Vous êtes sur la page 1sur 25

FICHE N° 4 : Les sources du droit de l’Union (I)

Le socle « constitutionnel » et la protection des droits fondamentaux

1. Revoir les concepts clés suivants :

Ordre juridique – Droit primaire – Traités fondateurs/composites –– Charte des droits


fondamentaux de l’Union européenne – Principes généraux du droit de l’Union européenne
– Articulation entre les jurisprudences de la CEDH et de la CJUE – Valeurs de l’Union

2. Lire et préparer les documents suivants :

Document 1 : CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70 1


Document 2 : CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73 (extraits) ............................................ 2
Document 3 : CJCE, Gr. ch., 3 sept. 2008, Kadi c. Conseil et Commission (extrait) ........ 3
Document 4 - CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni c. Ministerio Fiscal, aff. C-399/11
(extraits) ............................................................................................................................. 8
Document 5 - CJUE, ass.,18 décembre 2014, Avis 2/13, Adhésion de l’UE à la CEDH 11
Document 6 – CJUE, 3 juin 2021, Tesco Stores ltd, aff. C-624/19 ................................. 16
Document 7 – Clara Grudler, De la consécration à la violation des valeurs communes de
l’union européenne : une idéndité européenne entre idéaux et fractures, Europe n°8-9,
août 2021 .......................................................................................................................... 20

3. Vous commenterez l’arrêt Stefano Melloni contre Ministerio Fiscal (doc. 4)

DOCUMENT 1 : CJCE, 17 DECEMBRE 1970, INTERNATIONALE HANDELSGESELLSCHAFT, AFF.


11/70

SUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE


COMMUNAUTAIRE
3 ATTENDU QUE LE RECOURS A DES REGLES OU NOTIONS JURIDIQUES DU
DROIT NATIONAL , POUR L ' APPRECIATION DE LA VALIDITE DES ACTES
ARRETES PAR LES INSTITUTIONS DE LA COMMUNAUTE , AURAIT POUR EFFET
DE PORTER ATTEINTE A L ' UNITE ET A L ' EFFICACITE DU DROIT
COMMUNAUTAIRE ;
QUE LA VALIDITE DE TELS ACTES NE SAURAIT ETRE APPRECIEE QU’EN
FONCTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;
QU' EN EFFET , LE DROIT NE DU TRAITE , ISSU D ' UNE SOURCE AUTONOME , NE
POURRAIT , EN RAISON DE SA NATURE , SE VOIR JUDICIAIREMENT OPPOSER DES
REGLES DE DROIT NATIONAL QUELLES QU ' ELLES SOIENT , SANS PERDRE SON
CARACTERE COMMUNAUTAIRE ET SANS QUE SOIT MISE EN CAUSE LA BASE
JURIDIQUE DE LA COMMUNAUTE ELLE-MEME ;
QUE, DES LORS, L'INVOCATION D ' ATTEINTES PORTEES, SOIT AUX DROITS

1
FONDAMENTAUX TELS QU'ILS SONT FORMULES PAR LA CONSTITUTION D ' UN
ETAT MEMBRE , SOIT AUX PRINCIPES D ' UNE STRUCTURE CONSTITUTIONNELLE
NATIONALE , NE SAURAIT AFFECTER LA VALIDITE D ' UN ACTE DE LA
COMMUNAUTE OU SON EFFET SUR LE TERRITOIRE DE CET ETAT ;
4 ATTENDU QU'IL CONVIENT TOUTEFOIS D'EXAMINER SI AUCUNE GARANTIE
ANALOGUE, INHERENTE AU DROIT COMMUNAUTAIRE, N'AURAIT ETE
MECONNUE ;
QU'EN EFFET, LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX FAIT PARTIE
INTEGRANTE DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DONT LA COUR DE JUSTICE
ASSURE LE RESPECT ;
QUE LA SAUVEGARDE DE CES DROITS, TOUT EN S'INSPIRANT DES TRADITIONS
CONSTITUTIONNELLES COMMUNES AUX ETATS MEMBRES, DOIT ETRE
ASSUREE DANS LE CADRE DE LA STRUCTURE ET DES OBJECTIFS DE LA
COMMUNAUTE ;

DOCUMENT 2 : CJCE, 14 MAI 1974, NOLD, AFF. 4/73 (EXTRAITS)

SUR LE GRIEF TIRE D'UNE PRETENDUE VIOLATION DES DROITS


FONDAMENTAUX
12 ATTENDU QUE LA REQUERANTE FAIT ENFIN VALOIR UNE VIOLATION DE
CERTAINS DE SES DROITS FONDAMENTAUX EN RAISON DU FAIT QUE LES
RESTRICTIONS APPORTEES PAR LA NOUVELLE REGLEMENTATION
COMMERCIALE AUTORISEE PAR LA COMMISSION AURAIENT POUR EFFET, EN L
' ELIMINANT DE L ' APPROVISIONNEMENT DIRECT, DE PORTER ATTEINTE A LA
RENTABILITE DE SON ENTREPRISE ET AU LIBRE DEPLOIEMENT DES AFFAIRES
DE CELLE-CI, AU POINT D ' EN COMPROMETTRE L ' EXISTENCE ;
QU'AINSI, SERAIENT ATTEINTS DANS SON CHEF UN DROIT ASSIMILABLE AU
DROIT DE PROPRIETE, AINSI QUE LE DROIT AU LIBRE EXERCICE DE SES
ACTIVITES PROFESSIONNELLES, PROTEGES PAR LA LOI FONDAMENTALE DE LA
REPUBLIQUE FEDERALE D ' ALLEMAGNE, AUTANT QUE PAR LES
CONSTITUTIONS D ' AUTRES ETATS MEMBRES, ET DIVERS INSTRUMENTS
INTERNATIONAUX, NOTAMMENT LA CONVENTION EUROPEENNE DE
SAUVEGARDE DES DROITS DE L ' HOMME, DU 4 NOVEMBRE 1950, Y COMPRIS LE
PROTOCOLE ADDITIONNEL DU 20 MARS 1952 ;
13 ATTENDU QUE, AINSI QUE LA COUR L ' A DEJA AFFIRME, LES DROITS
FONDAMENTAUX FONT PARTIE INTEGRANTE DES PRINCIPES GENERAUX DU
DROIT DONT ELLE ASSURE LE RESPECT ;
QU'EN ASSURANT LA SAUVEGARDE DE CES DROITS, LA COUR EST TENUE DE
S'INSPIRER DES TRADITIONS CONSTITUTIONNELLES COMMUNES AUX ETATS
MEMBRES ET NE SAURAIT, DES LORS, ADMETTRE DES MESURES
INCOMPATIBLES AVEC LES DROITS FONDAMENTAUX RECONNUS ET GARANTIS
PAR LES CONSTITUTIONS DE CES ETATS ;
QUE LES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX CONCERNANT LA PROTECTION DES
DROITS DE L ' HOMME AUXQUELS LES ETATS MEMBRES ONT COOPERE OU
ADHERE PEUVENT EGALEMENT FOURNIR DES INDICATIONS DONT IL CONVIENT
DE TENIR COMPTE DANS LE CADRE DU DROIT COMMUNAUTAIRE ;
QUE C'EST A LA LUMIERE DE CES PRINCIPES QUE DOIVENT ETRE APPRECIES LES
GRIEFS SOULEVES PAR LA REQUERANTE ;
14 ATTENDU QUE SI UNE PROTECTION EST ASSUREE AU DROIT DE PROPRIETE

2
PAR L'ORDRE CONSTITUTIONNEL DE TOUS LES ETATS MEMBRES ET SI DES
GARANTIES SIMILAIRES SONT ACCORDEES AU LIBRE EXERCICE DU
COMMERCE, DU TRAVAIL ET D'AUTRES ACTIVITES PROFESSIONNELLES, LES
DROITS AINSI GARANTIS, LOIN D ' APPARAITRE COMME DES PREROGATIVES
ABSOLUES, DOIVENT ETRE CONSIDERES EN VUE DE LA FONCTION SOCIALE DES
BIENS ET ACTIVITES PROTEGES ;
QUE, POUR CETTE RAISON, LES DROITS DE CET ORDRE NE SONT GARANTIS
REGULIEREMENT QUE SOUS RESERVE DE LIMITATIONS PREVUES EN FONCTION
DE L ' INTERET PUBLIC ;
QUE, DANS L ' ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE, IL APPARAIT DE MEME
LEGITIME DE RESERVER A L ' EGARD DE CES DROITS L ' APPLICATION DE
CERTAINES LIMITES JUSTIFIEES PAR LES OBJECTIFS D ' INTERET GENERAL
POURSUIVIS PAR LA COMMUNAUTE , DES LORS QU ' IL N ' EST PAS PORTE
ATTEINTE A LA SUBSTANCE DE CES DROITS ;
QU'EN CE QUI CONCERNE LES GARANTIES CONFEREES A L ' ENTREPRISE EN
PARTICULIER, ON NE SAURAIT EN AUCUN CAS ETENDRE CELLES-CI A LA
PROTECTION DE SIMPLES INTERETS OU CHANCES D ' ORDRE COMMERCIAL ,
DONT LE CARACTERE ALEATOIRE EST INHERENT A L ' ESSENCE MEME DE L '
ACTIVITE ECONOMIQUE ;
15 ATTENDU QUE LES DESAVANTAGES MIS EN AVANT PAR LA REQUERANTE
SONT EN REALITE LA CONSEQUENCE DE L ' EVOLUTION ECONOMIQUE ET NON
DE LA DECISION ATTAQUEE ;
QU'IL LUI APPARTENAIT, EN PRESENCE DU CHANGEMENT ECONOMIQUE
IMPOSE PAR LA RECESSION DE LA PRODUCTION CHARBONNIERE, DE FAIRE
FACE A LA SITUATION NOUVELLE ET DE PROCEDER, ELLE-MEME, AUX
RECONVERSIONS INDISPENSABLES ;

DOCUMENT 3 : CJCE, GR. CH., 3 SEPT. 2008, KADI C. CONSEIL ET COMMISSION (EXTRAIT)
280. Il convient d’examiner les griefs par lesquels les requérants reprochent au Tribunal d’avoir
jugé, en substance, qu’il découle des principes régissant l’articulation des rapports entre l’ordre
juridique international issu des Nations unies et l’ordre juridique communautaire que le
règlement litigieux, dès lors qu’il vise à mettre en œuvre une résolution adoptée par le Conseil
de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies ne laissant place à aucune
marge à cet effet, ne peut faire l’objet d’un contrôle juridictionnel quant à sa légalité interne,
sauf pour ce qui concerne sa compatibilité avec les normes relevant du jus cogens, et bénéficie
donc dans cette mesure d’une immunité juridictionnelle.
281. À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Communauté est une communauté de droit en ce
que ni ses États membres ni ses institutions n’échappent au contrôle de la conformité de leurs
actes à la charte constitutionnelle de base qu’est le traité CE et que ce dernier a établi un système
complet de voies de recours et de procédures destiné à confier à la Cour le contrôle de la légalité
des actes des institutions (arrêt du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339,
point 23).
282. Il convient de rappeler également qu’un accord international ne saurait porter atteinte à
l’ordre des compétences fixé par les traités et, partant, à l’autonomie du système juridique
communautaire dont la Cour assure le respect en vertu de la compétence exclusive dont elle est
investie par l’article 220 CE, compétence que la Cour a d’ailleurs déjà considérée comme
relevant des fondements mêmes de la Communauté (voir, en ce sens, avis 1/91, du 14 décembre
1991, Rec. p. I-6079, points 35 et 71, ainsi que arrêt du 30 mai 2006, Commission/Irlande, C-
459/03, Rec. p. I-4635, point 123 et jurisprudence citée).

3
283. En outre, selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante
des principes généraux du droit dont la Cour assure le respect. À cet effet, la Cour s’inspire des
traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies
par les instruments internationaux concernant la protection des droits de l’homme auxquels les
États membres ont coopéré ou adhéré. La CEDH revêt, à cet égard, une signification particulière
(voir, notamment, arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone
e.a., C-305/05, Rec. p. I-5305, point 29 et jurisprudence citée).
284. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour que le respect des droits de l’homme
constitue une condition de la légalité des actes communautaires (avis 2/94, précité, point 34) et
que ne sauraient être admises dans la Communauté des mesures incompatibles avec le respect
de ceux-ci (arrêt du 12 juin 2003, Schmidberger, C-112/00, Rec. p. I-5659, point 73 et
jurisprudence citée).
285. Il découle de l’ensemble de ces éléments que les obligations qu’impose un accord international
ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels du traité CE, au
nombre desquels figure le principe selon lequel tous les actes communautaires doivent respecter
es droits fondamentaux, ce respect constituant une condition de leur légalité qu’il incombe à la
Cour de contrôler dans le cadre du système complet de voies de recours qu’établit ce traité. (…)
286 À cet égard, il importe de souligner que, dans un contexte tel que celui de l’espèce, le contrôle de
légalité devant ainsi être assuré par le juge communautaire porte sur l’acte communautaire visant à
mettre en œuvre l’accord international en cause, et non sur ce dernier en tant que tel.
287 S’agissant plus particulièrement d’un acte communautaire qui, tel le règlement litigieux, vise à mettre
en œuvre une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre du chapitre VII de la charte des Nations
unies, il n’incombe donc pas au juge communautaire, dans le cadre de la compétence exclusive que
prévoit l’article 220 CE, de contrôler la légalité d’une telle résolution adoptée par cet organe
international, ce contrôle fût-il limité à l’examen de la compatibilité de cette résolution avec le jus
cogens.
288 Par ailleurs, un éventuel arrêt d’une juridiction communautaire par lequel il serait décidé qu’un acte
communautaire visant à mettre en œuvre une telle résolution est contraire à une norme supérieure
relevant de l’ordre juridique communautaire n’impliquerait pas une remise en cause de la primauté de
cette résolution au plan du droit international.
289 Ainsi, la Cour a déjà annulé une décision du Conseil approuvant un accord international après avoir
examiné la légalité interne de celle-ci au regard de l’accord en cause et avoir constaté une violation d’un
principe général du droit communautaire, en l’occurrence le principe général de non-discrimination
(arrêt du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122/95, Rec. p. I-973).
290 Il y a dès lors lieu d’examiner si, comme l’a jugé le Tribunal, les principes régissant l’articulation des
rapports entre l’ordre juridique international issu des Nations unies et l’ordre juridique communautaire
impliquent qu’un contrôle juridictionnel de la légalité interne du règlement litigieux au regard des droits
fondamentaux est en principe exclu, nonobstant le fait que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence
rappelée aux points 281 à 284 du présent arrêt, un tel contrôle constitue une garantie constitutionnelle
relevant des fondements mêmes de la Communauté.
291 À cet égard, il convient d’abord de rappeler que les compétences de la Communauté doivent être
exercées dans le respect du droit international (arrêts précités Poulsen et Diva Navigation, point 9, ainsi
que Racke, point 45), la Cour ayant en outre précisé, au même point du premier de ces arrêts, qu’un acte
adopté en vertu de ces compétences doit être interprété, et son champ d’application circonscrit, à la
lumière des règles pertinentes du droit international.
292 De plus, la Cour a jugé que les compétences de la Communauté prévues aux articles 177 CE à 181 CE
en matière de coopération et de développement doivent être exercées dans le respect des engagements
pris dans le cadre des Nations unies et des autres organisations internationales (arrêt du 20 mai 2008,
Commission/Conseil, C-91/05, non encore publié au Recueil, point 65 et jurisprudence citée).
293 Le respect des engagements pris dans le cadre des Nations unies s’impose tout autant dans le domaine
du maintien de la paix et de la sécurité internationales, lors de la mise en œuvre par la Communauté, par
l’adoption d’actes communautaires pris sur le fondement des articles 60 CE et 301 CE, de résolutions
adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies.

