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Droit des sociétés 1

Document de travail établi par Déborah Sahel

Licence 3 en Droit
Année 2023-2024 - semestre 5
Droit des sociétés 1
Document de travail établi par Déborah Sahel

Licence 3 en Droit
Année 2023-2024 – Semestre 5

1
SOMMAIRE

Le document de travail est divisé en 7 leçons qui correspondent aux 7 leçons du


cours audio et qui seront traitées lors des 5 regroupements qui se tiendront ce
premier semestre.

Les arrêts reproduits dans le document de travail sont présentés de façon


cohérente et dans un ordre qui correspond au déroulement du cours audio.

Leçon no 1 : Le contrat de société

Leçon no 2 : La personnalité morale

Leçon no 3 : La constitution de la société

Leçon no 4 : La transformation de la société

Leçon no 5 : La dissolution de la société

Leçon no 6 : Les associés

Leçon no 7 : Les dirigeants

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Leçon no 1 : Le contrat de société

I. Définitions et principes

Définition de la société :
L’article 1832 du Code civil dispose :
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat
d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice
ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule
personne.
Les associés s’engagent à contribuer aux pertes. »
La société est donc un groupement de personnes, dont le but est lucratif, ce qui la distingue
de l’association, par exemple.
Cependant, la loi PACTE du 22 mai 2019 a ajouté, à l’article 1835 du Code civil, que les statuts
peuvent prévoir une raison d’être de la société, c’est-à-dire les principes dont la société se dote
et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité.
À l’origine de toute société, sans exception, se trouve donc un acte juridique qui lui donne
naissance et fixe ses caractéristiques ainsi que ses règles de fonctionnement et qui peut être, soit
un contrat de société, soit, exceptionnellement, un acte unilatéral de volonté.
Éléments constitutifs du contrat de société :
En plus des conditions générales de validité issues du droit commun des contrats, telles que
l’absence de vice du consentement des associés, la capacité de contracter des associés, la licéité
et la possibilité de l’objet social ainsi que la conformité du but à l’ordre public, le contrat de
société se caractérise par la réunion des conditions spécifiques suivantes :
- la mise en commun d’apports ;
- la vocation des associés aux bénéfices, aux économies et aux pertes et ;
- l’affectio societatis.

II. Documents

A. Introduction au Droit commun des sociétés

Document 1 : La distinction entre les notions de société et d’entreprise (CJCE, 23 avr. 1991,
aff. no C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH).
Document 2 : Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel (D. Sahel, « Nouveau statut de
l’EI : définition du patrimoine professionnel », LEDEN juill. 2022, no 7, p. 2).
Document 3 : Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel (D. Sahel, « Nouveau statut de
l’EI : renonciation à la protection du patrimoine personnel », LEDEN juill. 2022, no 7, p. 3).
Document 4 : Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel (D. Sahel, « Nouveau statut de
l’EI et traitement des difficultés », LEDEN juill. 2022, no 7, p. 3).

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B. Les conditions du droit commun des contrats

Document 5 : Un consentement réel et sincère (Cass. com., 16 juin 1992, no 90-17.237,


Lumale).
Document 6 : La situation des époux (Cass. 1re civ., 4 juill. 2012, no 11-13.384).
Document 7 : La situation des époux (Cass. com., 14 mai 2013, no 12-18.103).
Document 8 : La situation des époux (Cass. com., 18 nov. 2020, n° 18-21.797).
Document 9 : La définition de l’objet social (Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, no 18-18.469).
Document 10 : Un objet social certain (Cass. 2e civ., 27 juin 2019, no 18-18.453).

C. Les conditions propres au droit des sociétés

Document 11 : La définition de l’affectio societatis (Cass. com., 3 juin 1986, n° 85-12.118).


Document 12 : La distinction entre l’apport en numéraire et l’avance en compte courant (Cass.
com., 21 avr. 2022, no 20-11.850).
Document 13 : La nécessaire évaluation de l’apport en nature (Cass. com., 28 juin 2005, no 03-
13.112).
Document 14 : Le principe de l’apport de la pleine propriété (Cass. com., 9 mars 2022, nos 20-
14.773 et 20-16.410).
Document 15 : La définition et le régime de l’apport en industrie (Cass. com., 14 déc. 2004, no
01-11.353).
Document 16 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. ch. réunies, 11 mars
1914, Caisse rurale de la commune de Manigod).
Document 17 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. com., 10 juin 2020, no
18-15.614).
Document 18 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. com., 4 nov. 2020, no
18-20.409).
Document 19 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. 3e civ., 6 avr. 2022, no
21-13.287).
Document 20 : La prohibition des clauses léonines, des clauses d’intérêt fixe et des clauses
d’intérêt intercalaire (Cass. com., 18 oct. 1994, no 92-18.188).
Document 21 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix
plancher (Cass. com., 20 mai 1986, no 85-16.716, Bowater).
Document 22 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix
plancher (Cass. com., 24 mai 1994, no 92-14.380).
Document 23 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix
plancher (Cass. com., 27 sept. 2005, no 02-14.009).
Document 24 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix
plancher (Cass. com., 22 févr. 2005, no 02-14.392).

III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 1 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

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Documents

Introduction au Droit commun des sociétés

Document 1 : La distinction entre les notions de société et d’entreprise (CJCE, 23 avr. 1991,
aff. no C-41/90, Klaus Höfner et Fritz Elser c/ Macrotron GmbH)

1 Par ordonnance du 31 janvier 1990, parvenue à la Cour le 14 février suivant,


l'Oberlandesgericht Muenchen a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, quatre questions
préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 7, 55, 56, 59, 60, 66, 86 et 90 du traité CEE.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant MM. Hoefner et Elser,
conseils en recrutement, à Macrotron GmbH, société de droit allemand établie à Munich. Le
litige porte sur les honoraires réclamés à cette société par Hoefner et Elser, en vertu d'un contrat
aux termes duquel ces derniers devait l'assister pour le recrutement d'un directeur du service
des ventes.

(…)

Sur l'interprétation des articles 86 et 90 du traité CEE :

16 Par sa quatrième question, le juge de renvoi demande plus précisément si le monopole du


placement de cadres et de dirigeants réservé à un office public pour l'emploi constitue un abus
de position dominante, au sens de l'article 86, compte tenu des dispositions de l'article 90,
paragraphe 2. Afin de donner une réponse utile à cette question, il est nécessaire d'examiner ce
droit exclusif également au regard de l'article 90, paragraphe 1, qui vise les conditions que les
États membres doivent respecter lorsqu' ils accordent des droits exclusifs ou spéciaux. Les
observations déposées devant la Cour portent d'ailleurs tant sur le paragraphe 1 que sur le
paragraphe 2 de l'article 90 du traité.

17 Selon les parties demanderesses au principal, un office, tel que la BA, est tout à la fois une
entreprise publique, au sens de l'article 90, paragraphe 1, et une entreprise chargée de la gestion
de services d'intérêt économique général, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du traité. La BA
serait, dès lors, soumise aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles
ne fait pas échec à la mission particulière qui lui a été impartie, ce qui ne serait pas le cas en
l'occurrence. Les demanderesses au principal ont fait valoir également que la BA, qui étendait
son monopole légal en matière de placement à des activités pour lesquelles l'établissement d'un
monopole n'est pas justifié dans l'intérêt général, agissait d'une façon abusive, au sens de l'article
86 du traité. Elles ont estimé, en outre, qu'un État membre qui rendait un tel abus possible
contrevenait à l'article 90, paragraphe 1, et au principe général en vertu duquel les États
membres s'abstiennent de prendre toute mesure susceptible d'éliminer l'effet utile des règles de
concurrence communautaires.

18 La Commission a défendu un point de vue quelque peu différent. Le maintien d'un monopole
de placement des cadres et dirigeants d'entreprises constitue, à son avis, une infraction aux
dispositions combinées de l'article 90, paragraphe 1, et de l'article 86 du traité, lorsque le
bénéficiaire du monopole n'est pas disposé ou apte à assurer intégralement cette activité,

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conformément à la demande qui existe sur le marché, et dès lors que ce comportement est de
nature à affecter le commerce entre États membres.

19 La partie défenderesse au principal et le gouvernement allemand ont estimé, en revanche,


que les activités d'un office pour l'emploi ne relevaient plus du champ d'application des règles
de concurrence dès lors qu'elles étaient exercées par un organisme public. Le gouvernement
allemand a précisé à cet égard qu'un office public pour l'emploi ne pouvait être qualifié
d'entreprise, au sens de l'article 86 du traité, dans la mesure où les services de placement étaient
fournis à titre gratuit. La circonstance que ces activités sont financées principalement par les
contributions des employeurs et des travailleurs n'affecterait pas, à son avis, leur gratuité, car il
s'agirait de contributions générales qui n'ont aucun lien avec chaque service concret rendu.

20 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de vérifier si un office public pour
l'emploi, tel que la BA, peut être considéré comme une entreprise, au sens des articles 85 et 86
du traité CEE.

21 A cet égard, il y a lieu de préciser, dans le contexte du droit de la concurrence, que, d'une
part, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique,
indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement et que,
d'autre part, l'activité de placement est une activité économique.

22 La circonstance que les activités de placement sont normalement confiées à des offices
publics ne saurait affecter la nature économique de ces activités. Les activités de placement
n'ont pas toujours été et ne sont pas nécessairement exercées par des entités publiques. Cette
constatation vaut, en particulier, pour les activités de placement de cadres et de dirigeants
d'entreprises.

23 Il s'ensuit qu'une entité, telle qu'un office public pour l'emploi exerçant des activités de
placement, peut être qualifiée d'entreprise aux fins d'application des règles de concurrence
communautaires.

(…)

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Document 2 : Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel (D. Sahel, « Nouveau statut de
l’EI : définition du patrimoine professionnel », LEDEN juill. 2022, no 7, p. 2)

7
Document 3 : Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel ((D. Sahel, « Nouveau statut de
l’EI et traitement des difficultés », LEDEN juill. 2022, no 7, p. 3)
Document 4 : Le nouveau statut de l’entrepreneur individuel (D. Sahel, « Nouveau statut de
l’EI : renonciation à la protection du patrimoine personnel », LEDEN juill. 2022, no 7, p. 3)

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Les conditions du droit commun des contrats

Document 5 : Un consentement réel et sincère (Cass. com., 16 juin 1992, no 90-17.237,


Lumale)

Sur le moyen unique pris en ses deux branches :

Vu l'article 1844-16 du Code civil ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rectifié par jugement du 10 mai 1990, que Mlle X..., MM.
Gilbert et René Z..., M. A... et M. Y... (les consorts Z...) ont déposé le 27 septembre 1974 les
statuts d'une société civile immobilière dénommée " La Comète " (la société) ; que celle-ci
ayant fait l'objet d'un redressement pour droits de mutation à titre onéreux, des avis de mise en
recouvrement ont été émis à l'encontre de chacun des associés pour sa quote-part ; que sur la
demande des consorts Z..., le tribunal de grande instance de Mont-de-Marsan a, dans un
jugement du 27 novembre 1986, constaté la " nullité et la fictivité de la SCI " ; que
l'administration fiscale, qui avait formé tierce opposition à ce jugement, en a été déboutée par
jugement du 16 novembre 1989 ; que par jugement du 5 avril 1990, le Tribunal a annulé les
titres de recouvrement émis par l'Administration ;

Attendu que pour statuer comme il a fait le Tribunal a retenu que l'administration des Impôts
avait été déboutée de son action en tierce opposition contre le jugement du 27 novembre 1986
qui avait constaté la fictivité et donc l'inexistence de la société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une société fictive est une société nulle et non inexistante,
et dès lors sans rechercher comme il y était invité par ses conclusions, si l'administration des
Impôts n'était pas un tiers de bonne foi auquel la nullité constatée était inopposable, le Tribunal
n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 6 : La situation des époux (Cass. 1re civ., 4 juill. 2012, no 11-13.384)

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2010), qu'après le prononcé du divorce de M.
X... et de Mme Y... des difficultés sont nées pour la liquidation et le partage de leur communauté
;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire qu'il demeure seul titulaire des 250 parts de la
société à responsabilité limitée Niel Coiffure créations, qu'il reprendra ces parts sociales, à
charge pour lui de verser à Mme Y... la somme de 60 980 euros représentant sa part de leur
valeur et de le débouter de sa demande, principale, tendant à ce qu'il soit dit que le partage des
250 parts sociales dépendant de l'indivision post-communautaire devait s'effectuer par
l'attribution à chacun des copartageants de 125 de ces parts sociales et de sa demande,
subsidiaire, tendant à ce qu'il soit ordonné leur licitation, alors, selon le moyen :

1°/ que les parts d'une société à responsabilité limitée acquises, pendant la durée du mariage,
par un époux seul marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, constituent elles-
mêmes, et non seulement pour leur valeur, des biens communs, peu important que seul cet

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époux ait la qualité d'associé de la société à responsabilité limitée et exerce les prérogatives qui
y sont attachées ; que, dès lors, dans l'hypothèse où il serait retenu qu'elle a considéré, pour
statuer comme elle l'a fait, que les 250 parts de la société à responsabilité limitée Niel Coiffure
créations acquises par M. Dominique X... pendant la durée du mariage ne constituaient pas des
biens communs et que seule la valeur de ces parts était commune, la cour d'appel a violé les
dispositions des articles 1401, 1402, 1404, 1424 et 1832-2 du code civil ;

2°/ que, sous l'empire du droit antérieur à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause,
le partage en nature est la règle et ne peut être écarté que si les biens à partager ne sont pas
commodément partageables en nature ; que, dès lors, dans l'hypothèse où il serait retenu qu'elle
a considéré, pour statuer comme elle l'a fait, que les 250 parts de la société à responsabilité
limitée Niel Coiffure créations acquises par M. Dominique X... pendant la durée du mariage
faisaient partie de la communauté de biens ayant existé entre M. Dominique X... et Mme Y...,
en énonçant que ces parts sociales avaient été souscrites par M. Dominique X..., le 10 novembre
1987, soit au cours du mariage, à l'occasion d'une augmentation de capital de la société dont il
détenait à ce jour la moitié du capital, les 250 autres parts appartenant à M. Jean-Marc X..., son
frère, gérant de la société dans laquelle les deux frères travaillent, que, s'il en résultait que,
acquises au cours du mariage, les parts sociales étaient communes quant à leur valeur, seul M.
Dominique X..., souscripteur et titulaire des parts, avait la qualité d'associé et exerçait les
prérogatives qui y sont attachées et qu'il serait dès lors contraire directement contraire à la
nature personnelle de ces parts, dont témoignaient les restrictions apportées par les statuts de la
société à leur cession à des tiers, qu'elles soient attribuées au conjoint de l'associé, quand, en se
déterminant de la sorte, elle ne caractérisait pas que les 250 parts de la société à responsabilité
limitée Niel Coiffure créations litigieuses n'étaient pas commodément partageables en nature,
la cour d'appel a violé les dispositions des articles 826 et 827 du code civil, dans leur rédaction
antérieure à la loi du 23 juin 2006, qui est applicable à la cause ;

3°/ que les biens à partager doivent être évalués à la date de la jouissance divise, laquelle doit
être la plus proche possible du partage à intervenir ; qu'en se fondant, dès lors, sur un rapport
d'expertise établi le 28 février 2002 et en se bornant à relever l'absence d'élément démontrant
que la valeur des 250 parts de la société à responsabilité limitée Niel Coiffure créations
litigieuses se serait modifiée par rapport à la valeur arrêtée par l'expert, pour fixer la valeur des
250 parts de la société à responsabilité limitée Niel Coiffure créations litigieuses à retenir dans
le cadre du partage de l'indivision post-communautaire existant entre M. Dominique X... et
Mme Y..., sans déterminer à quelle date pouvait être fixée la date de la jouissance divise, la
cour d'appel a violé les dispositions de l'article 890, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23
juin 2006, qui est applicable à la cause, et de l'article 1476 du code civil ;

4°/ qu'à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où il serait considéré que la cour d'appel de Paris a
fixé la date de la jouissance divise au jour où elle a statué, les biens à partager doivent être
évalués à la date de la jouissance divise, laquelle doit être la plus proche possible du partage à
intervenir ; que, d'autre part, les juges ne peuvent refuser de statuer en se fondant sur
l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'en se fondant, dès lors, sur un
rapport d'expertise établi le 28 février 2002, soit plus de huit ans avant la date à laquelle elle
statuait et, donc, sur un élément de preuve qui était insusceptible de permettre de fixer la valeur,
à la date où elle statuait, des 250 parts de la société à responsabilité limitée Niel Coiffure
créations litigieuses, et en se bornant à relever l'absence d'élément démontrant que cette valeur
se serait modifiée par rapport à la valeur arrêtée par l'expert, pour fixer la valeur des 250 parts
de la société à responsabilité limitée Niel Coiffure créations litigieuses à retenir dans le cadre
du partage de l'indivision post-communautaire existant entre M. Dominique X... et Mme

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Dominique Y..., quand, en se déterminant de la sorte, elle refusait, en se fondant sur
l'insuffisance des preuves qui lui étaient fournies par les parties, de déterminer elle-même la
valeur des 250 parts de la société à responsabilité limitée Niel Coiffure créations litigieuses à
la date où elle statuait et quand il lui appartenait d'ordonner toute mesure d'instruction
nécessaire pour déterminer cette valeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 4 du
code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que le mari, souscripteur des parts sociales acquises
pendant la durée du mariage, avait seul la qualité d'associé, la cour d'appel en a exactement
déduit que ces parts n'étaient entrées en communauté que pour leur valeur patrimoniale et
qu'elles ne pouvaient qu'être attribuées au titulaire des droits sociaux lors du partage ; qu'en ses
deux premières branches, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 7 : La situation des époux (Cass. com., 14 mai 2013, no 12-18.103)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2012), rendu en matière de référé,
et les productions, que le 27 avril 1998, Mme Y... a fait assigner en divorce son conjoint, M.
Z... ; que le 11 mai suivant, elle a notifié aux sociétés civiles immobilières de La Lande, La
Camargue et de l'Arc (les SCI) son intention d'être, en application de l'article 1832-2 du code
civil, reconnue en qualité d'associée pour la moitié des parts souscrites ou acquises par son
époux par emploi de biens communs ; que le divorce a été prononcé le 17 octobre 2001 ; que le
23 juin 2009, Mme Y... a fait assigner en référé les SCI, représentées par leur gérant, M. Z...,
aux fins de les voir condamner sur le fondement de l'article 809, alinéa 2, du code de procédure
civile et de l'article 48 du décret du 3 juillet 1978, à lui communiquer des documents sociaux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les SCI font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande en communication de
documents sociaux et de l'accueillir alors, selon le moyen, que la qualité d'associé ne peut être
revendiquée que jusqu'à la dissolution de la communauté ; qu'en déclarant que la circonstance
que le divorce eût pris effet le 27 avril 1998, dans les rapports entre les époux en ce qui
concernait leurs biens, n'était d'aucune incidence sur la qualité d'associée revendiquée par
l'ancienne épouse, quand l'assignation en divorce remontait à ladite date, tandis que l'intéressée
avait revendiqué la qualité d'associée le 11 mai suivant, ce dont il résultait que cette
manifestation de volonté était tardive, la cour d'appel a violé les articles 262-1 (ancien), 1832-
2 et 1855 du code civil ainsi que l'article 48 du décret du 3 juillet 1978 ;
Mais attendu qu'en application de l'article 1832-2 du code civil, l'époux d'un associé peut
notifier à la société son intention d'être personnellement associé pour la moitié des parts
souscrites ou acquises par son conjoint, aussi longtemps qu'un jugement de divorce passé en
force de chose jugée n'est pas intervenu ; que l'arrêt retient exactement que la circonstance que
le divorce entre les époux Z...-Y... a pris effet, dans leurs rapports en ce qui concerne leurs
biens, le 27 avril 1998, n'avait aucune incidence sur la qualité d'associée de Mme Y... et sur les
droits qui y sont attachés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :

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Attendu que les SCI font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'existence d'une
contestation sérieuse peut avoir pour effet de priver l'illicéité du trouble de son caractère
manifeste ; qu'en l'espèce, la contestation élevée par les SCI quant à la qualité d'associée de
Mme Y..., à la prescription du droit de communication, à l'absence d'obligations comptables
des sociétés concernées, était de nature à exclure le caractère manifestement illicite du trouble
allégué ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 1er, du code de
procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la circonstance tirée de la prise d'effet du divorce entre les
époux Z...-Y... dans leurs rapports en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'assignation en
divorce n'a manifestement aucune incidence sur la qualité d'associée et les droits qui y sont
attachés, revendiqués par Mme Y... ; qu'il retient encore que l'action engagée est une action de
droit commun qui ne relève manifestement pas des dispositions de l'article L. 102 B du livre
des procédures fiscales ; qu'il retient enfin que l'existence de documents comptables résulte de
procès-verbaux de constat établis par un huissier de justice, d'un document fiscal émanant des
SCI et des constatations d'un expert judiciaire ; que de ces constatations, la cour d'appel a pu
déduire le caractère manifestement illicite du trouble allégué ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi
Document 8 : La situation des époux (Cass. com., 18 nov. 2020, n° 18-21.797)

Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 26 juin 2018), Mme W... et M. F... se sont mariés sans contrat
de mariage préalable le [...] avant d'adopter, le 20 mars 1992, le régime de la communauté
universelle.
2. Pendant le mariage, les époux ont constitué plusieurs sociétés et notamment la société en
nom collectif Brûlerie corrézienne, dont 50 % des parts étaient détenues dans le dernier état par
M. K....
3. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 décembre 2007, Mme W...
a notifié à la société Brûlerie corrézienne son intention d'être personnellement associée à
hauteur de la moitié des parts détenues par son époux, associé en nom, sur le fondement de
l'article 1832-2 du code civil, puis elle a assigné M. F... et cette société aux fins, notamment, de
se voir reconnaître la qualité d'associée.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Mme W... fait grief à l'arrêt de dire qu'elle n'a pas la qualité d'associée et de cogérante de la
société Brûlerie corrézienne, alors « que de l'impossibilité absolue d'exécuter à la fois les
dispositions définitives du jugement déféré et l'arrêt d'appel à intervenir résulte une
indivisibilité du litige qui contraint l'appelant, à peine d'irrecevabilité, à mettre en cause tous
les intimés ; qu'en affirmant, pour juger recevable l'appel de M. F..., que la circonstance que les
sociétés parties en première instance n'aient pas interjeté appel ne saurait le priver de la faculté
de relever appel de la décision, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le jugement
déféré, en ce qu'il avait reconnu à Mme W... la qualité d'associée et de cogérante de la SNC
Brûlerie corrézienne, n'était pas définitif à l'égard de la société, partie en première instance, ce

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dont il résultait que l'arrêt d'appel, infirmatif à l'égard de Mme W..., était incompatible avec le
jugement définitif à l'égard de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard des articles 324 et 553 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 553 du code de procédure civile, en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs
parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si celles-ci ne sont pas jointes à
l'instance.
7. Le tribunal ayant fait droit à la demande de Mme W... et celle-ci ne pouvant tout à la fois être
déclarée associée vis-à-vis de la SNC Brûlerie corrézienne, et non associée de M. F..., il s'ensuit
que le litige entre ces différentes parties est indivisible et que l'appel formé par M. F... contre
la seule Mme W... a, en application du texte susvisé, produit ses effets à l'égard de la société
Brûlerie corrézienne, partie en première instance, bien qu'elle n'ait pas été intimée.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
9. Mme W... fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 1°/ que, comme elle le soutenait, il résulte des dispositions de l'article 1832-2 du code civil,
auxquelles ne peuvent être opposées celles de l'article L. 221-13 du code de commerce, qu'en
l'absence de clause spécifique d'agrément, la société à qui est notifiée l'intention du conjoint
d'être personnellement associé, ne peut s'y opposer ; que, dès lors, en subordonnant la
reconnaissance de la qualité d'associé de Mme W... "au consentement unanime des associés, à
l'exception de son conjoint", la cour d'appel a violé, par refus d'application, les dispositions de
l'article 1832-2 du code civil, et, par fausse application, celles de l'article L. 221-13 du code de
commerce ;
2°/ que, subsidiairement, lorsqu'une société en nom collectif est constituée de deux associés,
l'accord d'un associé à l'agrément en qualité d'associé du conjoint de l'autre, lequel a notifié son
intention d'être personnellement associé, suffit à donner au conjoint cette qualité ; qu'en
déboutant Mme W... de sa demande tendant à se voir reconnaître la qualité d'associée de la SNC
Brûlerie corrézienne après avoir constaté que dans un courrier officiel du 17 février 2016 le
conseil de M. K..., unique associé de M. F..., conjoint de Mme W..., avait indiqué ne pas
s'opposer à la demande de celle-ci d'être associée, mais que ce courrier ne pouvait être considéré
comme un consentement car intervenu, sans délibération, huit ans après la demande de Mme
W..., la cour d'appel a refusé par un motif inopérant de tirer les conséquences légales de ses
propres constatations en violation des articles 1832-2 du code civil et L. 221-13 du code de
commerce. »
Réponse de la Cour
10. Il résulte de la combinaison des articles 1832-2, alinéa 3, du code civil et L. 221-13 du code
de commerce que la revendication de la qualité d'associé par le conjoint d'un associé en nom,
bien que ne constituant pas une cession, est subordonnée au consentement unanime des autres
associés, qui répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Lorsque le

13
consentement d'un seul associé est requis, ce consentement est, à défaut de délibération, adressé
à la société et annexé au procès-verbal prévu par l'article R. 221-2 du code de commerce.
11. C'est donc à bon droit que la cour d'appel a énoncé que, malgré l'absence de clause insérée
à cet effet dans les statuts, les dispositions de l'article L. 221-13 du code de commerce
s'imposent, et qu'après avoir constaté que M. K..., associé de M. F... au sein de la société
Brûlerie corrézienne, n'avait jamais été informé de la revendication faite par Mme W... et n'avait
été convoqué à aucune assemblée générale portant sur cette demande, elle a retenu que la lettre
officielle du conseil de M. K... adressé au conseil de Mme W... ne pouvait être considérée
comme un consentement satisfaisant aux exigences de l'article L. 221-13 susvisé et a, en
conséquence, rejeté la demande de Mme W... tendant à se voir reconnaître la qualité d'associée
de la société.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi
Document 9 : La définition de l’objet social (Cass. 3e civ., 17 oct. 2019, no 18-18.469)

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 7 septembre 2017 et 15 mars 2018), que la
société Les Chênes a confié à la société Castel et Fromaget l'édification d'un hangar à structure
métallique ; qu'après expertise, elle l'a assignée en indemnisation de préjudices résultant de
désordres affectant le bâtiment ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de


l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu qu'une personne morale est un non-professionnel, au sens de ce texte, lorsqu'elle


conclut un contrat n'ayant pas de rapport direct avec son activité professionnelle ;

Attendu que, pour limiter la condamnation de la société Castel et Fromaget au titre du préjudice
locatif, l'arrêt du 15 mars 2018 retient que la société Les Chênes n'a pas la qualité de non-
professionnel au sens du texte susvisé puisque, même si elle a pour objet la location de biens
immobiliers, son gérant est également celui d'une société ayant pour objet la réalisation de
travaux de maçonnerie générale et de gros œuvre et que, dès lors, elle ne peut se prévaloir des
dispositions du code de la consommation sur les clauses abusives ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la qualité de non-professionnel d'une personne morale s'apprécie
au regard de son activité et non de celle de son représentant légal, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 10 : Un objet social certain (Cass. 2e civ., 27 juin 2019, no 18-18.453)

Vu l'article 1844-7, 2°, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après une expertise judiciaire qu'elle avait sollicitée, la société
Nada, ayant son siège social à [...], a, en février 2015, assigné son assureur, la société Allianz,

14
la société Dusogat et son assureur, la société Generali, ainsi que la société Moët Hennesy
champagne services (la société Mhcs), devant un tribunal de commerce pour voir déclarer la
société Dusogat et la société Mhcs responsables des désordres affectant des containers destinés
au vin qu'elle avait fournis à la société Mhcs et les voir condamner à lui payer certaines sommes
; que la société Trio, se disant anciennement dénommée Nada et immatriculée au registre du
commerce et des sociétés sous le même numéro que la société Nada, a conclu devant le tribunal
de commerce ;

Attendu que, pour déclarer nulle l'assignation délivrée aux sociétés Dusogat, Allianz, Generali
et Mhcs, l'arrêt retient qu'à la date de l'assignation, la société Nada n'avait plus d'existence
légale, ayant cédé son fonds de commerce à la société Nada services le 1er octobre 2014, et que
sous le numéro d'immatriculation de la société Trio figuraient, dans le répertoire SIREN, deux
extensions SIRET, l'une correspondant à la société Trio, sise à Reims, avec pour objet la
location de véhicules et l'organisation d'événements et l'autre correspondant à la société Trio,
sise à [...], qui avait pour objet la fabrication de structures métalliques et de parties de structures,
laquelle était fermée depuis le 24 novembre 2014 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la dissolution de plein droit d'une société par extinction de son
objet social, de nature à entraîner, après sa liquidation, la perte de sa personnalité morale, ne
pouvant résulter, en soi, ni de la cession d'un fonds de commerce ni de la cessation de son
exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Les conditions propres au droit des sociétés

Document 11 : La définition de l’affectio societatis (Cass. com., 3 juin 1986, n° 85-12.118)

Vu l'article 1832 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. Y... et Mme X..., épouse Z...,
sont convenus par acte notarié du 25 mars 1961 d'exploiter " en association en participation "
un fonds de commerce acquis le même jour par Mme Z... ; qu'il était prévu : " le bénéfice net
partageable sera partagé à raison de cinquante pour cent à Mme Z... et à raison de cinquante
pour cent à M. Y..., les pertes s'il en existe seront supportées dans les mêmes proportions " ;
que le fonds de commerce ayant été vendu le 30 septembre 1973, M. Y... a introduit une
demande tendant à la liquidation de la société en participation par lui invoquée et à la liquidation
de ses droits ;

Attendu que pour accueillir cette demande la Cour d'appel a déclaré que " M. Y... a, au moins
jusqu'en 1968, exprimé une " affectio societatis " en s'intéressant à la gestion du fonds de
commerce et en participant, sinon à ses bénéfices du moins à ses dettes et à ses charges " ;

Attendu qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel, qui n'a pas recherché si en " s'intéressant " à
la gestion du fonds M. Y... avait collaboré de façon effective à l'exploitation de ce fonds dans
un intérêt commun et sur un pied d'égalité avec son associé aux bénéfices tout en participant
dans le même esprit aux pertes, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE

15
Document 12 : La distinction entre l’apport en numéraire et l’avance en compte courant
(Cass. com., 21 avr. 2022, no 20-11.850)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 25 septembre 2019), M. [G] est associé de la société par
actions simplifiée Cosmopolite Wine et de la société à responsabilité limitée Emergence
Bordeaux, dirigées par M. [F].

2. M. [G] a assigné les sociétés Cosmopolite Wine et Emergence Bordeaux ainsi que M. [F] en
référé, aux fins de voir enjoindre à ce dernier, en ses qualités de président et gérant de ces
sociétés, de produire, sous astreinte, certains comptes annuels et documents sociaux, et de voir
ordonner une expertise de gestion.

Enoncé du moyen

3. M. [F] et les sociétés Cosmopolite Wine et Emergence Bordeaux font grief à l'arrêt
d'ordonner une expertise avec mission pour l'expert d'examiner le compte courant d'associé de
M. [G], d'en indiquer le montant, d'en retracer l'évolution et de donner son avis sur l'utilisation
qui en a été faite au regard de l'objet social, alors « qu'un ou plusieurs associés représentant au
moins le dixième du capital social peuvent demander en justice la désignation d'un ou plusieurs
experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ; que
l'examen du compte courant d'un associé, de son évolution et de l'utilisation qui en a été faite
ne constituant pas une opération de gestion, la cour d'appel a, ordonnant une expertise sur ce
point, violé l'article L. 223-37 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 223-37 du code de commerce, un ou plusieurs associés représentant


au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous
quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés
de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

5. La conclusion d'une convention de compte courant d'associé, qui est une convention
réglementée, constitue une opération de gestion au sens de l'article précité.

6. Après avoir relevé, d'une part, que M. [G] a investi dans la société Emergence Bordeaux une
certaine somme au titre d'une avance en compte courant, et d'autre part, que cette société
n'établit aucune comptabilité, qu'elle ne réunit pas ses associés et que son gérant ne répond pas
aux demandes de son associé, l'arrêt retient que M. [G], en sa qualité d'associé, est légitime à
s'inquiéter du sort de son investissement et que les dispositions de l'article L. 223-37 du code
de commerce l'autorisent à solliciter une mesure ayant pour objet d'examiner une ou plusieurs
opérations de gestion. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu
ordonner une mesure d'expertise sur le devenir de l'investissement de M. [G].

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

(…)

16
Document 13 : La nécessaire évaluation de l’apport en nature (Cass. com., 28 juin 2005, no
03-13.112)

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'à l'automne 1992, la société Banque financière
parisienne (la société BAFIP), contrôlée par la société Altus finance, filiale de la société Crédit
lyonnais, directement et par l'intermédiaire de sa filiale, la société Calciphos, a fait l'objet
d'opérations de restructuration à l'issue desquelles elle a pris le nom de banque Colbert ; qu'au
titre de ces opérations, la société BAFIP a absorbé les sociétés Saga et Altus patrimoine et
gestion et reçu par voie d'apport partiel d'actif les activités bancaires de la société International
bankers SA (la société IBSA) et de la société Alter banque, ainsi que les titres Alter banque
détenus par la société Altus finance ; qu'en 1998, la société Total Fina Elf (la société Total) et
la Société financière d'Auteuil (la société SFA), actionnaires minoritaires de la société BAFIP,
alléguant avoir subi un préjudice du fait de la surévaluation des actifs apportés à celle-ci, ont
assigné en dommages-intérêts MM. X... et Y..., commissaires aux apports et à la fusion, les
sociétés ayant participé aux opérations de restructuration ou leurs ayants cause, à savoir la
société CDR créances, venant aux droits de la banque Colbert, la société CDR entreprises,
venant aux droits de la société Altus finance, la société Calciphos, la société Crédit lyonnais et
la société IBSA, ainsi que les sociétés de commissaires aux comptes intervenues dans le
contrôle des comptes de la banque Colbert ou des sociétés ayant participé aux opérations de
restructuration, à savoir la société Ernst et Young audit (la société Ernst et Young), la société
Cabinet Robert Mazars, devenue société Mazars et Guérard, la société Befec Price Waterhouse
(la société Befec), la société KPMG Fiduciaire de France (la société KPMG) et la société
Cabinet Guy Noël et associés (la société Cabinet Guy Noël) ;

(…)

Vu l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes formées par les sociétés Total et SFA à
l'encontre de l'ensemble des défendeurs, l'arrêt retient qu'est irrecevable, en application du
textes susvisé, l'action individuelle exercée, fût-ce à l'encontre de tiers, par les actionnaires ou
anciens actionnaires d'une société dès lors que le préjudice dont ils demandent réparation ne
leur est pas personnel, mais n'est que le corollaire de celui qui aurait été subi par la société elle-
même et relève qu'à la supposer réelle et même délibérée, la surévaluation des éléments d'actif
objets des traités d'apport et du traité de fusion a porté atteinte au patrimoine de la banque
Colbert, devenue propriétaire de ces éléments d'actif qu'elle a rémunérés, de sorte que le
préjudice consécutif à une telle surévaluation a été subi directement par la personne morale et
que, loin de constituer un dommage distinct de celui causé à cette dernière, le préjudice que
font valoir les sociétés Total et SFA, en raison des mêmes faits, au titre de la violation du
principe d'égalité des actionnaires, tenant à une dépréciation de leurs actions et à une dilution
excessive de leur participation, n'est qu'un effet de l'amoindrissement de l'actif social ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la surévaluation des apports faits par un associé, qui se
traduit par une majoration infondée de sa participation au capital social, cause de ce fait aux
autres associés un préjudice qui n'est pas le corollaire de celui que subit la société et dont ceux-
ci sont par suite recevables à demander réparation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

17
Document 14 : Le principe de l’apport de la pleine propriété (Cass. com., 9 mars 2022, nos
20-14.773 et 20-16.410)

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2019), [V] [M], Mme [K] [M], Mme [E] [M] et Mme
[U] [M] (les consorts [M]) et la société France matériels détenaient la totalité du capital de la
société Franmat.

4. Le 1er juin 2011, ils ont confié à la société Financière de Courcelles une mission, dénommée
« mission n° 2 », ayant pour objet la recherche d'un acquéreur pour la totalité des actions
formant le capital de la société Franmat.

5. Le même jour, les consorts [M] lui ont confié une autre mission, dite « mission n° 3 », ayant
pour objet la recherche d'un acquéreur pour la totalité des actions formant le capital de la société
France matériels et pour les actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Franmat. La
société Courcelles Real Estate s'est substituée à la société Financière de Courcelles pour
l'exécution de cette mission.

6. Le 14 mai 2013, les consorts [M] et la société France matériels ont signé avec la société
Holgat un protocole portant sur les actions qu'ils détenaient dans la société Franmat.

7. Estimant que ces missions n'avaient pas été exécutées, la société France matériels et les
consorts [M] ont refusé de payer les honoraires stipulés, pour partie forfaitaires et pour partie
liés au succès des opérations objet des missions. Les sociétés Financière de Courcelles et
Financière de Courcelles Real Estate les ont assignés en paiement. Reconventionnellement, la
société France matériels et les consorts [M] ont demandé la condamnation de ces sociétés à leur
payer des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Enoncé du moyen

9. Les consorts [M] et la société France matériels font grief à l'arrêt de les condamner
solidairement à verser à la société Financière de Courcelles une certaine somme au titre des
honoraires afférents à la mission n° 2, alors :

« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes du
protocole de conciliation du 14 mai 2013, la société Holgat et les actionnaires de la société
Franmat, à savoir les consorts [M] et la société France matériels, ont déclaré et reconnu que les
actionnaires de la société Franmat s'étaient engagés à apporter la totalité de leur participation à
la société Holgat, celle-ci s'engageant en conséquence à recevoir l'apport de 100 % du capital
de la société Franmat selon les modalités prévues au traité d'apport, soit une rémunération par
l'attribution aux apporteurs de 195 869 actions à bons de souscription d'action et de 391 697
obligations convertibles en actions, pour une valeur nominale totale de 1 762 698 euros ; qu'en
retenant que, dans ce protocole de conciliation, la société Holgat s'était engagée à acheter la
totalité des actions formant le capital social de la société Franmat pour 1 762 698 euros, cette
somme étant perçue par les vendeurs, la cour d'appel a dénaturé ce protocole de conciliation,
en violation du principe susvisé ;

4°/ que l'apport en société, qui se définit comme la mise en commun d'un bien moyennant
l'attribution de droits sociaux soumis aux aléas de la société, n'est pas une vente, laquelle

18
suppose le paiement d'un prix ; qu'en qualifiant les droits sociaux attribués aux consorts [M] et
la société France matériels en rémunération de l'apport qu'ils avaient effectué à la société Holgat
de prix de vente, la cour d'appel a violé les articles 1582 et 1832 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1582, alinéa 1er, et 1832, alinéa 1er, du code civil ainsi que l'interdiction pour
le juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

10. Selon le premier de ces textes, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer
une chose, et l'autre à la payer. Selon le second, la société est instituée par deux ou plusieurs
personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur
industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Il
en résulte que l'apport en propriété fait à une société, en contrepartie duquel sont attribués des
droits sociaux, n'est pas une vente.

11. Pour condamner solidairement les consorts [M] et la société France matériels à verser à la
société Financière de Courcelles une certaine somme au titre des honoraires afférents à la
mission n° 2, l'arrêt retient que l'attribution de droits sociaux aux consorts [M] et à la société
France matériels en rémunération de leur apport constitue un prix de vente et en déduit que le
protocole qu'ils ont signé le 14 mai 2013 avec la société Holgat prévoit l'achat par cette dernière
de la totalité des actions composant le capital de la société Franmat, en contrepartie de la somme
de 1 762 698 euros, perçue par les vendeurs.

12. En statuant ainsi, alors que ce protocole stipulait que les consorts [M] et la société France
matériels s'engageaient à apporter à la société Holgat leur participation dans la société Franmat,
la cour d'appel a dénaturé ce contrat et violé les textes et le principe susvisés.

(…)

PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE

Document 15 : La définition et le régime de l’apport en industrie (Cass. com., 14 déc. 2004,


no 01-11.353)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 7 mars 2001), qu'en 1989, MM. Noël et Marc X... ont
respectivement acquis treize et onze des cinquante parts composant le capital de la société civile
d'exploitation agricole de Nourry (la société), le surplus des parts étant détenu par M. de la Y...
Z... ; qu'en 1995, MM. X..., envisageant de se retirer de la société, ont obtenu en référé la
désignation de deux experts chargés de déterminer la valeur de leurs parts ; qu'après le dépôt
des rapports d'expertise en 1998, MM. X... ont assigné M. de la Y... Z... et la société, demandant
qu'il soit jugé que le bilan arrêté au 30 juin 1996 devait comprendre au passif la créance, telle
qu'estimée par expert, représentative du coût du travail fourni par eux depuis leur entrée dans
la société ;

Attendu que MM. X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande alors, selon le moyen :

1 ) que l'existence d'apports en industrie ouvrant droit à une part de bénéfices peut résulter, dans
le silence des statuts, du seul accord unanime des associés ; qu'en statuant ainsi, après avoir
constaté qu'ils ont effectivement bénéficié d'une répartition inégale des bénéfices pour

19
compenser leur participation aux travaux de la SCEA, et partant en caractérisant ainsi elle-
même l'acceptation unanime par les associés de l'existence d'un apport en industrie ouvrant
droit à une distribution de bénéfices supplémentaires en leur faveur, la cour d'appel n'a pas tiré
les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1134, 1843-2, alinéa
2, et 1836 du Code civil, qu'elle a violés ;

2) qu'ils ne demandaient pas le paiement d'une rémunération supplémentaire en qualité de


salariés de la société mais une évaluation et l'inscription au bilan de la société de la rémunération
de ces apports, soit des bénéfices auxquels leur donnaient droit ces apports, sur la base des
chiffres retenus par le rapport d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le
cadre du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir exactement énoncé que seuls les statuts déterminent les
apports de chaque associé et relevé que les statuts de la société, qui n'ont jamais été modifiés,
prévoyaient exclusivement des apports en espèces et non des apports en industrie, la cour
d'appel a décidé à bon droit que MM. X... ne pouvaient se prévaloir de tels apports ;

Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas dit que MM. X... demandaient le paiement
d'une rémunération supplémentaire en qualité de salariés mais seulement qu'ils ne pouvaient
cumuler la rémunération à laquelle ils auraient pu prétendre s'ils avaient été salariés et les
bénéfices qu'ils ont perçus en qualité d'associés ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 16 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. ch. réunies, 11 mars


1914, Caisse rurale de la commune de Manigod)

CASSATION, sur le pourvoi de la Caisse rurale de la commune de Manigod, d'un jugement


rendu par le Tribunal civil de Thonon, le 16 décembre 1910, au profit de l'Administration de
l'Enregistrement.

LA COUR,

Statuant, toutes chambres réunies, et vidant le renvoi qui lui a été fait par arrêt de la chambre
civile du 29 avril 1913 ;

Ouï, en l'audience publique du 11 mars 1914, M. le conseiller Le Grix, en son rapport ; MMes
Le Marois et Coche, avocats des parties, en leurs observations, et M. le procureur général Sarrut,
en ses conclusions ;

Et après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi :

Vu les articles 1832 du Code civil et 1er de la loi du 1er juillet 1901 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 1832 du Code civil, la société est un contrat par lequel deux
ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun dans la vue de partager
le bénéfice qui pourra en résulter ;

20
Et que, suivant l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901, l'association est la convention par
laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun leurs connaissances ou leur activité
dans un but autre que de partager des bénéfices ;

Attendu que l'expression "bénéfices" a le même sens dans les deux textes et s'entend d'un gain
pécuniaire ou d'un gain matériel qui ajouterait à la fortune des associés ; que, dès lors, la
différence qui distingue la société de l'association consiste en ce que la première comporte
essentiellement, comme condition de son existence, la répartition entre associés des bénéfices
faits en commun, tandis que la seconde l'exclut nécessairement ;

Attendu que la Caisse rurale de Manigod, société coopérative de crédit à capital variable,
constitue non une société, mais une association ;

Attendu, en effet, que des qualités du jugement attaqué et de l'acte du 26 mars 1905, qui y est
visé, il résulte que cette Caisse n'a été créée que pour procurer à ses adhérents le crédit qui leur
est nécessaire pour leurs exploitations ; que les associés ne possèdent pas d'actions, ne font
aucun versement et ne reçoivent pas de dividendes (article 14 des statuts) ; que la société
emprunte soit à ses membres, soit à des étrangers, les capitaux strictement nécessaires à la
réalisation des emprunts contractés par ses membres (art. 15) et qu'elle prête des capitaux à ces
derniers à l'exclusion de tous autres, mais seulement en vue d'un usage déterminé et jugé utile
par le conseil d'administration, qui est tenu d'en surveiller l'emploi (art. 16) ;

Attendu que cet ensemble de dispositions démontre que le seul avantage, ainsi assuré aux
associés de la Caisse, consiste dans la faculté de lui emprunter des capitaux moyennant un taux
d'intérêt aussi réduit que possible ;

Attendu, il est vrai, que d'après l'article 21 des statuts :

"En cas de dissolution de la société, fondée d'ailleurs pour un temps illimité, la réserve qui
compose le seul capital social et qui est constituée par l'accumulation de tous les bénéfices
réalisés par la Caisse sur ses opérations, est employée à rembourser aux associés les intérêts
payés par chacun d'eux, en commençant par les plus récents et en remontant jusqu'à épuisement
complet de la réserve" ;

Mais attendu que cette distribution éventuelle des réserves qui pourraient exister au jour de la
liquidation, ne présenterait pas les caractères légaux d'un partage de bénéfices au sens de
l'article 1832 du Code civil, puisque, d'une part, elle ne serait pas nécessairement faite au profit
de tous les adhérents et pourrait se trouver limitée à quelques-uns, et que, d'autre part, elle aurait
pour base, non la seule qualité des associés, mais la quotité et la date des prêts faits à chacun
d'eux ;

Qu'elle constituerait, en réalité, le remboursement, suivant un mode particulier, défini par les
statuts, d'une partie des sommes qui auraient été perçues exclusivement en vue d'assurer le
fonctionnement de l'association et qui, en fait, auraient été supérieures à ses besoins ;

D'où il suit que le jugement attaqué a déclaré à tort que la Caisse rurale de Manigod étant une
société et non une association, l'acte constitutif de cette société était assujetti au droit établi par
l'article 68, par. 3, n° 4 de la loi du 22 frimaire an VII et l'article 1er de la loi du 28 février 1872
converti par l'article 19 de la loi du 28 avril 1893, en une taxe proportionnelle de 20 centimes
pour 100 francs ;

21
Par ces motifs, CASSE

Document 17 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. com., 10 juin 2020,


no 18-15.614)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 février 2018), l'assemblée générale de la société


anonyme Société internationale de transit (la société SIT), dont le capital est détenu à
concurrence de 54 % par M. Q... C..., 43,36 % par M. K... C..., 2,52 % par M. K... C... et 0,12
% par Mme C... épouse J..., a, par sa troisième résolution adoptée le 26 juin 2014, décidé
d'affecter la somme de 550 346 euros aux réserves.

2. Estimant que cette décision était constitutive d'un abus de majorité, M. K... C... a assigné M.
Q... C..., M. K... C..., Mme C... épouse J... (les consorts C...) et la société SIT notamment en
annulation de la troisième résolution de l'assemblée du 26 juin 2014 et en condamnation de la
société SIT à lui payer une provision d'un montant de 500 000 euros à valoir sur sa participation
aux bénéfices.

Enoncé du moyen

3. Les consorts C... et la société SIT font grief à l'arrêt d'annuler, pour abus de majorité, la
troisième résolution de l'assemblée générale du 26 juin 2014 alors :

« 1°/ que l'abus de majorité suppose que soit cumulativement caractérisée une atteinte portée à
l'intérêt social par la décision adoptée ainsi qu'une rupture d'égalité entre des actionnaires ; que
la décision litigieuse doit donc avoir été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres
de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en retenant uniquement que, "en privant M. K...
C... sans justification au regard de l'intérêt social de son droit au bénéfice, et alors qu'aucun
dividende n'avait été distribué depuis de nombreuses années, les actionnaires constituant le
groupe majoritaire de la société SIT ont commis à l'encontre de M. K... C..., actionnaire
minoritaire détenant 43,36 % des actions, un abus de majorité", sans expliquer, comme elle y
était pourtant invitée, en quoi l'absence de distribution de dividendes faisant suite à la mise en
réserve litigieuse favorisait les seuls associés majoritaires, tandis que cette absence concerne
tous les associés, minoritaires comme majoritaires, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version alors applicable, désormais
l'article 1240 du même code ;

2°/ que l'abus de majorité suppose que soit cumulativement caractérisée une atteinte portée à
l'intérêt social par la décision adoptée ainsi qu'une rupture d'égalité entre des actionnaires ; que
la décision litigieuse doit donc avoir été prise dans l'unique dessein de favoriser les membres
de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en retenant uniquement que, « en privant M. K...
C... sans justification au regard de l'intérêt social de son droit au bénéfice, et alors qu'aucun
dividende n'avait été distribué depuis de nombreuses années, les actionnaires constituant le
groupe majoritaire de la société SIT ont commis à l'encontre de M. K... C..., actionnaire
minoritaire détenant 43,36 % des actions, un abus de majorité », sans expliquer, comme elle y
était pourtant invitée, en quoi l'absence de distribution de dividendes intervenant suite à la mise
en réserve litigieuse se faisait au détriment des seuls associés minoritaires, tandis que cette
absence concerne tous les associés, minoritaires comme majoritaires, la cour d'appel a privé sa

22
décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa version alors applicable,
désormais l'article 1240 du même code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

5. Pour annuler la troisième résolution de l'assemblée générale du 26 juin 2014, l'arrêt, après
avoir énoncé que la mise en réserve systématique, pendant de nombreuses années et sans projet
d'investissement ou nécessité de gestion, des bénéfices d'une société est susceptible de
caractériser un abus de majorité, lorsqu'elle a pour effet de priver les actionnaires minoritaires
de leur droit aux dividendes, retient que la vocation d'une société ayant une activité foncière
est, en principe, de procurer un revenu périodique aux associés.

6. Relevant ensuite que la société SIT, qui a pour activité la gestion d'un patrimoine immobilier,
n'a pas de crédit en cours ni de projet d'investissement, l'arrêt retient que si une gestion prudente
peut justifier la constitution de réserves au regard de l'éventualité d'une vacance prolongée des
biens, les justifications avancées à cet égard par les consorts C... en des termes très généraux et
exempts de chiffrage ne permettent pas de rendre compte de la légitimité de la mise en réserve
litigieuse, cependant que les réserves de la société s'élèvent déjà à la somme de 624 284 euros.

7. L'arrêt relève encore que les biens immobiliers appartenant à la société SIT sont donnés en
location à une vingtaine de locataires différents et que le plus important des deux biens
appartenant à la SCI Les Mûriers, sa filiale, est loué au conseil régional, ce dont il déduit que
la nécessité de se prémunir contre un risque de vacance massif et subi doit être fortement
relativisée et ne peut justifier la constitution de réserves représentant plus de cinq fois le
montant des charges externes de la société.

8. L'arrêt constate, enfin, que les disponibilités de la société s'élevaient, au 31 décembre 2013,
à la somme de 744 249 euros, à rapprocher du montant des valeurs mobilières de placement,
qui n'est que de 6 106 euros.

9. L'arrêt déduit de l'ensemble de ces énonciations, constatations et appréciations que la


politique de mise en réserve suivie par la société SIT est une politique de pure thésaurisation,
contraire à l'intérêt social, et qu'en privant ainsi M. K... C... de son droit au bénéfice, cependant
qu'aucun dividende n'avait été distribué depuis de nombreuses années, les actionnaires
majoritaires ont commis un abus.

10. En se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi la résolution litigieuse avait été prise dans
l'unique dessein de favoriser les consorts C... au détriment de M. K... C..., la cour d'appel a privé
sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

23
Document 18 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. com., 4 nov. 2020, no
18-20.409)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 29 mai 2018), la SARL [...] (la société) a pour associés quatre
frères, MM. E..., K..., W... et F... O..., le premier détenant 40 % du capital et les trois autres
associés 20 % chacun. MM. W... et F... O... sont cogérants de la société. Chacun des associés
est salarié de la société.

2. Reprochant à ses frères d'avoir décidé, au cours des assemblées générales de 2010 à 2016,
l'affectation systématique des bénéfices en réserves, M. E... O... les a assignés, ainsi que la
société, en paiement de dommages-intérêts pour abus de majorité et en réparation de son
préjudice moral.

Enoncé du moyen

3. M. E... O... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que M. E... O... soutenait que les importantes augmentations de salaires ne pouvaient
trouver une justification dans les heures supplémentaires effectuées par ses trois associés dès
lors qu'en leur qualité de « cadres dirigeants », ils ne pouvaient, sauf à méconnaître l'article L.
3111-2 du code du travail, s'octroyer une rémunération à raison de ces heures de travail
supplémentaires ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ces conclusions de nature à établir
un abus de majorité, dès lors que ces importantes augmentations – concomitantes à une mise en
réserve systématique des bénéfices –, ne trouvaient pas d'autres justifications, a violé l'article
455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'abus de majorité est caractérisé dès lors que les associés majoritaires salariés mettent
systématiquement en réserve les bénéfices de la société tout en augmentant très fortement leurs
salaires –, ce qui prive de tout revenu l'associé minoritaire non salarié –, sans qu'importe la
circonstance inopérante prise de ce que les réserves viennent garantir les investissements
réalisés par la société ; que la cour d'appel, qui a pourtant constaté une mise en réserve
systématique des bénéfices depuis l'exercice 2009, concomitante à des augmentations de
salaires très élevées des trois associés, privant ainsi M. E... O... de tout revenu provenant de la
société, ne pouvait, dès lors qu'étaient sans importance les besoins de garantir les
investissements réalisés, écarter tout abus de majorité sans violer les articles 1382 devenu 1241,
1832 et 1844-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Après avoir énoncé que l'abus de majorité est caractérisé lorsque la décision d'assemblée
générale contestée est contraire à l'intérêt social et qu'elle a pour but de favoriser les associés
majoritaires au détriment des associés minoritaires, l'arrêt relève que la société avait entrepris
des travaux de construction d'une centrale d'assainissement, projet pour lequel elle avait
souscrit, en 2013, un emprunt de 1,7 millions d'euros sur quinze ans, garanti par une hypothèque
et par un nantissement sur le compte-titres de la société à hauteur d'un million d'euros et dont
M. E... O..., qui l'avait initié lorsqu'il était gérant, ne contestait pas le grand intérêt. L'arrêt retient
ensuite qu'il était nécessaire, pour obtenir le prêt, et au vu du montant de l'investissement et des
revenus de la société, que cette dernière mette en réserve ses bénéfices, afin d'offrir des

24
garanties aux banques puis, qu'une fois le prêt obtenu, il était de bonne et prudente gestion de
continuer à mettre en réserve les bénéfices afin d'assurer à la société une capacité de
remboursement sûre et durable, et ce d'autant plus qu'il était établi que dès l'année 2000, la
société avait également conclu des contrats de crédit-bail pour financer l'acquisition de
nouveaux véhicules.

5. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que les décisions de mise en
réserve des bénéfices n'étaient pas contraires à l'intérêt social, la cour d'appel, qui n'était pas
tenue de répondre aux conclusions, dès lors inopérantes, invoquées par la première branche, a
pu retenir que l'abus de majorité allégué n'était pas constitué.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi

Document 19 : Le partage du bénéfice ou le profit de l’économie (Cass. 3e civ., 6 avr. 2022,


no 21-13.287)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 janvier 2021), la société civile immobilière du


Reyran (la SCI), propriétaire d'un terrain situé à Fréjus, l'a donné le 30 janvier 1986 à bail à
construction à la société anonyme Les Parcs aquatiques de Fréjus, à charge pour elle d'y édifier
un centre de loisirs.

2. Par suite d'une fusion-absorption, la société Aqualand, qui était devenue en 2005 associée
majoritaire de la SCI, est venue aux droits de la société anonyme Les Parcs aquatiques de Fréjus.

3. Des assemblées générales réunies les 15 avril 2014, 14 avril 2015, 26 avril 2016, 26 avril
2017, 26 avril 2018 et 18 avril 2019 ont décidé l'affectation de 20 % des bénéfices de la SCI
aux comptes « report à nouveau » et « autres réserves ».

4. Invoquant un abus de majorité, MM. [T] et [K] [G] et les sociétés Egte, Storus et La Wallone,
associés minoritaires de la société, ont demandé l'annulation des délibérations et la distribution
des bénéfices aux associés au prorata de leurs droits.

Enoncé du moyen

5. La société Aqualand et la SCI font grief à l'arrêt d'annuler les quatrièmes résolutions des
assemblées générales et de dire que la somme de 520 000 euros provenant des comptes de report
à nouveau et autres réserves serait distribuée aux associés de la SCI au prorata de leurs droits,
alors :

« 1°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'en vertu de l'article L.
251-1 du code de la construction et de l'habitation, le bail à construction est le contrat par lequel
un preneur s'engage, à titre principal, à édifier des constructions clairement identifiées sur le
terrain du bailleur ; que le bail du 30 janvier 1986, prorogé par acte du 29 décembre 1999 et
son avenant du 14 mars 2007, et qui venait à échéance le 31 décembre 2021, portait sur
l'édification par Aqualand d'infrastructures de loisir légères et/ou démontables destinées à
demeurer la propriété d'Aqualand à l'issue du bail et stipulait que « Le preneur se propose

25
d'édifier sur le terrain dont s'agit un centre de loisirs à vocation de parc aquatique composé -
sur sa partie sud-ouest de parkings, - puis de locaux sanitaires, vestiaires, boutiques, restaurants
bars et leurs terrasses, lagons d'enfants, piscine à houles, lagunes de jeux, plage autour,
toboggans, aires de pic-nie, espaces verts autour, Ainsi que le tout figure au plan de masse
général qui demeurera ci-joint et annexé après mention », que « Le preneur s'oblige à édifier ou
faire édifier à ses frais, sur le terrain présentement loué, des constructions conformes aux Plans
et devis descriptif analysés en l'exposé qui précède. Il ne pourra apporter au projet de
construction ainsi défini aucune modification d'exécution autre que modifications mineures
nécessitées par des raisons esthétiques, techniques et économiques, sans avoir obtenu par écrit
l'accord du bailleur à leur sujet » et que « Le preneur s'oblige à commencer, les travaux avant
le 1er janvier 1986 et à les mener de telle manière que les constructions projetées et les éléments
d'infrastructure et d'équipement soient totalement achevée au cours du deuxième semestre 1986
» ; qu'il résultait de ces stipulations que tout projet de construction additionnel non prévu par le
plan de masse général en annexe requérait la conclusion soit d'un avenant soit d'un nouveau
bail à construction, et que les travaux en litige envisagés pour lesquels les mises en réserve à
hauteur de 20 % avaient été votées, et qui consistaient en la construction d'une nouvelle voie
d'accès au site, le remblaiement/surélévation du site (avec compensation du volume soustrait à
la crue estimé à 2000 m3) et la construction d'un bassin de rétention de 95 m² n'avaient pas été
prévus par la bail à construction ; qu'en énonçant qu'il résultait du bail à construction du 30
janvier 1986 que le preneur avait l'obligation d'entretenir les voiries et le terrain, la bailleresse
n'ayant pas à en supporter les charges y afférentes, de sorte que la mise en réserve d'une partie
des bénéfices n'était pas légitime, la cour d'appel a dénaturé le bail à construction ;

2°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation
particulière, de délivrer au preneur la chose louée et de l'entretenir en état de servir à l'usage
pour lequel elle a été louée ; qu'en énonçant, pour dire que les travaux ayant motivé la mise en
réserve de 20 % du résultat étaient à la charge du preneur, qu'il résultait du bail à construction
du 30 janvier 1986 que le preneur avait l'obligation d'entretenir les voiries et le terrain, sans
constater l'existence d'une stipulation expresse mettant à la charge du preneur les travaux de
mise aux normes pour prévenir le risque d'inondation arrêté par les autorité administratives, la
cour d'appel a violé les articles 1719 et 1720 du code civil ;

3°/ que l'obligation principale du bailleur est de délivrer la chose louée et d'en faire jouir
paisiblement le preneur pendant la durée du bail et d'effectuer notamment les travaux prescrits
pour faire face aux risques d'inondation, sauf disposition contraire expresse ; qu'en se bornant
à retenir, pour dire que les travaux étaient à la charge du preneur et ne pouvaient légitimer la
mise en réserve de 20 % du résultat, qu'il résultait du bail à construction du 30 janvier 1986 que
le preneur avait l'obligation d'entretenir les voieries et le terrain, la bailleresse n'ayant pas à en
supporter les charges afférentes, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les travaux en
litige consistant en la construction d'une nouvelle voie d'accès au site, le
remblaiement/surélévation du site (avec compensation du volume soustrait à la crue estimé à
2000 m3), la construction d'un bassin de rétention de 95 m², afin de prévenir le risque
d'inondation, une partie du terrain ayant été classée par les autorités administratives en 2014 en
zone à risque, n'étaient pas exclus de la clause VI du bail relative à l'obligation d'entretien et
incombaient conséquemment au bailleur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard des articles 1719 et 1720 du code civil ;

4°/ que constitue un abus de majorité la décision prise contrairement à l'intérêt social et dans
l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en se
bornant à retenir, pour juger que la mise en réserve de 20 % du résultat votée en 2014, 2015,

26
2016, 2017, 2018 et 2019 constituait un abus de majorité, que le preneur, soit la société
Aqualand, avait l'obligation d'entretenir les voiries et le terrain, la bailleresse n'ayant pas à en
supporter les charges afférentes de sorte que le refus de distribution n'était pas légitime, puisque
la prise en charge par la Sci du Reyran de ces travaux conduirait à avantager le seul associé
majoritaire au détriment des associés minoritaires, que la thésaurisation, dès lors qu'elle dépasse
les règles d'une saine gestion, est contraire à l'intérêt de la société, qu'il n'existe aucun projet,
qu'il n'y a pas de dettes ni actuelles ni prévisibles, que le retrait des associés minoritaires est
toujours refusé malgré leurs demandes réitérées, qu'il n'est fourni aucune indications sur la
valeur des parts de la SCI du Reyran dans l'hypothèse d'un rachat des parts sociales, que le
capital social déclaré est de 35 064 € et qu'il n'est pas de l'intérêt de la SCI du Reyran de
conserver des réserves à hauteur de 8 fois le bénéfice annuel et à hauteur de 24 fois le capital
social, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser en quoi les mises
en réserves de 20 % du résultat avaient été prises contrairement à l'intérêt social, et a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code ;

5°/ que constitue un abus de majorité la décision prise contrairement à l'intérêt social et dans
l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en se
bornant à retenir, pour juger que la mise en réserve de 20 % du résultat votée en 2014, 2015,
2016, 2017, 2018 et 2019 constituait un abus de majorité, qu'il n'existe aucun projet, qu'il n'y a
pas de dettes ni actuelles ni prévisibles, que le retrait des associés minoritaires est toujours
refusé malgré leurs demandes réitérées, qu'il n'est fourni aucune indication sur la valeur des
parts de la SCI du Reyran dans l'hypothèse d'un rachat des parts sociales, que le capital social
déclaré est de 35 064 €, qu'il n'est pas de l'intérêt de la Sci du Reyran de conserver des réserves
à hauteur de 8 fois le bénéfice annuel et à hauteur de 24 fois le capital social, la cour d'appel
s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser que les mises en réserves avaient été
prises dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité,
et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du
même code ;

6°/ que l'abus de majorité se caractérise par une décision prise contrairement à l'intérêt général
de la société et dans l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment des
associés minoritaires ; que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Aqualand et du Reyran
soutenaient qu'Aqualand et les associés minoritaires avaient été traités de façon totalement
égalitaire en percevant un dividende équivalent à 80 % du bénéfice annuel distribuable des
exercices clos au 31 octobre 2012, 2013 et 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019, que
l'affectation des résultats des années précédentes aux comptes « report à nouveau » et « autres
réserves » relevait d'une gestion prudente dans l'intérêt de la SCI du Reyran et qu'il n'y avait
aucune jouissance exclusive ou illicite des fonds de la SCI du Reyran dans la mesure où il n'était
pas contesté que lesdits fonds étaient régulièrement déposés sur des comptes distincts de ceux
de la société Aqualand, que les comptes « report à nouveau » et « autres réserves » étaient pris
en compte dans l'estimation de l'actif déterminant la valeur des parts sociales d'une société de
sorte que cela permettait à terme d'augmenter la valeur des parts sociales de la SCI du Reyran
et que la non-distribution de 20 % du résultat ne pouvait donc avoir pour but ni pour effet de
favoriser la majorité au détriment d'une minorité et de constituer une rupture d'égalité ; qu'en
s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du
code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. En premier lieu, la cour d'appel a constaté que, si la société Aqualand et la SCI justifiaient le

27
refus de distribution des sommes affectées sur les comptes « report à nouveau » et « autres
réserves » par la nécessité d'effectuer d'importants travaux de voirie pour améliorer les accès
au site, de réaliser le remblaiement ou la surélévation du site pour compenser les volumes
soustraits à la crue et de créer un bassin de 95 m² pour sécuriser le terrain contre les risques
d'inondation, deux des arrêtés de catastrophe naturelle qu'elles mentionnaient ne concernaient
pas la commune de Fréjus, que, si le plan de prévention des risques d'inondation imposait la
réalisation de certains travaux dans les cinq ans, aucun aménagement n'avait été réalisé en
relation avec ce document et qu'il ne résultait pas des documents produits qu'il y eût obligation
de créer un bassin de rétention ni un remblaiement ou une surélévation.

