, il ne saurait
mesures en relation avec le droit pénal des être déduit de ces dispositions que, dans le
États membres et qu'il estime nécessaires cadre de la mise en oeuvre de la politique de
pour garantir la pleine effectivité des l'environnement, toute harmonisation
normes qu'il édicté en matière de protection pénale, même aussi limitée que celle
de l'environnement. résultant de la décision-cadre, doit être
écartée quand bien même elle serait
49 II convient d'ajouter que, en l'occurrence, nécessaire pour garantir l'effectivité du droit
si les articles 1 er à 7 de la décision-cadre communautaire.
régissent l'incrimination de certains
comportements particulièrement graves au 53 Dans ces conditions, la décision-cadre,
détriment de l'environnement, ils laissent le en empiétant sur les compétences que
choix aux États membres des sanctions l'article 175 CE attribue à la Communauté,
pénales applicables, lesquelles doivent méconnaît dans son ensemble, en raison de
cependant, conformément à l'article 5, son indivisibilité, l'article 47 UE.
paragraphe 1, de la même décision, être
effectives, proportionnées et dissuasives. 54 II n'y a pas lieu, dès lors, d'examiner
l'argument de la Commission selon lequel la
50 Le Conseil ne conteste pas que, parmi les décision-cadre devrait, en tout état de cause,
agissements énumérés à l'article 2 de la être annulée partiellement dans la mesure
décisioncadre, figurent des infractions à de où ses articles 5, paragraphe 2, 6 et 7
nombreux actes communautaires, lesquels laissent aux États membres la liberté de
ont été recensés à l'annexe de la proposition prévoir également des sanctions autres que
de directive. Par ailleurs, il résulte des trois pénales, voire de choisir entre les sanctions
premiers considérants de cette décision que pénales et d'autres sanctions, ce qui
le Conseil a estimé que les sanctions pénales relèverait incontestablement de la
étaient indispensables pour lutter contre les compétence communautaire.
atteintes graves à l'environnement.

14
55 Compte tenu de tout ce qui précède, il y 3) Le Royaume de Danemark, la
a lieu d'annuler la décision-cadre. République fédérale d'Allemagne, la
République hellénique, le Royaume
[…] Par ces motifs, la Cour (grande d'Espagne, la République française,
chambre) déclare et arrête : l'Irlande, le Royaume des Pays-Bas, la
1) La décision-cadre 2003/80/JAI du République portugaise, la République de
Conseil, du 27 janvier 2003, relative à la Finlande, le Royaume de Suède et le
protection de l'environnement par le droit Royaume-Uni de GrandeBretagne et
pénal, est annulée. d'Irlande du Nord ainsi que le Parlement
européen supportent leurs propres dépens.
2) Le Conseil de l'Union européenne est
condamné aux dépens.

Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 janvier 2011, 10-90.116

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue


au Palais de Justice à PARIS, le onze janvier deux mille onze, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la


société civile professionnelle POTIER de la VARDE et BUK-LAMENT, avocat en la Cour, et
les conclusions de Mme l'avocat général référendaire ZIENTARA-LOGEAY, l'avocat du
demandeur ayant eu la parole en dernier ;

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un arrêt de la cour


d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 2010, dans la procédure
suivie du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants contre :

- M. Pierre-Michel X...,

reçu le 15 octobre 2010 à la Cour de cassation ;

Vu les observations produites ;

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

"Les articles 222-37 et 222-41 du code pénal ainsi que l'article L. 5132-7 du code de la santé
publique en ne définissant pas la notion de stupéfiant sont-ils conformes à l'article 34 de la
Constitution qui exige que la loi détermine les crimes et les peines qui leur sont applicables ?"
;

Attendu que les dispositions contestées n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution
dans une décision du Conseil constitutionnel ;

15
Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle
dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas
nouvelle ;

Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les textes
susvisés ne méconnaissent pas le principe de la légalité des délits et des peines en renvoyant à
une définition des stupéfiants donnée par voie réglementaire en conformité avec la
Convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 à laquelle la France a adhéré avec
l'autorisation du législateur ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

Par ces motifs :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de


constitutionnalité

SEANCE 2. LA LEGALITE CRIMINELLE ET LES CONTROLES HIERARCHIQUES

Travail à effectuer :

1. Lire l’ensemble des arrêts et établir une fiche pour chacun d’eux.

2. Commenter l’arrêt suivant : Cour de cassation, Assemblée plénière, 29 juin 2001, n°99-
85973.

3. Effectuer le cas pratique.

Liste des documents :

CEDH 5ème sect., 11 oct. 2012, C.N. et V. c. France

Article 3 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation


dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des
engagements internationaux de la France

CEDH, 5ème sect., 6 octobre 2011, SOROS c. FRANCE

Cour de cassation, Assemblée plénière, 29 juin 2001, n°99-85973

Conseil Constitutionnel, 4 mai 2012, décision n°2012-240 QPC

Cass. crim., 16 avr. 2013, n° 13-90.008, QPC, F-D :

Cass. crim., 11 janv. 2011, n° 10-90.116 QPC


16
Cass.crim., 20 février 2001, n°98-84846

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 juin 2012, n°12-90016

Cass. QPC, 29 juin 2010, n° 12133

L’affaire Jérémy F
Cass. crim., 19 février 2013, 13-80.491, Inédit 10
Cons. const., déc. 4 avr. 2013, n° 2013-314P QPC 11
CJUE, (2ème Ch.), 30 mai 2013, C-168/13 PPU, Jeremy F. 11
Cons. const., déc. 14 juin 2013, n° 2013-314 QPC

Cass. crim., 13 avril 2010, n° 09-84.583

Cass. crim., 12 janvier 2000, n° 99-80.534

Cass. crim., 17 décembre 2014, n° 13-87.631

CEDH 5ème sect., 11 oct. 2012, C.N. et V. c. France

(…) affaire présente plus de similitudes avec


2. Sur l’existence d’une « servitude » au l’affaire Siliadin qu’avec l’affaire Rantsev.
sens de l’article 4 § 1 de la Convention (…) 89. La Cour rappelle ensuite que la
c) Appréciation de la Cour servitude prohibe une « forme de négation
88. La Cour constate d’emblée que les de la liberté, particulièrement grave » (voir
requérantes allèguent avoir été victimes le rapport de la Commission dans l’affaire
d’agissements relevant de la traite des êtres Van Droogenbroeck c. Belgique, 9 juillet
humains, se référant à cet égard à la 1980, § 80, série B no 44). Elle s’analyse en
Convention du Conseil de l’Europe sur la effet en une « obligation de prêter ses
lutte contre la traite des êtres humains. services sous l’empire de la contrainte »
Certes, la Cour a pu affirmer, dans l’affaire (Siliadin, précité, § 124). A ce titre, elle est
Rantsev. « à mettre en lien avec la notion d’esclavage
qui la précède » aux termes de l’article 4 §
c. Chypre et Russie, que la traite des êtres 1 de la Convention (ibid.).
humains relève en soi de la portée de 90. Ayant égard à la Convention
l’article 4 de la Convention dans la mesure supplémentaire relative à l’abolition de
où il s’agit sans aucun doute d’un l’esclavage, de la traite des esclaves et des
phénomène contraire à l’esprit et au but de institutions ou pratiques analogues à
cette disposition (précité, § 279). Toutefois, l’esclavage du 30 avril 1956, la
elle considère que les faits de l’espèce Commission a estimé que la notion de
concernent avant tout des agissements qui servitude englobe « en plus de l’obligation
relèvent du « travail forcé » et de la « de fournir à autrui certains services (...)
servitude », concepts juridiques l’obligation pour le « serf » de vivre sur la
spécifiquement prévus dans la Convention. propriété d’autrui et l’impossibilité de
En effet, la Cour estime que la présente changer sa condition » (rapport de la

17
Commission dans l’affaire Van estime donc que la première requérante a
Droogenbroeck, précité, § 79). bien été maintenue en état de servitude par
91. Au vu de ces critères, la Cour observe les époux M.
que la servitude constitue une qualification 93. La Cour n’a pas la même appréciation
spéciale du travail forcé ou obligatoire ou, concernant la seconde requérante.
en d’autres termes, un travail forcé ou Contrairement à sa soeur aînée, elle était
obligatoire « aggravé ». En l’occurrence, scolarisée et avait ainsi la possibilité
l’élément fondamental qui distingue la d’évoluer dans une autre sphère que celle du
servitude du travail forcé ou obligatoire, au domicile des époux M. Elle a pu acquérir les
sens de l’article 4 de la Convention, consiste bases de la langue française, comme en
dans le sentiment des victimes que leur témoignent ses bons résultats scolaires. Elle
condition est immuable et que la situation était aussi moins isolée que sa soeur. C’est
n’est pas susceptible d’évoluer. A cet égard, ainsi qu’elle a pu signaler sa situation à
il suffit que ce sentiment repose sur des l’infirmière du collège. Enfin, elle disposait
éléments objectifs suscités ou entretenus de temps pour faire ses devoirs lorsqu’elle
par les auteurs des agissements. rentrait de l’école (voir paragraphe 14 ci-
92. En l’espèce, la première requérante dessus). La Cour estime donc que la
avait la conviction que sa situation seconde requérante n’était pas tenue en
administrative sur le territoire français était servitude par les époux M.
dépendante de son hébergement par les 94. En conclusion, la Cour considère que la
époux M. et qu’elle ne pouvait pas situation de la première requérante relevait
s’émanciper de leur tutelle sans risquer de de l’article 4
se trouver en situation irrégulière. Ce
sentiment était renforcé lors d’événements §§ 1 et 2 de la Convention au titre,
tels que son hospitalisation sous le nom respectivement, de la servitude et du travail
d’une de ses cousines (voir paragraphe 19 forcé. Quant à la seconde requérante, la
ci-dessus). En outre, la requérante n’était Cour ayant déterminé que sa situation ne
pas scolarisée (son refus de l’être alors relevait pas de l’article 4 §§ 1 et 2, l’Etat ne
qu’elle était encore mineure ne saurait être saurait être tenu responsable d’aucune
pris en considération par la Cour) et ne violation de la disposition précitée à son
bénéficiait d’aucune formation égard.
professionnelle lui permettant d’espérer 95. Il importe désormais d’examiner la
travailler un jour contre une rémunération et question de savoir si l’Etat a rempli ses
en dehors du domicile des époux M. obligations positives découlant de cette
N’ayant aucun jour de repos, ni aucun loisir, disposition.
elle n’avait pas la possibilité de nouer des
contacts à l’extérieur lui permettant de
demander de l’aide. Ainsi, la Cour 3. Sur les obligations positives incombant à
considère que la première requérante avait l’Etat défendeur au titre de l’article 4 de la
le sentiment que sa condition, à savoir le fait Convention (…)
d’effectuer un travail forcé ou obligatoire au c) Appréciation de la Cour
domicile des époux M., ne pouvait pas 104. La Cour rappelle qu’il découle de
évoluer et que cette condition était l’article 4 de la Convention des obligations
immuable, d’autant plus qu’elle a duré positives pour les Etats (Siliadin, précité, §
quatre années (voir, mutatis mutandis, 89). La Cour distinguera, en l’espèce, entre
Siliadin, précité, l’obligation positive de criminaliser et de
réprimer effectivement les agissements
§§ 126-129). Cette situation a commencé visés par l’article 4 (ibid., § 112) et
quand elle était mineure et s’est poursuivie l’obligation procédurale d’enquêter sur les
quand elle est devenue majeure. La Cour situations d’exploitation potentielle dès lors

