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Tjouen Alexandre-Dieudonné. L'exécution des décisions de justice en droit camerounais. In: Revue internationale de droit
comparé. Vol. 52 N°2, Avril-juin 2000. pp. 429-442;
doi : https://doi.org/10.3406/ridc.2000.18103
https://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2000_num_52_2_18103
Alexandre-Dieudonné TJOUEN *
A. — Les errementsn°de97/01
la législation
du 4 avrilantérieure
1997 à l'ordonnance
n° 092/008
Cette du
ordonnance
14 août 1992
n'a dont
modifié
il faudrait
que cesd'abord
articles
dégager
3 et la
4 de la loi
contradiction et l'esprit du législateur afin de pouvoir mieux apprécier les critiques
formulées contre ladite ordonnance.
1. La contradiction et l'esprit du législateur dans la rédaction des articles
3 et 4 de la loi du 14 août 1992
a) La contradiction
L'article 2 de cette loi rappelle le principe de l'effet suspensif de
l'appel des décisions rendues en premier ressort par les juridictions
d'instance.
L'article 3, alinéa 1er, admet une exception à ce principe, selon laquelle
l'exécution provisoire des décisions contradictoires ou réputées
contradictoires (uniquement) est possible nonobstant appel, si et seulement s'il
s'agit des cas précis énumérés plus haut par la loi de 1984 (salaire, loyer,
provision...) ; ce qui veut dire qu'en dehors de ces cas, le tribunal ne
peut ordonner l'exécution provisoire des décisions frappées d'appel.
La contradiction réside dans le fait que selon l' article 4 de la même
loi de 1992, l'exécution provisoire peut aussi être ordonnée en dehors de
ces cas de l'article 3, ce qui veut en définitive dire (art. 3 et 4 combinés)
que l'exécution provisoire peut être ordonnée, selon l'appréciation du juge
(d'où le verbe « peut » utilisé par le législateur), dans tous les cas !
Le législateur a-t-il en réalité écrit ce qu'il voulait dire ?
b) L'esprit du législateur
Le législateur a voulu au contraire dire que le tribunal peut
exceptionnellement ordonner l'exécution provisoire (nonobstant appel) de toutes
les décisions contradictoires ou réputées contradictoires, avec cette nuance
que l'exécution provisoire ordonnée dans les cas précis prévus à l'article
3 ne peut être suspendue, alors que dans tous les autres cas, elle peut
l'être (selon l'appréciation de la cour d'appel) à la demande de la partie
qui s'estime lésée.
A la veille de l'ordonnance de 1997, les justiciables, non seulement
attendaient toujours comme depuis 1984 que le législateur précise la nature
floue des cas énumérés par l'article 3 de la loi de 1992 pour dire clairement
s'ils complètent la liste des cas où l'exécution provisoire est de droit, ils
espéraient aussi la levée de cette contradiction, qui imposait ardemment
audit législateur une nouvelle formulation conforme à son esprit réel.
Ont-ils été enfin satisfaits ? L'on démontrera que pour ne pas être
applicable, l'ordonnance a plutôt suscité des critiques d'importance
indéniable après avoir négligé de répondre à la question posée.
5 Le législateur a-t-il voulu mais sans le dire, suivre son homologue français c'est-à-
dire que le ministre de la Justice n'interviendrait qu'en cas d'empiétement commis par une
juridiction sur le pouvoir législatif ou sur le pouvoir exécutif et ajouter aussi, en innovant,
le cas des arrêts de la cour d'appel attaqués dans la procédure des défenses à exécution ?
6 CS n°633/cc du 22 juill. 1993.
7 Même le procureur général prèsy une cour d'appel n'en est pas autorisé :
H. TCHANTCHOU, auditeur de justice à l'École Nationale d'Administration et de
Magistrature (EN AM) du Cameroun, in L'exécution provisoire des décisions de justice au Cameroun,
Mémoire de fin de Formation, Yaounde, promotion 1997-1999, p. 69.
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dant les défenses à exécution) et pour des motifs laissés au libre choix
du ministre mais visant la violation de la loi 8.
Le procureur général saisit à son tour le greffier en chef près la Cour
suprême qui dresse un procès verbal du pourvoi et met l'affaire en état
d'être jugée par ladite Cour (et non son président) qui, dans les deux
mois de sa saisine 9 devrait rendre un arrêt de cassation, d'annulation ou
non de l'arrêt de la cour d'appel attaqué. La Chambre civile de la Cour
suprême siège en audience publique ordinaire dans le respect de sa
composition fixée par l'article 23 de la loi n° 75/16 du 18 décembre 1975 visant
l'organisation et la procédure devant la Cour suprême 10.
En cas de cassation de la décision attaquée, elle rend un arrêt de
cassation sans renvoi n, ce qui a amené son auteur à dire que « la Cour
semble juger le fond de l'exécution provisoire ou se substituer au juge
de renvoi pour trancher... Cette situation est d'autant plus curieuse qu'en
matière de défenses à exécution, il n'existe pas de double examen devant
les juges du fond, le premier et le deuxième juges ayant connu l'affaire
étant l'unique cour d'appel compétente... » 12.