7. Elle a, en outre, relevé, sans dénaturation, qu'il résultait du bail à construction du 30 janvier
1986, prorogé le 29 décembre 1999, et de son avenant du 14 mars 2007 que le preneur, qui
devait conserver en fin de bail la propriété de toutes les constructions et de tous les
aménagements réalisés sur le terrain ainsi que toutes les améliorations, s'était engagé à prendre
en charge les éléments d'infrastructure et l'équipement et à en assurer la conservation en bon
état d'entretien.

8. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations
rendaient inopérante et sans avoir à relever l'existence d'une clause mettant à la charge du
preneur les travaux de mise aux normes pour prévenir le risque d'inondation retenu par les
autorités administratives, qu'il résultait de contrat de bail à construction que l'obligation de
réaliser les travaux d'entretien des voiries et du terrain incombait au preneur, de sorte que le
bailleur n'avait pas à supporter les charges afférentes.

9. En second lieu, la cour d'appel a retenu que les motifs invoqués par la société Aqualand et la
SCI pour refuser la distribution des sommes affectées aux comptes de report à nouveau et de
réserves, tenant à l'obligation d'exécuter des travaux, n'étaient pas légitimes puisque ces travaux
incombaient non pas à la bailleresse mais à la société preneuse à bail, de sorte que leur prise en
charge par la SCI eût conduit à avantager la société Aqualand au détriment de MM. [T] et [K]
[G] et des sociétés Egte, Storus et La Wallone.

10. Elle a relevé, par ailleurs, qu'alors que le montant des comptes de report à nouveau et de
réserves s'élevait à la somme de 860 144 euros au 31 octobre 2018, il n'existait aucun projet ni
aucune dette actuelle ou prévisible et qu'il n'était pas dans l'intérêt de la SCI de conserver des
réserves à hauteur de huit fois le bénéfice annuel et de vingt-quatre fois le capital social.

11. Ayant ainsi fait ressortir que les décisions dont l'annulation était demandée avaient été prises
contrairement à l'intérêt général de la société et dans l'unique dessein de favoriser l'associée
majoritaire au détriment des associés minoritaires, la cour d'appel, qui a répondu aux
conclusions prétendument délaissées, a légalement justifié sa décision en caractérisant l'abus de
majorité.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 20 : La prohibition des clauses léonines, des clauses d’intérêt fixe et des clauses
d’intérêt intercalaire (Cass. com., 18 oct. 1994, no 92-18.188)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 janvier 1992), que les époux Y... et M. X...,
associés dans la société en nom collectif Y... et X..., exploitant un fonds de commerce de bar-
tabac, bimbeloterie, articles pour fumeur, ont conclu, le 16 décembre 1985, une convention par

28
laquelle M. X... abandonnait tous les bénéfices correspondant à ses parts sociales, moyennant
une redevance mensuelle forfaitaire indexée sur la moyenne arithmétique du prix de vente de
certains articles du fonds ; que, le 11 mai 1988, M. X... a cédé ses parts sociales à M. A..., tandis
que, le 15 décembre 1988, les époux Y... ont cédé les leurs aux époux Z... ; que ces derniers, se
refusant à appliquer à M. A... la convention de " délégation forfaitaire de bénéfices " du 16
décembre 1985, l'ont assigné pour voir prononcer la nullité de cette convention ; que M. A... a
assigné les époux Z..., les époux Y... et M. X..., pour voir déclarer cette convention applicable
ou, à titre subsidiaire, voir prononcer la nullité de la cession de parts intervenue entre lui et M.
X... ; que le Tribunal saisi a dit inopposable aux époux Z... la convention du 16 décembre 1985
et, après avoir prononcé la résolution de la cession intervenue entre M. A... et M. X..., a
condamné ce dernier, solidairement avec les époux Y..., à restituer à M. A... le prix de la cession
; qu'après avoir formé appel, les époux Y... s'en sont désistés au profit des époux Z... ;

(…)

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. A... fait encore grief à l'arrêt d'avoir dit nulle la convention du 16 décembre
1985 et d'avoir en conséquence rejeté toutes ses demandes d'indemnisation dirigées à l'encontre
de M. X... et des époux Y..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que la clause par laquelle un
associé cède à son coassocié, comme en l'espèce, le droit de percevoir la totalité des bénéfices
en contrepartie d'une rémunération forfaitaire, ne contrevient pas à la règle visée à l'alinéa 2 de
l'article 1844-1 du Code civil, car elle n'attribue pas à un associé la totalité du profit procuré par
la société et ne met pas nécessairement à sa charge la totalité des pertes, au sens de ce texte que
l'arrêt a donc violé ; alors, d'autre part, que la nullité de la convention pouvait être couverte par
confirmation réalisée en connaissance du vice et avec l'intention de le réparer, ce qui était le cas
pour M. X... par son engagement subséquent de subrogation dans l'acte de cession du 11 mai
1988 et pour les époux Y... dans leur engagement subséquent de respect de la convention
litigieuse dans leur lettre d'agrément du 20 septembre 1988 ; que l'arrêt a donc violé les articles
1134 et 1338 du code civil ; et alors, enfin, que les comportements de M. X... et des époux Y...,
tels que manifestés dans leurs écrits de mai et septembre 1988, étaient de nature à caractériser
une faute délictuelle génératrice de préjudice qui devait être intégralement réparé ; que l'arrêt a
donc violé l'article 1383 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la convention litigieuse avait pour effet
d'assurer en toute circonstance à son bénéficiaire la certitude d'un profit quand bien même la
société générerait des pertes qui seraient entièrement à la charge de l'autre associé, la cour
d'appel a pu en déduire que ladite convention était nulle, et estimer que les engagements de M.
X... et des époux Y..., tels que manifestés dans les écrits de mai et septembre 1988 invoqués
étaient indifférents ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que la convention du 16 décembre 1985 était illicite,
la cour d'appel a pu décider que M. B... ne pouvait ni reprocher aux époux Y... d'avoir omis de
faire prendre aux époux Z... l'engagement d'exécuter une telle convention, ni prétendre à autre
chose qu'à la restitution par M. X... du montant du prix de cession dès lors qu'il ne pouvait
ignorer les dispositions légales prohibant la clause souscrite par le vendeur ;

Qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

29
Document 21 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix
plancher (Cass. com., 20 mai 1986, no 85-16.716, Bowater)

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1985) que, par acte du
20 avril 1973, M. du X..., en son nom personnel comme au nom d'autres actionnaires, a cédé à
la société Iéna Industrie, filiale de la Bowater Corporation Limited (société Bowater) plus des
deux tiers des actions de la société anonyme A.de LuzFils (société Luzentre les mêmes parties
des promesses réciproques d'achat et de vente qui prévoyaient un minimum et un maximum au
prix qui devait être fixé, déterminaient un délai d'option situé en 1977 et portaient sur un nombre
d'actions tel que l'ensemble des actes visait la totalité du capital de la société Luzaction) ; que
M. du X... ayant déchargé la société Iéna Industrie de ses obligations, la société Bowater a, par
lettre du 11 novembre 1975, souscrit une promesse d'achat qui, prévoyant un délai d'option en
1982, précisait que le prix serait déterminé d'un commun accord par référence " à la valeur nette
d'actif tangible et corporel " de la société Luzsinon à dire d'expert, le prix ne pouvant être
inférieur à une somme fixée à 5 millions de francs ; que la société Bowater devint, courant
1976, associée de la société LuzM. du Vivier, pour avoir paiement du prix minimum prévu,
introduisit une demande à laquelle la société Bowater résista en soutenant que la clause
prévoyant un tel prix était nulle comme contrevenant à l'article 1844-1 du Code civil ;

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir, pour condamner la société Bowater au paiement
réclamé, écarté cette prétention aux motifs que la promesse en cause n'était utilement critiquée,
ni dans son objet, dès lors qu'elle était intervenue à des conditions plus favorables que celles
prévues par les promesses d'achat souscrites par la société Iéna Industrie, ni dans son résultat,
dès lors que la société Bowater n'avait fourni aucun élément sur la valeur des actions, en termes
réels, au jour de la promesse, et n'avait pas permis ainsi de déterminer si la fixation d'un prix
minimum avait eu pour effet d'exonérer M. du X... et les actionnaires par lui représentés de la
totalité des pertes sociales, alors, selon le pourvoi, d'une part, que se trouve atteinte de nullité
toute convention ayant pour but d'affranchir un associé des pertes de la société pour les faire
supporter à d'autres associés ; qu'il s'ensuit que la Cour d'appel ne pouvait, au motif que les
conditions de prix et de délai de la seconde promesse du 11 novembre 1975 auraient été plus
favorables que celles de la première, s'abstenir de vérifier si la fixation, au jour de la promesse
du 11 novembre 1975, d'un prix minimum garanti qui devait s'appliquer, au seul gré du
bénéficiaire, lors de la réalisation de la cession des actions, plusieurs années plus tard, quelles
que soient les pertes subies par la société, n'avait pas pour objet de prémunir les actionnaires,
bénéficiaires de la promesse, contre les risques de pertes de la société, reportés ainsi sur l'associé
promettant ; que la Cour d'appel a ainsi entaché sa décision d'un manque de base légale au
regard de l'article 1844-1 du Code civil, alors que, d'autre part, il n'avait été aucunement
contesté que le prix minimum garanti, qui avait été déterminé au jour de la conclusion de la
promesse, ait correspondu à la valeur réelle des actions au jour de la conclusion de cette
promesse ; qu'en soulevant d'office, et sans provoquer les observations des parties, un moyen
tiré de ce que la société Bowater n'apportait aucun élément sur cette valeur, bien que si ses
observations avaient été provoquées, elle eût été à même de rapporter ces éléments, la Cour
d'appel la violé l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile, alors que, d'autre part, dans
ses conclusions devant la Cour d'appel la société Bowater avait, comme le rappelle elle-même
la Cour d'appel invoqué des éléments démontrant la disproportion existant entre le prix de
l'action résultant du prix minimum garanti fixé au jour de la promesse (861,30 francs l'action)
et la valeur réelle de l'action à l'époque de la cession (vente consentie à 62,07 francs l'action en
1980) ; qu'il résultait de cette disproportion que les bénéficiaires de la promesse se trouvaient

30
exonérés des pertes subies par la société durant la période prévue dans la promesse ; qu'en
s'abstenant de se prononcer sur ces éléments, déterminants pour la solution du litige, la Cour
d'appel a violé l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la Cour d'appel n'avait pas à vérifier si la fixation, au jour de la promesse,
d'un prix minimum, avait pour effet de libérer le cédant de toute contribution aux pertes sociales
dès lors qu'elle constatait que la convention litigieuse constituait une cession ; qu'en effet est
prohibée par l'article 1844-1 du Code civil la seule clause qui porte atteinte au pacte social dans
les termes de cette disposition légale ; qu'il ne pouvait en être ainsi s'agissant d'une convention,
même entre associés, dont l'objet n'était autre, sauf fraude, que d'assurer, moyennant un prix
librement convenu, la transmission de droits sociaux, que dès lors, sans méconnaître le principe
de la contradiction et sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation de la société Bowater,
la Cour d'appel par motifs propres et adoptés, et abstraction faite de tous motifs surabondants,
a décidé à bon droit que la convention litigieuse n'avait pas porté atteinte au pacte social ; que
le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

(…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 22 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix


plancher (Cass. com., 24 mai 1994, no 92-14.380)

Sur le moyen unique pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1844-1 du Code civil ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, qu'en exécution d'accords conclus le ler mars 1979, MM. Yannick
et Dominique X... (les consorts X...), actionnaires majoritaires de la société anonyme Tuileries
de Saint-Rémy, ont cédé à la Société de banque et de crédit (la SBC), 4 550 actions de leur
société ; que le 2 mars 1979, ils ont consenti au profit de la société cessionnaire une promesse
de rachat des actions cédées à un prix fixé au montant du prix de cession augmenté d'un intérêt
; que parallèlement, la SBC a souscrit au profit des consorts X... une promesse de cession des
mêmes actions aux mêmes conditions ; qu'après avoir levé l'option de rachat le 4 février 1983,
la SBC, devenue par voie de fusion avec une autre société la société de Banque occidentale (la
SDBO) a assigné les consorts X... en exécution de leur promesse ;

Attendu que la cour d'appel a déclaré nulle et réputée non écrite la clause relative à la définition
du prix de rachat en retenant que la clause litigieuse avait eu pour but de garantir la SDBO
contre toute évolution défavorable des actions et de la soustraire à tout risque de contribution
aux pertes sociales ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la cession initiale avait été
complétée par des promesses croisées de rachat et de vente des mêmes actions libellées en des
termes identiques au profit de chacune des parties contractantes, ce dont il résultait que celles-
ci avaient organisé, moyennant un prix librement débattu, la rétrocession des actions litigieuses
sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les rapports
sociaux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

31
Document 23 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix
plancher (Cass. com., 27 sept. 2005, no 02-14.009)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 2001), que le 22 mai 1992, la société BSA
Bourgoin a conclu avec la société Clinvest, devenue CDR Participations, un accord cadre
d'investissement ainsi qu'un pacte d'actionnaires aux termes duquel cette dernière société
s'engageait à participer à une augmentation du capital de la société France volailles ; que par un
autre acte du même jour, la société BSA Bourgoin, actionnaire de la société France volailles, a
consenti à la société Clinvest une promesse unilatérale d'achat de ces titres, au prix de
souscription majoré d'un intérêt, pouvant être exercée entre le 1er janvier et le 31 mars 1998 ;
qu'après avoir levé l'option dans le délai convenu, la société CDR Participations a demandé que
la société BSA Bourgoin soit condamnée à lui payer le prix stipulé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société BSA Bourgoin fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors,
selon le moyen, que la promesse unilatérale d'achat d'actions qui garantit le cédant contre toute
évolution défavorable des titres en lui permettant de conserver les titres si leur valeur dépasse
le prix fixé dans la promesse et qui ne comporte pas de promesses réciproques de rachat et de
vente des mêmes actions en des termes identiques au profit des contractants constitue un pacte
léonin ; que la cour d'appel, qui a constaté que la convention litigieuse constituait un
engagement unilatéral de rachat moyennant un prix minimum, fixé au montant du prix de
cession augmenté d'un intérêt, que cette convention n'était pas complétée par des promesses
croisées de rachat et de vente des mêmes actions, ce qui permettait au cédant de conserver ses
titres s'ils augmentaient de valeur et de s'en débarrasser dans le cas contraire et d'être ainsi
garanti contre les pertes sociales, a violé l'article 1844-1 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé, en se référant à l'ensemble des conventions liant les parties, que
la promesse litigieuse tendait à assurer à la société CDR Participations, qui est avant tout un
bailleur de fonds, le remboursement de l'investissement auquel elle n'aurait pas consenti sans
ce désengagement déterminant, et retenu que cette promesse avait ainsi pour objet d'assurer
l'équilibre des conventions conclues entre les parties, c'est à bon droit que la cour d'appel a
décidé que la fixation au jour de la promesse d'un prix minimum de cession ne contrevenait pas
aux dispositions de l'article 1844-1 du Code civil, peu important à cet égard qu'il s'agisse d'un
engagement unilatéral de rachat ; que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 24 : La validité des promesses d’achat ou de cession de droits sociaux à prix


plancher (Cass. com., 22 févr. 2005, no 02-14.392)

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1844-1 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale,
financière et économique, 16 novembre 1999, pourvoi n° R 97-10.430), que MM. X..., Y... et
Z... ont souscrit à une augmentation du capital de la société Textilinter ; que dans le même

32
temps, MM. X... et Y... ont, par acte du 14 septembre 1989, consenti au profit de M. Z... une
promesse d'achat, entre le 1er février et le 15 février 1993, des 22 600 actions souscrites par
celui-ci, pour un prix minimum égal au prix de souscription augmenté d'un intérêt ; qu'après
avoir levé l'option dans le délai stipulé, M. Z... a assigné MM. X... et Y... en exécution de leur
promesse ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la promesse d'achat souscrite par
MM. X... et Y... stipule en faveur de M. Z... la possibilité de lever l'option si les actions ont
perdu toute valeur et de conserver ces actions dans le cas contraire dès lors qu'il n'est lié par
aucune promesse de vente et que cette promesse d'achat, considérée isolément, est donc léonine
comme permettant à son bénéficiaire d'échapper aux dispositions de l'article 1844-1 du Code
civil en vertu duquel la part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes
se déterminent à proportion de sa part dans le capital social ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. Z... ne pouvait lever l'option qu'à
l'expiration d'un certain délai et pendant un temps limité, ce dont il résulte qu'il restait, en dehors
de cette période, soumis au risque de disparition ou de dépréciation des actions, la cour d'appel
n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

33
Leçon no 2 : La personnalité morale

I. Définitions et principes

La personnalité morale : aux termes des articles 1842 du Code civil et L. 210-6 du Code de
commerce, l’immatriculation de la société nouvellement constituée au Registre du Commerce
et des Sociétés (RCS) lui confère la personnalité juridique. Cela signifie que la société, une fois
immatriculée, bénéficie de tous les attributs de la personnalité juridique, au premier rang
desquels figurent le fait d’être titulaire d’un patrimoine propre (et distinct de celui des associés
qui la composent) et celui de jouir de la capacité juridique.

La société, devenue personne morale, se distingue donc de la personne des associés qui se
sont réunis pour lui donner naissance.

L’écran de cette personnalité morale sera plus ou moins opaque selon la forme de la société.

Il n’y a pas de délai à respecter pour faire immatriculer une société en formation. Mais si, en
définitive, il n’y a pas d’immatriculation, la société n’aura pas la personnalité morale (son
capital sera indisponible et ses associés seront tenus indéfiniment et solidairement sur leur
patrimoine personnel des dettes éventuellement contractées) et sera, soit une société créée de
fait, soit une société en participation.

Les actes conclus au nom de la société en formation avant son immatriculation au RCS
peuvent faire l’objet d’une reprise selon diverses modalités, dépendant du moment où ils ont
été conclus (avant la signature des statuts ou après).

II. Documents

A. La naissance de la personnalité morale

Document 1 : La définition de la société en formation (Cass. com., 9 nov. 1987, no 86-14.356


et 86-14.357).
Document 2 : La société en formation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 19 janv. 2022,
no 20-13.719).
Document 3 : Les modalités de la reprise des actes conclus après la signature des statuts et
avant l’immatriculation au RCS (Cass. com., 14 janv. 2003, no 00-12.557).
Document 4 : Les modalités de la reprise (Cass. 3e civ., 16 sept. 2021, no 20-17.372).
Document 5 : Les modalités de la reprise (Cass. com., 20 févr. 2019, no 17-14.242).
Document 6 : Les effets de l’absence de reprise des engagements (Cass. com., 15 janv. 2020,
no 17-28.127).

B. Les effets de la personnalité morale

Document 7 : La dénomination sociale (Cass. com., 12 mars 1985, no 84-17.163, Bordas).


Document 8 : Le siège social et la nationalité (CJCE, 9 mars 1999, aff. C-212/97, Centros).

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Document 9 : La durée de la société (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 02-16.605).
Document 10 : La commercialité de la société par sa forme ou par son objet (Cass. 3e civ., 5
juill. 2000, no 98-20.821).
Document 11 : La responsabilité pénale (Cass. crim., 24 sept. 2019, no 18-85.348).
Document 12 : La responsabilité pénale (Cass. crim., 29 janv. 2020, no 17-83.577).

C. Les sociétés sans personnalité morale

Document 13 : La société en participation – Éléments du contrat de société (Cass. 1re civ., 14


janv. 2003, no 00-19.984).
Document 14 : La société en participation – Éléments du contrat de société (Cass. com., 24
mai 2017, no 15-15.547).
Document 15 : La société en participation – Cession des parts (Cass. 1re civ., 2 juin 1987, no 85-
17.561).
Document 16 : La société en participation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 15 juill.
1987, no 86-10.787).
Document 17 : La société en participation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 4 févr.
2014, no 13-13.386).
Document 18 : La société en participation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 13 janv.
1998, no 95-19.198).
Document 19 : La dissolution de la société en participation (Cass. com., 23 oct. 2007, no 05-
19.092).
Document 20 : La dissolution de la société en participation (Cass. com., 14 avr. 2021, no 19-
12.808).
Document 21 : La dissolution de la société en participation (Cass. com., 29 nov. 1988, no 85-
15.184).
Document 22 : La société créée de fait – Éléments caractéristiques (Cass. 3e civ., 17 juin 2021,
no 19-16.640).
Document 23 : La société créée de fait – Éléments du contrat de société (Cass. 1re civ., 12 mai
2004, no 01-03.909).
Document 24 : La société créée de fait – Éléments du contrat de société (Cass. 1re civ., 3 déc.
2008, no 07-13.043).
Document 25 : La société créée de fait – Éléments du contrat de société (Cass. com., 23 juin
2004, no 01-10.106).
Document 26 : La société créée de fait – Théorie de l’apparence (Cass. 1re civ., 13 nov. 1980,
no 79-13.895).
Document 27 : La société créée de fait – Actions en justice (Cass. com., 4 juill. 2006, no 04-
16.578).
Document 28 : La société créée de fait – Dissolution-liquidation (Cass. com., 10 avr. 2019,
no 17-28.834).

III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 2 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

35
Documents

La naissance de la personnalité morale

Document 1 : La définition de la société en formation (Cass. com., 9 nov. 1987, no 86-14.356


et 86-14.357)

Vu l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 et l'article 1832 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que MM. Jean-Marie et René X...,
Guyon de Chemilly, Philippe et Henri Y..., Verte représentant la société Payan Industrie,
Rosenkranz, Sarrau et Viciania ont été les signataires, le 10 avril 1981, des statuts d'une société
anonyme dénommée X... SA ; que, le 25 septembre 1981, M. Jean-Marie X... a effectué au
greffe du tribunal de commerce d'Auch la déclaration de cessation des paiements de la société
alors que celle-ci n'avait pas encore été immatriculée au registre du commerce ; que, par
jugement en date du 20 novembre 1981, un tribunal de commerce a prononcé la liquidation des
biens de la société et celle de M. Jean-Marie X..., que cette décision a été confirmée en appel et
le pourvoi formé contre cet arrêt rejeté ; que, le 31 mai 1983, M. Z..., syndic de la liquidation
des biens, a assigné les associés pour obtenir leur condamnation au paiement des dettes de la
société ;

Attendu que pour déclarer MM. René X... et Rosenkranz tenus de l'intégralité des obligations
contractées par l'animateur de la société, M. Jean-Marie X..., la cour d'appel a relevé que s'il
n'était pas démontré qu'ils aient été personnellement en rapport avec les tiers à l'occasion d'actes
qui ne pourront être repris par la société X..., leur qualité de fondateurs ne pouvait être contestée
et, qu'ayant signé le pacte social, ils avaient, par le jeu des dispositions de celui-ci, décidé de
ratifier les actes accomplis par M. Jean-Marie X... et donné à celui-ci un mandat tacite à l'égard
des engagements financiers de fonctionnement ; que, par cette signature comme en libérant une
partie de leurs actions, ils avaient consenti à une mise en place de l'entreprise et accepté de voir
commencer l'exploitation sociale bien avant que la société n'ait acquis la personnalité morale
qui ne devait d'ailleurs jamais être obtenue en raison de la liquidation de ses biens ; que les
fondateurs avaient donc créé l'apparence d'une société commerciale de fait qui leur a fait
encourir une responsabilité solidaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors que sont tenues solidairement et indéfiniment des actes
accomplis au nom d'une société en formation les seules personnes qui les ont effectués à défaut
d'éléments établissant l'existence d'une société de fait, la cour d'appel qui a relevé que MM.
René X... et Rosenkranz avaient effectué les actes juridiques auxquels ils étaient tenus par la
réglementation avant l'immatriculation de la société et qui a énoncé qu'ils n'avaient pas eu de
rapport avec les tiers, sans relever qu'ils aient participé à l'activité d'une société en formation
qui aurait pris, au regard des tiers, l'apparence d'une société de fait pour avoir développé d'une
manière durable et importante une activité dépassant l'accomplissement de simples actes
nécessaires à sa constitution, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

36
Document 2 : La société en formation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 19 janv.
2022, no 20-13.719)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 5 décembre 2019), le 20 décembre 2012, la Caisse de crédit
mutuel de Longwy-Bas (la banque) a consenti un prêt destiné à financer la reprise d'un fonds
de commerce. L'acte stipule que le prêt est accordé à « l'Eurl Ileva, en cours d'immatriculation
au registre du commerce et des sociétés, représentée par Mme [O] [K] ». Le 21 mars 2013, la
banque a consenti un prêt complémentaire à la société Ileva. Mme [O] et son époux se sont
rendus cautions solidaires du remboursement de chacun de ces prêts.

2. Selon un avenant du 21 novembre 2013, signé par les cautions, la société Ileva a consenti à
la banque un nantissement sur son fonds de commerce.

3. La société Ileva ayant été mise en liquidation judiciaire et Mme [O] en redressement
judiciaire, la banque a assigné M. [O] en paiement des sommes restant dues au titre de ces deux
prêts.

Enoncé du moyen

7. M. [O] fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il avait rejeté les demandes de la
banque au titre de son engagement de caution souscrit en garantie du contrat de prêt du 20
décembre 2012, en raison de l'irrégularité de fond affectant ce dernier, et de le condamner à
payer à celle-ci la somme de 28 890,23 euros avec intérêts au taux conventionnel de 6,50 % l'an
à compter du 30 septembre 2016 au titre de cet engagement, alors :

« 1°/ que l'acte conclu par une société en cours d'immatriculation est nul de nullité absolue,
insusceptible de confirmation ou ratification ; qu'en jugeant que l'acte de prêt conclu le 20
décembre 2012 était valable et avait été repris par la société Ilena, tout en constatant qu'il avait
été conclu "par l'Eurl Ilena" en cours d'immatriculation, et non au nom de la société en
formation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a
violé les articles 1842 et 1843 du code civil, et L. 210-6 du code de commerce ;

2°/ que l'avenant à un contrat, qui n'en modifie que certains éléments, ne peut faire obstacle à
sa nullité absolue ; qu'en se fondant, pour écarter la nullité absolue du contrat de prêt du 20
décembre 2012, conclu par la société Ilena avant son immatriculation, sur l'existence d'un
avenant signé après l'immatriculation, tout en constatant que cet avenant "n'emportait aucune
novation au contrat initial dont toutes les conditions non expressément modifiées [?]
demeuraient inchangées", de sorte qu'il ne constituait pas un nouveau contrat réalisant une
réfection du contrat initial, la cour d'appel a violé les articles 1842 et 1843 du code civil, et L.
210-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1842, alinéa 1, du code civil :

8. Selon ce texte, les sociétés autres que les sociétés en participation jouissent de la personnalité
morale à compter de leur immatriculation.

37
9. Pour condamner M. [O] à payer à la banque une certaine somme au titre de son engagement
de caution souscrit en garantie du prêt du 20 décembre 2012, l'arrêt, après avoir relevé
qu'invoquant à son profit la nullité absolue du contrat de prêt, il faisait valoir que celui-ci avait
été signé, non par une société en formation, mais par une personne morale inexistante, et qu'il
n'avait, en tout état de cause, pas été repris par l'Eurl Ileva, retient que Mme [O] avait, à
l'évidence, agi au nom et pour le compte de cette société en formation. Il relève également que
l'Eurl Ileva, ainsi que les cautions, avaient, le 21 novembre 2013, signé un avenant au contrat
initial stipulant que celui-ci « n'emportait aucune novation au contrat initial dont toutes les
conditions non expressément modifiées, et notamment les garanties, demeuraient inchangées »
et « lierait les deux parties lors de la signature de l'emprunteur et le cas échéant des cautions »,
ce dont il déduit que l'Eurl Ileva ayant, postérieurement à son immatriculation au registre du
commerce et des sociétés, signé un acte emportant reprise du contrat initial, le moyen de nullité
de ce dernier invoqué par M. [O] devait être écarté.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le contrat de prêt du 20 décembre 2012
avait été conclu, non pas au nom et pour le compte d'une société en cours de formation mais
par la société elle-même, avant son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, ce
dont il résultait qu'il était nul pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité
juridique, et que l'avenant à ce contrat, qui, selon ses propres termes, n'emportait pas novation,
n'était pas de nature à couvrir cette nullité absolue, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

(…)

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 3 : Les modalités de la reprise des actes conclus après la signature des statuts et
avant l’immatriculation au RCS (Cass. com., 14 janv. 2003, no 00-12.557)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 décembre 1999) rendu sur renvoi après cassation
(Chambre commerciale, économique et financière, 19 mai 1998, n° D 9520.071) que la société
Socosud a réalisé pour le compte de la société Cidem en formation des travaux de rénovation
dans un local situé à Marseille sur devis estimatif établi le 6 octobre 1987 à l'intention de la
société Cidem et accepté par deux associés, MM. X... et Y... ; que le mandat du 8 décembre
1987, donné par l'ensemble des associés de la société Cidem à MM. X... et Y... de signer un
bail commercial et de faire exécuter des travaux d'aménagement stipulait que l'immatriculation
de la société au registre du commerce emporterait reprise par elle de ces engagements ; que le
5 février 1988, la société Socosud a adressé à la société Cidem une facture que celle-ci a
partiellement payé en juin 1988 et a tiré deux lettres de change en mars et avril 1988 sur cette
société ; que cette dernière ayant fait l'objet d'une procédure collective, la société Socosud a
assigné MM. X... et Y... en paiement du solde de la facture ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Socosud reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande dirigée contre MM.
X... et Y... alors, selon le moyen :

1 / que, si le mandat donné par les associés à l'un ou plusieurs d'entre eux, de prendre des
engagements pour le compte de la société en formation, emporte leur reprise par la société
immatriculée, c'est à la condition que ce mandat ait été consenti antérieurement ou
concomitamment aux engagements pris par les fondateurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui,

38
après avoir relevé que le devis établi par la société Socosud et signé par MM. X... et Y..., datait
du 6 octobre 1987 et que le mandat d'engager la société Cidem ne leur avait été concédé que le
8 décembre suivant, n'en a pas déduit que les travaux litigieux avaient été commandés par MM.
X... et Y... avant que le moindre pouvoir leur ait été donné à cet effet, a omis de tirer les
conséquences légales de ses constatations au regard des articles 5 de la loi du 24 juillet 1966,
26 du décret du 23 mars 1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

2 / que si le mandat donné par les associés à l'un ou plusieurs d'entre eux, de prendre des
engagements pour le compte de la société en formation, emporte leur reprise par la société
immatriculée, c'est à la condition que ce mandat ait été consenti antérieurement ou
concomitamment aux engagements pris par les fondateurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui
a décidé que le mandat concédé, le 8 décembre 1987, à MM. X... et Y..., emportait reprise, par
la société Cidem de leur commande de travaux auprès de la société Socosud concrétisée par le
devis signé par eux le 6 octobre 1987, sans rechercher, alors qu'elle y avait été invitée, si le
mandat en cause n'avait pas été consenti postérieurement à la commande des travaux, ce dont
il résultait qu'il ne pouvait emporter la reprise des engagements ainsi contractés, a privé sa
décision de base légale au regard des articles 5 de la loi du 24 juillet 1966, 26 du décret du 23
mars 1967 et 6 du décret du 3 juillet 1978 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le mandat donné à MM. Y... et X... par les associés de la
société Cidem portait sur deux engagements nécessaires à l'activité de la société en formation,
à savoir la signature du bail commercial et la réalisation de travaux d'aménagement du local
loué et précisait que l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés
emporterait reprise de ces engagements par ladite société ; qu'il résulte de ces constatations que
la société Cidem a, dans ce mandat, donné son accord pour reprendre les deux engagements
déterminés dans leur montant, par le seul effet de l'immatriculation au registre du commerce et
des sociétés, peu important dans les rapports entre MM. X... et Y... et des tiers que les associés
de la société Cidem aient ratifié ces engagements, par un mandat donné postérieurement à ceux-
ci ; que le moyen, pris en ses deux branches, n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 4 : Les modalités de la reprise (Cass. 3e civ., 16 sept. 2021, no 20-17.372)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2020), le 19 mars 2012, M. et Mme [Y] ont accepté un
devis pour l'achat d'une maison en kit bois, établi par la société PAV habitat.

2. Les travaux de maçonnerie ont été réalisés par la société DSS maçonnerie, assurée auprès
des souscripteurs du Lloyd's de Londres, le montage de la structure bois par la société Le Bois
de bout 22, la couverture par la société Sucher Olivier, assurée auprès de la société Gable
insurance, et l'électricité par M. [V], assuré auprès de la société MAAF.

3. Le 9 mai 2012, a été créée la société civile immobilière Bastet (la SCI Bastet), dont Mme [Y]
est devenue la gérante.

39
4. Se plaignant de désordres et d'un retard de chantier, la SCI Bastet a assigné les constructeurs
en indemnisation.

Enoncé du moyen

6. La SCI Bastet fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes en paiement contre la
société PAV habitat, faute de qualité à agir, alors « qu'une société peut reprendre à son compte
les actes effectués avant son immatriculation ; qu'en déclarant la SCI Bastet irrecevable en ses
demandes à l'encontre de la société Pav Habitat, aux motifs qu'elle n'aurait pas démontré avoir
repris le contrat qui avait été conclu entre Mme [Y] et la société Pav Habitat, sans rechercher,
comme elle y était invitée, si la preuve de cette reprise résultait des courriers envoyés par la
société Bastet à la société Pav Habitat, des factures et courriers adressées par Pav Habitat à la
société Bastet, de la saisine du juge des référés aux fins d'ordonner une expertise pour constater
les malfaçons affectant la construction et encore de l'inscription d'un nantissement sur le fonds
de commerce de la société Pav Habitat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard de l'article 1843 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Selon les dispositions de l'article 6 du décret du 3 juillet 1978, la reprise des engagements
souscrits pour le compte d'une société civile en formation doit être expresse et résulte soit de la
présentation aux associés, avant la signature des statuts, de l'état des actes accomplis pour le
compte de la société en formation, annexé aux statuts, soit d'un mandat donné par les associés
à l'un ou plusieurs d'entre eux, ou au gérant non associé, de prendre des engagements pour le
compte de la société, soit encore, après l'immatriculation de la société, d'une décision prise à la
majorité des associés.

8. La cour d'appel, devant qui n'était pas invoquée l'existence d'un mandat donné par les associés
à l'un d'entre eux afin de prendre des engagements pour le compte de la société, a constaté que
le contrat du 20 avril 2012 avait été conclu entre la société PAV habitat et Mme [Y], qui avait
aussi signé les conditions générales de vente, sans aucune mention relative à une société en
formation.

9. Elle a relevé que la SCI Bastet avait été immatriculée en mai 2012 mais que ses statuts ne
mentionnaient pas la reprise d'engagements pris par Mme [Y] pour son compte et qu'aucune
assemblée générale des actionnaires postérieure à son immatriculation ne faisait état
d'engagements repris par la société.

10. Elle en a souverainement déduit, sans être tenue de procéder à des recherches que ses
constatations rendaient inopérantes, que la SCI Bastet ne rapportait pas la preuve de la reprise
des engagements pris par Mme [Y] avant sa constitution.

11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 5 : Les modalités de la reprise (Cass. com., 20 févr. 2019, no 17-14.242)

Vu les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce ;

40
Attendu, selon le premier de ces textes, que les personnes qui ont agi au nom d'une société en
formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues
solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été
régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits ; qu'il résulte
du second que la reprise de tels engagements ne peut résulter que soit de la signature par les
associés des statuts auxquels est annexé un état des actes accomplis pour le compte de la société,
soit d'un mandat donné par les associés avant l'immatriculation de la société à l'un ou plusieurs
d'entre eux, ou au gérant non associé, et déterminant, dans leur nature ainsi que dans leurs
modalités, les engagements à prendre, soit encore, après l'immatriculation, d'une décision prise,
sauf clause contraire des statuts, à la majorité ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 janvier 1999, M. S... a consenti un bail commercial à
Mme V..., agissant pour le compte de la Sarl Discount moto center (la société), en formation ;
qu'à la suite de désordres affectant la toiture de l'immeuble, objet du bail, M. S... et la société
ont conclu, sous la condition suspensive de la vente de l'immeuble au profit de la SCI Val
Reulos, en formation, un protocole d'accord aux termes duquel la société renonçait à demander
des dommages-intérêts au bailleur, en contrepartie de l'abandon par ce dernier d'une action en
recouvrement des loyers échus ; que se prévalant de la caducité de la promesse de vente, M. S...
a fait délivrer, le 19 décembre 2006, à la société, un commandement de payer, visant la clause
résolutoire du bail, de payer l'arriéré locatif ; que M. S... a, le 10 juillet 2007, fait délivrer à la
société un congé portant refus de renouvellement et d'indemnité d'éviction ; qu'un arrêt de la
cour d'appel du 10 février 2010 a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 19 janvier
2007 par l'effet du commandement du 19 décembre 2006 ; que la société a assigné M. S... en
nullité du commandement de payer du 19 décembre 2006 et du commandement de quitter les
lieux du 10 juillet 2007 ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation
judiciaires les 15 mars 2017 et 21 juin 2017, la société SMJ, nommée liquidateur, a repris
l'instance ;

Attendu que pour constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 15 janvier 1999 à la
date du 19 janvier 2007 et ordonner en conséquence à la société de libérer les lieux, l'arrêt
retient que la reprise, par la société, des engagements pris par Mme V..., se présentant lors de
la conclusion du bail comme la gérante d'une société en cours de formation, se déduit
nécessairement des actions en justice que cette société n'a diligentées qu'en sa qualité de titulaire
du bail et que la société s'est toujours présentée au cours des différentes instances comme ayant
la qualité pour agir en tant que titulaire du bail ; qu'il ajoute que l'absence d'une annexe aux
statuts listant tous les engagements passés pour le compte de la société en formation ou d'un
mandat figurant dans un acte séparé ou encore d'une assemblée générale décidant après
l'immatriculation de la société de reprendre les actes passés au cours de la période de formation
de la société ne peut être invoqué car la société a ratifié le bail, par son comportement procédural
constant et non équivoque, en qualité de preneur, et par sa participation à la transaction avec le
bailleur ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

41
Document 6 : Les effets de l’absence de reprise des engagements (Cass. com., 15 janv. 2020,
no 17-28.127)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un jugement du 4 février 2016, le tribunal de commerce
de Paris a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société
unipersonnelle à responsabilité limitée 40 BC, dont M. P... est l'associé fondateur et le gérant ;
que M. Q... a déclaré une créance au passif de la société 40 BC correspondant aux loyers
impayés depuis le mois d'octobre 2015 au titre du bail, conclu le 5 mars 2005, portant sur des
locaux dans lesquels la société 40 BC exerçait son activité ; que M. Q... a, le 5 octobre 2016,
saisi le juge-commissaire d'une requête aux fins de constatation de la résiliation de plein droit
du bail ; que par un jugement du 22 novembre 2016, le tribunal a prononcé la conversion en
liquidation judiciaire de la procédure de redressement, la Selafa MJA étant désignée liquidateur
; que M. P... est intervenu volontairement à l'instance introduite par M. Q... en résiliation du
bail pour qu'il soit jugé qu'il est le seul titulaire du droit au bail ; que, par une ordonnance du 19
janvier 2017, le juge-commissaire a rejeté la requête de M. Q... et la demande de M. P... ; que
celui-ci a formé un recours contre cette ordonnance ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que la reprise des engagements souscrits par une personne qui a agi au nom d'une société en
formation résulte soit de la signature des statuts lorsque l'engagement figure sur un état qui y
est annexé, soit d'un mandat donné avant l'immatriculation de la société et déterminant la nature
et les modalités des engagements à prendre, soit, après l'immatriculation, d'une décision prise à
la majorité des associés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, par motifs propres, que «
bien que les statuts de la société 40 BC, société à associé unique, ne mentionnent pas la reprise
du bail dans ses annexes et qu'il n'existe aucun mandat écrit autorisant M. P... à contracter le
bail au nom de la société, il résulte de l'ensemble des éléments produits que les parties avaient
la volonté de substituer la société 40 BC à M. P... lors de la signature du bail et que, de fait, la
société 40 BC s'est bien substituée à lui dans tous les actes concernant un preneur » ; que la
cour d'appel a énoncé que tous les actes d'exécution du bail avaient été accomplis par la société
40 BC, qu'elle s'était comportée comme la seule titulaire du bail, qu'elle avait payé les loyers et
était titulaire du dépôt de garantie fixé dans le bail, et qu'elle avait emprunté de quoi financer
les travaux d'aménagement du fonds de commerce, avec un nantissement comprenant le droit
au bail qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que les statuts
de la société 40 BC ne mentionnaient pas, dans un état annexé, la reprise du bail conclu par M.
P..., que la société n'avait ni confié à M. P... avant immatriculation un mandat pour conclure le
bail en son nom et pour son compte, ni, après l'immatriculation, décidé, par un acte exprès, de
ratifier le contrat prétendument conclu en son nom par M. P..., seules circonstances de nature à
rendre la société 40 BC titulaire du bail commercial litigieux, de sorte que M. P... était demeuré
le seul titulaire de ce bail, la cour d'appel a violé les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de
commerce, l'article 1843 du code civil et l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;

2°/ que la reprise des engagements souscrits par une personne ayant agi au nom et pour le
compte d'une société en formation ne peut résulter, après l'immatriculation, que d'une décision
prise à la majorité des associés ; que si, dans le cas où la société ne comporte qu'un seul associé,
ce dernier est habile à prendre une telle décision aux lieu et place de l'assemblée des associés,
celle-ci ne peut alors résulter que d'un acte exprès répertorié dans le registre prévu à cet effet ;
qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, par motifs réputés adoptés, que M. P... avait «

42
explicitement marqué sa volonté de se voir substituer par cette société dans le bail initialement
conclu entre lui et M. E... Q... », après avoir relevé l'existence de « trois actes positifs », à savoir
une instance en référé initiée par la société 40 BC se présentant comme titulaire du bail, la
signature par cette société d'un contrat de prêt afin de financer l'aménagement des locaux, et
l'inscription du droit au bail dans sa comptabilité ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant relevé
que le contrat de bail avait été signé par M. P... avant l'immatriculation de la société 40 BC, de
sorte que cette dernière ne pouvait reprendre l'engagement pris pour son compte qu'à la
condition d'une décision expresse de M. P... répertoriée dans le registre prévu à cet effet, la cour
d'appel a violé les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce, l'article 1843 du code
civil et l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que le contrat de bail mentionne qu'il est signé par M. P...
« pour le compte d'une société à constituer devant se substituer, qui aura pour objet
l'exploitation d'un fonds de commerce dans le locaux loués... », l'arrêt retient qu'en signant ce
contrat, le bailleur, M. Q..., et le signataire, M. P..., ont donné de façon non équivoque leur
accord pour que l'engagement souscrit par ce dernier pour le compte de la future société soit
exclusivement assumé par cette dernière ; qu'il relève que la société 40 BC a bien exploité le
fonds de commerce dans les locaux loués conformément au contrat de bail, que son siège social
y était situé, que tous les actes d'exécution du bail ont été accomplis par la société 40 BC et que
depuis la signature du bail en 2005, cette société s'est comportée comme étant la seule titulaire
du bail et le bailleur l'a considérée comme telle ; qu'il constate ensuite que les loyers ont été
payés par la société 40 BC et non par son gérant, qui produit quatorze chèques dont seulement
deux sont émis par lui, l'un en qualité de caution, ce qui suppose qu'il n'était pas le titulaire du
bail, et l'autre du 26 septembre 2016, qui semble avoir été impayé ; qu'il relève encore que c'est
la société 40 BC qui a sollicité en référé des délais pour se libérer des sommes dues au titre des
loyers, se comportant de manière non équivoque en titulaire du bail, qu'elle était titulaire d'un
dépôt de garantie du montant fixé initialement dans le bail, montant que le cessionnaire a
remboursé à la liquidation judiciaire, et que le bailleur a fait délivrer les commandements de
payer à cette société et a produit sa créance de loyers à la liquidation judiciaire de la société 40
BC sans que M. P... ne conteste cette créance ; qu'il relève enfin que la société 40 BC a souscrit
un emprunt pour financer des travaux d'aménagement du fonds de commerce et que le
nantissement en garantissant le remboursement comprend le droit au bail ; que de ces
constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, en l'état des termes de la clause de
substitution stipulée au bail, qui la dispensait de faire application des dispositions de l'article
1843 du code civil, déduire, bien que les statuts de la société 40 BC, société à associé unique,
ne mentionnent pas la reprise du bail dans ses annexes et qu'il n'existe aucun mandat écrit
autorisant M. P... à contracter le bail au nom de la société, que les parties avaient la volonté de
substituer la société 40 BC à M. P... lors de la signature du bail et que, de fait, la société 40 BC
s'était bien substituée à lui dans tous les actes d'exécution de ce contrat habituellement
accomplis par un preneur ; que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi principal

43
Les effets de la personnalité morale

Document 7 : La dénomination sociale (Cass. com., 12 mars 1985, no 84-17.163, Bordas)

VU L'ARTICLE 1134 DU CODE CIVIL, ENSEMBLE L'ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 28


JUILLET 1824 ;

ATTENDU QUE LE PRINCIPE DE L'INALIENABILITE ET DE L'IMPRESCRIPTIBILITE


DU NOM PATRONYMIQUE, QUI EMPECHE SON TITULAIRE D'EN DISPOSER
LIBREMENT POUR IDENTIFIER AU MEME TITRE UNE AUTRE PERSONNE
PHYSIQUE, NE S'OPPOSE PAS A LA CONCLUSION D'UN ACCORD PORTANT SUR
L'UTILISATION DE CE NOM COMME DENOMINATION SOCIALE OU NOM
COMMERCIAL ;

ATTENDU QUE M. PIERRE X... A DEMANDE QU'IL SOIT ORDONNE SOUS


ASTREINTE A LA SOCIETE ANONYME "EDITIONS X..." DE CESSER TOUTE
UTILISATION DU NOM X... DANS SA DENOMINATION SOCIALE ET A CETTE
SOCIETE ET A LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE SOCIETE GENERALE DE
DIFFUSION DE CESSER TOUTE UTILISATION DE CE NOM DANS LEURS
"DENOMINATIONS COMMERCIALES" ;

ATTENDU QU'APRES AVOIR CONSTATE QUE M. PIERRE X... ET SON Y... HENRI
AVAIENT LICITEMENT CHOISI LA DENOMINATION "EDITIONS X..." PAR ACTE
SOUS SEING PRIVE DU 23 JANVIER 1946 POUR UNE SOCIETE A RESPONSABILITE
LIMITEE DONT ILS ETAIENT LES FONDATEURS, ULTERIEUREMENT
TRANSFORMEE EN SOCIETE ANONYME, LA COUR D'APPEL, POUR ACCUEILLIR
LA DEMANDE DE M. PIERRE X..., ENONCE QU'IL N'Y A EU AUCUNE CONVENTION
SUR L'USAGE DU NOM X... PAR LA SOCIETE OU SUR L'INCLUSION DE CE NOM
DANS LA DENOMINATION SOCIALE ET QUE LE PATRONYME ETANT
INALIENABLE ET IMPRESCRIPTIBLE, L'INCORPORATION DU NOM X... DANS LA
DENOMINATION SOCIALE NE PEUT S'ANALYSER QUE COMME UNE SIMPLE
TOLERANCE A LAQUELLE M. PIERRE X... POUVAIT METTRE FIN SANS POUR
AUTANT COMMETTRE UN ABUS DES LORS QU'IL JUSTIFIAIT DE JUSTES MOTIFS;

ATTENDU QU'EN SE DETERMINANT PAR CES MOTIFS, ALORS QUE CE


PATRONYME EST DEVENU, EN RAISON DE SON INSERTION LE 23 JANVIER 1946
DANS LES STATUTS DE LA SOCIETE SIGNES DE M. PIERRE X..., UN SIGNE
DISTINCTIF QUI S'EST DETACHE DE LA PERSONNE PHYSIQUE QUI LE PORTE,
POUR S'APPLIQUER A LA PERSONNE MORALE QU'IL DISTINGUE, ET DEVENIR
AINSI OBJET DE PROPRIETE INCORPORELLE, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES
TEXTES SUSVISES ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 8 : Le siège social et la nationalité (CJCE, 9 mars 1999, aff. C-212/97, Centros)

1 Par ordonnance du 3 juin 1997, parvenue à la Cour le 5 juin suivant, le Højesteret a posé, en
vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 52,
56 et 58 du même traité.

44
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Centros Ltd (ci-après
«Centros»), «private limited company» enregistrée le 18 mai 1992 en Angleterre et au pays de
Galles, à Erhvervs- og Selskabsstyrelsen (direction générale du commerce et des sociétés),
relevant du ministère du Commerce danois, à propos du refus par cette administration
d'immatriculer au Danemark une succursale de Centros.

3 Il ressort du dossier au principal que Centros n'a exercé aucune activité depuis sa création. La
législation du Royaume-Uni ne soumettant les sociétés à responsabilité limitée à aucune
exigence relative à la constitution et à la libération d'un capital social minimal, le capital social
de Centros, qui s'élève à 100 UKL, n'a été ni libéré ni mis à la disposition de la société. Il est
réparti en deux parts sociales détenues par M. et Mme Bryde, des ressortissants danois résidant
au Danemark. Mme Bryde est le directeur de Centros, dont le siège est situé au Royaume-Uni,
au domicile d'un ami de M. Bryde.

(…)

6 Durant l'été 1992, Mme Bryde a demandé à Erhvervs- og Selskabsstyrelsen d'immatriculer


une succursale de Centros au Danemark.

7 Erhvervs- og Selskabsstyrelsen a refusé l'immatriculation au motif notamment que Centros,


qui n'exerce aucune activité commerciale au Royaume-Uni, cherchait en réalité à constituer au
Danemark non pas une succursale mais un établissement principal, en éludant les règles
nationales relatives, notamment, à la libération d'un capital minimal fixé à 200 000 DKR par la
loi n_ 886 du 21 décembre 1991.

(…)

10 Dans le cadre de cette procédure, Centros soutient qu'elle remplit les conditions auxquelles
la loi sur les sociétés à responsabilité limitée soumet l'immatriculation d'une succursale de
société étrangère. Dès lors qu'elle a été légalement constituée au Royaume-Uni, elle serait en
droit de constituer une succursale au Danemark en vertu de l'article 52, lu en combinaison avec
l'article 58 du traité.

11 Selon Centros, le fait de n'avoir exercé aucune activité depuis sa création au Royaume-Uni
est sans incidence sur son droit de libre établissement. En effet, dans l'arrêt du 10 juillet 1986,
Segers (79/85, Rec. p. 2375), la Cour aurait dit pour droit que les articles 52 et 58 du traité
s'opposaient à ce que les autorités d'un État membre refusent à un directeur de société le
bénéfice d'un régime national de prestations d'assurance maladie au seul motif que la société
avait son siège social dans un autre État membre, même si elle n'y exerçait pas d'activités
commerciales.

12 Erhvervs- og Selskabsstyrelsen estime pour sa part que le refus d'immatriculation n'est pas
contraire aux articles 52 et 58 du traité dès lors que la constitution de la succursale au Danemark
apparaît comme un moyen de se soustraire aux règles nationales relatives à la constitution et à
la libération d'un capital minimal. Le refus d'immatriculation serait en outre justifié par la
nécessité de protéger les créanciers publics ou privés et les cocontractants ou encore par la
nécessité de lutter contre les faillites frauduleuses.

13 Dans ces conditions, le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la


question préjudicielle suivante :

45
«Est-il compatible avec l'article 52, ainsi qu'avec les articles 56 et 58, du traité CE de refuser
l'immatriculation d'une succursale d'une société établie dans un autre État membre et qui, sur la
base d'un capital social de 100 UKL (environ 1 000 DKR), a été constituée légalement et existe
en conformité avec la législation de cet État membre lorsque la société en cause n'exerce pas
elle-même d'activités commerciales, mais qu'il est envisagé de constituer ladite succursale pour
exercer l'ensemble de l'activité dans le pays où elle est constituée, et qu'il y a lieu de considérer
que la méthode utilisée vise à éviter de constituer une société dans ce dernier État membre dans
le but de se soustraire à la libération du capital minimum de 200 000 DKR (à présent 125 000
DKR)?»

14 Par sa question, le juge national demande en substance si les articles 52 et 58 du traité


s'opposent à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société
constituée en conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège
sans y exercer d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société
en cause d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en
évitant d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des
sociétés qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal.

(…)

19 Sur le point de savoir si, comme le prétendent les époux Bryde, le refus d'immatriculer au
Danemark la succursale de leur société constituée selon le droit d'un autre État membre où elle
a son siège constitue une entrave à la liberté d'établissement, il convient de rappeler que la
liberté d'établissement reconnue par l'article 52 du traité aux ressortissants communautaires
comporte pour ces derniers le droit d'accéder aux activités non salariées et de les exercer ainsi
que celui de gérer et de constituer des entreprises dans les mêmes conditions que celles définies
par la législation de l'État membre d'établissement pour ses propres ressortissants. En outre,
l'article 58 du traité assimile aux personnes physiques, ressortissantes des États membres, les
sociétés constituées en conformité avec la législation d'un État membre et ayant leur siège
statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de la
Communauté.

20 Il s'ensuit directement que ces sociétés ont le droit d'exercer leur activité dans un autre État
membre par l'intermédiaire d'une agence, succursale ou filiale, la localisation de leur siège
statutaire, de leur administration centrale ou de leur principal établissement servant à
déterminer, à l'instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l'ordre
juridique d'un État membre.

21 Or, la pratique consistant, dans un État membre, à refuser, dans certaines circonstances,
l'immatriculation d'une succursale d'une société ayant son siège dans un autre État membre,
aboutit à empêcher des sociétés constituées en conformité avec la législation de cet autre État
membre d'exercer le droit d'établissement qui leur est conféré par les articles 52 et 58 du traité.

22 Par conséquent, une telle pratique constitue une entrave à l'exercice des libertés garanties
par ces dispositions.

(…)

27 Dans ces conditions, le fait, pour un ressortissant d'un État membre qui souhaite créer
une société, de choisir de la constituer dans l'État membre dont les règles de droit des

46
sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans d'autres
États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d'établissement. En
effet, le droit de constituer une société en conformité avec la législation d'un État membre
et de créer des succursales dans d'autres États membres est inhérent à l'exercice, dans un
marché unique, de la liberté d'établissement garantie par le traité.

(…)

39 Il convient donc de répondre à la question posée que les articles 52 et 58 du traité s'opposent
à ce qu'un État membre refuse l'immatriculation d'une succursale d'une société constituée en
conformité avec la législation d'un autre État membre dans lequel elle a son siège sans y exercer
d'activités commerciales lorsque la succursale est destinée à permettre à la société en cause
d'exercer l'ensemble de son activité dans l'État où cette succursale sera constituée, en évitant
d'y constituer une société et en éludant ainsi l'application des règles de constitution des sociétés
qui y sont plus contraignantes en matière de libération d'un capital social minimal. Toutefois,
cette interprétation n'exclut pas que les autorités de l'État membre concerné puissent prendre
toute mesure de nature à prévenir ou à sanctionner les fraudes, soit à l'égard de la société elle-
même, le cas échéant en coopération avec l'État membre dans lequel elle est constituée, soit à
l'égard des associés dont il serait établi qu'ils cherchent en réalité, par le biais de la constitution
d'une société, à échapper à leurs obligations vis-à-vis de créanciers privés ou publics établis sur
le territoire de l'État membre concerné.

(…)

Document 9 : La durée de la société (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 02-16.605)

Attendu que le terme extinctif de la société civile professionnelle de médecins radiologues


Bouis-Lehnisch-Seton était fixé par ses statuts à la date du 31 décembre 1994 ; que l'article 32-
2, prévoyant un droit de retrait, stipulait que, faute de notification du gérant au retrayant, dans
les six mois de l'annonce faite par lui de son départ, d'un projet de cession de ses parts à un
coassocié ou à un tiers ou de leur rachat par la société, cette dernière était de plein droit
acheteuse et débitrice du prix ; qu'à partir du 1er janvier 1995, la société, non prorogée, n'en a
pas moins continué normalement ses activités ; que, dans le respect des modalités de l'article
32-2 précité et par lettre du 14 avril 1998 demeurée sans réponse, Mme X... a vainement mis la
société en demeure de lui payer la somme correspondant à la valeur de ses parts ; qu'aux fins
de leur estimation à la date du 14 avril 1998, une expertise avant dire droit a été ordonnée ;

Sur le moyen unique :

Attendu que MM. Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir décidé que Mme X... pouvait exercer
son retrait de la société postérieurement au 31 décembre 1994, alors, selon le moyen, que la
personnalité morale de la société qui a pris fin par l'expiration du temps pour lequel elle a été
constituée sans que sa prorogation ait été décidée, ne subsiste que pour les besoins de sa
liquidation ; que si les rapports entre les associés demeurent en principe régis par les statuts de
la société jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, la clause relative au droit de retrait
d'un associé n'est plus applicable dès lors que l'exercice par un associé de son droit de retrait
met à la charge de la société l'obligation de faire racheter ou d'acheter elle-même les parts du
retrayant et que cette obligation est étrangère aux besoins de la liquidation ; qu'en énonçant
néanmoins que postérieurement à l'arrivée du terme de la SCP Bouis-Lehnisch-Seton, Mme X...
demeurait en droit d'exercer le retrait selon les modalités définies par les statuts et pouvait alors

47
réclamer la somme correspondant à la "valeur réelle des parts", la cour d'appel a violé les articles
1844-8 et 1869 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que, postérieurement au 31 décembre 1994, l'activité
commune s'était maintenue et que l'affectio societatis avait persisté, aucun des associés n'ayant
songé à accomplir en temps utile les formalités nécessaires à sa prorogation ou à prendre
ultérieurement une quelconque initiative en vue de l'ouverture d'une procédure de liquidation ;
qu'en l'état de ces constatations, qui font ressortir l'existence d'une société devenue de fait, elle
a pu décider que les statuts de la société dissoute par survenance de son terme statutaire
continuaient de régir les rapports entre ses associés et donc l'exercice du droit de retrait prévu
par eux ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 10 : La commercialité de la société par sa forme ou par son objet (Cass. 3e civ., 5
juill. 2000, no 98-20.821)

Vu les articles 1842 et 1845 du Code civil :

Attendu que les sociétés jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation
et qu'ont le caractère civil toutes les sociétés auxquelles la loi n'attribue pas un autre caractère
à raison de leur forme, de leur nature ou de leur objet ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 25 juin 1998), que la société civile immobilière du Lac de
Saint-Etienne Cantales (la SCI) a été constituée, en 1975, avec pour objet principal l'acquisition
de parcelles de terrain en vue de la construction d'immeubles d'habitation et de leur division en
lots séparés ou la réalisation d'un lotissement ainsi que la vente desdits locaux, soit après
achèvement, soit à terme, soit en l'état futur d'achèvement ; que la SCI ayant assigné M. X...,
associé, aux droits duquel se trouvent les consorts X..., en payement d'appels de fonds, ceux-ci
ont soulevé la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité de la SCI à agir et ont conclu au
débouté de la demande ;

Attendu que, pour condamner les consorts X... à payer une certaine somme à la SCI, l'arrêt
retient que les associés n'avaient pas initialement pour intention de revendre des terrains non
bâtis, qu'ils ont au contraire accompli de nombreuses démarches pour faire aboutir leur
programme de construction immobilière mais ont dû se résoudre à revendre les terrains en l'état
et que, nonobstant le fait qu'elle n'avait pas réalisé son objet social, la SCI avait conservé la
personnalité morale de société civile immobilière ayant qualité pour agir à l'encontre de ses
associés en régularisation d'appels de fonds votés par l'assemblée générale ;

Qu'en statuant ainsi, sans préciser si l'activité effective de la SCI était de nature civile ou
commerciale, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle
et a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 11 : La responsabilité pénale (Cass. crim., 24 sept. 2019, no 18-85.348)

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'occasion de visites d'un
réacteur de la centrale nucléaire de Chinon entre le 1er juin et le 8 novembre 2013, l'Autorité

48
de sûreté nucléaire (ASN) a établi, et publié sur son site internet, une "lettre de suites",
comportant diverses demandes d'intervention à la société EDF, gestionnaire du site ; que la
centrale, en la personne de son directeur M. B... C..., a répondu à cette lettre ; que sur la plainte
que lui a adressée une association de protection de l'environnement, le procureur de la
République a demandé un avis circonstancié à l'ASN, qui le lui a fourni avec un tableau des
infractions susceptibles d'être relevées ; qu'après une enquête de gendarmerie, avec l'appui
technique de l'ASN, EDF et M. C... ont été cités devant le tribunal de police pour stockage en
commun de produits, acides et bases, incompatibles, pour omission de lever les points d'arrêt-
surveillance au niveau d'une vanne, omission de traitement approprié d'un écart relatif à la
présence de bore sur la tuyauterie d'une autre vanne ; qu'EDF a été seule citée pour écoulements
d'eaux non traitées sur le sol d'un bâtiment ; que les deux prévenus ont été condamnés en
première instance et l'association dénonciatrice a reçu réparation ; que les prévenus et le
ministère public ont relevé appel ;

(…)

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 56 du décret n° 2007-1557
du 2 novembre 2007, 2.5.6, 2.6.1, 2.6.2, 2.6.3 et 6.2 de l'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles
générales relatives aux installations nucléaires de base, 121-2 du code pénal, 593 du code de
procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a déclaré la société EDF coupable de contravention d'exploitation
d'une installation nucléaire de base en violation de la règle générale relative aux installations
nucléaires de base prévue par l'article 6.1 du décret du 7 février 2012 et l'a condamnée à une
amende ;

"1°) alors qu'il résulte de l'article 6.2 de l'arrêté du 7 février 2012 fixant les règles générales
relatives aux installations nucléaires de base dont le manquement est pénalement sanctionné
sur le fondement de l'article 56 alinéa 1er, 1° du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007, que
l'exploitant doit mettre en place un tri des déchets et de prévenir tout mélange entre catégories
de déchets ou entre matières incompatibles ; qu'en se bornant à constater que des produits acides
et basiques étaient entreposés dans la même armoire sans caractériser la qualité de déchets
desdits produits, la cour d'appel a méconnu les articles 6.2 de l'arrêté précité et 56 alinéa 1er, 1°
du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;

"2°) alors que les personnes morales ne sont pénalement responsables que des infractions
commises par leur organe ou représentant ; que la relaxe, pour une cause qui ne lui est pas
strictement personnelle, du représentant de la personne morale pour les mêmes faits que ceux
reprochés à la personne morale fait obstacle à la mise en oeuvre de la responsabilité pénale de
cette dernière ; qu'en l'état d'une prévention qui visait pour chacun des prévenus les faits de
stockage irrégulier de produits dangereux commis le 4 juillet 2013, la relaxe de M. C..., seul
représentant de la société identifiée par les juges du fond, imposait celle de la société EDF, dont
la condamnation a ainsi été prononcée par la cour d'appel en violation de l'article 121-2 du code
pénal" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour relaxer M. C... de la contravention de stockage illicite de matières


incompatibles, et condamner la société EDF de ce même chef, l'arrêt énonce que les dispositions
légales et réglementaires qui fondent les poursuites sont clairement énumérées dans les

49
citations, sont discutées par les parties et que si ces textes recèlent une certaine complexité et
s'ils contiennent des renvois, même successifs, cela est inhérent à la matière particulièrement
technique dont il s'agit ; que les juges ajoutent que les prévenus, de par leur qualité d'exploitant
historique des installations nucléaires et de cadre dirigeant sont les plus à même d'appréhender
la matière, d'en comprendre les tenants et aboutissants et les plus informés de la législation en
vigueur, comme le montrent les développements qu'ils produisent au soutien de leurs défenses
leur parfaite maîtrise de la matière ; que, s'agissant de M. C..., la citation qu'il a reçu évoque la
violation des dispositions de l'article 14 alinéa 8 de l'arrêté du 31 décembre 1999, qui n'était
plus en vigueur au moment des faits qui lui sont reprochés, en sorte qu'il en sera relaxé ; que
s'agissant d'EDF, l'article 6.2 de l'arrêté du 7 février 2012, visé à la prévention, est en revanche
applicable ; que les juges énoncent encore, s'agissant de la faute commise par la société EDF
en la personne de M. C..., qu'eu égard à la fonction qui était la sienne et à la délégation de
pouvoir dont il était titulaire, ce dernier disposait de l'ensemble des moyens et des prérogatives
nécessaires à assurer le respect par les différents services qu'il dirigeait des dispositions légales
et réglementaires afférentes au fonctionnement du CNPE de Chinon, et qu'en n'organisant pas
correctement ces services et en ne prenant pas toute déposition nécessaire au respect de la
réglementation il s'est rendu coupable des infractions poursuivies ; que les juges en déduisent
qu'en commettant ces contraventions, alors qu'il agissait comme représentant de la personne
morale SA EDF et pour le compte de celle-ci, il se trouve être l'organe défaillant qui emporte
la culpabilité de la société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que l'article 6.2 de l'arrêté du 7 février 2012 fixant les
règles générales relatives aux installations nucléaires de base prohibe tout mélange entre
matières incompatibles, sans restriction aux seuls déchets, et que la relaxe rendue au bénéfice
de M. C... n'entraînait nullement celle de la société dont il avait engagé la responsabilité pénale
par sa propre faute, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE les pourvois

Document 12 : La responsabilité pénale (Cass. crim., 29 janv. 2020, no 17-83.577)

Faits et procédure

2. Les 28 octobre et 7 novembre 2010, l'administration fiscale, sur avis conforme de la


commission des infractions fiscales, a porté plainte pour fraude fiscale à l'encontre de Mme Q...
O..., faisant valoir que l'exploitation des fichiers dits T... avait révélé la détention, via des
sociétés off-shore, de comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC.