18
que les faits ont été portés à la connaissance « droit et pratique internes pertinents ») ne
des autorités (mutatis mutandis, Rantsev, sauraient donc infirmer le constat de la Cour
précité, § 288). à cet égard. En outre, de même que dans
i. L’obligation positive de criminaliser et de l’affaire Siliadin, l’absence de pourvoi du
réprimer effectivement tout acte visé à procureur général à l’encontre de l’arrêt
l’article 4 d’appel ayant abouti à la relaxe des époux
105. Pour s’acquitter de cette obligation, les M. du chef du délit visé à l’article 225-14
Etats doivent mettre en place un cadre du code pénal a eu pour conséquence que la
législatif et administratif interdisant et Cour de cassation n’a été saisie, dans les
réprimant le travail forcé ou obligatoire, la circonstances de l’espèce, que du volet civil
servitude et l’esclavage (Siliadin, précité, de l’affaire.
§§ 89 et 112 ; mutatis mutandis Rantsev, 108. La Cour ne voit pas de raison en
précité, § 285). Ainsi, pour déterminer s’il y l’espèce de s’écarter de la conclusion à
a eu violation de l’article 4, il faut prendre laquelle elle est parvenue dans l’arrêt
en compte le cadre juridique et Siliadin. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de
réglementaire en vigueur (Rantsev, précité, l’article 4 de la Convention à l’égard de la
§ 284). première requérante au titre de l’obligation
106. La Cour rappelle que, dans l’arrêt positive de l’Etat de mettre en place un
Siliadin, elle a considéré que les articles cadre législatif et administratif permettant
225-13 et 225-14 du code pénal alors en de lutter efficacement contre la servitude et
vigueur n’avaient pas assuré à la requérante, le travail forcé.
qui était mineure, une protection concrète et ii. L’obligation procédurale d’enquêter sur
effective contre les actes dont elle avait été les situations d’exploitation potentielle
victime (Siliadin, précité, § 148). Pour 109. Pour être effective, l’enquête doit être
parvenir à cette conclusion, la Cour avait indépendante des personnes impliquées
relevé que ces dispositions étaient dans les faits. Elle doit permettre
susceptibles d’interprétations variant d’identifier et de sanctionner les
largement d’un tribunal à l’autre (ibid., § responsables. Il s’agit là, cependant, d’une
147). Elle avait également fait observer que obligation de moyens et non de résultat
le procureur général ne s’était pas pourvu en (Rantsev, précité, § 288). Une exigence de
cassation contre l’arrêt de la cour d’appel célérité et de diligence raisonnable est
ayant relaxé les auteurs des actes litigieux et implicite dans tous les cas, mais lorsqu’il est
que, dès lors, la Cour de cassation n’avait possible de soustraire l’individu à une
été saisie que du volet civil de l’affaire situation dommageable, l’enquête doit être
(ibid., § 146). Insistant sur le fait que le menée d’urgence (ibid.).
niveau d’exigence croissant en matière de 110. La Cour relève qu’une enquête a bien
protection des droits de l’homme impliquait eu lieu en 1995 et qu’elle a été diligentée par
une plus grande fermeté dans l’appréciation la brigade des mineurs. Au terme de cette
des atteintes aux valeurs fondamentales, la enquête, le procureur de la République a
Cour avait conclu, dans l’arrêt Siliadin, à la estimé qu’il n’existait pas d’éléments
violation des obligations positives qui permettant de caractériser une infraction ; la
incombaient à l’Etat français en vertu de Cour ne saurait remettre en cause son
l’article 4 de la Convention. appréciation des faits en l’absence
107. En l’espèce, la Cour constate que l’état d’élément permettant de conclure à une
du droit dans la présente affaire est le même diligence insuffisante de sa part. En outre,
que celui qui prévalait dans l’affaire la Cour souligne que les requérantes ont
Siliadin. Les modifications législatives qui admis, devant le juge d’instruction, que leur
sont intervenues en 2003 (voir situation au domicile des époux M. ne
s’était pas encore aggravée à cette époque
au point qu’elle était devenue insupportable

19
(voir paragraphe 32 ci-dessus). La seconde 111. La Cour estime donc qu’il n’y a pas eu
requérante a également reconnu qu’elle violation de l’article 4 de la Convention à
n’avait pas pleinement exposé sa situation l’égard de la première requérante au titre de
aux policiers en 1995 (voir paragraphe 25 l’obligation procédurale de l’Etat de mener
ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour une enquête effective sur les cas de
ne voit aucune preuve de la mauvaise servitude et de travail forcé.
volonté des autorités de poursuivre et
d’identifier les responsables, d’autant plus (…)
qu’en 1999, une nouvelle enquête a eu lieu
et a abouti à la procédure pénale dont la
Cour est saisie.

Article 3 de la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation


dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des
engagements internationaux de la France

I. ― La section 1 du chapitre IV du titre II du livre II du code pénal devient la section 1 bis.


II. ― La section 1 du même chapitre IV est ainsi rétablie :

« Section 1
« De la réduction en esclavage et de l'exploitation de personnes réduites en esclavage
« Art. 224-1 A.-La réduction en esclavage est le fait d'exercer à l'encontre d'une personne l'un
des attributs du droit de propriété.
« La réduction en esclavage d'une personne est punie de vingt années de réclusion criminelle.
« Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à
l'infraction prévue au présent article.
« Art. 224-1 B.-L'exploitation d'une personne réduite en esclavage est le fait de commettre à
l'encontre d'une personne dont la réduction en esclavage est apparente ou connue de l'auteur
une agression sexuelle, de la séquestrer ou de la soumettre à du travail forcé ou du service forcé.
« L'exploitation d'une personne réduite en esclavage est punie de vingt années de réclusion
criminelle.
« Les deux premiers alinéas de l'article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à
l'infraction prévue au présent article.

(…)

CEDH, 5ème sect., 6 octobre 2011, SOROS c. FRANCE

(…) § 42, CEDH 2006-IV) et K.-H.W. c.


a) Principes généraux Allemagne ([GC], no 37201/97, §§ 44 et 45,
1. La Cour renvoie principalement aux CEDH 2001-II).
affaires C.R. c. Royaume-Uni (22 novembre 2. Elle a déjà constaté qu’en raison même
1995, §§ 35 à 44, série A no 335-C), S.W. c. du principe de généralité des lois, le libellé
Royaume-Uni, (22 novembre 1995, §§ 37 à de celles-ci ne peut présenter une précision
47, série A no 335-B), Cantoni c. France absolue. L’une des techniques types de
(15 novembre 1996, §§ 29 à 32, Recueil des réglementation consiste à recourir à des
arrêts et décisions 1996-V), Achour c. catégories générales plutôt qu’à des listes
France ([GC], no 67335/01, exhaustives. Aussi de nombreuses lois se
servent-elles par la force des choses de

20
formules plus ou moins floues, afin d’éviter prévisible. Elle observe que comme
une rigidité excessive et de pouvoir beaucoup de définitions légales, celle du
s’adapter aux changements de situation. terme « initié » contenue dans l’ordonnance
L’interprétation et l’application de pareils du 28 septembre 1967 est assez générale et
textes dépendent de la pratique (voir, parmi qu’en l’espèce les parties sont en désaccord
d’autres, Kokkinakis c. Grèce, 25 mai 1993, sur la portée de l’expression
§ 40, série A no 260-A).
3. L’utilisation de la technique législative « à l’occasion de l’exercice de leur
des catégories laisse souvent des zones profession ou de leurs fonctions » contenue
d’ombre aux frontières de la définition. A dans cette ordonnance.
eux seuls, ces doutes à propos de cas limites 6. La Cour observe qu’en l’espèce, le
ne suffisent pas à rendre une disposition requérant a soulevé le grief tiré de
incompatible avec l’article 7, pour autant l’insuffisante prévisibilité de la loi
que celle-ci se révèle suffisamment claire réprimant le délit d’initié devant toutes les
dans la grande majorité des cas. La fonction juridictions appelées à le juger. Or, chacune
de décision confiée aux juridictions sert d’entre elles a estimé que la loi applicable
précisément à dissiper les doutes qui était suffisamment précise pour lui
pourraient subsister quant à l’interprétation permettre de savoir qu’il ne devait pas
des normes, en tenant compte des investir dans des titres de la banque S. après
évolutions de la pratique quotidienne (voir, avoir été contacté par P.
mutatis mutandis, Cantoni, précité, § 32). 7. La Cour prend acte des jurisprudences
4. La Cour rappelle enfin que la portée de la citées par le Gouvernement et antérieures à
notion de prévisibilité dépend dans une la commission des faits. Celles-ci
large mesure du contenu du texte dont il concernent notamment un journaliste
s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du financier, professionnellement chargé de
nombre et de la qualité de ses destinataires suivre la marche technique, commerciale et
(voir, mutatis mutandis, Groppera Radio financière de plusieurs entreprises et d’en
AG et autres c. Suisse, 28 mars 1990, § 68, rencontrer les dirigeants qui fut condamné
série A no 173). La prévisibilité' de la loi ne pour avoir utilisé plusieurs informations
s’oppose pas à ce que la personne concernée privilégiées acquises au cours d’entretiens
soit amenée à recourir à des conseils avec ces dirigeants (tribunal correctionnel
éclairés pour évaluer, à un degré de Paris, 12 mai 1976). Il s’agit également
raisonnable dans les circonstances de la d’un attaché de direction, d’un conseiller
cause, les conséquences pouvant résulter technique et du directeur d’une société
d’un acte déterminé (voir, parmi d’autres, d’architecture qui, à l’occasion de leurs
TolstoyMiloslavsky c. Royaume-Uni, 13 fonctions, ont eu connaissance du
juillet 1995, § 37, série A no 316-B). Il en rapprochement de deux sociétés et exploité
va spécialement ainsi des professionnels, cette information (tribunal correctionnel de
habitués à devoir faire preuve d’une grande Paris, 15 octobre 1976) ou d’un
prudence dans l’exercice de leur métier. administrateur de plusieurs sociétés qui
Aussi peut-on attendre d’eux qu’ils mettent avait appris, au cours d’une séance du
un soin particulier à évaluer les risques qu’il conseil d’administration de l’une d’entre
comporte. elles, que le montant des bénéfices
permettait d’envisager une hausse du cours
b) Application au cas d’espèce de l’action et qui a fait fructifier cette
5. La Cour est appelée à rechercher si, en information avant qu’elle ne soit rendue
l’espèce, le texte de la disposition légale publique (tribunal correctionnel de Paris, 19
litigieuse, lu à la lumière de la jurisprudence octobre 1976).
interprétative dont il s’accompagne, 8. Elle observe avec le requérant que ces
pouvait, à l’époque des faits, passer pour affaires ne concernent pas des situations