4
294 Dans l’exercice de cette dernière compétence, la Communauté se doit en effet d’attacher une
importance particulière au fait que, conformément à l’article 24 de la charte des Nations unies,
l’adoption, par le Conseil de sécurité, de résolutions au titre du chapitre VII de cette charte constitue
l’exercice de la responsabilité principale dont est investi cet organe international pour maintenir, à
l’échelle mondiale, la paix et la sécurité, responsabilité qui, dans le cadre dudit chapitre VII, inclut le
pouvoir de déterminer ce qui constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales ainsi que
de prendre les mesures nécessaires pour les maintenir ou les rétablir.

295 Il convient ensuite de constater que les compétences prévues aux articles 60 CE et 301 CE ne
peuvent être exercées qu’à la suite de l’adoption d’une position commune ou d’une action commune en
vertu des dispositions du traité UE relatives à la PESC qui prévoit une action de la Communauté.

296 Or, si, du fait de l’adoption d’un tel acte, la Communauté est tenue de prendre, dans le cadre du
traité CE, les mesures qu’impose cet acte, cette obligation implique, lorsqu’il s’agit de la mise en œuvre
d’une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies,
que, lors de l’élaboration de ces mesures, la Communauté tienne dûment compte des termes et des
objectifs de la résolution concernée ainsi que des obligations pertinentes découlant de la charte des
Nations unies relatives à une telle mise en œuvre.

297 Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que, aux fins de l’interprétation du règlement litigieux, il y a
également lieu de tenir compte du texte et de l’objet de la résolution 1390 (2002), que ce règlement,
selon son quatrième considérant, vise à mettre en œuvre (arrêt Möllendorf et Möllendorf-Niehuus,
précité, point 54 et jurisprudence citée).

298 Il y a toutefois lieu de relever que la charte des Nations unies n’impose pas le choix d’un modèle
déterminé pour la mise en œuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre
VII de cette charte, cette mise en œuvre devant intervenir conformément aux modalités applicables à cet
égard dans l’ordre juridique interne de chaque membre de l’ONU. En effet, la charte des Nations unies
laisse en principe aux membres de l’ONU le libre choix entre différents modèles possibles de réception
dans leur ordre juridique interne de telles résolutions.

299 Il découle de l’ensemble de ces considérations que les principes régissant l’ordre juridique
international issu des Nations unies n’impliquent pas qu’un contrôle juridictionnel de la légalité interne
du règlement litigieux au regard des droits fondamentaux serait exclu en raison du fait que cet acte vise
à mettre en œuvre une résolution du Conseil de sécurité adoptée au titre du chapitre VII de la charte des
Nations unies.

300 Une telle immunité juridictionnelle d’un acte communautaire tel que le règlement litigieux, en
tant que corollaire du principe de primauté au plan du droit international des obligations issues de la
charte des Nations unies, en particulier de celles relatives à la mise en œuvre des résolutions du Conseil
de sécurité adoptées au titre du chapitre VII de cette charte, ne trouve par ailleurs aucun fondement dans
le traité CE.

301 Il est certes exact que la Cour a déjà admis que l’article 234 du traité CE (devenu, après
modification, article 307 CE) pouvait, si ses conditions d’application étaient réunies, permettre des
dérogations même au droit primaire, par exemple à l’article 113 du traité CE, relatif à la politique
commerciale commune (voir, en ce sens, arrêt Centro-Com, précité, points 56 à 61).

302 Il est également vrai que l’article 297 CE permet implicitement des entraves au fonctionnement
du marché commun qui seraient causées par des mesures qu’un État membre adopterait pour mettre en
œuvre des engagements internationaux qu’il a contractés en vue de maintenir la paix et la sécurité
internationales.

5
303 Toutefois, ces dispositions ne sauraient être comprises comme autorisant une dérogation aux
principes de la liberté, de la démocratie ainsi que du respect des droits de l’homme et des libertés
fondamentales consacrés à l’article 6, paragraphe 1, UE en tant que fondement de l’Union.

304 L’article 307 CE ne pourrait en effet en aucun cas permettre la remise en cause des principes qui
relèvent des fondements mêmes de l’ordre juridique communautaire, parmi lesquels celui de la
protection des droits fondamentaux, qui inclut le contrôle par le juge communautaire de la légalité des
actes communautaires quant à leur conformité avec ces droits fondamentaux.

305 Une immunité juridictionnelle du règlement litigieux quant au contrôle de la compatibilité de


celui-ci avec les droits fondamentaux qui trouverait sa source dans une prétendue primauté absolue des
résolutions du Conseil de sécurité que cet acte vise à mettre en œuvre ne pourrait pas non plus être
fondée sur la place qu’occuperaient les obligations découlant de la charte des Nations unies dans la
hiérarchie des normes au sein de l’ordre juridique communautaire si ces obligations étaient classifiées
dans cette hiérarchie.

306 En effet, l’article 300, paragraphe 7, CE prévoit que les accords conclus selon les conditions fixées
à cet article lient les institutions de la Communauté et les États membres.

307 Ainsi, en vertu de cette disposition, si elle était applicable à la charte des Nations unies, cette
dernière bénéficierait de la primauté sur les actes de droit communautaire dérivé (voir, en ce sens, arrêt
du 3 juin 2008, Intertanko e.a., C-308/06, non encore publié au Recueil, point 42 et jurisprudence citée).

308 Toutefois, cette primauté au plan du droit communautaire ne s’étendrait pas au droit primaire et,
en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux.

309 Cette interprétation est corroborée par le paragraphe 6 du même article 300 CE, selon lequel un
accord international ne peut entrer en vigueur si la Cour a rendu un avis négatif sur sa compatibilité avec
le traité CE, à moins que celui-ci n’ait été modifié au préalable.

310 Il a cependant été soutenu devant la Cour, notamment lors de l’audience, que, à l’instar de la Cour
européenne des droits de l’homme, qui, dans plusieurs décisions récentes, s’est déclarée incompétente
pour contrôler la conformité de certains actes intervenus dans le cadre de la mise en œuvre de résolutions
adoptées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies, les juridictions
communautaires devraient s’abstenir de contrôler la légalité du règlement litigieux au regard des droits
fondamentaux, dès lors que cet acte vise également à mettre en œuvre de telles résolutions.

311 À cet égard, il convient de constater que, ainsi que l’a d’ailleurs relevé la Cour européenne des
droits de l’homme elle-même, une différence fondamentale existe entre la nature des actes concernés
par lesdites décisions, à l’égard desquels cette juridiction s’est déclarée incompétente pour exercer un
contrôle de conformité par rapport à la CEDH, et celle d’autres actes pour lesquels sa compétence
apparaît incontestable (voir Cour eur. D. H., décision Behrami et Behrami c. France et Saramati c.
France, Allemagne et Norvège du 2 mai 2007, non encore publiée au Recueil des arrêts et décisions, §
151).

312 En effet, si, dans certaines affaires dont elle a été saisie, la Cour européenne des droits de l’homme
s’est déclarée incompétente ratione personae, celles-ci concernaient des actions directement imputables
à l’ONU en tant qu’organisation à vocation universelle remplissant un objectif impératif de sécurité
collective, en particulier des actions d’un organe subsidiaire de l’ONU instauré dans le cadre du chapitre
VII de la charte des Nations unies ou des actions se situant dans le cadre de l’exercice de pouvoirs
valablement délégués par le Conseil de sécurité en application de ce même chapitre, et non des actions
imputables aux États défendeurs devant ladite Cour, ces actions n’ayant par ailleurs pas eu lieu sur le
territoire de ces États et n’ayant pas découlé d’une décision des autorités de ceux-ci.

6
313 En revanche, au paragraphe 151 de la décision Behrami et Behrami c. France et Saramati c.
France, Allemagne et Norvège, précitée, la Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que, dans
l’affaire ayant donné lieu à son arrêt Bosphorus Hava Yolları Turizm ve Ticaret Anonim Şirketi c.
Irlande, précité, concernant une mesure de saisie mise en œuvre par les autorités de l’État défendeur sur
son territoire national à la suite d’une décision d’un ministre de cet État, elle a reconnu sa compétence,
notamment ratione personae, vis-à-vis de l’État défendeur, bien que la mesure en cause eût été décidée
sur la base d’un règlement communautaire pris lui-même en application d’une résolution du Conseil de
sécurité.

314 En l’espèce, il y a lieu de constater que le règlement litigieux ne saurait être considéré comme
constituant un acte directement imputable à l’ONU en tant qu’action relevant de l’un des organes
subsidiaires de celle-ci instaurés dans le cadre du chapitre VII de la charte des Nations unies ou se situant
dans le cadre de l’exercice de pouvoirs valablement délégués par le Conseil de sécurité en application
de ce même chapitre.

315 En outre, et en tout état de cause, la question de la compétence de la Cour pour se prononcer sur
la validité du règlement litigieux se pose dans un cadre fondamentalement différent.

316 En effet, ainsi qu’il a déjà été rappelé aux points 281 à 284 du présent arrêt, le contrôle, par la
Cour, de la validité de tout acte communautaire au regard des droits fondamentaux doit être considéré
comme l’expression, dans une communauté de droit, d’une garantie constitutionnelle découlant du traité
CE en tant que système juridique autonome à laquelle un accord international ne saurait porter atteinte.

317 La question de la compétence de la Cour se pose en effet dans le cadre de l’ordre juridique interne
et autonome de la Communauté, dont relève le règlement litigieux, et dans lequel la Cour est compétente
pour contrôler la validité des actes communautaires au regard des droits fondamentaux.

318 Il a en outre été soutenu que, eu égard à la déférence s’imposant aux institutions communautaires
à l’égard des institutions des Nations unies, la Cour devrait renoncer à exercer un contrôle de la légalité
du règlement litigieux au regard des droits fondamentaux, même si un tel contrôle était possible, dès
lors que, dans le cadre du régime de sanctions instauré par les Nations unies, compte tenu en particulier
de la procédure de réexamen telle qu’elle a été récemment améliorée de manière significative par
plusieurs résolutions du Conseil de sécurité, les droits fondamentaux sont suffisamment protégés.

319 Selon la Commission, tant que, dans ledit régime de sanctions, les particuliers ou entités concernés
ont une possibilité acceptable d’être entendus grâce à un mécanisme de contrôle administratif s’intégrant
dans le système juridique des Nations unies, la Cour ne devrait intervenir d’aucune façon.

320 À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, si, effectivement, à la suite de l’adoption par
le Conseil de sécurité de plusieurs résolutions, des modifications ont été apportées au régime des
mesures restrictives instauré par les Nations unies pour ce qui concerne tant l’inscription sur la liste
récapitulative que la radiation de celle-ci [voir, spécialement, les résolutions 1730 (2006), du 19
décembre 2006, et 1735 (2006), du 22 décembre 2006], ces modifications sont intervenues
postérieurement à l’adoption du règlement litigieux, de sorte que, en principe, elles ne sauraient être
prises en compte dans le cadre des présents pourvois.

321 En tout état de cause, l’existence, dans le cadre de ce régime des Nations unies, de la procédure
de réexamen devant le comité des sanctions, même en tenant compte des modifications récentes
apportées à celle-ci, ne peut entraîner une immunité juridictionnelle généralisée dans le cadre de l’ordre
juridique interne de la Communauté.

322 En effet, une telle immunité, qui constituerait une dérogation importante au régime de protection
juridictionnelle des droits fondamentaux prévu par le traité CE, n’apparaît pas justifiée, dès lors que
cette procédure de réexamen n’offre manifestement pas les garanties d’une protection juridictionnelle.

7
323 À cet égard, s’il est désormais possible pour toute personne ou entité de s’adresser directement au
comité des sanctions en soumettant sa demande de radiation de la liste récapitulative au point dit «focal»,
force est de constater que la procédure devant ce comité demeure essentiellement de nature diplomatique
et interétatique, les personnes ou entités concernées n’ayant pas de possibilité réelle de défendre leurs
droits et ledit comité prenant ses décisions par consensus, chacun de ses membres disposant d’un droit
de veto.

324 Il ressort à cet égard des directives du comité des sanctions, telles que modifiées en dernier lieu
le 12 février 2007, que le requérant ayant présenté une demande de radiation ne peut en aucune manière
faire valoir lui-même ses droits lors de la procédure devant le comité des sanctions ni se faire représenter
à cet effet, le gouvernement de l’État de sa résidence ou de sa nationalité ayant seul la faculté de
transmettre éventuellement des observations sur cette demande.