En réalité et à la décharge de la Cour suprême, il s'agit ici d'un
contentieux spécial, parasite 13, qui devrait revêtir une « procédure
d'urgence et subsidiaire dont l'efficacité suppose un dénouement rapide et
antérieur à la contestation principale pendante au fond devant la cour
d'appel » 14 et qui ne devrait être éternellement paralysé ou retardé, les
lenteurs et lourdeurs administratives camerounaises aidant, puisqu'on sait
que dès la saisine de la Cour suprême par voie de pourvoi d'ordre,
l'exécution de la décision de la cour d'appel est immédiatement suspendue,
même si elle était déjà commencée, en attendant la décision de la Cour
suprême 15.
La procédure du pourvoi d'ordre ainsi sommairement décrite, soulève
encore trois problèmes importants. Le problème de délais prefix déjà
8 Le ministre fait contrôler par la Cour suprême non seulement l'application des
dispositions légales visant le domaine de l'exécution provisoire de plein droit ou fondée sur les
matières énumérées à l'article 3, ou le domaine de l'exécution provisoire facultative (art.
4), mais aussi l'application de l'article 5 de l'ordonnance n°72/4 du 26 août 1972 selon
lequel9 La « toute
datedécision
de la saisine
de justice
de ladoitCour
êtren'a
motivée
pas étéenindiquée
fait et enpar
droit
la loi
sous; mais
peine l'on
de nullité
pourrait
».
faire courir le délai de deux mois (art. 4 (7)) à compter du jour où le greffier en chef aura
mis l'affaire en état d'être jugée.
10 Selon ce texte, les arrêts de la Cour suprême sont rendus par trois ou cinq magistrats
selon qu'elle siège en Assemblée ordinaire ou plénière : CS n° 633/cc du 22 juill. 1993 cité ;
CS n° 28/cc du 9 nov. 1995 (aff. Dzogang Albert).
n° 05/cc 11 CS
du n°10633/cc
oct. 1996,
du 22arrêts
juill. cités
1993 par
; n° H.
27/cc
TCHANTCHOU
du 9 nov. 1995op.; n°cit.28/cc
p. 76.du Cette
9 nov.manière
1995 ;
de juger de la Cour suprême depuis la loi de 1992 n'a pas changé jusqu'ici.
ß H.
13
14 A. TCHANTCHOU,
D. TJOUEN, supra,
op. note
cit.
cit. p.1.p. 76,
76.qui apaise lui-même ici ses premières inquiétudes
(V. note 10).
15 Art. 4 (8), loi de 1997 : « La notification du certificat de dépôt à la partie adverse
(dépôt de la requête aux fins de défenses à exécution adressée au président de la cour
d'appel concernée) et le pourvoi d'ordre suspendent immédiatement l'exécution, même
commencée, de la décision attaquée, jusqu'à l'intervention de l'arrêt de la juridiction saisie ».
A.-D. TJOUEN : EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE - CAMEROUN 441
l'appareil judiciaire, n'est que partie jointe. V. l'arrêt classique, Honoré Bodin en Cochinchine,
Chambre civile de la Cour de cassation du 17 déc. 1913 (sur pourvoi du Procureur général
formé contre un arrêt de la Chambre civile de la Cour d'appel de Saigon), D. 1914. I. 26,
note BINET, S. 1914. I. 153, note RUBEN de COUDERC, Rev. trim. dr. civ. 1915. 207,
obs. JAPIOT.
L'on remarque comment, principalement mais justement préoccupée de retirer au
Président de la Cour d'appel sa superpuissance, la loi de 1992, qui a institué le pourvoi d'ordre,
a malheureusement omis d'étudier tous ses contours : d'où la nécessité d'une autre réforme
(notre article en cours de rédaction : Pour une nouvelle réforme de la loi sur l'exécution
des décisions de justice en droit camerounais).
Précisons qu'il faudrait éviter de confondre le « pourvoi d'ordre » qui frappe les
décisions de défenses à exécution dans l'intérêt des parties et le « pourvoi d'ordre dans l'intérêt
de la loi » qui ne frappait que les ordonnances du président de la cour d'appel en matière
de sursis à exécution rendues antérieurement à la loi du 14 août 1992 (mais non encore
exécutable), selon l'art. 6 de la loi n° 92/008 du 14 août 1992 qui renvoie à l'art. 6 de
l'ordonnance n° 76/18 du 14 déc. 1976 portant organisation de la Cour suprême, à l'initiative
du Procureur général près la Cour suprême auquel cas, dans le seul intérêt de la loi, aucune
des parties au procès ne pouvait se prévaloir de la cassation éventuelle des ordonnances
attaquées puisqu'elle n'intervenait dans l'intérêt d'aucune d'entre elles.
L'on regrette que, malgré cette différence bien établie, la pratique judiciaire, dans la
confusion, connaisse encore depuis ladite loi du 14 août 1992, des cas de pourvoi dans
l'intérêt de la loi contre les arrêts de la cour d'appel en défenses à exécution. V. aff. Sonara
c. Podie Luc (note 16) cité par H. TCHANTCHOU, op. cit. p. 72.