21
analogues à la sienne puisque les personnes des affaires soumises aux juridictions
auxquelles elles se rapportent avaient toutes internes.
un lien professionnel avec la société 10. Surtout, et quel que soit le niveau de
convoitée. Toutefois, de l’avis de la Cour, développement de la jurisprudence interne à
ces jurisprudences, même si elles émanent l’époque des faits, la Cour note que le
de juridictions de première instance, ont requérant était un « investisseur
trait à des situations suffisamment proches institutionnel », familier du monde des
de celle du requérant pour lui permettre de affaires et habitué à être contacté pour
savoir, ou à tout le moins de se douter, que participer à des projets financiers de grande
son comportement était répréhensible. En envergure. Compte tenu de son statut et de
effet, s’il était interdit aux professionnels son expérience, il ne pouvait ignorer que sa
qui, de par l’exercice de leurs fonctions, décision d’investir dans les titres de la
avaient connaissance d’une information banque S. pouvait le faire tomber sous le
privilégiée, d’intervenir sur le marché coup du délit d’initié prévu par l’article 10-
boursier, une interprétation raisonnable de 1 précité. Ainsi, sachant qu’il n’existait
cette jurisprudence permettait de penser que aucun précédent comparable, il aurait dû
le requérant pouvait être concerné par cette faire preuve d’une prudence accrue
interdiction, qu’il soit ou non lié lorsqu’il a décidé d’investir sur les titres de
contractuellement à la banque S. la banque S.
9. Au demeurant, s’il est avéré que le 11. Enfin, la Cour n’est pas convaincue par
requérant a été le premier justiciable à être l’argument du requérant selon lequel son
poursuivi en France pour délit d’initié, sans comportement serait à l’origine d’une
être lié ni professionnellement ni modification de la législation applicable. En
contractuellement à la société dont il a effet, aucune pièce du dossier ne permet
acquis les titres, la Cour estime qu’on ne d’établir avec certitude l’existence d’un lien
saurait pour autant reprocher en l’espèce un de causalité entre sa situation personnelle et
manquement de l’Etat pour ce qui est de la l’élaboration d’un rapport sur la
prévisibilité de la loi car faute de situation déontologie boursière à la demande du
strictement identique soumise ministre des Finances de l’époque ainsi que
précédemment aux juges, les juridictions les modifications de la loi qui s’ensuivirent.
nationales n’avaient pas jusqu’alors été 12. Compte tenu de ce qui précède, la Cour
mises en mesure de préciser la considère que la loi applicable à l’époque
jurisprudence sur ce point. En tout état de des faits était suffisamment prévisible pour
cause, même si aucune affaire n’avait été permettre au requérant de se douter que sa
examinée en appel ou en cassation, des responsabilité pénale était susceptible d’être
juridictions de première instance s’étaient engagée du fait des opérations financières
prononcées sur des situations connexes réalisées auprès de la banque S.
(voir paragraphe 56 ci-dessus). La Cour 13. Partant, il n’y a pas eu violation de
observe que depuis les faits de la présente l’article 7 de la Convention.
espèce, cette jurisprudence s’est
progressivement développée en fonction

Cour de cassation, Assemblée plénière, 29 juin 2001, n° 99-85973

REPUBLIQUE FRANCAISE Sur les deux moyens réunis du procureur


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS général près la cour d’appel de Metz et de
Mme X... :
Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule
conduit par M. Z... a heurté celui conduit

22
par Mme X..., enceinte de six mois, qui a été
blessée et a perdu des suites du choc le MOYEN DE CASSATION :
foetus qu’elle portait ; que l’arrêt attaqué Pris en violation de l’article 221-6 du Code
(Metz, 3 septembre 1998) a notamment pénal, en ce que l’arrêt attaqué a infirmé le
condamné M. Z... du chef de blessures jugement déféré et renvoyé le prévenu des
involontaires sur la personne de Mme X..., fins de la poursuite du chef d’homicide
avec circonstance aggravante de conduite volontaire au motif “ qu’il ne peut y avoir
sous l’empire d’un état alcoolique, mais l’a d’homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le
relaxé du chef d’atteinte involontaire à la coeur battait à la naissance et qui a respiré
vie de l’enfant à naître ; “, alors que l’article 221-6 du Code pénal
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué réprimant le fait de causer la mort d’autrui,
d’avoir ainsi statué, alors que, d’une part, n’exclut pas de son champ d’application
l’article 221-6 du Code pénal réprimant le l’enfant à naître et viable, qu’en limitant la
fait de causer la mort d’autrui n’exclut pas portée de ce texte à l’enfant dont le coeur
de son champ d’application l’enfant à naître battait à la naissance et qui a respiré, la cour
et viable, qu’en limitant la portée de ce texte d’appel a ajouté une condition non prévue
à l’enfant dont le coeur battait à la naissance par la loi.
et qui a respiré, la cour d’appel a ajouté une
condition non prévue par la loi, et alors que, Moyen produit par la SCP Bachellier et
d’autre part, le fait de provoquer Potier de la Varde, avocat aux Conseils,
involontairement la mort d’un enfant à pour Mme X....
naître constitue le délit d’homicide
involontaire dès lors que celui-ci était viable MOYEN UNIQUE DE CASSATION :
au moment des faits quand bien même il
n’aurait pas respiré lorsqu’il a été séparé de Violation des articles 111-3, 111-4 et 221-6
la mère, de sorte qu’auraient été violés les du Code pénal, 593 du Code de procédure
articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénale,
pénal et 593 du Code de procédure pénale ; défaut et contradiction de motifs, manque
de base légale ;
Mais attendu que le principe de la légalité
des délits et des peines, qui impose une EN CE QUE l’arrêt attaqué a renvoyé M.
interprétation stricte de la loi pénale, Z... des fins de la poursuite du chef
s’oppose à ce que l’incrimination prévue d’homicide involontaire
par l’article 221-6 du Code pénal, réprimant ;
l’homicide involontaire d’autrui, soit AUX MOTIFS QUE suivant le rapport du
étendue au cas de l’enfant à naître dont le docteur Hennequin, l’enfant a subi
régime juridique relève de textes d’importantes lésions cérébrales
particuliers sur l’embryon ou le foetus ; incompatibles avec la vie chez un enfant
prématuré ; qu’il y a une relation causale
D’où il suit que l’arrêt attaqué a fait une entre l’accident dont a été victime la mère et
exacte application des textes visés par le la mort de l’enfant dans les jours suivants ;
moyen ; que l’enfant est né prématurément viable
mais n’a pas respiré du fait de l’absence
PAR CES MOTIFS : d’air dans les poumons et l’estomac ; qu’il
REJETTE le pourvoi. n’a pas vécu du fait des lésions cérébrales ;
que sa mort est la conséquence de l’accident
MOYENS ANNEXES ; que cependant l’enfant mort-né n’est pas
protégé pénalement au titre des infractions
Moyen produit par le procureur général près concernant les personnes ; qu’en effet pour
la cour d’appel de Metz. qu’il y ait “ personne “, il faut qu’il y ait un

23
être vivant, c’est-à-dire venu au monde et ALORS QUE le fait de provoquer
non encore décédé ; qu’il ne peut y avoir involontairement la mort d’un enfant à
homicide qu’à l’égard d’un enfant dont le naître constitue le délit d’homicide
coeur battait à la naissance et qui a respiré ; involontaire dès lors que celui-ci était viable
que la loi pénale est d’interprétation stricte au moment des faits quand bien même il
; que le fait poursuivi du chef d’homicide n’aurait pas respiré lorsqu’il a été séparé de
involontaire ne constitue en fait aucune sa mère ; qu’en jugeant le contraire, la cour
infraction d’appel a méconnu les textes et le principe
à la loi pénale ; ci-dessus mentionnés.