325 En outre, lesdites directives n’imposent pas au comité des sanctions de communiquer audit
requérant les raisons et les éléments de preuve justifiant l’inscription de celui-ci sur la liste récapitulative
ni de lui donner un accès, même limité, à ces données. Enfin, en cas de rejet de la demande de radiation
par ce comité, aucune obligation de motivation ne pèse sur ce dernier.

326 Il découle de ce qui précède que les juridictions communautaires doivent, conformément aux
compétences dont elles sont investies en vertu du traité CE, assurer un contrôle, en principe complet, de
la légalité de l’ensemble des actes communautaires au regard des droits fondamentaux faisant partie
intégrante des principes généraux du droit communautaire, y compris sur les actes communautaires qui,
tel le règlement litigieux, visent à mettre en œuvre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité
au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies.

327 Partant, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 212 à 231 de l’arrêt attaqué
Kadi ainsi que 263 à 282 de l’arrêt attaqué Yusuf et Al Barakaat, qu’il découle des principes régissant
l’articulation des rapports entre l’ordre juridique international issu des Nations unies et l’ordre juridique
communautaire que le règlement litigieux, dès lors qu’il vise à mettre en œuvre une résolution adoptée
par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte des Nations unies ne laissant aucune marge
à cet effet, doit bénéficier d’une immunité juridictionnelle quant à sa légalité interne sauf pour ce qui
concerne sa compatibilité avec les normes relevant du jus cogens.

DOCUMENT 4 - CJUE, 26 FEVRIER 2013, STEFANO MELLONI C. MINISTERIO FISCAL, AFF. C-


399/11 (EXTRAITS)
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation et, le cas échéant, sur la
validité de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13
juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres
(JO L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février
2009 (JO L 81, p. 24, ci-après la «décision-cadre 2002/584»). Elle invite également la Cour à
examiner, le cas échéant, la question de savoir si un État membre peut refuser d’exécuter un
mandat d’arrêt européen sur le fondement de l’article 53 de la charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne (ci-après la «Charte») pour un motif tiré de la violation des droits
fondamentaux de la personne concernée garantis par la Constitution nationale.
47. […] Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi interroge, en substance, la Cour sur
la compatibilité de l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 avec les
exigences qui découlent du droit à un recours effectif et à un procès équitable prévu à l’article
47 de la Charte ainsi que des droits de la défense garantis par l’article 48, paragraphe 2, de celle-
ci.
48. Il doit être rappelé que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, TUE, l’Union reconnaît
les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte, «laquelle a la même valeur
juridique que les traités».

8
49. En ce qui concerne la portée du droit à un recours effectif et à un procès équitable prévu à
l’article 47 de la Charte ainsi que des droits de la défense garantis par l’article 48, paragraphe
2, de celle-ci, il convient de préciser que, si le droit de l’accusé de comparaître en personne au
procès constitue un élément essentiel du droit à un procès équitable, ce droit n’est pas absolu
(voir, notamment, arrêt du 6 septembre 2012, Trade Agency, C-619/10, non encore publié au
Recueil, points 52 et 55). L’accusé peut y renoncer, de son plein gré, de manière expresse ou
tacite, à condition que la renonciation soit établie de manière non équivoque, qu’elle s’entoure
d’un minimum de garanties correspondant à sa gravité et qu’elle ne se heurte à aucun intérêt
public important. En particulier, la violation du droit à un procès équitable n’est pas établie,
quand bien même l’accusé n’aurait pas comparu en personne, dès lors qu’il a été informé de la
date et du lieu du procès ou a été défendu par un conseil juridique, auquel il a donné mandat à
cet effet.
50. Cette interprétation des articles 47 et 48, paragraphe 2, de la Charte est en harmonie avec la
portée reconnue aux droits garantis par l’article 6, paragraphes 1 et 3, de la CEDH par la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (voir, notamment, Cour eur. D. H.,
arrêts Medenica c. Suisse du 14 juin 2001, requête n° 20491/92, § 56 à 59; Sejdovic c. Italie du
1 er mars 2006, requête n° 56581/00, Recueil des arrêts et décisions 2006-II, § 84, 86 et 98,
ainsi que Haralampiev c. Bulgarie du 24 avril 2012, requête n° 29648/03, § 32 et 33).
51. Il convient de relever, en outre, que l’harmonisation des conditions d’exécution des mandats
d’arrêt européens délivrés aux fins d’exécution des décisions rendues à l’issue d’un procès
auquel l’intéressé n’a pas comparu en personne, réalisée par la décision-cadre 2009/299 tend,
comme l’indique l’article 1 er de celle-ci, à renforcer les droits procéduraux des personnes
faisant l’objet d’une procédure pénale, tout en améliorant la reconnaissance mutuelle des
décisions judiciaires entre les États membres.
52. Ainsi, l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 énonce, sous a) et b), les
conditions dans lesquelles l’intéressé doit être réputé avoir renoncé volontairement et de
manière non équivoque à être présent à son procès, de sorte que l’exécution du mandat d’arrêt
européen aux fins d’exécution de la peine par la personne condamnée par défaut ne saurait être
subordonnée à la condition qu’elle puisse bénéficier d’une nouvelle procédure de jugement en
sa présence dans l’État membre d’émission. Il en est ainsi soit, comme le mentionne le
paragraphe 1, sous a), lorsque l’intéressé n’a pas comparu en personne au procès bien qu’il ait
été cité à personne ou officiellement informé de la date et du lieu fixés pour celui-ci, soit,
comme l’indique le même paragraphe, sous b), lorsque, ayant eu connaissance du procès prévu,
il a choisi d’être représenté par un conseil juridique plutôt que de comparaître en personne.
Quant audit paragraphe 1, sous c) et d), il énonce les cas dans lesquels l’autorité judiciaire
d’exécution est tenue d’exécuter le mandat d’arrêt européen bien que l’intéressé soit en droit de
bénéficier d’une nouvelle procédure de jugement, dès lors que ledit mandat d’arrêt indique soit
que l’intéressé n’a pas demandé à bénéficier d’une nouvelle procédure de jugement, soit qu’il
sera expressément informé de son droit à une nouvelle procédure de jugement.
53. Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la
décision-cadre 2002/584 ne méconnaît ni le droit à un recours effectif et à un procès équitable
ni les droits de la défense garantis respectivement par les articles 47 et 48, paragraphe 2, de la
Charte.
54. Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question
que l’article 4 bis, paragraphe 1, de la décision-cadre 2002/584 est compatible avec les
exigences découlant des articles 47 et 48, paragraphe 2, de la Charte.
55. […] Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article
53 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il permet à l’État membre d’exécution de
subordonner la remise d’une personne condamnée par défaut à la condition que la

9
condamnation puisse être révisée dans l’État membre d’émission, afin d’éviter une atteinte au
droit à un procès équitable et aux droits de la défense garantis par sa Constitution.
56. À cet égard, la juridiction de renvoi envisage d’emblée l’interprétation selon laquelle
l’article 53 de la Charte autoriserait de manière générale un État membre à appliquer le standard
de protection des droits fondamentaux garanti par sa Constitution lorsqu’il est plus élevé que
celui qui découle de la Charte et à l’opposer, le cas échéant, à l’application de dispositions du
droit de l’Union. Une telle interprétation permettrait, en particulier, à un État membre de
subordonner l’exécution d’un mandat d’arrêt européen délivré en vue d’exécuter un jugement
rendu par défaut à des conditions ayant pour objet d’éviter une interprétation limitant les droits
fondamentaux reconnus par sa Constitution ou portant atteinte à ceux-ci, quand bien même
l’application de telles conditions ne serait pas autorisée par l’article 4 bis, paragraphe 1, de la
décision-cadre 2002/584.
57. Une telle interprétation de l’article 53 de la Charte ne saurait être retenue.
58. En effet, cette interprétation de l’article 53 de la Charte porterait atteinte au principe de la
primauté du droit de l’Union, en ce qu’elle permettrait à un État membre de faire obstacle à
l’application d’actes du droit de l’Union pleinement conformes à la Charte, dès lors qu’ils ne
respecteraient pas les droits fondamentaux garantis par la Constitution de cet État.
59. Il est, en effet, de jurisprudence bien établie qu’en vertu du principe de la primauté du droit
de l’Union, qui est une caractéristique essentielle de l’ordre juridique de l’Union (voir avis 1/91,
du 14 décembre 1991, Rec. p. I-6079, point 21, et 1/09, du 8 mars 2011, non encore publié au
Recueil, point 65), le fait pour un État membre d’invoquer des dispositions de droit national,
fussent-elles d’ordre constitutionnel, ne saurait affecter l’effet du droit de l’Union sur le
territoire de cet État (voir en ce sens, notamment, arrêts du 17 décembre 1970, Internationale
Handelsgesellschaft, 11/70, Rec. p. 1125, point 3, et du 8 septembre 2010, Winner Wetten,
C-409/06, Rec. p. I-8015, point 61).
60. Certes, l’article 53 de la Charte confirme que, lorsqu’un acte du droit de l’Union appelle
des mesures nationales de mise en œuvre, il reste loisible aux autorités et aux juridictions
nationales d’appliquer des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, pourvu
que cette application ne compromette pas le niveau de protection prévu par la Charte, telle
qu’interprétée par la Cour, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union.
61. Toutefois, ainsi qu’il ressort du point 40 du présent arrêt, l’article 4 bis, paragraphe 1, de la
décision-cadre 2002/584 n’accorde pas aux États membres la faculté de refuser l’exécution d’un
mandat d’arrêt européen lorsque l’intéressé se trouve dans l’un des quatre cas de figure
énumérés à cette disposition.
62. Il convient de rappeler par ailleurs que l’adoption de la décision-cadre 2009/299, qui a inséré
ladite disposition dans la décision-cadre 2002/584, vise à remédier aux difficultés de la
reconnaissance mutuelle des décisions rendues en l’absence de la personne concernée à son
procès résultant de l’existence, dans les États membres, de différences dans la protection des
droits fondamentaux. À cet effet, cette décision-cadre procède à une harmonisation des
conditions d’exécution d’un mandat d’arrêt européen en cas de condamnation par défaut, qui
reflète le consensus auquel sont parvenus les États membres dans leur ensemble au sujet de la
portée qu’il convient de donner, au titre du droit de l’Union, aux droits procéduraux dont
bénéficient les personnes condamnées par défaut qui font l’objet d’un mandat d’arrêt européen.
63. Par conséquent, permettre à un État membre de se prévaloir de l’article 53 de la Charte pour
subordonner la remise d’une personne condamnée par défaut à la condition, non prévue par la
décision-cadre 2009/299, que la condamnation puisse être révisée dans l’État membre
d’émission, afin d’éviter qu’une atteinte soit portée au droit à un procès équitable et aux droits
de la défense garantis par la Constitution de l’État membre d’exécution, aboutirait, en remettant
en cause l’uniformité du standard de protection des droits fondamentaux défini par cette

10
décision-cadre, à porter atteinte aux principes de confiance et de reconnaissance mutuelles que
celle-ci tend à conforter et, partant, à compromettre l’effectivité de ladite décision-cadre.

DOCUMENT 5 - CJUE, ASS.,18 DECEMBRE 2014, AVIS 2/13, ADHESION DE L’UE A LA CEDH

(…) B – Sur le fond


1. Considérations liminaires
153. Avant même d’entamer l’analyse de la demande de la Commission, il importe de relever,
à titre liminaire, que, à la différence de l’état du droit communautaire en vigueur à la date à
laquelle la Cour a rendu son avis 2/94 (EU:C:1996:140), l’adhésion de l’Union à la CEDH
dispose, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, d’une base juridique spécifique dans
l’article 6TUE.
154. Cette adhésion resterait cependant caractérisée par d’importantes particularités.
155. En effet, depuis l’adoption de la CEDH, seules des entités étatiques pouvaient y être
parties, ce qui explique que, à ce jour, cette convention ne lie que des États. Cela est d’ailleurs
corroboré par la circonstance que, afin de permettre l’adhésion de l’Union, non seulement
l’article 59 de la CEDH a été modifié, mais l’accord envisagé lui-même contient une série de
modifications de cette convention pour rendre cette adhésion opérationnelle dans le cadre du
système qu’elle-même établit.
156. Or, ces modifications se justifient précisément par la circonstance que, contrairement à
toute autre Partie contractante, l’Union, du point de vue du droit international, ne peut pas, en
raison de sa nature même, être considérée comme un État.
157. En effet, comme la Cour l’a itérativement constaté, les traités fondateurs de l’Union ont, à
la différence des traités internationaux ordinaires, instauré un nouvel ordre juridique, doté
d’institutions propres, au profit duquel les États qui en sont membres ont limité, dans des
domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement
ces États, mais également leurs ressortissants (voir, notamment, arrêts van Gend & Loos, 26/62,
EU:C:1963:1, p. 23, et Costa, 6/64, EU:C:1964:66, p. 1158, ainsi que avis 1/09,
EU:C:2011:123, point 65).
158. Or, la circonstance que l’Union est dotée d’un ordre juridique d’un genre nouveau, ayant
une nature qui lui est spécifique, un cadre constitutionnel et des principes fondateurs qui lui
sont propres, une structure institutionnelle particulièrement élaborée ainsi qu’un ensemble
complet de règles juridiques qui en assurent le fonctionnement, entraîne des conséquences en
ce qui concerne la procédure et les conditions d’une adhésion à la CEDH.
159. C’est précisément en considération de cette circonstance que les traités soumettent cette
adhésion au respect de diverses conditions.
160. Ainsi, tout d’abord, après avoir disposé que l’Union adhère à la CEDH, l’article 6,
paragraphe 2, TUE précise d’emblée, dans sa seconde phrase, que «[c]ette adhésion ne modifie
pas les compétences de l’Union telles qu’elles sont définies dans les traités».
161. Ensuite, le protocole n° 8 UE, qui a la même valeur juridique que les traités, prévoit
notamment que l’accord d’adhésion doit refléter la nécessité de préserver les caractéristiques
spécifiques de l’Union et du droit de l’Union et garantir que l’adhésion n’affecte ni les
compétences de l’Union, ni les attributions de ses institutions, ni la situation particulière des
États membres à l’égard de la CEDH, non plus que l’article 344 TFUE.
162. Enfin, par la déclaration ad article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne, la
Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne a convenu que l’adhésion
doit être effectuée selon des modalités permettant de préserver les spécificités de l’ordre
juridique de l’Union.