3. A l'issue de l'information judiciaire, Mme O... a été renvoyée devant le tribunal correctionnel
pour y être jugée notamment des chefs de fraude fiscale par minoration, de 2007 à 2010, des
déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune, et par organisation
d'insolvabilité, et de blanchiment, deux SCI, dont Mme O... est la représentante légale et
l'actionnaire majoritaire, les sociétés Gauchy et la Guardiola, des chefs de complicité de fraude
fiscale et de blanchiment et M. M... V..., du chef de complicité de fraude fiscale.

4. Les juges du premier degré ont condamné, pour les faits précités, ces quatre prévenus et
prononcé sur les intérêts civils, l'administration fiscale et l'Etat français s'étant constitués parties
civiles.

50
5. Les prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.

Enoncé du moyen

26. Le moyen est pris de la violation des articles 121-1, 121-2, et 593 du code de procédure
pénale, défaut de motifs, manque de base légale.

27. Le moyen critique l'arrêt confirmatif attaqué "en ce qu'il a déclaré les sociétés [...] et La
Guardiola complices des faits de fraude fiscale par organisation frauduleuse d'insolvabilité et
de blanchiment de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité dont Mme O... a été déclaré
coupable ;

1°) alors que la responsabilité pénale des personnes morales n'est engagée que si les infractions
ont été commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que Mme O... a été
déclarée coupable, en tant qu'auteur principal, de fraude fiscale par organisation frauduleuse de
son insolvabilité et de blanchiment de fraude fiscale par organisation de son insolvabilité, en
raison de la vente, auxdites SCI, de ses immeubles situés rue [...] à Paris ainsi qu'à [...] en Corse,
puis du versement du produit du prix de ces ventes sur un compte personnel détenu en Suisse ;
qu'il est constaté que « le montage financier était (...) fait dans le seul intérêt de Mme Q... O...,
la SCI utilisée n'étant qu'une coquille vide » (jugement, p. 35, § 5), ne percevant aucun loyer et
ne disposant d'aucune ressource (jugement, p. 35, § 3), « le prêt et l'hypothèque n'étant mis en
place que pour donner une apparence de réalité commerciale et financière classique »
(jugement, p. 35, § 5), l'objet de ce montage, qualifié de « vente à soi-même » (jugement, p. 20,
avant-dernier § ; p. 73, § 3) ayant été d'échapper personnellement à l'administration fiscale
(jugement, p. 29 dernier § et 62 § 2) ; qu'il résulte de ces énonciations que, quelle que soit sa
qualité de représentante légale des sociétés [...] et La Guardiola, dont elle détenait 99 % et 98
% des parts, Mme O... ayant agi pour son compte et dans son intérêt personnel exclusif, la
responsabilité pénale de la personne morale ne pouvait être engagée pour complicité de ces
mêmes faits ;

2°) alors, en toute hypothèse, que l'arrêt attaqué, qui n'a pas caractérisé, en quoi Mme O..., prise
en sa qualité de représentante légale des sociétés [...] et La Guardiola, aurait agi pour leur
compte, n'a pas légalement justifié sa décision.

Réponse de la Cour

28. Pour confirmer la déclaration de culpabilité des SCI [...] et La Guardiola pour complicité
de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité et blanchiment, l'arrêt, par motifs adoptés,
énonce que chaque SCI, dont Mme O... était la représentante et détenait la quasi-totalité des
parts, a acquis auprès de cette dernière un immeuble au moyen d'un prêt supporté, in fine, par
la vendeuse et prévoyant une hypothèque de la banque prêteuse, ainsi qu'un nantissement de la
banque sur le prix de vente, opération ayant pour objet et pour effet de rendre inefficace toute
action de l'administration fiscale sur le patrimoine de Mme O..., et qu'elles ont versé le produit
du prix des ventes sur un compte détenu en Suisse par Mme O... alors fictivement domiciliée
dans ce pays.

29. En l'état de ces énonciations, dont il résulte que Mme O..., en sa qualité de représentante
légale, a agi pour le compte des SCI qui sont devenues propriétaires chacune d'un bien
immobilier, le fait que Mme O... ait agi dans son propre intérêt n'étant pas de nature à exclure

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qu'elle l'ait fait également pour le compte des personnes morales, la cour d'appel a justifié sa
décision.

30. Dès lors, le moyen doit être rejeté.

(…)

Les sociétés sans personnalité morale

Document 13 : La société en participation – Éléments du contrat de société (Cass. 1re civ., 14


janv. 2003, no 00-19.984)

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser à M. Y... la somme
principale de 2 265 643,75 francs, outre les intérêts, cette somme représentant, compte tenu de
la déduction d'une somme de 200 000 francs déjà versée, 37,50 % (42/112) d'un gain de 6 575
050 francs à la suite de l'achat le 13 juin 1997, pour la somme de 112 francs, d'un ticket de loto
dont il a été retenu qu'il avait été acquis à concurrence de 42 francs par M. Y..., et 70 francs par
M. X..., et du tirage effectué le jour suivant, alors, selon le moyen, que, d'une part, en se
déterminant sur la seule base d'une attestation relatant les déclarations personnelles de M. Y...,
débiteur de la preuve, pour en déduire qu'il avait fourni les 42 francs nécessaires au jeu et en
déduire l'existence d'une société en participation, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code
civil et les principes gouvernant la charge de la preuve, alors que, d'autre part, en déduisant
l'existence d'une société en participation entre MM. X... et Y... du seul constat de ce que ceux-
ci auraient tous les deux participé à l'acquisition du bulletin de loterie gagnant, sans relever
qu'était établie la volonté de partager les bénéfices, la cour d'appel n'a pas justifié légalement
sa décision au regard des articles 1832 et 1871 du Code civil ;

Mais attendu que, n'étant pas contesté par les parties que l'achat du ticket avait été effectué par
M. Y..., la cour d'appel, qui a relevé le caractère de sincérité de l'attestation de la buraliste chez
qui le ticket avait été rempli et validé, et retenu que M. Y... lui avait déclaré le montant de la
participation de M. X... alors qu'il ne savait pas encore que le billet serait gagnant, de sorte qu'il
n'avait aucune raison de ne pas dire la vérité, raison qui n'est d'ailleurs pas suggérée par M. X...,
n'a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain, qu'en déduire que M. Y... avait bien participé
à l'acquisition du ticket ;

Et attendu qu'en raison de la nature même du billet de loterie, qui repose sur des chances de
gain et des risques de perte, c'est encore dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour
d'appel, après avoir constaté l'achat en commun, constitutif d'un apport, en a déduit la volonté
de s'associer pour un partage du coût et des gains éventuels ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

Document 14 : La société en participation – Éléments du contrat de société (Cass. com., 24


mai 2017, no 15-15.547)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 10 décembre 2014), qu'en 2001, M. X...a été déclaré
adjudicataire de la gérance d'un débit de tabac ; que soutenant qu'une société en participation
avait été constituée entre eux pour l'exploitation de ce débit de tabac, M. Y...a assigné M. X...,

52
à titre principal, en paiement de sa part de bénéfices au titre des années 2001 et suivantes et, à
titre subsidiaire, en remboursement de sommes qu'il estimait lui être dues ;

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne peut justifier de sa qualité d'associé et qu'il
est irrecevable à solliciter la moitié des bénéfices et, en conséquence, de rejeter la demande de
partage de bénéfice alors, selon le moyen :
1°/ que le juge, tenu de statuer sur les demandes dans l'ordre fixé par les parties, ne peut
examiner la demande subsidiaire avant la demande principale ; qu'en affirmant que M. Y...se
fondait sur un document qui, avant d'être envisagé comme fondateur d'une société, fondait sa
demande de remboursement tandis que les conclusions de M. Y...sollicitaient d'abord le partage
des bénéfices de la société en participation et subsidiairement, le remboursement de la somme
versée à M. X..., la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et a violé l'article
4 du code de procédure civile ;

2°/ que par une attestation datée du 6 juin 2001, M. X...avait reconnu avoir perçu de M. Y...la
somme de 215 000 francs « dans le cadre de sa participation égalitaire concernant un bureau de
tabac » ; qu'en considérant que « si le document litigieux peut valoir reconnaissance de dette, il
ne peut valoir document fondateur d'une société en participation », l'analysant ainsi comme un
simple prêt, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'article 1134
du code civil ;

3°/ que la disproportion entre la valeur des apports n'exclut pas l'existence d'un contrat de
société ; qu'en déniant l'existence d'un contrat de société, après avoir constaté le versement par
M. Y...à M. X...de la somme de 215 000 francs, au motif impropre que M. Y...n'établissait pas
avoir réalisé 50 % des apports nécessaires à la constitution de la société, la cour d'appel a violé
les articles 1832 et 1843-2 du code civil ;

4°/ qu'en déniant l'existence d'un contrat de société à raison de ce que M. Y...n'établissait pas
avoir réalisé 50 % des apports nécessaires à la constitution de la société et de ce que la redevance
due à la direction régionale de Corse était précomptée sur les remises allouées lors de livraisons,
de sorte que pour le fonctionnement du débit de tabac, M. X...n'avait pas besoin du soutien
financier de M. Y..., sans répondre au moyen déterminant de M. Y...soutenant que la création
du débit de tabac nécessitait l'engagement d'autres frais que le seul paiement de la redevance,
la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que l'absence de participation effective aux bénéfices et aux pertes est impropre à écarter la
qualification de contrat de société, seule l'intention de participer aux bénéfices et aux pertes
devant être recherchée ; qu'après avoir constaté que « M. Y...a souhaité être associé aux
bénéfices du débit de tabac adjugé à M. X...», l'arrêt attaqué écarte néanmoins l'existence d'un
contrat de société à raison de ce que M. Y...ne démontre pas « sa participation aux pertes et aux
bénéfices » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1832 et 1871 du code civil ;
6°/ que l'affectio societatis ne suppose pas, dans une société en participation, l'intention de gérer
les affaires courantes de la société ; qu'en déduisant l'absence d'affectio societatis de ce que M.
Y...ne démontrait pas être intervenu dans la gestion quotidienne du débit de tabac, la cour
d'appel a violé les articles 1832 et 1871 du code civil ;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que les documents produits par
M. Y..., s'ils établissent qu'il a eu la volonté de se rapprocher des activités de M. X..., ne
prouvent pas qu'il s'est occupé de la vie de l'entreprise, qu'il est intervenu dans la gestion
quotidienne du débit de tabac ou qu'il s'est activement impliqué en qualité d'associé ; qu'en l'état

53
de ces appréciations souveraines, desquelles elle a déduit l'absence d'affectio societatis, la cour
d'appel a retenu à bon droit que l'existence d'une société en participation n'était pas démontrée ;
que le moyen, qui manque en fait en sa première branche et qui critique des motifs surabondants
en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 15 : La société en participation – Cession des parts (Cass. 1re civ., 2 juin 1987,
no 85-17.561)

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par deux actes sous seing privé, non
datés, M. X..., docteur en médecine, et plusieurs confrères, ont modifié les statuts d'une société
civile de moyens constituée entre eux le 5 avril 1976, le " Centre de radiodiagnostic André
Willemin ", et d'une société en participation constituée entre les mêmes le 1er juillet 1976 et
ayant pour objet l'organisation de l'activité professionnelle des sociétaires ; que M. X... ayant
fait connaître son intention de se retirer et invoqué l'obligation de rachat de ses parts sociales
par les autres associés, deux assemblées générales ont évalué leur prix de rachat ; que M. X... a
introduit une instance en référé, sur le fondement de l'article 1843-4 du Code civil, pour obtenir
la désignation d'un expert avec mission de déterminer la valeur de ces parts et le montant des
sommes devant lui revenir ;

Attendu que la Société en participation et la Société civile de moyens reprochent à l'arrêt attaqué
d'avoir confirmé l'ordonnance de référé ayant désigné un expert, alors, selon le moyen, d'une
part, qu'en ce qui concerne la société en participation, l'article 1871, alinéa 2, du Code civil
autorise expressément les associés à convenir librement de l'objet, du fonctionnement et des
conditions de celle-ci sans aucune réserve concernant les dispositions de l'article 1843-4 du
Code civil, de sorte qu'en refusant de faire application de la clause des statuts de la société en
participation qui dispose que l'assemblée générale, statuant à la majorité requise pour les
décisions qui relèvent de l'assemblée générale extraordinaire, fixe la valeur des parts en cas de
cession après retrait de l'un des associés, la cour d'appel a violé l'article 1871, alinéa 2, du Code
civil, et alors, d'autre part, que l'article 58, alinéa 2, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 dispose
que la nouvelle référence à l'article 1843-4 du Code civil est immédiatement suivie de la phrase
" toute clause contraire à l'article 1843-4 de ce Code est réputée non écrite ", de sorte que l'article
1871, alinéa 2, du Code civil ne contenant aucune réserve concernant l'article 1843-4, c'est en
méconnaissance de l'article précité du décret du 3 juillet 1978 que la cour d'appel a considéré,
sur le fondement de ce texte, que les statuts d'une société en participation ne pouvaient pas
déroger aux dispositions de l'article 1843-4 du Code civil ;

Mais attendu que si aux termes de l'article 1871, alinéa 2, du Code civil les associés d'une
société en participation conviennent librement de l'objet, du fonctionnement et des conditions
de cette société sous réserve de ne pas déroger aux dispositions impératives des articles 1832,
1832-1, 1833, 1836, 2e alinéa, 1841, 1844, 1er alinéa, et 1844-1, 2e alinéa, les dispositions de
l'article 1871 précité, pour générales qu'elles soient, ne font pas obstacle à ce qu'en cas de
contestation d'un associé qui exerce son droit de retrait dans les conditions prévues par les
statuts sur la valeur de ses parts, cet associé demande au juge des référés, en application de
l'article 1843-4 du Code civil de désigner un expert en vue de déterminer cette valeur ; que,
sans violer les textes invoqués, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit
qu'en aucune de ses deux branches, le moyen n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

54
Document 16 : La société en participation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 15 juill.
1987, no 86-10.787)

Vu l'article 1872-1 du Code civil ;

Attendu que, dans la société en participation, chaque associé contracte en son nom personnel et
est seul engagé à l'égard des tiers ; qu'il en est toutefois différemment si les participants agissent
en qualité d'associé au vu et au su des tiers ou si un associé a, par son immixtion, laissé croire
au cocontractant qu'il entendait s'engager à son égard ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Y..., agent immobilier, a conclu un " compromis d'achat "
portant sur un ensemble immobilier en vue de le transformer et de le revendre sous la forme de
lots de copropriété ; qu'afin de réunir des fonds en vue de cette opération, il a constitué, ainsi
que son épouse, une société en participation avec M. X..., la Banque Delon et X..., M. A... et
Mme Z... ; que M. Y... a obtenu des crédits de la CGIB, Banque pour la Construction et
l'Equipement (la CGIB), après lui avoir communiqué les statuts de la société ; que l'opération
ayant échoué, la banque a fait vendre l'immeuble et a assigné M. Y... et ses coassociés pour
obtenir le versement des sommes restant dues ;

Attendu que pour condamner solidairement les associés de la société en participation, l'arrêt a
retenu que si, sous l'empire de la loi ancienne, la révélation des noms des associés sans leur
accord ne pouvait les engager, l'associé contractant restant seul responsable, la loi nouvelle du
4 janvier 1978, destinée à protéger davantage les tiers, leur permet d'écarter la clandestinité des
associés lorsque leur existence leur est révélée, que la révélation de la société faite par écrit par
M. Y... à la CGIB ne peut être contestée, que cette banque, qui n'a consenti son prêt qu'après
plusieurs tractations avec M. Y..., n'a été vraisemblablement déterminée que par la présence, au
sein de la société en participation, d'une banque dont la solvabilité pouvait paraître certaine,
qu'en outre ni la Banque Delon et X... ni M. X... n'avaient réagi au reçu d'une lettre de la CGIB
et qu'enfin M. Y..., en faisant paraître dans un journal d'annonces légales la convocation de
l'assemblée de la société en participation, a révélé aux tiers l'existence de la société, agissant en
l'occurrence au nom de tous les associés ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs sans caractériser les actes personnels des
participants permettant de considérer qu'ils avaient agi en qualité d'associés au vu et au su de la
CGIB ou qu'ils s'étaient immiscés dans l'accord passé par M. Y... avec elle faisant croire à cette
banque qu'ils entendaient s'engager à son égard, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à
sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 17 : La société en participation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 4 févr.
2014, no 13-13.386)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 octobre 2012), que M. X..., gérant de l'EURL X... (la
société X...), a mandaté la société Actigest finance pour rechercher des participations dans des
sociétés de personnes qui réaliseraient des investissements éligibles au régime fiscal de faveur
prévu par le code général des impôts ; qu'en vertu d'une convention d'exploitation en commun
conclue entre ces sociétés, la société X... a fait un apport de 77 000 euros ; que la société Safy
n'ayant pas été en mesure d'exécuter le mandat conformément aux intentions du mandant, elle
lui a proposé la réaffectation de l'apport à une souscription ultérieure ou son rachat par un autre

55
investisseur ; que, ne pouvant obtenir la restitution de l'apport, M. X... et la société X... ont fait
assigner les sociétés Safy et Actigest finance devant le tribunal de commerce, lui demandant
notamment de constater les fautes commises par la société Safy dans la gestion des sociétés en
participation concernées par l'opération et de condamner celle-ci au paiement de la somme de
77 000 euros en réparation de la perte de son apport ;
Attendu que la société Safy fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 15 000
euros à M. X..., alors, selon le moyen, que faute d'avoir recherché si une faute détachable - seule
de nature à engager sa responsabilité - pouvait être imputée à la société Safy agissant comme
gérante des sociétés en participation, les juges du fond ont de toute évidence privé leur décision
de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que toute faute commise par le gérant d'une société en participation, laquelle est
dépourvue de personnalité juridique, constitue une faute personnelle de nature à engager sa
responsabilité à l'égard des tiers, peu important qu'elle soit ou non détachable de l'exercice du
mandat qui a pu lui être donné par les autres associés ; que la cour d'appel n'avait donc pas à
procéder à une recherche inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 18 : La société en participation – Les rapports avec les tiers (Cass. com., 13 janv.
1998, no 95-19.198)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 1995), que, par contrat du 20 juin 1988, la société
éditions Régine X... (société X...), agissant en qualité d'agent de Mme Régine X..., a cédé à la
société des Editions Ramsay (société Ramsay) les droits de reproduction et de représentation
d'un ouvrage à paraître de cet auteur ; que, le 22 mai 1989, la société Ramsay et la société des
Editions Denoël (société Denoël) ont signé un contrat de société en participation ayant pour
objet l'édition et l'exploitation de l'ouvrage ; que la société Ramsay ayant été mise en liquidation
judiciaire le 13 octobre 1992, Mme X... a assigné la société Denoël en paiement du solde de ses
droits d'auteur ;

Sur le second moyen, qui est préalable, pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le pourvoi,
d'une part, que tout comportement actif et personnel d'un associé d'une société en participation,
par lequel celui-ci révèle à un tiers sa qualité d'associé d'une société commerciale, sans
qu'importe que cette révélation porte sur une société en participation, a pour effet nécessaire de
l'obliger solidairement à l'égard des tiers pour les actes accomplis en cette même qualité
d'associé par l'un de ses coassociés ; qu'en l'espèce, où l'arrêt n'explique pas pourquoi le fait par
la société Denoël et la société Ramsay d'exprimer publiquement sur chacun des exemplaires de
son ouvrage leur qualité de coéditeur de cet ouvrage, ne constituait pas un acte au sens de
l'article 1872-1, alinéa 2, du Code civil dans leurs rapports avec l'auteur du même ouvrage dont
l'arrêt reconnaît qu'il avait la qualité de tiers, il est certain qu'il s'agissait là d'un comportement
actif et personnel par lequel la société Denoël, autant que la société Ramsay faisait acte de
codiffusion, en lui révélant leur qualité de coassociés dans la même société commerciale et en
manifestant chacune leur volonté propre de divulguer son ouvrage, d'autant que, comme le
rappelaient les conclusions, cette volonté personnelle de faire acte de divulgation s'était
également manifestée dans les médias et dans la presse et que l'arrêt a ainsi violé l'article 1872-
1, alinéa 2, du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'ainsi que le rappelaient encore les
conclusions, le " copyright " instaurant une présomption légale de cotitulatité des droits d'auteur

56
au profit de la société Denoël en vertu de l'article 3 de la convention universelle de Genève sur
les droits d'auteur, révisée à Paris le 24 juillet 1971, cette présomption jouait à fond à l'égard
des tiers et plus particulièrement envers elle en sa qualité d'auteur de l'ouvrage litigieux, en tant
que conférant à la société Denoël au moins une apparence de droit de propriété intellectuelle
sur cet ouvrage, dont la manifestation était également en soi un acte au sens de l'article 1872-1,
alinéa 2, du Code civil que l'arrêt a donc de surcroît transgressé ;

Mais attendu que si aux termes de l'article 1872-1, alinéa 2, du Code civil, les membres d'une
société en participation, qui agissent en qualité d'associés au vu et au su des tiers, sont tenus à
l'égard de ceux-ci des obligations nées des actes accomplis par l'un des autres, c'est à la
condition que celui-ci les ait accomplis en cette qualité ; que l'arrêt relevant que les droits
d'auteur de Mme X..., dont elle demande à la société Denoël paiement du solde, sont nés du
contrat d'édition signé le 20 juin 1988 entre la société Ramsay et la société X... et que le contrat
de société en participation entre les sociétés Ramsay et Denoël a été conclu le 22 mai 1989 et
que " l'impression Denoël " sur l'ouvrage et la mention d'un " copyright Ramsay/Denoël " ne
peuvent être considérés comme des actes générateurs d'obligations au sens des dispositions du
droit des sociétés invoquées au moyen, l'arrêt relevant en outre que la société Ramsay n'avait
pas fait apport à la société en participation de son contrat d'édition du 22 juin 1988 avec les
droits et obligations qui y étaient attachés, c'est donc à bon droit que la cour d'appel a rejeté la
demande de Mme X... en paiement du solde de ses droits d'auteur dirigée contre la société
Denoël ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 19 : La dissolution de la société en participation (Cass. com., 23 oct. 2007, no 05-


19.092)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société en participation Les Hauts de Cocraud (la SEP) a
été constituée entre trente propriétaires de lots composant un ensemble hôtelier ; que la gérance
a été confiée à la SARL Maeva Les Hauts de Cocraud (la SARL Maeva) ; qu'une consultation
écrite des associés, intervenue le 15 décembre 1999, a proposé la modification de trois
dispositions statutaires en prévoyant la prorogation de la durée de la société au-delà de dix ans
par tacite reconduction d'un an renouvelable, la nomination du gérant pour un mandat d'une
année, avec renouvellement proposé à l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les
comptes de l'exercice précédent et décidé après le vote du quitus, et les modalités de
représentation d'un associé lors de la prise des décisions collectives ; que le résultat de cette
consultation a fait l'objet d'un procès-verbal du 17 janvier 2000 par lequel le gérant, après avoir
rappelé que la majorité requise pour modifier les statuts était celle de trois-quarts des voix des
associés, a constaté qu'une telle majorité n'étant pas réunie, les résolutions n'étaient pas
approuvées; que plusieurs associés de la SEP, considérant que l'article 11 des statuts, aux termes
duquel, dans son alinéa 3, les décisions extraordinaires sont prises "à la majorité des trois quarts
des associés" et dans son alinéa 4, "les décisions dites ordinaires ne sont valablement prises
qu'autant qu'elles ont été adoptées par les associés représentant plus de la moitié des droits"
devait être interprété comme fixant les règles de majorité, en cas d'assemblée extraordinaire,
non en nombre de droits mais par tête, ont saisi le tribunal de commerce aux fins de voir juger
que la résolution avait été adoptée ; que d'autres associés de la SEP, la SARL MPF, l'EURL
Maringe investissement et la SCI Les Hauts de Cocraud sont intervenus dans l'instance pour
s'opposer à cette demande ; qu'une autre consultation écrite des associés a eu lieu le 30
septembre 2002 et a fait l'objet d'un procès-verbal de la gérance du 15 novembre 2002 ; que la
SARL MPF, l'EURL Maringe investissement et la SCI Les Hauts de Cocraud (les associés) ont

57
saisi le tribunal de commerce pour voir prononcer la nullité de cette consultation au motif, d'une
part, que la SARL Maeva était dépourvue de qualité à agir en tant que gérant de la SEP et,
d'autre part, que les dispositions statutaires délimitant les compétences entre assemblée générale
ordinaire et assemblée générale extraordinaire n'avaient pas été respectées; qu'après jonction de
ces instances, le tribunal de commerce a jugé que le vote du 15 décembre 1999, objet du procès-
verbal du 17 janvier 2000 était contraire aux dispositions statutaires et l'a annulé et que les
conclusions du vote du 30 septembre 2002, objet du procès-verbal du 15 novembre 2002, étaient
conformes aux statuts ;

(…)

Vu les articles 1134 et 1844-7 1° du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande tendant à faire juger que la SEP était dissoute par l'arrivée
de son terme, l'arrêt retient que l'annulation du vote du 15 décembre 1999 prévoyant la poursuite
de la société par reconduction tacite d'un an renouvelable, n'entraîne pas la dissolution de la
SEP par arrivée de son terme au motif que celle-ci a été constituée en 1993 pour une durée de
dix ans, soit jusqu'en 2003 et que la possibilité de prorogation a été prévue au-delà ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de toute prorogation expresse ou tacite de sa
durée, la SEP a été dissoute par arrivée de son terme, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 20 : La dissolution de la société en participation (Cass. com., 14 avr. 2021, no 19-


12.808)

« Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Saint-Denis de La Réunion, 23 novembre 2018), M. [J] et Mmes [Z],
[M] et [X] ont, le 8 juillet 2006, conclu un contrat d’association avec masse commune relatif à
l’exercice d’un cabinet de soins infirmiers. Le 1er avril 2009, un nouveau contrat a été signé
avec Mme [P].

2. A la suite de la cession de la totalité de ses parts par Mme [X] et d’une partie de ses parts par
M. [J], les parts et honoraires se sont trouvés répartis entre les parties à concurrence d’un tiers
chacun pour M. [J] et Mme [P] et d’un sixième chacune pour Mmes [M] et [Z].

3. Le 2 octobre 2014, M. [J] et Mmes [P] et [M] ont informé Mme [Z] de leur intention de
cesser leur collaboration avec elle.

4. Le 27 octobre 2015, Mme [Z] a assigné M. [J] et Mmes [P] et [M] principalement en paiement
du prix de la vente de ses parts dans la société.

5. Mme [P] ayant, le 2 novembre 2015, notifié la dissolution de la société à Mme [Z] puis, le 5
novembre 2015, à M. [J] et à Mme [M], lesquels ont envoyé une lettre identique à Mme [Z] et
fait paraître un avis de dissolution de la société dans un journal d’annonces légales, Mme [Z],
soutenant que la société avait été dissoute de mauvaise foi et à contretemps, a demandé la
condamnation de M. [J] et de Mmes [P] et [M] au paiement de dommages-intérêts et de diverses
sommes.

58
Enoncé du moyen

7. M. [J] et Mmes [M] et [P] font grief à l’arrêt de dire que la société a été dissoute de mauvaise
foi et à contretemps et de les condamner solidairement à verser à Mme [Z] diverses sommes au
titre de ses parts sociales, à titre de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de
procédure civile, alors :

« 1°/ que lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter
à tout moment d’une notification adressée par l’un d’eux à tous les associés, pourvu que cette
notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps ; que, quelles qu’en soient les raisons,
l’utilisation par un des associés du chéquier de la société de fait pour ses besoins personnels est
de nature à altérer la confiance nécessaire aux relations entre associés participant de l’affectio
societatis et, partant, à établir que la dissolution prononcée par un ou plusieurs des associés est
faite de bonne foi ; que la cour d’appel constate que Mme [Z] a émis douze chèques d’un
montant total de 8 921 euros de mai à août 2014 sur le compte de la société de fait pour ses
besoins personnels ; qu’en estimant néanmoins que la dissolution de la société de fait prononcée
par ses associés n’était pas faite de bonne foi, quand aucune des circonstances invoquées par
Mme [Z] tirées d’une erreur involontaire, de la présentation d’excuses à ses associés, d’une
régularisation, de sa situation de santé, de prélèvements opérés par un autre associé, du
paiement de notes d’honoraires d’avocat sur le compte de la société de fait et du refus d’accepter
un remplaçant n’était de nature à affecter la matérialité des détournements justifiant une perte
de confiance, la cour d’appel qui n’a pas caractérisé la mauvaise foi des associés ayant prononcé
la dissolution de la société de fait, a violé l’article 1872-2, alinéa 1er, du code civil ;

2°/ que lorsque la société en participation est à durée indéterminée, sa dissolution peut résulter
à tout moment d’une notification adressée par l’un d’eux à tous les associés, pourvu que cette
notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps ; qu’en reprochant à Mmes [M] et [P]
et à M. [J] d’avoir constitué une société civile professionnelle « cabinet de soins infirmiers de
Trois Bassins » ayant débuté son activité le 1er octobre 2015, antérieurement à la dissolution
de la société de fait en date du 2 novembre 2015 notifiée à Mme [Z], quand elle constatait que
celle-ci avait néanmoins cessé toute activité au sein de la société de fait à compter du mois de
novembre 2014, si bien qu’elle n’avait droit de ce fait à aucun honoraire depuis cette date, la
cour d’appel a violé l’article 1872-2, alinéa 1er, du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir constaté que Mme [Z] avait, entre les mois de mai et août 2014, émis douze
chèques, d’un montant total de 8 921 euros, tirés sur le compte de la société, puis relevé, d’un
côté, que la plainte déposée par M. [J] et Mmes [P] et [M] avait été classée sans suite, de l’autre,
que M. [J] avait effectué cinq virements du compte bancaire de la société du 21 mars au 16 avril
2014, d’un montant de 3 250 euros, pour des besoins personnels, qui n’étaient toujours pas
remboursés à la date du 11 décembre 2014, l’arrêt retient qu’il est curieux que l’utilisation, par
Mme [Z], du chéquier de la société ait entraîné une réaction si rigoureuse de la part de cette
dernière cependant qu’elle avait immédiatement remboursé les chèques, qu’elle avait présenté
ses excuses et qu’elle était atteinte d’une maladie grave pouvant expliquer l’erreur commise.
L’arrêt relève ensuite que le remplaçant trouvé par Mme [Z] pour la période du 24 novembre
2014 au 30 décembre 2014 a été éconduit, le 11 novembre 2014, par M. [J], que les clés du
cabinet ont été changées à la fin du mois de décembre 2014 afin de gêner Mme [Z] dans la
reprise de ses fonctions et que M. [J] et Mmes [P] et [M] ont constitué une société civile

59
professionnelle qui a débuté son exploitation avec la patientèle de la société de fait et dans ses
locaux le 1er octobre 2015, antérieurement à la dissolution du 2 novembre 2015. L’arrêt relève
encore que les trois co-associés de Mme [Z] ont cédé la part indivise de celle-ci à un tiers,
cependant que Mme [Z] avait proposé à ce dernier un contrat de collaboration sur sa part dans
le cabinet. Il retient enfin, par des motifs vainement critiqués par le premier moyen, pris en sa
troisième branche, que M. [J] et Mmes [P] et [M] n’établissent pas que Mme [Z] ait proposé
ses services à un autre cabinet d’infirmier à cette époque. En l’état de ces constatations et
appréciations, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain que la cour d’appel a retenu que
la dissolution de la société était intervenue de mauvaise foi et à contretemps et qu’elle a
condamné M. [J] et Mmes [P] et [M] à payer diverses sommes à Mme [Z].

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

(…)

Document 21 : La dissolution de la société en participation (Cass. com., 29 nov. 1988, no 85-


15.184)

Vu les articles 1871-1 du Code civil et 417 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que les époux Y... et les époux Z... ont acheté, pour l'exploiter en commun, un fonds
de commerce de restaurant, l'acquisition étant faite par moitié entre eux ; que les apports des
époux Z... se sont élevés à 127 036 francs et ceux des époux X... à 2 353,24 francs ; que les
époux Z... ont abandonné l'exploitation du restaurant le 22 juin 1978 et que celui-ci a été vendu
le 30 janvier 1979 par les époux Y... ; qu'après règlement des dettes, il est resté entre les mains
du notaire, désigné comme séquestre, la somme de 21 308 francs 26 ; que les époux Z... ont
assigné les époux Y... en paiement de la somme de 60 500 francs qu'ils prétendaient leur revenir;

Attendu que pour fixer la créance des époux Z... à la somme de 35 080 francs, dire que le notaire
serait déchargé du séquestre par versement de la somme qu'il détenait aux époux Z... et
condamner les époux Y... à leur payer la somme de 13 722 francs, l'arrêt attaqué après avoir
considéré que les intéressés avaient créé entre eux une société en participation, énonce que les
époux Z... n'auraient pu demander le remboursement intégral de leurs apports qu'à la société, si
celle-ci avait continué d'exister après leur départ, mais que ce départ ayant entraîné sa
dissolution, ils ne pouvaient prétendre qu'à la différence entre le montant de leurs apports et la
moitié des apports des deux associés ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi alors que dans une société en participation à caractère
commercial, à moins qu'une organisation différente n'ait été prévue, les rapports entre associés
sont régis, en tant que de raison, par les dispositions applicables aux sociétés en nom collectif,
et qu'en conséquence, à la dissolution de la société, chaque associé a droit, après paiement des
dettes, au remboursement de ses apports et à une part de l'actif subsistant proportionnelle à ces
apports, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

60
Document 22 : La société créée de fait – Éléments caractéristiques (Cass. 3e civ., 17 juin
2021, no 19-16.640)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 25 février 2019), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ.,
1er février 2018, pourvoi n° 16-18.724), par acte du 30 juillet 2001, [S] [F], décédée en 2006,
et son fils [K] ont donné à bail à M. [G] des parcelles agricoles.

2. Par déclaration du 29 juillet 2013, M. [F] et son épouse ont saisi le tribunal paritaire des baux
ruraux en résiliation du bail et expulsion du preneur pour défaut d'exploitation personnelle et
sous-location ou co-exploitation avec le beau-frère de celui-ci.

3. Mme [X] [F] et M. [G] [F], donataires de la nue-propriété des parcelles, sont intervenus
volontairement à l'instance d'appel.

Enoncé du moyen

4. M. [G] fait grief à l'arrêt d'ordonner la résiliation du bail rural du 30 juillet 2001 à ses torts et
son expulsion sous astreinte, alors :

« 1°/ que, en vertu de l'article L. 411-37, I du code rural et de la pêche maritime, « sous réserve
des dispositions de l'article L. 411-39, l, à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans
les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée, le preneur associé d'une
société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée
qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont
il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l'attribution de parts. Cette société
doit être dotée de la personnalité morale ou, s'il s'agit d'une société en participation, être régie
par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine » ; que, pour ordonner la résiliation
du bail rural aux torts de monsieur [G], l'arrêt attaqué a retenu qu'il existait entre ce dernier et
monsieur [S] une société créée de fait, mais que l'article L. 411-37, I précité n'autorisait pas la
mise à disposition des terres louées à une telle société ; qu'en statuant ainsi, cependant que la
commune absence de personnalité morale de la société en participation et de la société créée de
fait, qui explique que les dispositions du code civil relatives à la première soient applicables à
la seconde, justifiait que l'article L. 411-37, I précité le soit également, la cour d'appel a violé
ce texte, ensemble l'article 1873 du code civil ;

2°/ que, en tout état de cause, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie que la
contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l'article L. 411-37, I du
code rural et de la pêche maritime est de nature à lui porter préjudice ; qu'en retenant que l'article
L. 411-37, I n'autorisait pas la mise à disposition des terres louées à une société créée de fait, et
que cette mise à disposition constituait une cession de bail interdite par l'article L. 411-35 du
code, justifiant que le bailleur soit regardé comme fondé à solliciter la résiliation du bail sur le
fondement de l'article L. 411-31, II, 1° du même code, cependant que la contravention aux
obligations dont monsieur [G] était tenu en application de l'article L. 411-37 du code rural
relevait des dispositions de l'article L. 411-31, II, 3° du même code, lesquelles prévoyaient la
résiliation du bail pour le cas uniquement où la contravention était de nature à porter préjudice
au bailleur, ce qui ne ressortait pas de l'arrêt attaqué, la cour d'appel a violé les articles L. 411-
31, II, 1° et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime par fausse application et les articles
L. 411-31, II, 3° et L. 411-37 dudit code. »

61
Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que l'article L. 411-37, I, du code rural
et de la pêche maritime autorise la mise à la disposition des biens loués au profit d'une société
dotée de la personnalité morale ou, à défaut, d'une société en participation régie par des statuts
ayant date certaine, mais ne prévoit pas qu'une telle mise à disposition soit possible au profit
d'une société créée de fait.

6. Elle a relevé qu'il résultait des éléments produits aux débats la volonté de MM. [G] et [S] de
collaborer à une entreprise commune sans pour autant constituer une personne morale, ni établir
de statuts.

7. Elle en a exactement déduit que M. [G], preneur en titre, ne pouvait se prévaloir de la faculté
de procéder à une telle mise à disposition en vue d'une co-exploitation informelle avec un tiers.

8. En second lieu, la cour d'appel a constaté que M. [G] avait organisé la co-exploitation avec
M. [S] des terres objet du bail et retenu que celle-ci constituait une cession de bail interdite
comme contrevenant aux dispositions d'ordre public de l'article L. 411-35 du code précité.

9. Elle en a exactement déduit que la résiliation du bail était encourue sans qu'elle ait à se
prononcer sur la gravité du manquement, ni à rechercher s'il était de nature à compromettre la
bonne exploitation du fonds au préjudice des bailleurs.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 23 : La société créée de fait – Éléments du contrat de société (Cass. 1re civ., 12
mai 2004, no 01-03.909)

Vu l'article 1832 du Code civil ;

Attendu que pour justifier l'existence d'une société créée de fait entre M. X... et Mme Y... et
reconnaître au premier le droit de prétendre à la moitié de la valeur d'une maison et de biens
mobiliers acquis pendant leur concubinage, l'arrêt attaqué relève que Mme Y..., qui s'occupait
seule de la gestion du ménage, utilisait pour ce faire soit son propre compte bancaire que M.
X... alimentait régulièrement par le versement de la moitié de son salaire mensuel, soit la
procuration dont elle bénéficiait sur le compte de ce dernier, la situation ainsi créée
correspondant à une totale mise en commun des revenus ; qu'en ce qui concerne l'immeuble
litigieux, les concubins en avaient profité ensemble et avaient réalisé divers travaux à frais
communs, jusqu'à ce que M. X... fût invité par sa compagne à quitter les lieux ; que si ce bien
avait été acquis au nom de Mme Y..., M. X... s'était porté caution solidaire des deux prêts
souscrits par elle à cette occasion, et qu'elle-même, inapte à financer personnellement un tel
achat, avait effectué les remboursements selon la pratique ménagère susdécrite, suivie
également pour payer les meubles acquis au cours de la vie commune ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans relever aucun élément de nature à démontrer une intention de
s'associer distincte de la mise en commun d'intérêts inhérente à la vie maritale, la cour d'appel
n'a pas donné de base légale à sa décision ;

62
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 24 : La société créée de fait – Éléments du contrat de société (Cass. 1re civ., 3 déc.
2008, no 07-13.043)

Attendu que M. X... a acquis le 11 avril 1979 un fonds de commerce exploité sous l'enseigne
Singer et a épousé Mme Z... le 7 décembre 1981 sous le régime de la séparation de biens ; que
leur divorce a été prononcé par jugement du 3 juillet 1998 ; que Mme Z... soutenant qu'elle a
collaboré sans rétribution aux côtés de M. X... à l'exploitation du fonds de commerce à compter
de son ouverture en 1979 puis pendant toute la durée du mariage, a assigné son ex-époux en
liquidation de cette société de fait et sollicité subsidiairement sa condamnation à l'indemniser
sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2006) d'avoir dit
qu'il n'y avait pas eu de société de fait entre elle et M. X..., alors, selon le moyen, que la cour
d'appel, qui n'a recherché ni si l'affectio societatis ne résultait pas de l'ampleur de l'implication
de Mme Z... dans le fonctionnement du commerce alors que cette dernière n'avait pas de moyens
pour investir autrement dans la société, ni si l'absence de traduction concrète de participation
aux bénéfices, évidente compte tenu de l'implication de l'exposante, ne s'expliquait pas
simplement par la communauté de vie stable et encadrée des époux, a ainsi privé sa décision de
base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante
invoquée par le moyen, a souverainement estimé que si de nombreuses attestations
témoignaient de la présence constante de Mme Z... dans le magasin et de son aide efficace,
celle-ci ne démontrait pas l'existence d'une volonté commune des époux de s'associer sur un
pied d'égalité en partageant les bénéfices et les pertes dès lors que le compte commercial de
l'entreprise n'avait fonctionné que sous la signature de M. X..., seul inscrit au registre du
commerce et signataire du contrat de franchise, que les tâches accomplies par Mme Z... ne se
rapportaient pas à la responsabilité de la gestion du fonds, que les époux s'étaient mariés pendant
leur activité sous le régime de la séparation de biens et que M. X... avait acquis sans le concours
de son épouse plusieurs biens immobiliers, ce dont il résultait l'absence d'affectio societatis ;
qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 25 : La société créée de fait – Éléments du contrat de société (Cass. com., 23 juin
2004, no 01-10.106)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 janvier 2000), qu'après la fin du concubinage ayant
existé entre elle et M. X..., Mme Y... s'est maintenue dans l'immeuble édifié au cours de la vie
commune sur un terrain appartenant à son concubin ; que ce dernier ayant demandé que soit
ordonnée son expulsion et qu'elle soit condamnée à lui payer une indemnité d'occupation, Mme
Y... a résisté à ces demandes en invoquant l'existence d'une société créée de fait entre les
concubins ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette prétention et accueilli les demandes
de M. X..., alors, selon le moyen :

63
1 / que tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue le
défaut de motif ; qu'en l'espèce, pour établir l'existence d'une société de fait entre elle et M. X...,
elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel, d'une part, l'existence d'un compte courant
commun à partir duquel était effectué le remboursement des échéances du prêt, et, d'autre part,
les travaux d'agrandissements de la maison effectués par son frère ; qu'en se bornant, pour
écarter cette demande, à constater que le prêt avait été souscrit par M. X..., seul, sans répondre
à ces conclusions déterminantes desquelles il résultait la volonté commune des parties de
s'associer dans la construction de la maison, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut
de réponse à conclusions et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le virement de fonds opérant dessaisissement du donateur et tradition au bénéficiaire


constitue le don manuel ; qu'elle faisait valoir qu'en virant la somme de 100 000 francs sur son
compte personnel, M. X... lui avait fait un don manuel et qu'en utilisant cette somme pour la
construction de la piscine, elle avait manifesté sa volonté de s'associer effectivement à
l'édification de la maison ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a
violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'existence d'une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion
des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l'existence d'apports, l'intention de
collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet commun et l'intention de participer
aux bénéfices ou aux économies ainsi qu'aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces
éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres;

Attendu qu'en l'espèce, ayant constaté que Mme Y... ne faisait pas la preuve, qui lui incombait,
que les concubins avaient eu l'intention de s'associer pour la construction de l'immeuble dans
lequel leur relation avait perduré, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions
tendant à établir sa participation financière à la construction et à l'amélioration de cet immeuble,
que cette constatation rendait inopérantes ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses
branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 26 : La société créée de fait – Théorie de l’apparence (Cass. 1re civ., 13 nov. 1980,
no 79-13.895)

ATTENDU QUE, SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE, THIBAULT,


TECHNICIEN DU BATIMENT, A SOUS-LOUE UNE PARTIE DE SES LOCAUX
PROFESSIONNELS, SIS ... A BORDEAUX, A LASSALLE, QUI ETAIT LUI AUSSI
TECHNICIEN DU BATIMENT ; QUE LASALLE , ENTRE MARS ET SEPTEMBRE 1975,
A PASSE DES COMMANDES DE MARCHANDISES, SOUS SA SEULE SIGNATURE, A
LA SOCIETE AUCANNE, EN SE SERVANT D'UN PAPIER A LETTRE PORTANT LA
REFERENCE "BUREAU D'ETUDES DU BATIMENT" SANS INDICATION DE NOMS
PATRONYMIQUES, ET INDIQUANT L'ADRESSE DU ... QU'UN NUMERO DE
TELEPHONE QUI ETAIT COMMUN A LASSALLE ET A THIBAULT ; QUE, SES
FACTURES N'AYANT PAS ETE REGLEES, LA SOCIETE AUCANNE A OBTENU DU
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BORDEAUX, LE 24 FEVRIER 1976, UN JUGEMENT
CONDAMNANT LE BUREAU D'ETUDES DU BATIMENT A LUI PAYER LA SOMME
DE 20 205 FRANCS ; QUE LASSALLE A QUITTE LES LOCAUX QU'IL OCCUPAIT RUE
POUDENSAN LE 7 MAI 1976 ; QUE LA SOCIETE AUCANNE A ASSIGNE THIBAULT

64
ET LASSALLE DEVANT LE TRIBUNAL DE COMMERCE POUR LEUR FAIRE
DECLARER COMMUN LE JUGEMENT DU 24 FEVRIER 1976 ; QUE LASSALLE A FAIT
DEFAUT ET QUE THIBAULT A DECLINE LA COMPETENCE DU TRIBUNAL DE
COMMERCE ; QUE CE TRIBUNAL A RETENU SA COMPETENCE ET A CONDAMNE
SOLIDAIREMENT THIBAULT ET LASSALLE A PAYER A LA SOCIETE AUCANNE LA
SOMME RECLAMEE ; QUE LA COUR D'APPEL A CONFIRME CETTE DECISION ;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF AUX JUGES DU SECOND DEGRE D'AVOIR
DECLARE, SELON LE MOYEN, QUE LE TRIBUNAL DE COMMERCE ETAIT
COMPETENT POUR CONNAITRE DE L'AFFAIRE, AU MOTIF QUE, LES PARTIES
AYANT CONCLU AU FOND, LE LITIGE ETAIT ENTIEREMENT DEVOLU A LA COUR
D'APPEL, ALORS QU'IL RESULTE DES ACTES DE LA PROCEDURE, ET
NOTAMMENT DES CONCLUSIONS DE THIBAULT, QUE CE DERNIER AVAIT,
AVANT TOUTE DEFENSE AU FOND, SOULEVE L'INCOMPETENCE RATIONE
MATERIAE DU TRIBUNAL DE COMMERCE, CONTRAIREMENT AUX
AFFIRMATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, SANS DIRE QUE LE TRIBUNAL DE


COMMERCE ETAIT COMPETENT NI CONTESTER QUE THIBAULT AVAIT INVOQUE
DEVANT ELLE L'INCOMPETENCE RATIONE MATERIAE DE CE TRIBUNAL, A
RELEVE, D'UNE PART, QUE LA DECISION ATTAQUEE, SUSCEPTIBLE D'APPEL
DANS L'ENSEMBLE DE SES DISPOSITIONS, LUI AVAIT ETE ENTIEREMENT
DEVOLUE ET QUE LES PARTIES AVAIENT CONCLU AU FOND, ET, D'AUTRE PART,
QU'ELLE ETAIT JURIDICTION D'APPEL TANT A L'EGARD DUTRIBUNAL DE
COMMERCE QU'A L'EGARD DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DONT LA
COMPETENCE ETAIT REVENDIQUEE PAR THIBAULT ; QU'ELLE EN A JUSTEMENT
DEDUIT QU'ELLE POUVAIT STATUER, EN VERTU DE L'ARTICLE 79 DU NOUVEAU
CODE DE PROCEDURE CIVILE, MEME AU CAS OU LE TRIBUNAL DE COMMERCE
AURAIT RETENU A TORT SA COMPETENCE ; QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS
FONDE ;

ET SUR LE SECOND MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :

ATTENDU QU'IL EST AUSSI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR, POUR


CONDAMNER SOLIDAIREMENT THIBAULT ET LASSALLE A PAYER A LA SOCIETE
AUCANNE LE MONTANT DE SES FACTURES, RETENU QU'ILS AVAIENT CREE
L'APPARENCE QU'ILS EXERCAIENT LEUR ACTIVITE EN SOCIETE DE FAIT, ALORS
QUE, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, POUR CARACTERISER L'EXISTENCE D'UNE
SOCIETE DE FAIT, LES JUGES DU FOND DOIVENT CONSTATER, TOUT AU MOINS,
L'EXISTENCE D'APPORTS, L'INTENTION DES PARTIES DE S'ASSOCIER ET LEUR
VOCATION A PARTICIPER AUX BENEFICES ET AUX PERTES ; QUE L'ARRET
ATTAQUE NE CONSTATE L'EXISTENCE D'AUCUNE DE CES CONDITIONS
JUSTIFIANT SA DECISION ET NE REPOND PAS AUX CONCLUSIONS DE THIBAULT
FAISANT VALOIR LE CONTRAT DE SOUS-LOCATION PASSE AVEC LASSALLE ; ET
ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ARRET ATTAQUE PASSE SOUS SILENCE ET NE
JUSTIFIE PAS SA DECISION SUR L'ABSENCE D'IMPRUDENCE DE LA SOCIETE
AUCANNE, QUI N'A PROCEDE A AUCUNE INVESTIGATION NI PRIS AUCUNE
PRECAUTION AFIN DE VERIFIER LA QUALITE DE LA PERSONNE DE LASSALLE,
QUI A SEUL PASSE COMMANDE DU MATERIEL DONT ELLE PRETEND N'AVOIR
PAS ETE REGLEE ;

65
MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE SI L'EXISTENCE EFFECTIVE D'UNE
SOCIETE DE FAIT EXIGE LA REUNION DES TROIS ELEMENTS CONSTITUTIFS DE
TOUTE SOCIETE, L'APPARENCE D'UNE SOCIETE DE FAIT S'APPRECIE APPARENTE
DE CHACUN DE CES ELEMENTS ; QU'EN OUTRE, EN PRECISANT QUE
L'APPARENCE D'UNE SOCIETE DE FAIT EXISTAIT "QUELS QU'AIENT PU ETRE LES
RELATIONS OU LIENS PERSONNELS DE THIBAULT ET DE LASSALLE" , LA COUR
D'APPEL A ESTIME QUE L'EXISTENCE D'UN CONTRAT DE SOUS-LOCATION
ENTRE LES PARTIES N'ETAIT PAS DE NATURE A ECARTER CETTE APPARENCE ET
A AINSI IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT REPONDU AUX CONCLUSIONS
DE THIBAULT QUI INVOQUAIT CETTE SOUS-LOCATION ; ATTENDU, EN SECOND
LIEU, QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE QUE LES APPARENCES TROMPEUSES
CREES PAR THIBAULT ET LASSALLE AVAIENT INDUIT EN ERREUR LES TIERS,
COMME LA SOCIETE AUCANNE, QUI AVAIENT PU "CROIRE EN TOUTE BONNE FOI
QU'ILS TRAITAIENT AVEC DES ASSOCIES" ; QU'ELLE A PAR LA MEME EXCLU
QU'IL PUISSE ETRE REPROCHE UNE IMPRUDENCE OU UN MANQUE DE
PRECAUTION A LA SOCIETE AUCANNE ET JUSTIFIE LA QUALIFICATION PAR
ELLE DONNEE AUX FAITS ; QU'IL S'ENSUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE
ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI

Document 27 : La société créée de fait – Actions en justice (Cass. com., 4 juill. 2006, no 04-
16.578)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sofinabail a consenti un financement en crédit-bail
à la société de fait constituée entre MM. X..., Y... et Z..., agissant "solidairement et
indivisément" ; que sur assignation délivrée par le crédit-bailleur le 17 juin 1994, un jugement
rendu le 30 janvier 1997 a constaté la résiliation de ce contrat pour défaut de paiement d'un
solde de loyer, et ordonné la restitution du matériel financé ; que par assignation des 14 et 19
février 2001, la société Sofinabail a réclamé le paiement de loyers échus entre les mois de
septembre 1992 et mars 1993, et celui d'une indemnité de résiliation ;

Attendu que MM. X..., Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon
le moyen, que conformément à l'article 117 du nouveau code de procédure civile, est entaché
d'une irrégularité de fond l'acte introductif d'instance qui assigne les anciens associés d'une
personne morale en dissolution, soit des personnes dépourvue du pouvoir de la représenter, et
qui ne fait pas désigner un liquidateur ou un mandataire ad hoc ayant le pouvoir de la
représenter, ce que prévoit l'article L. 237-19 du code de commerce ; que la cour d'appel, qui a
constaté que la société avait été dissoute, mais qui a déclaré valable l'assignation délivrée à ses
anciens associés a, en statuant ainsi, violé la disposition susvisée ensemble l'article L. 237-19
du code de commerce ;

Mais attendu qu'une société créée de fait ne peut être attraite en justice ; que le moyen est
inopérant ;

(…)

66
Document 28 : La société créée de fait – Dissolution-liquidation (Cass. com., 10 avr. 2019,
no 17-28.834)

Vu les articles 1872-2 et 1873 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que la dissolution d'une société créée de fait peut résulter à
tout moment d'une notification adressée par l'un d'eux à tous les associés, pourvu que cette
notification soit de bonne foi, et non faite à contretemps ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par lettre recommandée du 25 juin 2014, M. Y... a notifié à
M. D..., son associé dans une société créée de fait exploitant une officine de pharmacie, sa
volonté de mettre un terme à leur indivision ; qu'il l'a ensuite assigné en dissolution de cette
société, sur le fondement de l'article 1872-2 du code civil ;

Attendu que pour rejeter sa demande, l'arrêt retient que M. Y... ne démontre pas que,
contrairement à ses allégations, tous les candidats acquéreurs ont été systématiquement évincés
par M. D..., et qu'il ne justifie d'aucune démarche postérieure à la fin de l'année 2012 et
antérieure à la notification de la dissolution de la société, près de deux ans après ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une notification faite de
mauvaise foi ou à contretemps, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

67
Leçon no 3 : La constitution de la société

I. Définitions et principes

La naissance de la société personne morale, par son immatriculation au RCS, est précédée d’une
période constitutive au cours de laquelle seront rédigés les statuts et sera démarrée l’activité
sociale. Cette période de constitution de la société obéit à des conditions de régularité dont
l’irrespect est susceptible d’entraîner la nullité de la société.

La constitution régulière de la société obéit à la réunion d’un certain nombre de conditions de


fond (relatives au nombre d’associés et au capital social) et de forme (avant la rédaction des
statuts ; lors de la rédaction et la signature des statuts ainsi que de la signature des statuts à
l’immatriculation au RCS).

Les irrégularités, tant de fond que de forme, commises lors de la période de constitution
de la société sont susceptibles d’entraîner la nullité de celle-ci.

Toutefois, la société constitue un contrat particulier dont la nullité peut emporter de graves
conséquences, tel que le risque d’entraîner la disparition de la personne morale à laquelle il a
donné naissance. Dès lors, l’action en nullité de la société (« La nullité de la société ne peut
résulter que de la violation des dispositions de l’article 1832 et du premier alinéa des articles
1832-1 et 1833, ou de l’une des causes de nullité des contrats en général » (C. civ., art. 1844-
10, al. 1er)) ainsi que ses effets (une nullité sans rétroactivité et inopposable aux tiers de bonne
foi) demeurent très encadrés.

II. Documents

A. Les conditions de constitution

Document 1 : Les conditions de forme – Avant la rédaction des statuts (Cass. com., 3 mars
2021, no 19-10.693).
Document 2 : Les conditions de forme –La rédaction et la signature des statuts (Cass. com., 5
juin 2019, no 17-18967).
Document 3 : Les conditions de forme –La rédaction et la signature des statuts (Cass. com., 29
janv. 2020, no 18-15.179).

B. La nullité de la société

Document 4 : La limitation des causes de nullité des SARL et des sociétés par actions (CJCE,
13 nov. 1990, aff. no C-106/89, Marleasing SA).
Document 5 : La limitation des causes de nullité des SARL et des sociétés par actions (Cass.
com., 10 nov. 2015, no 14-18.179).
Document 6 : La nullité de la société fictive ou frauduleuse (Cass. com., 16 juin 1992, no 90-
17.237, Lumale).

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Document 7 : La nullité de la société fictive ou frauduleuse (Cass. com., 19 févr. 2002, no 98-
20.578, Franck).
Document 8 : La nullité de la société fictive ou frauduleuse (Cass. 1re civ., 17 mars 1992, no
90-16.606).
Document 9 : Une nullité relative ou absolue (Cass. com., 17 janv. 1989, no 86-18.966).
Document 10 : Une nullité relative ou absolue (Cass. com., 21 févr. 2012, no 10-27.630).
Document 11 : La procédure de régularisation (Cass. com., 9 juill. 2013, no 12-21.238).

III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 3 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

69
Documents

Les conditions de constitution

Document 1 : Les conditions de forme – Avant la rédaction des statuts (Cass. com., 3 mars
2021, no 19-10.693)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 13 novembre 2018), M. D..., gérant de la société Bessimo, et la
société Compagnie foncière du Genevois, dont M. Mercieca est l'actionnaire majoritaire, se sont
rapprochés en vue de constituer deux sociétés, l'une, entre M. D... et la société Compagnie
foncière du Genevois et l'autre, entre cette dernière et la société Bessimo.

2. M. D... ayant décidé de ne pas concrétiser ce projet, les sociétés Compagnie foncière du
Genevois, Europe enchères et [...], aux droits de laquelle vient la société [...] , l'ont assigné,
ainsi que la société Bessimo, en responsabilité. M. D... et la société Bessimo ont soulevé la
nullité de la promesse de société invoquée au soutien des demandes de dommages-intérêts.

Enoncé du moyen

3. Les sociétés Compagnie foncière du Genevois, Europe enchères et [...] font grief à l'arrêt de
rejeter leurs demandes de dommages-intérêts, alors :

« 1°/ que l'affectio societatis s'entend de la volonté de collaborer à l'oeuvre commune


constituant l'objet de la société en vue de tirer profit de celle-ci ; que la Compagnie foncière du
Genevois faisait valoir qu'elle s'était accordée avec M. D... et la société Bessimo pour fonder
deux sociétés dont elles avaient ensemble arrêté la forme sociale, l'importance des apports
respectifs et l'objet, qui consistait dans l'acquisition de l'ensemble immobilier sis [...] et son
exploitation sous quelque forme que ce soit ; que la cour d'appel constate que M. D... tenait M.
Mercieca, actionnaire majoritaire de la Compagnie foncière du Genevois, au courant de l'état
d'avancement de l'acquisition de l'ensemble immobilier sis à Bellignat, que cette dernière avait
contribué pour moitié au dépôt de garantie exigé à la signature du compromis de vente et que
les parties avaient discuté des projets de statuts chez le notaire ; qu'en décidant que la promesse
de société était nulle par des motifs inopérants relatifs aux motivations des parties quant aux
modalités précises d'occupation des locaux à acquérir, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale au regard des articles 1832 et 1833 du code civil ;

2°/ que la Compagnie foncière du Genevois faisait valoir que M. D..., dès lors, d'une part, qu'il
ne pouvait ignorer que M. Mercieca, huissier de justice et actionnaire majoritaire de la
Compagnie souhaitait exercer une telle activité, cependant que la société Bessimo elle-même,
après avoir acquis seule les locaux litigieux avait exploité ces locaux à cette fin, avait de
mauvaise foi prétendu que l'affectation des locaux à un usage de salle de ventes était contraire
à l'objet qu'il poursuivait ; qu'en faisant droit à la demande de la société Bessimo tendant à
l'annulation de la promesse au motif que cette dernière n'avait pas de communauté de vues quant
à l'usage éventuel des locaux à des fins de ventes sans rechercher si ce moyen de nullité avait
été soutenu de bonne foi, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard

70
des articles 1832 et 1833 du code civil, ensemble l'article 1134 dans sa rédaction applicable au
litige. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, l'arrêt énonce que l'affectio societatis se définit comme une volonté non
équivoque de tous les associés de collaborer ensemble et sur un pied d'égalité à la poursuite de
l'oeuvre commune. Il constate qu'il est établi que M. D... tenait M. Mercieca au courant de
l'avancement de ses démarches en vue de l'acquisition des biens immobiliers que les futures
sociétés devaient exploiter, que la société Compagnie foncière du Genevois avait versé la moitié
du dépôt de garantie et qu'un rendez-vous avait été organisé chez le notaire pour discuter des
statuts des sociétés dont la création était envisagée. Il retient que la preuve n'est pas rapportée
d'un échange entre les parties sur leurs projets respectifs concernant la destination des biens
immobiliers concernés, ni sur les modalités pratiques de leur occupation respective. Il retient
ensuite que le contenu du courriel de M. D... du 29 juillet 2011 démontre son ignorance des
projets de M. Mercieca ainsi qu'une absence de communauté de vue sur l'usage de ces biens et
de volonté de collaborer ensemble et sur un pied d'égalité à une œuvre commune, que les
activités ponctuelles de M. D... et de la société Bessimo, qu'il décrit, ne suffisent pas davantage
à démontrer. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que les parties ne
s'étaient pas entendues sur l'objet des sociétés qu'elles envisageaient de constituer, que les biens
à acquérir devaient servir à réaliser, ce dont elle a pu déduire l'absence d'affectio societatis et,
par voie de conséquence, la nullité de la promesse de sociétés, la cour d'appel a légalement
justifié sa décision.