Conseil Constitutionnel, 4 mai 2012, décision n°2012-240 QPC

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 Vu les observations produites pour le


février 2012 par la Cour de cassation requérant par la SCP Waquet-Farge-Hazan,
(chambre criminelle, arrêt n° 1365 du 29 Avocat au Conseil d’État et à la Cour de
février 2012), dans les conditions prévues à cassation, enregistrées le 23 mars et le 6
l’article 61-1 de la avril 2012 ;
Constitution, d’une question prioritaire de Vu les observations produites par le Premier
constitutionnalité posée par M. Gérard D., ministre, enregistrées le 23 mars 2012 ;
relative à la conformité aux droits et libertés Vu les pièces produites et jointes au dossier
que la Constitution garantit de l’article 222- ;
33 du code pénal. Me Claire Waquet, Me André Soulier, Me
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL, NadjetteGuenatef et M. Xavier Potier, ayant
Vu la Constitution ; été entendus à l’audience publique du 17
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre avril 2012 ;
1958 modifiée portant loi organique sur le Le rapporteur ayant été entendu ;
Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ; 1. Considérant qu’aux termes de l’article
Vu la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 222-33 du code pénal « Le fait de harceler
portant réforme des dispositions du code autrui dans le but d’obtenir des faveurs de
pénal relatives à la répression des crimes et nature sexuelle est puni d’un an
délits contre les personnes ; d’emprisonnement et de 15 000 euros
Vu la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative d’amende » ;
à la prévention et à la répression des
infractions sexuelles ainsi qu’à la protection 2. Considérant que, selon le requérant, en
des mineurs ; punissant « le fait de harceler autrui dans le
Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle
modernisation sociale ; » sans définir précisément les éléments
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la constitutifs de ce délit, la disposition
procédure suivie devant le Conseil contestée méconnaît le principe de légalité
constitutionnel pour les questions des délits et des peines ainsi que les
prioritaires de constitutionnalité ; principes de clarté et de précision de la loi,
Vu les observations en intervention de prévisibilité juridique et de sécurité
produites pour l’Association européenne juridique ;
contre les violences faites aux femmes au
travail par Me NadjetteGuenatef, avocate au 3. Considérant que le législateur tient de
barreau de Créteil, enregistrées le 19 mars l’article 34 de la Constitution, ainsi que du
et le 12 avril 2012 ; principe de légalité des délits et des peines

24
qui résulte de l’article 8 de la Déclaration lesquelles les effets que la disposition a
des droits de l’homme et du citoyen de produits sont susceptibles d’être remis en
1789, l’obligation de fixer lui-même le cause » ; que, si, en principe, la déclaration
champ d’application de la loi pénale et de d’inconstitutionnalité doit bénéficier à
définir les crimes et délits en termes l’auteur de la question prioritaire de
suffisamment clairs et précis ; constitutionnalité et la disposition déclarée
contraire à la Constitution ne peut être
4. Considérant que, dans sa rédaction appliquée dans les instances en cours à la
résultant de la loi du 22 juillet 1992 date de la publication de la décision du
susvisée, le harcèlement sexuel, prévu et Conseil constitutionnel, les dispositions de
réprimé par l’article 222-33 du nouveau l’article 62 de la Constitution réservent à ce
code pénal, était défini comme « Le fait de dernier le pouvoir tant de fixer la date de
harceler autrui en usant d’ordres, de l’abrogation et reporter dans le temps ses
menaces ou de contraintes, dans le but effets que de prévoir la remise en cause des
d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par effets que la disposition a produits avant
une personne abusant de l’autorité que lui l’intervention de cette déclaration ;
confèrent ses fonctions » ; que l’article 11
de la loi du 17 juin 1998 susvisée a donné 7. Considérant que l’abrogation de l’article
une nouvelle définition de ce délit en 222-33 du code pénal prend effet à compter
substituant aux mots « en usant d’ordres, de de la publication de la présente décision ;
menaces ou de contraintes », les mots : « en qu’elle est applicable à toutes les affaires
donnant des ordres, proférant des menaces, non jugées définitivement à cette date,
imposant des contraintes ou exerçant des
pressions graves » ; que l’article 179 de la DÉCIDE:
loi du 17 janvier 2002 susvisée a de Article 1er.- L’article 222-33 du code pénal
nouveau modifié la définition du délit de est contraire à la Constitution.
harcèlement sexuel en conférant à l’article Article 2.- La déclaration
222-33 du code pénal la rédaction contestée d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend
; effet à compter de la publication de la
présente décision dans les conditions fixées
5. Considérant qu’il résulte de ce qui au considérant 7.
précède que l’article 222-33 du code pénal Article 3.- La présente décision sera publiée
permet que le délit de harcèlement sexuel au Journal officiel de la République
soit punissable sans que les éléments française et notifiée dans les conditions
constitutifs de l’infraction soient prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du
suffisamment définis ; qu’ainsi, ces 7 novembre 1958 susvisée.
dispositions méconnaissent le principe de Délibéré par le Conseil constitutionnel dans
légalité des délits et des peines et doivent sa séance du 3 mai 2012, où siégeaient : M.
être déclarées contraires à la Constitution ; Jean-Louis
DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT,
6. Considérant qu’aux termes du deuxième Mme Claire BAZY MALAURIE, MM.
alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Guy CANIVET, Michel
Une disposition déclarée inconstitutionnelle CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT
sur le fondement de l’article 61-1 est MARC, Mme Jacqueline de
abrogée à compter de la publication de la GUILLENCHMIDT, MM. Hubert
décision du Conseil constitutionnel ou HAENEL et Pierre STEINMETZ.
d’une date ultérieure fixée par cette
décision. Le Conseil constitutionnel
détermine les conditions et limites dans

25
Cass. crim., 16 avr. 2013, n° 13-90.008, QPC, F-D :

(...) • Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :


"L'article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 est-il conforme à la Constitution ?", "en ce que
les notions de discrimination et de haine prévues par l'article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet
1881 ne répondent pas aux exigences de précision résultant du principe de légalité des délits et
des peines de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et qu'il est porté
par cette incrimination une atteinte excessive au principe de la liberté d'expression prévu à son
article 11 ?" ;

• Attendu que la disposition contestée est applicable à la procédure, et n'a pas déjà été déclarée
conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil
constitutionnel ;

• Mais attendu que la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition
constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire
application, n'est pas nouvelle ;

• Et attendu que cette question ne présente pas à l'évidence un caractère sérieux dès lors que,
d'une part, les termes de l'article 24, alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881, qui laissent au juge le
soin de qualifier des comportements que le législateur ne peut énumérer a priori de façon
exhaustive, sont suffisamment clairs et précis pour que l'interprétation de ce texte, qui entre
dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire, et que, d'autre part, l'atteinte
portée à la liberté d'expression par une telle incrimination apparaît nécessaire, adaptée et
proportionnée à l'objectif de lutte contre le racisme et de protection de l'ordre public poursuivi
par le législateur ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ; Par ces motifs
:
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité (...)

Cass. crim., 11 janv. 2011, n° 10-90.116 QPC

(...)

Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un arrêt de la cour d'appel
d'Agen, chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 2010, dans la procédure suivie du chef
d'infractions à la législation sur les stupéfiants contre :
– M. Pierre-Michel X., reçu le 15 octobre 2010 à la Cour de cassation ; Vu les observations
produites ;

• Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

26
« Les articles 222-37 et 222-41 du Code pénal ainsi que l'article L. 5132-7 du Code de la santé
publique en ne définissant pas la notion de stupéfiant sont-ils conformes à l'article 34 de la
Constitution qui exige que la loi détermine les crimes et les peines qui leur sont applicables ? »
• Attendu que les dispositions contestées n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution
dans une décision du Conseil constitutionnel ;

• Attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle
dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas
nouvelle ;

• Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que les textes
susvisés ne méconnaissent pas le principe de la légalité des délits et des peines en renvoyant à
une définition des stupéfiants donnée par voie réglementaire en conformité avec la Convention
unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 à laquelle la France a adhéré avec l'autorisation du
législateur ;

• D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Cass.crim., 20 février 2001, n°98-84846

Sur le moyen unique de cassation, pris de la précité, alors applicable, qui interdisait la
violation des articles 38, alinéa 3, de la loi publication de tout ou partie des
du 29 juillet 1881, 6, 7 et 10 de la circonstances d'un des crimes et délits
Convention européenne de sauvegarde des prévus par les chapitres Ier, II et VII du titre
droits de l'homme et des libertés II, du livre II du Code pénal, était
fondamentales; incompatible avec les articles 6, 7 et 10 de
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la Convention européenne des droits de
la suite d'un attentat commis à Paris, dans l'homme ;
une station du Réseau Express Régional Attendu que, pour accueillir ce moyen de
(RER), le quotidien France-Soir a publié un défense, la cour d'appel énonce que "la
reportage sur cet événement comportant la possibilité pour chacun d'apprécier par
photographie d'une personne blessée, avance la légalité de son comportement
partiellement dénudée ; que le journal Paris- touchant, comme en l'espèce, à l'exercice de
Match a fait aussi paraître ce cliché ; que libertés essentielles, implique une
l'enquête diligentée sur plainte de la victime formulation particulièrement rigoureuse des
a révélé que la photographie, prise à l'insu incriminations et ne saurait résulter que de
de l'intéressée, avait été acquise auprès définitions légales claires et précises" ;
d'agences de presse ; que le ministère public qu'elle relève que le texte de l'article 38,
a fait citer devant le tribunal correctionnel, alinéa 3, comporte une formule évasive et
pour infraction à l'article 38, alinéa 3, de la ambiguë en ce qu'il s'agit de la reproduction
loi du 29 juillet 1881, Michel D... et Roger de tout ou partie des circonstances d'un des
G..., directeurs de publication de France- crimes et délits visés ; que l'expression
Soir et Paris-Match, Françoise Z..., Hubert "circonstances", foncièrement imprécise,
C..., Goksin E..., Nicole X..., responsables est d'interprétation malaisée ; qu'elle ajoute
des agences précitées, comme complices, que, trop générale, cette formulation
ainsi que les sociétés, en qualité de introduit une vaste marge d'appréciation
civilement responsables ; que les prévenus subjective dans la définition de l'élément
ont soutenu que l'article 38, alinéa 3, légal de l'infraction et ne permet pas à celui

27
qui envisage de procéder à la publication déduisent que ce texte est incompatible avec
d'être certain qu'elle n'entre pas dans le les articles 6, 7 et 10 de la Convention
champ d'application de l'interdit ; qu'elle précitée ;
retient enfin que cette ambiguïté rend Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a
aléatoire l'interprétation du texte qui serait justifié sa décision ; D'où il suit que le
faite par le juge selon les cas d'espèce et que moyen ne peut être accueilli ;
la rédaction de l'article 38, alinéa 3, n'offre Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme
pas de garanties réelles quant à la ; REJETTE le pourvoi ;
prévisibilité des poursuites ; que les juges en