11
163. C’est à la lumière notamment de ces dispositions qu’il incombe à la Cour, dans le cadre
de la mission qui lui est confiée par l’article 19, paragraphe 1, premier alinéa, TUE, de contrôler
que les modalités juridiques selon lesquelles l’adhésion de l’Union à la CEDH est envisagée
soient en conformité avec les prescriptions indiquées et, de manière plus générale, avec la charte
constitutionnelle de base de l’Union que sont les traités (arrêt Les Verts/Parlement, 294/83,
EU:C:1986:166, point 23).
164. Afin d’effectuer un tel contrôle, il importe de relever que, ainsi qu’il ressort des points 160
à 162 du présent avis, les conditions auxquelles les traités subordonnent l’adhésion visent, tout
particulièrement, à garantir que celle-ci n’affecte pas les caractéristiques spécifiques de l’Union
et de son droit.
165. À cet égard, il convient de rappeler que, parmi ces caractéristiques figurent celles relatives
à la structure constitutionnelle de l’Union, qui se reflète dans le principe d’attribution des
compétences visé aux articles 4, paragraphe 1, et 5, paragraphes 1 et 2, TUE, ainsi que dans le
cadre institutionnel défini aux articles 13 TUE à 19 TUE.
166. À cela s’ajoutent les caractéristiques spécifiques tenant à la nature même du droit de
l’Union. En particulier, comme la Cour l’a relevé à maintes reprises, le droit de l’Union se
caractérise par le fait d’être issu d’une source autonome, constituée par les traités, par sa
primauté par rapport aux droits des États membres (voir, en ce sens, arrêts Costa,
EU:C:1964:66, p. 1159 et 1160, ainsi que Internationale Handelsgesellschaft, EU:C:1970:114,
point 3; avis 1/91, EU:C:1991:490, point 21; 1/09, EU:C:2011:123, point 65, et arrêt Melloni,
C-399/11, EU:C:2013:107, point 59) ainsi que par l’effet direct de toute une série de
dispositions applicables à leurs ressortissants et à eux-mêmes (arrêt van Gend & Loos,
EU:C:1963:1, p. 23, et avis 1/09, EU:C:2011:123, point 65).
167. Ces caractéristiques essentielles du droit de l’Union ont donné lieu à un réseau structuré
de principes, de règles et de relations juridiques mutuellement interdépendantes liant,
réciproquement, l’Union elle-même et ses États membres, ainsi que ceux-ci entre eux, lesquels
sont désormais engagés, comme il est rappelé à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, dans un
«processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe».
168. Une telle construction juridique repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque
État membre partage avec tous les autres États membres, et reconnaît que ceux-ci partagent
avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée, comme il est précisé
à l’article 2 TUE. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre
les États membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de
l’Union qui les met en œuvre.
169. Figurent d’ailleurs au cœur de cette construction juridique les droits fondamentaux, tels
que reconnus par la Charte – laquelle, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même
valeur juridique que les traités –, le respect de ces droits constituant une condition de la légalité
des actes de l’Union, de sorte que ne sauraient être admises dans l’Union des mesures
incompatibles avec ces mêmes droits (voir arrêts ERT, C-260/89, EU:C:1991:254, point 41;
Kremzow, C-299/95, EU:C:1997:254, point 14; Schmidberger, C-112/00, EU:C:2003:333,
point 73, ainsi que Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission,
EU:C:2008:461, points 283 et 284).
170. Or, l’autonomie dont jouit le droit de l’Union par rapport aux droits des États membres
ainsi que par rapport au droit international impose que l’interprétation de ces droits
fondamentaux soit assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de l’Union (voir, en ce
sens, arrêt Internationale Handelsgesellschaft, EU:C:1970:114, point 4, ainsi que Kadi et Al
Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, EU:C:2008:461, points 281 à 285).
171. S’agissant de la structure de l’Union, il importe de souligner que le respect de la Charte
s’impose non seulement aux institutions, organes et organismes de l’Union, mais également

12
aux États membres lorsque ces derniers mettent en œuvre le droit de l’Union (voir, en ce sens,
arrêt Åkerberg Fransson, C-617/10, EU:C:2013:105, points 17 à 21).
172. La poursuite des objectifs de l’Union, tels que rappelés à l’article 3 TUE, est, pour sa part,
confiée à une série de dispositions fondamentales, telles que celles prévoyant la liberté de
circulation des marchandises, des services, des capitaux et des personnes, la citoyenneté de
l’Union, l’espace de liberté, de sécurité et de justice ainsi que la politique de concurrence. Ces
dispositions, s’insérant dans le cadre d’un système propre à l’Union, sont structurées de manière
à contribuer, chacune dans son domaine spécifique et avec ses caractéristiques particulières, à
la réalisation du processus d’intégration qui est la raison d’être de l’Union elle-même.
173. De même, il incombe aux États membres, notamment, en vertu du principe de coopération
loyale, énoncé à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, d’assurer, sur leurs territoires
respectifs, l’application et le respect du droit de l’Union. En outre, en vertu du deuxième alinéa
du même paragraphe, les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre
à assurer l’exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions
de l’Union (avis 1/09, EU:C:2011:123, point 68 et jurisprudence citée).
174. Pour garantir la préservation des caractéristiques spécifiques et de l’autonomie de cet ordre
juridique, les traités ont institué un système juridictionnel destiné à assurer la cohérence et
l’unité dans l’interprétation du droit de l’Union.
175. Dans ce cadre, il appartient aux juridictions nationales et à la Cour de garantir la pleine
application du droit de l’Union dans l’ensemble des États membres ainsi que la protection
juridictionnelle des droits que les justiciables tirent dudit droit (avis 1/09, EU:C:2011:123, point
68 et jurisprudence citée).
176. En particulier, la clef de voute du système juridictionnel ainsi conçu est constituée par la
procédure du renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE qui, en instaurant un dialogue de
juge à juge précisément entre la Cour et les juridictions des États membres, a pour but d’assurer
l’unité d’interprétation du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt van Gend & Loos,
EU:C:1963:1, p. 23), permettant ainsi d’assurer sa cohérence, son plein effet et son autonomie
ainsi que, en dernière instance, le caractère propre du droit institué par les traités (voir, en ce
sens, avis 1/09, EU:C:2011:123, points 67 et 83).
177. C’est dès lors dans le respect de ce cadre constitutionnel, rappelé aux points 155 à 176 du
présent avis, que les droits fondamentaux, tels que reconnus en particulier par la Charte, doivent
être interprétés et appliqués au sein de l’Union.
2. Sur la compatibilité de l’accord envisagé avec le droit primaire de l’Union
178. Afin de prendre position sur la demande d’avis de la Commission, il importe tant de
vérifier si l’accord envisagé est susceptible de porter atteinte aux caractéristiques spécifiques
du droit de l’Union qui viennent d’être rappelées et, comme la Commission elle-même l’a
souligné, à l’autonomie de ce droit dans l’interprétation et l’application des droits
fondamentaux – tels que reconnus par le droit de l’Union et, notamment, par la Charte –, que
d’examiner si les mécanismes institutionnels et procéduraux prévus par cet accord assurent le
respect des conditions auxquelles les traités ont soumis l’adhésion de l’Union à la CEDH.

a) Sur les caractéristiques spécifiques et l’autonomie du droit de l’Union


179. Il convient de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits
fondamentaux, tels que garantis par la CEDH, font partie du droit de l’Union en tant que
principes généraux. Toutefois, en l’absence d’adhésion de l’Union à cette convention, celle-ci
ne constitue pas un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union
(voir, en ce sens, arrêts Kamberaj, C-571/10, EU:C:2012:233, point 60, et Åkerberg Fransson,
EU:C:2013:105, point 44).

13
180. En revanche, du fait de l’adhésion, la CEDH, comme tout autre accord international conclu
par l’Union, lierait, en vertu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, les institutions de l’Union et
les États membres et ferait, dès lors, partie intégrante du droit de l’Union (arrêt Haegeman,
181/73, EU:C:1974:41, point 5; avis 1/91, EU:C:1991:490, point 37; arrêts IATA et ELFAA,
C-344/04, EU:C:2006:10, point 36, ainsi que Air Transport Association of America e.a.,
C-366/10, EU:C:2011:864, point 73).
181. Ainsi, l’Union, comme toute autre Partie contractante, serait soumise à un contrôle externe
ayant pour objet le respect des droits et des libertés que l’Union s’engagerait à respecter
conformément à l’article 1er de la CEDH. Dans ce contexte, l’Union et ses institutions, y
compris la Cour, seraient soumises aux mécanismes de contrôle prévus par cette convention et,
en particulier, aux décisions et aux arrêts de la Cour EDH.
182. À cet égard, la Cour a certes déjà précisé qu’un accord international, prévoyant la création
d’une juridiction chargée de l’interprétation de ses dispositions et dont les décisions lient les
institutions, y compris la Cour, n’est, en principe, pas incompatible avec le droit de l’Union, ce
qui est d’autant plus le cas lorsque, comme en l’occurrence, la conclusion d’un tel accord est
prévue par les traités eux-mêmes. En effet, la compétence de l’Union en matière de relations
internationales et sa capacité à conclure des accords internationaux comportent nécessairement
la faculté de se soumettre aux décisions d’une juridiction créée ou désignée en vertu de tels
accords, pour ce qui concerne l’interprétation et l’application de leurs dispositions (voir avis
1/91, EU:C:1991:490, points 40 et 70, ainsi que 1/09, EU:C:2011:123, point 74).
183. Toutefois, la Cour a également précisé qu’un accord international ne peut avoir des
incidences sur ses propres compétences que si les conditions essentielles de préservation de la
nature de celles-ci sont remplies et que, partant, il n’est pas porté atteinte à l’autonomie de
l’ordre juridique de l’Union (voir avis 1/00, EU:C:2002:231, points 21, 23 et 26, ainsi que 1/09,
EU:C:2011:123, point 76; voir également, en ce sens, arrêt Kadi et Al Barakaat International
Foundation/Conseil et Commission, EU:C:2008:461, point 282).
184. En particulier, l’intervention des organes investis de compétences décisionnelles par la
CEDH, telle que prévue dans l’accord envisagé, ne doit pas avoir pour effet d’imposer à l’Union
et à ses institutions, dans l’exercice de leurs compétences internes, une interprétation
déterminée des règles du droit de l’Union (voir avis 1/91, EU:C:1991:490, points 30 à 35, ainsi
que 1/00, EU:C:2002:231, point 13).
185. Or, il est certes inhérent à la notion même de contrôle externe que, d’une part,
l’interprétation de la CEDH fournie par la Cour EDH lierait, en vertu du droit international,
l’Union et ses institutions, y compris la Cour, et que, d’autre part, l’interprétation donnée par la
Cour d’un droit reconnu par cette convention ne lierait pas les mécanismes de contrôle prévus
par cette dernière et, tout particulièrement, la Cour EDH, comme il est prévu à l’article 3,
paragraphe 6, du projet d’accord et précisé au paragraphe 68 du projet de rapport explicatif.
186. Il ne saurait toutefois en aller de même en ce qui concerne l’interprétation que la Cour
donne du droit de l’Union, y compris de la Charte. En particulier, les appréciations de la Cour
relatives au champ d’application matériel du droit de l’Union, aux fins, notamment, de
déterminer si un État membre est tenu au respect des droits fondamentaux de l’Union, ne
devraient pas pouvoir être mises en cause par la Cour EDH.
187. À cet égard, il importe, en premier lieu, de rappeler que l’article 53 de la Charte prévoit
qu’aucune disposition de celle-ci ne doit être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux
droits fondamentaux reconnus, dans leur champ d’application respectif, par le droit de l’Union,
le droit international et les conventions internationales auxquelles sont parties l’Union ou tous
les États membres, et notamment la CEDH, ainsi que par les Constitutions de ces derniers.
188. Or, la Cour a interprété cette disposition dans le sens que l’application de standards
nationaux de protection des droits fondamentaux ne doit pas compromettre le niveau de

14
protection prévu par la Charte ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’Union (arrêt
Melloni, EU:C:2013:107, point 60).
189. Dans la mesure où l’article 53 de la CEDH réserve, en substance, la faculté pour les Parties
contractantes de prévoir des standards de protection des droits fondamentaux plus élevés que
ceux garantis par cette convention, il convient d’assurer la coordination entre cette disposition
et l’article 53 de la Charte, tel qu’interprété par la Cour, afin que la faculté octroyée par l’article
53 de la CEDH aux États membres demeure limitée, en ce qui concerne les droits reconnus par
la Charte correspondant à des droits garantis par ladite convention, à ce qui est nécessaire pour
éviter de compromettre le niveau de protection prévu par la Charte ainsi que la primauté, l’unité
et l’effectivité du droit de l’Union.
190. Or, aucune disposition de l’accord envisagé n’a été prévue pour assurer une telle
coordination.
191. En deuxième lieu, il convient de rappeler que le principe de la confiance mutuelle entre
les États membres a, dans le droit de l’Union, une importance fondamentale étant donné qu’il
permet la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures. Or, ce principe impose,
notamment en ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces États
de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres États membres
respectent le droit de l’Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce
droit (voir, en ce sens, arrêts N. S. e.a., C-411/10 et C-493/10, EU:C:2011:865, points 78 à 80,
ainsi que Melloni, EU:C:2013:107, points 37 et 63).
192. Ainsi, lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, les États membres peuvent être
tenus, en vertu de ce même droit, de présumer le respect des droits fondamentaux par les autres
États membres, de sorte qu’il ne leur est pas possible non seulement d’exiger d’un autre État
membre un niveau de protection national des droits fondamentaux plus élevé que celui assuré
par le droit de l’Union, mais également, sauf dans des cas exceptionnels, de vérifier si cet autre
État membre a effectivement respecté, dans un cas concret, les droits fondamentaux garantis
par l’Union.
193. Or, l’approche retenue dans le cadre de l’accord envisagé, consistant à assimiler l’Union
à un État et à réserver à cette dernière un rôle en tout point identique à celui de toute autre Partie
contractante, méconnaît précisément la nature intrinsèque de l’Union et, en particulier, omet de
prendre en considération la circonstance que les États membres, en raison de leur appartenance
à l’Union, ont accepté que les relations entre eux, en ce qui concerne les matières faisant l’objet
du transfert de compétences des États membres à l’Union, soient régies par le droit de l’Union
à l’exclusion, si telle est l’exigence de celui-ci, de tout autre droit.
194. Dans la mesure où la CEDH, en imposant de considérer l’Union et les États membres
comme des Parties contractantes non seulement dans leurs relations avec celles qui ne sont pas
des États membres de l’Union, mais également dans leurs relations réciproques, y compris
lorsque ces relations sont régies par le droit de l’Union, exigerait d’un État membre la
vérification du respect des droits fondamentaux par un autre État membre, alors même que le
droit de l’Union impose la confiance mutuelle entre ces États membres, l’adhésion est
susceptible de compromettre l’équilibre sur lequel l’Union est fondée ainsi que l’autonomie du
droit de l’Union.
195. Or, rien n’est prévu dans l’accord envisagé afin de prévenir une telle évolution.
196. En troisième lieu, il importe de souligner que le protocole n° 16 autorise les plus hautes
juridictions des États membres à adresser à la Cour EDH des demandes d’avis consultatifs sur
des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés
garantis par la CEDH ou ses protocoles, alors même que le droit de l’Union exige que, à cet
effet, ces mêmes juridictions introduisent devant la Cour une demande de décision préjudicielle
au titre de l’article 267 TFUE.