5. D'autre part, il ne ressort ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que les sociétés Compagnie
foncière du Genevois, Europe enchères et [...] aient, devant la cour d'appel, invoqué la mauvaise
foi de M. D... pour s'opposer à la demande de nullité formée par ce dernier et la société Bessimo.
Le moyen, en sa seconde branche, est ainsi nouveau et mélangé de fait et de droit.

6. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 2 : Les conditions de forme –La rédaction et la signature des statuts (Cass. com., 5
juin 2019, no 17-18967)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 mars 2017) et les productions, que MM. W..., C...,
I... et B... (les fondateurs) ont créé la société par actions simplifiée Nutritis ; que le 29 juillet
2010, ils ont conclu avec le groupement Union coopérative agricole Grap'sud (le groupement
Grap'sud) et la société Inosud un pacte d'actionnaires par lequel ils ont défini notamment les
conditions de prise de participation des parties dans le capital de la société Nutritis ; que par
délibération du même jour, la société Nutritis a été transformée en société anonyme à directoire
et conseil de surveillance, MM. I... et W... étant nommés directeurs ; que par délibération du 21
décembre 2012, le conseil de surveillance de la société Nutritis a révoqué MM. I... et W... et les
a remplacés par M. N..., M. K... Y... et M. T..., respectivement directeur général, directeur
industriel et commercial et directeur général adjoint du groupement Grap'sud ; que ce dernier,
M. D... Y... et M. J..., membres du conseil de surveillance, ont voté en faveur de cette décision,
les deux autres membres s'étant abstenus ; que les fondateurs les ont assignés, ainsi que les
sociétés Nutritis et Inosud, M. K... Y... et MM. N... et T..., en nullité de cette délibération et en
paiement de dommages-intérêts ;

71
Sur le premier moyen :

Attendu que MM. B..., C... et I... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation de la
délibération du conseil de surveillance de la société Nutritis intervenue le 21 décembre 2012
alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; qu'en considérant
que les statuts adoptés le 9 décembre 2010 constituaient un « amendement aux dispositions du
pacte d'actionnaires et aux statuts initiaux », quand l'objet du débat entre les parties portait
exclusivement sur la question de savoir si les termes du pacte d'actionnaires étaient
contradictoires avec les statuts de la société, la cour d'appel a introduit dans les débats une
question que les parties ne lui avaient pas soumise, et ce faisant, a méconnu les termes du litige
et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en affirmant que les statuts mis à jour le 9 décembre 2010 avaient amendé les statuts en
date du 29 juillet 2010, supposément sur la majorité requise pour révoquer les membres du
directoire, sans avoir pu procéder à une comparaison entre les deux versions des statuts, les
statuts initiaux n'ayant pas été versés aux débats, pour décider que la décision de révocation
litigieuse respectait les dispositions statutaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article
L. 255-61 du code de commerce ;

3°/ que les règles spéciales priment sur les règles générales ; qu'en se fondant sur les dispositions
des statuts mis à jour le 9 décembre 2010 et en considérant que ceux-ci avaient amendé le pacte
d'actionnaires, pour rejeter la demande de prononcé de la nullité de la décision de révocation
litigieuse, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, s'il n'existait pas une articulation et
un ordre tels entre les stipulations invoquées des statuts et du pacte d'actionnaires que ceux-ci
s'ordonnaient comme des stipulations générales à des stipulations spéciales, et ne pas avoir
davantage établi qu'il existait une contradiction entre elles justifiant, par motifs adoptés,
l'application du principe selon lequel les clauses statutaires priment celles du pacte
d'actionnaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du
code civil dans sa rédaction applicable au litige, ensemble l'article L. 225-61 du code de
commerce ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que selon l'article L. 225-61 du code de commerce, les membres
du directoire ou le directeur général unique peuvent être révoqués par le conseil de surveillance,
si les statuts le prévoient ; qu'ayant relevé que l'article 27 du pacte d'actionnaires précisait que
dans le cadre de la gestion et de l'administration de la société, les parties convenaient d'appliquer
les lois en vigueur, les stipulations du pacte, les stipulations des statuts de la société ainsi que
les amendements des statuts pouvant être adoptés dans la conduite normale des affaires, l'arrêt
constate que selon l'article 17 des statuts, dans leur version mise à jour le 9 décembre 2010,
applicable au jour de la délibération litigieuse, les membres et le président du directoire étaient
nommés et révoqués par le conseil de surveillance et selon l'article 25 de ces statuts, les
décisions du conseil de surveillance étaient prises à la majorité des voix des membres présents
ou représentés ; qu'il en déduit que la décision de révocation de MM. I... et W... prise le 21
décembre 2012 respectait les stipulations statutaires adoptées le 9 décembre 2010, qui
constituaient un amendement aux dispositions du pacte d'actionnaires et aux statuts initiaux au
sens de l'article 27 du pacte d'actionnaires ; qu'en l'état de ces énonciations, constatations et
appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, et qui a recherché comment

72
s'articulaient le pacte d'actionnaire et les statuts de la société Nutritis, a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

Et sur le troisième moyen :

Attendu que MM. B..., C... et I... font grief à l'arrêt de rejeter la demande de MM. B... et C... au
titre de la perte de revenus alors, selon le moyen, qu'en se bornant à affirmer que « aucune
violation du pacte d'actionnaires n'étant établie à l'encontre du groupement GRAP'SUD », sans
avoir procédé à aucun examen ni de la demande spécifiquement présentée par MM. B... et C...
au titre de la perte de revenus ni des stipulations du pacte d'actionnaires visées par ces derniers,
relatives au choix conventionnellement fixé des membres du directoire, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1142 du code civil dans leur rédaction
applicable au litige ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les stipulations des statuts devaient prévaloir sur celles du
pacte d'actionnaires, et rappelé les termes de l'article 17 de ces statuts, relatif à la composition
du directoire, l'arrêt en déduit qu'aucune violation du pacte sur ce point n'a été commise ; qu'en
cet état, la cour d'appel n'avait pas à procéder à la recherche invoquée, que ses constatations et
appréciations rendaient inopérante ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 3 : Les conditions de forme –La rédaction et la signature des statuts (Cass. com.,
29 janv. 2020, no 18-15.179)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation
(chambre commerciale, financière et économique, 12 mai 2015, pourvoi n° 14-13.744), aux
termes d'un protocole d'accord du 27 avril 2006, les associés de la société à responsabilité
limitée Chronotec, MM. K... et C... E... et M. L..., ont, par dérogation aux statuts, autorisé ce
dernier, gérant démissionnaire de la société, à constituer une autre entreprise dans le même
secteur d'activité et le même département. Le même jour, M. L... a cédé la totalité de sa
participation au capital de la société Chronotec à MM. C... E... et M.... Il a ultérieurement créé
la société Codif, concurrente de la société Chronotec.

2. Soutenant que ce protocole d'accord, en ce qu'il autorisait M. L... à constituer une entreprise
concurrente, nécessitait pour sa validité la convocation d'une assemblée spécialement réunie
pour modifier les statuts, la société Chronotec a assigné celui-ci et la société Codif aux fins de
cessation de l'activité exercée illicitement par cette dernière.

Enoncé du moyen

3. La société Chronotec fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Codif alors:

« 1°/ que si les associés d'une société à responsabilité limitée peuvent déroger à une clause des
statuts et s'en affranchir par l'établissement d'actes postérieurs, ces actes ne sont valables que
dans la mesure où tous les associés y consentent ; que pour refuser d'annuler le protocole du 27

73
avril 2006, l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'il était contraire aux articles 17 et 25 des statuts
de la société Chronotec, retient qu'il n'était pas « contestable » que ce protocole « avait été signé
par les trois associés qui détenaient à cette date la totalité du capital social de la société
Chronotec, soit M. C... E..., M. K... E... et M. F... L... » ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant
relevé que le 27 avril 2006, soir le jour même de la signature du protocole, M. F... L... avait
cédé une partie de ses parts à M. M..., ce dont il résultait que la dérogation à la clause de non-
concurrence prévue par l'article 17 des statuts n'avait pu être consentie avec le consentement
unanime des associés, celui de M. M... n'ayant pas été recueilli, la cour d'appel, qui n'a pas tiré
les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa
rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article L. 235-1 du code de
commerce ;

2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Chronotec faisait valoir que M. F... L... avait
disposé et disposait encore de moyens matériels et informatiques appartenant à la société
Chronotec pour s'adonner à des actes de concurrence déloyale ; qu'en retenant que « la SAS
Chronotec, qui ne pouvait soutenir que la société Codif avait été créée en fraude de ses statuts
» n'invoquait « aucun autre acte de concurrence déloyale à l'encontre de la SAS Codif », quand
la société Chronotec faisait clairement état d'actes de désorganisation susceptibles d'engager la
responsabilité de la société Codif pour concurrence déloyale, la cour d'appel a dénaturé les
écritures de la société Chronotec et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. D'une part, l'arrêt relève que le protocole d'accord du 27 avril 2006 prévoit les modalités de
la sortie de M. L... de la société Chronotec et que, le même jour, conformément à ce protocole,
M. L... a cédé la totalité de ses parts à MM. C... E... et M..., ce dont il résulte que M. M... n'était
pas encore associé de la société lors de la signature du protocole. Ayant ainsi constaté que cet
acte avait été signé par les trois associés qui détenaient, au moment de sa régularisation, la
totalité du capital de la société Chronotec, soit MM. C... et K... E... et M. L..., la cour d'appel,
après avoir énoncé que les associés d'une société à responsabilité limitée peuvent déroger à une
ou plusieurs clauses des statuts et s'en affranchir par l'établissement d'actes postérieurs, valables
dès lors que tous les associés y consentent, a exactement retenu que, bien qu'il fût contraire aux
statuts, le protocole d'accord litigieux s'imposait à la société Chronotec, qui ne pouvait, dès lors,
soutenir que la société Codif avait été créée en fraude de ses règles.

5. D'autre part, après avoir relevé que, devant le tribunal, la société Chronotec avait abandonné
toutes ses demandes contre M. L... et que, ne l'ayant pas intimé, celui-ci, qui n'intervenait pas
volontairement, n'était donc pas partie à l'instance d'appel, de sorte que les griefs formulés à
son encontre, tels que les fautes qu'il aurait éventuellement commises en sa qualité de gérant,
ou les conséquences à tirer du non-respect allégué du protocole, à les supposer établis, n'avaient
pas lieu d'être examinés en son absence, les demandes formées à ce titre étant irrecevables, c'est
sans dénaturation des conclusions de la société Chronotec que la cour d'appel, qui n'était
valablement saisie que d'une demande tendant à voir confirmer le constat de l'illicéité de la
création de la société Codif, a retenu que cette demande de la société Chronotec, qui n'invoquait
aucun autre acte de concurrence déloyale contre la société Codif que sa création en fraude de
ses règles, devait être rejetée.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

74
La nullité de la société

Document 4 : La limitation des causes de nullité des SARL et des sociétés par actions (CJCE,
13 nov. 1990, aff. no C-106/89, Marleasing SA)

1 Par ordonnance du 13 mars 1989, parvenue à la Cour le 3 avril suivant, le juge de première
instance et d' instruction n° 1 d' Oviedo a posé, en vertu de l' article 177 du traité CEE, une
question préjudicielle concernant l' interprétation de l' article 11 de la directive 68/151/CEE du
Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui
sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l' article 58, deuxième alinéa, du
traité CEE pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers ( JO L 65, p . 8).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la société Marleasing SA,
la requérante au principal, à un certain nombre de défenderesses au nombre desquelles figure
La Comercial Internacional de Alimentación SA (ci-après : "La Comercial "). Cette dernière a
été constituée sous la forme d'une société anonyme par trois personnes, parmi lesquelles se
trouve la société Barviesa, qui a fait apport de son patrimoine.

3 Il résulte des motifs de l' ordonnance de renvoi que Marleasing a conclu à titre principal, sur
la base des articles 1261 et 1275 du code civil espagnol, qui privent de tout effet juridique les
contrats sans cause ou dont la cause est illicite, à l' annulation du contrat de société instituant
La Comercial, au motif que la constitution de cette dernière serait dépourvue de cause juridique,
entachée de simulation et serait intervenue en fraude des droits des créanciers de la société
Barviesa, cofondatrice de la défenderesse . La Commercial a conclu au rejet intégral de la
demande en invoquant, notamment, le fait que la directive 68/151, précitée, dont l'article 11
dresse la liste limitative des cas de nullité des sociétés anonymes, ne fait pas figurer l'absence
de cause juridique parmi ces cas.

4 La juridiction nationale a rappelé que, conformément à l'article 395 de l'acte relatif aux
conditions d'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise aux Communautés
européennes (JO 1985, L 302, p. 23), le royaume d'Espagne était tenu de mettre la directive en
vigueur dès son adhésion, transposition qui n'avait pas encore eu lieu au jour de l'ordonnance
de renvoi. Considérant donc que le litige soulevait un problème d'interprétation du droit
communautaire, la juridiction nationale a posé à la Cour la question suivante : "L'article 11 de
la directive 68/151/CEE du Conseil du 9 mars 1968, qui n'a pas été mise en œuvre dans le droit
interne, est-il directement applicable pour empêcher la déclaration de nullité d'une société
anonyme pour une cause autre que celles énumérées à l'article précité ?"

5 Pour un plus ample exposé des faits du litige au principal, du déroulement de la procédure et
des observations présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du
dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

6 Sur la question de savoir si un particulier peut se prévaloir de la directive à l'encontre d'une


loi nationale, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle une
directive ne peut pas, par elle-même, créer d'obligations dans le chef d'un particulier et, par
conséquent, la disposition d'une directive ne peut pas être invoquée en tant que telle à l'encontre
d'une telle personne (arrêt du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec . p. 723).

7 Il ressort, toutefois, du dossier que la juridiction nationale vise, en substance, à savoir si le


juge national qui est saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine

75
d'application de la directive 68/151, précitée, est tenu d'interpréter son droit national à la
lumière du texte et de la finalité de cette directive, afin d'empêcher la déclaration de nullité
d'une société anonyme pour une cause autre que celles énumérées à son article 11.

8 En vue de répondre à cette question, il convient de rappeler que, comme la Cour l'a précisé
dans son arrêt du 10 avril 1984, Von Colson et Kamann, point 26 (14/83, Rec. p. 1891,
l'obligation des États membres, découlant d' une directive, d' atteindre le résultat prévu par celle-
ci ainsi que leur devoir, en vertu de l' article 5 du traité, de prendre toutes mesures générales ou
particulières propres à assurer l' exécution de cette obligation s' imposent à toutes les autorités
des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités
juridictionnelles. Il s'ensuit qu'en appliquant le droit national, qu'il s'agisse de dispositions
antérieures ou postérieures à la directive, la juridiction nationale appelée à l'interpréter
est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité
de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l'article
189, troisième alinéa, du traité.

9 Il s'ensuit que l'exigence d'une interprétation du droit national conforme à l'article 11 de la


directive 68/151, précitée, interdit d'interpréter les dispositions du droit national relatives aux
sociétés anonymes d'une manière telle que la nullité d'une société anonyme puisse être
prononcée pour des motifs autres que ceux qui sont limitativement énoncés à l'article 11 de la
directive en cause.

10 En ce qui concerne l'interprétation à donner à l'article 11 de la directive, et notamment son


paragraphe 2, sous b), il y a lieu de constater que cette disposition interdit aux législations des
États membres de prévoir une annulation judiciaire en dehors des cas limitativement énoncés
dans la directive, parmi lesquels figure le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet
de la société.

11 Selon la Commission, l'expression "l'objet de la société" doit être interprétée en ce sens


qu'elle vise exclusivement l'objet de la société, tel qu'il est décrit dans l'acte de constitution ou
dans les statuts. Il s'ensuivrait que la déclaration de nullité d'une société ne pourrait pas résulter
de l'activité qu'elle poursuit effectivement, telle que, par exemple, spolier les créanciers des
fondateurs.

12 Cette thèse doit être retenue. Ainsi qu'il ressort du préambule de la directive 65/151, précitée,
son but était de limiter les cas de nullité et l'effet rétroactif de la déclaration de nullité afin
d'assurer la "sécurité juridique dans les rapports entre la société et les tiers ainsi qu'entre les
associés" (sixième considérant). De plus, la protection des tiers "doit être assurée par des
dispositions limitant, autant que possible, les causes de non-validité des engagements pris au
nom de la société ". Il s'ensuit, dès lors, que chaque motif de nullité prévu par l'article 11 de la
directive est d'interprétation stricte. Dans de telles circonstances, les mots "l'objet de la société"
doivent être compris comme se référant à l'objet de la société tel qu'il est décrit dans l'acte de
constitution ou dans les statuts.

13 Il y a donc lieu de répondre à la question posée que le juge national qui est saisi d'un
litige dans une matière entrant dans le domaine d'application de la directive 68/151 est
tenu d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive,
en vue d'empêcher la déclaration de nullité d'une société anonyme pour une cause autre
que celles énumérées à son article 11.

76
Document 5 : La limitation des causes de nullité des SARL et des sociétés par actions (Cass.
com., 10 nov. 2015, no 14-18.179)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 mars 2014), que la société Urbat promotion
(la société Urbat), souhaitant réaliser une opération immobilière, pour laquelle elle a constitué
la société civile de construction vente Les Terrasses de l'hippodrome, a obtenu un permis de
construire que la société à responsabilité limitée G sport international (la société G sport), dont
M. X... était le gérant associé, a attaqué devant le tribunal administratif ; que la société Urbat,
constatant que ce recours avait été rejeté pour défaut d'intérêt à agir et, estimant que la société
G sport n'avait été constituée qu'à seule fin de contester le permis de construire et de monnayer
un éventuel désistement, a assigné celle-ci afin d'obtenir son annulation ainsi que sa
condamnation, avec M. X..., à lui verser des dommages-intérêts ; que la société G sport a été
mise en redressement puis en liquidation judiciaires ;

(…)

Attendu que la société Urbat et la société Les Terrasses de l'hippodrome font grief à l'arrêt de
rejeter leur demande d'annulation de la société G sport alors, selon le moyen :

1°/ que la nullité d'une société peut résulter d'une disposition expresse du livre II du code de
commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats ; qu'il en est ainsi lorsque l'objet réel
de la société est illicite ; qu'en affirmant cependant, pour débouter la société Urbat promotion
de sa demande en nullité de la société G sport international, que la nullité d'une société ne
pouvait avoir une cause autre que les cas énumérés par l'article 11 de la directive européenne
du 9 mars 1968, repris par l'article 12 de celle du 16 septembre 2009, au nombre desquels figure
le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet statutaire, et non de l'objet réel, la cour
d'appel a violé l'article L. 235-1 du code de commerce ;

2°/ que la nullité d'une société peut être prononcée en cas de fraude à laquelle ont concouru tous
les associés ; qu'en déboutant la société Urbat de son action en nullité de la société G sport, au
motif qu'il ne pouvait être conclu de manière certaine que cette dernière n'avait été constituée
qu'en vue d'opération de chantage à l'introduction et au maintien de recours, tout en constatant
que les associés de la société G sport avaient nécessairement agi à des fins d'enrichissement
personnel par des « moyens frauduleux », faisant ainsi ressortir que cette société avait été
constituée à des fins frauduleuses de sorte qu'elle encourait la nullité, la cour d'appel n'a pas tiré
les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 235-1 du code de commerce;

3°/ qu'en affirmant, pour débouter la société Urbat de sa demande en nullité de la société G
sport international, qu'il ne pouvait être conclu de manière suffisamment certaine que la société
G sport international n'avait eu aucune activité réelle et n'avait été constituée qu'en vue
d'opérations de chantage à l'introduction et au maintien de recours, sans rechercher, comme elle
y était invitée, si cette absence d'activité réelle ressortait nécessairement d'une existence
juridique artificielle et d'une vie sociale inexistante, limitée à deux assemblées générales
ordinaires de transfert de siège social, préalable nécessaire aux nombreux recours abusifs
initiés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 235-1 du code
de commerce ;

4°/ qu'en affirmant, pour débouter la société Urbat promotion de sa demande de nullité de la
société G sport international, que compte tenu des chiffres révélés par les bilans, il ne pouvait
être conclu de manière suffisamment certaine que la société G sport international n'avait eu

77
aucune activité réelle et n'avait été constituée qu'en vue d'opérations de chantage à l'introduction
et au maintien de recours, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le fait que les
chiffres portés sur les bilans n'étaient corroborés par aucune pièce comptable ni document
contractuel était de nature à faire ressortir l'absence d'activité réelle de la société G sport
international, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 235-1
du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte des dispositions des articles 1833 et 1844-10 du code civil, qui
doivent, en ce qui concerne les causes de nullité des sociétés à responsabilité limitée, être
analysées à la lumière de l'article 11 de la directive 68/151/CEE du Conseil, du 9 mars 1968,
repris à l'article 12 de la directive 2009/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16
septembre 2009, tel qu'interprété par l'arrêt de la Cour de justice de l'union européenne du 13
novembre 1990, (Marleasing SA/Comercial Internacional de Alimentación SA, C-106/89) que
la nullité d'une société tenant au caractère illicite ou contraire à l'ordre public de son objet doit
s'entendre comme visant exclusivement l'objet de la société tel qu'il est décrit dans l'acte de
constitution ou dans les statuts ; qu'après avoir rappelé l'objet statutaire de la société G sport,
l'arrêt relève que la société Urbat soutient que cette dernière n'a pas d'activité propre et n'a été
constituée qu'en vue d'opérations de chantage par l'introduction de recours ; que par ces seuls
motifs, dont il résulte que la société Urbat soutenait que la société G sport était nulle en raison
du caractère illicite, non de son objet statutaire, mais de son objet réel, et abstraction faite de
ceux, surabondants, critiqués par les trois dernières branches, le rejet de la demande se trouve
justifié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE

Document 6 : La nullité de la société fictive ou frauduleuse (Cass. com., 16 juin 1992, no 90-
17.237, Lumale)

 Cf. Document 5, p. 9.

Document 7 : La nullité de la société fictive ou frauduleuse (Cass. com., 19 févr. 2002, no 98-
20.578, Franck)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre
1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire
de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994,
converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur
; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre
notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

(…)

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Y... reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé que la société GPI était fictive et
d'avoir en conséquence " ouvert " la procédure de liquidation judiciaire de la société GPI à son
égard, alors, selon le moyen, que le juge national qui est saisi d'un litige dans une matière entrant
dans le domaine d'application de la directive n° 68/151/CEE du Conseil du 9 mars 1968 est tenu
d'interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette directive en vue
d'empêcher la déclaration de nullité d'une société pour une cause autre que celles énumérées à

78
son article 11 ; qu'il est donc interdit au juge français de prononcer la nullité d'une société pour
défaut d'affectio societatis qui ne figure pas dans la liste des motifs qui sont limitativement
énumérés à l'article 11 de ladite directive ; qu'en décidant que M. Y... ne pouvait pas se prévaloir
de la directive n° 38/151 devant elle, la cour d'appel a violé l'article 189, alinéa 3, du Traité
instituant les Communautés européennes ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande de nullité de la société
GPI, a seulement constaté la fictivité de celle-ci et décidé, dans l'intérêt des tiers, d'étendre à
M. Y... la procédure collective précédemment ouverte ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que
la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société
GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait
donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans
autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z...,
n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet
social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire
sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs : CASSE ET ANNULE

Document 8 : La nullité de la société fictive ou frauduleuse (Cass. 1re civ., 17 mars 1992, no
90-16.606)

Vu le principe fraus omnia corrumpit ;

Attendu que la société civile immobilière Le Moulin de Roule Crotte a été constituée par acte
du 1er décembre 1973 entre Gabriel X..., Mme Lucie Y..., son épouse et leur fils Alain avec
pour objet, notamment " la propriété, la gestion, et plus généralement l'exploitation par bail,
location ou autrement, d'un immeuble situé au lieu-dit Le Moulin de Roule Crotte ", et
constituant le seul élément de son actif ; que le capital social a été divisé en 110 parts, dont 50
à Gabriel X..., 50 à Mme Lucie Y... et 10 à Alain X... ; que le 30 décembre 1981 la société civile
immobilière a donné à bail l'immeuble lui appartenant à la société à responsabilité limitée Le
Moulin Fleuri dont M. Alain X... était gérant ; que le 20 janvier 1984 Gabriel X... est décédé,
laissant son épouse, son fils Alain et un autre fils Gabriel, Philippe X..., né d'un premier mariage
; que ce dernier, propriétaire indivis des parts de société dépendant de la succession de son père,
a assigné ses cohéritiers pour obtenir l'annulation de la société civile immobilière constituée
entre eux et son auteur, et du bail consenti par celle-ci à la société à responsabilité limitée Le
Moulin Fleuri ; que l'arrêt attaqué l'a déclaré irrecevable en cette demande, aux motifs qu'il ne
pouvait exercer seul une action en dissolution de la société civile immobilière, dont il possédait
des parts en indivision, ou en annulation du bail consenti par celle-ci ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si les actes
incriminés, des 1er décembre 1973 et 30 décembre 1981, ne procédaient pas d'une collusion

79
entre ceux qui y avaient souscrit, en vue de porter frauduleusement atteinte aux droits indivis à
revenir à M. Gabriel Philippe X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 9 : Une nullité relative ou absolue (Cass. com., 17 janv. 1989, no 86-18.966)

Attendu, selon l'arrêt déféré, que le groupe ENI a provoqué la fusion de deux de ses filiales de
droit français, la société à responsabilité limitée Eni Chemical (la SARL) et la société anonyme
Enoxy-Chimie, devenue la société Enichemical-France (la société anonyme) ; que, le 30
décembre 1983, l'assemblée générale extraordinaire des associés de la SARL a approuvé le
traité de fusion déterminant l'absorption de la SARL par la société anonyme et a décidé la
dissolution de la SARL ; que, le même jour, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires
de la société anonyme a approuvé la fusion-absorption ; que, le 18 octobre 1984, M. X..., qui
était commissaire aux comptes de la SARL, a assigné la société anonyme pour faire prononcer
la nullité des délibérations des assemblées tenues le 30 décembre 1983 tant par les actionnaires
de la société anonyme que par les associés de la SARL ; que, par l'arrêt infirmatif attaqué, la
cour d'appel a déclaré M. X... recevable en son action mais l'a débouté de ses demandes ;

Vu l'article 31 du nouveau Code de procédure civile et les articles 360, 371 et 372 de la loi du
24 juillet 1966 ;

Attendu qu'est ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt légitime l'action tendant à faire
déclarer la nullité d'un acte ou d'une délibération d'une société commerciale affecté d'un vice
de portée générale, tandis que la nullité ayant pour objet la protection d'intérêts particuliers ne
peut être invoquée que par la personne ou le groupe de personnes dont la loi assure la protection;

Attendu que, pour déclarer recevable l'action de M. X..., l'arrêt a retenu que celui-ci avait un
intérêt personnel à critiquer les délibérations qui ont décidé l'absorption de la société à
responsabilité limitée par la société anonyme et qui lui font grief en le privant du bénéfice de
son mandat de commissaire aux comptes de la première société ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions de
M. X... et de la société anonyme, quel était le caractère de la nullité invoquée, la cour d'appel
n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 10 : Une nullité relative ou absolue (Cass. com., 21 févr. 2012, no 10-27.630)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 octobre 2010) et les productions, que par contrat
de sous-licence du 20 janvier 2005, la société Focus Europe a autorisé la société Dolce Vita à
ouvrir un magasin "Guess by Marciano" ; que le 1er février 2005, les sociétés Guess Italia et
Dolce Vita ont conclu un autre contrat en vue de la fourniture de marchandises destinées à ce
magasin, conformément à l'accord de sous-licence préalablement conclu ; que la société Dolce
Vita a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 21 février 2005 ; que se
plaignant d'un refus de vente des produits de marque "Guess Jean's", et invoquant l'ouverture
dans la même agglomération d'une nouvelle boutique "Guess Jean's" au mépris de son droit
contractuel de priorité, la société Dolce Vita a assigné la société One, titulaire d'un bail
commercial sur cette boutique, ainsi que les sociétés Guess France, Guess Italia, Focus Europe,

80
Guess Europe et Guess Sud (les sociétés du groupe Guess), en exécution et interdiction sous
astreinte ; que devant la cour d'appel, la société Dolce Vita a sollicité le prononcé de la
résiliation de ces conventions et la condamnation de la société One et des sociétés du groupe
Guess au paiement de dommages-intérêts ; que ces dernières ont soulevé
reconventionnellement la nullité des deux conventions;

Attendu que la société Dolce Vita fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulles les conventions des
20 janvier et 1er février 2005 et de l'avoir déboutée de ses demandes de résiliation et de
dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la ou les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle n'ait
acquis la jouissance de la personnalité juridique ou morale sont tenues solidairement et
indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été
régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, auquel cas
ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ; qu'il s'ensuit
que le défaut de reprise régulière, par la société, des actes accomplis pour son compte avant son
immatriculation n'entraîne pas la nullité desdits actes, qui demeurent valables entre leurs
signataires ; qu'en déduisant du défaut de reprise régulière des contrats conclus pour le compte
de la société Dolce Vita avant son immatriculation, leur nullité, la cour viole, par fausse
application, l'article 1108 du code civil, ensemble, par fausse application, l'article 1843 du code
civil et les articles L. 210-6 et R. 210-5 du code de commerce ;

2°/ que la nullité d'un contrat pour défaut de capacité ou de pouvoir a le caractère d'une nullité
relative et ne peut donc être utilement invoquée que par la personne protégée ; qu'il s'ensuit que
seule la société Dolce Vita elle-même eût pu éventuellement se prévaloir, le cas échéant, de la
nullité des actes accomplie en son nom et pour son compte par une personne dépourvue de
pouvoir pour ce faire ; qu'en statuant comme elle fait, motif pris notamment qu'il n'était pas
établi que le signataire des contrats litigieux avait la capacité de contracter au nom et pour le
compte de la société en formation, la cour violé l'article 1108 du code civil, ensemble l'article
31 du code de procédure civile ;

3°/ que la preuve des actes juridiques est libre en matière commerciale ; que dès lors, en ne
recherchant pas, comme elle y était invitée, si abstraction faite des vices susceptibles d'affecter
les contrats initiaux, les actes d'exécution intervenus après l'immatriculation de la société Dolce
Vita ne suffisaient pas en eux-mêmes à établir que les sociétés du groupe Guess et la société
Dolce Vita s'étaient mutuellement reconnues comme cocontractantes, le cas échéant à la faveur
d'une substitution de la société Dolce Vita au signataire initial, et si n'était pas de la sorte
rapportée tant la preuve des obligations contractuelles dont l'inexécution était invoquée par la
société Dolce Vita que celle de leur validité, la cour prive son arrêt de base légale au regard des
articles 1134 du code civil et L. 110-3 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté que les deux conventions n'avaient pas
été souscrites au nom d'une société en formation, mais par la société Dolce Vita elle-même,
l'arrêt relève qu'elles ont été conclues à une date à laquelle cette dernière n'était pas encore
immatriculée au registre du commerce et des sociétés et n'avait donc pas la personnalité
juridique lui permettant de contracter ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel
a exactement déduit que les deux conventions étaient nulles pour avoir été conclues par une
société dépourvue de la personnalité morale ;

Attendu, en second lieu, que la nullité affectant les actes conclus par une société dépourvue

81
d'existence juridique a le caractère de nullité absolue ; qu'il en résulte que les sociétés du groupe
Guess pouvaient se prévaloir de la nullité des conventions litigieuses et que celles-ci n'étant pas
susceptibles de confirmation ou de ratification, leur irrégularité ne pouvait être couverte par des
actes d'exécution intervenus postérieurement à l'immatriculation de la société Dolce Vita ; que
par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve
légalement justifié ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas
fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 11 : La procédure de régularisation (Cass. com., 9 juill. 2013, no 12-21.238)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 24 mai 2012), que la société par actions simplifiée
Logistics Organisation Grimonprez (la société LOG), qui est présidée par M. X..., a été
constituée entre la société Services Immobiliers Logistiques, qui détient la majorité du capital
et est contrôlée par M. X..., et MM. Y... et Z... ; que sur le fondement de l'article 14 des statuts
de la société LOG qui autorise l'exclusion d'un associé en cas d'exercice d'une activité
concurrente, l'assemblée générale de cette société a prononcé l'exclusion de M. Z... sans que ce
dernier ait pris part au vote ; qu'invoquant l'irrégularité de cette stipulation statutaire, M. Z... a
fait assigner la société LOG et M. X... en annulation de la délibération de l'assemblée générale
ayant prononcé son exclusion ; qu'ultérieurement, une assemblée générale extraordinaire a
adopté à la majorité une résolution supprimant dans l'article 14 la stipulation selon laquelle
l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote ; que
soutenant que cette résolution était soumise à la règle de l'unanimité, M. Z... a demandé qu'il
soit constaté qu'elle n'avait pas été adoptée ;

Attendu que la société LOG et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors,
selon le moyen, que le juge saisi d'une demande tendant à ce que soit déclarée non écrite une
clause que la loi répute telle, est tenu de déférer à cette demande, de sorte qu'en refusant de dire
qu'était réputée non écrite la clause de l'article 14 des statuts de la société LOG, selon laquelle
"l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participe pas au vote et ses actions
ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité", en ce qu'elle est contraire à la
disposition impérative de l'article 1844, alinéa 1, du code civil, au motif erroné qu'une telle
décision serait du ressort d'un vote unanime des associés de la société par actions simplifiée et
non de l'office du juge, la cour d'appel a violé l'article 1844-10, alinéa 2, du code civil, ensemble
les articles 4 et 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge de se substituer aux organes de la société
en ordonnant la modification d'une clause statutaire au motif que celle-ci serait contraire aux
dispositions légales impératives applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

82
Leçon no 4 : La transformation de la société

I. Définitions et principes

La transformation est l’opération par laquelle, en cours de vie sociale, une société se
transforme en une société d’une autre forme juridique sans entraîner la création d’une
personne morale nouvelle (C. civ., art. 1844-3 et C. com., art. L. 210-6).
En pratique, cette transformation d’une société personnifiée en une autre société
personnifiée (ce qui exclut la « transformation » d’une société dépourvue de la personnalité
morale en une société personnifiée mais aussi celle d’une association ou d’un GIE en une
société) consiste en une modification des statuts.
La décision de transformation (qui peut être libre, imposée par la loi ou interdite, et qui obéit
à une procédure stricte) est très encadrée tout comme ses effets (à l’égard de la société, des
associés et des dirigeants ainsi que des créanciers sociaux).

II. Documents

A. La décision de transformation

Document 1 : La transformation interdite (Cass. com., 12 nov. 1992, no 91-10.303).

B. Les effets de la transformation

Document 2 : Les effets à l’égard de la société (Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, no 11-23.194).
Document 3 : Les effets à l’égard des associés et des dirigeants (Cass. com., 22 mai 1973, no
71-12.731).
Document 4 : Les effets à l’égard des créanciers sociaux (Cass. com., 20 févr. 2001, no 97-
21.289).
Document 5 : Les effets à l’égard des créanciers sociaux (Cass. 1re civ., 13 mars 1990, no 87-
13.357).
Document 6 : Les effets à l’égard des créanciers sociaux (Cass. 3e civ., 10 janv. 1973, no 71-
14.606).

III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 4 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

83
Documents

La décision de transformation

Document 1 : La transformation interdite (Cass. com., 12 nov. 1992, no 91-10.303)

Sur le pourvoi formé par la société Auguste X... et compagnie, dont le siège social est ... (9e),
en cassation d'un arrêt rendu le 29 octobre 1990 par la cour d'appel de Paris (4e chambre, section
A), au profit de la société anonyme X... Frères, dont le siège est ... (Essonne), défenderesse à la
cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation
annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 15 juillet 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, Mme Loreau, conseiller rapporteur, MM. Hatoux, Vigneron, Leclercq,
Dumas, Gomez, Léonnet, conseillers, M. Z..., Mme Y..., M. Huglo, conseillers référendaires,
Mme le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de
Mme le conseiller Loreau, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société
Auguste X..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société X... Frères, les
conclusions de Mme le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément
à la loi ; Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1990), que M. Auguste X..., membre
de la la société en nom collectif "X... frères", constituée en 1879, a décidé, en 1886, d'user de
la faculté de retrait qui lui avait été reconnue par les associés et a fondé la société "Auguste
X..." dont la durée devait expirer le 30 avril 1976 ; que le 6 janvier 1970, cette société a déposé
la marque "Création Auguste X...", qui a fait l'objet d'un renouvellement les 22 novembre 1979
et 7 novembre 1989 ; que le 7 décembre 1970, elle a été mise en règlement judiciaire ; qu'après
l'homologation par le tribunal du concordat proposé, M. Auguste X... a été remplacé le 21
octobre 1972 à la direction de la société successivement par M. A... et son épouse ; que, le 19
juin 1986, la société anonyme "Auguste X..." a été transformée en société à responsabilité
limitée ; que la société "X... frères" a assigné la société "Auguste X..." pour voir interdire à
celle-ci le droit d'utiliser la dénomination sociale "Auguste X..." et voir prononcer la nullité du
dépôt en renouvellement de la marque "Création Auguste X..." ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société "Auguste X..." fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré qu'elle avait perdu le
droit d'utiliser, à titre de dénomination sociale, le nom de son fondateur dans l'exercice de son
activité commerciale à compter du 30 avril 1976 alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux
termes de l'article 391, alinéas 2 et 3 de la loi du 24 juillet 1966, la dissolution d'une société par
l'arrivée de son terme statutaire entraîne sa liquidation mais que celle-ci laisse subsister la
personnalité morale de la société jusqu'à la publication de sa clôture ; qu'en déclarant éteint, par
la seule survenance du terme statutaire de la société, le droit, pour la société "Auguste X...", à
l'usage du patronyme Auguste X... à titre de dénomination sociale, la cour d'appel a, en statuant
ainsi, nié le maintien de la personnalité morale de la société jusqu'à la publication de la clôture
des opérations de liquidation et violé les dispositions susvisées ; et alors, d'autre part, qu'en
déclarant que la société anonyme "Auguste X...", dissoute, mais non liquidée, n'avait pas pu
transmettre à la société à responsabilité limitée "Auguste X...", qui lui avait succédé, le droit
d'utiliser la dénomination sociale "Auguste X...", la cour d'appel a méconnu les effets du
84
maintien de la personnalité morale d'une société pour les besoins de sa liquidation et a ainsi
violé les dispositions susvisées, ensemble l'article 1844-4 du Code civil ; Mais attendu qu'après
avoir énoncé exactement que l'arrivée du terme prévu dans les statuts d'une société entraînait la
dissolution de plein droit de celle-ci, dont la personnalité morale ne pouvait plus subsister que
pour les besoins de sa liquidation, la cour d'appel a relevé que la société anonyme "Auguste
X..." avait été dissoute par la survenance du terme statutaire ; qu'elle en a donc déduit à bon
droit que cette société ne disposait plus, à cette date, ni du droit d'utiliser, ni de celui de
transmettre à une autre société la dénomination sociale "Auguste X..." ; que le moyen n'est
fondé ni en l'une, ni en l'autre de ses deux branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société "Auguste X..." fait encore grief à l'arrêt d'avoir déclaré nul le
renouvellement de la marque "Création Auguste X..." alors, selon le pourvoi, d'une part, que
par l'effet de l'article 391 de la loi du 24 juillet 1966, la dissolution de la société laisse subsister
la personnalité morale de la société et ses dirigeants ont qualité pour agir dans le but de préserver
les droits de la société et son patrimoine ; qu'en décidant qu'à défaut de représentant légal, la
société "Auguste X...", dissoute, n'avait pas pu procéder au renouvellement de sa marque
"Création Auguste X..." et que celui-ci était nul, la cour d'appel a violé la disposition susvisée
; et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait se borner, pour déclarer nul le
renouvellement de dépôt de la marque "Création Auguste X...", effectué le 7 novembre 1989, à
constater la nullité du renouvellement opéré le 22 novembre 1979 ; que dans des conclusions
restées sans réponse, la société "Auguste X..." faisait valoir qu'après la nomination en justice
d'un mandataire, celui-ci avait convoqué l'assemblée générale des actionnaires et que celle-ci,
après l'avoir désigné administrateur, président et directeur général, avait, en juin 1986, procédé
à la transformation de la société anonyme en société à responsabilité limitée ; qu'ainsi, la société
"Auguste X...", dotée de la personnalité morale et dirigée par des représentants légalement
désignés, était fondée à procéder, le 3 novembre 1989, au renouvellement de sa marque ; qu'en
s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code
de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir retenu que la société "Auguste X..." s'était trouvée
dissoute par l'arrivée de son terme, le 30 avril 1976, sans qu'aucun liquidateur n'ait été désigné,
la cour d'appel en a déduit à bon droit qu'à défaut d'une telle désignation, la société n'avait plus
de représentant légal, à compter de cette date, de sorte que le renouvellement de la marque,
effectué le 22 novembre 1979, par une personne sans qualité pour le faire était nul, et qu'il en
était de même de celui du 7 novembre 1989, effectué par le Cabinet Barnay, dès lors qu'aucune
personne n'était habilitée à donner mandat à ce cabinet à cet effet ;

Attendu, d'autre part, qu'une société dissoute n'est pas susceptible d'être transformée ; qu'il
s'ensuit que la transformation réalisée néanmoins postérieurement à la dissolution ne pouvait
déterminer le maintien de la personnalité morale pour des opérations étrangères à la liquidation
; que par ce motif de pur droit, il est répondu aux conclusions délaissées ; qu'il en résulte que le
moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses deux branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

85
Les effets de la transformation

Document 2 : Les effets à l’égard de la société (Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, no 11-23.194)

Vu l'article L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu que le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d'exploitation
agricole ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants qu'avec l'agrément personnel du
bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mars 2011), que les consorts X... sont
propriétaires de parcelles données à bail à M. Y... ; que M. Y... a fait apport de son droit au bail
à la société civile d'exploitation agricole Gérard Y... (la SCEA), créée le 8 janvier 1989 et
transformée en société par actions simplifiée (SAS) le 20 mars 2000 ; que se prévalant d'un
défaut d'accord pour l'apport des baux à la SCEA et soutenant que la transformation de la SCEA
en SAS constituait une cession prohibée, les bailleurs ont agi en résiliation de ces baux ;

Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que les bailleurs ont autorisé l'apport des
baux à la SCEA ; que s'il est de jurisprudence constante que la transformation d'une société
civile d'exploitation en une autre forme de société civile d'exploitation ne dissimule pas une
cession prohibée, il ne peut en aller de même pour la transformation d'une société civile en
société commerciale réalisée après l'apport du bail ;

Qu'en statuant ainsi alors que la transformation de la SCEA Gérard Y... en SAS Gérard Y...
emportait une simple transformation de la forme sociale n'entraînant pas création d'une
personne morale nouvelle, ce dont il résultait qu'il ne s'était pas opérée une cession de bail, la
cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 3 : Les effets à l’égard des associés et des dirigeants (Cass. com., 22 mai 1973, no
71-12.731)

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES :

ATTENDU QUE SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE (RENNES, 28


AVRIL 1971), DESGREES X... LOU APPARTENAIT AU GROUPE DE PERSONNES QUI,
APRES LA LIBERATION, A RECU L'AUTORISATION DE FAIRE PARAITRE LE
JOURNAL " OUEST-FRANCE ", QUE POUR ASSURER CETTE PUBLICATION UNE
SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DU MEME NOM A ETE CREEE PEU APRES,
QUE DESGREES X... LOU FIGURAIT PARMI LES GERANTS STATULAIRES ; QU'IL A
DEMISSIONNE LE 19 MARS 1957 DE CE POSTE AUQUEL IL FUT DE NOUVEAU
NOMME LE 15 NOVEMBRE 1962, QU'A DIVERSES REPRISES DES MODIFICATIONS
FURENT APPORTEES AUX STATUTS, NOTAMMENT LE 24 SEPTEMBRE 1968, QUE
LE 11 SEPTEMBRE 1970 UNE ASSEMBLEE GENERALE FUT CONVOQUEE EN VUE
DE TRANSFORMER LA SOCIETE EN SOCIETE ANONYME, QU'IL ETAIT INDIQUE
QUE CETTE TRANSFORMATION POUVAIT ETRE DECIDEE A LA MAJORITE SIMPLE
TANT EN RAISON DE L'ARTICLE 36 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, LA SOCIETE
COMPTANT PLUS DE CINQUANTE ASSOCIES, QUE DE L'ARTICLE 69 DE LA MEME
LOI DU FAIT QUE L'ACTIF NET DEPASSAIT CINQ MILLIONS DE FRANCS ; QUE PAR

86
CENT SOIXANTE-SIX VOIX SUR DEUX CENT VINGT-QUATRE LA
TRANSFORMATION A ETE VOTEE ET DE NOUVEAUX STATUTS ADOPTES ; QUE
DESGREES X... LOU A ETE NOMME ADMINISTRATEUR, QU'AMAURY ET
DESGREES X... LOU ONT DEMANDE, QUE SOIT PRONONCEE AVEC SES
CONSEQUENCES DE DROIT, L'ANNULATION DE LA CONVOCATION ET QUE
DEVANT LA COUR D'APPEL ILS ONT FAIT VALOIR QUE CERTAINES DES
MODIFICATIONS APPORTEES AUX STATUTS EN 1968, TOUCHANT
L'ORGANISATION D'UNE GESTION COLLEGIALE ET L'AGREMENT A DONNER
AUX TRANSMISSIONS DE PARTS A TITRE HEREDITAIRE AVAIENT ETE
IRREGULIEREMENT PRISES ;

ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR DIT QUE LA DEMANDE
TENDANT A VOIR DECLARER LA NULLITE OU RECONNAITRE L'INEXISTENCE
DES MODIFICATIONS STATUTAIRES DE 1968 ETAIT IRRECEVABLE COMME
NOUVELLE, AMAURY ET DESGREES X... LOU N'EN DEDUISANT AUCUN MOYEN
TOUCHANT L'IRREGULARITE DE LA CONVOCATION LITIGIEUSE, ALORS, SELON
LE POURVOI, QUE, D'UNE PART, IL RESULTE DE L'ASSIGNATION ET DES
CONCLUSIONS ECHANGEES EN PREMIERE INSTANCE ENTRE LES PARTIES, QUE
LE DEBAT A EFFECTIVEMENT PORTE DEVANT LES PREMIERS JUGES SUR LA
PRETENDUE HARMONISATION, AVEC LA NOUVELLE LEGISLATION DU 24
JUILLET 1966, DES STATUTS DE LA SOCIETE ADOPTES PAR L'ASSEMBLEE DU 24
SEPTEMBRE 1968, ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE LES DEMANDEURS AU
POURVOI N'ONT PAS CONCLU A CE QUE SOIT PRONONCEE LA NULLITE DE
CETTE DERNIERE ASSEMBLEE, QU'ILS ONT SEULEMENT, A L'APPUI DE LEUR
DEMANDE, DEMONTRE L'INEXISTENCE DE CERTAINES DES RESOLUTIONS
PRISES PAR CELLE-CI, NOTAMMENT DE L'ARTICLE 15 DES NOUVEAUX STATUTS,
CONCERNANT LA TRANSMISSION DES PARTS PAR DECES, ET DE L'ARTICLE 26,
MODIFIANT L'ORGANISATION DE LA GERANCE ET LES POUVOIRS DES GERANTS,
ET QUE LA SOLUTION DE CES QUESTIONS EST EN RELATION ETROITE AVEC LE
LITIGE PORTANT EN PARTICULIER SUR LE NOMBRE DES ASSOCIES APRES
DECES ET LA MODIFICATION APPORTEE A LA SITUATION DU GERANT PAR LA
TRANSFORMATION EN SOCIETE ANONYME ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QU'IL NE RESULTE NI DE L'ASSIGNATION, NI DES


CONCLUSIONS PRISES EN PREMIERE INSTANCE, NI DU JUGEMENT DEFERE
QU'AMAURY ET DESGREES X... LOU AIENT DEMANDE AUX PREMIERS JUGES DE
PRONONCER LA NULLITE OU DE CONSTATER L'INEXISTENCE DES
MODIFICATIONS STATUTAIRES INTERVENUES AVANT LA CONVOCATION
LITIGIEUSE ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA DEMANDE INITIALE FORMEE PAR AMAURY


ET DESGREES X... LOU TENDAIT EXCLUSIVEMENT A VOIR PRONONCER LA
NULLITE DE LA CONVOCATION A L'ASSEMBLEE GENERALE DE 1970, QU'ELLE
PRETENDAIT QUE LA TRANSFORMATION PROJETEE EN SOCIETE ANONYME, QUI
N'ETAIT PAS IMPOSEE PAR L'ARTICLE 36 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, LA
SOCIETE COMPTANT MOINS DE CINQUANTE ASSOCIES, PORTAIT ATTEINTE AUX
DROITS QUE DESGREES X... LOU, QUI AVAIT CONCOURU A LA LIBERATION A LA
CREATION DU JOURNAL, TENAIT DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI DU 28 FEVRIER 1947,
ET, QU'EN OUTRE, EN APPLICATION DE L'ARTICLE 491 DE LA LOI PRECITEE DE
1966, LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE

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METTANT FIN AUX FONCTIONS DES GERANTS, NE POUVAIT INTERVENIR QU'A
LA MAJORITE DES TROIS QUARTS ; QUE DANS LEURS CONCLUSIONS D'APPEL,
QUI SONT PRODUITES, LES DEMANDEURS AU POURVOI NE FAISAIENT
APPARAITRE AUCUN LIEN, AINSI QUE LA COUR D'APPEL L'A EXACTEMENT
RELEVE, ENTRE CES MOYENS ET LES CRITIQUES QU'ILS ADRESSAIENT A
CERTAINES MODIFICATIONS ANTERIEURES DES STATUTS ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES


BRANCHES ;

SUR LE DEUXIEME MOYEN, PRIS EN SES QUATRE BRANCHES :

ATTENDU QU'IL EST ENCORE REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR DIT QUE DU FAIT
DE LA DEMISSION QU'IL AVAIT DONNEE EN 1957 DE SES FONCTIONS DE GERANT,
DESGREES X... LOU NE BENEFICIAIT PAS DE LA LOI DU 28 FEVRIER 1947 ET QUE
DE PLUS, IL N'ETAIT PAS ETABLI QU'UNE ATTEINTE AIT, EN FAIT, ETE PORTEE A
SES DROITS OU A SA SITUATION DANS L'ENTREPRISE ALORS, SELON LE
POURVOI, QUE, D'UNE PART, LA SITUATION D'ADMINISTRATEUR DANS UNE
SOCIETE ANONYME NE SAURAIT ETRE ASSIMILEE A CELLE D'UN GERANT
STATUTAIRE DANS UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, MEME FAISANT
PARTIE D'UN CONSEIL DE GERANCE STATUANT A LA MAJORITE DES VOIX,
L'ADMINISTRATEUR ETANT REVOCABLE " AD NUTUM ", A LA MAJORITE
SIMPLE, TANDIS QUE LE GERANT NE L'EST PAS, ET QU'EN MATIERE DE PRESSE
TOUT PARTICULIEREMENT ; IL EST PROTEGE PAR UNE MAJORITE QUALIFIEE,
QUE, D'AUTRE PART, LE MAINTIEN DU CONSEIL DE GERANCE COMPOSE DE CINQ
MEMBRES ET PRENANT SES DECISIONS A LA MAJORITE, NE POUVAIT ETRE
L'OEUVRE DE L'ASSEMBLEE GENERALE DU 24 SEPTEMBRE 1968 QUI, STATUANT
A LA SIMPLE MAJORITE NE POUVAIT PRENDRE UNE TELLE RESOLUTION, QUE
CETTE MESURE NE CONSTITUE PAS UNE MISE EN HARMONIE AVEC LA
NOUVELLE LEGISLATION, QUE, DE TOUTE FACON, IL RESULTE DE L'ARTICLE 6
DE LA LOI DU 20 DECEMBRE 1969, QUE LE GERANT D'UNE SOCIETE A
RESPONSABILITE LIMITEE DISPOSE, MEME EN CAS DE PLURALITE DE GERANTS,
DES POUVOIRS LES PLUS ETENDUS, QUE, D'AILLEURS, LA LOI NE FAISAIT PAS
DE DISTINCTION ENTRE LES FONDATEURS, QUI ONT INTERROMPU LEURS
FONCTIONS D'ADMINISTRATION, DE DIRECTION, OU DE REDACTION, ET CEUX
QUI ONT CONTINUE SANS INTERRUPTION D'EN ASSUMER LES CHARGES, CE QUI
EST, AU SURPLUS, LE CAS DE DESGREES X... LOU QUI A CONSERVE SON POSTE
DE DIRECTEUR ADJOINT ET A ETE DESIGNE COMME SUCCESSEUR DU GERANT
EN EXERCICE, ET DONT LE DROIT A SE PREVALOIR DE L'ARTICLE 2 DE LA LOI
DU 28 FEVRIER 1947 EST EXPRESSEMENT RECONNU PAR L'ARRET LUI-MEME,
QU'ENFIN, L'EVICTION DU GERANT STATUTAIRE FONDATEUR, SEUL
REPRESENTANT ACTUEL DE L'EQUIPE ORIGINELLE BENEFICIAIRE DE
L'AUTORISATION DE PARAITRE, PARMI LES DIRIGEANTS DE LA SOCIETE, D'UN
POSTE PREPONDERANT ET STABLE, POUR N'AVOIR PLUS QU'UNE VOIX ISOLEE
DANS UN CORPS DE DOUZE MEMBRES, IMPLIQUE NECESSAIREMENT LA
TRANSFORMATION DE L'ESPRIT DE L'ENTREPRISE DE PRESSE ET EN TOUT CAS,
LA POSSIBILITE D'UN RENIEMENT COMPLET DE L'ESPRIT QUI AVAIT PRESIDE A
LA FONDATION D'OUEST-FRANCE LORS DE LA LIBERATION ;

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MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QU'AUX CONCLUSIONS DE LA SOCIETE "
OUEST-FRANCE " FAISANT VALOIR QUE DESGREES X... LOU S'ETAIT EN 1957
VOLONTAIREMENT DEMIS DE LA GERANCE, QU'IL N'AVAIT ETE, PAR LA SUITE,
NOMME A CES FONCTIONS QU'EN 1962 ET QU'IL NE POUVAIT, EN CONSEQUENCE,
INVOQUER LA LOI DE 1947 POUR CONSERVER INCHANGEE UNE SITUATION
QU'IL TENAIT NON PLUS DE SA QUALITE DE FONDATEUR DU JOURNAL, MAIS X...
LIBRE CHOIX DES ASSOCIES, CELUI-CI N'A PAS FAIT VALOIR
L'ARGUMENTATION QU'ENONCE LE POURVOI ; QU'IL S'EST BORNE A PORTER LA
DISCUSSION AINSI QUE LE RELEVE LA COUR D'APPEL, SUR UNE NOUVELLE
DEMISSION QU'IL AVAIT OFFERTE EN 1965 ET SUR LAQUELLE IL ETAIT
VALABLEMENT REVENU ; QUE LES PRETENTIONS DEVELOPPEES DANS LA
TROISIEME BRANCHE DU MOYEN SONT DONC NOUVELLES ET, QU'ETANT
MELANGEES DE FAIT ET DE DROIT, ELLES SONT IRRECEVABLES ;

ATTENDU, EN SECOND LIEU, QUE LA COUR D'APPEL AYANT DECIDE QUE


DESGREES DU LOU NE BENEFICIAIT PAS DE LA LOI DE 1947, LES AUTRES MOTIFS
CRITIQUES PAR LES AUTRES BRANCHES DU MOYEN PEUVENT ETRE TENUS
POUR SURABONDANTS ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI EN AUCUNE DE SES


BRANCHES ;

(…)

SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST, ENFIN, FAIT GRIEF A L'ARRET
D'AVOIR DIT QUE LA TRANSFORMATION DONT IL S'AGIT AVAIT PU ETRE VOTEE
A LA MAJORITE SIMPLE, L'ARTICLE 491 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 SUR LA
REVOCATION DES GERANTS DES SOCIETES DE PRESSE ETANT SANS
APPLICATION EN LA CAUSE, ALORS SELON LE POURVOI, QUE LA REVOCATION
DU GERANT D'UNE ENTREPRISE DE PRESSE REQUIERT LA MAJORITE DES TROIS
QUARTS DU CAPITAL SOCIAL, QUE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A
RESPONSABILITE LIMITEE EN SOCIETE ANONYME OPEREE A LA MAJORITE DU
CAPITAL SOCIAL A NECESSAIREMENT POUR EFFET LA CESSATION DES
FONCTIONS DU GERANT ET QUE, POUR LES ENTREPRISES DE PRESSE, LA REGLE
SPECIALE A LA REVOCATION DU GERANT NE SAURAIT ETRE TOURNEE PAR LE
BIAIS DE LA TRANSFORMATION DE LA SOCIETE ET FONT AINSI ECHEC A LA
FACULTE D'OPERER CETTE TRANSFORMATION A LA MAJORITE DU CAPITAL
SOCIAL ;

MAIS ATTENDU QUE, REJETANT L'ALLEGATION SELON LAQUELLE LA


TRANSFORMATION D'OUEST-FRANCE EN SOCIETE ANONYME N'AVAIT EU
D'AUTRE BUT QUE DE PRIVER DESGREES X... LOU DE SON POSTE DE GERANT DE
LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE, LA COUR D'APPEL CONSTATE AU
CONTRAIRE QUE LA DECISION DE TRANSFORMATION QUI A ETE PRISE POUR
EVITER UN RISQUE DE DISSOLUTION ET DONNER A L'ENTREPRISE UN CADRE
JURIDIQUE EN RAPPORT AVEC SON DEVELOPPEMENT, REVELE SEULEMENT LE
SOUCI D'ASSURER LA SURVIE ET L'EXTENSION DE L'ENTREPRISE DE PRESSE ET
QUE L'OFFRE A DESGREES X... LOU D'UN POSTE D'ADMINISTRATEUR DENOTE UN
SOUCI DE CONTINUITE ; QUE, DANS CES CIRCONSTANCES, LA COUR D'APPEL,
APRES AVOIR EXACTEMENT OBSERVE QUE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 491

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DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966 CONCERNENT SEULEMENT LA REVOCATION DES
GERANTS, A PU CONSIDERER QU'EN L'ESPECE LA SOCIETE " OUEST-FRANCE "
N'AVAIT PAS ABUSE X... DROIT QU'ELLE TENAIT DE L'ARTICLE 69 DE LADITE LOI
D'ADOPTER LA FORME DE SOCIETE ANONYME A LA MAJORITE SIMPLE ; QUE LE
MOYEN N'EST PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI

Document 4 : Les effets à l’égard des créanciers sociaux (Cass. com., 20 févr. 2001, no 97-
21.289)

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par protocole du 29 juillet 1986, la société de l'Union pour le
financement d'immeubles de sociétés (UIS) s'est engagée au profit de la société civile
particulière JC-BM (la société), dont M. X... était le gérant, à financer la construction d'un
immeuble à usage d'hôtel-restaurant pour un montant de 9 950 000 francs au moyen d'un crédit-
bail conclu pour seize ans ; que, par acte sous seing privé du 31 juillet 1986, M. X... s'est porté
caution solidaire de la société ; que le 13 septembre 1990, M. X... a cédé la totalité de ses parts
dans la société à M. Hervé Toulemonde ; que le 27 décembre 1991, le crédit-bail a été réitéré
par acte authentique et sa durée portée à vingt ans ; que lors d'une assemblée générale du 31
décembre 1991, les associés de la société ont décidé sa transformation en société à
responsabilité limitée ; que, le 27 décembre 1991, M. X... a signifié à la société UIS la
révocation de son cautionnement ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, et
la société UIS considérant la révocation " sans objet ", a assigné M. X... en exécution de son
engagement de caution ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société UIS, l'arrêt retient que si le changement de
forme de la société JC-BM n'a pas eu pour effet la création d'une personne morale nouvelle,
elle a modifié, en l'aggravant, la portée de l'engagement de caution souscrit par M. X..., qu'en
effet, la forme commerciale adoptée ne permet plus au créancier d'exercer des poursuites à
l'encontre des associés personnellement et prive M. X..., en cas de paiement pour le compte de
la société JC-BM, aujourd'hui en liquidation judiciaire, du recours subrogatoire dont il disposait
à l'encontre des associés lorsqu'il s'est engagé ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le changement de forme de la société débitrice principale
qui n'a pas entraîné la création d'une personne morale nouvelle laisse subsister l'obligation de
la caution, sauf convention contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 5 : Les effets à l’égard des créanciers sociaux (Cass. 1re civ., 13 mars 1990, no 87-
13.357)

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société civile immobilière Comotel
(la société Comotel), constitué de trois associés, MM. Y..., X... et B..., chacun d'eux ayant fourni
le tiers des apports, a confié des travaux de climatisation et de chauffage à la société Seitha,
suivant un marché passé le 15 octobre 1980 ; que, par délibération du 14 février 1981, avec
effet rétroactif au 1er octobre 1980, la société Comotel s'est transformée en SARL, sans
changement d'objet, de nom, de siège, de durée, ni de répartition du capital ; que la société

90
Seitha n'ayant pu obtenir le règlement intégral de sa créance, a assigné les trois associés de la
société Comotel, ainsi que celle-ci, en paiement d'une somme de 713 737,32 francs ; que la
société Comotel ayant été déclarée en règlement judiciaire le 21 décembre 1981, la société
Seitha a produit pour le montant de sa créance, entre les mains du syndic ; que les défendeurs
ont résisté à la demande en paiement en soutenant qu'à la suite de la transformation de la SCI
en SARL la société Seitha ne pouvait plus s'adresser aux associés personnellement ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 1986)
de l'avoir condamné à payer à la société Seitha la somme de 235 395,94 francs, représentant le
tiers de la dette de la société Comotel, alors, selon le moyen, d'une part, que, "selon l'article 34
du Code de commerce", la SARL est constituée entre des associés qui ne supportent les pertes
qu'à concurrence de leurs apports et que ce texte ne confère pas aux créanciers d'une société
civile transformée en SARL le droit de poursuivre le paiement des dettes sociales contre les
associés, fussent-elles antérieures à la transformation de la société, de sorte qu'en décidant que
les associés de la SARL étaient personnellement tenus au paiement de ces dettes au seul motif
qu'elles avaient été contractées avant la transformation de la société, la cour d'appel a violé
l'article 34 de la loi du 24 juillet 1966, et alors, d'autre part, qu'il n'a pas été répondu au moyen
des conclusions faisant valoir que la société Seitha, qui avait connaissance de la transformation
intervenue et avait continué à travailler avec la société Comotel sans formuler de réserves, aurait
par la-même renoncé à son droit de poursuivre le paiement de la dette sociale contre les associés
; Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que la SCI était, selon ses statuts, régie par le titre
premier de la loi n° 71-579 du 16 juillet 1971 relative à certaines opérations de construction et
par les dispositions de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 et que le marché du 15 octobre 1980
avait été conclu avant la transformation de la SCI en SARL, la cour d'appel, rejetant les
conclusions, énonce à bon droit que cette transformation ne pouvait avoir eu pour effet de
préjudicier aux droits, nés antérieurement, des créanciers qui continuaient à bénéficier de
l'engagement de la société et, à titre subsidiaire, de celui des associés ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à la cour d'appel d'avoir fait application de l'article 2 de la loi
du 16 juillet 1971, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel a violé le principe de
la contradiction en soulevant d'office cet article sans avoir préalablement invité les parties à
présenter leurs observations ; alors, d'autre part, qu'en fondant sa décision sur un moyen invoqué
postérieurement à l'ordonnance de clôture, la cour d'appel a violé l'article 783 du nouveau code
de procédure civile ; alors, de troisième part, que pour poursuivre le paiement des dettes sociales
contre les associés, les créanciers doivent justifier de l'impossibilité d'exécuter une
condamnation prononcée à l'encontre de la société, de sorte qu'en décidant que l'assignation en
paiement, valant mise en demeure, délivrée à la société avant sa mise en règlement judiciaire
était suffisante, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971, et alors, de
quatrième part et enfin, que la procédure collective dont la SARL faisait l'objet étant encore en
cours, il n'était pas acquis, lorsque la cour d'appel a statué, que les poursuites dirigés contre elle
étaient demeurées infractueuses, de sorte que les juges du second degré ont encore violé l'article
susvisé ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel n'a violé ni le principe de la contradiction, ni l'article
783 du nouveau Code de procédure civile, sans application en l'espèce, dès lors qu'elle énonce

91
que ladite loi figurait dans les statuts de la SCI, versés aux débats, et qu'il en a été
contradictoirement débattu par les conseils des parties ;

Attendu, ensuite, que le créancier d'une société civile, constituée en vue de la construction d'un
ou de plusieurs immeubles et de leur vente en totalité ou par fraction peut, à son choix,
poursuivre la société ou les associés à l'égard desquels il dispose d'une action directe après mise
en demeure adressée à la société et restée infructueuse ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé
que la société Comotel avait fait l'objet de deux assignations valant mise en demeure,
observation étant faite que la procédure collective, toujours en cours sans qu'un concordat ait
pu être présenté, rendait infructueuse, la demande dirigée contre la société elle-même ; qu'elle
a, par ces motifs, légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le second moyen n'est pas
mieux fondé que le premier ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 6 : Les effets à l’égard des créanciers sociaux (Cass. 3e civ., 10 janv. 1973, no 71-
14.606)

SUR LE MOYEN UNIQUE :

VU L'ARTICLE 22 ANCIEN DU CODE DE COMMERCE APPLICABLE EN L'ESPECE ;

ATTENDU QU'AUX TERMES DE CE TEXTE, LES ASSOCIES EN NOM COLLECTIF,


QUI ONT TOUS LA QUALITE DE COMMERCANTS, REPONDENT SOLIDAIREMENT
DES DETTES SOCIALES ;

ATTENDU QUE, POUR DEBOUTER SIGONNEY DE SA DEMANDE TENDANT A


FAIRE DECLARER JEAN X... Y..., SOLIDAIREMENT AVEC LA SOCIETE JEAN X... ET
CIE, A LUI PAYER LE SOLDE DU COUT DES TRAVAUX DE PEINTURE EXECUTES
POUR LE COMPTE DE LADITE SOCIETE, L'ARRET ATTAQUE, QUI CONDAMNE
CELLE-CI A PAYER A SIGONNEY LE PRIX DE CES TRAVAUX, ENONCE QUE CEUX-
CI AYANT ETE EFFECTUES EN 1960, A UNE EPOQUE AU COURS DE LAQUELLE
LADITE SOCIETE ETAIT ENCORE UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE,
JEAN X..., GERANT DE LA SOCIETE, N'ETAIT PAS TENU DES DETTES DE CELLE-CI
DES LORS QU'IL N'EXISTAIT AUCUNE SOLIDARITE ENTRE EUX A L'EPOQUE DES
TRAVAUX ;

QU'EN STATUANT AINSI, APRES AVOIR CONSTATE QU'EN 1961 LA SOCIETE A


RESPONSABILITE LIMITEE JEAN X... S'ETAIT TRANSFORMEE EN SOCIETE EN
NOM COLLECTIF, JEAN X... EN ETANT DEVENU L'UN DES ASSOCIES ET ALORS
QUE, DU FAIT DE CETTE TRANSFORMATION, LES DETTES SOCIALES DE LA
PREMIERE AVAIENT ETE TRANSFEREES A LA SECONDE, LA COUR D'APPEL A
VIOLE LE TEXTE SUSVISE ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

92
Leçon no 5 : La dissolution de la société

I. Définitions et principes

À la fin de son existence, la société personne morale est dissoute : « La dissolution de la


société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l’article 1844-4 et au troisième alinéa
de l’article 1844-5 » (C. civ., art. 1844-8, al. 1er et C. com., art. L. 237-2, al. 1er).
Dès lors, en principe, la dissolution de la société entraîne sa liquidation : les causes de
dissolution de la société, qu’elles soient impératives, volontaires ou spécifiques à certaines
formes sociales, sont limitativement énumérées. Il en va de même des deux principaux effets
de cette dissolution, à savoir la liquidation et le partage du patrimoine social.
Par exception, la dissolution de la société peut, à l’occasion d’une opération qui emporte la
transmission universelle du patrimoine (TUP) social à une autre personne morale, s’effectuer
sans liquidation : ces causes de dissolution sans liquidation de la société sont limitativement
énumérées (la fusion, la scission et la réunion de toutes les parts sociales en une seule main). Il
en va de même de ses effets (à l’égard des sociétés, des dirigeants, des associés), dont le
principal est, à l’égard des tiers, la TUP.