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 juin 2012, n°12-90016

M. Louvel (président), président


SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

[…] Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité transmise par un jugement du


tribunal de grande instance de NÎMES, en date du 20 mars 2012, dans la procédure suivie du
chef, notamment, d’enregistrement et fixation d’images ou représentations pornographiques de
mineurs contre :
- M. Olivier X..., reçu le 26 mars 2012 à la Cour de cassation ;
Vu les observations produites ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
” L’article 227-23 du code pénal est-il conforme aux droits et libertés garantis par la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, et à la Constitution du 4 octobre 1958, en particulier à la
présomption d’innocence et aux principes de prévisibilité, de précision ou d’accessibilité et de
clarté de la loi pénale, en ce que :
a) il ne définit pas les notions de “caractère pornographique” et d’ “aspect physique (d’un
mineur)”
;
b) il fait reposer sur le prévenu la charge d’établir que la personne représentée sur une image
pornographique dont l’aspect physique est celui d’un mineur, était âgée de 18 ans au jour de la
fixation ou de l’enregistrement de son image ? “
Attendu que les dispositions contestées sont applicables à la procédure et n’ont pas déjà été
déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil
constitutionnel ;
Mais attendu que la question, ne portant pas sur l’interprétation d’une disposition
constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n’aurait pas encore eu l’occasion de faire
application, n’est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas, à l’évidence, un caractère sérieux dès lors que,
d’une part, l’interprétation de l’article 227-23 du code pénal, qui définit de manière
suffisamment claire et précise le délit d’enregistrement ou fixation d’images ou représentations
pornographiques de mineurs, entre dans l’office du juge pénal, de sorte qu’il n’est porté aucune
atteinte au principe de légalité des délits et des peines, et que, d’autre part, les dispositions
légales critiquées n’instaurent pas de présomption de culpabilité, la partie poursuivante ayant
la charge de prouver que la personne représentée sur lesdites images pornographiques est

28
mineure ou présente l’aspect physique d’un mineur, avant qu’il n’incombe, le cas échéant, au
prévenu d’établir que cette apparence ne correspond pas à la réalité ;
D’où il suit qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
DIT N’Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de
constitutionnalité ;

Cass. QPC, 29 juin 2010, n° 12133

Vu l’arrêt avant dire droit du 16 avril 2010 rétention de M. X... pour une durée de
posant deux questions préjudicielles à la quinze jours ; que cette ordonnance a été
Cour de justice de l’Union européenne reçue à la Cour de cassation le 29 mars 2010
(CJUE) ;
;
Vu l’arrêt de la CJUE du 22 juin 2010 ; Attendu que, pour soutenir que l’article 78
2, alinéa 4, du code de procédure pénale est
Attendu que M. X..., de nationalité
contraire à la Constitution, le demandeur
algérienne, en situation irrégulière en
invoque l’article 88 1 de celle ci qui dispose
France, a fait l’objet, en application de
que “la République participe à l’Union
l’article 78 2, alinéa 4, du code de procédure
européenne constituée d’Etats qui ont choisi
pénale, d’un contrôle de police dans la zone
librement d’exercer en commun certaines
comprise entre la frontière terrestre de la
de leurs compétences en vertu du traité sur
France avec la Belgique et une ligne tracée
l’Union européenne et du traité sur le
à 20 kilomètres en deçà ; que, le 23 mars
fonctionnement de l’Union européenne, tels
2010, le préfet du Nord lui a notifié un
qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le
arrêté de reconduite à la frontière et une
13 décembre 2007" ;
décision de maintien en rétention dans des
locaux ne relevant pas de l’administration Qu’il fait valoir que les engagements
pénitentiaire ; que, devant le juge des résultant du Traité de Lisbonne, dont celui
libertés et de la détention de Lille, saisi par concernant la libre circulation des
le préfet d’une demande de prolongation de personnes, ont une valeur constitutionnelle
cette rétention, M. X... a déposé un mémoire au regard de l’article 88 1 de la Constitution,
posant une question prioritaire de que l’article 78-2, alinéa 4, du code de
constitutionnalité et soutenu que l’article 78 procédure pénale qui autorise des contrôles
2, alinéa 4, du code de procédure pénale aux frontières intérieures des Etats
portait atteinte aux droits et libertés garantis membres est contraire au principe de libre
par la Constitution ; circulation des personnes posé par l’article
67 du Traité de Lisbonne qui prévoit que
Attendu que, le 25 mars 2010, le juge des
l’Union assure l’absence de contrôles des
libertés et de la détention de Lille a ordonné
personnes aux frontières intérieures ; qu’il
la transmission à la Cour de cassation de la
en déduit que l’article 78 2, alinéa 4, du
question suivante : “l’article 78 2, alinéa 4,
code de procédure pénale est contraire à la
porte t il atteinte aux droits et libertés
Constitution ;
garantis par la Constitution de la
République française ?” et prolongé de la

29
Attendu que, par arrêt avant dire droit du 16 compétence, les dispositions du droit de
avril 2010, la Cour de cassation, constatant l’Union, a l’obligation d’assurer le plein
qu’était ainsi posée la question de la effet de ces normes en laissant au besoin
conformité de l’article 78 2, alinéa 4, du inappliquée, de sa propre autorité, toute
code de la procédure pénale à la fois au droit disposition contraire de la législation
de l’Union et à la Constitution de la nationale, même postérieure, sans qu’il ait à
République française, a posé deux questions demander ou à attendre l’élimination
préjudicielles à la Cour de justice de préalable de celle ci par voie législative ou
l’Union européenne ; par tout autre procédé constitutionnel ;

Attendu, premièrement, que la CJUE a dit Attendu que, dans l’hypothèse particulière
pour droit que l’article 267 TFUE s’oppose où le juge est saisi d’une question portant à
à une législation d’un Etat membre qui la fois sur la constitutionnalité et la
instaure une procédure incidente de conventionnalité d’une disposition
contrôle de constitutionnalité des lois législative, il lui appartient de mettre en
nationales, pour autant que le caractère œuvre, le cas échéant, les mesures
prioritaire de cette procédure a pour provisoires ou conservatoires propres à
conséquence d’empêcher (...) les assurer la protection juridictionnelle des
juridictions nationales d’exercer leur faculté droits conférés par l’ordre juridique
ou de satisfaire à leur obligation de saisir la européen ; qu’en cas d’impossibilité de
Cour de questions préjudicielles ; qu’en satisfaire à cette exigence, comme c’est le
revanche cet article ne s’oppose pas à une cas de la Cour de cassation, devant laquelle
telle législation nationale pour autant que la procédure ne permet pas de recourir à de
les juridictions restent libres telles mesures, le juge doit se prononcer sur
la conformité de la disposition critiquée au
: regard du droit de l’Union en laissant alors
- de saisir, à tout moment de la procédure inappliquées les dispositions de
qu’elles jugent approprié, et même à l’issue l’ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée
de la procédure incidente de contrôle de prévoyant une priorité d’examen de la
constitutionnalité, la CJUE de toute question de constitutionnalité ;
question préjudicielle qu’elles jugent Attendu, deuxièmement, que la Cour de
nécessaire, justice de l’Union européenne a également
- d’adopter toute mesure nécessaire afin dit pour droit que l’article 67, paragraphe 2,
d’assurer la protection juridictionnelle TFUE ainsi que les articles 20 et 21 du
provisoire des droits conférés par l’ordre règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement
juridique de l’Union, et européen et du Conseil, du 15 mars 2006,
établissant un code communautaire relatif
- de laisser inappliquée, à l’issue d’une telle au régime de franchissement des frontières
procédure incidente, la disposition par les personnes (code frontières
législative nationale en cause si elles la Schengen), s’opposent à une législation
jugent contraire aux droits de l’Union ; nationale conférant aux autorités de police
de l’Etat membre concerné la compétence
Attendu que le juge national chargé
de contrôler, uniquement dans une zone de
d’appliquer, dans le cadre de sa

30
20 kilomètres à partir de la frontière que l’exercice pratique de ladite
terrestre de cet Etat avec les parties à la compétence ne puisse pas revêtir un effet
convention d’application de l’accord de équivalent à celui des vérifications aux
Schengen, du 14 juin 1985, entre les frontières ;
gouvernements des Etats de l’Union
économique Benelux, de la République Que, dès lors que l’article 78 2, alinéa 4, du
fédérale d’Allemagne et de la République code de procédure pénale n’est assorti
d’aucune disposition offrant une telle
française relatif à la suppression graduelle
des contrôles aux frontières communes, garantie, il appartient au juge des libertés et
signé à Schengen (Luxembourg) le 19 juin de la détention d’en tirer les conséquences
au regard de la régularité de la procédure
1990, l’identité de toute personne,
indépendamment du comportement de dont il a été saisi, sans qu’il y ait lieu de
celle-ci et des circonstances particulières renvoyer au Conseil constitutionnel la
établissant un risque d’atteinte à l’ordre question posée ;
public, en vue de vérifier le respect des PAR CES MOTIFS :
obligations de détention, de port et de
présentation des titres et documents prévus DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au
par la loi, sans prévoir l’encadrement Conseil constitutionnel la question
nécessaire de cette compétence garantissant prioritaire de constitutionnalité

L’affaire Jérémy F

Cass. crim., 19 février 2013, 13-80.491, Inédit


Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
"L'article 695-46 § 4 du Code de procédure pénale, en ce qu'il énonce que, dans l'hypothèse où
une chambre de l'instruction est saisie pour statuer, après la remise de la personne recherchée,
sur toute demande des autorités compétentes de l'Etat membre d'émission en vue de consentir
à des poursuites ou à la mise à exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté prononcée pour
d'autres infractions que celles ayant motivé la remise commises antérieurement à celle-ci, la
chambre de l'instruction statue « sans recours », est-il contraire à la constitution, et notamment
au principe d'égalité devant la loi et la justice énoncé par les articles 6 et 16 de la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et au principe du droit à un recours juridictionnel
effectif et à un accès égal à la justice tel que résultant de l'article 16 de la même déclaration, en
ce qu'il prive du contrôle de la violation de la loi, sans aucune justification, une personne faisant
l'objet d'une demande d'extension des effets d'une remise à une autorité judiciaire étrangère ?"
;
Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas été déjà
déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil
constitutionnel ;
Attendu que la question présente un caractère sérieux en ce que la disposition critiquée de
l'article 695-46 du code de procédure pénale est susceptible de constituer une atteinte au droit
à un recours effectif et au principe d'égalité devant la justice dès lors que, si la décision de