15
197. S’il est certes vrai que l’accord envisagé ne prévoit pas l’adhésion de l’Union en tant que
telle au protocole n° 16 et que celui-ci a été signé le 2 octobre 2013, c’est-à-dire après l’accord
intervenu au niveau des négociateurs sur les projets d’instruments d’adhésion, à savoir le 5 avril
2013, il n’en reste pas moins que, dès lors que la CEDH ferait partie intégrante du droit de
l’Union, le mécanisme instauré par ledit protocole pourrait, notamment lorsque sont en cause
des droits garantis par la Charte qui correspondent à ceux reconnus par la CEDH, affecter
l’autonomie et l’efficacité de la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE.
198. En particulier, il n’est pas exclu qu’une demande d’avis consultatif introduite au titre du
protocole n° 16 par une juridiction d’un État membre ayant adhéré à ce protocole puisse
déclencher la procédure de l’implication préalable de la Cour, créant ainsi un risque de
contournement de la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE, qui, ainsi
qu’il a été rappelé au point 176 du présent avis, constitue la clef de voute du système
juridictionnel institué par les traités.
199. Or, en ne prévoyant rien quant à l’articulation entre le mécanisme institué par le protocole
n° 16 et la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE, l’accord envisagé est
susceptible de porter atteinte à l’autonomie et à l’efficacité de cette dernière.
200. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’adhésion de l’Union à la
CEDH telle que prévue par le projet d’accord est susceptible de porter atteinte aux
caractéristiques spécifiques du droit de l’Union et à l’autonomie de ce dernier.

DOCUMENT 6 – CJUE, 3 JUIN 2021, TESCO STORES LTD, AFF. C-624/19


(…) Le litige au principal et les questions préjudicielles

9 Tesco Stores est un détaillant qui vend ses produits en ligne et dans 3 200 magasins situés au Royaume-
Uni. Ces magasins, de taille variable, comptent environ 250 000 travailleurs au total, rémunérés sur
une base horaire et exerçant différents types d’emplois. Cette société dispose également d’un réseau
de distribution composé de 24 centres de distribution comptant environ 11 000 employés, également
rémunérés sur une base horaire et exerçant divers types d’emplois.

10 Les parties requérantes au principal sont des employés ou d’anciens employés de Tesco Stores, tant
de sexe féminin (ci-après les « requérantes au principal ») que masculin, qui travaillent ou travaillaient
au sein des magasins de cette société. Ces parties ont attrait ladite société devant la juridiction de
renvoi, le Watford Employment Tribunal (tribunal du travail de Watford, Royaume-Uni), à compter
du mois de février 2018, au motif qu’elles n’avaient pas bénéficié d’une égalité de rémunération pour
un travail égal, en violation de la loi relative à l’égalité de 2010 ainsi que de l’article 157 TFUE.

11 Cette juridiction a sursis à statuer sur les demandes desdites parties de sexe masculin, estimant que
leur sort dépendait de celui des demandes des requérantes au principal.

12 Au soutien de leurs demandes visant à pouvoir bénéficier d’une égalité de rémunération, les
requérantes au principal font valoir, d’une part, que leur travail et celui des travailleurs masculins
employés par Tesco Stores dans les centres de distribution de son réseau sont de même valeur et,
d’autre part, qu’elles ont le droit de comparer leur travail et celui de ces travailleurs, bien que ce travail
soit accompli dans des établissements différents, tant en vertu de la loi relative à l’égalité de 2010 que
de l’article 157 TFUE. En effet, suivant l’article 79, paragraphe 4, de ladite loi, des conditions de
travail communes seraient applicables dans lesdits magasins et centres de distribution. En outre,
conformément à l’article 157 TFUE, les conditions de travail des requérantes au principal et desdits
travailleurs seraient attribuables à une source unique, à savoir Tesco Stores.

13 Cette société conteste l’existence d’un quelconque droit des requérantes au principal de se comparer
aux travailleurs masculins des centres de distribution de son réseau, au motif, d’abord, qu’il n’existe
pas de conditions de travail communes, au sens dudit article 79, paragraphe 4. Elle fait valoir, ensuite,

16
que l’article 157 TFUE n’a pas d’effet direct dans le cadre de demandes fondées sur un travail de
même valeur, de sorte que les requérantes au principal ne sauraient se prévaloir de cette disposition
devant la juridiction de renvoi. Enfin, et en tout état de cause, Tesco Stores soutient qu’elle ne peut
pas être qualifiée de « source unique » à laquelle seraient attribuables les conditions de travail dans les
magasins et les centres de distribution de son réseau.

14 La juridiction de renvoi expose que les requérantes au principal et les travailleurs masculins pris
comme points de comparaison, bien qu’employés dans des établissements différents, ont un même
employeur. Cette juridiction précise, en outre, qu’elle a adopté des mesures d’organisation de la
procédure afin d’établir, au moyen d’expertises, si les emplois des requérantes au principal ont la
même valeur que celle des emplois de leurs comparateurs.

15 S’agissant de l’article 157 TFUE, la juridiction de renvoi relève qu’il existe, au sein des juridictions
du Royaume-Uni, une incertitude quant à l’effet direct de cet article qui est liée, en particulier, à la
distinction formulée au point 18 de l’arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56), entre les
discriminations susceptibles d’être constatées à l’aide des seuls critères d’identité de travail et d’égalité
des rémunérations et celles qui ne peuvent être constatées qu’en fonction de dispositions d’application
plus explicites, du droit de l’Union ou nationales. Or, les demandes en cause au principal pourraient
relever de cette seconde catégorie, dépourvue d’effet direct.

16 Dans ces conditions, le Watford Employment Tribunal (tribunal du travail de Watford) a décidé de
surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’article 157 [TFUE] a-t-il un effet direct dans le cadre de demandes fondées sur la
circonstance que les parties requérantes effectuent un travail de même valeur que leurs
comparateurs ?

2) En cas de réponse négative à la première question, le critère de la source unique utilisé dans le
cadre de la comparaison effectuée au titre de l’article 157 TFUE doit-il être distingué de la
question de la valeur égale et, en cas de réponse affirmative à cette question, ce critère a-t-il un
effet direct ? »

Sur les questions préjudicielles

Sur la compétence de la Cour

17 À titre liminaire, il y a lieu de constater qu’il résulte de l’article 86 de l’accord de retrait, lequel est
entré en vigueur le 1er février 2020, que la Cour demeure compétente pour statuer à titre préjudiciel
sur les demandes des juridictions du Royaume-Uni présentées avant la fin de la période de transition
fixée au 31 décembre 2020, ce qui est le cas de la présente demande de décision préjudicielle.

Sur la première question

18 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 157 TFUE doit
être interprété en ce sens qu’il est doté d’un effet direct dans des litiges entre particuliers dans lesquels
est invoqué le non-respect du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et
travailleurs féminins pour un « travail de même valeur », tel que visé à cet article.

19 Ainsi qu’il résulte de la décision de renvoi, Tesco Stores a fait valoir dans la procédure au principal
que l’article 157 TFUE est dépourvu d’effet direct dans des circonstances, telles que celles prévalant
dans le cadre du litige au principal, dans lesquelles les travailleurs comparés effectuent un travail
différent. À l’appui de cette allégation, la société défenderesse au principal soutient, dans ses
observations soumises à la Cour, que le critère de « travail de même valeur », contrairement à celui
relatif à un « même travail », nécessite d’être précisé par des dispositions du droit national ou du droit
de l’Union. Par ailleurs, les considérations faites par la Cour aux points 18 à 23 de l’arrêt du 8 avril
1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56), et sa jurisprudence ultérieure corroboreraient une telle

17
interprétation. En particulier, selon cette société, en substance, l’invocation du principe de l’égalité
des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins dans le cadre de la comparaison
d’un travail de même valeur reposerait sur une allégation de discrimination qui ne saurait être
identifiée qu’en fonction de dispositions plus explicites que celles de l’article 157 TFUE.

20 Il y a lieu d’observer, d’emblée, que le libellé même de l’article 157 TFUE ne saurait soutenir cette
interprétation. Conformément à celui-ci, chaque État membre assure l’application du principe de
l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail
ou un travail de valeur égale. Partant, cet article impose, de manière claire et précise, une obligation
de résultat et revêt un caractère impératif tant en ce qui concerne un « même travail » qu’un « travail
de même valeur ».

21 Ainsi, la Cour a déjà jugé que l’article 157 TFUE ayant un tel caractère impératif, la prohibition de
discriminations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins s’impose non seulement à l’action
des autorités publiques, mais s’étend également à toutes conventions visant à régler de façon collective
le travail salarié, ainsi qu’aux contrats entre particuliers (arrêt du 8 mai 2019, Praxair MRC, C-486/18,
EU:C:2019:379, point 67 et jurisprudence citée).

22 Selon la jurisprudence constante de la Cour, cette disposition produit des effets directs en créant, dans
le chef des particuliers, des droits que les juridictions nationales ont pour mission de sauvegarder (voir,
en ce sens, arrêt du 7 octobre 2019, Safeway, C-171/18, EU:C:2019:839, point 23 et jurisprudence
citée).

23 Le principe instauré par ladite disposition est susceptible d’être invoqué devant les juridictions
nationales notamment dans le cas de discriminations qui ont directement leur source dans des
dispositions législatives ou des conventions collectives du travail ainsi que dans le cas où le travail est
accompli dans un même établissement ou service, privé ou public (voir, en ce sens, arrêts du 8 avril
1976, Defrenne, 43/75, EU:C:1976:56, point 40, et du 13 janvier 2004, Allonby, C-256/01,
EU:C:2004:18, point 45).

24 Aux points 18 et 21 à 23 de l’arrêt du 8 avril 1976, Defrenne (43/75, EU:C:1976:56), la Cour a relevé,
en particulier, que les discriminations qui ont leur source dans des dispositions législatives ou des
conventions collectives du travail comptent parmi celles susceptibles d’être constatées à l’aide des
seuls critères d’identité de travail et d’égalité de rémunération fournis par l’article 119 du traité CEE
(devenu, après modification, article 141 CE, lui-même devenu article 157 TFUE), par opposition à
celles ne pouvant être identifiées qu’en fonction de dispositions d’application plus explicites. Elle a
ajouté qu’il en était de même dans le cas d’une rémunération inégale de travailleurs masculins et de
travailleurs féminins pour un même travail, accompli dans un même établissement ou service, privé
ou public, et que, en présence d’une telle situation, le juge était en mesure d’établir tous les éléments
de fait qui lui permettent d’apprécier si un travailleur de sexe féminin reçoit une rémunération
inférieure à celle d’un travailleur masculin affecté à des tâches identiques.

25 Or, la Cour a précisé que, en pareille situation, le juge était en mesure d’établir tous les éléments de
fait qui lui permettent d’apprécier si un travailleur de sexe féminin reçoit une rémunération inférieure
à celle d’un travailleur de sexe masculin accomplissant un même travail ou un travail de valeur égale
(voir, en ce sens, arrêt du 11 mars 1981, Worringham et Humphreys, 69/80, EU:C:1981:63, point 23).

26 En outre, la Cour a jugé que l’article 119 du traité CEE (devenu, après modification, article 141 CE,
lui-même devenu article 157 TFUE) impose l’application du principe de l’égalité des rémunérations
entre travailleurs masculins et travailleurs féminins dans l’hypothèse d’un même travail ou,
conformément à sa jurisprudence constante, d’un travail de valeur égale (voir, en ce sens, arrêt du
4 février 1988, Murphy e.a., 157/86, EU:C:1988:62, point 9).

27 Par ailleurs, cet article pose le principe selon lequel un même travail ou un travail auquel est attribuée
une valeur égale doit être rémunéré de la même façon, qu’il soit accompli par un homme ou par une
femme, lequel constitue une expression spécifique du principe général d’égalité interdisant de traiter

18
de manière différente des situations comparables, à moins que la différenciation ne soit objectivement
justifiée (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2001, Brunnhofer, C-381/99, EU:C:2001:358, points 27 et
28 ainsi que jurisprudence citée).

28 Il convient également de rappeler que la portée des notions de « même travail », de « même poste de
travail » et de « travail de même valeur », visées à l’article 157 TFUE, revêt un caractère purement
qualitatif, en ce qu’elle s’attache exclusivement à la nature des prestations de travail effectivement
accomplies par les intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2001, Brunnhofer, C-381/99,
EU:C:2001:358, point 42 et jurisprudence citée).