II. Documents

A. La dissolution avec liquidation

Document 1 : Les causes de dissolution anticipée (Cass. com., 16 sept. 2014, no 13-20.083).
Document 2 : Les causes de dissolution anticipée (Cass. ch. mixte, 16 déc. 2005, no 04-10.986).
Document 3 : Les causes de dissolution anticipée (Cass. com., 17 mars 2015, no 13-14.113).
Document 4 : Les effets de la dissolution (Cass. com., 24 oct. 1989, no 88-12.713).
Document 5 : La survie de la personnalité morale (Cass. 3e civ., 3 févr. 1993, no 90-14.234).
Document 6 : La survie de la personnalité morale (Cass. com., 21 juill. 1983, no 82-10.962).
Document 7 : La survie de la personnalité morale (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 02-16.605).
Document 8 : La désignation du liquidateur (Cass. com., 27 nov. 2019, no 18-20.479).
Document 9 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 15 déc. 1977, no 76-11.865).
Document 10 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 11 juin 2013, no 12-18.853).
Document 11 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 6 déc. 2017, no 16-21.005).
Document 12 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 21 juin 2016, no 14-26.370).
Document 13 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 15 févr. 2023, no 21-21.294).
Document 14 : Le partage négatif – La contribution aux pertes (Cass. com., 11 oct. 2005, no
03-19.161).
Document 15 : La clôture de la liquidation (Cass. com., 4 mars 2020, no 19-10.501).
Document 16 : La clôture de la liquidation (Cass. com., 23 nov. 1976, no 75-11.650).
Document 17 : La clôture de la liquidation (Cass. com., 25 mai 2022, no 19-24.470).

B. La dissolution sans liquidation

Document 18 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. 3e civ., 26 nov. 2020, no 19-17.824).

93
Document 19 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. com., 8 nov. 2017, no 16-17.296).
Document 20 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. com., 11 mars 2020, no 18-20.064).
Document 21 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. crim., 25 nov. 2020, no 18-86.955).
Document 22 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. crim., 13 avr. 2022, no 21-80.653).
Document 23 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. com., 7 déc. 2010, no 09-17.169).
Document 24 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. com., 2 févr. 2010, no 09-11.938).
Document 25 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. 3e civ., 9 avr. 2014, no 13-11.640).
Document 26 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine – Dans
le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. com., 20 sept. 2011, no 10-15.068).

III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 5 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

94
Documents

La dissolution avec liquidation

Document 1 : Les causes de dissolution anticipée (Cass. com., 16 sept. 2014, no 13-20.083)

Vu l'article 1844-7, 5° du code civil ;

Attendu que tout associé a qualité pour demander en justice la dissolution anticipée de la société
pour justes motifs ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les parts représentant le capital de la société civile
immobilière IWH, qui a pour gérant M. X..., sont détenues pour moitié par la société Brooks
participation (la société Brooks), ayant également M. X... pour gérant, l'autre moitié étant
détenue en nue-propriété par Mme Y... et en usufruit par la société CW Finances, ayant Mme
Y... pour gérante ; que, faisant valoir que la mésentente entre les associés paralysait le
fonctionnement de la société IWH, la société Brooks a fait assigner Mme Y..., la société CW
Finances et la société IWH afin de voir prononcer la dissolution anticipée de cette dernière ;

Attendu que pour déclarer cette demande irrecevable, l'arrêt, après avoir retenu, par motifs
adoptés, que si le droit d'agir en dissolution judiciaire appartient à tout associé qui se prévaut
d'un intérêt légitime, son action n'est recevable qu'à la condition qu'il ne soit pas lui-même
l'auteur du trouble social, relève qu'il ressort des conclusions et des pièces versées au dossier
que le trouble social dont se prévaut la société Brooks résulte du comportement inadéquat de
M. X..., gérant des sociétés Brooks et IWH ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si la circonstance, à la supposer établie, que l'associé qui
exerce l'action est à l'origine de la mésentente qu'il invoque est de nature à faire obstacle à ce
que celle-ci soit regardée comme un juste motif de dissolution de la société, elle est sans
incidence sur la recevabilité de sa demande, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 2 : Les causes de dissolution anticipée (Cass. ch. mixte, 16 déc. 2005, no 04-
10.986)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Dominique X... de Y..., associée de la société civile
agricole et immobilière Champaubert (la SCAI) a assigné Mme Z..., associée et gérante, ainsi
que deux autres associées, Mmes Marie-Claude X... de Y... et A..., et la SCAI, aux fins de voir
prononcer la révocation de la gérante, la dissolution de la société, la nullité de l'assemblée
générale du 7 février 2002 et de voir désigner un mandataire ad hoc ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mmes Z... et A... font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la révocation de Mme Z... de
ses fonctions de gérante, alors, selon le moyen, que lorsqu'une société est installée dans les
locaux à usage mixte, d'habitation et professionnel, une partie des dépenses d'électricité, de
chauffage et de téléphone peuvent être prises en charge par la société, de telles dépenses
95
constituant des charges déductibles au titre des frais divers de gestion ; qu'en décidant le
contraire, pour retenir que Mme Z... avait utilisé les fonds sociaux à des fins strictement
personnelles et que ce manquement constituait un motif légitime de révocation, la cour d'appel
a violé l'article 1851, alinéa 2, du Code civil ;

Mais attendu que, ayant relevé que Mme Z... avait géré la société sans respecter les dispositions
statutaires relatives à l'établissement et à l'approbation des comptes et qu'elle avait utilisé les
fonds sociaux à des fins personnelles, la cour d'appel a décidé à bon droit de révoquer la gérante;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1844-7, 5, du Code civil ;

Attendu que pour prononcer la dissolution anticipée de la société, l'arrêt retient que la
mésentente entre associés est patente et ancienne et que les dissensions entre eux sont
suffisamment profondes et persistantes pour nuire au fonctionnement de la société ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la paralysie du


fonctionnement de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le troisième moyen :

Vu les articles 1844 alinéa 1er, 1844-10, alinéa 3, du Code civil et l'article 40 du décret n° 78-
704 du 3 juillet 1978 ;

Attendu que les associés sont convoqués, à peine de nullité en cas de grief, quinze jours au
moins avant la réunion de l'assemblée, par lettre recommandée ;

Attendu que, pour annuler l'assemblée générale du 7 février 2002, l'arrêt retient qu'il résulte de
l'article 668 du nouveau Code de procédure civile que la date de la notification par voie postale
est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition de la lettre et, à l'égard de celui à qui
elle est faite, la date de réception de la lettre et que, la lettre ayant été présentée au domicile de
Mme Dominique X... de Y... le 28 janvier 2002, et le jour de la notification ne comptant pas, le
délai de quinzaine n'a pas été respecté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le délai de convocation des associés qui courait à compter de la
date d'expédition de la lettre recommandée, en l'espèce le 23 janvier 2002 et qui expirait le 7
février 2002, avait été respecté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 3 : Les causes de dissolution anticipée (Cass. com., 17 mars 2015, no 13-14.113)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 décembre 2012) et les productions, que par
contrat du 30 septembre 1997, la société HFS, qui avait créé un réseau de commercialisation de
produits de boulangerie-pâtisserie, a concédé à M. et Mme Y..., à titre personnel et en leur
qualité de fondateurs de la société Franval, une sous-licence non exclusive de son savoir-faire
et des droits d'exploitation de la marque "Le Pétrin Ribeirou" ; que la société Franval ayant

96
décidé de quitter ce réseau en raison de l'ouverture de commerces concurrents appartenant à
celui-ci, la société HFS a consenti à la résiliation du contrat pour le 16 avril 2006 ; que M. et
Mme Y..., et les autres associés membres de la famille Y..., titulaires ensemble de 74 % des
parts représentant le capital social, ont, lors d'une assemblée réunie le 11 mai 2006, décidé de
modifier l'objet de la société Franval ; que la société SDPR, filiale de la société HFS, titulaire
du solde du capital de la société Franval, s'est abstenue de participer à cette assemblée ; qu'elle
a, ensuite, assigné la société Franval aux fins de voir prononcer sa dissolution anticipée pour
justes motifs ; qu'un arrêt du 26 janvier 2012 a jugé irrévocablement que la société SDPR, aux
droits de laquelle se trouve la société HFS, avait commis un abus de minorité en refusant de
participer à cette assemblée, et a sursis à statuer sur la demande de dissolution judiciaire ;

Attendu que la société HFS fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dissolution de la société
Franval et de la condamner à payer à cette dernière des dommages-intérêts pour abus de
minorité alors, selon le moyen :

1°/ que l'impossibilité pour les organes sociaux de prendre des décisions caractérise une
paralysie de la société justifiant sa dissolution ; qu'en considérant que le blocage découlant de
l'impossibilité de prendre une décision exigeant l'unanimité était simplement hypothétique,
cependant qu'elle constatait l'existence d'un blocage « politique », qui avait abouti à la
nomination d'un mandataire ad hoc par décision de justice, ce dont il s'évinçait que toute prise
de décision par les organes sociaux était devenue impossible, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1844-7, 5 , du code
civil ;

2°/ que la dissolution anticipée de la société peut être prononcée par le juge en cas d'inexécution
de ses obligations par un associé; qu'il n'est pas exigé en ce cas que cette inexécution paralyse
le fonctionnement de la société ; qu'en retenant que la société HFS ne pouvait se prévaloir d'un
différend sans incidence sur le bon fonctionnement de la société qui continuait de réaliser des
bénéfices comparables à ceux qu'elle enregistrait lorsque la franchise était en vigueur, sans
s'expliquer, comme il le lui était demandé, sur la circonstance que les associés majoritaires de
la société Franval continuaient d'exploiter le savoir-faire attaché à la marque Pétrin Ribeïrou,
en violation des engagements de non-concurrence qui n'avaient pas été levés et dont ils restaient
tenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7, 5 , du code
civil ;

3°/ que le système mis au point par la société HFS a fourni à ses partenaires liés par un contrat
de sous-licence un ensemble de savoir-faire, de prestations, d'assistance technique et
commerciale qui a permis à de multiples personnes, dépourvues de toute formation en matière
de panification et de commercialisation du pain et des produits dérivés, de gérer et d'exploiter
avec succès un fonds de commerce de boulangerie ; qu'en retenant que le savoir-faire du réseau
Pétrin Ribeïrou aurait été inexistant, sans rechercher si le savoir-faire transmis, à la date du
contrat, ne comportait pas un ensemble de techniques, informations et services qui permettaient
à la société Franval, dépourvue de toute formation ou expérience dans le domaine de la
boulangerie, de prendre en main un tel commerce en mettant en œuvre des procédés qu'elle
n'aurait pu découvrir qu'à la suite de recherches personnelles longues et coûteuses, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil ;

4°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il
faut notamment que la chose demandée soit la même ; qu'en retenant que la demande de
dissolution de la société Franval se serait heurtée à l'autorité de chose jugée de l'arrêt de la cour

97
d'appel d'Aix-en-Provence du 19 mars 2009, cependant que cet arrêt n'avait aucunement tranché
une demande de dissolution de la société Franval - qui ne lui avait pas été soumise -, mais s'était
borné, d'une part, à débouter la société Franval et les époux Y... de leur action en nullité du
contrat de sous-licence du 30 septembre 1997, de leur action en résiliation de cette convention
et en dommages-intérêts, ainsi que de leur demande d'exécution d'une promesse de vente de
parts sociales conclue le 19 décembre 2002 et, d'autre part, à condamner la société Franval au
paiement des sommes de 9 826,31 euros au titre des redevances au profit de la société HFS et
de 2 168,97 euros au titre du compte courant de la société SDPR, la cour d'appel a violé l'article
1351 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que les bilans produits démontrent que la société Franval
continue à fonctionner de manière satisfaisante en réalisant des bénéfices comparables à ceux
qu'elle enregistrait lorsque le contrat de franchise était en vigueur ; qu'il relève qu'aucun blocage
actuel du fonctionnement de cette société n'est caractérisé, et que ne peut être pris en
considération celui, hypothétique, qui découlerait de l'impossibilité de prendre une décision
exigeant l'unanimité ; qu'il ajoute que la société HFS, qui a consenti à la sortie de son réseau de
la société Franval, ne peut de bonne foi se prévaloir de la mésentente née d'un différend relatif
au contrat de franchise, lequel a été résilié d'un commun accord sans incidence sur la bonne
marche de cette société ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que le fonctionnement
de la société Franval n'était pas paralysé, la cour d'appel, qui n'était dès lors pas tenue d'effectuer
la recherche visée à la deuxième branche, a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués
par les troisième et quatrième branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut
être accueilli ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 4 : Les effets de la dissolution (Cass. com., 24 oct. 1989, no 88-12.713)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 janvier 1988), que Mlle Z..., M. B... et M. X...
(les consorts Z...) ont décidé, lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 31 décembre
1979, la dissolution anticipée de la société à responsabilité limitée Hispania (la société) dont ils
étaient seuls associés ; que cette délibération précisait qu'il n'y avait lieu à aucun partage ni à la
nomination d'un liquidateur ; que les consorts Z... ont ultérieurement assigné MM. A..., Y... et
Marty en réparation du préjudice subi par la société à la suite de faits survenus en 1972 ;

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de les avoir déclarés irrecevables en leurs
demandes, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les seuls membres associés de la société, après
avoir, lors d'une assemblée générale extraordinaire du 31 décembre 1979, décidé à l'unanimité
la dissolution anticipée de la société, avaient également, à l'unanimité, décidé de ne pas nommer
de liquidateur, " chacun des associés prenant à sa charge, en fonction du nombre de parts qu'il
possède dans le capital, tout l'actif et le passif social dont il feront leur affaire personnelle ";
que, par suite, en les déclarant irrecevables à poursuivre le recouvrement d'une créance de la
société, la cour d'appel a violé l'article 1844-9 du Code civil, ensemble les articles 1134 et 1832
du même code et l'article 394 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, d'autre part, qu'en refusant
de faire application de la délibération du 31 décembre 1979, sans pouvoir cependant prononcer
sa nullité, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article 367 de la loi du 24 juillet
1966 ;

Mais attendu qu'il n'est pas au pouvoir de la volonté des associés, fût-elle unanime, de décider
qu'il n'y a pas lieu de procéder à la liquidation et au partage d'une société dissoute non plus qu'à

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la désignation d'un liquidateur, seul habilité à représenter la société jusqu'à la clôture de la
liquidation ; qu'ayant relevé que les consorts Z... s'étaient abstenus de nommer un liquidateur
après avoir voté la dissolution de la société, la cour d'appel en a déduit à bon droit, sans avoir à
prononcer la nullité de cette délibération, qu'ils n'avaient pas qualité pour agir en recouvrement
d'une créance sociale ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 5 : La survie de la personnalité morale (Cass. 3e civ., 3 févr. 1993, no 90-14.234)

Attendu que M. X..., associé d'une société civile immobilière d'attribution (SCI) dont la durée
est venue à expiration, sans que sa prorogation ait été décidée par l'assemblée générale des
associés, fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation des assemblées générales
ordinaires des 17 septembre 1985 et 26 novembre 1986, alors, selon le moyen, que le non-
respect des dispositions de l'article 1844-6 du Code civil, relatives aux conditions requises pour
qu'une société puisse être prorogée, est de nature à entacher d'illégalité, voire d'inexistence, les
assemblées générales ordinaires d'associés qui se sont tenues à une époque où la société était
venue à son terme selon les prévisions des statuts et à un moment où le processus de liquidation
n'avait été utilement et légalement mis en place, si bien qu'en statuant comme elle l'a fait sur le
fondement de motifs inopérants, la cour d'appel a violé les articles 1844-6, 1844-8 et 1844-10
du Code civil et l'article 40 des statuts de la SCI ;

Mais attendu que la société qui a pris fin par l'expiration du temps pour lequel elle a été
constituée, sans que sa prorogation ait été décidée, se survit pour les besoins de sa liquidation
et que ses statuts continuent de régir les rapports entre associés ; qu'ayant retenu, par motifs
propres et adoptés, que la personnalité morale de la société s'était maintenue depuis le 17
septembre 1984 pour les besoins de sa liquidation et que M. X... et ses co-associés, qui n'avaient
pas employé de voies de droit permettant de décider de la prorogation de la société, avaient
implicitement admis la continuation de ses fonctions par le gérant, la cour d'appel a pu en
déduire que les deux assemblées générales ordinaires des 17 septembre 1984 et 26 novembre
1986 avaient été régulièrement convoquées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 6 : La survie de la personnalité morale (Cass. com., 21 juill. 1983, no 82-10.962)

VU L'ARTICLE L 131-6 DU CODE DE L'ORGANISATION JUDICIAIRE ;

SUR LE MOYEN UNIQUE : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE


L'ARRET ATTAQUE (AIX-EN-PROVENCE, 5 JANVIER 1982) QUE LA SOCIETE
ANONYME LE MIRABEAU CREEE EN 1960 A ETE DISSOUTE ET POURVUE DE
LIQUIDATEURS PAR UNE DELIBERATION DE L'ASSEMBLEE GENERALE DES
ACTIONNAIRES DU 6 OCTOBRE 1966 ; QU'AU COURS DE LA LIQUIDATION, UNE
ASSEMBLEE GENERALE EXTRAORDINAIRE TENUE LE 9 AVRIL 1974 A VOTE UNE
INDEMNITE AU PROFIT DE M X... POUR LE REMUNERER DE L'ACTIVITE PAR LUI
EXERCEE COMME PRESIDENT DE LA SOCIETE AVANT LA DISSOLUTION DE
CELLE-CI ET NON RETRIBUEE JUSQU'A CETTE DISSOLUTION ;

99
ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR FAIT DROIT A LA DEMANDE
D'ANNULATION DE CETTE DELIBERATION INTRODUITE PAR UN CERTAIN
NOMBRE D'ACTIONNAIRES, AU MOTIF, SELON LE POURVOI, QUE LE PRINCIPE
MEME D'UNE REMUNERATION EN FAVEUR DU PRESIDENT N'AVAIT PAS ETE
PREVUE PAR LES STATUTS, QUE LE POUVOIR DE DETERMINER CETTE
REMUNERATION N'APPARTENAIT, NI EN VERTU DES STATUTS, NI EN VERTU DE
LA LOI, A AUCUN ORGANE ET NOTAMMENT PAS A L'ASSEMBLEE GENERALE
DES ACTIONNAIRES, DE SORTE QUE CELLE-CI AVAIT STATUE EN DEHORS DE
SES POUVOIRS, ALORS QUE L'ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES,
ORGANE DELIBERANT DE LA SOCIETE ANONYME, A LE POUVOIR DE PRENDRE
TOUTES LES DECISIONS QUI NE SONT PAS RESERVEES PAR UN TEXTE SPECIAL
A L'ASSEMBLE EXTRAORDINAIRE, QU'A DEFAUT D'UN ABUS DE MAJORITE, QUI
NE SAURAIT RESULTER QUE DE LA PRISE EN COMPTE DU SEUL INTERET DE
L'ACTIONNAIRE MAJORITAIRE AU DETRIMENT DE L'INTERET SOCIAL, ET QUI
N'EST NI ETABLI NI ALLEGUE EN L'ESPECE, LA DELIBERATION DE L'ASSEMBLEE
GENERALE ORDINAIRE DECIDANT D'ALLOUER UNE INDEMNISATION A SON
ANCIEN DIRIGEANT POUR SERVICES RENDUS GRATUITEMENT, NE POUVAIT
ETRE ANNULEE DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 155 DE LA
LOI DU 24 JUILLET 1966 ;

MAIS ATTENDU QU'ABSTRACTION FAITE DU MOTIF SURABONDANT VISE AU


MOYEN, C'EST A BON DROIT QUE LA COUR D'APPEL A DECIDE QUE LES
ACTIONNAIRES D'UNE SOCIETE DISSOUTE NE POUVAIENT, ALORS QUE CETTE
SOCIETE ETAIT EN LIQUIDATION, PRENDRE UNE DECISION QUI NE SE
RATTACHAIT PAS AUX OPERATIONS QUE COMMANDAIT CETTE LIQUIDATION ;

QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI

Document 7 : La survie de la personnalité morale (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 02-16.605)

Attendu que le terme extinctif de la société civile professionnelle de médecins radiologues


Bouis-Lehnisch-Seton était fixé par ses statuts à la date du 31 décembre 1994 ; que l'article 32-
2, prévoyant un droit de retrait, stipulait que, faute de notification du gérant au retrayant, dans
les six mois de l'annonce faite par lui de son départ, d'un projet de cession de ses parts à un
coassocié ou à un tiers ou de leur rachat par la société, cette dernière était de plein droit
acheteuse et débitrice du prix ; qu'à partir du 1er janvier 1995, la société, non prorogée, n'en a
pas moins continué normalement ses activités ; que, dans le respect des modalités de l'article
32-2 précité et par lettre du 14 avril 1998 demeurée sans réponse, Mme X... a vainement mis la
société en demeure de lui payer la somme correspondant à la valeur de ses parts ; qu'aux fins
de leur estimation à la date du 14 avril 1998, une expertise avant dire droit a été ordonnée ;

Sur le moyen unique :

Attendu que MM. Y... et Z... font grief à l'arrêt d'avoir décidé que Mme X... pouvait exercer
son retrait de la société postérieurement au 31 décembre 1994, alors, selon le moyen, que la
personnalité morale de la société qui a pris fin par l'expiration du temps pour lequel elle a été
constituée sans que sa prorogation ait été décidée, ne subsiste que pour les besoins de sa
liquidation ; que si les rapports entre les associés demeurent en principe régis par les statuts de

100
la société jusqu'à la clôture des opérations de liquidation, la clause relative au droit de retrait
d'un associé n'est plus applicable dès lors que l'exercice par un associé de son droit de retrait
met à la charge de la société l'obligation de faire racheter ou d'acheter elle-même les parts du
retrayant et que cette obligation est étrangère aux besoins de la liquidation ; qu'en énonçant
néanmoins que postérieurement à l'arrivée du terme de la SCP Bouis-Lehnisch-Seton, Mme X...
demeurait en droit d'exercer le retrait selon les modalités définies par les statuts et pouvait alors
réclamer la somme correspondant à la "valeur réelle des parts", la cour d'appel a violé les articles
1844-8 et 1869 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que, postérieurement au 31 décembre 1994, l'activité
commune s'était maintenue et que l'affectio societatis avait persisté, aucun des associés n'ayant
songé à accomplir en temps utile les formalités nécessaires à sa prorogation ou à prendre
ultérieurement une quelconque initiative en vue de l'ouverture d'une procédure de liquidation ;
qu'en l'état de ces constatations, qui font ressortir l'existence d'une société devenue de fait, elle
a pu décider que les statuts de la société dissoute par survenance de son terme statutaire
continuaient de régir les rapports entre ses associés et donc l'exercice du droit de retrait prévu
par eux ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 8 : La désignation du liquidateur (Cass. com., 27 nov. 2019, no 18-20.479)

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Humiland, qui avait pour associés
MM. F... et Q..., a été mise en redressement judiciaire le 31 mai 2002 ; qu'un jugement du 20
septembre 2002 a arrêté le plan de cession totale de la société, M. K... étant nommé commissaire
à l'exécution du plan ; qu'un arrêt du 23 novembre 2006, devenu irrévocable, a condamné
pénalement M. Q... pour abus de biens sociaux et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à la
société la somme de 413 729,86 euros à titre de dommages-intérêts ; qu'un jugement du 24
janvier 2013, rectifié le 24 avril 2015, a clôturé les opérations du plan de cession et nommé M.
K... en qualité de mandataire ad hoc, avec mission de recouvrer les sommes dues par M. Q... en
vertu de l'arrêt du 23 novembre 2006 et de les répartir entre les créanciers ; qu'un arrêt du 27
juillet 2016 a déclaré nulle cette désignation ; que sur la requête déposée par M. F... le 4 août
2016, le président du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan a, par une ordonnance du 16
septembre 2016 publiée le 8 octobre 2016 dans un journal d'annonces légales, désigné M. K...
en qualité de liquidateur amiable de la société, sur le fondement de l'article L. 237-19 du code
de commerce ; que par un acte du 27 décembre 2016, M. Q... a assigné M. F... en référé, devant
le président du tribunal de commerce de Mont-de-Marsan, afin de voir rétracter cette
ordonnance ;

Attendu que M. Q... fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables alors, selon le
moyen, que le régime spécial des modalités de désignation du liquidateur amiable prévu par les
articles L. 237-19 et R. 237-12 du code de commerce n'est pas applicable à celles d'un
mandataire ad hoc chargé de faire valoir les droits dont n'est pas dessaisie la société dissoute
par l'ouverture d'une procédure collective ; que le recours en rétractation de l'ordonnance sur
requête désignant un tel mandataire est porté devant le juge qui l'a rendue ; qu'en déclarant M.
Q... irrecevable en ses demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête par
laquelle M. K... a été désigné en tant que mandataire de la société HUMULAND, en dépit des
termes inappropriés de l'ordonnance l'ayant désigné en qualité de « liquidateur amiable », la
cour d'appel a violé l'article 496 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 237-19 et
R. 237-12 du code de commerce ;

101
Mais attendu que, dès lors que l'ordonnance du 16 septembre 2016 désignant un liquidateur
amiable a été rendue sur le fondement de l'article L. 237-19 du code de commerce, M. Q..., s'il
entendait contester cette désignation au motif que ce texte était inapplicable, devait, au
préalable, former son recours conformément aux dispositions de l'article R. 237-12 du même
code, puisque ce texte est applicable en cas de désignation d'un liquidateur sur le fondement de
l'article L. 237-19 précité et qu'il prévoit que le recours contre cette désignation consiste en une
opposition formée par tout intéressé, devant le tribunal de commerce, dans les quinze jours de
la publication de l'ordonnance, et non en le recours en rétractation institué par l'article 496 du
code de procédure civile ; qu'ayant relevé que le recours formé par M. Q... contre l'ordonnance
litigieuse l'avait été par la voie d'une assignation en référé-rétractation signifiée le 27 décembre
2016, la cour d'appel, qui était tenue de relever, au besoin d'office, l'irrégularité de sa saisine
comme la tardiveté du recours, conformément à l'article 125 du code de procédure civile,
s'agissant de fins de non-recevoir d'ordre public, en a exactement déduit que les demandes
formées par M. Q... étaient irrecevables ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 9 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 15 déc. 1977, no 76-11.865)

SUR LE PREMIER MOYEN : VU LES ARTICLES 391 ET 412 DE LA LOI DU 24 JUILLET


1966 ;

ATTENDU QUE, POUR DECLARER RECEVABLE L'ACTION INTENTEE PAR DOVAN,


ASSOCIE DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE MINIERE-DOANH-DOVAN,
EN LIQUIDATION, CONTRE SON ASSOCIE X... KINH DOANH, ET TENDANT A FAIRE
RAPPORTER PAR CE DERNIER UNE CERTAINE SOMME A LA SOCIETE, L'ARRET
ATTAQUE RETIENT QU'EN CAS D'INACTION DU LIQUIDATEUR, CHAQUE
ASSOCIE PEUT, EN TANT QUE COPROPRIETAIRE DE L'ACTIF SOCIAL, AGIR
CONTRE SES CO-ASSOCIES EN PAIEMENT DE CE QUE CEUX-CI DOIVENT A LA
SOCIETE ;

ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QUE LE LIQUIDATEUR D'UNE


SOCIETE COMMERCIALE EVENTUELLEMENT REMPLACE S'IL EST INACTIF, A
SEUL QUALITE, PENDANT LA DUREE DE LA LIQUIDATION, POUR REPRESENTER
CETTE SOCIETE EN JUSTICE DANS UNE INSTANCE CONCERNANT LES BESOINS
DE LA LIQUIDATION DE LA PERSONNE MORALE, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES
TEXTES SUSVISES ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 10 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 11 juin 2013, no 12-18.853)

Vu les articles L. 237-12 du code de commerce et 455 du code de procédure civile ;

Attendu que la responsabilité prévue par le premier de ces textes n'est pas subordonnée à la
démonstration d'une faute du liquidateur séparable de ses fonctions ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL Presta (la société), ayant M. X... pour gérant, a été
dissoute, M. X... étant nommé liquidateur ; que la société Total Guadeloupe (la société Total),
cessionnaire des créances que sept anciens salariés de la société détenaient sur celle-ci et de

102
tous leurs droits et actions à l'encontre de M. X..., faisant valoir que ce dernier avait commis
des fautes dans l'exercice de ses fonctions de gérant puis de liquidateur, l'a fait assigner en
paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la société Total ne rapporte pas la
preuve que M. X... a commis une faute personnelle intentionnelle d'une particulière gravité et
détachable de ses fonctions de gérant ou de liquidateur de la société, dans le but de nuire aux
salariés ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Total qui soutenait
que M. X... avait, en s'abstenant de différer la clôture des opérations de liquidation jusqu'au
terme des procédures judiciaires en cours devant la juridiction prud'homale et de solliciter
l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société, commis, dans l'exercice de ses
fonctions de liquidateur de la société, des fautes dont il devait répondre sur le fondement des
dispositions de l'article L. 237-12 du code de commerce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux
exigences du second des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 11 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 6 déc. 2017, no 16-21.005)

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'associés à parts égales dans la SARL X... frères (la société),
qui exploitait un fonds de commerce en location-gérance dont ils étaient propriétaires indivis,
MM. Jean-Claude, Roger, André et Pierre X..., ont décidé en 2006, à l'unanimité, la dissolution
anticipée de la société et sa mise en liquidation amiable, Pierre X... étant désigné liquidateur ;
qu'estimant que Pierre X..., en sa qualité de liquidateur amiable, avait gravement manqué à ses
obligations et privilégié, au préjudice des intérêts de la personne morale, ses propres intérêts ou
ceux de ses enfants, MM. Jean-Claude et Roger X... l'ont assigné, ainsi que la société, en
réparation du préjudice subi ; que M. Y..., mandataire ad hoc judiciairement désigné, a été
appelé en cause d'appel dans l'instance reprise par les ayant-droits de Pierre X..., entre-temps
décédé ;

Attendu que pour dire recevable l'action en responsabilité ut singuli, engagée par les associés
de la société pour son compte, dirigée contre son liquidateur amiable, l'arrêt, après avoir rappelé
que l'article L. 237-12 du code de commerce prévoit que le liquidateur amiable est responsable
envers la société et les tiers des fautes qu'il a commises dans l'exercice de ses fonctions, énonce
que si la loi n'autorise expressément les associés à exercer l'action sociale ut singuli qu'à
l'encontre des dirigeants, tel l'article L. 223-22, alinéa 3 du code de commerce qui vise
précisément les gérants de société à responsabilité limitée, les dispositions de la loi sur les
sociétés tendent à s'appliquer aux dirigeants au sens large, cette notion devant recouvrir tous les
mandataires sociaux et donc le liquidateur, lequel se substitue aux organes de direction, étant
investi des mêmes pouvoirs, même si sa mission a un but déterminé ; que l'arrêt retient que le
but de l'action ut singuli est de permettre de défendre les intérêts de la société victime d'une
inaction ou d'un abus de pouvoir, lequel peut être imputable à un liquidateur amiable comme à
tout autre dirigeant ; qu'il retient encore que l'interdire au motif qu'elle n'est pas expressément
prévue par l'article L. 237-12 du code de commerce reviendrait à priver ce texte de toute
efficacité ; qu'il observe que du fait de la dissolution, le seul représentant de la société est
justement le liquidateur amiable qui ne peut agir contre lui-même, et que la désignation d'un

103
administrateur ad hoc qui ne dispose d'aucune donnée ni de fonds lui permettant d'agir, rend
toute action de sa part illusoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 223-22 du code de commerce
n'autorisent les associés à exercer l'action sociale en responsabilité que contre des gérants, la
cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 12 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 21 juin 2016, no 14-26.370)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... était associé avec son épouse, Claude Y..., au sein de
la société à responsabilité limitée Institut de développement personnel dans l'entreprise (la
société IDPE) ; qu'après le décès de Claude Y..., le tribunal de commerce, saisi par ses héritiers
(les consorts Y...), a prononcé la dissolution de la société IDPE ; que M. Z..., désigné
liquidateur, a procédé ès qualités aux opérations de liquidation comprenant la cession d'un
immeuble ; qu'il a assigné M. X... et les consorts Y... pour demander l'approbation des comptes
de la liquidation de la société IDPE, la clôture de sa liquidation et le quitus pour l'exercice de
son mandat de liquidateur amiable ; que M. X... a formé contre M. Z..., pris en son nom
personnel, une action personnelle et une action sociale en responsabilité, en paiement de
dommages-intérêts ; que les deux procédures ont été jointes ; que la société Z...-Perdereau-
Manière et la société FHB se sont succédé comme liquidateur de la société IDPE ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande formée à l'encontre de M. Z... à
titre personnel alors, selon le moyen :

1°/ que la responsabilité du liquidateur n'est pas subordonnée à la démonstration d'une faute de
ce mandataire séparable de ses fonctions ; qu'en rejetant l'action exercée à titre personnel par
M. X... à l'encontre de M. Z..., en sa qualité de liquidateur amiable de la société IDPE, motif
pris de la nécessité de l'établissement par M. X... de la faute personnelle du liquidateur à son
égard, détachable de ses fonctions, et de l'absence de caractérisation d'une telle faute, la cour
d'appel a violé l'article L. 237-12 du code de commerce, ensemble l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'à l'égard d'un associé, le liquidateur répond, en sa qualité de mandataire, des fautes qui
cause un préjudice à cet associé ; qui plus est, en considérant que le préjudice individuel distinct
du préjudice social n'était pas établi, sans rechercher si le préjudice personnel de M. X... ne
représentait pas une fraction du préjudice subi par la société IDPE, égale à la fraction du capital
social de cette société détenu par lui, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles L. 237-12 du code de commerce et 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... n'établissait aucun préjudice personnel distinct du
préjudice collectif subi par la société et qu'il se bornait à réclamer une quote-part du préjudice
qu'il invoquait pour celle-ci, à proportion de ce qu'il estimait être sa participation dans la
structure, ce dont elle a déduit qu'il ne justifiait pas que le préjudice allégué par lui n'était pas
le corollaire du préjudice social qu'il invoquait pour la société IDPE, la cour d'appel a,
abstraction faite des motifs, erronés mais surabondants, critiqués par la première branche,
légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

104
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que pour dire recevable l'action en responsabilité ut singuli engagée par M. X... pour
le compte de la société IDPE, l'arrêt retient qu'à l'époque où il l'a exercée contre M. Z..., celui-
ci avait la qualité de liquidateur amiable et en tant que tel représentait la société ; qu'il énonce,
d'abord, que l'action ut singuli vise à protéger le patrimoine social contre l'inaction du dirigeant
notamment au regard de sa propre turpitude et que le législateur a entendu rendre cette action
effective en réputant non écrites les clauses contraires et en prévoyant que le quitus donné par
une assemblée ne peut faire obstacle à une action ultérieure en responsabilité ; qu'il ajoute que
les dispositions de la loi sur les sociétés visent à s'appliquer aux dirigeants au sens large, notion
qui recouvre tous les mandataires sociaux, et donc le liquidateur, lequel se substitue aux organes
de direction, puisqu'ils sont investis des mêmes pouvoirs même si leur mission a un but
déterminé ; qu'il retient, enfin, que le contre-pouvoir constitué par l'action ut singuli repose
justement sur l'abus des pouvoirs remis au liquidateur comme à tous les dirigeants ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 223-22 du code de commerce
n'autorisent les associés à exercer l'action sociale en responsabilité qu'à l'encontre des gérants,
la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 13 : Les missions du liquidateur (Cass. com., 15 févr. 2023, no 21-21.294)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 8 juin 2021), la société Far concept a vendu un appartement à
MM. [H] et [T].

2. Invoquant la survenance de désordres, MM. [H] et [T] ont assigné M. [P], en son nom propre
et en sa qualité de liquidateur amiable de la société Far concept, en responsabilité.

Enoncé du moyen

3. MM. [H] et [T] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « qu'ils invoquaient la
faute commise à leur égard par M. [P], en sa qualité de liquidateur amiable de la société Far
concept, prise, notamment, de ce que celui-ci avait organisé les opérations de liquidation de la
société et la répartition de son actif entre les mains des associés, en méconnaissant le litige les
opposant à la société et en faisant en sorte qu'ils ne puissent pas être désintéressés ; qu'en
énonçant, pour écarter toute faute de M. [P], en sa qualité de liquidateur amiable, que MM. [H]
et [T] recherchaient la responsabilité du liquidateur pour des manquements du gérant de la
société en lui reprochant l'absence de souscription d'une police de garantie décennale ; que dès
lors que cette souscription aurait dû être faite au moment des travaux, à une époque où le
liquidateur n'avait pas pris ses fonctions, la responsabilité de celui-ci ne pouvait être retenue ;
qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si M. [P] n'avait pas commis
de faute consistant à avoir procédé à la liquidation de la société sans tenir compte du litige les
opposant à celle-ci et faisant en sorte qu'ils ne puissent être désintéressés par cette dernière, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en violation de l'article L 237-12, alinéa
1 du code de commerce. »

105
Réponse de la Cour

Vu l'article L. 237-12, alinéa 1er, du code de commerce :

4. Aux termes de ce texte, le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des
tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses
fonctions.

5. Pour rejeter les demandes de MM. [H] et [T] en paiement de dommages et intérêts formées
à l'encontre de M. [P] à raison de l'exercice des fonctions de liquidateur amiable de la société
Far concept, l'arrêt retient que seules les fautes du liquidateur postérieures à sa nomination
peuvent engager sa responsabilité et ajoute qu'alors qu'ils auraient dû rechercher la
responsabilité de la société elle-même ou de son gérant pour des fautes de gestion, en tant que
de besoin en la faisant revivre par la nomination d'un mandataire ad hoc, MM. [H] et [T]
recherchent la responsabilité du liquidateur pour des manquements du gérant de la société,
puisqu'ils reprochent l'absence de souscription d'une police de garantie décennale, laquelle
aurait nécessairement dû être faite au moment des travaux et à une époque où le liquidateur
n'avait pas pris ses fonctions.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [P] n'avait pas
commis une faute en procédant à la liquidation de la société Far concept sans tenir compte du
litige opposant MM. [H] et [T] à celle-ci et en faisant en sorte que ces derniers ne puissent être
désintéressés par elle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 14 : Le partage négatif – La contribution aux pertes (Cass. com., 11 oct. 2005, no
03-19.161)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juillet 2003), qu'en 1984, M. X..., licencié
par la société Nitris exploitation (la société), a demandé devant le conseil de prud'hommes le
paiement d'une indemnité contractuelle et de dommages-intérêts ; qu'en 1987, les actionnaires
de la société ont décidé sa dissolution et désigné M. Y... en qualité de liquidateur ; que la
liquidation ayant été clôturée le 19 décembre 1989, l'avis de clôture a été publié le 2 février
1990 et la société radiée du registre du commerce et des sociétés le 13 février 1990 ; que par
jugement du 25 octobre 1991, confirmé par arrêt du 31 janvier 1995, le conseil de prud'hommes
a accueilli les demandes de M. X... ; qu'après le décès de celui-ci, sa veuve et unique héritière,
Mme Z..., ne pouvant obtenir paiement des sommes dues, a, par acte du 3 septembre 1996,
assigné le liquidateur en responsabilité ;

(…)

Attendu que M. Y... fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à Mme Z... une
certaine somme à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que la cour d'appel a constaté que l'actif existant lors de la liquidation de la société n'aurait
pas permis le paiement de la créance détenue par Mme Z... et que l'absence de provision imputée
à M. Y... n'a dès lors pas eu pour effet d'empêcher le recouvrement par Mme Z... des sommes
dues ; qu'en s'abstenant de tirer les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait
que cette dernière ne justifiait d'aucun préjudice en relation de causalité avec le fait

106
dommageable imputé à M. Y..., la cour d'appel a violé l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966,
devenu L. 237-12 du Code de commerce ;

2 / qu'en ne caractérisant pas le lien de causalité entre le défaut de provision imputé à M. Y...
et la "privation depuis plusieurs années d'une somme importante", dont elle constate par ailleurs
qu'elle ne pouvait être recouvrée en l'état de l'actif existant, ainsi que "l'obligation dans laquelle
celle-ci (Mme Z...) s'est trouvée d'introduire une nouvelle procédure", la cour d'appel a violé
l'article 400 de la loi du 24 juillet 1966, devenu L. 237-12 du Code de commerce ;

Mais attendu que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les
créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une
provision ; qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations
éventuellement prononcées à l'encontre de la société, il appartient au liquidateur de différer la
clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture d'une procédure collective à
l'égard de la société ;

Attendu qu'après avoir relevé que M. Y... s'était fautivement abstenu de garantir par une
provision la créance de Mme Z... et exactement retenu qu'il ne pouvait opposer à celle-ci une
insuffisance d'actif de la société lors de la liquidation, c'est à bon droit que la cour d'appel a
décidé que cette faute avait causé à Mme Z... un préjudice dont elle a souverainement apprécié
l'étendue ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 15 : La clôture de la liquidation (Cass. com., 4 mars 2020, no 19-10.501)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 13 novembre 2018), et les productions, la société à


responsabilité limitée Saint-Maclou a, le 4 octobre 2012, cédé un fonds de commerce de
restauration de toute nature à la société à responsabilité limitée SM.

2. Le 3 octobre 2013, la société Saint-Maclou a été radiée d'office du registre du commerce et


des sociétés en application de l'article R. 123-136 du code de commerce.

3. Un jugement du 29 septembre 2017 a prononcé la résolution de la vente intervenue entre les


parties, ordonné l'expulsion de la société SM et condamné cette dernière à payer à la société
Saint-Maclou une certaine somme au titre d'échéances impayées. Ce jugement a été signifié par
la société Saint-Maclou le 13 octobre 2017.

4. La société SM a relevé appel de ce jugement le 21 novembre 2017. La société Saint-Maclou


ayant contesté la recevabilité de cet appel en invoquant sa tardiveté, le conseiller de la mise en
état l'a déclaré recevable. La société Saint-Maclou a déféré cette décision à la cour d'appel.

5. La société SM ayant été mise en liquidation judiciaire, la société de Keating a été désignée
liquidateur.

Enoncé du moyen

6. La société Saint-Maclou fait grief à l'arrêt de rejeter sa requête en déféré formée contre

107
l'ordonnance du conseiller de la mise en état alors « que la radiation d'office du registre du
commerce et des sociétés n'emportant pas dissolution de la société, une telle mesure est sans
effet sur les pouvoirs de son représentant légal d'accomplir des actes de procédure au nom et
pour le compte de ladite société ; qu'en jugeant néanmoins que la société Saint-Maclou était
dépourvue de représentant légal depuis sa radiation d'office au registre du commerce et des
sociétés le 3 octobre 2013, pour en déduire que l'acte de signification du jugement du tribunal
de commerce de Pontoise du 29 septembre 2017, dans une affaire l'opposant à la société SM,
n'avait pas pu faire courir le délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles R. 123-125 et R.
123-136 du code de commerce, ensemble les articles 528 et 538 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 223-18, alinéa 3, et R. 123-136 du code de commerce :

7. Aux termes du premier de ces textes, en l'absence de dispositions statutaires, ils [les gérants]
sont nommés pour la durée de la société.

8. Aux termes du second, lorsque le greffier a porté au registre une mention de cessation
d'activité en application de l'article R. 123-125, il radie d'office la personne qui n'a pas régularisé
sa situation, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de l'inscription de cette mention.

9. Pour déclarer l'appel de la société SM recevable, l'arrêt, après avoir énoncé que la radiation
d'office de la société Saint-Maclou du registre du commerce et des sociétés avait mis fin aux
fonctions du gérant, retient que cette société, même si elle conservait la personnalité morale,
était dépourvue de représentant légal lors de la délivrance de l'acte de signification du jugement
et en déduit que cet acte n'avait pu faire courir le délai d'appel.

10. En statuant ainsi, alors que la radiation d'office d'une société à responsabilité limitée du
registre du commerce et des sociétés n'a pas pour effet de mettre fin aux fonctions de son gérant,
la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 16 : La clôture de la liquidation (Cass. com., 23 nov. 1976, no 75-11.650)

SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST
FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE (AIX-EN-PROVENCE 19 DECEMBRE 1974),
D'AVOIR PRONONCE LA LIQUIDATION DES BIENS DE LA SOCIETE ANONYME
SOCIETE DE BATIMENT ET DE TRAVAUX PUBLICS (SOBATRAP) QUI AVAIT ETE
ASSIGNEE A CETTE FIN LE 17 OCTOBRE 1973 APRES AVOIR ETE RADIEE D'OFFICE
DU REGISTRE DU COMMERCE LE 31 OCTOBRE 1968, UN AN APRES MENTION A
CE REGISTRE DE SA DISSOLUTION, ALORS, SELON LE POURVOI, D'UNE PART,
QUE LA PERSONNALITE MORALE D'UNE SOCIETE DISSOUTE NE SURVIT QUE
POUR LES BESOINS DE SA LIQUIDATION, QU'A L'EXPIRATION DU DELAI D'UN AN
APRES LA DECLARATION DE DISSOLUTION, L'IMMATRICULATION D'UNE
PERSONNE MORALE AU REGISTRE DU COMMERCE EST CADUQUE, ET QUE
CETTE PERSONNE DOIT ETRE AUTOMATIQUEMENT RADIEE DU REGISTRE DU
COMMERCE, QU'UNE SOCIETE COMMERCIALE NE JOUIT DE LA PERSONNALITE
MORALE QUE SI ELLE EST IMMATRICULEE AU REGISTRE DU COMMERCE, D'OU
IL SUIT QUE, DES LORS QU'UNE SOCIETE EN LIQUIDATION EST RADIEE DU

108
REGISTRE DU COMMERCE, ELLE N'A PLUS LA PERSONNALITE MORALE ET NE
PEUT, PAR SUITE, ETRE DECLAREE EN LIQUIDATION DES BIENS, ALORS,
D'AUTRE PART, QU'UN DEBITEUR RADIE DU REGISTRE DU COMMERCE NE PEUT
PLUS, A L'EXPIRATION DU DELAI D'UN AN, QUI SUIT CETTE RADIATION, ETRE
DECLARE EN LIQUIDATION DES BIENS, SI LA CESSATION DES PAIEMENTS EST
ANTERIEURE A LA RADIATION ET S'IL N'A PLUS EXERCE, POSTERIEUREMENT A
CETTE RADIATION, UNE ACTIVITE COMMERCIALE ;

D'OU IL SUIT QUE LA COUR D'APPEL, AYANT CONSTATE QUE LA CESSATION DES
PAIEMENTS ETAIT ANTERIEURE A LA RADIATION, MAIS N'AYANT PAS RELEVE
L'EXERCICE D'UNE ACTIVITE COMMERCIALE PAR LA SOCIETE EN LIQUIDATION
POSTERIEUREMENT A SA RADIATION, L'ARRET ATTAQUE NE POUVAIT
LEGALEMENT PRONONCER LA LIQUIDATION DES BIENS PLUS D'UN AN APRES
CETTE RADIATION ;

MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, QUI A CONSTATE QUE LA LIQUIDATION


DE LA SOBATRAP N'ETAIT PAS ENCORE CLOTUREE, A RETENU A JUSTE TITRE,
D'UNE PART, QUE LA RADIATION DE LA SOBATRAP DU REGISTRE DU
COMMERCE N'A PAS PRIVE CETTE SOCIETE DE SA PERSONNALITE MORALE ET,
PARTANT, DE SA QUALITE DE COMMERCANT, DES LORS QU'EN VERTU DE
L'ARTICLE 391 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966, LA PERSONNALITE MORALE D'UNE
SOCIETE COMMERCIALE SUBSISTE, POUR LES BESOINS DE SA LIQUIDATION,
JUSQU'A LA CLOTURE DE CELLE-CI, ET, D'AUTRE PART, QUE, L'ARTICLE 4 DE LA
LOI DU 13 JUILLET 1967, S'IL PERMET DE DEMANDER LA MISE EN REGLEMENT
JUDICIAIRE OU EN LIQUIDATION DES BIENS DES PERSONNES PHYSIQUES OU
MORALES QUI , N'ETANT PLUS COMMERCANTES, SE TROUVENT TOUJOURS
INSCRITES AU REGISTRE DU COMMERCE OU DONT LA RADIATION DE CE
REGISTRE DATE DE MOINS D'UN AN, NE DEROGE PAS A LA REGLE SUIVANT
LAQUELLE PEUT ETRE SOUMISE A UNE PROCEDURE COLLECTIVE TOUTE
PERSONNE AYANT LA QUALITE DE COMMERCANT, MEME SI ELLE N'EXERCE
PAS UNE ACTIVITE COMMERCIALE, INSCRITE OU NON AU REGISTRE DU
COMMERCE, QUI CESSE SES PAIEMENTS ;

QUE LE MOYEN N'EST FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI

Document 17 : La clôture de la liquidation (Cass. com., 25 mai 2022, no 19-24.470)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 2 avril 2019), l'Urssaf de Champagne-Ardennes (l'Urssaf) a


notifié à la société FSE sécurité Grand Est (la société FSE sécurité) plusieurs mises en demeure
en raison d'impayés de cotisations sociales à compter du mois de décembre 2016. Le 2 août
2017, l'Urssaf l'a informée de sa décision de reprendre les poursuites, compte tenu du non-
respect de l'échéancier qu'elle lui avait accordé. Le 3 septembre 2017, la commission des chefs
des services financiers a notifié à la société FSE sécurité sa décision de ne pas donner une suite
favorable à sa demande de plan de règlement des dettes fiscales et sociales.

2. Le 9 octobre 2017, les actions de la société FSE sécurité ont été cédées à la société So Far

109
Away Holding UG (la société So Far Away), de droit allemand, qui en est devenue l'associé
unique. Il a été procédé le même jour à la dissolution sans liquidation de la société FSE sécurité,
cette décision étant publiée dans un journal d'annonces légales le 13 novembre 2017. Le 6
décembre 2017, la société FSE sécurité a cédé son fonds de commerce à la société FSE, alors
en cours d'immatriculation. Le 11 janvier 2018, la radiation de la société FSE sécurité a été
publiée au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

3. Se prévalant d'une créance contre la société FSE sécurité, l'Urssaf l'a assignée en ouverture
d'une procédure de redressement et subsidiairement de liquidation judiciaires. Invoquant la
perte de la personnalité morale de la société FSE sécurité, la société So Far Away a soulevé la
nullité de la procédure.

Enoncé du moyen

5. La société So Far Away fait grief à l'arrêt de dire que la demande de l'Urssaf était recevable,
de constater l'état de cessation des paiements de la société FSE sécurité et d'ouvrir une
procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité à l'égard de cette société alors « que
le principe selon lequel la fraude corrompt tout étant d'application subsidiaire, un créancier ne
peut s'en prévaloir dès lors qu'il a négligé de mettre en oeuvre en temps utile le mécanisme de
protection spécifiquement prévu par la loi pour la préservation des droits qu'il argue tardivement
de fraude ; qu'après avoir énoncé que le principe suivant lequel la fraude corrompt tout est
normalement d'application subsidiaire, l'arrêt retient néanmoins, pour ouvrir une procédure de
liquidation judiciaire à l'égard de la société FSE sécurité grand est SASU, que l'opération de
dissolution sans liquidation avec transmission universelle du patrimoine de cette société est un
montage juridique conçu pour priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte aux créanciers,
afin la faire échapper aux dispositions impératives régissant les procédures collectives, de sorte
que ladite dissolution, décidée dans un but frauduleux, n'est pas opposable à l'Urssaf, ce qui
permet de soumettre la société FSE sécurité grand est SASU, censée avoir conservé sa
personnalité juridique, au droit des procédures collectives ; qu'en statuant ainsi, quand l'Urssaf
ne pouvait se prévaloir d'une quelconque fraude après avoir négligé d'user de la faculté
d'opposition qu'elle tenait spécialement de la loi pour la sauvegarde de ses droits, la cour d'appel
a violé le principe selon lequel la fraude corrompt tout. »

Réponse de la Cour

Vu le principe suivant lequel la fraude corrompt tout :

6. Un créancier ne peut se prévaloir de ce principe pour remettre en cause la dissolution sans


liquidation d'une société que si la société bénéficiaire de la transmission universelle du
patrimoine de la société dissoute a mis en oeuvre un processus lui ayant permis de priver
d'efficacité la faculté d'opposition ouverte par l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil.

7. Pour dire que la dissolution de la société FSE sécurité n'était pas opposable à l'Urssaf et
ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire sans poursuite d'activité, l'arrêt
constate que la dissolution de la société FSE sécurité a été publiée dans un journal d'annonces
légales mais retient qu'une telle formalité apparaît en pratique illusoire, dès lors qu'elle implique
une surveillance quotidienne de publications multiples. Il ajoute que, même si le texte ne
l'impose pas, il aurait pu se concevoir, dans un souci de loyauté vis-à-vis de son créancier, que,
se sachant poursuivie pour le paiement de sommes très conséquentes, la société FSE sécurité
avise personnellement l'Urssaf de la dissolution.

110
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société So Far Away avait
mis en oeuvre un processus lui ayant permis de priver d'efficacité la faculté d'opposition ouverte
à l'Urssaf par l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

La dissolution sans liquidation

Document 18 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. 3e civ., 26 nov. 2020, no 19-
17.824)

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 27 mars 2019), M. et Mme J... ont commandé à la société Aixia
Méditerranée, absorbée depuis par la société Aixia France, assurée par la société GAN, la
fourniture et l'installation dans leur maison d'une pompe à chaleur et d'un ballon
thermodynamique. Pour financer ces opérations, ils ont souscrit un emprunt auprès de la société
Sofemo financement, devenue Cofidis.

3. Se plaignant de pannes survenues durant les mois de février et mars 2012, ils ont assigné la
société Aixia Méditerranée, le liquidateur de la société Aixia France et les sociétés Sofemo
financement et GAN en indemnisation des préjudices ou en remboursement du prix payé et du
coût du financement.

(…)

Enoncé du moyen

8. La société GAN fait grief à l'arrêt de dire qu'elle se substituera à la société Aixia Méditerranée
pour le paiement des sommes dues à M. et Mme J..., alors « que si la fusion-absorption transmet
à la société absorbante l'actif et le passif de la société absorbée, elle ne saurait étendre le
bénéfice de l'assurance de responsabilité souscrite par la société absorbante aux faits commis
par la société absorbée avant la fusion et modifier ainsi le risque garanti ; qu'en l'espèce, la cour
d'appel a considéré que, « du fait de l'absorption par Aixia France d'Aixia Méditerranée, le
contrat d'assurance [souscrit par Aixia France] trouve bien application au cas d'espèce », privant
ainsi la société Gan Assurances de la possibilité d'« exciper de la clause selon laquelle le contrat
a pour objet de garantir Aixia France en dehors de toutes autres sociétés filiales ou
concessionnaires, quel que soit le statut juridique » ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'il
résultait de ses propres constatations que le contrat d'assurance souscrit par la société Aixia
France ne couvrait pas la responsabilité de ses filiales, de sorte que, peu important l'absorption
de la société Aixia Méditerranée, la société GAN assurances n'avait pas à couvrir la
responsabilité éventuellement encourue par cette société au titre de faits antérieurs à la fusion-
absorption, au surplus au titre d'une activité qui n'était pas couverte par l'assurance souscrite par
la société Aixia France, la cour d'appel a violé les articles 1134, devenu l'article 1103, du code
civil et L. 236-1 et L. 236-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

111
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10
février 2016, et l'article L. 236-3 du code de commerce :

9. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faites.

10. Il résulte du second, dans sa version applicable à la cause, que, en cas de fusion entre deux
sociétés par absorption de l'une par l'autre, la dette de responsabilité de la société absorbée est
transmise de plein droit à la société absorbante.

11. Toutefois, l'assurance de responsabilité de la société absorbante, souscrite avant la fusion,


n'a pas vocation à garantir le paiement d'une telle dette, dès lors que le contrat d'assurance
couvre, sauf stipulation contraire, la responsabilité de la seule société assurée, unique
bénéficiaire, à l'exclusion de toute autre, même absorbée ensuite par l'assurée, de la garantie
accordée par l‘assureur en fonction de son appréciation du risque.

12. Pour dire que la société GAN se substituera à la société Aixia Méditerranée pour le paiement
des sommes dues aux maîtres de l'ouvrage, l'arrêt retient que ceux-ci ont produit une attestation
d'assurance concernant la société Aixia France à effet du 1er janvier 2012, que les désordres
sont survenus en février et mars 2012, à une période normalement couverte par le contrat
d'assurance, et que, même si la société GAN entend se prévaloir de la clause de la police selon
laquelle le contrat a pour objet de garantir la société Aixia France en dehors de toutes autres
sociétés filiales ou concessionnaires, le contrat d'assurance trouve à s'appliquer, du fait de
l'absorption de la société Aixia Méditerranée par la société Aixia France.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 19 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. com., 8 nov. 2017, no 16-
17.296)

Vu les articles 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du
10 février 2016, et L. 236-1 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué qu'en 2002, la société D Phi, exerçant son activité sous le nom de
Delta Finance, (la société Delta finance) a conclu avec la société Banque d'Orsay (la Banque
d'Orsay) un contrat de collaboration comprenant un abonnement à un programme
d'informations « perspectives économiques et financières » et la participation de son président,
M. X..., à des réunions et conférences d'information de la clientèle de cette dernière ; que ce
contrat a été renouvelé en dernier lieu le 14 décembre 2009 pour deux années, avec tacite
reconduction et moyennant une certaine rémunération, payable d'avance ; que le 30 novembre
2010, la société Oddo et Cie a acquis la totalité du capital de la société Banque d'Orsay, avec
transmission universelle de son patrimoine ; que n'ayant pu obtenir le règlement de ses
honoraires pour l'année 2012, la société Delta Finance a assigné la société Oddo et Cie en
paiement, laquelle a opposé qu'en l'absence d'accord des deux parties sur la reprise du contrat
conclu intuitu personae, celui-ci était caduc, puis demandé reconventionnellement la répétition
des honoraires payés pour l'année 2011 ;

112
Attendu que pour dire que le contrat du 14 décembre 2009 n'a pas été transmis à la société Oddo
et Cie, et condamner la société Delta finance à restituer les honoraires perçus pour l'année 2011,
l'arrêt retient de l'analyse des différents contrats conclus que les prestations intellectuelles orales
dispensées par M. X... avaient pris au fil du temps une importance de plus en plus grande et que
la qualité de leur exécution dépendait nécessairement de celle de la personne qui les réalisait ;
qu'il relève ensuite que le contrat du 14 décembre 2009 avait été conclu aussi en considération
des besoins des clients, de leur profil et du type de relations que la Banque d'Orsay entretenait
avec eux, et qu'ainsi son transfert à la société Oddo et Cie dans le cadre de la transmission
universelle de son patrimoine nécessitait l'accord des deux contractants ; qu'il en déduit que
l'absence de tout accord de la société Oddo et Cie pour reprendre ce contrat conclu intuitu
personae a entraîné sa caducité ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'avait pas été retenu que la société Delta dinance avait fait de
la personne de la Banque d'Orsay la condition de son propre engagement et que le maintien du
contrat, après la transmission universelle de son patrimoine, au profit de la société Oddo et Cie
n'était pas subordonné à son consentement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 20 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. com., 11 mars 2020, no 18-
20.064)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juin 2018), la société Armonya développement (la société
Armonya), qui avait pour activité principale la fourniture de matériels, a conclu une convention
de coopération avec la société GE capital équipement finance (la société GE capital), société
financière proposant notamment la location de biens d'équipement.