31
remise à des autorités judiciaires étrangères prise en exécution d'un mandat d'arrêt européen à
l'encontre d'une personne n'y consentant pas peut faire l'‘objet d'un pourvoi en cassation, tel
n'est pas le cas de l'arrêt de la chambre de l'instruction qui statue sans recours sur la demande
de l'Etat membre d'émission en vue de consentir à des poursuites ou à la mise à exécution d'une
peine ou d'une mesure de sûreté prononcées pour d'autres infractions que celles ayant motivé la
remise, commises antérieurement à celle-ci;
D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ; Par ces motifs :
RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;

Cons. const., déc. 4 avr. 2013, n° 2013-314P QPC


(…)
DÉCIDE:
Article 1er.- Il y a lieu de demander à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer à titre
préjudiciel sur la question suivante :
Les articles 27 et 28 de la décision-cadre n° 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative
au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doivent-ils être
interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que les États membres prévoient un recours
suspendant l'exécution de la décision de l'autorité judiciaire qui statue, dans un délai de trente
jours à compter de la réception de la demande, soit afin de donner son consentement pour qu'une
personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de l'exécution d'une peine ou d'une
mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction commise avant sa remise en
exécution d'un mandat d'arrêt européen, autre que celle qui a motivé sa remise, soit pour la
remise d'une personne à un État membre autre que l'État membre d'exécution, en vertu d'un
mandat d'arrêt européen émis pour une infraction commise avant sa remise ?
Article 2.- Il est demandé à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer selon la
procédure d'urgence. Article 3.- Il est sursis à statuer sur la question prioritaire de
constitutionnalité posée par M. Jeremy F.
Article 4.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française,
notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958
susvisée ainsi qu'au président de la Cour de justice de l'Union européenne.

CJUE, (2ème Ch.), 30 mai 2013, C-168/13 PPU, Jeremy F.


(…)
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
Les articles 27, paragraphe 4, et 28, paragraphe 3, sous c), de la décision-cadre 2002/584/JAI
du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise
entre États membres, telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26
février 2009, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à ce que les États
membres prévoient un recours suspendant l’exécution de la décision de l’autorité judiciaire qui
statue, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande, afin de donner
son consentement soit pour qu’une personne soit poursuivie, condamnée ou détenue en vue de
l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, pour une infraction
commise avant sa remise en exécution d’un mandat d’arrêt européen, autre que celle qui a
motivé cette remise, soit pour la remise d’une personne à un État membre autre que l’État
membre d’exécution, en vertu d’un mandat d’arrêt européen émis pour une infraction commise
avant ladite remise, pour autant que la décision définitive est adoptée dans les délais visés à
l’article 17 de la même décision-cadre.

32
Cons. const., déc. 14 juin 2013, n° 2013-314 QPC

(...)

Considérant qu'après la remise de l'intéressé aux autorités judiciaires de l'État d'émission d'une
personne arrêtée en France en exécution d'un mandat d'arrêt européen, la chambre de
l'instruction, saisie, conformément à l'article 695-46 du Code de procédure pénale, d'une
demande d'extension des effets dudit mandat à d'autres infractions, éventuellement plus graves
que celles qui ont motivé la remise, ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure privative
de liberté, est tenue de procéder aux vérifications formelles et aux appréciations de droit
relatives aux infractions, condamnations et mesures visées ; qu'en privant les parties de la
possibilité de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la chambre de l'instruction
statuant sur une telle demande, les dispositions contestées apportent une restriction injustifiée
au droit à exercer un recours juridictionnel effectif ; que, par suite, au quatrième alinéa de
l'article 695-46 du Code de procédure pénale, les mots « sans recours » doivent être déclarés
contraires à la Constitution (...).

Cour de cassation, Chambre criminelle, Arrêt nº 2390 du 13 avril 2010, Pourvoi nº 09-
84.583

Statuant sur le pourvoi formé par : condamné, à titre principal, à l'interdiction


des droits civiques, civils et de famille
- X... Marcel, pendant une durée de trois ans ;
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, "aux motifs que la lettre rédigée et signée
chambre correctionnelle, en date du 10 juin par Marcel X ... a bien été adressée par
2009, qui, pour outrage à magistrat, l'a celui-ci à l'intention d'un magistrat, à son
condamné à trois ans d'interdiction des adresse professionnelle au palais de justice
droits civiques, civils et de famille ;
et dans l'exercice de ses fonctions comme
Vu le mémoire produit ; faisant référence à une procédure dont ledit
magistrat avait eu à connaître (cf.
Sur le moyen unique de cassation, pris de la notamment « ... situé aux antipodes du
violation des articles 6 § 1 et 7 § 1 de la magistrat que vous devriez être ... c'est bien
Convention européenne des droits de un jugement inique qui est sorti de votre
l'homme, 111-3, 434-24 et 434-44 du code conscience ... ) ; qu'elle comporte des
pénal, 593 du code de procédure pénale, termes constitutifs d'un outrage (« ... je ne
manque de base légale ; puis qualifier votre comportement que
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marcel X d'ignoble ..., outre les propos déjà relevés) ;
qu'enfin, s'agissant de l'intention, il convient
... coupable d'outrage à magistrat et l'a

33
d'observer que la lettre émane d'un homme 434-9-1, 434-11, 434-13 à 434-15, 434-17 à
mûr, réfléchi, assurément cultivé, habitué à 434-23, 434-27, 434-29, 434-30, 434-32,
écrire au titre de l'association qu'il préside 434-33, 434-35, 434-36 et 434-40 à 434-43
ou à titre personnel, agissant pour le compte encourent également l'interdiction des
d'un tiers, alors que lui-même n'était pas droits civiques, civils et de famille, suivant
partie à la procédure et donc, a priori, dénué les modalités prévues par l'article 131-26,
de passion ; que, compte tenu de ces mais ne vise pas l'article 434-24 ; qu'en
éléments, le jugement sera confirmé en ce infligeant au prévenu, déclaré coupable
qui concerne la déclaration de culpabilité ; d'outrage à magistrat, une interdiction que
qu'à la peine d'emprisonnement assortie le texte réprimant cette infraction ne prévoit
d'un sursis et à l'amende prononcés en pas, la cour d'appel a méconnu les textes
première instance, sera substituée une susvisés" ;
privation des droits civiques, civils et de
Sur le moyen pris en sa première branche :
famille pendant trois ans, compte tenu de la
nature des faits et de la personnalité du Attendu que les énonciations de l'arrêt
prévenu ; attaqué mettent la Cour de cassation en
mesure de s'assurer que la cour d'appel a,
"1) alors que, si le juge du fond est
sans insuffisance ni contradiction, répondu
souverain pour apprécier l'existence de
aux chefs péremptoires des conclusions
l'élément intentionnel de l'infraction
dont elle était saisie et caractérisé en tous
d'outrage, c'est à la condition que cette
ses éléments, tant matériels qu'intentionnel,
existence ne soit contredite ni par les termes
le délit d'outrage à magistrat dont elle a
des propos incriminés ni par les motifs
déclaré le prévenu coupable ;
mêmes de l'arrêt attaqué ; qu'après avoir
constaté que Marcel X... agissait pour le D'où il suit que le moyen, qui se borne à
compte d'un tiers, en l'espèce une voisine remettre en question l'appréciation
dont le fils avait été tué dans un accident de souveraine, par les juges du fond, des faits
la circulation, la cour d'appel retient que et circonstances de la cause, ainsi que des
n'étant pas partie à la procédure, il était a éléments de preuve contradictoirement
priori dénué de passion ; qu'en l'état de ces débattus, ne saurait être admis en sa
motifs contradictoires, qui ne permettent première branche ;
pas de s'assurer que le comportement de
l'intéressé impliquait la conscience de Mais sur le moyen pris en sa seconde
porter atteinte à l'honneur et à l'autorité d'un branche :
magistrat, la décision attaquée a méconnu
Vu l'article 111-3 du code pénal ;
les textes susvisés ;
Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être
"2) alors que nul ne peut être puni, pour un puni d'une peine qui n'est pas prévue par la
crime ou un délit, d'une peine qui n'est pas loi ;
prévue par la loi ; que le délit d'outrage
prévu par l'article 434-24 du code pénal est Attendu que les juges, après avoir déclaré
puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 Marcel X... coupable d'outrage à magistrat,
euros d'amende ; que l'article 434-44, qui l'ont condamné, à titre de peine principale,
prévoit des peines complémentaires en cas à trois ans d'interdiction des droits civiques,
d'atteintes à l'autorité de la justice, dispose civils et de famille ;
que les personnes physiques coupables de
l'un des délits prévus aux articles 434-4 à

34
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors du 10 juin 2009, toutes autres dispositions
que, d'une part, l'article 434-44 du code étant expressément maintenues ;
pénal, qui énumère les délits passibles de la
peine complémentaire de l'interdiction des Et pour qu'il soit à nouveau jugé,
conformément à la loi, dans les limites de la
droits civiques, civils et de famille, ne
mentionne pas le délit d'outrage à magistrat, cassation ainsi prononcée,
en sorte que cette peine ne pouvait être RENVOIE la cause et les parties devant la
prononcée en application de l'article 131-11 cour d'appel de Douai, à ce désignée par
dudit code, et que, d'autre part, cette mesure délibération spéciale prise en chambre du
ne figure pas au nombre des peines conseil ;
privatives ou restrictives de liberté
énumérées à l'article 131-6 du code susvisé ORDONNE l'impression du présent arrêt,
et pouvant être prononcées à la place de sa transcription sur les registres du greffe de
l'emprisonnement ou de l'amende, la cour la cour d'appel d'Amiens et sa mention en
d'appel a méconnu le texte susvisé et le marge ou à la suite de l'arrêt partiellement
principe ci-dessus rappelé ; annulé ;

D'où il suit que la cassation est encourue de Ainsi jugé et prononcé par la Cour de
ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès cassation, chambre criminelle, en son
lors que la déclaration de culpabilité audience publique, les jour, mois et an que
n'encourt pas la censure ; dessus ;