29 Dès lors, il ressort d’une jurisprudence constante que, contrairement à ce que fait valoir Tesco Stores,
l’effet direct que produit l’article 157 TFUE ne se limite pas aux situations dans lesquelles les
travailleurs de sexe différent comparés effectuent un « même travail », à l’exclusion d’un « travail de
même valeur ».

30 Dans ce contexte, la question de savoir si les travailleurs concernés effectuent le « même travail » ou
un « travail de même valeur », tel que visé à l’article 157 TFUE, relève d’une appréciation factuelle
du juge. À cet égard, il convient de rappeler qu’il appartient à la juridiction nationale, seule compétente
pour constater et apprécier les faits, de déterminer si, au regard de la nature concrète des activités
exercées par ces travailleurs, une valeur égale peut être attribuée à celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du
31 mai 1995, Royal Copenhagen, C-400/93, EU:C:1995:155, point 42, ainsi que du 26 juin 2001,
Brunnhofer, C-381/99, EU:C:2001:358, point 49 et jurisprudence citée).

31 Il y a lieu, par ailleurs, de souligner qu’une telle appréciation doit être distinguée de la qualification de
l’obligation juridique résultant de cet article 157 TFUE, lequel impose, ainsi qu’il a été relevé au
point 20 du présent arrêt, de manière claire et précise, une obligation de résultat.

32 L’interprétation qui précède est corroborée par l’objectif poursuivi par l’article 157 TFUE, à savoir
l’élimination, pour un même travail ou un travail de même valeur, de toute discrimination fondée sur
le sexe dans l’ensemble des éléments et conditions de rémunération.

33 À cet égard, il y a lieu de relever que le principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs
masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou pour un travail de même valeur visé à cette
disposition fait partie des fondements de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2006, Cadman,
C-17/05, EU:C:2006:633, point 28 et jurisprudence citée).

34 En outre, il convient de souligner, d’une part, que, selon l’article 3, paragraphe 3, deuxième
alinéa, TUE, l’Union promeut, notamment, l’égalité entre les hommes et les femmes. D’autre part,
l’article 23 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce que l’égalité entre les
femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de
travail et de rémunération.

35 Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que l’interprétation selon laquelle il conviendrait de


distinguer, s’agissant de l’effet direct de l’article 157 TFUE, selon que le principe de l’égalité des
rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins est invoqué pour un « même
travail » ou pour « un travail de même valeur », est de nature à porter atteinte à l’effet utile de cet
article ainsi qu’à la réalisation de l’objectif qu’il poursuit.

36 Par ailleurs, il convient de rappeler que, lorsque les différences observées dans les conditions de
rémunération de travailleurs effectuant un même travail ou un travail de même valeur ne peuvent être
attribuées à une source unique, il manque une entité qui est responsable de l’inégalité et qui pourrait
rétablir l’égalité de traitement, de sorte qu’une telle situation ne relève pas de cette disposition (voir,
en ce sens, arrêts du 17 septembre 2002, Lawrence e.a., C-320/00, EU:C:2002:498, points 17 et 18,
ainsi que du 13 janvier 2004, Allonby, C-256/01, EU:C:2004:18, point 46). Il s’ensuit qu’une situation
dans laquelle les conditions de rémunération de travailleurs de sexe différent effectuant un même
travail ou un travail de même valeur peuvent être attribuées à une source unique relève de

19
l’article 157 TFUE et que le travail ainsi que la rémunération de ces travailleurs peuvent être comparés
sur le fondement de cet article, même si ces derniers effectuent leur travail dans des établissements
différents.

37 Partant, il y a lieu de considérer que l’article 157 TFUE peut être invoqué devant les juridictions
nationales dans un litige fondé sur un travail de même valeur accompli par des travailleurs de sexe
différent ayant le même employeur et dans des établissements différents de cet employeur, dès lors
que celui-ci constitue une telle source unique.

38 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle que Tesco Stores apparaît comme
constituant, en sa qualité d’employeur, une source unique à laquelle les conditions de rémunération
des travailleurs effectuant leur travail dans les magasins et les centres de distribution dont elle dispose
peuvent être attribuées et qui pourrait être responsable d’une éventuelle discrimination prohibée au
titre de l’article 157 TFUE, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

39 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question
que l’article 157 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’un effet direct dans des litiges
entre particuliers dans lesquels est invoqué le non-respect du principe de l’égalité des rémunérations
entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un « travail de même valeur », tel que visé à
cet article.

DOCUMENT 7 – CLARA GRUDLER, DE LA CONSECRATION A LA VIOLATION


DES VALEURS COMMUNES DE L’UNION EUROPEENNE : UNE IDENDITE
EUROPEENNE ENTRE IDEAUX ET FRACTURES, EUROPE N°8-9, AOUT 2021

1. - Le 3 juin 2021, la Cour de justice de l'Union européenne a rejeté le recours introduit par la Hongrie,
et visant l'annulation d'une résolution du Parlement européenNote 1. La résolution attaquée déclenchait la
procédure, prévue par l'article 7, § 1, TUE, de constatation par le Conseil de l'existence d'un risque clair
de violation grave, par l'État membre en question, des valeurs sur lesquelles l'Union est fondéeNote 2.
Cette décision du juge de l'Union européenne manifeste avec acuité des dissensions identitaires
marquant les relations entre certains États d'Europe de l'Est, et les États d'Europe de l'Ouest. La Pologne
et la Hongrie, ayant intégré l'Union européenne à l'occasion du cinquième élargissement de 2004, sont
notamment visées par les procédures initiées par les institutions de l'Union, et visant à sanctionner la
méconnaissance des valeurs de l'Union européenne exprimées par les traités. L'article 2 TUE expose
effectivement un catalogue de valeurs, vectrices d'une identité commune des États membres de l'Union
européenne. Le préambule de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (CDFUE), texte
ayant acquis la plus haute valeur normative en droit de l'Union européenne depuis l'entrée en vigueur
du traité de Lisbonne, a admis que ces valeurs « indivisibles et universelles de dignité humaine, de
liberté, d'égalité et de solidarité »Note 3, reposant « sur le principe de la démocratie et le principe de
l'État de droit »Note 4 sont fondatrices de l'UnionNote 5. Parmi ces valeurs, l'État de droit revêt une
signification particulière. En effet, il s'agit d'un principe constitutionnel, présentant un double contenu
formel et matérielNote 6. La Commission européenne a relevé que, selon la Cour de justice de l'Union
européenne et la Cour européenne des droits de l'homme, « ces principes ne constituaient pas des
exigences purement formelles et procédurales. Elles sont le moyen d'assurer la mise en œuvre et le
respect de la démocratie et des droits de l'homme »Note 7. Il en découle un « lien intrinsèque »Note 8 entre
le respect de l'État de droit et le respect de la démocratie et des droits fondamentaux, dans la mesure où
« il ne saurait y avoir ni démocratie ni respect des droits fondamentaux sans respect de l'État de droit,
et vice-versa »Note 9. Le principe de l'État de droit irrigue donc les autres principes érigés en valeurs par
l'article 2 TUE. Celui-ci est également source du principe de confiance mutuelle, corollaire du principe
de coopération loyale consacré par l'article 4 TUENote 10. Dans le cadre du refus de l'adhésion de l'Union
européenne au système de la CEDH, justifiée par l'atteinte portée par ce projet d'adhésion à l'autonomie
de l'ordre juridique de l'Union européenne, le juge de l'Union européenne avait précisé que « la prémisse
fondamentale selon laquelle chaque État membre partage avec tous les autres États membres, et

20
reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l'Union est
fondée [...] implique et justifie l'existence de la confiance mutuelle entre les États membres dans la
reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l'Union qui les met en œuvre »Note 11.
Le respect de l'État de droit en tant que valeur de l'Union européenne, s'impose à ce titre comme une
« nécessité fonctionnelle de l'Union »Note 12. Or, l'intégration et la cohésion européenne engendrées par
le respect des valeurs exposées par l'article 2 TUE, paraissent progressivement remises en cause par une
multiplication des violations de celles-ci par, entre autres, la Hongrie et la PologneNote 13. La Pologne a
été le premier État membre à être visé par « l'option nucléaire »Note 14 constituée par l'article 7 TUE. La
Hongrie, pour sa part, a fait l'objet d'un rapport du Parlement européen relevant et critiquant certaines
normes et pratiques de l'État hongroisNote 15, considérées comme problématiques au regard des
dispositions de l'article 2 TUE. Par la suite, la Hongrie a été visée, à son tour, par une résolution du
Parlement européen adoptée au titre de l'article 7, § 1, TUENote 16.

2. - La présente étude s'attachera, d'une part, à caractériser le processus d'intégration européenne à l'aune
du principe de confiance mutuelle, d'autre part, à apprécier les mécanismes de sanction des atteintes aux
valeurs de l'Union consacrés par l'ordre juridique de l'Union européenne.

1. Une intégration européenne à l'aune du principe de confiance mutuelle

3. - L'Union européenne, construction de nature originellement économique prônant l'élimination de


toutes sortes d'obstacles, tarifaires et réglementaires, entre les États membres, s'est muée, au fil des
révisions des traités fondateurs, en un projet de type politique. Cependant, cette construction politique,
bâtie sur le respect de principes cardinaux, fait l'objet de contestations croissantes de la part d'États
membres de l'Union ayant intégré celle-ci lors des élargissements successifs. Le principe constitutionnel
de l'État de droit se retrouve menacé, puisque confronté aux réglementations et pratiques d'États
membres ayant adhéré à l'Union européenne au cours de ces élargissements.

A. - Du primat économique au primat politique de la construction européenne

4. - L'Union européenne repose sur des fondements résolument économiques, de type libéral. L'objectif
originel consiste en une abolition des entraves aux échanges commerciaux entre les États membres,
permise au travers de l'achèvement d'un marché commun. Un tel projet, sous-tendu par le postulat que
le rassemblement des peuples européens autour d'une construction économique favoriserait un
apaisement des tensions entre les États européens, visait l'assurance d'une paix durable au lendemain
des deux conflits mondiaux. Une telle construction a fait l'objet d'une consécration au sein des traités,
l'article 26, § 2 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) indiquant que « le
marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des
marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ».

5. - L'approfondissement du projet économique européen au travers des efforts coordonnés des


institutions de l'Union européenne et des États membres, a progressivement donné prise à un ancrage
politique de l'intégration européenne. L'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009,
a également vu l'entrée en vigueur de l'article 2 TUE, exposant un certain nombre de valeurs présidant
à l'existence de l'Union européenne. La conception de l'intégration européenne sous le prisme des valeurs
communes aux États membres, suppose que certaines réglementations et pratiques d'États membres
puissent s'avérer problématiques, par rapport aux standards posés par le droit primaire de l'Union
européenne. À l'occasion du rapport TavaresNote 17, le Parlement européen a ainsi condamné un certain
nombre de normes et pratiques des autorités hongroises. Il a notamment été rappelé par le législateur de
l'Union, que les obligations conditionnant l'adhésion à l'Union s'imposent aux États membres, non
seulement au cours du processus d'adhésion, mais également après l'adhésion de ceux-ciNote 18. Cette
exigence se justifie par le fait que les valeurs communes, de même que la préservation de leur intégrité,
« constituent le fondement du processus d'intégration. Ce sont des références incontournables pour
exprimer l'identité de l'Union européenne et tracer sa mission »Note 19. La construction européenne, au
travers de l'acquis communautaire intégrant ces valeurs, a ainsi « réconcilié les peuples autour de ses

21
valeurs »Note 20, dont l'État de droit. Ce principe occupe une place spécifique, et présente une portée
particulière, au sein de l'ordre juridique de l'Union européenne.

B. - L'État de droit au défi de l'élargissement de l'adhésion à l'Union européenne

6. - Le juge de l'Union européenne a admis, dès 1986, que la Communauté économique européenne
(CEE) présente la nature d'une « communauté de droit »Note 21. Un tel constat peut paraître surprenant,
au vu de la vocation ontologiquement économique, et non pas politique et juridique, de cette structure
sui generis. Le juge de l'Union a expliqué que ni les États membres, ni les institutions de la CEE,
« n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnelle de base qu'est le
traité »Note 22. La notion d'État de droit a été ultérieurement précisée par la Commission européenne,
celle-ci ayant notamment reconnu qu'il s'agit « de l'un des principes fondateurs inhérents à tous les
systèmes constitutionnels des États membres de l'UE et du Conseil de l'Europe »Note 23. Monsieur Juncker
a ainsi déclaré en 2017, en qualité de président de la Commission européenne, que celle-ci « est
déterminée à défendre, dans tous nos États membres, l'État de droit en tant que principe fondamental
sur lequel repose notre Union européenne »Note 24. Le principe de l'État de droit garantit l'effectivité
d'autres principes constitutionnels et de droits fondamentaux consacrés, à l'échelle de l'Union
européenne, par la CDFUE, dont le contenu résulte lui-même des traditions constitutionnelles
communes aux États membres. Cela est notamment le cas du principe de légalité, de l'effectivité du
contrôle juridictionnel, de l'égalité devant la loi, de la sécurité juridique, de l'indépendance et de
l'impartialité des juridictions, de l'interdiction de l'arbitraire du pouvoir exécutif, du lien entre le droit à
un procès équitable et la séparation des pouvoirsNote 25. Monsieur Petit explique ainsi que l'État de droit
constitue « la source de principes pleinement justiciables »Note 26. À cet égard, le respect de l'État de droit
est garant du principe de confiance mutuelle au sein de l'Union européenne. Le maintien de cette
confiance est corrélé à la pérennité de la construction européenneNote 27.7 – L'avènement d'une intégration
européenne sur le plan politique, par le truchement de l'édiction et du respect des valeurs communes
consacrées par le TUE, est progressivement mis à mal par une multiplication des atteintes à ces valeurs,
perpétrées par certains États membres ayant adhéré à l'Union européenne lors du cinquième
élargissement. Bien que l'intégration et le respect de l'acquis communautaire soient requis aux fins de
l'adhésion à l'Union européenne, les divergences identitaires perceptibles entre les États d'Europe de
l'Ouest et les États d'Europe de l'Est, amènent au constat d'un véritable fractionnement des identités
constitutionnelles à l'échelle de l'Union. Ce fractionnement est susceptible d'induire des atteintes aux
valeurs posées par le droit primaire de l'Union européenne, de la part des États membres ne partageant
pas la conception identitaire ayant présidé à leur consécration. La Pologne a ainsi écopé de plusieurs
condamnations, par le juge de l'Union européenne, du fait de réformes du système judiciaire polonaisNote
28
. De même, la Cour de justice de l'Union européenne a prononcé des condamnations à l'encontre de la
Hongrie, au titre de multiples violations des valeurs de l'UnionNote 29. La multiplication des risques
systémiques de violation des valeurs communes sur lesquelles l'Union européenne est fondée, et
d'atteintes caractérisées à ces valeurs, infléchit le processus d'intégration européenne dans le sens d'une
déstructuration de la construction européenne. À travers la perpétration d'atteintes aux valeurs de
l'Union, la légitimité du projet européen lui-même est remise en cause. Ces valeurs revêtent
effectivement, du fait du postulat historique du projet européen abondant dans le sens d'une paix durable
et d'une prospérité des peuples européens, une importante fonction axiologiqueNote 30. Par conséquent, il
importe d'analyser les mécanismes de sanction des atteintes aux valeurs communes instaurés par les
institutions de l'Union européenne, sous le prisme de leur efficience et de leur efficacité.