2. La convention stipulait qu'elle était conclue intuitu personae et qu'elle ne pourrait en aucun
cas faire l'objet d'une cession.

3. Le 27 mars 2012, la société Armonya a fait l'objet d'une dissolution par fusion-absorption en
application de l'article 1844-5 du code civil, toutes les parts sociales ou actions étant désormais
détenues par son associée unique, la société Tradcorp ME FZ LLC (la société Tradcorp).

4. Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 avril 2012, la société
GE Capital, devenue la société CM-CIC Leasing Solutions, a résilié la convention de
coopération. La société Tradcorp en a pris acte et, se prévalant des dispositions de l'article 12
de la convention concernant les contrats en cours, a demandé le paiement d'une quote-part des
loyers et l'acquisition des matériels financés pour quatre contrats de location antérieurement
cédés.

(…)

Enoncé du moyen

9. La société Tradcorp fait encore grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa défense et ses
demandes incidentes alors « que la dissolution d'une société dont les parts sont réunies en une

113
seule main entraîne la transmission universelle du patrimoine à l'associé unique, sans qu'il y ait
lieu à liquidation ; que si, sauf accord du cocontractant, un contrat conclu en considération de
la personne d'une telle société prend fin au plus tard par l'effet de la dissolution de celle-ci,
l'associé unique n'en recueille pas moins les créances et les dettes antérieurement nées dans le
patrimoine social au titre de ce contrat ; qu'en énonçant que « seules les créances nées de la
convention, certaines, liquides et exigibles au jour de la résiliation du contrat [étaie]nt entrées
dans le patrimoine de la société Tradcorp », et en subordonnant ainsi le transfert des créances
déjà nées à leur caractère certain, liquide et exigible, contrairement à ce qu'avait d'ailleurs retenu
le jugement entrepris, la cour d'appel a violé l'article 1844-5 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1844-5 du code civil :

10. Si un contrat conclu en considération de la personne d'une société prend fin au plus tard par
l'effet de la dissolution de celle-ci, sauf accord du cocontractant, l'associé unique n'en recueille
pas moins, par l'effet de la transmission universelle du patrimoine de la société dissoute, les
créances et les dettes nées antérieurement dans ce patrimoine au titre de ce contrat, peu
important qu'elles ne soient pas encore liquides et exigibles.

11. Pour déclarer la société Tradcorp irrecevable en ses demandes incidentes, l'arrêt retient que,
compte tenu du caractère intuitu personae de la convention, qui fait échec au principe de
transmission universelle de patrimoine, cette convention n'a pas été transmise à la société
Tradcorp, qui est irrecevable à en solliciter l'application, et que, contrairement à ce qu'a retenu
le tribunal, seules les créances nées de la convention, certaines, liquides et exigibles au jour de
la résiliation du contrat sont entrées dans le patrimoine de la société Tradcorp.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 21 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. crim., 25 nov. 2020, no 18-
86.955)

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. A l'issue de l'information judiciaire ouverte après l'incendie, le 28 janvier 2002, de ses


entrepôts de stockage d'archives, la société Intradis, par acte du 24 juillet 2017, a été convoquée
à l'audience du tribunal correctionnel du 23 novembre 2017, du chef de destruction involontaire
de bien appartenant à autrui par l'effet d'un incendie provoqué par manquement à une obligation
de sécurité ou de prudence imposée par la loi.

3. Le 31 mars 2017, la société Recall France et sa filiale Intradis avaient été absorbées par la
société Iron Mountain dans le cadre d'une opération de fusion-absorption.

4. La société Ebenal, M. V... F..., M. P... X... et la société Kering, parties civiles, ont fait citer
la société Iron Mountain à comparaître à l'audience du 23 novembre 2017. En outre, cette

114
dernière société est intervenue volontairement à la procédure ouverte après information
judiciaire.

5. Par jugement en date du 8 février 2018, le tribunal correctionnel a fixé le montant des
consignations à verser par les parties civiles en application de l'article 392-1 du code de
procédure pénale et ordonné un supplément d'information afin de déterminer les circonstances
de l'opération de fusion-absorption, et de rechercher tout élément relatif à la procédure en cours,
notamment s'agissant de l'infraction de destruction involontaire initialement poursuivie à
l'encontre de la société Intradis.

6. La société Iron Mountain a formé appel de cette décision.

7. Par ordonnance en date 22 février 2018, le président de la chambre des appels correctionnels
a ordonné l'examen immédiat de l'appel.

Enoncé des moyens

8. Le premier moyen est pris de la violation des articles1844-5, 1844-7 du code civil, 2, 3, 6,
151 à 155, 388, 463, 591 à 593 du code de procédure pénale.

9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté la société Iron Mountain France de sa
demande de nullité du supplément d'information ordonné par le tribunal correctionnel d'Amiens
visant à entendre M. U... J..., responsable en activité au sein des sociétés concernées par
l'opération de fusion-acquisition du 31 mars 2017 et le pénalement responsable de la société
Iron Mountain France, alors :

« 1°/que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que
l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en vertu de l'article
121-1 du code pénal, sont interdites les poursuites pénales à l'encontre de la société absorbante
pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière ait perdu son existence
juridique ; qu'en l'espèce, la société Recall France, ayant pour filiale la société Intradis, a fait
l'objet d'une fusion-absorption par la société Iron Mountain France ; qu'en confirmant la mesure
d'instruction destinée à entendre M. U... J..., responsable en activité au sein des sociétés
concernées par l'opération de fusion-acquisition du 31 mars 2017 et le pénalement responsable
de la société Iron Mountain France, aux motifs inopérants qu'elle permettrait de déterminer si
la fusion-absorption avait été entachée de fraude et ainsi retenir la responsabilité pénale de la
société Iron Mountain France dans les faits de destruction involontaire d'un bien appartenant à
autrui par l'effet d'un incendie reprochés à la société absorbée Intradis, bien que l'action
publique ne pouvait pas être engagée à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard des textes susvisés ;

2°/ que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que
l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les tribunaux
répressifs ne sont compétents pour connaître de l'action civile en réparation du dommage né
d'une infraction accessoirement à l'action publique, que lorsqu'il a été préalablement statué au
fond sur l'action publique ; qu'en l'espèce, dès lors qu'aucune décision au fond sur l'action
publique n'avait été prononcée, la juridiction correctionnelle ne pouvait connaître de l'action
civile à l'encontre de la société Iron Mountain France ; qu'en refusant néanmoins d'annuler le
supplément d'information, aux motifs inopérants qu'il permettrait de déterminer si la fusion-
absorption avait été entachée de fraude et ainsi retenir la responsabilité pénale de la société Iron

115
Mountain France dans les faits de destruction involontaire d'un bien appartenant à autrui par
l'effet d'un incendie reprochés à la société absorbée Intradis, la cour d'appel a de nouveau privé
sa décision de base légale au regard des textes susvisés. »

10. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 463, 512, 538, 591 à 593 du code
de procédure pénale.

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, avant dire droit au fond, ordonné un
supplément d'information visant à entendre M. U... J..., responsable en activité au sein des
sociétés concernées par l'opération de fusion-acquisition du 31 mars 2017 et le pénalement
responsable de la société Iron Mountain France, sur les raisons, les modalités et les conditions
de la fusion-acquisition des sociétés Intradis, Recall France et Iron Mountain France, sur
l'existence d'une telle opération de reprise dans les autres pays européens où s'exerce l'activité
de la société Iron Mountain France, ainsi que sur tout élément relatif à la procédure en cours et
notamment l'infraction de destruction involontaire poursuivie initialement à l'encontre de la
société Intradis, alors « que le supplément d'information ne doit porter que sur les faits et
prévenus objets des poursuites ; qu'en l'espèce, en confirmant le jugement ayant ordonné le
supplément d'information visant à rechercher la responsabilité pénale de la société Iron
Mountain France, bien qu'il ait relevé qu'il intervenait dans le cadre de la procédure d'instruction
visant uniquement la société Intradis, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ».

Réponse de la Cour

12. Les moyens sont réunis.

13. Les moyens posent la question de savoir dans quelles conditions, en cas de fusion-
absorption, la société absorbante peut être condamnée pénalement pour des faits commis, avant
la fusion, par la société absorbée.

14. Pour répondre à cette question, il importe de déterminer s'il existe un principe général de
transfert de la responsabilité pénale en cas de fusion-absorption (paragraphes 15 à 37) et si, le
cas échéant, ce principe s'applique immédiatement (paragraphes 38 et 39). Ce n'est qu'en cas de
réponse négative à l'une ou l'autre de ces deux sous-questions qu'il sera nécessaire de déterminer
si la solution doit être différente en cas de fraude (paragraphes 40 à 42).

15. Aux termes de l'article 121-1 du code pénal, nul n'est responsable pénalement que de son
propre fait.

16. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, ce principe, dont l'interprétation


doit respecter l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, s'oppose à ce qu'à
la suite d'une opération de fusion-absorption, la société absorbante soit poursuivie et condamnée
pour des faits commis antérieurement à ladite opération par la société absorbée, dissoute par
l'effet de la fusion (Crim., 20 juin 2000, pourvoi n° 99-86.742, Bull. crim. 2000, n° 237 ; Crim.,
14 octobre 2003, pourvoi n° 02-86.376, Bull. crim. 2003, n° 189).

17. La Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence même après que la Cour de justice de
l'Union européenne eut dit pour droit que les dispositions de l'article 19, § 1, de la directive
78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiées
à l'article 105, § 1, de la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14
juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés, doivent être interprétées en ce sens

116
qu'une fusion par absorption entraîne la transmission à la société absorbante de l'obligation de
payer une amende infligée après cette fusion pour des infractions au code du travail commises
par la société absorbée avant la fusion (CJUE, arrêt du 5 mars 2015, Modelo Continente
Hipermercados SA c/ Autoridade para as Condições de Trabalho, C-343/13).

18. Elle a en effet considéré que, d'une part, l'article 121-1 du code pénal ne pouvait s'interpréter
que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l'encontre de la société
absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière ne perde son
existence juridique par l'effet d'une fusion-absorption, d'autre part, ledit article ne pouvait être
écarté comme contraire à la directive du 9 octobre 1978 puisqu'une directive ne peut pas
produire un effet direct à l'encontre d'un particulier (Crim., 25 octobre 2016, pourvoi n° 16-
80.366, Bull. crim. 2016, n° 275).

19. Cette interprétation de l'article 121-1 du code pénal se fonde sur la considération que la
fusion, qui entraîne la dissolution de la société absorbée, lui fait perdre sa personnalité juridique
et entraîne l'extinction de l'action publique en application de l'article 6 du code de procédure
pénale. La société absorbante, personne morale distincte, ne saurait en conséquence être
poursuivie pour les faits commis par la société absorbée.

20. Elle repose sur l'assimilation de la situation d'une personne morale dissoute à celle d'une
personne physique décédée.

21. Or, cette approche anthropomorphique de l'opération de fusion-absorption doit être remise
en cause car, d'une part, elle ne tient pas compte de la spécificité de la personne morale, qui
peut changer de forme sans pour autant être liquidée, d'autre part, elle est sans rapport avec la
réalité économique.

22. En effet, selon l'article L.236-3 du code de commerce, la fusion-absorption, si elle emporte
la dissolution de la société absorbée, n'entraîne pas sa liquidation. De même, le patrimoine de
la société absorbée est universellement transmis à la société absorbante et les actionnaires de la
première deviennent actionnaires de la seconde. En outre, en application de l'article L.1224-1
du code du travail, tous les contrats de travail en cours au jour de l'opération se poursuivent
entre la société absorbante et le personnel de l'entreprise.

23. Il en résulte que l'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui
constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié
de cette opération.

24. La Cour européenne des droits de l'homme, se fondant sur la continuité économique existant
entre la société absorbée et la société absorbante, en déduit que « la société absorbée n'est pas
véritablement " autrui " à l'égard de la société absorbante » et juge en conséquence que le
prononcé d'une amende civile, à laquelle est applicable le volet pénal de l'article 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme, à l'encontre d'une société absorbante, pour des
actes restrictifs de concurrence commis avant la fusion par la société absorbée, ne porte pas
atteinte au principe de personnalité des peines (CEDH, décision du 24 octobre 2019, Carrefour
France c. France, n°37858/14).

25. Ainsi, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas


considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée, de sorte que
l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne s'oppose pas à ce que l'article

117
121-1 du code pénal soit désormais interprété comme permettant que la première soit
condamnée pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la seconde avant
l'opération de fusion-absorption.

26. L'article 6 du code de procédure pénale, qui ne prévoit pas expressément l'extinction de
l'action publique lors de l'absorption d'une société, ne s'oppose pas non plus à cette
interprétation.

27. Dès lors que la nouvelle interprétation de l'article 121-1 du code pénal est possible, elle
devient nécessaire si elle est la seule à même, en l'état du droit interne, de permettre de tirer les
conséquences de l'arrêt de la Cour de justice du 5 mars 2015, précité.

28. Il convient en effet de rappeler que les juridictions nationales ont l'obligation d'interpréter
le droit interne dans un sens conforme au droit de l'Union, sous la seule réserve que cette
interprétation ne les conduise pas à faire produire aux dispositions d'une directive un effet direct
à l'encontre d'un particulier (CJCE, arrêt du 26 sept. 1993, Arcaro, C-168/95 ; CJCE, arrêt du 3
mai 2005, Berlusconi e.a., C-387/02, C-391/02 et C-403/02). Cette limite est respectée lorsque
le texte national peut être interprété dans le sens de la directive, de sorte qu'il n'est pas nécessaire
de l'écarter pour donner son plein effet à cette dernière.

29. Or, dans l'arrêt précité du 5 mars 2015, la Cour de justice de l'Union relève que l'opération
de fusion par absorption entraîne de façon automatique non seulement la transmission
universelle de l'ensemble du patrimoine actif et passif de la société absorbée à la société
absorbante, mais aussi la cessation de l'existence de la société absorbée. Elle en déduit que sans
la transmission à la société absorbante de la responsabilité contraventionnelle, cette
responsabilité serait éteinte.

30. Cette juridiction retient qu'une telle extinction serait en contradiction avec la nature même
de la fusion par absorption telle que définie à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 78/855,
dans la mesure où, aux termes de ces dispositions, une telle fusion consiste en un transfert de
l'ensemble du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante par suite d'une
dissolution sans liquidation.

31. Elle ajoute que cette interprétation répond également à l'objectif posé par la directive de
protection des tiers, parmi lesquels figurent les entités qui, à la date de la fusion, ne sont pas
encore à qualifier de créanciers ou de porteurs d'autres titres, mais qui peuvent être ainsi
qualifiées après cette opération en raison de situations nées avant celle-ci. Tel est le cas de l'Etat
membre dont les autorités sont susceptibles d'infliger une sanction pour une infraction commise
avant la fusion.

32. Elle relève encore que, si la transmission d'une telle responsabilité était exclue, une fusion
constituerait un moyen pour une société d'échapper aux conséquences des infractions qu'elle
aurait commises, au détriment de l'État membre concerné ou d'autres intéressés éventuels.

33. Selon la Cour de justice de l'Union, cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument selon
lequel la transmission de la responsabilité contraventionnelle d'une société absorbée moyennant
une fusion serait contraire aux intérêts des créanciers et des actionnaires de la société
absorbante, dans la mesure où ces derniers ne seraient pas à même d'évaluer les conséquences
économiques et patrimoniales de cette fusion. En effet, d'une part, lesdits créanciers doivent, en
vertu de l'article 13, paragraphe 2, de la directive 78/855, avoir le droit d'obtenir des garanties

118
adéquates lorsque la situation financière des sociétés qui fusionnent rend cette protection
nécessaire, le cas échéant en saisissant l'autorité administrative ou judiciaire compétente pour
obtenir de telles garanties. D'autre part les actionnaires de la société absorbante peuvent être
protégés, notamment, par l'insertion d'une clause de déclarations et de garanties dans l'accord
de fusion. En outre, rien n'empêche la société absorbante de faire effectuer avant la fusion un
audit détaillé de la situation économique et juridique de la société à absorber pour obtenir, en
plus des documents et des informations disponibles en vertu des dispositions législatives, une
vue plus complète des obligations de cette société.

34. En l'état actuel du droit interne, l'interprétation de l'article 121-1 du code pénal autorisant le
transfert de responsabilité pénale entre la société absorbée et la société absorbante est la seule
voie permettant de sanctionner pécuniairement la société absorbante pour des faits commis
avant la fusion par la société absorbée.

35. Il se déduit de ce qui précède qu'en cas de fusion-absorption d'une société par une autre
société entrant dans le champ de la directive précitée, la société absorbante peut être condamnée
pénalement à une peine d'amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d'une infraction
commise par la société absorbée avant l'opération.

36. La personne morale absorbée étant continuée par la société absorbante, cette dernière, qui
bénéficie des mêmes droits que la société absorbée, peut se prévaloir de tout moyen de défense
que celle-ci aurait pu invoquer.

37. En conséquence, le juge qui constate qu'il a été procédé à une opération de fusion-absorption
entrant dans le champ de la directive précitée ayant entraîné la dissolution de la société mise en
cause, peut, après avoir constaté que les faits objet des poursuites sont caractérisés, déclarer la
société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d'amende ou de
confiscation.

38. Cependant, cette interprétation nouvelle, qui constitue un revirement de jurisprudence, ne


peut s'appliquer aux fusions antérieures à la présente décision sans porter atteinte au principe
de prévisibilité juridique découlant de l'article 7 de la Convention européenne des droits de
l'homme dont il résulte que tout justiciable doit pouvoir savoir, à partir du libellé de la
disposition pertinente, au besoin à l'aide de l'interprétation qui en est donnée par les tribunaux
et le cas échéant après avoir recouru à des conseils éclairés, quels actes et omissions engagent
sa responsabilité pénale et quelle peine il encourt de ce chef.

39. Elle ne s'appliquera, en conséquence, qu'aux opérations de fusion conclues postérieurement


au prononcé du présent arrêt et sera donc sans effet dans la présente affaire.

40.Cependant, le supplément d'information critiqué par les moyens ayant notamment pour objet
de mettre à jour une éventuelle fraude, il apparaît nécessaire de déterminer si un régime
particulier s'applique dans une telle hypothèse.

41. A cet égard, il doit être considéré que l'existence d'une fraude à la loi permet au juge de
prononcer une sanction pénale à l'encontre de la société absorbante lorsque l'opération de
fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité
pénale. Cette possibilité est indépendante de la mise en œuvre de la directive du 9 octobre 1978,
précitée.

119
42. Si la Cour de cassation n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur ce point, sa doctrine, qui
ne saurait ainsi constituer un revirement de jurisprudence, n'était pas imprévisible. Elle est donc
applicable aux fusions-absorptions conclues avant le présent arrêt.

43. Il en résulte qu'en ordonnant un supplément d'information dans le but, notamment, de


déterminer si l'opération avait été entachée de fraude, la cour d'appel n'a pas méconnu le droit
applicable au moment où elle a statué.

44. En conséquence, les moyens doivent être écartés.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

45. Le moyen est pris de la violation des articles 463, 512, 591 à 593 du code de procédure
pénale.

46. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, avant dire droit au fond, ordonné un
supplément d'information et désigné le commandant de la compagnie de gendarmerie de
Versailles pour y procéder, alors « que la juridiction qui ordonne un supplément d'information
doit obligatoirement désigner pour y procéder un des membres qui a prononcé la décision ;
qu'en refusant d'annuler le supplément d'information ordonné par le tribunal correctionnel, qui
avait désigné le commandant de la compagnie de gendarmerie de Versailles pour y procéder au
lieu d'un de ses membres, la cour d'appel a méconnu les règles de compétence d'ordre public et
violé les textes susvisés ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 463 et 512 du code de procédure pénale :

47. Selon ces textes, s'il y a lieu de procéder à un supplément d'information, la cour d'appel
commet, par arrêt, un de ses membres qui dispose des pouvoirs prévus aux articles 151 à 154-
1 du code de procédure pénale. Ce supplément d'information obéit aux règles édictées par les
articles 114 et 119 à 121 du même code.

48. La cour d'appel a confirmé le supplément d'information ordonné par les premiers juges,
ainsi que les dispositions du jugement désignant le commandant de la compagnie de
gendarmerie de Versailles pour y procéder.

49. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de désigner l'un de ses membres pour procéder
au supplément d'information qu'elle ordonnait, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le
principe ci-dessus rappelé.

50. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE

120
Document 22 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –
Dans le cadre d’une opération de fusion ou de scission (Cass. crim., 13 avr. 2022, no 21-
80.653)

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Le 6 novembre 2014, M. [D] a déposé plainte avec constitution de partie civile du chef de
recel d'abus de biens sociaux qui aurait notamment été commis par la société [1] à l'occasion
d'une opération de promotion immobilière s'étant déroulée à compter de 1991.

3. Le 30 novembre 2005, la société [2], alors actionnaire unique de la société [1], avait décidé
de la dissolution par anticipation de cette dernière et la transmission universelle de son
patrimoine à son propre bénéfice.

4. Le 27 mai 2020, le juge d'instruction a ordonné un non-lieu.

5. M. [D] a formé appel de cette décision.

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, confirmant l'ordonnance entreprise, dit n'y
avoir lieu à poursuivre alors « que la société absorbante peut être déclarée coupable et
condamnée à une peine d'amende ou de confiscation pour des faits commis par la société
absorbée ; que si le principe de prévisibilité juridique s'oppose à ce que cette règle soit appliquée
aux fusions antérieures au 25 novembre 2020, réserve est cependant faite des cas de fraude ;
qu'en décidant que la responsabilité pénale de la société [2], absorbante, ne pouvait être
recherchée pour des faits de recel d'abus de biens sociaux commis par la société [1], absorbée,
y compris lorsque la fusion-absorption procédait d'une fraude, les juges du fond ont violé
l'article 121-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

8. Selon le second de ces textes, tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les
motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à
leur absence.

9. Selon le premier, les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement
des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.

10. La Cour de cassation juge (Crim., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-86.955) qu'en cas de
fusion-absorption d'une société par une autre société, la société absorbante peut être condamnée
pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la société absorbée avant
l'opération dans deux hypothèses :

- lorsque l'opération, conclue postérieurement au 25 novembre 2020, entre dans le champ de


l'application de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des

121
sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement
européen et du Conseil du 14 juin 2017. Dans ce cas seule une peine d'amende ou de
confiscation peut être prononcée à l'encontre de la société absorbante ;

- lorsque l'opération, quelle que soit sa date et quelle que soit la nature des sociétés concernées,
a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale et qu'elle
constitue ainsi une fraude à la loi. Dans ce cas, toute peine encourue peut être prononcée.

11. Il s'en déduit que les juridictions d'instruction ne sauraient prononcer une décision de non-
lieu fondée sur la dissolution de la société absorbée contre laquelle elles relèvent des charges
suffisantes d'avoir commis les faits dont elles sont saisies, sans vérifier, soit d'office, soit à la
demande d'une partie qui l'invoque, au besoin en ordonnant un supplément d'information, si les
conditions pour exercer des poursuites à l'encontre de la société absorbante ne sont pas
susceptibles d'être remplies.

12. En l'espèce, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu du juge d'instruction, l'arrêt attaqué
relève que la société [1], qui se serait rendue coupable du recel d'abus de bien social dénoncé à
compter de 1991, a fait l'objet d'une fusion ayant consisté en une dissolution sans liquidation et
un transfert universel de ses actifs et passifs à la société [2] à la date du 5 décembre 2005.

13. Il énonce que l'article 121-1 du code pénal pose le principe selon lequel nul n'est responsable
pénalement que de son propre fait et que selon la jurisprudence alors constante de la Cour de
cassation, ce principe s'opposait à ce que la société absorbante soit poursuivie et condamnée
pour des faits commis par la société absorbée antérieurement à une opération de fusion
absorption, cette société ayant perdu sa personnalité juridique par l'effet de la fusion, de sorte
que l'action publique était éteinte à son encontre.

14. Il précise que cette jurisprudence a été maintenue par la Cour de cassation après un arrêt de
la Cour de justice de l'Union européenne du 5 mars 2015 ayant dit pour droit qu'une fusion par
absorption entraîne la transmission à la société absorbante de l'obligation de payer une amende
infligée après cette fusion pour des infractions commises par la société absorbée avant la fusion.

15. Les juges ajoutent que le Conseil constitutionnel a néanmoins rappelé qu'en dehors de la
matière pénale, le principe de la responsabilité personnelle pouvait faire l'objet d'adaptations,
justifiées par la nature de la sanction et par l'objet qu'elle poursuit, et que la responsabilité de la
personne morale a par ailleurs évolué, même en matière pénale.

16. Ils relèvent que l'appelant demande à la cour de retenir une nouvelle interprétation de la
responsabilité pénale des personnes morales au regard des réalités économiques de la fusion-
absorption et du fait qu'elle peut constituer un moyen pour une société d'échapper aux
conséquences des infractions qu'elle aurait commises.

17. La cour d'appel considère qu'une telle interprétation ne saurait cependant, sans porter
atteinte au principe de prévisibilité juridique garanti par l'article 7 de la convention européenne
des droits de l'homme, s'appliquer à une opération conduite en 1991, suivie d'une fusion-
absorption à une date où seule l'interprétation classique de la responsabilité pénale des
personnes morales pouvait être envisagée par les acteurs et bénéficiaires de cette opération
économique.

122
18. Elle en déduit que la responsabilité pénale de la société [2] ne peut dès lors être recherchée
du fait de recels d'abus de biens sociaux commis par la société [1].

19. En statuant ainsi, sans se prononcer sur l'existence d'une éventuelle fraude à la loi, la cour
d'appel n'a pas justifié sa décision.

20. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE

Document 23 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. com., 7 déc. 2010, no 09-17.169)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2009), que la société Epargne diffusion a
confié à la société d'expertise comptable Phipal, ayant pour associé unique M. X..., la
centralisation et le suivi de sa comptabilité ; que la société Phipal a été dissoute le 1er décembre
1995 et a fait l'objet d'une liquidation le 31 décembre 1995 au profit de l'associé unique, M. X...
; qu'invoquant les dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil, celui-ci a assigné la
société Epargne diffusion le 14 novembre 2004 en paiement d'une certaine somme ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Epargne diffusion fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la fin de non-recevoir
tirée du défaut de qualité à agir de l'associé unique d'une société liquidée, alors, selon le moyen,
que la cour d'appel a constaté que la liquidation de la société Phipal avait été expressément
décidée et réalisée par assemblée générale extraordinaire des 1er et 31 décembre 1995, ce dont
il résultait que M. X..., associé unique, avait délibérément fait le choix de procéder à une
liquidation de la société et de se soumettre par conséquent aux procédures corrélatives,
lesquelles impliquaient l'établissement d'un procès-verbal de liquidation constatant l'existence
des créances détenues et le transfert des droits afférents à l'ancien associé ; qu'en affirmant
néanmoins qu'il y avait eu transmission universelle du patrimoine de la société Phipal à M. X...
sans qu'il y ait eu liquidation et peu important que la créance litigieuse n'ait pas été mentionnée
dans les comptes de la société liquidée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de
ses propres constatations et a violé l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil, qui prévoit que la
dissolution d'une société dont les parts sont réunies en une seule main entraîne la transmission
universelle de son patrimoine à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation, institue une
transmission universelle de droit à l'associé unique qui recueille en ce cas les créances et les
dettes antérieurement nées dans le patrimoine social, la cour d'appel, qui a ainsi fait ressortir
que les opérations de liquidation entreprises étaient sans emport, a fait l'exacte application du
texte suscité ; que le moyen n'est pas fondé ;

(…)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

123
Document 24 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –
Dans le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. com., 2 févr. 2010, no 09-11.938)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 17 décembre 2008), rendu en matière de référé, que
M. X..., salarié de la société Rhône-Isère BTP, licencié par courrier du 13 mars 2004, a saisi le
conseil de prud'hommes d'une demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse ; que le 1er mai 2005, la société Rhône-Isère BTP a été dissoute et son patrimoine
transmis à son associé unique, la société Moulin TP ; qu'un jugement du 19 janvier 2006, devenu
irrévocable, ayant condamné la société Rhône-Isère BTP à payer une certaine somme à M. X...,
celui-ci, invoquant la transmission universelle du patrimoine de la société Rhône-Isère BTP à
la société Moulin TP, a demandé que cette dernière soit condamnée à titre provisionnel à lui
payer cette même somme ;

Attendu que la société Moulin TP fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande alors, selon
le moyen, qu'une créance de dommages-intérêts n'existe que du jour où elle est judiciairement
constatée ; qu'ainsi, en retenant que "la dette existait au jour de la transmission puisque l'action
en justice avait été engagée antérieurement", alors que la créance indemnitaire de M. X...
n'existait que du jour du jugement du conseil de prud'hommes du 19 janvier 2006 condamnant
la société Rhône-Isère BTP à lui verser une somme de 36 000 euros à titre de dommages-intérêts
pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et que ladite société n'avait pu, lors de sa
radiation le 30 avril 2005, transmettre à son associé unique, la société Moulin TP, une dette qui
n'existait pas alors dans son patrimoine, la cour d'appel a violé les articles 1844-5 du code civil
et L. 236-3 du code de commerce ;

Mais attendu que le droit pour la victime d'obtenir réparation du préjudice subi existe dès que
le dommage est causé ; qu'ayant relevé que le licenciement de M. X... était intervenu le 13 mars
2004 et que la société Rhône-Isère BTP avait été dissoute le 1er mai 2005, ce dont elle a
exactement déduit que si la créance de M. X... n'avait été reconnue que le 19 janvier 2006, le
fait générateur de cette créance était antérieur à la dissolution de la société Rhône-Isère BTP,
c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'obligation en résultant avait été incluse dans
le passif transmis à la société Moulin TP ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 25 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. 3e civ., 9 avr. 2014, no 13-11.640)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 octobre 2012), que la société Fineximmo,
aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière France d'Outremer (la SCI), a
donné à bail un local à usage commercial à compter du 1er janvier 1994 à la société Technologie
de santé Côte d'Azur ; que la société Bastide, venant aux droits de celle-ci, a demandé le
renouvellement du bail le 23 janvier 2003 ; qu'en 2006 la SCI a assigné la locataire en résiliation
du bail ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de rejeter cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une société à responsabilité limitée pouvant légalement demeurer unipersonnelle, la


réunion de toutes les parts d'une telle entité entre les mains d'un associé unique ne saurait
justifier sa dissolution et le transfert par ce biais, sans l'autorisation du bailleur, du bail dont elle
est titulaire au profit de l'associé unique ; qu'il est ici constant et attesté par l'ensemble des pièces

124
de la procédure (cf. le jugement entrepris, les conclusions échangées par chacune des parties,
ensemble le contrat de bail litigieux) que la société de Technologie de santé Côte-d'Azur était
exploitée sous la forme d'une société à responsabilité limitée ; qu'en considérant néanmoins que
la décision de dissolution prise par son assemblée générale, à la date du 6 février 1995, ensemble
le transfert universel du patrimoine de cette entité, comprenant le droit au bail, au profit de la
société La Bastide, constituaient une conséquence logique et nécessaire de la circonstance que
cette entité était devenue unipersonnelle, la cour d'appel viole les articles 1134, 1717 et 1844-5
du code civil, l'article L. 223-4 du code de commerce, ensemble l'article 12 du code de
procédure civile ;

2°/ qu'en l'absence de toute disposition spéciale contraire applicable en pareille hypothèse et
dérogeant au principe de la liberté contractuelle, la dévolution à l'associé unique d'une société
dissoute de tous les biens et droits de celle-ci, en ce compris le droit à un bail commercial,
emporte cession de ce bail et se trouve donc soumise à l'autorisation préalable, expresse et écrite
du bailleur, lorsque, comme en l'espèce, cette autorisation est requise par le contrat de bail ;
qu'en décidant le contraire, la cour d'appel viole, par refus d'application, les articles 1134 et
1717 du code civil, ensemble l'article 1844-5, alinéa 3, du même code ;

3°/ que la transmission universelle de patrimoine de la société dissoute à l'associé unique


n'opère de toute façon qu'à l'issue d'un délai d'opposition de trente jours, qui court à compter de
la publication de la dissolution ; qu'en considérant que la transmission universelle du patrimoine
de la société unipersonnelle dissoute au profit de son unique associé constituait une
conséquence automatique de la dissolution, la cour d'appel, qui ne s'est pas assurée de la
publication de la décision de dissolution de la société de Technologie de santé Côte-d'Azur et
donc de l'effectivité de cette transmission universelle, méconnaît en tout état de cause les
dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'assemblée générale de la société Bastide-le confort médical,
devenue l'unique associé de la société de Technologie de santé Côte d'Azur, avait décidé la
dissolution de celle-ci et que cette dissolution avait entraîné la transmission universelle du
patrimoine de la société dissoute, incluant le droit au bail dont elle était titulaire, à l' associé
unique qui s'était substitué à elle dans tous les biens, droits et obligations , la cour d'appel, qui
n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a exactement
déduit qu'il ne s'agissait pas d'une cession de bail et que l'autorisation du bailleur prévue à cette
fin n'était pas requise ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 26 : Les effets à l’égard des tiers – La transmission universelle du patrimoine –


Dans le cadre d’une société devenue unipersonnelle (Cass. com., 20 sept. 2011, no 10-15.068)

Vu l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil, ensemble les articles L. 123-9, R. 210-14 et R. 123-
66 du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 26 novembre 2008, tandis qu'une enquête avait été
ordonnée par le président du tribunal de commerce sur le fondement des articles L. 621-1 et
L.641-1-I du code de commerce à l'égard de la société FC Control, l'associé unique de celle-ci
a cédé ses parts à la société de droit allemand RM 2845 Vermögenverwaltung GMBH qui, le

125
même jour, a décidé de dissoudre la société FC Control ; que l'Union de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris (l'URSSAF), qui détenait une
créance sur la société FC Control, a fait assigner cette dernière le 9 janvier 2009 aux fins
d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire ; que la société RM 2845
Vermögenverwaltung GMBH, venant aux droits de la société FC Control, est intervenue
volontairement à l'instance ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande de l'URSSAF aux fins d'ouverture d'une
procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société FC Control, l'arrêt retient que la
dissolution de la société FC Control a fait l'objet d'une publication dans un journal d'annonces
légales le 1er décembre 2008 et qu'en l'absence d'opposition de créanciers à l'issue du délai de
30 jours, la transmission universelle de son patrimoine a été réalisée à l'issue de ce délai ; qu'il
en déduit que l'assignation délivrée le 9 janvier 2009 par l'URSSAF à la société FC Control,
dépourvue de personnalité juridique, est irrecevable ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la disparition de la personnalité juridique d'une société
n'est rendue opposable aux tiers que par la publication au registre du commerce et des sociétés
des actes ou événements l'ayant entraînée, même si ceux-ci ont fait l'objet d'une autre publicité
légale, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

126
Leçon no 6 : Les associés

I. Définitions et principes

En contrepartie de leurs apports, les associés reçoivent des actions ou parts sociales dont
la détention leur confère un certain nombre de droits tant extrapatrimoniaux que
patrimoniaux et d’obligations tant extrapatrimoniales que patrimoniales.

Les droits extrapatrimoniaux sont :


- Le droit d’être, c’est-à-dire le droit de demeurer associé ;
- Le droit de savoir, c’est-à-dire le droit à l’information et,
- Le droit d’agir, c’est-à-dire le droit de participer à la vie sociale.

Les droits patrimoniaux sont :


- Le droit au bénéfice ;
- Le droit préférentiel de souscription et,
- Le droit à la reprise des apports et au boni de liquidation.

Les obligations extrapatrimoniales sont relatives à la question de l’abus de majorité et de


l’abus de minorité.

Les obligations patrimoniales sont :


- L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence ;
- L’obligation de libérer les apports en numéraire ;
- L’obligation aux dettes sociales ;
- L’obligation d’exercer normalement les prérogatives d’associé et,
- L’obligation de non-immixtion dans la gestion de la société.

II. Documents
A. Les droits des associés
Document 1 : Le principe – Le droit d’être associé (Cass. com., 12 mars 1996, no 93-17.813,
SNC Nollet).
Document 2 : Les exceptions – Les exclusions légales ou statutaires (Cass. com., 29 avr. 1997,
no 95-15.220, Sogenal).
Document 3 : Les exceptions – Les exclusions légales ou statutaires (Cass. com., 29 sept. 2015,
no 14-17.343).
Document 4 : Le droit à l’intangibilité des engagements (Cass. com., 13 nov. 2003, no 00-
20.646).
Document 5 : Le droit de céder les droits sociaux (Cass. com., 17 juin 2008, no 06-15.045).
Document 6 : Le droit de savoir (Cass. com., 3 mars 2021, no 19-10.086).
Document 7 : Le droit d’accéder à l’assemblée générale (Cass. com., 9 févr. 1999, no 96-
17.661, Château d’Yquem).
Document 8 : L’attribution du droit de vote – En cas d’indivision sur les droits sociaux (Cass.
com., 21 janv. 2014, no 13-10.151).
Document 9 : L’attribution du droit de vote – En cas d’indivision sur les droits sociaux (Cass.
1re civ., 15 déc. 2010, no 09-10.140).

127
Document 10 : L’attribution du droit de vote – En cas de démembrement de propriété (Cass.
com., 4 janv. 1994, no 91-20.256, De gaste).
Document 11 : L’aménagement du droit de vote – La convention de vote (Cass. com., 19 déc.
1983, no 82-12.179, Rivoire et Carret Lustucru).
Document 12 : L’exercice du droit de vote – Les assemblées d’associés (Cass. com., 13 janv.
2021, no 18-24.853).
Document 13 : L’exercice du droit de vote – Les assemblées d’associés (Cass. 3e civ., 5 janv.
2022, no 20-17.428).
Document 14 : L’exercice du droit de vote – Les assemblées d’associés (Cass. 3e civ., 8 juill.
2015, no 13-27.248).
Document 15 : La nullité des délibérations sociales (Cass. com., 15 mars 2017, no 15-50.021).
Document 16 : La nullité des délibérations sociales (Cass. 1re civ., 3 févr. 2021, no 16-19.691).
Document 17 : La nullité des délibérations sociales (Cass. com., 18 mai 2010, no 09-14.855,
SAS Larzul).
Document 18 : La nullité des délibérations sociales (Cass. com., 28 mars 2006, no 02-13.852).

B. Les obligations des associés


Document 19 : L’abus de majorité (Cass. com., 14 oct. 2020, no 18-24.732).
Document 20 : L’abus de majorité (Cass. com., 18 avr. 1961, no 59-11.394).
Document 21 : L’abus de majorité (Cass. com., 13 janv. 2021, no 18-21.860).
Document 22 : L’abus de majorité (Cass. com., 8 févr. 2011, no 10-11.788).
Document 23 : L’abus de minorité (Cass. com., 15 juill. 1992, no 90-17.216, Six).
Document 24 : L’abus de minorité (Cass. com., 9 juin 2021, no 19-17.161).
Document 25 : L’abus de minorité (Cass. com., 9 mars 1993, no 91-14.685, Flandin).
Document 26 : L’abus de minorité (Cass. com., 20 mars 2007, no 05-19.225).
Document 27 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 15 nov.
2011, no 10-15.049, SARL Clos du Baty).
Document 28 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 10 sept.
2013, no 12-23.888).
Document 29 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 27 févr.
1996, no 94-11.241, Vilgrain).
Document 30 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 26 mars
1996, no 93-21.250).
Document 31 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 20 sept.
2016, no 15-13.263).
Document 32 : L’obligation de libérer les apports en numéraire (Cass. 3e civ., 17 janv. 2019,
no 17-22.070).
Document 33 : L’obligation d’exercer normalement les prérogatives d’associé (Cass. com., 18
févr. 2014, no 12-29.752, SAS Macris c/ITM).
Document 34 : L’obligation de non-immixtion dans la gestion de la société (Cass. 3e civ., 12
déc. 2019, no 18-23.223).
Document 35 : L’obligation de non-immixtion dans la gestion de la société (Cass. com., 25
janv. 1994, no 91-20.007).

III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 6 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

128
Documents

Les droits des associés


Document 1 : Le principe – Le droit d’être associé (Cass. com., 12 mars 1996, no 93-17.813,
SNC Nollet)

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 25 mars 1993), que M. A... a assigné en
dissolution pour justes motifs la société en nom collectif Z... et Cie, Impression Location
Service (la société), qu'il avait constituée avec MM. Z... et X... ; qu'à titre principal ces derniers
ont prétendu la demande irrecevable ou non fondée et, subsidiairement, ont proposé le rachat ;

Attendu que la société, M. Z... et M. X... reprochent encore à l'arrêt d'avoir, confirmant le
jugement entrepris, prononcé la dissolution anticipée de la société et désigné M. Y... en qualité
de liquidateur alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en dehors de l'obligation de transmission
préalable à la tenue de l'assemblée générale, le gérant d'une société en nom collectif n'est pas
tenu de transmettre à chacun des associés les documents comptables de la société, sauf à ces
derniers à lui en faire la demande ; qu'en l'espèce, il ressortait des termes clairs et précis des
procès-verbaux des assemblées générales du 28 avril 1989 et du 29 juin 1990 que préalablement
à la réunion de ces assemblées les comptes avaient été transmis aux associés, lesquels les
avaient approuvés à l'unanimité et donné quitus au gérant ; qu'en déduisant que M. A... avait
été privé de ses droits de demander des comptes de la seule et unique constatation qu'il avait
été contraint de demander en cours d'instance communication des documents comptables de la
société sans faire état du moindre élément de preuve d'où il serait résulté qu'avant qu'une
procédure n'oppose les parties M. Z... aurait refusé de communiquer ces comptes aux associés
qui lui avaient fait la demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de
l'article 1844-7 du Code civil, alors, d'autre part, que M. A... reconnaissait lui-même dans ses
écritures avoir reçu pour l'exercice de 1989 la somme de 1 480 383 francs à titre de participation
au bénéfice ; qu'en affirmant qu'à compter de cet exercice il n'avait reçu aucune somme au titre
des bénéfices lui revenant, la cour d'appel a méconnu l'objet et les limites du litige dont elle
était saisie et violé les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre,
qu'en déduisant l'atteinte aux droits de M. A... de la seule circonstance qu'à partir de 1989, il
n'avait reçu aucune somme au titre des bénéfices lui revenant, sans contester que la société avait
distribué des bénéfices aux autres associés au titre des exercices correspondants, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-7 du Code civil, alors, au surplus,
qu'en laissant sans réponse le moyen de leurs écritures qui faisaient valoir que M. A... était lui-
même débiteur d'un trop-perçu de 1 802 349,60 francs à titre d'avances sur bénéfice qu'il s'était
fait octroyer au cours des exercices antérieurs, ce qui justifiait qu'il ne puisse prétendre au
versement d'aucun bénéfice supplémentaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau
Code de procédure civile ; alors, encore, que la mésentente entre associés ne peut jamais être
invoquée comme motif de dissolution par celui qui en est à l'origine ; qu'en l'espèce, ils faisaient
valoir que la mésentente apparue à compter de l'année 1989 avait pour origine exclusive le
comportement abusif et frauduleux de M. A... qui s'était rendu coupable d'escroquerie, de
concurrence déloyale et avait accumulé un solde débiteur à l'égard de ses associés d'un montant
qui atteignait 1 802 349 francs en 1991 ; qu'en se bornant à constater qu'une grave mésentente
opposait les associés depuis 1989 et paralysait le fonctionnement de la société, sans aucunement
s'expliquer sur l'origine de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1844-7 du Code civil et alors, enfin, qu'en statuant au seul " vu des griefs associés

129
les uns contre les autres ", sans procéder au moindre examen de ces griefs et de leur gravité
respective, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif et violé l'article 455 du
nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé tant par motifs propres qu'adoptés, d'un côté, qu'il résultait des
pièces versées aux débats, des accusations réciproques des parties, des procédures en cours qui
les opposent, qu'il existait entre les associés une mésentente sérieuse incompatible avec la
gestion de la société concernée dans les conditions prévues par les statuts qui, en leur article 20,
prévoyaient que les décisions collectives hormis celles relatives à la révocation du gérant
doivent être prise à l'unanimité des associés, qu'il s'ensuivait que cette dissension existant depuis
3 ans paralysait le fonctionnement de la société et, d'un autre côté, que M. Z... ne rapportait pas
la preuve que M. A... était à l'origine de cette mésentente, la cour d'appel, qui n'était pas tenue
de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et n'a pas méconnu les termes du litige,
a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que la société, M. Z... et M. X... font enfin le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi,
que les associés d'une société disposent en tout état de cause de la faculté de s'opposer à une
demande de dissolution en proposant le rachat de ses parts à l'associé mécontent ; que le refus
par le juge d'autoriser ce rachat ne peut être fondé que sur l'intérêt social ; qu'en refusant ce
rachat au motif que M. A..., qui disposait de 75 % des parts avait un rôle " prépondérant " dans
la société, circonstance qui n'excluait pas la poursuite de son objet par les autres associés dans
des conditions conformes à l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard de l'article 1832 du Code civil ;

Mais attendu qu'aucune disposition légale ne donne pouvoir à la juridiction saisie d'obliger
l'associé qui demande la dissolution de la société par application de l'article 1844-7.5o du Code
civil à céder ses parts à cette dernière et aux autres associés qui offrent de les racheter, que par
ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué, la décision déférée se trouve légalement justifiée
; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 2 : Les exceptions – Les exclusions légales ou statutaires (Cass. com., 29 avr.
1997, no 95-15.220, Sogenal)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 mai 1995), que la Société générale a déposé un projet
d'offre publique d'achat simplifiée de la totalité des actions de la Société générale alsacienne de
banque (la société Sogenal), en précisant que, si elle détenait au moins 95 % du capital à l'issue
de l'opération, elle déposerait, immédiatement, un projet d'offre publique de retrait suivi d'un
retrait obligatoire ; que la Société générale a demandé à un cabinet d'experts, désigné avec
l'accord du Conseil des bourses de valeurs (le CBV), de donner son appréciation sur l'évaluation
des actions de Sogenal et que les experts ont estimé équitable un prix de 185 francs ; que le
CBV a déclaré recevable le projet d'offre publique simplifiée d'achat en indiquant que, sous
réserve de l'intervention d'éléments nouveaux, le prix fixé constituerait une référence acceptable
pour l'examen de l'offre publique de retrait suivie du retrait obligatoire de ces titres ; qu'à l'issue
de l'offre publique d'achat, la Société générale détenait 98,5 % des actions de la société Sogenal
; que, le 17 janvier 1995, le CBV a déclaré recevable et ouverte, du 24 janvier au 6 février 1995,
l'offre publique de retrait obligatoire suivie d'un retrait obligatoire des actions de la société

130
Sogenal par la Société générale ; que l'Association de défense des actionnaires minoritaires
(ADAM) et neuf actionnaires de la société Sogenal ont saisi la cour d'appel de Paris d'un recours
en annulation de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'association ADAM, MM. Y..., Vautier, Brûlé, la Société civile parisienne
d'enseignement, MM. X..., de Haynin, Delobel et Simon reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir
rejeté leur demande, alors, selon le pourvoi, que le lien d'interdépendance qui existe entre l'offre
publique de retrait créée par la loi du 2 août 1989 et le retrait obligatoire créé par la loi du 31
décembre 1993 ne saurait effacer la différence totale de nature juridique entre les deux
opérations, la première étant fondamentalement une opération de bourse portant sur un titre
négociable et impliquant par conséquent la conclusion volontaire d'un contrat de cession de titre
sur une offre de prix qui doit être " acceptable " par les destinataires de cette offre, tandis que
la seconde est une opération d'expropriation autorisée par la loi mais qui demeure un transfert
forcé de propriété moyennant fixation d'une indemnité par les autorités compétentes ; que
l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988, dans sa rédaction issue des deux lois susvisées,
n'impose au CBV aucun critère de fixation du prix des titres lors de l'offre publique de retrait
qui demeure une opération contrôlée du marché libre, mais que ce texte législatif, auquel la
norme réglementaire ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de déroger, exige, en pleine
conformité avec le principe de juste indemnisation posé par l'article 545 du Code civil pour tout
cas d'expropriation forcée, que le CBV procède spécialement à la fixation de l'indemnité de
retrait obligatoire en tenant compte de plusieurs critères mais en tout cas selon des méthodes
objectives pratiquées en cas de cession d'actif, et il prévoit en outre, parce que les critères à
retenir ne sont pas les mêmes pour le prix de retrait offert et pour l'indemnité de retrait
obligatoire, que si l'évaluation de la seconde est inférieure au premier, le porteur évincé devra
recevoir une indemnité égale au prix de retrait ; qu'il résulte de ce texte, violé par l'arrêt attaqué
qui n'en a fait qu'une lecture tronquée, que la décision du CBV déférée à la cour d'appel de Paris
est entachée de nullité pour avoir procédé à une estimation unique de la valeur des titres
Sogenal, tant pour l'offre publique de retrait que pour l'opération suivante de retrait obligatoire,
et ce, par application des méthodes multicritères prévues par son règlement en matière de
contrôle du prix de retrait offert, au lieu de procéder à l'évaluation distincte et à la fixation
conforme à la loi de l'indemnité de retrait obligatoire, quitte ensuite à faire application du prix
offert dans la seule hypothèse où il aurait été supérieur à l'indemnité évaluée conformément aux
dispositions légales qui régissent cette évaluation ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que les actionnaires minoritaires dont les titres font l'objet d'un
retrait doivent recevoir une indemnité équitable, évaluée selon les modalités fixées par les textes
en vigueur, et qu'aux termes de l'article 6 bis-4, de la loi du 22 janvier 1988, modifiée, applicable
en la cause : " l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas
de cession d'actif, tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des
actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence des filiales et des perspectives
d'avenir. Cette indemnité est égale au montant le plus élevé entre le prix proposé lors de l'offre
ou la demande de retrait et l'évaluation précitée ", l'arrêt retient qu'en l'absence d'élément
nouveau entre l'offre de retrait et le retrait obligatoire, une même valeur, déterminée par
application de la méthode multicritères, a pu être retenue, pour le prix offert dans la première
procédure et l'indemnité fixée dans la seconde ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait une
exacte application du texte susvisé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

131
Attendu que l'association ADAM, MM. Y..., Vautier, Brûlé, la Société civile parisienne
d'enseignement, MM. X..., de Haynin, Delobel et Simon reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir
rejeté leur demande, alors, selon le pourvoi, que le retrait obligatoire ne présente pas pour
l'actionnaire minoritaire à qui il est imposé le caractère d'une cession d'un titre négociable, mais
constitue un processus d'exclusion du pacte social, qui se trouve rompu afin de réunir les titres
d'une même société cible entre les mêmes mains, que l'indemnité compensatrice de cette rupture
du pacte social ne peut donc se mesurer à l'aune de la valeur boursière des titres retirés, même
avec application de paramètres multicritères, puisque l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988
exige que l'indemnité soit évaluée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession
d'actif " afin d'assurer l'égalité des actionnaires " ; que cette disposition légale, que l'arrêt refuse
d'appliquer pour favoriser l'application par le CBV d'autres méthodes d'évaluation aboutissant
à retenir une estimation sensiblement inférieure à celle déterminée par l'expert comme
correspondant à la valeur d'actif net par action, marque la volonté du législateur d'assurer aux
porteurs exclus la plénitude de leurs droits résultant notamment de l'article 1832 du Code civil
face à l'initiateur du retrait qui, devenu unique actionnaire, pourra, sans frais fiscaux, procéder
à une fusion-absorption simplifiée (article 378-1 de la loi du 24 juillet 1966) et recevoir dans
son patrimoine la totalité de l'actif net dont les actionnaires minoritaires se trouvent évincés en
violation de l'article 6 bis susvisé de la loi du 22 janvier 1988 ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que le texte visé au pourvoi impose, non pas que l'indemnité
due aux minoritaires évincés par un retrait obligatoire soit égale à la valeur d'actif net de la
société par action, mais que cette indemnité soit évaluée selon les méthodes objectives
pratiquées en cas de cession d'actif et en tenant compte, selon une pondération appropriée à
chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence
de filiales et des perspectives d'activité, l'arrêt retient la pertinence des éléments pris en compte
et de l'importance respective qui leur a été donnée au regard des particularités de l'espèce ; qu'en
statuant, après s'être livrée à ce contrôle, la cour d'appel a fait une exacte application du texte
susvisé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'association ADAM, MM. Y..., Vautier, Brûlé, la Société civile parisienne
d'enseignement, MM. X..., de Haynin, Delobel et Simon reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir
rejeté leur demande, alors, selon le pourvoi, que l'article 1er du premier protocole additionnel à
la Convention européenne des droits de l'homme, dont l'autorité est supérieure à celle de la loi
interne, pose la règle générale que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses
biens, que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans des
conditions conformes à la loi et aux principes généraux du droit international, enfin, ajoute que
les Etats possèdent le droit de mettre en vigueur les lois nécessaires pour réglementer l'usage
des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts et des
amendes ; que ces dernières dispositions, qui n'autorisent que des limitations du droit de
propriété, sont inapplicables en l'espèce visée par le premier alinéa du texte puisque la loi
autorise une expropriation pour cause d'utilité privée ; que si l'utilité publique prévue par la
Convention ne coïncide pas nécessairement avec le concept de droit interne d'expropriation
pour cause d'utilité publique, le CBV et la cour d'appel se devaient néanmoins de constater en
l'espèce, au regard des critères dégagés par la jurisprudence de la Commission et de la Cour
européenne des droits de l'homme, l'existence d'une cause d'utilité publique qui n'est nullement
caractérisée dans le cas de retrait obligatoire prévu par l'article 6 bis de la loi du 22 janvier 1988,
c'est-à-dire dans le cas où les actionnaires majoritaires détenant déjà plus de 95 % des actions
et des droits de vote et disposant de pouvoirs de direction, de contrôle et de décision sur la

132
société suffisamment complets, se voient accorder un droit discrétionnaire d'introduire une
procédure d'expropriation à leur profit des actionnaires minoritaires ;

Mais attendu que l'arrêt relève que l'obligation faite aux actionnaires minoritaires de céder leurs
actions au groupe majoritaire découle d'un article de la loi sur les marchés financiers réglant les
rapports entre actionnaires de sociétés dont les titres sont cotés sur un marché réglementé et en
déduit que le transfert de propriété, opéré moyennant un prix en rapport avec la valeur du bien,
dans un cadre légitime d'ordre social et économique, répond à l'utilité publique quand bien
même la collectivité dans son ensemble ne se servirait ou ne profiterait pas par elle-même du
bien transféré ; qu'ayant constaté que le transfert de propriété avait lieu dans les conditions
définies par la loi, pour satisfaire à des fins d'intérêt général qu'il lui appartient d'apprécier, et
qui assurent l'indemnisation effective des actionnaires obligés de céder leurs titres, la cour
d'appel a décidé, à bon droit, que ce retrait obligatoire n'était pas contraire aux obligations
découlant de la Convention susvisée ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 3 : Les exceptions – Les exclusions légales ou statutaires (Cass. com., 29 sept.
2015, no 14-17.343)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 janvier 2014), que M. X..., qui a été salarié de la
société Socotec jusqu'à son départ à la retraite en 2006, détenait des actions de cette société ;
que le 14 juin 2006, la société Socotec lui a rappelé les stipulations de l'article 15- I des statuts
selon lesquelles tout actionnaire qui cesse d'être salarié perd dès ce moment sa qualité
d'actionnaire, et lui a demandé s'il souhaitait conserver sa qualité d'actionnaire après la cessation
de son activité professionnelle, sous réserve de l'autorisation du conseil d'administration ; que
M. X... ayant fait part de son souhait de demeurer actionnaire, le conseil d'administration de la
société Socotec a, lors de sa délibération du 19 octobre 2006, rejeté sa demande ; que la société
Socotec, après avoir vainement invité M. X... à signer les ordres de transfert de ses actions, l'a
informé que les fonds correspondant à la valeur de ses titres avaient été virés sur son compte ;
que soutenant avoir fait l'objet d'une mesure d'exclusion illégale et discriminatoire, M. X... a
assigné la société Socotec en réparation de son préjudice ; que devant la cour d'appel, il a
demandé, à titre principal, l'annulation de la délibération du conseil d'administration, le
rétablissement dans ses droits ainsi que la restitution de ses titres et, à titre subsidiaire, la
désignation d'un expert afin que soient évalués ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite sa demande
d'annulation de la décision du conseil d'administration alors, selon le moyen, que la prescription
d'une action commence à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître
les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en décidant que c'est « la date de la délibération qui
correspond à la date à laquelle la nullité alléguée serait encourue », sans rechercher, comme
elle y était pourtant invitée, si à cette date M. X... était seulement en mesure de connaître le
contenu de la décision visée-le procès-verbal ne lui en ayant jamais été communiqué-et la
volonté de rétorsion ayant conduit à son éviction, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l'article L. 235-9 du code de commerce ;

Mais attendu que contrairement à ce qui est allégué, M. X... n'a pas soutenu dans ses conclusions
devant la cour d'appel que le procès-verbal de la délibération du conseil d'administration ne lui

133
avait jamais été communiqué et qu'il n'avait pas été en mesure de connaître le contenu de cette
délibération ; que le moyen manque en fait ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en rétablissement de ses droits et
restitution de ses titres ainsi qu'en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses statutaires d'exclusion sont une exception au droit de demeurer associé,
corollaire du droit de propriété, dont la validité doit être expressément prévue par la loi ;
qu'aucune disposition n'autorise l'existence de telles clauses s'agissant des sociétés anonymes ;
qu'en retenant que « M. X... a perdu sa qualité d'actionnaire lorsqu'il a cessé d'être salarié de la
société lors de son départ à la retraite, conformément à l'article 15- I des statuts ; qu'il n'a pas
fait l'objet d'une mesure d'exclusion », la cour d'appel a violé l'article 1832 du code civil,
ensemble l'article 545 du même code et l'article 1er du premier protocole additionnel à la
Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que l'exclusion d'un associé ne saurait dégénérer en abus de droit et qu'il appartient aux
tribunaux, quand ils en sont saisis, de vérifier que l'exclusion n'est pas abusive ; qu'en relevant
uniquement que « M. X... a perdu sa qualité d'actionnaire lorsqu'il a cessé d'être salarié de la
société lors de son départ à la retraite, conformément à l'article 15- I des statuts ; qu'il n'a pas
fait l'objet d'une mesure d'exclusion », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si
la décision du conseil d'administration-investi par les statuts du pouvoir discrétionnaire
d'autoriser un ex-salarié à conserver sa qualité d'associé, c'est-à-dire indirectement d'exclure
ceux auxquels l'autorisation a été refusée n'avait pas été abusive, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 1832 du code civil ;

3°/ que la liberté d'agir en justice est un droit fondamental et qu'un salarié ne doit pas pouvoir
être inquiété pour avoir cherché à défendre ses droits en justice ; qu'en se contentant de relever
que « M. X... a perdu sa qualité d'actionnaire lorsqu'il a cessé d'être salarié de la société lors de
son départ à la retraite, conformément à l'article 15- I des statuts ; qu'il n'a pas fait l'objet d'une
mesure d'exclusion telle que celle prévue à l'article 15- III, ni d'une sanction », mentionnant
également le fait que le président du conseil d'administration avait rappelé l'action prud'homale
de l'exposant lors de la réunion du 19 octobre 2006, sans rechercher, comme elle l'y était
pourtant invitée, si le refus de maintenir la qualité d'actionnaire de l'ancien salarié c'est-à-dire
indirectement son exclusion n'était pas fondé sur la volonté de l'organe délibératif de prendre à
son égard une mesure de rétorsion au motif qu'il avait intenté une telle action en justice contre
Socotec, cette dernière admettant d'ailleurs expressément que « le conseil d'administration était
parfaitement fondé, en opportunité, à estimer que M. X..., qui avait manifesté une animosité
certaine et injustifiée à l'égard de la société en l'attrayant devant une juridiction prud'homale,
ne pouvait bénéficier de l'exception de l'article 15. I alinéa 6 soit le maintien de sa qualité
d'actionnaire après son départ à la retraite », la cour d'appel a privé sa décision de base légale
au regard de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que, s'agissant de
l'exclusion d'un associé, celui-ci doit avoir eu la possibilité de s'expliquer contradictoirement
sur la mesure qui lui est imposée ; que M. X... faisait valoir dans ses conclusions que « la cour
ne pourra qu'apprécier l'absence de droit de la défense pour le salarié actionnaire puisque ni
l'alinéa susvisé article 15- III, alinéa 1er des statuts, ni d'ailleurs l'article 15 des statuts de la

134
société Socotec relatif à l'admission, le retrait ou l'exclusion d'un actionnaire ne donne un droit
de défense, de réponse, d'expression ou d'information ou de vote sur sa propre exclusion » ;
qu'en relevant uniquement que « M. X... a perdu sa qualité d'actionnaire lorsqu'il a cessé d'être
salarié de la société lors de son départ à la retraite, conformément à l'article 15- I des statuts ;
qu'il n'a pas fait l'objet d'une mesure d'exclusion telle que celle prévue à l'article 15- III, ni d'une
sanction », sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code
de procédure civile ;

5°/ que le caractère absolu du droit de propriété conduit à ce que, dans l'hypothèse d'une
contestation à son propos, seule une juridiction judiciaire soit en mesure d'ordonner la cession
forcée des biens litigieux ; qu'en l'espèce, la société Socotec a purement et simplement procédé
de sa propre initiative à une vente forcée des titres de M. X..., nonobstant le fait qu'il ait refusé
de signer l'ordre de transfert du fait d'une contestation relative à la validité d'une clause des
statuts et à sa mise en œuvre ; qu'en relevant néanmoins que le conseil d'administration « a
décidé, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation en pure opportunité, de ne pas autoriser
M. X... à conserver sa qualité d'actionnaire après son départ de la société, de sorte qu'il a été,
par la suite, procédé à la cession de ses actions, selon les modalités prévues par les articles 15-
IV et 34 des statuts, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil, ensemble l'article 1er du
premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté qu'il résulte de l'article 15- I des statuts
de la société Socotec que tout actionnaire qui cesse d'être salarié de celle-ci perd dès ce moment
sa qualité d'actionnaire, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. X... ne pouvait
ignorer la précarité de sa qualité d'actionnaire et avait, en conséquence, accepté le principe de
son éviction à son départ de la société ; qu'il retient encore que cette éviction, qui présente un
caractère automatique, ne peut être confondue avec la clause d'exclusion telle qu'elle est prévue
à l'article 15- III, et qu'en devenant actionnaire de la société Socotec, M. X... s'est engagé à
respecter la règle selon laquelle la propriété des actions de cette société est indissociable de la
qualité de salarié ; qu'il ajoute que les statuts ne confèrent au conseil d'administration aucun
pouvoir discrétionnaire d'exclusion, mais seulement la faculté d'autoriser, s'il le juge opportun,
un salarié actionnaire à demeurer actionnaire lorsqu'il quitte la société ; que de ces constatations
et appréciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que M. X... avait, en application d'une
clause statutaire licite, perdu sa qualité d'actionnaire par suite de la perte de la qualité de salarié;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que M. X... n'avait fait l'objet ni d'une mesure
d'exclusion telle que définie à l'article 15- III des statuts, ni d'une sanction, la cour d'appel n'avait
pas à effectuer les recherches invoquées par les deuxième et troisième branches, ni à répondre
aux conclusions inopérantes visées à la quatrième branche ;