Par ces motifs : Sur le rapport de M. le conseiller


FINIDORI, les observations de la société
CASSE et ANNULE, en ses seules civile professionnelle NICOLAY, de
dispositions relatives à la peine, l'arrêt LANOUVELLE et HANNOTIN, avocats
susvisé de la cour d'appel d'Amiens, en date en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat
général BOCCON-GIBOD ;

Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 janvier 2000, Pourvoi nº 99-80.534

Statuant sur le pourvoi formé par : - Dxxxx 1, 434-3 et 434-44 du Code pénal, 2, 427,
Pierre, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, légale ;
4ème chambre, en date du 3 décembre 1998,
qui, pour non-dénonciation de mauvais "en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre
traitements infligés à un mineur de quinze Dxxxx coupable de non-dénonciation de
ans, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement mauvais traitement à mineurs de 15 ans ou
avec sursis, à 3 ans d'interdiction des droits personnes vulnérables ;
civiques, civils et de famille et qui a
"aux motifs que bien que Pierre Dxxxx nie
prononcé sur les intérêts civils ;
avoir eu connaissance des faits qui sont
Vu les mémoires produits, en demande et en reprochés à Xavier Fxxxx, il est constant
défense ; qu'en raison de leur multiplicité, du laps de
temps écoulé (1995-1997) qu'il ne pouvait
Sur le premier moyen de cassation, pris de les ignorer ; que la Cour remarque qu'il ne
la violation des articles 111-3, 111-4, 112-

35
nie pas formellement ne pas en avoir eu judiciaires ou administratives des atteintes
connaissance mais qu'il prétend seulement sexuelles imputables à Xavier Fxxxx et dont
ne pas avoir eu conscience que ses soupçons il aurait eu connaissance, la cour d'appel a
étaient fondés ; que leur multiplicité, le fait méconnu le principe de la légalité
qu'il ait lui-même constaté que Xavier criminelle ;
Fxxxx partageait la même chambre que
"2º/ alors que dans ses conclusions d'appel,
Sébastien Lxxxx, qu'il ait à cette époque
le demandeur a expressément fait valoir
modifié les attributions de Xavier Fxxxx,
qu'interrogé par Pierre Dxxxx à propos des
qu'au cours de la réunion du 30 septembre,
soupçons qui pesaient sur lui, Xavier Fxxxx
des faits précis aient été évoqués, qu'au
a systématiquement nié être responsable
cours de cette réunion, Xavier Fxxxx se soit
d'atteintes sexuelles sur les mineurs
écrié "que veux-tu que je fasse, que j'aille
accueillis dans l'établissement, de sorte
voir le juge", démontrent que Pierre Dxxxx
qu'en cet état, le directeur qui, par ailleurs,
ne pouvait ignorer les faits commis par
n'avait pas personnellement constaté les
Xavier Fxxxx ; que dès lors, il se devait tant
en sa qualité d'homme responsable que de faits litigieux, n'en avait pas connaissance
au sens de l'article 434-3 du Code pénal et,
directeur de l'établissement, attirer
partant, n'était pas tenu d'une quelconque
l'attention de la justice, ce qu'il n'a pas fait ;
obligation de dénonciation ;
que les conséquences de cette abstention
doivent être tirées ; qu'il n'est donc pas "qu'ainsi, en estimant que le prévenu ne
possible d'envisager, quant à la culpabilité, niait pas avoir eu connaissance des faits
en fait comme en droit, une solution litigieux, sans répondre à ce chef
différente de celle du tribunal ; que compte péremptoire des conclusions d'appel du
tenu de la personnalité du prévenu, de ce demandeur, la cour d'appel n'a pas
qu'il s'est révélé incapable de prendre les légalement justifié sa décision" ;
décisions qui s'imposaient et des
circonstances des agissements dont il est Attendu que les énonciations de l'arrêt
coupable, les dispositions du jugement attaqué mettent la Cour de Cassation en
relatives aux pénalités méritent mesure de s'assurer que la cour d'appel a,
confirmation (arrêt, pages 6 et 7) ; sans insuffisance ni contradiction, répondu
aux chefs péremptoires des conclusions
"alors que sous l'empire de l'article 434-3 du dont elle était saisie et caractérisé en tous
Code pénal, dans sa rédaction antérieure à ses éléments, tant matériels qu'intentionnel,
l'entrée en vigueur de la loi nº 98-468 du 17 le délit dont elle a déclaré le prévenu
juin 1998, l'obligation de dénonciation ne coupable ;
concerne que les mauvais traitements ou
privations infligés à un mineur de 15 ans, Qu'en effet, les atteintes sexuelles
auxquels ne sauraient être assimilées les constituent des mauvais traitements au sens
atteintes sexuelles, sauf à méconnaître le de l'article 434-3 du Code pénal dans sa
principe, consacré à l'article 111-4 du Code rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de
pénal, selon lequel la loi pénale est la loi du 17 juin 1998 ; les dispositions de
d'interprétation stricte ; l'article 15 de ladite loi qui précisent que
l'obligation de dénoncer les mauvais
"qu'ainsi, en déclarant Pierre Dxxxx traitements infligés à un mineur de 15 ans
coupable du délit de l'article 434-3 du Code s'applique également en cas d'atteintes
pénal, pour avoir, depuis 1995 et jusqu'au 2 sexuelles, revêtant sur ce point un caractère
juillet 1997, omis d'informer les autorités interprétatif ;

36
D'où il suit que le moyen ne saurait être Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être
admis ; puni d'une peine qui n'est pas prévue par la
loi ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris
de la violation des articles 111-3, 111-4, Attendu qu'après avoir déclaré Pierre
112-1, 131-10, 131-26, 131-27, 434-3 et Dxxxx coupable de non-dénonciation de
434-44 du Code pénal, 2, 427, 485, 512, 591 mauvais traitements infligés à un mineur de
et 593 du Code de procédure pénale, défaut quinze ans, l'arrêt attaqué le condamne,
de motifs, manque de base légale ; notamment, à 3 ans d'interdiction des droits
civiques, civils et de famille ;
"en ce que l'arrêt attaqué qui a déclaré Pierre
Dxxxx coupable de non-dénonciation de Mais attendu qu'en prononçant ainsi une
mauvais traitement à mineurs de 15 ans ou peine complémentaire non prévue par les
personnes vulnérables, a prononcé à son textes réprimant le délit reproché, la cour
égard l'interdiction d'exercer les droits d'appel a méconnu le texte susvisé et le
civiques, civils et de famille pendant une principe ci-dessus rappelé ;
durée de 3 ans ;
D'où il suit que la cassation est encourue de
"alors que la peine complémentaire de ce chef ;
l'article 131-26 du Code pénal ne peut être
PAR CES MOTIFS,
prononcée que lorsque la loi le prévoit
expressément ; CASSE et ANNULE, par voie de
retranchement, l'arrêt susvisé de la cour
"qu'aucune peine complémentaire n'étant
d'appel de Douai, en date du 3 décembre
expressément prévue en matière de non-
1998, en ses seules dispositions ayant
dénonciation de mauvais traitement à
condamné le demandeur à 3 ans
mineurs de 15 ans, méconnaît le principe de
d'interdiction des droits civiques, civils et
la légalité criminelle la cour d'appel qui, par
de famille, toutes autres dispositions étant
confirmation du jugement, prononce à
expressément maintenues ;
l'encontre de Pierre Dxxxx l'interdiction
d'exercer ses droits civiques, civils et de DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
famille pendant 3 ans" ;

Vu l'article 111-3 du Code pénal ;

Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2014, Pourvoi nº 13-87.631

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE d'emprisonnement et à dix ans d'interdiction


CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : de gérer ;

Statuant sur le pourvoi formé par : La COUR, statuant après débats en


l'audience publique du 5 novembre 2014 où
- M. Denis X..., étaient présents dans la formation prévue
contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, à l'article 567-1-1 du code de procédure
chambre correctionnelle, en date du 17 avril pénale ;: M. Guérin, président, M. Germain,
2013, qui, pour abus de confiance en conseiller rapporteur, Mme Nocquet,
récidive, l'a condamné à deux ans conseiller de la chambre ;

37
Greffier de chambre : Mme Leprey ; au préjudice de la société Paccarfinancial
France, constitué par le détournement de
Sur le rapport de M. le conseiller
sept tracteurs routiers, et ce en état de
GERMAIN, les observations de la société récidive légale pour avoir été condamné, le
civile professionnelle YVES et BLAISE
16 mai 2007, par le tribunal correctionnel de
CAPRON, avocat en la Cour, et les Perpignan, pour des faits identiques ou de
conclusions de Mme l'avocat général même nature ; que régulièrement cité à
référendaire CABY ; comparaître, M. X... ne se présente pas à
Vu le mémoire produit ; l'audience ni ne s'y fait représenter ; qu'il
ressort des éléments de l'enquête que,
Sur le moyen unique de cassation, pris de la courant 2008, M. X... qui était gérant de fait
violation des articles 6, § 1, 6, § 3, et 7 de la d'un groupe de sociétés Ad consulting, a
Convention européenne des droits de vendu, avec le concours de M. Dominique
l'homme, des articles 112-1, 131-27, 132- Z..., gérant de l'une des sociétés de la
10, 314-1 et 314-10 du code pénal et des holding, sept tracteurs routiers loués par
articles préliminaire, 388, 410, 503-1, 512, contrats de crédit-bail à la société
555, 558, 591 et 593 du code de procédure Paccarfinancial France, dont, à ce titre, il ne
pénale ; pouvait librement disposer ; que sa
participation à ces détournements de
" en ce que l'arrêt contradictoire à signifier
camions résulte tant de la déclaration de M.
attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de
Z..., pareillement condamné dans le cadre
confiance en récidive, a condamné M. X... à
des présentes poursuites, que de celles de
la peine de deux ans d'emprisonnement, a
différentes personnes intéressées par la
décerné mandat d'arrêt à l'encontre de M.
vente litigieuse plusieurs témoins attestant
X... et a prononcé à l'encontre de M. X... la
que M. X... dirigeait, de fait, les entreprises
peine de l'interdiction de gérer pour une
ayant pris à bail lesdits tracteurs et celles à
durée de dix ans ;
destination, desquelles ceux-ci ont été
" aux motifs que sur les parties en cause détournés ; qu'il convient, en conséquence,
devant la cour : M. Denis, Abel, Benoît, X... de confirmer la culpabilité de M. X... ; que,
¿ demeurant..., 66000 Perpignan ¿ non compte tenu des circonstances dans
comparant ni personne ayant qualité pour le lesquelles celui-ci a détourné les sept
représenter, régulièrement cité à l'étude le tracteurs litigieux, au préjudice de leur
1er mars 2013- LRAR revenue avec propriétaire, mais, aussi, des créanciers des
mention " pli avisé et non réclamé ", ¿ sociétés par l'intermédiaire desquelles ont
l'affaire a été appelée à l'audience publique transité les engins, sinon leur valeur
du mercredi 17 avril 2013, M. Denis X..., comptable, et du lourd passé judiciaire de
régulièrement cité, n'a pas comparu, ne s'est M. X..., qui, à plusieurs reprises, a refusé de
pas fait représenter et n'a pas conclu ; que le déférer aux convocations des enquêteurs, il
1er décembre 2011, M. Denis X... a y a lieu de condamner celui-ci à la peine de
régulièrement interjeté appel du dispositif deux ans d'emprisonnement et de décerner
pénal du jugement du tribunal correctionnel mandat d'arrêt contre lui ; que seule une
de Chalon-sur-Saône du 29 août 2011 qui l'a peine d'emprisonnement ferme est de nature
condamné à la peine de dix-huit mois à empêcher M. X... de réitérer dans la
d'emprisonnement, outre une interdiction de délinquance économique de grande
gérer pendant dix ans, pour avoir à Torcy, envergure ; que, pour les mêmes raisons,
courant 2008, commis un abus de confiance convient-il de confirmer l'interdiction de