2. La consécration de mécanismes de sanction des atteintes aux valeurs communes de l'Union


européenne

7. - La possibilité d'une violation, par ses États membres, des valeurs communes fondant l'Union
européenne, n'est pas restée inenvisagée par les institutions de l'Union. L'article 7 TUE, introduit au sein
du droit primaire de l'Union européenne lors de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, puis modifié
par le traité de NiceNote 31, instaure un mécanisme de prévention, ainsi qu'un mécanisme de sanction des
atteintes aux valeurs exposées par l'article 2 TUE. Le défaut d'efficacité d'une telle procédure,

22
notamment quant à sa lourdeur et aux inconvénients liés à sa dimension politique, est largement admis.
Le recours à « l'option nucléaire » constituée par l'article 7 TUE, ne semble donc pas pouvoir aboutir
efficacement à une sanction de l'atteinte aux valeurs communes, du fait de la faible efficience du
mécanisme en pratique. L'alternative de type financier et économique, reposant sur la mise en place de
dispositifs de conditionnalité liée à l'octroi des fonds européens, se révèle de plus en plus prônée, à la
fois par la doctrine, et par les institutions de l'Union.

A. - Le constat d'une faible efficience de « l'option nucléaire » de l'article 7 TUE

8. - L'article 7 TUE se décline en deux axes selon qu'il s'agisse de caractériser un risque d'atteinte aux
valeurs communes sur lesquelles l'Union est fondée, ou d'une atteinte vérifiée et sanctionnable. Le
premier alinéa de l'article instaure donc un mécanisme préventif, le second alinéa instituant un
mécanisme de sanctionsNote 32. L'article 7, § 1 dispose que le Conseil est habilité à caractériser un risque
clair de violation grave, par un État membre, des valeurs visées à l'article 2 TUE. Toutefois, l'activation
de ce levier implique qu'un certain nombre de conditions soient remplies. La seconde gradation du
mécanisme de l'article 7 TUE consiste en le constat, par le Conseil, de l'existence d'une violation grave
et persistante, par un État membre, des valeurs visées à l'article 2 TUE. Le processus de caractérisation
de l'atteinte suppose également des lourdeurs procédurales. Ainsi, le Conseil européen doit
obligatoirement statuer à l'unanimité sur proposition d'un tiers des États membres ou de la Commission
européenne, et seulement après l'approbation du Parlement européen. Avant que le Conseil puisse
statuer, l'État membre en cause doit également être invité à présenter ses observations quant à la violation
alléguée. L'enclenchement de la procédure prévue à l'article 7, § 2, TUE, est susceptible d'aboutir à des
sanctions de la violation reprochée à l'État membre. En effet, lorsque le Conseil a constaté l'existence
d'une violation grave et persistante, par l'État membre en question, des valeurs communes, le Conseil
peut notamment décider, en statuant à la majorité qualifiée, de suspendre les droits de vote du
représentant au Conseil, de cet ÉtatNote 33. Le mécanisme de l'article 7, § 1, TUE a été activé pour la
première fois à l'encontre de la Pologne, en 2017, suite à l'adoption de la réforme du système judiciaire
polonais. Dans un premier temps, un dialogue infructueux a été mené avec les autorités polonaises, au
titre de la procédure de sauvegarde de l'État de droit destinée « à précéder et à compléter »Note 34 le
dispositif prévu par l'article 7 TUE. La période de 2 ans durant laquelle s'est déroulé le dialogue entre la
Pologne et les institutions de l'Union européenne, a mis en exergue l'inefficacité de cette première phase
antérieure à l'activation de la procédure de l'article 7, § 1, TUENote 35. Le Parlement européen a joué un
rôle clef dans l'engagement de la procédure prévue par l'article 7, § 1, TUE à l'égard de la Pologne. Dans
une résolution, celui-ci a indiqué que « la situation actuelle en Pologne est porteuse d'un risque
manifeste de violation grave des valeurs visées à l'article 2 du TUE »Note 36. Par conséquent, il a été
demandé au Conseil d'adopter « rapidement des mesures conformément aux dispositions de l'article 7,
paragraphe 1 du traité de l'UE »Note 37. Environ un mois après cette résolution, la Commission
européenne a effectivement activé l'article 7, § 1, TUE, en reconnaissant qu'« il existe un risque clair de
violation grave, par la République de Pologne, de l'État de droit »Note 38. Après plusieurs résolutions
adoptées par le Parlement européen et visant la HongrieNote 39, le législateur de l'Union européenne a
également fini par déclencher la procédure de l'article 7, § 1, TUE à l'encontre de cette dernièreNote 40.

9. - L'activation du levier constitué par l'article 7 TUE, a donné lieu à plusieurs séries d'arrêts de la Cour
de justice de l'Union européenne, dont un certain nombre rendu sur manquement. Cependant, au-delà
de la question de l'application effective, par les États membres visés, des décisions rendues par le juge
de l'Union, se pose celle de l'efficience du recours à l'article 7 TUE, dans ses deux volets préventifs et
de sanction, quant à l'objectif de remédier durablement aux défaillances systémiques de certains États
membres dans le domaine de valeurs communes. Tout d'abord, comme le relève Monsieur Simon, les
États membres ont longtemps hésité à déclencher cette procédure, au vu de la dimension politique
inhérente à celle-ci et complexifiant l'adoption de sanctionsNote 41. En effet, les conditions de majorité
requises au sein du Conseil, tant pour l'application de l'article 7, § 1, que de l'article 7, § 2, TUE, ont
induit une scission entre certains États d'Europe de l'Est – faisant bloc autour de l'État membre visé-, et
les États d'Europe de l'Ouest – abondant dans le sens du constat de l'atteinte ou du risque d'atteinte aux
valeurs communes. Ce dispositif de type politique, apparaît « trop lourd dans ses procédures, trop

23
dépendant des majorités intergouvernementales, et trop brutal dans ses effets »Note 42. La « nature de
procédure de sanction politique »Note 43, inhérente à l'article 7 TUE, présenterait ainsi une « dimension
infâmante »Note 44, cause potentielle de stigmatisation de l'État membre en cause. Le caractère politique
du dispositif de l'article 7 TUE constituerait donc une cause d'inefficience de celui-ci. Il s'est avéré
nécessaire, pour les institutions de l'Union européenne, de recourir à d'autres types de sanctions pour
réprimer les violations des valeurs communes de l'Union.

B. - Le développement des dispositifs de conditionnalité liée à l'octroi de fonds européens

10. - Dès 2017, il était question de savoir si « toucher la Pologne au portefeuille pour l'obliger à
respecter l'État de droit » constituait une alternative souhaitable à l'application de l'article 7 TUENote 45.
En effet, pour le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Pologne a été la première bénéficiaire des
crédits des Fonds ESI, en percevant une somme d'environ sept milliards d'euros par anNote 46. De même,
la Hongrie est l'un des principaux bénéficiaires des fonds structurels européens, tant sur la
programmation 2007-2013 – perception de 25,3 milliards d'euros au titre de la politique de cohésion –,
que sur la programmation 2014-2020 – perception de 21,9 milliards d'euros au titre de la même
politiqueNote 47. L'idée a donc émergé de conditionner l'octroi de fonds européens au respect des valeurs
de l'Union européenne et, notamment, des exigences liées à l'État de droit. Cette conditionnalité
impliquerait une éventuelle suspension ou suppression ponctuelle, en cas d'atteinte aux valeurs de
l'Union, des financements issus des fonds structurels et des aides de l'UnionNote 48.

11. - La crise économique induite par l'endiguement de la pandémie de Covid-19, a donné lieu au recours
par les institutions de l'Union européenne, pour la première fois, à ce mécanisme de la conditionnalité.
Celui-ci a été intégré au paquet adopté en juillet 2020 pour le budget septennal 2021-2027 de l'Union
européenNote 49. L'intégration du dispositif au cadre du budget pluriannuel de l'Union, découle
d'initiatives conjuguées de la Commission européenne et du Conseil européen. La Commission a précisé
que la résilience démocratique a été éprouvée par la crise subie par l'Union européenne, mais que
« l'Europe ne doit jamais transiger sur ses valeurs »Note 50. Cela implique que « la relance doit être
fondée sur les droits fondamentaux et le plein respect de l'état de droit »Note 51. Le Conseil européen a
validé la possibilité d'un recours au mécanisme de la conditionnalité, par une proposition de règlement
en date du 30 septembre 2020Note 52. Cependant, le texte issu de la proposition de règlement du Conseil
européen a supprimé les références aux « défaillances généralisées en matière d'État de droit », afin de
les remplacer par des références à des « violations de principes »Note 53. En outre, la procédure de
suspension des versements des fonds de l'Union, a été sensiblement alourdieNote 54. Malgré les termes
plus consensuels adoptés par le Conseil européen dans sa proposition de règlement du 30 septembre
2020, l'instauration du mécanisme de conditionnalité dans le cadre du budget pluriannuel de l'Union
européenne ne s'est pas faite sans heurtsNote 55. La Hongrie et la Pologne ont décidé d'opposer leur droit
de veto à l'approbation du budget septennal de l'Union et au plan de relance, cette décision visant le
retrait de la seule clause prévoyant la suspension de l'octroi des fonds de l'Union aux États membres
portant atteinte au principe de l'État de droitNote 56. La Pologne et la Hongrie avaient cependant beaucoup
à perdre en maintenant leur veto, dans la mesure où l'Union européenne pouvait procéder au lancement
de son plan de relance sans leur participationNote 57. En conséquence, celles-ci ont fini par lever leur veto
en décembre 2020Note 58. La situation de blocage a néanmoins persisté dans une certaine mesure, puisque
la Pologne et la Hongrie ont engagé des recours devant la Cour de justice de l'Union européenneNote 59.
Ces recours visent l'annulation du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du
Conseil, instaurant le mécanisme de conditionnalité pour la protection de budget de l'Union européenne,
et précisant ses modalités de mise en œuvreNote 60. Bien que le Parlement européen ait rappelé que ces
recours n'ont pas d'effet suspensifNote 61, ces derniers ont eu de facto pour effet de paralyser la mise en
œuvre du mécanisme de conditionnalité. Or, celui-ci est juridiquement effectif depuis le 1er janvier
2021, la Commission européenne ayant « l'obligation légale de défendre les intérêts et les valeurs de
l'UE »Note 62. À ce titre, le Parlement européen a souligné que l'application du règlement (UE, Euratom)
2020/2092 n'est pas subordonnée à l'adoption de lignes directrices par la Commission européenneNote 63.
Le défaut de mise en œuvre de celui-ci constitue donc une carence sanctionnable par le juge de l'Union
européenne, au titre de l'article 265 du TFUENote 64. Le Parlement européen a réitéré ce positionnement,