Et attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel, qui a constaté que la cession des actions de
M. X... avait été mise en œuvre, conformément aux statuts, à la suite de la perte par ce dernier
de sa qualité d'actionnaire, n'a méconnu aucun des textes invoqués par la dernière branche ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt du rejet de sa demande fondée sur l'article 1843-
4 du code civil alors, selon le moyen :

135
1°/ que le droit de chaque associé contraint de procéder à la vente de ses titres de solliciter
l'intervention d'un expert pour en déterminer la valeur est d'ordre public, l'existence d'une clause
d'évaluation statutaire ne pouvant y faire échec ; qu'en considérant par motifs adoptés que c'est
le prix tel que fixé par l'assemblée générale qui avait vocation à s'appliquer lors de la cession
des titres de M. X..., déclarant ainsi valable l'article 34 des statuts de la société, la cour d'appel
a violé l'article 1843-4 du code civil ;

2°/ que tout associé contraint de céder ses titres a le droit de solliciter l'intervention d'un expert
pour en fixer le prix ; que, dans l'hypothèse d'une cession forcée, réalisée unilatéralement, sans
l'accord du propriétaire qui était donc dans l'incapacité matérielle de contester le prix retenu,
cette intervention ne peut qu'intervenir postérieurement au transfert de propriété ; qu'en l'espèce,
la contestation de la valeur des actions de M. X..., déterminée arbitrairement par la société qui
a vendu ses titres sans son accord, était la principale raison d'être de son action en justice ; qu'en
lui refusant de solliciter le président du tribunal aux fins de désignation d'un expert, motif pris
que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil « n'ont vocation à s'appliquer qu'en cas de
contestation entre les parties sur le prix de cession des titres de l'associé et ont pour finalité la
détermination de la valeur des droits cédés et non la détermination d'éventuels préjudices
allégués par l'associé », la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant, par des motifs non critiqués, exactement retenu qu'il
résulte de l'article 1843-4 du code civil que le pouvoir de désigner un expert chargé de
l'évaluation des droits cédés appartient au seul président du tribunal statuant en la forme des
référés et sans recours possible, la décision se trouve justifiée ; le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 4 : Le droit à l’intangibilité des engagements (Cass. com., 13 nov. 2003, no 00-
20.646)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 juin 2000), qu'en 1993, des praticiens des
cliniques Cimiez, Saint-Laurent-du-Var et du Belvédère ont signé un pacte d'actionnaires en
vue de regrouper leurs participations dans ces cliniques au sein d'une société civile de
participations, dite SCPP ; que, par un avenant à ce pacte en date du 26 décembre 1994, le
docteur X... a pris l'engagement d'apporter à la SCPP ses actions de la clinique Cimiez, sous
réserve que la SCPP s'oblige à acquérir au jour de sa levée d'option les parts qu'il détiendrait en
contrepartie dans cette dernière ; qu'une assemblée générale extraordinaire des associés de la
SCPP, tenue le même jour, a ratifié le texte de cet avenant, à l'unanimité des voix présentes ou
représentées ; que le tribunal de grande instance de Nice, saisi en 1997 par M. Y... d'une
demande en annulation de cette résolution de l'assemblée générale extraordinaire, a, après avoir
constaté que celui-ci était représenté lors de cette assemblée, déclaré son action irrecevable, au
motif qu'il ne justifiait pas d'un intérêt légitime à agir en annulation d'une résolution pour
laquelle il avait voté ; que M. Y... a fait appel de cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé le jugement et annulé la résolution
litigieuse, alors, selon le moyen, qu'en vertu de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile,
l'action n'est ouverte qu'à celui qui a un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ;
qu'ainsi, en se bornant, pour admettre l'intérêt de M. Y... à demander l'annulation d'une
résolution en faveur de laquelle il avait voté, à se référer au caractère d'ordre public de la

136
disposition sur laquelle M. Y... fondait son action, ce qui ne suffit pas à établir la légitimité de
son intérêt à poursuivre l'annulation d'une décision à laquelle il avait consenti, la cour d'appel
n'a pas donné de base légale à sa décision au regard dudit article ;

Mais attendu que l'associé ayant émis un vote favorable à la résolution proposée n'est pas, de
ce seul fait, dépourvu d'intérêt à en poursuivre l'annulation ; qu'en retenant que l'article 1836,
alinéa 2, du Code civil, dont la violation était évoquée par M. Y... au soutien de sa demande,
est une disposition d'ordre public, sanctionnée par une nullité absolue qui peut être demandée
par tout associé, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir annulé la résolution litigieuse, alors, selon
le moyen :

1 / que l'article 1836 du Code civil ne règle que les conditions auxquelles doivent satisfaire les
décisions modificatives des statuts ; que dès lors, en annulant, par application de cette
disposition, la deuxième résolution votée le 26 décembre 1994, par laquelle l'assemblée
générale extraordinaire des associés de la SCPP a ratifié l'engagement de celle-ci d'acquérir ou
de faire acquérir l'ensemble des parts du docteur X... en échange de l'apport par ce dernier de
ses actions dans une clinique, ce qui ne réalisait aucune modification statutaire, l'augmentation
de capital social consécutive à l'apport fait par le docteur X... ayant été décidée par la cinquième
résolution adoptée le même jour, la cour d'appel a violé ledit texte ;

2 / que l'augmentation de capital résultant de l'apport effectué par un associé n'augmente pas
par elle-même les engagements des autres ; que dès lors, en jugeant que l'assemblée générale
extraordinaire des associés n'avait pu sans le consentement unanime de ceux-ci, procéder, en
conséquence de l'apport fait par le docteur X... de ses actions, à une augmentation de capital
social, la cour d'appel a encore violé ledit texte ;

3 / qu'en se bornant à déduire l'augmentation des engagements des associés de l'engagement


pris par la société d'acquérir ou de faire acquérir les parts du docteur X..., ce qui n'était pas
nécessairement de nature à entraîner une telle augmentation, la cour d'appel n'a pas donné de
base légale à sa décision au regard du second alinéa de l'article 1836 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu que la deuxième résolution adoptée lors de l'assemblée
générale du 26 décembre 1994 traduisait une augmentation des engagements des associés dans
la mesure où l'apport réalisé par M. X... étant subordonné à l'engagement de la SCPP d'acquérir
ou de faire acquérir l'ensemble des parts détenues par celui-ci en contrepartie de cet apport, les
associés pouvaient être appelés, en raison de l'engagement d'achat, à supporter les conséquences
de l'augmentation de capital résultant dudit apport, même si celui-ci était initialement sans
incidence sur eux ; qu'elle en a déduit que cette résolution, adoptée sans le consentement de
tous les associés devait être annulée ; qu'en l'état de ces appréciations et énonciations, la cour
d'appel a légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par
les deux premières branches du moyen ; que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

137
Document 5 : Le droit de céder les droits sociaux (Cass. com., 17 juin 2008, no 06-15.045)

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2005), que par acte
du 7 mai 2001, M. X..., se prévalant de sa qualité d'associé de la société civile immobilière
Marina Airport (la société) et invoquant des faits constitutifs d'un abus de majorité, a fait
assigner la société et les associés aux fins d'annulation des résolutions adoptées lors des
assemblées générales des 11 mai 1998, 27 mai 1999 et 20 avril 2000, ayant affecté en réserve
les bénéfices des années 1997, 1998 et 1999, et pour obtenir des dommages-intérêts en
réparation de son préjudice résultant de ces mises en réserve ; que la société et les associés ont
soutenu que M. X... n'avait plus qualité à agir en raison de la perte de sa qualité d'associé depuis
un jugement définitif du 11 mars 1999 ayant autorisé son retrait de la société pour justes motifs;

Sur le premier moyen, après avertissement délivré aux parties :

Attendu que la société et les associés font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la demande
de M. X..., alors, selon le moyen :

1°/ que la règle suivant laquelle un associé ne perd cette qualité qu'après avoir obtenu le
remboursement des droits sociaux ne s'applique que dans les hypothèses strictement énumérées
à l'article 1860 du code civil, parmi lesquelles ne figure pas le retrait d'un associé autorisé par
décision de justice ; qu'en l'espèce, le retrait de M. X... avait été autorisé, à la demande de ce
dernier, par le jugement du 11 mai 1999 ; qu'en subordonnant l'effectivité de ce retrait au
remboursement intégral des parts, en dehors des cas prévus pour l'application de cette règle, la
cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1860 du code civil ;

2°/ que dans son jugement du 11 mai 1999, le tribunal a fait application des seules dispositions
de l'article 1843-4 du code civil, relatives à la désignation d'un expert pour l'évaluation des parts
en cas de contestation des parties, et non pas de celles de l'article 1860 du code civil, suivant
lequel la perte de la qualité d'associé n'intervient qu'après la remboursement intégral des parts;
qu'en énonçant que ce jugement avait fait application de l'article 1860 du code civil, la cour
d'appel en a dénaturé les termes, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'associé qui est autorisé à se retirer d'une société civile pour justes motifs par
une décision de justice, sur le fondement de l'article 1869 du code civil, ne perd sa qualité
d'associé qu'après remboursement de la valeur de ses droits sociaux ; que par ce motif de pur
droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société et les associés font grief à l'arrêt d'avoir annulé pour abus de majorité les
assemblées générales des 11 mai 1998, 27 mai 1999 et 26 avril 2000 et de les avoir condamnés
à payer à M. X... une provision à valoir sur son indemnisation, alors, selon le moyen :

1°/ que l'abus de majorité n'est caractérisé qu'en cas d'atteinte à l'intérêt social; que l'arrêt
constate qu'il était flagrant que les bénéfices avaient été mis en réserve dans la crainte de voir
la SCI Marina Airport, qui ne disposait pas de la trésorerie suffisante, obligée de rembourser
des comptes courants ; qu'en estimant toutefois que cette mesure constituait un abus de majorité,
la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la mise en réserve des

138
bénéfices respectait les intérêts de l'associé minoritaire et l'égalité entre associés, puisqu'elle
avait pour effet d'augmenter la valeur nette comptable de la SCI Marina Airport, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1832 et 1844-1 du code civil ;

3°/ que l'arrêt a constaté que les délibérations litigieuses ne portaient que sur la mise en réserves
des bénéfices; qu'en se fondant, pour caractériser l'abus de majorité, sur les prélèvements qui
auraient été opérés par débit du compte courant de M. X..., totalement étrangers aux
délibérations dont elle prononçait l'annulation, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1832 et
1844-1 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'activité de la société qui porte sur la
location d'immeubles à vocation commerciale, présente de faibles aléas financiers et que la
constitution d'une réserve qui s'élève pour les exercices 1997, 1998 et 1999 à la somme de 17
426 283,86 francs, n'obéit pas à une politique de prudence nécessaire ni à une politique
d'investissement, et ne correspond ni à l'objet ni à une exigence de saine gestion; qu'il relève,
par motifs propres, que cette politique de mise en réserve des bénéfices dont était exclu M. X...
n'aurait de sens que si la société avait voulu se prémunir du remboursement de tous les comptes
courants et donc de faire passer l'intérêt social avant celui de tous les associés, qu'en réalité en
remboursant une fraction des comptes courants aux associés, représentant ensemble 75 % du
capital et en s'abstenant de rembourser dans les mêmes proportions M. X..., la société a rompu
l'égalité entre les actionnaires dès lors que seul le compte courant de M. X..., privé de
l'équivalent de 683.095 euros de bénéfices, s'est vu, au prétexte que la société devait par ailleurs
verser des acomptes sur le prix des parts, ramené à zéro pour devenir débiteur au 31 décembre
2001 de la somme de 5 895 174,93 euros ; qu'il retient encore que c'est en connaissance de
cause que les associés majoritaires ont décidé de mettre en réserve les bénéfices pour ramener
le compte courant de M. X... en débit au prix de compensations douteuses avec la dette
provisionnelle de la société sur le prix des parts sociales, tandis que les associés majoritaires
ont disposé immédiatement à l'issue des trois assemblées générales litigieuses, de sommes
puisées sur les résultats bénéficiaires destinées à rembourser leurs comptes courants; que la
cour d'appel qui a ainsi fait ressortir que l'affectation systématique des bénéfices aux réserves
n'a répondu ni à l'objet ni aux intérêts de la société et que ces décisions ont été prises dans
l'unique dessein de favoriser les associés majoritaires au détriment de l'associé minoritaire, a
caractérisé l'abus de majorité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 6 : Le droit de savoir (Cass. com., 3 mars 2021, no 19-10.086)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 février 2018), rendu en référé, et les productions, les
sociétés Saint Priest Meubles décoration (SMD), Vaise Meubles et décoration (VMD) et
Mirabelle exerçaient une activité de distribution d'articles de literie pour lesquels elles se
fournissaient auprès de la société Copirel, société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU).

2. Les relations entre ce fournisseur et les sociétés distributrices ayant été rompues, ces
dernières ont souhaité disposer de l'ensemble des informations comptables et financières les
concernant et ont, à cet effet, assigné le 29 décembre 2016 la société Copirel en référé devant
le président d'un tribunal de commerce, afin qu'elle soit condamnée sous astreinte à déposer au
greffe ses comptes annuels, rapports de gestion, rapports des commissaires aux comptes,

139
propositions d'affectation des bénéfices soumises aux différentes assemblées et les résolutions
d'affectation votées.

Enoncé du moyen

4. La société Copirel fait grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes des sociétés SMD
et Mirabelle et de la condamner sous astreinte à publier ses comptes sociaux pour les exercices
clos du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2015, alors :

« 1°/ que si l'article L. 232-23 du code de commerce impose à toute société par actions de
déposer ses comptes, l'action en référé tendant à assurer l'accomplissement de cette obligation
légale ne peut être exercée que dans les conditions prévues par l'article L. 123-5-1 du code de
commerce, qui habilite spécialement le dirigeant à y défendre ; que pour déclarer les sociétés
SMD et Mirabelle recevables à solliciter la condamnation sous astreinte de la société Copirel à
publier ses comptes sur le fondement des articles L. 232-23 du code de commerce et 873, alinéa
1er du code de procédure civile, l'arrêt attaqué retient que "les actions prévues par les
dispositions spéciales des articles L. 123-5-1 et R. 210-18 du code de commerce ne sont pas
exclusives de celle fondée sur les dispositions de droit commun prévues par l'article L. 232-23
du code de commerce, qui prévoit l'obligation faite à toute société par action - et non à son
dirigeant - de déposer ses comptes" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L.
123-5-1 et L. 232-23 du code de commerce, ensemble les articles 31 et 873 du code de
procédure civile ;

2°/ que, subsidiairement, dans ses écritures, la société Copirel faisait valoir que l'action exercée
par les sociétés SMD et Mirabelle dans le seul but de la contraindre à l'accomplissement des
formalités de l'article L. 232-23 du code de commerce était mal dirigée, à défaut d'avoir été
exercée à l'encontre de son dirigeant, pris en son nom personnel ; qu'en se bornant à relever que
"les actions prévues par les dispositions spéciales des articles L. 123-5-1 et R. 210-18 du code
de commerce ne sont pas exclusives de celle fondée sur les dispositions de droit commun
prévues par l'article L. 232-23 du code de commerce", sans rechercher, ainsi qu'elle y était
invitée, si la société Copirel avait intérêt et qualité à défendre à une demande tendant
exclusivement au prononcé d'une injonction de faire qui ne pouvait être adressée qu'à son
dirigeant, seul qualifié pour l'exécuter, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au
regard des articles 31, 32 et 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir rappelé que l'article L. 123-5-1 du code de commerce prévoit qu'à la demande
de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut
enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces
et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions
législatives ou réglementaires, l'arrêt relève que l'article R. 210-18 du même code prévoit une
autre action en permettant à tout intéressé de demander au président du tribunal de commerce,
statuant en référé, de désigner un mandataire chargé d'accomplir la formalité, puis énonce
exactement que les actions prévues par ces dispositions spéciales ne sont pas exclusives de celle
fondée sur les dispositions de droit commun prévues par l'article L. 232-23 du code de
commerce, qui font obligation à toute société par actions, et non à son dirigeant, de déposer ses
comptes. C'est, en conséquence, à bon droit que la cour d'appel, retenant souverainement que
les sociétés demanderesses justifiaient d'un intérêt à agir, les a dites recevables en leur action
formée, en application des articles L. 232-23 du code de commerce et 873, alinéa 1, du code de

140
procédure civile, contre la société Copirel, tendant à obtenir d'elle le respect de son obligation
de dépôt.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le second moyen

7. La société Copirel fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que tenu en toutes circonstances de faire observer et d'observer lui-même le principe de la
contradiction, le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office, fût-il de
pur droit, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations ; que pour écarter
la fin de non-recevoir soulevée par la société Copirel sur le fondement de la prescription
triennale prévue par l'article 1844-13 du code civil, l'arrêt attaqué retient que cette prescription
n'importait pas, dès lors que "la mesure de publication ordonnée" s'avérait "nécessaire pour
mettre un terme au trouble manifestement illicite généré par l'absence de transparence retenue"
; qu'en se fondant sur ce moyen, qui n'était pas soutenu par les sociétés SMD et Mirabelle dans
leurs conclusions, sans inviter préalablement la société Copirel à présenter ses observations, la
cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°/ que l'action fondée sur le droit commun de l'article L. 232-23 du code de commerce, qui
prévoit l'obligation faite à toute société par action de déposer ses comptes, est soumise à la
prescription de l'article 1844-13 (1844-14) du code civil et doit être exercée dans un délai de
trois ans à compter du jour où son titulaire connaissait ou aurait dû connaître les faits lui
permettant de l'exercer ; que pour débouter la société Copirel de sa fin de non-recevoir fondée
sur cette prescription, l'arrêt attaqué retient qu'elle n'importait pas, dès lors que "la mesure de
publication ordonnée s'avéran[i]t nécessaire pour mettre un terme au trouble manifestement
illicite généré par l'absence de transparence retenue" ; qu'en statuant ainsi, quand l'action des
sociétés SMD et Mirabelle visait à mettre fin à un trouble manifestement illicite consécutif à la
" violation persistante et ancienne" par la société Copirel des obligations imposées par l'article
L. 232-23 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 1844-14 du code civil, par refus
d'application. »

Réponse de la Cour

8. D'une part, ayant relevé que la société Copirel avait opposé à la demande des sociétés SMD
et Mirabelle une fin de non-recevoir tirée de la prescription, la cour d'appel, qui n'était pas tenue
d'inviter les parties à formuler leurs observations, dès lors qu'elle se bornait à vérifier l'absence
ou la réunion des conditions d'application de la règle invoquée, n'a relevé d'office aucun moyen
de droit et n'a donc pas violé le principe de la contradiction.

9. D'autre part, ayant constaté que la société Copirel n'avait pas déposé ses comptes au greffe
concernant les exercices litigieux, la cour d'appel a exactement retenu qu'il y avait lieu de lui
enjoindre de le faire pour les exercices clos le 31 décembre des années 2008 à 2015 afin de
mettre un terme au trouble manifestement illicite résultant de l'absence de transparence, sans
que puisse être opposée la prescription alléguée, fondée sur les dispositions de l'article 1844-14
du code civil.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

141
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 7 : Le droit d’accéder à l’assemblée générale (Cass. com., 9 févr. 1999, no 96-
17.661, Château d’Yquem)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société en commandite par actions du Château d'Yquem
(la société) a été constituée en 1992 ; que lors de l'assemblée générale constitutive du 25 janvier
1992, au cours de laquelle ont été adoptés les statuts, avait été votée une troisième résolution
autorisant la signature de conventions avec la société civile du Château d'Yquem (la société
civile) portant sur la reprise des stocks et du matériel de cette dernière ainsi que sur la reprise
des contrats de travail ; qu'une assemblée générale du 28 mai 1994 avait approuvé dans une
troisième résolution, des conventions portant reprise des stocks, du matériel d'exploitation et de
contrats de travail conclues avec la société civile ; que certains actionnaires de la société ont
demandé judiciairement la nullité de ces résolutions en faisant valoir qu'avait pris part au vote
de la première, M. X... de Lur-Saluces gérant et unique associé commandité de la société et
gérant de la société civile et que M. Y... de Lur-Saluces, fils du précédent, avait pris part au
vote de la seconde tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de son oncle Eugène
de Lur-Saluces, en violation de l'article 26 des statuts, aux termes duquel, les dispositions de
l'article 258 de la loi du 24 juillet 1966 sont applicables en cas de " convention entre la société
et une autre entreprise si l'un des gérants, l'un des associés commandités ou l'un des membres
du conseil de surveillance, ou leur conjoint, descendant ou ascendant, est, soit directement soit
indirectement, soit par personne interposée, propriétaire, associé indéfiniment responsable,
gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou membre du conseil de
surveillance de l'entreprise " ; que la cour d'appel a rejeté la demande de nullité de la troisième
résolution de l'assemblée générale du 25 janvier 1992 et prononcé la nullité de la troisième
résolution de l'assemblée générale du 28 mai 1994 ;

Vu l'article 1844, alinéas 1 et 4, du Code civil ;

Attendu que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les
statuts ne peuvent déroger à ces dispositions ;

Attendu que pour annuler la troisième résolution de l'assemblée générale du 28 mai 1994, l'arrêt
énonce que M. Y... de Lur-Saluces, fils de M. X... de Lur-Saluces associé commandité de la
société et gérant de la société civile, ne pouvait prendre part au vote en qualité d'associé ni
comme mandataire d'un autre associé, l'article 26 des statuts étendant l'interdiction de vote
prévue par l'article 258 de la loi du 24 juillet 1966 au conjoint ainsi qu'aux descendants et
ascendants des gérants, associés commandités ou membres du conseil de surveillance eux-
mêmes atteints par cette interdiction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, faisant application de statuts qui instituaient, pour certains
associés, une suppression du droit de vote non prévue par la loi, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 8 : L’attribution du droit de vote – En cas d’indivision sur les droits sociaux (Cass.
com., 21 janv. 2014, no 13-10.151)

Vu l'article 1844, alinéa 1er, du code civil ;

142
Attendu que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la nue-propriété d'une partie des parts représentant le capital
de la société civile Earl de Fauque (la société) est indivise entre Mme Chantal X..., épouse Y...,
Mme Nadia X... et M. Jérôme X... ; que la société a fait assigner Mme Y... et M. Y..., son
conjoint, à qui elle avait donné mandat de la représenter lors des assemblées d'associés, pour
qu'il soit dit que Mme Y... n'a aucune qualité pour assister à ces assemblées et pour qu'il soit
fait défense à Mme Y... de s'y faire assister ou représenter par son conjoint et, à ce dernier, de
pénétrer au siège social ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que dès lors qu'un mandataire commun
a été désigné pour représenter l'indivision X... aux « assemblées générales » de la société, il n'y
a pas lieu de dissocier artificiellement la discussion préalable des points soumis au vote et le
vote lui-même, qui participent d'une seule démarche intellectuelle, en sorte que la présence des
indivisaires eux-mêmes aux assemblées générales est nécessairement exclue par la désignation
d'un mandataire commun pour représenter l'indivision ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les copropriétaires indivis de droits sociaux ont la qualité
d'associé, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 9 : L’attribution du droit de vote – En cas d’indivision sur les droits sociaux (Cass.
1re civ., 15 déc. 2010, no 09-10.140)

Attendu que David X... est décédé le 6 septembre 2006, en laissant pour lui succéder ses deux
enfants, Mme Monique X... épouse Y... et M. Bernard X..., et en l'état d'un testament
authentique du 10 novembre 2005 instituant ses trois petits-enfants, Mme Catherine Y... et MM.
Jean-Marc et Didier Y..., légataires à titre universel ; qu'il était porteur de parts dans diverses
sociétés civiles immobilières (SCI) ;que Mme Monique Y... a saisi le juge des référés d'une
demande fondée sur l'article 1844, alinéa 2, du code civil, tendant à sa désignation en qualité
de mandataire afin de représenter les copropriétaires des parts sociales indivises lors des
décisions collectives des SCI ; que M. X... s'y étant opposé, une ordonnance de référé du 6
septembre 2007 a désigné en cette qualité un mandataire judiciaire ; que, se prévalant de l'article
815-3 du code civil et de l'agrément de ses enfants, intervenus volontairement à l'instance au
soutien de ses prétentions, Mme Monique Y... a demandé à la cour d'appel de constater qu'elle
représentait au moins deux tiers des droits indivis et de prendre acte de son habilitation pour
agir en qualité de mandataire de l'indivision ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 novembre 2008) d'avoir
écarté la demande de Mme Monique Y... tendant à sa désignation comme mandataire de
l'indivision de David X... aux fins de représenter les copropriétaires des parts sociales des
sociétés civiles composant l'indivision successorale et d'avoir désigné un mandataire tiers pour
les représenter à l'occasion des décisions collectives, alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions générales de l'article 815-3 du code civil permettent aux indivisaires de
donner un mandat général d'administration à l'un d'entre eux, ou un tiers, dès lors qu'ils sont
titulaires des deux tiers de droits indivis ; qu'il est ainsi porté exception au principe d'unanimité
des indivisaires ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 815-3 du code

143
civil;

2°/ que l'article 1844 du code civil ne fait pas obstacle à ce que des indivisaires disposant d'au
moins deux tiers des droits indivis confèrent à l'un d'entre eux, ou à un tiers, un mandat général
d'administration portant sur des parts sociales indivises ; qu'en se prononçant comme elle l'a
fait, la cour d'appel a violé les articles 815-3 et 1844 du code civil ;

Mais attendu qu'en cas de désaccord entre les copropriétaires d'une part sociale indivise sur le
choix du mandataire unique qui, selon l'article 1844 du code civil, doit les représenter, il ne peut
être dérogé aux dispositions impératives de ce texte prévoyant la désignation du mandataire en
justice ; qu'ayant constaté l'existence d'un tel désaccord entre les copropriétaires des parts
sociales indivises litigieuses, la cour d'appel a fait, à bon droit, application de ce texte en
désignant un mandataire tiers pour les représenter ; que le moyen, qui critique en sa première
branche un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 10 : L’attribution du droit de vote – En cas de démembrement de propriété (Cass.


com., 4 janv. 1994, no 91-20.256, De gaste)

Vu l'article 1844 du Code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Paul de Y..., qui avaient constitué entre eux un
groupement forestier dénommé Groupement forestier de la Genevraie, dont M. Paul de Y... était
le gérant, ont donné, en s'en réservant l'usufruit, la nue-propriété des parts du groupement
forestier à leurs enfants, MM. Z..., Jean-Pierre et Olivier de Y..., et Mmes X... de La Celle et
Barluet de Beauchesne (les consorts de Y...) ; que ceux-ci ont assigné M. Paul de Y... en sa
qualité de gérant pour voir annuler l'article 7 des statuts du groupement forestier instituant la
représentation du nu-propriétaire par l'usufruitier, qui avait seul le droit de participation et de
vote à toutes les assemblées générales, même extraordinaires ou modificatives des statuts,
quelle que soit la nature de la décision à prendre ;

Attendu que pour débouter les consorts de Y... de leur demande, l'arrêt retient que l'article 1844,
alinéa 4, du Code civil prévoit que les statuts d'une société peuvent déroger aux dispositions
des deux alinéas qui précèdent ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si selon l'article 1844, alinéa 4, du Code civil, il peut être
dérogé à l'alinéa 3 du même article qui est relatif au droit de vote, et qu'il était donc possible
aux statuts litigieux de prévoir une dérogation sur ce point, aucune dérogation n'est prévue
concernant le droit des associés et donc du nu-propriétaire de participer aux décisions
collectives tel qu'il est prévu à l'alinéa 1er dudit article, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 11 : L’aménagement du droit de vote – La convention de vote (Cass. com., 19 déc.


1983, no 82-12.179, Rivoire et Carret Lustucru)

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE (LYON, 4


FEVRIER 1982) QUE LE 10 FEVRIER 1977 EST INTERVENUE ENTRE LES EPOUX Y...
ET X... UNE CONVENTION PAR LAQUELLE IL ETAIT PREVU QU'APRES

144
TRANSFORMATION DE LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE " SOCIETE
D'EXPLOITATION DES ETABLISSEMENTS Y..." EN SOCIETE ANONYME, X...
BENEFICIERAIT DE LA CESSION, PAR LES EPOUX Y..., D'UN CERTAIN NOMBRE
D'ACTIONS, DE TELLE SORTE QUE LE "GROUPE Y..." ET LE "GROUPE X..."
POSSEDENT CHACUN LA MOITIE DU CAPITAL SOCIAL, LA CONVENTION
PRECISANT EN OUTRE, QUE LE CONSEIL D'ADMINISTRATION SERAIT COMPOSE
PAR MOITIE D'ADMINISTRATEURS DE CHACUN DES DEUX GROUPES ;

QU'EN VERTU DES ACCORDS PASSES Y... ET X... DEVINRENT RESPECTIVEMENT


LE PREMIER, ADMINISTRATEUR ET PRESIDENT DE LA SOCIETE, LE SECOND,
ADMINISTRATEUR ET DIRECTEUR GENERAL DE CELLE-CI ;

QUE LE 30 NOVEMBRE 1978 L'ASSEMBLEE DES ACTIONNAIRES REVOQUA X... DE


SES FONCTIONS D'ADMINISTRATEUR, TANDIS QUE, LE MEME JOUR, LE CONSEIL
D'ADMINISTRATION METTAIT FIN A SES FONCTIONS DE DIRECTEUR GENERAL ;
ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET D'AVOIR RETENU LA
RESPONSABILITE DES EPOUX Y... EN RELEVANT QUE Y... AVAIT PROPOSE LA
REVOCATION DE X..., ADMINISTRATEUR, SANS QUE LA QUESTION AIT ETE
INSCRITE A L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE ET QUE "S'IL RESULTAIT (DE
L'ARTICLE 160 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966) QUE LA REVOCATION D'UN
ADMINISTRATEUR PEUT ETRE PROPOSEE A L'ASSEMBLEE SANS INSCRIPTION A
L'ORDRE DU JOUR, LORSQUE SON COMPORTEMENT AU COURS DES DEBATS LA
JUSTIFIE OU S'IL EST REVELE DES FAITS QUI LA RENDENT NECESSAIRE, IL NE
SAURAIT EN ETRE DE MEME SI LES CAUSES DE REVOCATION PREEXISTENT",
ALORS, SELON LE POURVOI, DE PREMIERE PART, QUE LE POUVOIR DE
REVOCATION DES ADMINISTRATEURS AU SEIN DES SOCIETES ANONYMES
APPARTIENT A LA SEULE ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES QUE LA
DELIBERATION PRISE PAR CELLE-CI S'IMPOSE A TOUS LES ACTIONNAIRES TANT
QU'ELLE N'A PAS ETE ANNULEE EN JUSTICE ;

QUE, PAR SUITE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT RETENIR LA RESPONSABILITE


D'ACTIONNAIRES POUR LA DELIBERATION PRISE PAR L'ASSEMBLEE GENERALE
SANS QU'AIT ETE AU PREALABLE SOLLICITEE ET OBTENUE L'ANNULATION DE
LA RESOLUTION ;

QU'ELLE A AINSI VIOLE LES ARTICLES 90 ET 160 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966,


QUE, DE DEUXIEME PART, EST NULLE TOUTE CONVENTION TENDANT A PORTER
ATTEINTE A LA LIBRE REVOCABILITE DES ADMINISTRATEURS DE SOCIETE
ANONYME ;

QU'IL S'ENSUIT QU'EN RETENANT POUR FAUTE LA VIOLATION, PAR DES


ACTIONNAIRES, D'UNE CONVENTION DONT LA COUR D'APPEL CONSTATE ELLE-
MEME QUE SON EXECUTION INTERDISAIT AUX SIGNATAIRES DE PROPOSER A
L'ASSEMBLEE GENERALE LA REVOCATION DE CERTAINS ADMINISTRATEURS,
DONT LE DIRECTEUR GENERAL, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 90 DE LA
LOI DU 24 JUILLET 1966, QUE, DE TROISIEME PART, EST NULLE TOUTE
CONVENTION FAISANT ECHEC AU PRINCIPE DE LA LIBRE REVOCABILITE DES
ADMINISTRATEURS OU DIRIGEANTS SOCIAUX ;

145
QU'EN L'ESPECE, LA COUR D'APPEL RAPPELLE ELLE-MEME QUE LA
CONVENTION, DONT CHAQUE ELEMENT ETAIT INDISSOCIABLE DE
L'ENSEMBLE, PREVOYAIT UNE EGALITE PARFAITE ENTRE LES DEUX GROUPES,
TANT DANS LA REPARTITION DU CAPITAL QUE DANS L'ADMINISTRATION DE LA
SOCIETE, M Y... DEVANT EN ETRE LE PRESIDENT ET M X... LE DIRECTEUR
GENERAL, ET QUE L'ETABLISSEMENT ET LE MAINTIEN DE CETTE PARITE
ABSOLUE CORRESPONDAIT A LA COMMUNE INTENTION DES PARTIES ;

QU'IL S'ENSUIT QUE LA COUR D'APPEL QUI CONSTATE ELLE-MEME QUE LA


CONVENTION AVAIT POUR BUT DE PREVOIR LE MAINTIEN D'UNE PARITE
ABSOLUE FAISANT NECESSAIREMENT OBSTACLE A LA REVOCATION DES
DIRIGEANTS SOCIAUX, NE POUVAIT CONSIDERER COMME VALIDE CETTE
CONVENTION ET RETENIR, POUR MANQUEMENT A CELLE-CI, LA
RESPONSABILITE DES EPOUX Y..., QU'ELLE A AINSI OMIS DE TIRER LES
CONSEQUENCES LEGALES DE SES PROPRES CONSTATATIONS ET ENTACHE SA
DECISION DE MANQUE DE BASE LEGALE AU REGARD DE L'ARTICLE 90 DE LA
LOI DU 24 JUILLET 1966, QU'ENFIN, L'ARTICLE 160 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1966
DISPOSE QUE L'ASSEMBLEE GENERALE PEUT "EN TOUTES CIRCONSTANCES"
REVOQUER UN OU PLUSIEURS ADMINISTRATEURS ET PROCEDER A LEUR
REMPLACEMENT ;

QU'EN AJOUTANT A CE TEXTE LA CONDITION QUE LA CAUSE DE REVOCATION


NE SOIT PAS PREEXISTANTE A L'ASSEMBLEE, LA COUR D'APPEL L'A VIOLE;

MAIS ATTENDU, EN PREMIER LIEU, QUE LA COUR D'APPEL, EN RETENANT LES


AGISSEMENTS DE Y... PRIS, NON COMME ACTIONNAIRE OU DIRIGEANT SOCIAL,
MAIS COMME PARTIE A UNE CONVENTION DONT LA VIOLATION ETAIT
INVOQUEE, A, PAR APPLICATION DE CETTE CONVENTION, EXACTEMENT
DECIDE QUE CELLE-CI, QUI PREVOYAIT D'UN COTE LA REPARTITION EGALE DU
CAPITAL SOCIAL ENTRE DEUX GROUPES D'ACTIONNAIRES ET DE L'AUTRE, UNE
COMPOSITION PARITAIRE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION NE CONSTITUAIT
PAS UN CONTRAT FAISANT OBSTACLE A LA REVOCATION A TOUT MOMENT
D'UN ADMINISTRATEUR PAR L'ASSEMBLEE DES ACTIONNAIRES ATTENDU, EN
SECOND LIEU, QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE QUE Y... N'AVAIT PAS FAIT
INSCRIRE LA REVOCATION DE X... A L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE ALORS
QU'IL L'AVAIT "LARGEMENT PREMEDITEE" ET QU'AINSI IL AVAIT COMMIS "UN
ABUS DE DROIT CARACTERISE" ;

QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS, ABSTRACTION DU MOTIF VISE A LA


PREMIERE BRANCHE DU TROISIEME MOYEN, LA COUR D'APPEL A PU RETENIR
LA RESPONSABILITE DE Y... ;

QUE LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS PRIS EN LEURS DIVERSES BRANCHES


ET LE TROISIEME MOYEN PRIS EN SA PREMIERE BRANCHE NE SONT DONC PAS
FONDES ;

SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUXIEME ET TROISIEME BRANCHES :


ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET D'AVOIR, POUR RETENIR LA
RESPONSABILITE DE Y..., DECLARE QUE CELUI-CI, EN VOTANT LA REVOCATION
DE X..., AVAIT FAIT UN USAGE ABUSIF D'UN POUVOIR A LUI DONNE ET QUE X...

146
ETAIT EN DROIT DE SE PLAINDRE DE L'INOBSERVATION DU DELAI DE
CONVOCATION D'UN ACTIONNAIRE APPARTENANT A SON GROUPE ALORS,
SELON LE POURVOI, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT
LEGALEMENT RETENIR UN ABUS DE POUVOIR DU MANDATAIRE, SANS
CONSTATER QUE LE MANDANT AIT EFFECTIVEMENT CONTESTE L'UTILISATION
QUI AVAIT ETE FAITE DE LA PROCURATION QU'IL AVAIT CONSENTIE ;

QU'ELLE A AINSI VIOLE L'ARTICLE 1984 DU CODE CIVIL, ALORS, D'AUTRE PART,
QUE L'INOBSERVATION DU DELAI DE CONVOCATION DE L'ASSEMBLEE
GENERALE, QUI INCOMBE AU CONSEIL D'ADMINISTRATION, EST IMPUTABLE A
TOUS LES ORGANES EXECUTIFS DE LA SOCIETE QUE, PAR SUITE, LA COUR
D'APPEL NE POUVAIT LEGALEMENT FAIRE PESER SUR LE PRESIDENT PRIS
PERSONNELLEMENT, UNE RESPONSABILITE A CE TITRE A L'EGARD DU
DIRECTEUR GENERAL, A QUI, PAR SES FONCTIONS, INCOMBAIT LA MEME
OBLIGATION ;

QUE LA COUR D'APPEL A, AINSI, VIOLE L'ARTICLE 158 DE LA LOI DU 24 JUILLET


1966 ;
MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL A RELEVE QUE LE
MANDANT AVAIT RECONNU, PEU APRES LA TENUE DE L'ASSEMBLEE, MAIS EN
SE RETRACTANT PAR LA SUITE, QUE LE MANDAT DONNE A Y... NE PORTAIT QUE
SUR LES SEULES QUESTIONS FIGURANT A L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLEE ;
QUE C'EST PAR UNE APPRECIATION SOUVERAINE DES ELEMENTS DE PREUVE
SOUMIS A SON EXAMEN QU'ELLE A RETENU DES DEUX AFFIRMATIONS
CONTRAIRES DU MANDANT CELLE QUE CES ELEMENTS LUI FAISAIENT
APPARAITRE COMME LA PLUS EXACTE ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE LA COUR D'APPEL A RETENU QUE


L'INOBSERVATION D'UN DELAI DE CONVOCATION DEVAIT ETRE CONSIDERE,
NON EN LUI-MEME MAIS COMME CONSTITUANT PAR SES EFFETS, UN ELEMENT
DE L'ENSEMBLE DES AGISSEMENTS FAUTIFS RELEVES A L'EGARD DE Y... PRIS
COMME PARTIE A LA CONVENTION LE LIANT A X... ;

QUE LA COUR D'APPEL A LEGALEMENT JUSTIFIE SA DECISION ;

QUE LE MOYEN N'EST DONC FONDE EN AUCUNE DE SES BRANCHES ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI

Document 12 : L’exercice du droit de vote – Les assemblées d’associés (Cass. com., 13 janv.
2021, no 18-24.853)

Faits et procédure

5. Selon les arrêts attaqués (Nouméa, 14 mai 2018, 27 septembre 2018 et 29 novembre 2018),
rendus en matière de référé, les sociétés Ficbal, FP Invest, [...] et Figespart sont associés et
cogérants de la société Compagnie financière calédonienne (la société Cofical), qui détient 55
% du capital de la société anonyme Figesbal.

6. Le 29 juin 2017, l'assemblée générale mixte de la société Figesbal a adopté des résolutions

147
par lesquelles quitus a été donné aux administrateurs de leur gestion pour l'exercice 2016, le
résultat de l'exercice 2016 a été affecté et M. U... a été renouvelé dans ses fonctions
d'administrateur pour une période de six exercices.

7. La société Cofical a assigné en référé la société Figesbal et M. U... afin d'obtenir, sur le
fondement de l'article L. 225-103, II, 2° du code de commerce, la désignation d'un mandataire
ad hoc de la société Figesbal, chargé de convoquer l'assemblée générale des actionnaires de la
société ayant pour ordre du jour la révocation de MM. U... et E... de leurs mandats
d'administrateurs et leur remplacement par les sociétés Figespart et Cofical et de convoquer le
conseil d'administration de cette société pour désigner son nouveau président et, le cas échéant,
un directeur général.

8. Le mandataire ad hoc de la société Figesbal, désigné par une ordonnance du 4 décembre


2017, a convoqué l'assemblée générale de cette société, qui a révoqué M. U... de ses fonctions
de directeur général et nommé M. D... pour le remplacer.

9. Par le premier arrêt attaqué, la cour d'appel a infirmé l'ordonnance du 4 décembre 2017 et
rejeté les demandes de la société Cofical. Elle a également déclaré recevable l'intervention
volontaire de l'association d'actionnaires minoritaires de la société Figesbal.

10. Par le second arrêt attaqué, elle a dit que, par l'effet du dispositif de l'arrêt infirmatif
prononcé le 27 septembre 2018, M. U... était remis en sa qualité d'administrateur et de président
du conseil d'administration de la société Figesbal, et a ordonné en conséquence la suspension
des effets des assemblées générales et conseils d'administration postérieurs à la nomination d'un
administrateur en application de l'ordonnance du 4 octobre 2017.

Enoncé du moyen

16. La société Cofical fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la désignation d'un
mandataire ad hoc, alors « que la désignation d'un mandataire ad hoc sur le fondement de
l'article L. 225-103 II, 2°, du code de commerce, en vue de faire convoquer l'assemblée générale
d'une société anonyme, suppose uniquement, lorsqu'elle est demandée par un ou plusieurs
actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social, qu'elle tende à des fins légitimes
conformes à l'intérêt social, et non à la satisfaction de fins personnelles ; que les conditions
propres à la désignation d'un administrateur provisoire, tenant à l'existence de circonstances
rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d'un péril imminent,
n'ont en revanche pas à être remplies pour ce qui concerne la désignation d'un mandataire ad
hoc ; que, pour rejeter la demande de désignation d'un mandataire ad hoc formée par la société
Cofical aux fins de faire convoquer l'assemblée générale de la société Figesbal, la cour d'appel
a jugé qu'une telle désignation ne serait "prévue de manière supplétive que dans l'hypothèse
d'un dysfonctionnement avéré au sein de la société" et serait "toujours subordonnée soit à
l'imminence d'un dommage soit à la démonstration d'un trouble manifestement illicite" et non,
comme l'avait retenu le premier juge, à la démonstration par l'actionnaire demandeur de la
poursuite de fins légitimes qui soient conformes à l'intérêt social ; que ce faisant, la cour d'appel
a violé les dispositions de l'article L. 225-103 du code de commerce et par fausse application
les dispositions de l'article 809 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-103, II, 2° du code de commerce :

148
17. Selon ce texte, à défaut de convocation par le conseil d'administration ou le directoire, selon
le cas, l'assemblée générale d'une société anonyme peut être convoquée par un mandataire ad
hoc, désigné en justice, à la demande, soit de tout intéressé en cas d'urgence, soit d'un ou
plusieurs actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social, soit d'une association
d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 du même code.

18. Pour rejeter la demande de désignation d'un mandataire ad hoc de la société Figesbal avec
mission restreinte de convoquer l'assemblée générale des actionnaires de la société ayant pour
ordre du jour la révocation de MM. U... et E... de leurs mandats d'administrateurs et leur
remplacement par les sociétés Figespart et Cofical et de convoquer le conseil d'administration
de cette société à l'effet d'y voir désigner son nouveau président et, le cas échéant, un directeur
général, l'arrêt retient que la désignation d'un mandataire par le juge des référés, qui est toujours
subordonnée soit à l'imminence d'un dommage soit à la démonstration d'un trouble
manifestement illicite, n'est prévue de manière supplétive que dans l'hypothèse d'un
dysfonctionnement avéré au sein de la société.
19. En statuant ainsi, alors que la désignation d'un mandataire ad hoc en application sur l'article
L. 225-103, II, 2° du code de commerce n'est subordonnée ni au fonctionnement anormal de la
société, ni à la menace d'un péril imminent ou d'un trouble manifestement illicite, mais
seulement à la démonstration de sa conformité à l'intérêt social, la cour d'appel a violé le texte
susvisé.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 13 : L’exercice du droit de vote – Les assemblées d’associés (Cass. 3e civ., 5 janv.
2022, no 20-17.428)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 27 janvier 2020), Mme [T] est associée de la société civile
immobilière Le Carrefour de Destrellan (la SCI).

2. Par ordonnance du 16 mars 2012, un administrateur provisoire a été désigné avec pour
mission de gérer et d'administrer la SCI.

3. Le 24 juillet 2015, l'assemblée générale de la SCI a adopté des résolutions portant sur
l'approbation des comptes des exercices 2011 à 2014, le quitus donné aux cogérants, puis à
l'administrateur, pour ces exercices, l'affectation des résultats de l'exercice 2014 et la
rémunération de l'administrateur provisoire.

4. Mme [T] a assigné la SCI, représentée par son administrateur, en annulation de cette
assemblée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de
constater le non-respect de la règle de l'unanimité des associés

Enoncé du moyen

149
5. La SCI, représentée par son administrateur provisoire, fait grief à l'arrêt de constater que la
règle de l'unanimité des associés n'a pas été respectée, alors :

« 1°/ que, sauf stipulation contraire des statuts de la société, l'unanimité des associés nécessaire
à la prise des décisions excédant les pouvoirs du gérant désigne les associés présents ou
représentés lors de l'assemblée générale ; qu'en affirmant que les comptes auraient dû être
approuvés à l'unanimité des associés y compris les absents à l'assemblée, en l'absence de
disposition statutaire particulière, la cour d'appel a violé l'article 1852 du code civil ;

2°/ que, sauf stipulation contraire des statuts de la société, l'unanimité des associés nécessaire à
la prise des décisions excédant les pouvoirs du gérant désigne les associés présents ou
représentés lors de l'assemblée générale ; qu'après avoir constaté que les statuts reprenaient cette
disposition au sujet de l'adoption des décisions collectives, la cour d'appel n'a pas tiré les
conséquences légales de ses propres constatations en affirmant que les statuts exigeaient
l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société plutôt que l'unanimité des associés
présents à l'assemblée générale, violant ainsi l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction
antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble l'article 1852 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article 1852 du code civil, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus
aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l'absence de telles dispositions,
à l'unanimité des associés.

7. Ce texte ne restreint pas l'unanimité à celle des associés présents ou représentés à une
assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société.

8. La cour d'appel a retenu que, les statuts de la SCI ne prévoyant aucune disposition particulière
pour l'approbation des comptes, qui constitue une décision excédant les pouvoirs reconnus aux
gérants, cette approbation devait être décidée à l'unanimité des associés.

9. Elle a, ensuite, souverainement retenu, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par
la deuxième branche, que la clause des statuts stipulant que « toutes décisions qui excèdent les
pouvoirs de gestion sont prises à l'unanimité des voix attachées aux parts créées par la société.
Chaque part donne droit à une voix. », qui s'appliquait aux décisions portant sur le quitus donné
à l'administrateur et la distribution des résultats, imposait l'unanimité des voix attachées aux
parts créées par la société et non l'unanimité des voix des seuls associés présents à l'assemblée
générale.

10. Elle a constaté que ces décisions n'avaient pas été prises à l'unanimité des voix de l'ensemble
des associés.

11. Elle en a exactement déduit que les délibérations litigieuses avaient été adoptées en violation
des règles statutaires et de la règle de l'unanimité des associés prévue par l'article 1852 du code
civil.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

150
Document 14 : L’exercice du droit de vote – Les assemblées d’associés (Cass. 3e civ., 8 juill.
2015, no 13-27.248)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 octobre 2013), que la société civile immobilière du
Musée (la SCI) a été créée par M. Charles X..., Mme Françoise Y..., M. René Z... et M. Jean-
Marie A... ; que MM. René Z... et Charles X... ont été successivement gérants de la société
jusqu'à leur décès ; qu'après le décès de Charles X..., l'assemblée générale de la SCI, convoquée
par son administrateur provisoire, a, le 7 juillet 2009, nommé M. Marc X..., héritier de Charles
X..., en qualité de gérant de la SCI ; que M. A... a assigné la SCI en nullité de cette assemblée
générale ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ que la nullité des actes de délibération des organes de la société ne peut résulter que de la
violation d'une disposition impérative du titre IX du code civil ou de l'une des causes de nullité
des contrats en général ; qu'en jugeant, sans même rechercher si ces irrégularités constituaient
la violation d'une disposition impérative du titre IX du code civil ou l'une des causes de nullité
des contrats en général que, faute d'agrément obtenu dans les conditions prévues par les statuts,
les hoirs X... ne sont pas associés de la SCI, qu'ils ont néanmoins pris part à l'assemblée générale
et à l'élection du gérant de la SCI par l'intermédiaire de M. Marc X..., si bien que l'assemblée
générale qui s'est tenue irrégulièrement doit être déclarée nulle comme doit l'être par conséquent
la désignation de M. Marc X... en qualité de gérant, la cour d'appel n'a pas légalement justifié
sa décision au regard de l'article 1844-10 dernier alinéa du code civil ;

2°/ qu'en l'absence d'une réunion d'assemblée ou d'une consultation écrite, les décisions des
associés peuvent résulter de leur consentement unanime, exprimé dans un acte ; que la SCI
soulignait en pages 6 et 7 de ses conclusions d'appel que le fait par M. A... d'avoir lui-même
désigné les hoirs X... en qualité d'associés dans sa demande du 24 mars 2009 tendant à la
désignation d'un nouvel administrateur provisoire de la société et de n'avoir jamais contesté
cette qualité lors de diverses procédures judiciaires était constitutif d'un agrément de la part de
cet associé, l'agrément de Mme Y... s'étant quant à lui manifesté par son association à la requête
aux fins de désignation d'un administrateur judiciaire initiée par les hoirs X... en octobre 2008
et par le pouvoir par elle donné à Mme X...- B... pour la représenter à l'assemblée générale du
7 juillet 2009 ; qu'en énonçant, sans s'expliquer sur ce moyen particulièrement opérant, que les
stipulations des statuts relatives à l'agrément des héritiers s'imposent et que les héritiers de M.
X... ne peuvent se prévaloir d'un agrément tacite, si bien qu'à défaut d'agrément obtenu dans les
conditions prévues par les statuts, ils ne sont pas associés de la SCI, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard des articles 134, 1853 et 1854 du code civil ;

3°/ que la SCI faisait valoir en page 8 de ses conclusions d'appel que dès lors que M. A...
reconnaissait lui-même que la majorité simple était suffisante pour qu'un gérant, même non
associé, soit valablement désigné, il suffisait du vote de Mme Y..., membre fondateur survivant
de la société et titulaire de 30 parts sociales, et de celui du curateur de la succession Z...,
représentant également 30 parts sociales, pour que la désignation du nouveau gérant puisse
valablement intervenir ; qu'en jugeant nulle l'assemblée générale du 7 juillet 2009 et la
désignation de M. Marc X... en qualité de gérant au seul motif que les hoirs X... ont pris part à
l'assemblée et à l'élection alors qu'ils n'étaient pas associés faute d'agrément dans les conditions
prévues par les statuts sans s'expliquer sur le moyen opérant ainsi soulevé par la SCI, la cour
d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

151
Mais attendu qu'il résulte de l'article 1844 du code civil que seuls les associés ont le droit de
participer aux décisions collectives de la société ; qu'ayant relevé que les héritiers de Charles
X..., qui n'avaient pas obtenu d'agrément dans les conditions prévues par les statuts, ne
pouvaient se prévaloir d'un agrément tacite et n'étaient pas associés de la SCI, avaient cependant
pris part à l'assemblée générale et à l'élection des gérants, la cour d'appel, qui, sans être tenue
de procéder à des recherches ou de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient
inopérantes, en a exactement déduit que l'assemblée générale qui s'était tenue irrégulièrement
devait être déclarée nulle, comme la désignation de M. Marc X... en qualité de gérant, a
légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 15 : La nullité des délibérations sociales (Cass. com., 15 mars 2017, no 15-50.021)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 novembre 2014), que le capital de la société anonyme
H... était réparti entre M. X..., Mme X... épouse Y..., la société Spring Financial Investment
(la société SFI) et M. B... ; que MM. C... et B... en avaient été désignés administrateurs en juin
2005 ; qu'une assemblée générale du 21 août 2007 a décidé d'une réduction puis d'une
augmentation de capital ; que M. X..., Mme X... et la société SFI ont assigné la société H... en
annulation des décisions, prises à compter de la réunion du conseil d'administration du 12
janvier 2007, qui ont permis de décider et de mettre en œuvre cette opération ;

Attendu que la société SFI, M. X... et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes
d'annulation des conseils d'administration des 16 juillet et 28 septembre 2007 et de l'assemblée
générale de la société H... du 21 août 2007, de dissolution de la société et de désignation
d'un administrateur ad hoc alors, selon le moyen, qu'est nulle une assemblée générale qui décide
d'une réduction du capital sans que soit établi au préalable et communiqué aux actionnaires un
rapport établi par le commissaire aux comptes sur l'opération envisagée ; qu'en décidant du
contraire et en refusant d'annuler l'assemblée générale de la société H...du 21 août 2007 qui a
décidé de la réduction du capital, et les conseils d'administration de cette société réunis les 16
juillet et 28 septembre 2007 pour mettre en œuvre ce "coup d'accordéon" alors qu'elle constatait
qu'aucun rapport n'avait été établi au préalable par le commissaire aux comptes, la cour d'appel
a violé les articles L. 225-204 et L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce ;

Mais attendu que c'est à bon droit que l'arrêt énonce que les dispositions de l'article L. 225-204,
alinéa 2, du code de commerce, qui prévoient l'établissement d'un rapport par le commissaire
aux comptes sur les causes et conditions de la réduction du capital et sa communication aux
actionnaires préalablement à la tenue de l'assemblée générale, ne sont pas prescrites à peine de
nullité ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 16 : La nullité des délibérations sociales (Cass. 1re civ., 3 févr. 2021, no 16-
19.691)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2016), M. Y..., avocat associé au sein de la société
d'avocats [...] (la société d'avocats), était en arrêt maladie depuis le 6 février 2013 lorsque, le

152
29 août, il a informé celle-ci de son intention de quitter le cabinet, puis lui a adressé, le 1er
octobre 2013, sa démission à effet au 31 décembre suivant.

2. Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée au titre de cette démission sur
laquelle elle n'a pas statué et par délibération du 25 novembre 2013, la société d'avocats a
prononcé l'exclusion de M. Y... , en application de l'article 11 des statuts, au titre d'une
incapacité d'exercice professionnel pendant une période cumulée de neuf mois au cours d'une
période totale de douze mois.

3. Le 23 décembre 2013, M. Y... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris
d'une demande d'arbitrage portant sur des rappels de rétrocession d'honoraires depuis 2008 et
l'octroi de dommages-intérêts.
Enoncé du moyen

7. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en annulation de la résolution n° 1 votée par
l'assemblée générale le 25 novembre 2013 ayant prononcé son exclusion de la société d'avocats,
et sa demande en paiement de sa rémunération pour un montant de 627 519,10 euros au titre de
l'année 2013, alors « qu'est nulle la délibération abusive de l'assemblée générale extraordinaire
des associés d'une SELAS ; qu'en considérant qu'en raison du caractère abusif de l'exclusion de
M. Y... , "seuls peuvent être alloués à M. Y... des dommages-intérêts s'il démontre que la
décision litigieuse lui a causé un préjudice", la cour d'appel a violé les dispositions des articles
1832 et 1833 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1832, 1833 et 1844-10, alinéa 3, du code civil :

8. Il résulte du dernier de ces textes que la décision prise abusivement par une assemblée
générale d'exclure un associé affecte par elle-même la régularité des délibérations de cette
assemblée et en justifie l'annulation.

9. Pour rejeter la demande d'annulation de la résolution d'assemblée générale du 25 novembre


2013 et la demande en paiement de la rétrocession d'honoraires pour l'année 2013, l'arrêt énonce
que, si l'exclusion prononcée par l'assemblée générale est abusive, dès lors que cette assemblée
avait été convoquée pour prendre acte de la démission de M. Y... et que la mesure prononcée
était motivée par la volonté de résister à ses prétentions financières, seuls peuvent être alloués
à celui-ci des dommages-intérêts s'il démontre que cette décision lui a causé un préjudice.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 17 : La nullité des délibérations sociales (Cass. com., 18 mai 2010, no 09-14.855,
SAS Larzul)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 mars 2009), que les actions composant le capital de
la société par actions simplifiée X... sont détenues pour moitié par la société Vectora et pour
moitié par la société FDG, directement ou par l'intermédiaire de sa filiale, la société Ugma ; que
les statuts de la société X... stipulent notamment que la société est dirigée par un conseil
d'administration composé de quatre membres au moins et qu'en cas de vacance par décès ou

153
démission, le conseil d'administration peut, entre deux décisions collectives, procéder à des
nominations à titre provisoire ; qu'aux termes du règlement intérieur de cette même société, les
associés sont convenus que le nombre d'administrateurs désignés par chacun d'eux devra
refléter leur parité dans la répartition du capital ; qu'après la démission de l'un des deux
administrateurs représentant la société FDG, le conseil d'administration de la société X..., réduit
à trois membres, a tenu deux réunions, les 22 mai et 12 septembre 2007 ; que la société FDG a
fait assigner la société X... et son président M. X... et demandé notamment l'annulation de la
réunion du conseil d'administration du 12 septembre 2007 ainsi que celle des procès-verbaux
des deux réunions ;

Attendu que la société FDG fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes alors, selon le moyen,
qu'aux termes de l'article 14, a) I des statuts de la société par actions simplifiée X..., article
reproduit par la cour d'appel, le conseil d'administration est composé de quatre membres au
moins et de six au plus choisis parmi les associés ou en dehors d'eux ; qu'en vertu de l'article 2
du règlement intérieur, les associés conviennent que le nombre d'administrateurs désignés par
chacun d'eux devra refléter leur parité dans la répartition du capital ; que selon l'article 14, b)
II, la voix du président de séance n'est pas prépondérante en cas de partage ; qu'enfin, l'article
14, a) IV prévoit, en cas de vacance, la possibilité de désigner provisoirement un administrateur
en conseil d'administration, étant rappelé que, comme le relève la cour d'appel, une procédure
de saisine de l'assemblée générale des associés peut également être demandée à cet effet et "
sur le champ " par les associés représentant 20 % du capital social ; qu'il résulte de ces
dispositions claires et précises que le conseil d'administration doit, pour être valablement
composé, être composé d'au moins quatre membres, reflétant la parité des associés dans la
répartition du capital de chaque personne juridique ; qu'en relevant néanmoins qu'en cas de
vacance le conseil d'administration composé différemment de ce qui est prévu au statut peut
valablement statuer, la cour d'appel dénature les dispositions précitées des statuts et du
règlement intérieur et partant viole l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 235-1, alinéa 2, du code de commerce que la nullité des
actes ou délibérations pris par les organes d'une société commerciale ne peut résulter que de la
violation d'une disposition impérative du livre II du même code ou des lois qui régissent les
contrats ; que, sous réserve des cas dans lesquels il a été fait usage de la faculté, ouverte par une
disposition impérative, d'aménager conventionnellement la règle posée par celle-ci, le non-
respect des stipulations contenues dans les statuts ou dans le règlement intérieur n'est pas
sanctionné par la nullité ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se
trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 18 : La nullité des délibérations sociales (Cass. com., 28 mars 2006, no 02-13.852)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de construction du golf de Beauvoir (la SCGB),
ayant pour associé la SNC Caillaud, devenue la SNC Conseil management études (la SNC
CME), a confié, en qualité de maître de l'ouvrage, la réalisation d'un golf à la Société anonyme
pour la construction et l'entretien des routes(la SACER), laquelle a sous-traité à des entreprises
spécialisées, les travaux d'espaces verts et d'arrosage ; qu'en raison de désordres du système
d'arrosage, la SCGB a assigné la SACER pour la voir déclarer responsable de ces désordres et
obtenir la réparation de son préjudice ; qu'à la suite de sa condamnation à payer diverses
sommes au maître de l'ouvrage, la SACER a interjeté appel ; qu'en cours d'instance, la société
YD est intervenue, au motif que, par une délibération de l'assemblée générale du 9 juillet 1993,

154
la SCGB lui a fait apport, outre des biens et droits immobiliers sur lesquels le marché avait été
exécuté, de l'ensemble des garanties et responsabilités attachées aux constructions en
application des articles 1792 et 2270 du Code civil ; que la société Colas, venant aux droits et
obligations de la SACER par voie de fusion, est intervenue aux lieu et place de celle-ci et a
soutenu l'irrecevabilité de la demande de la société YD pour défaut de qualité, celle-ci ne
pouvant exercer les droits qui n'ont pu lui être régulièrement transmis du fait de la nullité ou de
l'inopposabilité de la délibération de l'assemblée générale du 9 juillet 1993 et des actes
subséquents ;

Vu l'article L. 235-9 du Code de commerce ;


Attendu que pour déclarer recevable l'intervention de la société YD aux lieu et place de la
SCGB, l'arrêt relève que l'action en nullité de la délibération de l'assemblée générale du 9 juillet
1993 est prescrite pour avoir été introduite plus de trois ans après sa publication légale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si l'action en nullité d'une délibération d'une assemblée
générale prise en violation de l'article L. 223-27 du Code de commerce est soumise à la
prescription triennale instituée par l'article L. 235-9 du Code de commerce, l'exception de
nullité est perpétuelle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Les obligations des associés


Document 19 : L’abus de majorité (Cass. com., 14 oct. 2020, no 18-24.732)

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 9 mars 2017), MM. G... et K... et Mme J..., épouse G..., (Mme
J...) sont les trois associés de la SARL Cartimmo (la société), à concurrence de 49 % chacun
pour M. G... et Mme J... et de 2% pour M. K.... M. G... est également le gérant de la société.

3. Soutenant que MM. G... et K... avaient commis des abus de majorité en décidant, lors des
assemblées générales des 29 juin 2012 et 21 juin 2013, d'affecter les bénéfices des exercices
2011 et 2012 aux comptes « autres réserves », la privant ainsi de son droit à percevoir des
dividendes, et en approuvant les rémunérations versées à M. G... en 2011 et 2012, qu'elle
estimait excessives, Mme J... les a assignés en paiement de dommages-intérêts.