38
gérer pendant dix ans, prononcée contre lui, citation à comparaître à l'audience des
en première instance ; débats du 17 avril 2013 destinée à M. X...
avait effectué les diligences prévues par les
" 1º) alors que le tribunal correctionnel ou la dispositions des articles 555 et 558,
cour d'appel sont saisis des infractions de
alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale,
leur compétence notamment par la citation ; la cour d'appel a violé les stipulations et
qu'en statuant par un arrêt contradictoire à dispositions susvisées ;
signifier à l'égard de M. X..., après avoir
énoncé que celui-ci, demeurant..., ..., à " 3º) alors que la direction de fait d'une
Perpignan, bien que régulièrement cité à société se caractérise par l'exercice, en toute
étude le 1er mars 2013 pour l'audience des liberté et indépendance, de façon continue
débats du 17 avril 2013, n'avait pas comparu et régulière, d'activités positives de gestion
et ne s'était pas fait représenter et n'avait pas et de direction de cette société ; qu'en se
conclu, quand, par une lettre recommandée bornant, dès lors, pour déclarer M. X...
avec demande d'avis de réception du 29 coupable des faits d'abus de confiance en
octobre 2012, M. X... avait fait part au récidive qui lui étaient reprochés et pour
procureur de la République de Chalon-sur- entrer en voie de condamnation à son
Saône de sa nouvelle adresse, située ...à encontre, à affirmer que M. X... avait dirigé,
Perpignan, quand, dès lors, M. X... n'avait de fait plusieurs sociétés, sans caractériser
pas été cité à l'adresse qu'il avait déclarée l'exercice, en toute liberté et indépendance,
conformément aux dispositions de l'article de façon continue et régulière, par M. X...
503-1 du code de procédure pénale et d'activités positives de gestion et de
quand, en conséquence, elle n'était pas direction de ces sociétés, la cour d'appel a
légalement saisie à l'égard de M. X..., la violé les stipulations et dispositions
cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé susvisées ;
les stipulations et dispositions susvisées ;
" 4º) alors qu'une personne physique
" 2º) alors que, à titre subsidiaire, l'huissier déclarée coupable d'un délit ne se trouve en
qui délivre une citation à la dernière adresse état de récidive que si elle a déjà été
déclarée du prévenu appelant, condamnée définitivement pour un délit et
conformément aux dispositions de l'article que si le délit dont elle est déclarée coupable
503-1 du code de procédure pénale, est tenu a été commis dans le délai de cinq ans à
d'effectuer les diligences prévues par les compter de l'expiration ou de la prescription
dispositions des articles 555 et 558, de la précédente peine et est soit le même
alinéas 2 et 4, du code de procédure pénale, que celui à raison duquel elle avait été
que l'intéressé demeure ou non à l'adresse condamnée définitivement, soit y est
dont il a fait le choix, cette citation étant assimilé au regard des règles de la récidive
réputée faite à personne ; qu'en statuant, dès ; qu'en déclarant, par conséquent, M. X...
lors, par un arrêt contradictoire à signifier à coupable des faits d'abus de confiance en
l'égard de M. X..., après avoir énoncé que récidive qui lui étaient reprochés et en
celui-ci, demeurant..., ..., à Perpignan, bien entrant en voie de condamnation à son
que régulièrement M. X... c. ministère encontre, sans justifier, d'une quelconque
public cité à étude le 1er mars 2013 pour manière, que M. X... avait été condamné
l'audience des débats du 17 avril 2013, définitivement pour un délit et que le délit
n'avait pas comparu et ne s'était pas fait d'abus de confiance dont elle déclarait M.
représenter et n'avait pas conclu, sans X... coupable avait été commis dans le délai
constater que l'huissier ayant délivré la de cinq ans à compter de l'expiration ou de

39
la prescription de la précédente peine et était les juges ont statué par décision
soit le même que celui à raison duquel M. contradictoire à signifier ;
X... aurait été condamné définitivement,
soit y était assimilé au regard des règles de Attendu que, d'autre part, les énonciations
de l'arrêt mettent la Cour de cassation en
la récidive, la cour d'appel a violé les
stipulations et dispositions susvisées ; mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui
n'avait pas à s'expliquer davantage sur l'état
" 5º) alors que, en tout état de cause, seule de récidive visé à la prévention, a, sans
peut être prononcée la peine légalement insuffisance ni contradiction, justifié la
applicable à la date à laquelle les faits qualité de gérant de fait des sociétés AD
constitutifs d'une infraction ont été commis consulting du prévenu et caractérisé le délit
; que la peine complémentaire d'interdiction d'abus de confiance dont elle l'a déclaré
de gérer toute entreprise commerciale, coupable ;
édictée par les dispositions de l'article 314-
Mais sur le moyen, pris en sa cinquième
10 du code pénal, dans sa rédaction issue de
branche :
la loi du 4 août 2008, ne peut donc
s'appliquer à des faits commis Vu l'article 111-3 du code pénal ;;
antérieurement à son entrée en vigueur ;
qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être
prononcer à l'encontre de M. X... la peine de puni d'une peine qui n'est pas prévue par la
l'interdiction de gérer pour une durée de dix loi ;
ans, que les faits dont elle déclarait M. X... Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu
coupable avaient été commis « courant coupable d'abus de confiance en récidive,
2008 », ce qui ne permettait pas de l'arrêt le condamne notamment à dix ans
caractériser que ces faits avaient été commis d'interdiction de gérer toute entreprise
postérieurement à l'entrée en vigueur de commerciale ;
la loi du 4 août 2008, la cour d'appel a violé
les stipulations et dispositions susvisées ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors
qu'elle ne relevait, à l'encontre de M. X...,
Sur le moyen, pris en ses quatre premières aucun détournement commis après l'entrée
branches : en vigueur de la loi du 4 août 2008 qui a
Attendu que, d'une part, après avoir constaté institué cette peine complémentaire et
l'absence de M. X..., cité à l'audience de la modifié l'article 314-10 du code pénal, la
cour d'appel à l'adresse déclarée dans l'acte cour d'appel a méconnu les texte et principe
d'appel, l'huissier lui a adressé une lettre ci-dessus rappelés ;
recommandée avec demande d'avis de
D'où il suit que la cassation est encourue de
réception l'avisant de son passage et ce chef ;
l'invitant à retirer l'acte en son étude ; qu'en
cet état, et dès lors que le demandeur, qui Par ces motifs :
n'a pas comparu et ne s'est pas fait
représenter, ne justifie pas avoir avisé le CASSE et ANNULE, par voie de
procureur de la République, conformément retranchement, l'arrêt susvisé de la cour
aux prescriptions de l'article 503-1 du code d'appel de Dijon, en date du 17 avril 2013,
de procédure pénale, d'un changement de en ses seules dispositions ayant condamné
son adresse déclarée, c'est à bon droit que M. X... à dix ans d'interdiction de gérer,
toutes autres dispositions étant
expressément maintenues ;
40
DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation,
chambre criminelle, et prononcé par le
ORDONNE l'impression du présent arrêt,
président le dix-sept décembre deux mille
sa transcription sur les registres du greffe de quatorze ;
la cour d'appel de Dijon et sa mention en
marge ou à la suite de l'arrêt partiellement En foi de quoi le présent arrêt a été signé par
annulé ; le président, le rapporteur et le greffier de
chambre.

CAS PRATIQUE :

Une ordonnance du 8 juin 2012, publiée au JORF du 10 juin 2012, transpose une directive
européenne sur l’importation de produits à base de matière plastique. La directive prévoit
expressément que les Etats membres doivent édicter des sanctions pénales effectives,
proportionnées et dissuasives pour toute violation de l’interdiction d’importation et
d’exportation de produits à base de produits chimiques nocifs pour l’homme. Cependant, elle
ne précise pas la définition à retenir de « nocifs pour l’homme » et ne contient pas d’annexe
visant de tels produits. En application de cette directive, l’ordonnance du 8 juin 2012 incrimine
les faits en ces termes : « Le fait d’importer des produits chimiques nocifs pour l’homme est
puni de 3750 euros d’amende ».

Cette ordonnance a été ratifiée par une loi du 12 mai 2013.

Sur le fondement de ce texte, M. Z est poursuivi le 16 décembre 2012 devant le Tribunal


correctionnel de Lyon pour avoir importé des colorants alimentaires de synthèse le 13 août
2012.

Quels moyens de défense peut-il soulever ?

M. Z interjette appel de sa condamnation intervenue en première instance. L’audience devant


la Cour d’appel doit se tenir le 4 décembre 2013.

Quels nouveaux moyens de défense peut-il soulever ?

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