24
dans le cadre d'une nouvelle résolution adoptée le 10 juin 2021Note 65. Le législateur de l'Union a ainsi
exhorté la Commission « à réagir rapidement aux graves violations persistantes des principes de l'état
de droit dans certains États membres »Note 66, de même qu'« à procéder à une analyse approfondie de la
nécessité de déclencher, sans retard indu, la procédure prévue dans le règlement relatif à la
conditionnalité liée à l'état de droit »Note 67. Les implications liées à l'exigence du respect des valeurs
communes de l'Union européenne, loin de provoquer uniquement des dissensions entre les États
membres d'Europe de l'Est et d'Europe de l'Ouest, induisant un risque « de délitement, voire de
désintégration, de l'Union européenne »Note 68, semblent également occasionner des conflits entre les
institutions de l'Union européenne elles-mêmes.▪
Note
Note 1
2 CJUE,
V. PE, 3 juin12
Rés., 2021,
sept.aff.2018, C-650/18,
relatif àHongrie c/ Parlement européen.
une proposition
paragraphe
sur lesquelles 1,l'Union
du Traité estsur l'Union
fondée, européenne,
2017/2131(INL). l'existenceinvitantd'un risque le Conseil
clair de à constater,
violation grave conformément à l'article
par la Hongrie des 7,valeurs
Note
Note 3
4 Charte
Charte des
des droits
droits fondamentaux
fondamentaux de
de l'Union
l’Union européenne,
européenne, cons.
préc., 2.cons. 2.
Note 6
Note 5 Y.
V. Petit,
S. Labayle,
Commission Les valeurs de l'Union
européenne, européenne
Hongrie, Pologne : Thèse,
: le Université
combat de d'Aix-Marseille,
l'État de droit : 2016.Europa, 2018/1, n° 40,
Civitas
145-161.
Note
Note 7
Note 8 Comm.
9 Comm. UE, MEMO/16/62, 13
UE, MEMO/16/62, 13 janv.
janv. 2016.
2016, préc.préc.
Note 10Comm.
s'assistent Traité UE,
UE, MEMO/16/62,
mutuellement art. 4,dans 13
§ 3 l'accomplissement
: « En janv.
vertu 2016,
du principe de coopération
des missions découlant loyale, l'Union
des traités ». et leségalement
– V. États membres COM se respectent et
final, 20 déc. 2017,
constitutionnelle pt 14 : «dans
préalable le principe
un État de coopération
démocratique loyale
régi parentre les organes
la primauté du 2018,de l'État
droit constitue uneDoc.
».aff. C-64/16, condition (2017) 835
Note
Juízes 11 CJUE,
Portugueses 18 déc. 2014, avis
(ASJP)etc/C-659/15 2/13,
Tribunal PPU, pt 168.
de Contas, – V. également
pt 30. CJUE, 16 févr. 2017, aff. C-578/16 PPU, CK, pt 95.Sindical
CJUE, 27 févr. Associação – CJUE,dos
5 avr.12
Note 2016, aff. C-404/15
L. Robert
Pech etSchuman,
S. Platon, Menace systémique Aranyosienvers et –l'État
Căldăraru.
de droit en6.Pologne : entre action et procrastination :
Fondation
Note 132020.
R. Krakovsky, Question
L'État Parlement d'Europe,
de droit eneuropéen, 13
Pologne etÉtat nov. 2017,
en Hongrie n° 451,
– Un p.
défi pour l'Europe: :laBlog de l'Institut Montaigne,
16 déc.
Communiqué – V.presse,
de également de droit en Hongrie et Pologne situation s'est détériorée :
Note 14 Le
Barroso, mécanisme
Discours sur de16l'article
l'état
janv. 2020.
de 7 TUE
l'Union a ainsi été désigné par un ancien président de la Commission européenne, V. J.-M.
2012.
Note 15 PE, Rapp.
A7-0229/2013, 24 Rui 2013.
juin Tavares, sur la situation en matière de droits fondamentaux : normes et pratiques en Hongrie, Doc.
Note
Note 16 PE, Rés., 17 mai 2017 sur la situation enenHongrie, P8_TAPROV(2017)0216.
Note 17
Note 18 PE,
19 PE,
J.
Rapp.
Rapp. Rui
Bourrinet,
Tavares,
RuiL'Union
Tavares, sur
sur la
européenne la situation
situation
confrontéeen matière
matière
à la «de
de droits
droits fondamentaux
démocratie fondamentaux
illibérale
: normes
» :: p.
normes
RTD eur.
et pratiques
et 2019,
pratiques en
en Hongrie,
p. 239, Hongrie,
spéc. p. 241.
préc.
préc.
Note
Note 20
21 J.-P.
CJCE, Jacqué,
23 avr. Crise
1986, desaff. valeurs
294/83, dans
Parti l'Union européenne
écologiste « Les ? : RTD
Verts » c/ eur. 2016,
Parlement, pt213,
23. –spéc.
V. Y. p.Petit,
218. in C. Boutayeb
(dir.),22
Note Les grands
CJCE, 23 arrêts
avr. du droit
1986, aff. de l'Union
294/83, européenne.
préc., pt 23. Droit institutionnel et matériel : LGDJ, Lextenso, 2014, p. 435.
Note
Note 23 Comm. UE, Un nouveau cadre de l'UE26pour juill.l'État de droit, Doc. COM (2014) 158 final, 11 mars 2014, p. 5.
Note 2425 Comm.
l'Union. Comm. UE, UE, communiqué
Un nouveau cadre IP/17/2161,de l'UE pour 2017.
l'État de droit, préc., annexe I : l'État de droit, principe fondateur de
Note
Note 26 Y. Petit, Commission européenne, Hongrie, Pologne :aux
le combat de l'État delente... droit, :préc.
Note 27
membres28 S. Labayle,
CJUE,
des 24 juin
valeurs
De 2019,
de
Rome aff.
l'État
à Lisbonne,
de C-619/18,
droit :
duCommission
Europe
projet politique
2019, comm. c/ Pologne.
311.
valeurs...
– V. A.Festina
– CJUE, 5Rigaux
nov. 2019, et D.aff. Rev. Respect
Simon, UE 2018,
C-192/18, parn°les
617, p. 204.
États
c/Pologne.
C-624/18 et– V. D.
C-625/18, Simon,A. Indépendance
K. – CJUE, 8 des
avr. juges
2020, nationaux
aff. C-791/19 : Europe
R, 2020,
Commission, comm. 1.
soutenue – CJUE,
par 19 nov.Commission
Belgique, 2019, aff. C-585/18,
Danemark, Pays
Bas, Finlande, Suède c/ Pologne. – V. D. Simon, L'État de droit en Pologne : que peut faire l'Europe ? : Europe 2016,
2. repère
Note
c/ 29 CJUE,
Hongrie, pt 6 nov.
67. – 2012,25aff.
CJUE, C-286/12,
juill. 2018, Commission
aff. C-220/18 c/ Hongrie,
PPU, ML, ptpt117.
81. –– Pour
CJUE, la 8même
avr. 2014,
solution aff.adoptée,
C-288/12, le Commission
même jour,
vis-à-visDroits
Simon, de la fondamentaux
Pologne, V. CJUE, dans 25 juill.
l'État 2018, aff.: C-216/18
d'émission Europe PPU,comm.
2018, LM, pt360. 79. – Pour un comm. de ces décisions V. D.
Note
Note 30 Y. Petit, Commission européenne, Hongrie, Polognesur : le combatdedel'Union l'État de droit, préc.Mél. en hommage à Guy
Isaac,31
Note 3250V. F. de
ans
Sénat,
Fines,
droitDe
L'État de
l'influence
communautaire
droit
de la
dans l'Union
crise
: Presses autrichienne
de l'Université
européenne,
l'avenir
des Sciences
Rapp. d'information, sociales européenne,
14 juin de Toulouse, 2004, p. 105-120.
2021.
Note
Note 33 Traité UE, art. 7, § 3.
Note 3435 Comm.
mécanismes
UE, Un nouveau
V. D.proposés
Kochenov par
cadre
etlaL.Commission
Pech, de l'UElepour
Renforcer et le Conseil
renforcer
respect : de l'État
Fondation
l'État de droit,
deRobert
droit dans Doc.
Schuman, l'UECOM (2014)
:Question
regards 158 final,
critiques
d'Europe, sur préc.,
11 les
mai
p. 3.
nouveaux
2015, de
n° 356,
l'UE, le p. 9 : « dans
dialogue prévu l'hypothèse
dans le [...] d'un
cadre de lachoix délibéré
procédure d'une force
pré-article 7 politique
n'a dominante
pratiquement aucunede ne pas respecter
chance d'aboutir les
à valeurs
une
amélioration
Note significative de la situation dans l'État membre concerné
et de ».
pt 16.36
Note
PE, Rés.,
37 PE,en Rés.,
15 nov. 2017,
1er concerne
mars 2018,
sur la situation
sur la décision
de l'État de droit
de la Commission
la démocratie en Pologne, P8_TA-PROV(2017)0442,
de déclencher l’article 7, § 1, du Traité sur l’Union
européenne
Note 38 Doc. ce qui
COM (2017) 835 la situation
final, 20 déc. en2017,
Pologne,art. 2018/2541
1er de la (RSP),
proposition § 2.de décision du Conseil.
Note
30 août39 PE, Rés., 10 mars 2011 : JOUE n° C 199 E, 7 juill. 2012, p. 154. – PE, Rés., 16 févf. 2012 : JOUE n° C 249 E,
2013, p.
2016, p. 46.
27. – – PE,
PE, Rés.,
Rés., 16 3 juill.
déc. 2013
2015 ::JOUE
JOUE n°
n° CC75,399, 2624 févr.
nov. 2016,
2017, p.p.52. – PE,
127. – Rés.,
PE, Rés.,10 17
juinmai2015 : JOUE n° C 407, 4 nov.
Note 40
européenne PE, Rés., A8-0250/2018, 4 juill. 2018. – V. E. Bernard,
:2.des exceptions de moins en moins exceptionnelles à la confiance mutuelle entre États Les valeurs communes devant la 2017,
Cour P8_TA(2017)0216.
de
membres justice de l'Union
? : Europe
2019,41
Note étude
D. Simon, L'article 7 TUE : « arme nucléaire » ou « tigre de papier » ? : Europe 2018, repère 2.
Note
Note 42 D. Simon, Hongrie : valeurs de l'Union versus identité constitutionnelle des États membres : Europe 2013, repère 8.
Note 43
Note 44 Y.
45 Y. Petit,
C. Petit, Commission
Commission
Ducourtieux, L'UEdes
européenne,
européenne,
débat d'une
Hongrie,
Hongrie,
baisse des
Pologne
Pologne
aides à :la
: le combat
combat :de
lePologne deLel'État
l’État
Monde,
de
de droit,
droit,
18l'Est
nov.
préc.
préc.
2017. : BSI Economics,
Note
1er 46 É. Durand, L'impact fonds structurels européens pour les pays d'Europe de (Note)
Notemars
affaires J.2018.
47 européennes
Bizet, A. Gattolin
du Sénat, et J.-Y.
Rapp.Leconte, Sur lesn°relations de la 2020.
Hongrie avec l'Union européenne : Commission des
Note
Note 48
49 D. Simon,eur.
V. Cons. L'article
et Cons. 7 TUE «d'information
UE, :Budget armeànucléaire
long terme »146,
ou 19tigre
de «l'UE
nov. de papier
pour la période » ?, 2021-2027
préc. et plan
www.consilium.europa.eu/fr/policies/the-eu-budget/long-term-eu-budget-2021-2027/,
1er juin 2021. – V. V. Malingre, Le Parlement et le Conseil européens lient le plan de relance consulté au 11de
le respect relance
juin 2021, :mis à jour le
de l'État de droit :
Le Monde,
Note 50 6
Comm. nov.UE,2020. Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité
économique
pour la et social
prochaine européenDoc.
génération, et auCOM Comité des régions,
(2020) 456 final, L'heure
27 mai de2020,
l'Europep. 18. : réparer les dommages et préparer l'avenir
Note
social 51 Comm. UE,
européen et au Communication
Comité des au Parlement
régions, L’heure européen,
de l’Europe au: réparer
Conseil les européen,
dommages au Conseil,
et préparer au Comité
l’avenir économique
pour la et
prochaine
Note génération,
52 regime
Council theDoc.
ofconditionality
EuropeanCOMUnion, (2020) Proposal
456 final,for 27 amai 2020, préc.,
regulation of thep. 18.
European Parliament and of the Council on a
general
2020. of for the protection of the Union budget, COM/2018/324 final, 2018/0136(COD), 30 sept.
Note 53 PEduetbudget
protection Cons. UE, règl. (EU,
de l’Union, cons.Euratom)
15 : JOUE 2020/2092,16 433 I,déc.
n° Lfonctionnement 20202020,
22 déc. relatifp.à1un : «régime général des
Les violations de conditionnalité
principes pour la
de l’État
droit,
contrôleen juridictionnel,
particulier celles qui portent
peuvent nuire atteinte
gravement au aux
bon intérêts financiers desdeautorités
l’Union. publiques et au caractère effectif du de
Note 54 Council
conditionality for ofthetheprotection
European ofUnion,
the UnionRegulation
budget, of the European
préc., art. 5. Parliament and».of the Council on a general regime of
Note
Note 55
56 V. Courrier international, Orbán en difficulté à Bruxelles après
par l'accord desurlal'état de droit, de 6relance
lanov. 2020.20 nov.
2020.
17 nov. J.Courrier
Valero, international,
– 2020. La Hongrie etLe la budget
Pologneeuropéen bloquenttoujoursle budget bloqué
européen le
et veto
l'activation Hongrie
du fonds et de Pologne,
: Euractiv,
Note
Note 57 J.
582020. Munier, L'État de droit en Europe : France Culture, 11 déc. 2020.
V. Malingre, Plan de relance européen : la Pologne et la Hongrie se disent prêtes à lever leur veto : Le Monde,
10 déc.
Note 59 J. Iwaniuk, J.-B. Chastand et V. Malingre, Fonds européens et État de droit : la Pologne et la Hongrie saisissent la
Cour
Note de PE
60 justice
etdu de l'UE
Cons. UE,de: Le
règl.monde, 11 mars 2021.
(UE,: Euratom)
la protection
Note 61 PE, Les budget
députés l'Union
prêts à JOUE n°
poursuivre la L2020/2092,
433I, 22 déc.
Commission
16 déc.
en 2020, 2020,
justice p.pour relatif à un régime général de conditionnalité pour
1-10. protéger le budget de l'UE, Communiqué de
presse,
Note 25 mars 2021.
Note 62
Note 63 PE,
64 PE, État
PE, Rés. de
Rés. surdroit
sur le
: les députés
le mécanisme
mécanisme de
pressent la Commission
de conditionnalité
conditionnalité liée à
liée à l’état
l'étatà défendre
de droit, les
25 fonds 2021,
mars européens, Actualité, 2 juin
(2021/2582(RSP)), 2021.
pt 13.
Note 65 PE,
Euratom) Rés., 10 juin
2020/2092 relatif2021,
à la sur la situation de
conditionnalité, l'état de droit
2021/2711 (RSP). dans l'Union européenne et l'application du règlement14.
de droit, 25 mars 2021 (2021/2582(RSP)), préc., pt (UE,
Note 66 PE,
Euratom) Rés., 10 juin
2020/2092 relatif2021,
à la sur la situation de
conditionnalité, l’état de droit
2021/2711 (RSP), dans l’Union
préc., §4. européenne et l’application du règlement (UE,
Note 67 PE, Rés., 10 juin 2021, sur la situation
Euratom) 2020/2092 relatif à la conditionnalité, 2021/2711 (RSP), préc., §4. de l’état de droit dans l’Union européenne et l’application du règlement (UE,
Note 68 V. Y. Petit, Commission européenne, Hongrie, Pologne : le combat de l'État de droit, préc.

25

Vous aimerez peut-être aussi