Enoncé du moyen

4. MM. G... et K... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mme J... une certaine somme
sur le fondement de l'abus de majorité, alors « que les juges du fond ne pouvaient retenir l'abus
de majorité, s'agissant des rémunérations du gérant, sans s'expliquer, comme il était
formellement demandé, sur le point de savoir si la rémunération du gérant ne variait pas en
fonction du chiffre d'affaires et si par suite la majoration des rémunérations du gérant ne serait
pas justifiée dès lors que le chiffre d'affaires avait augmenté ; que faute de s'être prononcés sur
ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des règles définissant
l'abus de majorité et notamment au regard des articles 1382 ancien [1240 nouveau] et 1833 du
code civil. »

Réponse de la Cour

155
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

5. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui
par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

6. Pour conclure à l'existence d'un abus de majorité, l'arrêt retient que le doublement de la
rémunération de M. G... du mois d'août 2011 au mois de décembre 2012 ainsi que l'octroi d'un
complément de rémunération de 42 500 euros, le 22 décembre 2011, ne répondent à un intérêt
social que s'ils correspondent à un accroissement de sa charge de travail au profit de l'entreprise.
Ayant relevé que la démission de Mme J... n'avait généré, pour M. G..., aucun surcroît de travail
profitant à la société dès lors que le projet de développement du réseau de franchise, qui
constituait exclusivement son activité, avait été abandonné à ce moment-là, il en déduit que les
augmentations de rémunération litigieuses ne sont pas justifiées au regard de l'intérêt social.

7. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'augmentation de la


rémunération de M. G... et le complément de rémunération qu'il avait perçu n'étaient pas
justifiés par l'évolution du chiffre d'affaires réalisé au cours de la période considérée, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le bien-
fondé de l'action entraîne, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt relatif
à la procédure abusive, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

9. En revanche, elle n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce


qu'il avait rejeté la demande de réparation du préjudice moral formée par Mme J..., qui n'est pas
critiqué.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 20 : L’abus de majorité (Cass. com., 18 avr. 1961, no 59-11.394)

Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que, selon les constatations de l’arrêt infirmatif attaqué, l’assemblée générale ordinaire
des actionnaires de la société anonyme « Etablissements Piquard frères et Z-A réunis »,
régulièrement tenue le 20 mai 1955, a décidé, à la majorité, le report à nouveau du bénéfice de
l’exercice de 1954 ; que, sur la demande introduite, par la groupe des actionnaires minoritaires,
la Cour d’appel a annulé cette résolution, en la considérant comme un abus de droit, aux motifs :
D’une part, qu’en présence des réserves déjà constituées lors des exercices précédents « égales
à deux fois et demi le montant du capital social, la mise en réserve, sous la rubrique de report à
nouveau, des 15.834.729 francs de bénéfices réalisés en 1954 ne se trouvait justifié ni par un
légitime souci de prévoyance ni par la nécessité de faire face à une dépense temporaire
exceptionnelle ; que cette mise en réserve, comme la plus grande partie des précédentes, ne
trouve pas d’autre explication… que le désir de pourvoir à la marche et au développement dirigé
de l’affaire sans recourir à une augmentation régulière de capital devenue indispensable » ;

156
D’autre part, que « cette capitalisation occulte des réserves… a , en masquant au public la
situation de plus en plus florissante de la société, a empêché la valorisation corrélative des
actions et faussé leur cours sur le marché de la Bourse où elles sont cotées ; qu’ainsi c’est avec
raison que les appelants soutiennent que les initiatives abusives de la majorité à cet égard les
ont privés non seulement des revenus qu’ils étaient fondés à attendre mais aussi de la possibilité
de réalisations avantageuses par la vente de leurs actions suivant leur juste prix » ;

Mais attendu qu’il ne ressort pas de ces motifs que la résolution litigieuse ait été prise
contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres
de la majorité au détriment des membres de la minorité ;

D’où il suite que, faute d’avoir caractérisé l’abus de droit par elle retenu, la Cour d’appel n’a
pas légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : CASSE ET ANNULE

Document 21 : L’abus de majorité (Cass. com., 13 janv. 2021, no 18-21.860)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 14 juin 2018), M. V..., gérant majoritaire, et sa compagne,
Mme K..., ont consenti le 21 juillet 2014 une promesse de cession de l'intégralité des parts de
la société Mécanique de précision de Méreau (la société) à M. H... pour le prix de 8 000 euros,
montant nominal du capital social.

2. La promesse de cession comportait notamment une condition portant sur l'acquisition, par la
société, du fonds artisanal de mécanique de précision de M. V..., que la société exploitait dans
le cadre d'une location-gérance, pour le prix de 242 000 euros, montant ultérieurement ramené
à 212 000 euros.

3. Le 29 octobre 2014, l'assemblée générale de la société a décidé d'octroyer à M. V..., au titre


de ses fonctions de dirigeant, une prime de 83 000 euros, puis, le 24 novembre, une autre prime
au titre d'un rappel de salaire, d'un montant de 3 049,94 euros.

4. Par acte sous seing privé du 4 décembre 2014, les parties ont réitéré la promesse de cession,
en précisant dans l'acte qu'aux termes de l'assemblée générale du 29 octobre 2014, il avait été
accordé à M. V... une prime exceptionnelle de 83 000 euros.

5. Devenu dirigeant de la société, M. H... a refusé de verser les sommes allouées à M. V... par
les assemblées générales des 29 octobre et 24 novembre 2014, estimant que l'octroi de ces
primes constituait un acte anormal de gestion, mettant en péril les intérêts de la société.

6. M. V... a assigné la société en paiement d'une somme totale de 84 623,05 euros. M. H... est
intervenu volontairement à l'instance et a demandé l'annulation des résolutions du 29 octobre
2014 et du 24 novembre 2014 comme procédant d'un abus de majorité.
Enoncé du moyen

7. M. V... fait grief à l'arrêt d'annuler les résolutions des 29 octobre et 24 novembre 2014 lui
attribuant des primes exceptionnelles, et de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors :

157
« 1°/ que les juges sont tenus de répondre aux moyens qui les saisissent ; qu'en l'espèce, M. V...
faisait valoir que l'abus de majorité suppose de constater que la délibération adoptée en
assemblée générale l'a été contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser
les membres de la majorité au détriment de la minorité, et que cette seconde condition manquait
nécessairement lorsque la résolution avait été adoptée à l'unanimité des associés ; qu'en
s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure
civile ;

2°/ que l'abus de majorité suppose de constater que la délibération adoptée en assemblée
générale l'a été contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser les membres
de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en l'espèce, il était constant, ainsi que le faisait
valoir M. V..., que les délibérations litigieuses avaient été adoptées à l'unanimité des associés,
de sorte que l'associée minoritaire avait lui-même estimé que son intérêt n'était pas lésé par cette
décision ; qu'en jugeant néanmoins que ces délibérations procédaient d'un abus de majorité, la
cour d'appel a violé les articles 1832, 1833 et 1844-1 du code civil ;

3°/ que, subsidiairement, l'abus de majorité suppose de constater que la délibération adoptée en
assemblée générale l'a été contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser
les membres de la majorité au détriment de la minorité ; qu'en se bornant à relever en l'espèce
que les délibérations litigieuses étaient contraire à l'intérêt social, sans constater qu'elles avaient
été adoptées dans l'unique dessein de favoriser M. V... au détriment, non pas seulement de la
société, mais également des autres associés, la cour d'appel a de toute façon privé sa décision
de base légale au regard des articles 1832, 1833 et 1844-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Après avoir analysé les comptes de la société des exercices 2012 et 2013, l'arrêt retient que
les délibérations litigieuses ont eu pour effet d'octroyer au dirigeant de la société, dans les
quelques mois séparant l'engagement de cession des titres et sa réalisation, des primes
exceptionnelles représentant treize fois le résultat annuel de la société, et en déduit, pour annuler
ces décisions, que ces primes constituent des rémunérations abusives comme étant
manifestement excessives et contraires à l'intérêt social. Il résulte de ces motifs que la cour
d'appel n'a pas annulé les deux résolutions en se fondant sur l'existence d'un abus de majorité,
et il ne peut donc lui être reproché de ne pas avoir caractérisé les conditions d'application d'un
tel abus.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 22 : L’abus de majorité (Cass. com., 8 févr. 2011, no 10-11.788)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 novembre 2009), que la société Cendrillon
assainissement services Ile-de-France (la société CASIF) a été constituée au mois de décembre
2003 par la société DMMS, aux droits de laquelle vient la société TFN, et la société Matériel
câble réalisation (la société MCR), lesquelles détenaient respectivement 60 % et 40 % des parts
représentant le capital de la société CASIF ; que le 18 avril 2005, la société TFN a acquis la
moitié des parts de la société CASIF détenues par la société MCR et s'est engagée à acquérir le
solde des parts pour un prix déterminé selon les stipulations figurant en annexe à la promesse ;

158
que la dissolution anticipée de la société CASIF a été décidée lors d'une assemblée des associés
du 27 juillet 2006 ; que la liquidation a été clôturée au mois de juin 2007 ; que la société MCR,
invoquant les engagements pris à son égard par la société TFN, a fait assigner celle-ci en
exécution ou en réparation ;

Attendu que la société TFN fait grief à l'arrêt d'avoir dit que la décision prise par celle-ci, associé
majoritaire, d'une liquidation amiable anticipée de la société CASIF avait porté préjudice à la
société MCR, associé minoritaire, en lui interdisant, après clôture de la liquidation, d'obtenir
l'exécution de la promesse d'achat de ses parts, que cela représente une faute au titre de l'article
1382 du code civil et de l'avoir condamnée à réparer le préjudice de perte de chance causé par
cette faute à la société MCR, alors, selon le moyen :

1°/ que la résolution d'une assemblée d'actionnaires n'est fautive que si elle constitue un abus
de majorité et donc que si elle est prise contrairement à l'intérêt social et dans l'unique dessein
de favoriser des membres de la majorité au détriment de membres de la minorité ; qu'en
énonçant, pour condamner la société TFN, associée majoritaire de la société CASIF, à payer
des dommages-intérêts d'un montant de 100 000 euros à la société MCR associé minoritaire,
que la décision de liquider la société CASIF avait été prise à l'initiative de la société TFN sans
motifs sérieux dès lors que la société MCR n'avait pas été mise en mesure de se prononcer
utilement sur une augmentation de capital social et qu'aucun manquement fautif n'était
susceptible de lui être reproché en sa qualité de simple associé de la société CASIF, la cour
d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles 1833 et 1832 du même code ;

2°/ qu'en statuant ainsi sans constater que cette décision de liquidation était contraire à l'intérêt
social de la société CASIF et avait été prise dans l'unique dessein de favoriser la société TFN
au détriment de la société MCR, associé minoritaire, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard des articles 1832 et 1833 du code civil, ensemble de l'article 1382 du même
code ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la décision de liquider la société a été prise à l'initiative
de la société TFN sans motifs sérieux, l'arrêt retient que cette société a abusivement profité de
sa position d'associée majoritaire au sein de la société CASIF pour mettre un terme aux activités
de cette entreprise, empêchant par là-même toute possibilité d'exécution des engagements
conclus entre elle et la société MCR, et que ces agissements fautifs ont causé à cette dernière
un préjudice constitué par la perte d'une chance de pouvoir céder les titres en sa possession dans
les conditions contractuellement prévues ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations
faisant ressortir que la décision de dissolution avait été prise contrairement à l'intérêt social et
dans l'unique dessein de permettre à l'associé majoritaire de se soustraire à ses engagements
envers l'associé minoritaire, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est
fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 23 : L’abus de minorité (Cass. com., 15 juill. 1992, no 90-17.216, Six)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 16 juin 1986, une assemblée générale extraordinaire de la
société à responsabilité limitée Tapisseries de France a décidé de transformer cette société en
société anonyme ; que Mme Y..., associée, a demandé l'annulation de cette délibération qui
avait été votée à une majorité inférieure à celle des trois-quarts des parts sociales ;

159
Sur le second moyen, qui est préalable :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter Mme Y... de sa demande, l'arrêt retient que celle-ci avait commis
un abus de minorité en s'abstenant systématiquement de participer aux décisions intéressant la
vie sociale, de sorte que, par son abstention, elle avait entravé une prise de décision jugée
souhaitable par les autres associés, qu'elle n'établissait nullement que la transformation en
société anonyme ait été dommageable pour la société Tapisseries de France et qu'en particulier
les inculpations d'infractions aux lois sur les sociétés et banqueroutes notifiées à M. X...,
dirigeant social, aient été la conséquence de la décision prise par l'assemblée générale
extraordinaire du 16 juin 1986 ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'attitude de Mme
Y... avait été contraire à l'intérêt général de la société, en ce que Mme Y... aurait interdit la
réalisation d'une opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses
propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés, la cour d'appel n'a pas donné de
base légale à sa décision ;

Et sur le premier moyen :

Vu l'article 69 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que, pour débouter Mme Y... de sa demande, l'arrêt retient encore que celle-ci avait
commis un abus de minorité dont les effets dommageables pour l'intérêt social ne pouvaient
être réparés que par le rejet de l'action en nullité de la délibération qui, bien que litigieuse, avait
déterminé les statuts et le mode de fonctionnement de la société depuis le 1er janvier 1986 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la transformation d'une société à responsabilité limitée
en société anonyme décidée à une majorité inférieure aux trois-quarts des parts sociales est
nulle et que l'abus de ses droits par l'associé minoritaire, à le supposer établi, n'était pas
susceptible d'entraîner la validité de la décision irrégulière, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 24 : L’abus de minorité (Cass. com., 9 juin 2021, no 19-17.161)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018) et les productions, le capital de la société
civile immobilière La Travance (la SCI La Travance) est réparti entre MM. [I], [Y] et [J] [N],
les deux premiers détenant six parts chacun et le dernier quatre parts.

2. La SCI La Travance était propriétaire d'un unique bien immobilier donné à bail à la société
à responsabilité limitée [N] (la SARL [N]), constituée entre les mêmes associés.

3. Les deux sociétés ont pour gérant M. [I] [N].

4. Par une ordonnance de référé du 17 juin 2016, la SCI La Travance a été condamnée à payer

160
à M. [Y] [N] une certaine somme en remboursement du solde de son compte courant d'associé.
M. [Y] [N] a fait procéder à une saisie-attribution des loyers versés par la SARL [N] à la SCI
La Travance en exécution de cette ordonnance.

5. Devant le refus de M. [Y] [N] de voter en faveur de la vente du bien immobilier donné à bail
à la SARL [N] qui, selon les autres associés, était seule de nature à reconstituer la trésorerie de
la SCI La Travance, celle-ci l'a assigné, en référé, aux fins de désignation d'un mandataire ad
hoc avec pour mission d'exercer à sa place le droit de vote attaché à ses parts lors de la prochaine
assemblée générale ayant pour ordre du jour cette vente.

6. M. [Y] [N] a demandé, à titre reconventionnel, la désignation d'un mandataire ad hoc avec
mission d'exercer les fonctions de gérant à la place de M. [I] [N] afin de permettre un
refinancement de la trésorerie de la société.

Enoncé du moyen

7. M. [Y] [N] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de désignation d'un mandataire ad hoc
avec pour mission d'exercer à la place de M. [I] [N] les fonctions de gérant de la SCI La
Travance, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les demandes et moyens respectifs des parties ; qu'en
l'espèce, M. [Y] [N] sollicitait la désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission
d'exercer à la place de M. [I] [N] les fonctions de gérant de la SCI La Travance ; qu'en rejetant
cette demande au seul motif qu' "il convient dès lors (?) de rejeter l'appel en ce qu'il propose
une mission alternative dans le cadre du mandat ad hoc", cependant que la mission proposée
par l'exposant n'était pas alternative, mais pouvait au contraire se cumuler avec celle qui était
sollicitée par la SCI La Travance, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation
des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que dans ses écritures d'appel, M. [Y] [N] faisait valoir que l'inertie fautive de M. [I] [N]
justifiait la désignation d'un mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer à la place de M. [I]
[N] les fonctions de gérant de la SCI La Travance ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la
demande de M. [N], "qu'il convient dès lors de confirmer la décision entreprise et de rejeter
l'appel en ce qu'il propose une mission alternative dans le cadre du mandat ad hoc", sans
répondre à ce moyen dirimant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

8. D'une part, en l'état des conclusions d'appel de M. [Y] [N], qui soutenaient qu'il était
nécessaire d'ordonner la désignation d'un mandataire ad hoc pour exercer, à la place de M. [I]
[N], les fonctions de gérant et qui, dans leur dispositif, demandaient à la cour d'appel d'infirmer
l'ordonnance entreprise puis, statuant à nouveau, d'ordonner cette désignation, ce dont il résulte
que M. [Y] [N] ne demandait pas à la cour de désigner un mandataire chargé d'une telle mission
en tout état de cause, c'est-à-dire quand bien même il serait fait droit à la demande de
désignation d'un mandataire chargé de voter à sa place pour la vente du bien immobilier, mais
sollicitait l'adoption d'une mesure à ses yeux plus adaptée à la résolution des difficultés
financières de la société, dues, selon lui, à une mauvaise gestion du gérant, c'est donc sans
modifier l'objet du litige que la cour d'appel a retenu que la demande de M. [Y] [N] de
désignation d'un mandataire ad hoc pour diriger la société à la place du gérant était alternative

161
à celle, sollicitée par ses coassociés, de désignation d'un mandataire ad hoc ayant pour mission
de voter à sa place la résolution approuvant la vente de l'immeuble social.

9. D'autre part, après avoir relevé que le loyer payé par la SARL [N] permettait seulement
d'équilibrer le montant des charges liées au remboursement des emprunts de la SCI La Travance
et que cette dernière était privée de ce revenu du fait de la saisie-attribution pratiquée par M.
[Y] [N], l'arrêt retient que ce dernier ne peut se contenter de soutenir que la solution résiderait
dans une augmentation du montant des loyers, une telle opération, pour les seuls besoins du
renflouement de la trésorerie de la société, n'étant pas facilement envisageable et étant
susceptible de constituer une infraction pénale telle qu'un abus de biens sociaux. Il ajoute qu'une
telle augmentation du montant des loyers serait, en toute hypothèse, neutralisée par la saisie-
attribution jusqu'au règlement complet des causes de l'ordonnance de référé. Ayant ainsi fait
ressortir que la vente du bien immobilier donné à bail à la SARL [N] constituait la seule solution
envisageable pour renflouer la trésorerie de la SCI La Travance et qu'ainsi l'inertie fautive
alléguée n'était pas constituée, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument
délaissées.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. M. [Y] [N] fait grief à l'arrêt de désigner un mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer
à sa place le droit de vote attaché à ses parts au sein de la société, lors de la prochaine assemblée
générale sur les seules questions relatives au principe de la vente de l'immeuble et au montant
du prix de cet actif et de dire que la rémunération de ce mandataire sera avancée par la SCI La
Travance, alors « qu'un abus de minorité suppose que soit caractérisée une attitude qui, tout à
la fois, est contraire à l'intérêt général de la société, en ce qu'elle interdit la réalisation d'une
opération essentielle pour celle-ci, et est motivée, de la part du minoritaire, par l'unique dessein
de favoriser ses propres intérêts au détriment des intérêts essentiels de la société ; qu'en l'espèce,
pour désigner un mandataire ad hoc à l'effet de voter en lieu et place de M. [Y] [N], associé
minoritaire, la cour d'appel a retenu que "le refus itératif de M. [Y] [N] d'accepter la vente de
l'immeuble (?), manifesté lors de plusieurs assemblées générales extraordinaires, n'apparaît pas
dicté par l'intérêt social, le risque évident étant que l'immeuble soit réalisé à l'initiative des
créanciers dans des conditions défavorables" ; qu'en statuant ainsi - à supposer qu'elle ait
entendu relever l'existence d'un abus de minorité -, sans constater que les votes exprimés par
M. [Y] [N] auraient été formulés dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au
détriment des autres associés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de
l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable :

12. Selon ce texte, le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation
sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit
pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

13. L'existence d'un abus de minorité suppose que la preuve soit rapportée, d'un côté, que

162
l'attitude du minoritaire est contraire à l'intérêt général de la société et, de l'autre, qu'elle procède
de l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés.

14. Pour désigner un mandataire ad hoc avec pour mission d'exercer, à la place de M. [Y] [N],
le droit de vote attaché à ses parts au sein de la SCI La Travance, lors de la prochaine assemblée
générale sur les questions relatives au principe et au prix de la vente du bien immobilier donné
à bail à la SARL [N], l'arrêt, après avoir relevé que le loyer payé par cette dernière permettait
seulement d'équilibrer le montant des charges liées au remboursement des emprunts de la SCI
La Travance et que cette dernière était privée de ce revenu du fait de la saisie-attribution
pratiquée par M. [Y] [N], retient que ce dernier ne peut se contenter de soutenir que la solution
résiderait dans une augmentation du montant des loyers, une telle opération, pour les seuls
besoins du renflouement de la trésorerie de la société, n'étant pas facilement envisageable et
étant susceptible de constituer une infraction pénale telle qu'un abus de biens sociaux. Il ajoute
qu'une telle augmentation du montant des loyers serait, en toute hypothèse, neutralisée par la
saisie-attribution jusqu'au règlement complet des causes de l'ordonnance de référé. L'arrêt en
déduit que la SCI La Travance ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour faire face à ses
charges d'emprunt, de sorte que le refus itératif de M. [Y] [N] de voter la vente du bien
immobilier de la SCI La Travance n'apparaît pas dicté par l'intérêt social, le risque étant que ce
bien soit vendu par des créanciers dans des conditions défavorables.

15. En se déterminant ainsi, sans caractériser en quoi le refus de M. [Y] [N] de voter pour la
vente du bien litigieux procédait de l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au
détriment des autres associés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 25 : L’abus de minorité (Cass. com., 9 mars 1993, no 91-14.685, Flandin)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi
du 1er mars 1984 portant à 50 000 francs minimum le capital des sociétés à responsabilité
limitée et imposant aux sociétés existantes d'y procéder avant le 1er mars 1989 sous peine de
dissolution de plein droit, le gérant de la société Alarme Service Electronique a proposé par
consultation écrite des associés une augmentation de capital à hauteur de 50 000 francs ; qu'un
procès-verbal du résultat de cette consultation en date du 24 mai 1985 a constaté que, faute de
majorité qualifiée requise, la décision d'augmentation du capital était rejetée ; que lors des
assemblées générales extraordinaires des 4 janvier et 8 septembre 1988, MM. Joseph et Marcel
X..., porteurs respectivement de 51 et 50 parts sur les 204 représentant le capital social, ne se
sont pas présentés, empêchant ainsi le vote de l'augmentation de capital demandée, cette fois-
là, à hauteur de 500 000 francs ; que la société Alarme Service Electronique les a assignés pour
voir dire que l'attitude de ces associés constituait un abus de droit de la minorité et qu'il y avait
lieu en conséquence de l'autoriser à effectuer l'augmentation de capital envisagée ;

Vu l'article 1382 du Code civil ;


Attendu qu'après avoir retenu à bon droit que M. X... avait commis un abus de minorité en
s'opposant à l'augmentation de capital à hauteur de 50 000 francs qui était légalement requise
et était nécessaire à la survie de la société, l'arrêt, pour décider qu'il y avait eu abus de minorité,
retient également que l'augmentation de capital demandée à hauteur de 500 000 francs était
justifiée par les documents produits, que le silence et l'absence de M. X... aux assemblées
générales extraordinaires, bloquant une décision nécessaire de façon injustifiée, procédaient par

163
leur caractère systématique d'un dessein de nuire aux majoritaires, et par là-même, à l'intérêt
social ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'attitude de M. X...
avait été contraire à l'intérêt général de la société en ce qu'il aurait interdit la réalisation d'une
opération essentielle pour celle-ci, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au
détriment de l'ensemble des autres associés, et alors qu'elle retenait que les résultats de la société
étaient bons et que celle-ci était prospère, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision ;

Et sur le moyen unique pris en sa troisième branche :

Vu les articles 57 et 60 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que pour sanctionner l'abus de minorité retenu, la cour d'appel a décidé que son arrêt
valait adoption de la résolution tendant à l'augmentation de capital demandée, laquelle n'avait
pu être votée faute de majorité qualifiée ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne pouvait se substituer aux organes sociaux
légalement compétents et qu'il lui était possible de désigner un mandataire aux fins de
représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur
nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt
légitime des minoritaires, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 26 : L’abus de minorité (Cass. com., 20 mars 2007, no 05-19.225)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que les capitaux propres de la société
La Roseraie clinique hôpital (la société La Roseraie) étant devenus inférieurs à la moitié du
capital social, une assemblée générale a été convoquée pour le 13 juin 2005 afin de voter une
augmentation de capital, devant être suivie d'une réduction de capital par absorption des dettes,
proposée par la société Gruppo villa Maria, détentrice de 49 % du capital ; que l'augmentation
de capital n'a pas pu être adoptée à la majorité requise, par suite du refus de la société Hexagone
hospitalisation Ile-de-France (la société Hexagone), détentrice de 46 % du capital, aux motifs
que la question préalable de la dissolution ou de la poursuite d'activité n'avait pas été examinée
et qu'elle n'avait pas eu réponse à ses questions sur le plan stratégique de développement ; que
la société La Roseraie et la société Gruppo villa Maria ont assigné en référé la société Hexagone
pour voir dire que son attitude constituait un abus de minorité et obtenir la désignation d'un
mandataire ad hoc chargé de la représenter et pour voter à une assemblée générale à venir sur
l'augmentation de capital ;

Vu l'article 1382 du code civil ;


Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant accueilli cette demande, l'arrêt retient
que les demandes d'informations complémentaires étaient relatives au plan stratégique de
développement, discuté au conseil d'administration du 13 juin 2005, mais n'étaient pas
directement liées au vote de la résolution proposant l'augmentation de capital devant permettre
l'apurement des dettes existantes dont la société Hexagone avait approuvé le montant en
adoptant le 13 juin 2005 la première résolution d'approbation des comptes de l'exercice clos au
31 décembre 2004, et que les renseignements obtenus lui permettaient de voter la résolution en

164
toute connaissance de cause ; qu'il relève aussi que la mise en place de la restructuration de la
société ferait l'objet de discussions postérieures et que la demande d'informations ne pouvait
qu'être interprétée comme une manœuvre destinée à retarder l'assemblée générale ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les actionnaires devant se prononcer sur une
augmentation du capital d'une société dont les capitaux propres sont devenus inférieurs à la
moitié du capital, doivent disposer des informations leur permettant de se prononcer en
connaissance de cause sur les motifs, l'importance et l'utilité de cette opération au regard des
perspectives d'avenir de la société et qu'en l'absence d'une telle information, ils ne commettent
pas d'abus en refusant d'adopter la résolution proposée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour confirmer l'ordonnance de référé ayant accueilli cette demande, l'arrêt retient
que la société Hexagone qui avait écarté la possibilité de voter la dissolution, ne proposait
aucune solution alternative sérieuse ou précise à l'augmentation de capital qui était la seule
mesure conforme à l'intérêt de la société La Roseraie, indispensable à sa survie et qui ne lésait
pas ses propres intérêts dans la société ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir en quoi l'opposition de la
société Hexagone au vote de l'augmentation de capital était fondée sur l'unique dessein de
favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés, la cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 27 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 15 nov.


2011, no 10-15.049, SARL Clos du Baty)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société à responsabilité limitée Clos du Baty, ayant pour
gérant M. X... et pour autres associés la société Fabi, M. Y... et la société DL finances, a engagé
la construction de la première des deux tranches d'un programme immobilier destiné à la
gendarmerie nationale ; que reprochant à M. X... et à la société Fabi d'avoir détourné à leur
profit les bénéfices de la première tranche du programme immobilier et d'avoir fait réaliser la
seconde par une société civile immobilière Chanterie, ayant pour gérant M. X..., M. Y... et la
société DL finances les ont assignés en paiement de dommages-intérêts pour concurrence
déloyale et ont sollicité la condamnation de M. X... et de la société Fabi au paiement de
dommages-intérêts pour comportement déloyal ; que le 7 février 2007, M. Y... et la société DL
finances ont déposé plainte avec constitution de partie civile des chefs de divers délits financiers
visant M. X... en sa qualité de gérant de la société Clos du Baty ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... et la société DL finances font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de
sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir alors, selon le moyen :

1°/ qu'il est sursis à statuer sur l'action civile lorsque la décision à intervenir sur l'action publique
en cours est de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en déboutant M. Y... et la société

165
DL finances de leur demande de sursis à statuer en retenant qu'ils n'étaient pas recevables à
saisir la juridiction pénale d'une même demande que celle dont ils avaient déjà saisi la
juridiction civile, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure pénale ;

2°/ que M. Y... et la société DL finances faisaient valoir que l'arrêt de la chambre de l'instruction
du 2 avril 2009, qui ordonnait un complément d'information afin de déterminer les
responsabilités encourues dans le détournement de la clientèle, constituait un élément nouveau
de nature à influer sur la solution du litige ; qu'en se bornant à adopter les motifs de l'ordonnance
du 18 octobre 2008 du conseiller de la mise en état, sans répondre aux conclusions de M. Y...
et de la société DL finances sur ce point déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du
code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 4 du code de procédure pénale, modifié par la loi n 2007-
291 du 5 mars 2007, loi de procédure d'application immédiate en l'absence de disposition
spéciale, la mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement
des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même
si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une
influence sur la solution du procès civil ; que le moyen est inopérant ;

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. Y... et la société DL finances font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes
en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que l'associé, tenu d'un devoir de
loyauté, ne peut entreprendre, sans en informer les autres associés, un projet pour le compte
d'une autre société, fût-il distinct, qui vient en concurrence avec celui présenté par la société ;
que dès lors, en considérant que la société Fabi n'avait pas engagé sa responsabilité, par des
motifs inopérants selon lesquels l'abandon du projet initial était le fruit de la volonté de la
gendarmerie et que les deux projets étaient distincts, sans rechercher, ainsi qu'elle y était
expressément invitée, si l'associé n'avait pas engagé sa responsabilité en menant de front deux
projets parallèles pour deux sociétés différentes, sans en informer ses coassociés, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que, sauf stipulation contraire, l'associé d'une société à responsabilité limitée n'est,
en cette qualité, tenu ni de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société ni
d'informer celle-ci d'une telle activité et doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence
déloyaux ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 223-22 du code de commerce ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. Y... et de la société DL finances en paiement de


dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'attitude déloyale de M. X..., l'arrêt
retient que la gendarmerie nationale qui devait investir massivement dans la commune de Saint-
Astier a très largement réduit l'ampleur de ses projets et que l'opération de construction
finalement portée par la société La Chanterie constituait un projet distinct de celui que se
proposait de réaliser la société Clos du Baty ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure tout manquement de M.
X... à l'obligation de loyauté et de fidélité pesant sur lui en raison de sa qualité de gérant de la

166
société Clos du Baty, lui interdisant de négocier, en qualité de gérant d'une autre société, un
marché dans le même domaine d'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 28 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 10 sept.


2013, no 12-23.888)

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que, sauf stipulation contraire, l'associé d'une société par actions simplifiée n'est pas,
en cette qualité, tenu de s'abstenir d'exercer une activité concurrente de celle de la société et
doit seulement s'abstenir d'actes de concurrence déloyale ;

Attendu qu'après avoir cédé le contrôle de la société par actions simplifiée LBDI, ayant pour
activité la collecte et le traitement des déchets, M. X..., qui avait conservé une participation
minoritaire, a créé, avec deux autres personnes, la société EGT environnement (la société EGT),
ayant une activité similaire à celle de la société LBDI ; que cette dernière, faisant valoir que la
société EGT avait remporté l'un des lots de l'appel d'offres lancé par la communauté de
communes de Tréfort-en-Revermont au moyen d'actes de concurrence déloyale, a fait assigner
cette société et M. X... en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que pour accueillir partiellement cette demande, l'arrêt, après avoir constaté que les
griefs tirés des fautes que révélerait le comportement de M. X... et de la société EGT, tant en ce
qu'elles concerneraient le marché de Tréfort-en-Revermont qu'en ce qu'elles caractériseraient
en elles-mêmes des actes déloyaux, n'étaient pas établis, retient que, pour autant, la société
LBDI est fondée à soutenir que M. X..., qui est son actionnaire, est tenu envers elle d'une
certaine obligation de loyauté qui lui interdit de lui faire directement ou indirectement
concurrence, même en recourant à des moyens non fautifs ; que l'arrêt en déduit qu'en
soumissionnant à l'appel d'offres, M. X... a commis un acte incompatible avec la loyauté due à
la société dont il est l'associé et qu'il s'agit là d'un acte de concurrence déloyale, dont la société
EGT répond en tant que complice ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 29 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 27 févr.


1996, no 94-11.241, Vilgrain)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 1994), que le 27 septembre 1989, Mme X... a
vendu à M. Bernard Vilgrain, président de la société Compagnie française commerciale et
financière (société CFCF), et, par l'intermédiaire de celui-ci, à qui elle avait demandé de
rechercher un acquéreur, à MM. Francis Z..., Pierre Z... et Guy Y... (les consorts Z...), pour qui
il s'est porté fort, 3 321 actions de ladite société pour le prix de 3 000 francs par action, étant
stipulé que, dans l'hypothèse où les consorts Z... céderaient l'ensemble des actions de la société
CFCF dont ils étaient propriétaires avant le 31 décembre 1991, 50 % du montant excédant le
prix unitaire de 3 500 francs lui serait reversé ; que 4 jours plus tard les consorts Z... ont cédé
leur participation dans la société CFCF à la société Bouygues pour le prix de 8 800 francs par
action ; que prétendant son consentement vicié par un dol, Mme X... a assigné les consorts Z...
en réparation de son préjudice ;

167
Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, à raison d'une réticence
dolosive, à payer à Mme X..., une somme de 10 461 151 francs avec intérêts au taux légal à
compter du 1er octobre 1989 alors, selon le pourvoi, d'une part, que, si l'obligation d'informer
pesant sur le cessionnaire, et que postule la réticence dolosive, concerne les éléments
susceptibles d'avoir une incidence sur la valeur des parts, que ces éléments soient relatifs aux
parts elles-mêmes ou aux actifs et aux passifs des sociétés en cause, elle ne peut porter, en
revanche, sur les dispositions prises par le cessionnaire pour céder à un tiers les actions dont il
est par ailleurs titulaire ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1382
du Code civil, s'il faut considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par
ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut attacher à ce texte les conséquences de la
réticence dolosive ; alors, d'autre part, que le fait à le supposer établi pour le cessionnaire de
s'abstenir d'offrir au cédant de s'associer à lui, dans la négociation qu'il a parallèlement
entreprise, pour céder à un tiers ses propres titres, est étranger, par hypothèse, à l'obligation
d'informer, et donc à la réticence dolosive, qui n'a pour objet que de sanctionner l'inexécution
de l'obligation d'informer pesant sur le cessionnaire ; d'où il suit que l'arrêt attaqué a été rendu
en violation de l'article 1382 du Code civil s'il faut considérer que les conséquences de la
réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher à
ce texte les conséquences de la réticence dolosive ; alors, en outre, que le cessionnaire est libre
d'offrir ou de ne pas offrir au cédant, de s'associer à une négociation qu'il a entreprise pour la
cession à un tiers des titres qu'il détient d'ores et déjà dans le capital de la société en cause ;
qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1134 du Code civil, ensemble le
principe de la liberté de contracter ; alors, au surplus, que l'obligation d'informer, que sanctionne
la réticence dolosive, suppose premièrement, que le créancier de l'obligation n'ait pas été
informé, deuxièmement qu'il n'ait pas eu l'obligation de son côté de mettre en œuvre certains
moyens d'être informé ; qu'en lui reprochant de n'avoir pas informé Mme X... de l'existence
d'un groupement d'intérêt économique constitué le 30 septembre 1988, sans répondre à ses
conclusions faisant valoir que Mme X... dont il est constant qu'elle ait été assistée d'un avocat,
professeur de droit, spécialisé en droit des affaires savait, ou aurait dû savoir, notamment par
des informations publiées par la presse nationale, qu'un GIE avait été constitué entre la SNCF
et la société Les Grands moulins de Paris, pour coordonner les études d'aménagement et de
répartition des frais (conclusions signifiées le 16 novembre 1993, pages 3 et 4), les juges du
fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil s'il faut
considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article
1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive et
alors, enfin, que les liens d'amitié et de confiance que lui-même et Mme X... avaient pu
entretenir par le passé, étaient sans incidence sur l'existence ou l'étendue des obligations pesant
sur lui, en sa qualité de cessionnaire, dès lors que, ayant pris le parti de ne pas donner suite à sa
lettre du 28 janvier 1988, Mme X... avait pris la décision unilatérale de consulter une banque,
de se faire assister d'un conseil spécialisé en droit des affaires et d'entreprendre des négociations
avec les consorts Z..., par le truchement de ce conseil constitué mandataire ; qu'à cet égard
encore les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil s'il faut considérer que les
conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, l'article 1116 du Code civil, s'il
faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu que l'arrêt relève qu'au cours des entretiens que Mme X... a eu avec M. Bernard
Vilgrain, celui-ci lui a caché avoir confié, le 19 septembre 1989, à la société Lazard, mission
d'assister les membres de sa famille détenteurs du contrôle de la société CFCF dans la recherche

168
d'un acquéreur de leurs titres et ne lui a pas soumis le mandat de vente, au prix minimum de 7
000 francs l'action, qu'en vue de cette cession il avait établi à l'intention de certains actionnaires
minoritaires de la société, d'où il résulte qu'en intervenant dans la cession par Mme X... de ses
actions de la société CFCF au prix, fixé après révision, de 5 650 francs et en les acquérant lui-
même à ce prix, tout en s'abstenant d'informer le cédant des négociations qu'il avait engagées
pour la vente des mêmes actions au prix minimum de 7 000 francs, M. Bernard Vilgrain a
manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d'une société à l'égard de tout associé,
en particulier lorsqu'il en est intermédiaire pour le reclassement de sa participation ; que par ces
seuls motifs, procédant à la recherche prétendument omise, la cour d'appel a pu retenir
l'existence d'une réticence dolosive à l'encontre de M. Bernard Vilgrain ; d'où il suit que le
moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait le même grief à l'arrêt alors, selon le pourvoi, qu'à
supposer, premièrement, que les consorts Z... aient donné mandat à la maison Lazard frères &
Cie de négocier leurs propres titres pour le prix de 7 000 francs, deuxièmement, que Mme X...
ait eu connaissance de ce mandat, troisièmement, qu'elle ait su qu'un groupement d'intérêt
économique avait été constitué entre la SNCF et la société des Grands moulins de Paris et que
ce groupement ait eu pour objet de valoriser l'actif immobilier de cette dernière, les juges du
fond n'ont pas constaté qu'à la date des cessions (27 septembre 1989), Mme X... eût préféré
attendre la position d'un acquéreur éventuel, pour tenter d'obtenir un prix supérieur, plutôt que
d'avoir l'assurance d'encaisser immédiatement 3 000 francs par action et d'avoir la garantie, en
outre, d'encaisser un supplément de prix à concurrence de 50 % en cas de plus-value susceptible
d'être réalisée grâce aux consorts Z... ; d'où il suit que faute de relever que l'erreur commise par
Mme X..., à raison de la réticence dolosive, a été déterminante, l'arrêt attaqué est dépourvu de
base légale au regard de l'article 1382 du Code civil s'il faut considérer que les conséquences
de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher
à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu qu'ayant retenu qu'informée des négociations en cours, Mme X... n'aurait pas cédé
ses actions au prix de 3 000 francs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit
que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. Bernard Vilgrain fait enfin grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi qu'il a fait, alors
selon le pourvoi, que la réticence dolosive, qui obéit aux règles régissant le dol, n'est
sanctionnée que dans la mesure où elle émane du cocontractant ; que dans l'hypothèse où
l'opération comporte plusieurs cessions d'actions au profit de plusieurs cessionnaires, la nullité
pour réticence dolosive ne peut affecter que la cession faite au cessionnaire coupable de
réticence dolosive et de la même manière, les dommages-intérêts ne peuvent concerner que le
préjudice lié à la cession faite au profit du cessionnaire ; qu'en condamnant M. Bernard Vilgrain
à réparer le préjudice découlant des cessions consenties au profit des autres consorts Z..., les
juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil, s'il faut considérer que les conséquences de
la réticence dolosive sont régies par ce texte, l'article 1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce
texte les conséquences de la réticence dolosive et alors, d'autre part, en tout cas, que faute
d'avoir cherché si, à raison de la pluralité des cessions, seul le préjudice né de la cession que M.
Bernard Vilgrain avait personnellement conclue pouvait être mis à la charge de ce dernier, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, s'il faut

169
considérer que les conséquences de la réticence dolosive sont régies par ce texte, de l'article
1116 du Code civil, s'il faut rattacher à ce texte les conséquences de la réticence dolosive ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que M. Bernard Vilgrain avait conclu l'acte de cession
du 27 septembre 1989 à titre personnel et en se portant fort pour les autres acquéreurs, d'où il
résultait que celui-ci n'était pas un tiers à la convention portant sur l'ensemble des titres litigieux,
la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions produites ni de l'arrêt que M. Bernard
Vilgrain ait prétendu devant les juges du fond que seul le préjudice né de la cession qu'il avait
conclue à titre personnel pouvait être mis à sa charge ; que le moyen est donc nouveau et
mélangé de fait et droit ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 30 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 26 mars


1996, no 93-21.250)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a acquis 185 des 9 000 actions représentant le capital
de la société anonyme d'expertise comptable Buthurieux et associés (la société) ; que par une
délibération de l'assemblée générale extraordinaire réunie le 27 septembre 1989 la société a
modifié ses statuts y insérant, à la charge des actionnaires, une obligation de " respect de
clientèle " en cas de retrait ; que M. X..., qui s'était opposé à cette modification, s'est retiré de
la société le 31 octobre 1989 pour exercer la profession d'expert-comptable à titre indépendant
; qu'ayant fourni des prestations à des clients de la société il a, par une sentence arbitrale du 17
janvier 1991, été condamné à payer à celle-ci l'indemnité prévue par les statuts ; qu'il a relevé
appel de cette sentence ;

Vu l'article 153 de loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société, l'arrêt retient que la clause selon laquelle,
après son retrait de la société, " l'ancien actionnaire s'interdit formellement de travailler,
d'intervenir, d'entrer en relation ou d'entrer au service d'un client de la société... " a été
régulièrement intégrée dans les statuts par délibération de l'assemblée générale extraordinaire,
nonobstant l'opposition de M. X... ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que, si une clause interdisant à l'ancien actionnaire
d'une société anonyme toute forme de concurrence envers celle-ci peut être comprise dans les
statuts adoptés lors de sa création, l'introduction ultérieure d'une telle clause qui, par l'atteinte
qu'elle porte à la liberté du travail et du commerce, augmente les engagements de l'actionnaire,
ne peut être décidée qu'à l'unanimité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

170
Document 31 : L’obligation résultant d’une clause de non-concurrence (Cass. com., 20 sept.
2016, no 15-13.263)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 décembre 2014), que MM. Y..., Z... et A... ont acquis
en 2003 le capital de la société Festi, spécialisée dans le commerce d'articles de fête et disposant
de points de vente à l'enseigne « Festi », implantés dans le nord de la France ; qu'elle a été
reprise en 2007 par la société Cahema, constituée entre, d'un côté, MM. Y..., Z..., A... (le groupe
majoritaire), de l'autre, les sociétés Etoile ID et Picardie investissement (les investisseurs) ; que,
le 29 juin 2007, a été conclu un pacte d'associés comportant à la charge des trois premiers une
clause de non-concurrence ; que M. Y..., directeur général de la société Cahema, détenait une
participation majoritaire dans le capital de la société Anamag, prestataire informatique de la
société Festi ; que M. B..., associé minoritaire et gérant de la société Anamag, était également
le président de la société Calidon, créée en février 2009 pour exercer dans le département des
Bouches du Rhône une activité de vente d'articles de fête à l'enseigne « CréaFêtes » ; qu'en juin
2009, M. Y... a été révoqué de ses fonctions de directeur général de la société Cahema, au motif
d'un conflit d'intérêts résultant de sa participation au capital de la société Anamag ; que
reprochant à MM. Y..., Z..., B... ainsi qu'aux sociétés Anamag et Calidon des actes de
concurrence déloyale, les sociétés Cahema et Festi les ont assignés en réparation de leurs
préjudices ainsi qu'en interdiction d'exercice de toute activité concurrente ; que la société
Anamag a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 28 mars 2011 et 1er juin
2011, Mme C... étant désignée mandataire judiciaire et liquidateur ; que la société Festi a été
mise en redressement judiciaire le 22 octobre 2015, M. X... étant désigné administrateur
judiciaire ;

(…)

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Cahema et Festi font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en réparation
du préjudice résultant de la violation de la clause de non-concurrence et en interdiction faite à
MM. Y..., Z... et B... ainsi qu'aux sociétés Anamag et Calidon d'exercer toute activité
concurrente aux leurs alors, selon le moyen :

1°/ que le caractère proportionné d'une clause de non-concurrence doit s'apprécier de manière
concrète au regard des intérêts du créancier qu'elle a pour objet de préserver ; qu'en l'espèce, les
sociétés Cahema et Festi faisaient valoir que l'application à l'ensemble du territoire français de
la clause stipulée à l'article 6. 2 du pacte d'associés du 29 juin 2007, aux termes de laquelle
MM. Y..., A... et Z... s'étaient engagés « à ne pas, sur le territoire de la France, pendant quatre
(4) ans à compter de la signature des présentes, louer leurs services en tant que salarié ou exercer
des fonctions de gérance, de direction, d'administration ou de surveillance ou d'animation dans
une entreprise concurrente à la société, sauf avec l'accord préalable écrit des investisseurs »,
était justifiée par l'objectif des sociétés Cahema et Festi, rappelé en préambule du pacte
d'associés, qui consistait à développer le groupe au niveau national afin d'en faire le leader
français sur ce secteur du marché ; que, pour annuler la clause précitée, la cour d'appel a
considéré que si sa durée (quatre ans) n'était pas excessive, en revanche, il en allait
différemment du champ d'application territorial étendu à la France entière, dans la mesure où
les fonds de commerce du groupe Festi n'étaient présents que dans le nord de la France, de sorte
qu'il n'aurait existé selon la cour aucune situation de concurrence effective avec Créa Fêtes
basée dans les Bouches du Rhône ; qu'en statuant de la sorte, quand il lui incombait d'apprécier
le caractère proportionné de l'engagement de non-concurrence souscrit par MM. Y..., A... et Z...

171
au regard de l'objectif de développement national du groupe auquel ces derniers avaient adhéré,
la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en retenant, par motifs supposément adoptés des premiers juges, que « le plan de
développement de Festi établi en 2007 par Etoile ID concernait d'ailleurs le seul nord de la
France (courrier Etoile ID à M. Z... [lire : M. A...] du 5 avril 2007) », quand le courrier en
question ne comportait aucune mention ni allusion en ce sens, la cour d'appel a dénaturé ce
document, violant ainsi l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel les juges
du fond ne doivent pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ qu'en l'absence de stipulation expresse, le champ d'application dans le temps et dans l'espace
d'une clause de non-concurrence doit s'apprécier au regard de la volonté commune des parties,
qu'il incombe aux juges du fond de rechercher ; que, pour annuler la clause de l'article 6. 2 du
pacte d'associés du 29 juin 2007 aux termes de laquelle MM. A... et Z... s'étaient engagés « à
ne pas, directement ou indirectement, notamment par personne interposée ou au travers d'une
société ou autre entité, prendre une participation au capital d'une société qui exercerait une
activité concurrente de celle de la société », la cour d'appel a considéré que celle-ci, faute d'être
limitée dans le temps et l'espace, était insuffisamment précise ; qu'en statuant de la sorte, sans
rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par les conclusions des sociétés Cahema et Festi si la
commune intention des parties n'avait pas été de soumettre cette clause aux mêmes limitations
dans le temps et dans l'espace que celles régissant l'autre obligation de non-concurrence
également stipulée à l'article 6. 2 du pacte d'associés, qui s'appliquait pendant une durée de
quatre ans et sur le territoire français, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que la clause de non-concurrence contenait deux
interdictions, celle de prendre une participation au capital d'une société qui exercerait une
activité concurrente, et celle d'exercer des fonctions dans l'entreprise concurrente, et relevé que
l'activité visée concernait la commercialisation d'articles de fête telle qu'exercée par la société
Festi, l'arrêt relève que la première interdiction, qui n'est limitée ni dans le temps ni dans
l'espace, doit être annulée ; qu'il ajoute que, s'agissant de la seconde, son champ territorial
étendu à la France entière est excessif, dès lors que les fonds de commerce du groupe Festi,
implantés dans la partie nord de la France et sans activité de vente sur internet, ne s'adressent
qu'à une clientèle de proximité ; que de ces constatations et appréciations, rendant inopérant le
grief de la troisième branche, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé la lettre du 5 avril 2007 à
laquelle elle ne s'est pas référée, a exactement déduit qu'il y avait lieu d'annuler la clause de
non-concurrence, manifestement disproportionnée aux intérêts des sociétés Cahema et Festi ;
que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 32 : L’obligation de libérer les apports en numéraire (Cass. 3e civ., 17 janv. 2019,
no 17-22.070)

Vu l'article 1843-3, alinéa 1er, du code civil ;

Attendu que chaque associé est débiteur envers la société de tout ce qu'il a promis de lui apporter
en nature, en numéraire ou en industrie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 juin 2017), que la société civile immobilière Feaugas

172
(la SCI) a été constituée à parts égales entre Mme X... et M. A... ; qu'il a été prévu que chaque
associé recevrait 3 500 parts sociales et apporterait une somme de 350 000 euros en numéraire,
dont la libération interviendrait ultérieurement ; que M. A..., en sa qualité de gérant de la SCI,
a demandé à Mme X... de libérer une partie de son apport en numéraire à hauteur de 200 000
euros ; que celle-ci a ensuite demandé à la SCI son retrait, l'annulation de ses parts et leur
paiement à hauteur de 40 000 euros ; que la SCI a assigné Mme X... en condamnation au
paiement de la somme de 160 000 euros, correspondant au montant de son apport appelé et non
libéré, dont a été déduite la valeur de ses parts sociales ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que, dès lors que Mme X... a demandé
son retrait de la société, qui a été accepté, la SCI n'est plus fondée à solliciter la libération de
son apport ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le capital social non libéré est une créance de la société contre
son associé qui ne s'éteint pas lorsque celui-ci se retire de la société, la cour d'appel a violé le
texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 33 : L’obligation d’exercer normalement les prérogatives d’associé (Cass. com.,


18 févr. 2014, no 12-29.752, SAS Macris c/ITM)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, et les productions, que M. X... a conclu le 24 avril 1985 avec la
société ITM entreprises, holding du groupe de distribution Les Mousquetaires, un contrat
d'adhésion aux fins d'exploiter un point de vente sous enseigne Intermarché ; qu'il a créé à cette
fin la société par actions simplifiée Macris dont il était l'associé majoritaire et le président ; que
la société ITM entreprises détenait une action de cette société dont les statuts stipulaient une
règle d'unanimité pour les décisions collectives extraordinaires pendant quinze années au
moins, pouvant être ultérieurement convertie en une règle de majorité simple à l'initiative de
l'associé majoritaire ; que la société Macris représentée par M. X..., ce dernier intervenant
également à l'acte à titre personnel en sa qualité d'adhérent, a conclu avec la société ITM
entreprises plusieurs contrats d'enseigne successifs, le dernier le 30 avril 2009 ; que le terme de
ce contrat fixé au 7 juillet 2009 était renouvelable ensuite d'année en année par tacite
reconduction ; que l'article 9 du contrat d'enseigne prévoyait qu'il « expirerait de plein droit à
la date d'effet de la modification de la règle de l'unanimité stipulée à l'article 19 des statuts de
la société d'exploitation » ; que, le 25 août 2008, la société ITM alimentaire France (la société
ITM alimentaire), centrale d'approvisionnement du groupe et filiale de la société ITM
entreprises, a signé avec la société Macris représentée par M. X..., une convention dite Mag3
prévoyant le développement d'un nouveau concept de vente, financé par un budget
d'accompagnement octroyé par la société ITM alimentaire ; qu'aux termes de l'article 3-3 de
cette convention, la société Macris s'engageait « pendant une durée de cinq ans au moins ... , à
maintenir l'exploitation de son fonds de commerce sous enseigne Intermarché » et « en
conséquence à ne rien faire qui puisse, dans ce délai ... affecter l'usage de l'enseigne ... » ; que,
par lettre du 22 décembre 2009, M. X... a informé la société ITM entreprises qu'en sa qualité
d'associé majoritaire de la société Macris, il procéderait, en application des statuts de celle-ci,
à la conversion de la règle de l'unanimité des décisions collectives extraordinaires en une règle
de majorité simple, prenant effet le 28 juin 2010, et lui a rappelé que cette modification aurait
pour effet la résiliation de plein droit du contrat d'enseigne au 28 juin 2010 ; que les sociétés
ITM alimentaire et ITM entreprises, invoquant les obligations souscrites dans le cadre de la
convention Mag3, ont recherché la responsabilité de la société Macris et de M. X... ;

173
(…)

Vu les articles 1382 et 1842 du code civil ;

Attendu que pour déclarer M. X... responsable avec la société Macris de la violation de la
convention Mag3 et les condamner in solidum à payer à la société ITM alimentaire une certaine
somme, l'arrêt retient, après avoir énoncé que les délibérations prises par l'assemblée générale
extraordinaire d'une société par actions simplifiée sont susceptibles d'engager la responsabilité
d'un associé envers un tiers dans la mesure où cet associé a commis une faute à l'égard du tiers
et que celle-ci lui a causé un préjudice, que M. X..., qui a signé la convention Mag3 en sa qualité
de dirigeant, ne pouvait ignorer l'obligation souscrite par la société et qu'en décidant en sa
qualité d'associé majoritaire de faire modifier la règle d'unanimité au sein de la société Macris,
décision qui était de nature à rompre le contrat d'enseigne alors même qu'il savait que la société
Macris était liée jusqu'en août 2013, il s'est rendu complice de la violation par la société d'une
disposition contractuelle ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la décision de M. X... de réunir


l'assemblée générale extraordinaire des associés afin que la règle de l'unanimité fût convertie
en une règle de majorité simple, dont résultait la violation par la société de la convention dite
Mag3, constituait de la part de celui-ci une faute intentionnelle d'une particulière gravité,
incompatible avec l'exercice normal des prérogatives attachées à la qualité d'associé, de nature
à engager sa responsabilité personnelle envers le tiers cocontractant de la société, la cour d'appel
a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 34 : L’obligation de non-immixtion dans la gestion de la société (Cass. 3e civ., 12


déc. 2019, no 18-23.223)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2018), que, le 8 août 2008, la société MD Immo a
consenti à la société Transports G... un bail commercial devant s'achever le 11 janvier 2018 ;
que, le 18 janvier 2012, les parties ont conclu un « acte de résiliation anticipée du bail », sans
indemnité à la charge du preneur, en vertu duquel celui-ci pouvait quitter Ies locaux loués avant
le 30 juin 2012 ; qu'à cette date, la société MD Immo a loué les locaux à la société E... I...,
société du groupe auquel appartient la société Transports G... et dont la société mère est Horus
Finance, pour une durée de deux mois ; que, le 29 juillet 2013, la société MD Immo a assigné
la société Transports G..., la société E... I... et la société Horus finance en nullité de l'acte de
résiliation anticipée et en indemnisation de ses préjudices ; que, le 30 septembre 2013, la société
MD Immo a vendu son bien ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que la société Transports G..., la société Fides, agissant en sa qualité de mandataire
judiciaire de cette société, la société Horus France et la société E... I... font grief à l'arrêt de dire
que la société Horus finance est tenue du fait de son immixtion au paiement des sommes dues
par sa filiale la société des Transports G... et, en conséquence, de la condamner à payer ces
sommes, in solidum avec la société des Transports G... ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, si la société mère ne s'était pas immiscée dans la conclusion

174
et l'exécution du contrat de bail jusqu'en septembre 2011, elle était intervenue, au-delà de la
convention d'assistance intra-groupe, à plusieurs reprises, après le non-paiement de loyers par
la locataire, pour proposer des solutions de règlement amiable, comme la vente de l'immeuble
libre de toute occupation ou une baisse significative du loyer, que son dirigeant avait indiqué
qu'il allait intervenir personnellement auprès des services comptables afin de faire procéder au
règlement de l'arriéré, qu'il avait rencontré l'acheteur potentiel de l'immeuble aux côtés du
gérant de la société bailleresse et avait proposé un bail de courte durée avec une de ses filiales,
la société E... I..., et que tous les courriels sur la fin du bail avaient été échangés entre la
bailleresse et le dirigeant ou la directrice juridique de la société mère, la cour d'appel a pu retenir
que la société mère avait créé une apparence trompeuse propre à permettre au bailleur de croire
légitimement qu'elle s'était substituée à sa filiale dans l'exécution du bail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé (…)

Document 35 : L’obligation de non-immixtion dans la gestion de la société (Cass. com., 25


janv. 1994, no 91-20.007)

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 9 juillet 1991), de l'avoir
condamné à supporter les dettes de la société Céladon, mise en liquidation judiciaire, à
concurrence d'une certaine somme, alors, selon le pourvoi, que les juges du fond doivent,
lorsqu'ils fondent leur décision sur des documents dont une partie allègue qu'elle n'a pas eu
connaissance, constater que ces documents ont été régulièrement versés aux débats et qu'ils ont
fait l'objet d'une communication ; que la cour d'appel, qui n'a pas établi ni même recherché,
comme le lui demandait M. Z..., si les pièces de Mme A..., qui reconnaissait ne pas les avoir
communiquées, et sur lesquelles elle a fondé sa décision de condamnation, ont été
communiquées à M. Z..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 132 du nouveau
Code de procédure civile ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. Z... reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé qu'il était gérant de fait de la société,
alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour passer un acte au nom d'une société en formation,
il n'est pas nécessaire de participer à sa gestion ; que la cour d'appel ne pouvait considérer que
la procuration donnée à Mme Y... de signer le bail précaire, était un acte de gestion active, dès
lors que la société était en formation, et M. Z... était le seul, compte tenu de la situation
pécuniaire de Mme Y..., à pouvoir offrir au bailleur des garanties de solvabilité suffisantes, sans
priver sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, et des
articles 1843 du Code civil et 5 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors, d'autre part, que la
modification du siège social est une modification statutaire que l'article 60 de la loi de 1966,
impose impérativement de faire décider par les associés à la majorité des 3/4 au moins des parts
sociales ; que la cour d'appel ne pouvait donc tirer aucune conséquence de l'accord donné par
M. Z..., associé majoritaire, et qu'on ne pouvait en déduire la preuve d'une gérance de fait ; que
la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 180 de la loi de
1985 et 60 de la loi de 1966 ; alors, encore, que pour caractériser une gérance de fait, les juges
du fond doivent établir l'action positive de direction exercée par le gérant de fait ; qu'en se
bornant à relever la proposition faite par un associé, M. Z..., de mettre à la disposition de la
société deux parkings pour remplacer les entrepôts disparus en raison du déménagement, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 180 de la loi de
1985 ; et alors, enfin, que lorsque le faisceau de présomptions se réduit à un indice unique, ce
seul fait ne peut être considéré comme un ensemble de présomptions correspondant à la

175
définition légale ; que la cour d'appel, qui, de son aveu même, a fondé sa décision sur un
ensemble de présomptions, dont il vient d'être démontré que toutes étaient inopérantes, a donc
privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que M. Z... ayant soutenu, pour contester avoir géré de fait la société, que c'est la
gérante de droit, Mme Y..., qui avait décidé seule et sans aucune intervention de sa part de la
conclusion du bail de la société et du transfert du siège social, la cour d'appel a réfuté ces
allégations en retenant, d'un côté, que M. Z... était bien l'instigateur du bail, Mme Y... ayant agi
comme délégataire, et, d'un autre côté, que le transfert du siège social avait été décidé par tous
les associés ; qu'elle a encore relevé, par motifs adoptés et propres, que Mme Y... avait servi de
prête-nom à M. Z... qui ne pouvait, en raison de sa nationalité étrangère, exercer les fonctions
de gérant de droit, et que c'est celui-ci qui négociait auprès des fournisseurs les achats de
marchandises destinés à la société ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, appréciant
la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, n'a fait qu'user de son pouvoir souverain
en décidant que M. Z... avait exercé, de façon continue et régulière, depuis l'origine de la
société, créée à son initiative, une activité positive de gestion et de direction en toute liberté, et
qu'il avait ainsi été le dirigeant de fait de la société ; d'où il suit qu'en aucune de ses branches le
moyen n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

176
Leçon no 7 : Les dirigeants

I. Définitions et principes

La société personne morale doit être représentée par des dirigeants sociaux qui agissent en son
nom et pour son compte.
Les modalités d’accès à leurs fonctions (leur désignation, leur rémunération et la fin de leurs
fonctions), l’étendue de leurs pouvoirs (tant dans l’ordre interne que dans l’ordre externe) et
de leurs responsabilités (civile, pénale et fiscale) ainsi que le contrôle de leur gestion de la
société (par le comité social et économique (CSE), le commissaire aux comptes, l’expert de
gestion, l’expert in futurum et l’administrateur provisoire) sont très encadrés.

II. Documents

A. L’accès aux fonctions de direction

Document 1 : La mission de représentation de la société (Cass. com., 20 nov. 2019, no 17-


19.918).
Document 2 : La rémunération des dirigeants sociaux (Cass. com., 3 mars 1987, no 84-15.726).
Document 3 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 4 mai 1999, no 96-19.503).
Document 4 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 21 juin 1988, no 86-19.166).
Document 5 : La fin des fonctions de direction (Cass. 1re civ., 12 mai 2001, no 10-11.813).
Document 6 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 22 sept. 2021, no 19-23.958).
Document 7 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 9 mars 2022, no 19-25.795).

B. Les pouvoirs des dirigeants sociaux

Document 8 : L’origine des pouvoirs des dirigeants sociaux – De la théorie du mandat à la


conception organique du pouvoir (Cass. com., 18 sept. 2019, no 16-26.962).
Document 9 : L’origine des pouvoirs des dirigeants sociaux – De la théorie du mandat à la
conception organique du pouvoir (Cass. ch. mixte, 29 oct. 2021, no 19-18.470).
Document 10 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. com., 22 oct. 2013, no 12-
24.658).
Document 11 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. com., 14 févr. 2018, no 16-
16.013).
Document 12 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. com., 12 janv. 1988, no 85-
12.666, Le Journal de Doullens).
Document 13 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. 3e civ., 5 nov. 2020, no 19-
21.214).
Document 14 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. 3e civ., 24 janv. 2001, no
99-12.841).
Document 15 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. 3e civ., 14 juin 2018, no 16-
28.672).

177
C. Les responsabilités des dirigeants sociaux

Document 16 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 8 sept. 2021, no 19-
23.187).
Document 17 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 10 mars 2015, no
12-15.505).
Document 18 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 24 févr. 1998, no
96-12.638).
Document 19 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. 3e civ., 27 mai 2021, no
19-16.716).
Document 20 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. 3e civ., 12 mai 2021, no
19-13.942).
Document 21 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 22 sept. 2021, no
19-20.684).
Document 22 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 24 juin 2008, no 07-
13.431).
Document 23 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 2 déc. 2020, no 18-
21.597).
Document 24 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 20 mai 2003, no 99-
17.092, Sati).
Document 25 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 7 sept. 2022, no 20-
20.404 et no 20-20.538).
Document 26 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 21 sept. 2022, no
20-20.310).
Document 27 : La responsabilité pénale des dirigeants sociaux (Cass. crim., 25 sept. 2019, no
18-83.113).

D. Le contrôle de la gestion de la société

Document 28 : L’expertise de gestion (Cass. com., 6 déc. 2005, no 04-10.287).


Document 29 : L’expertise de gestion (Cass. com., 18 oct. 1994, no 92-19.159).
Document 30 : L’expertise de gestion (Cass. com., 16 déc. 2020, no 18-25.630).
Document 31 : L’expertise de gestion (Cass. com., 30 mai 1989, no 87-18.083).
Document 32 : L’expertise de gestion (Cass. com., 12 janv. 1993, no 91-12.548).
Document 33 : L’expertise de gestion (Cass. com., 14 févr. 2006, no 05-11.822).
Document 34 : L’expertise de gestion (Cass. com., 17 janv. 2006, no 05-10.167).
Document 35 : L’expertise de gestion (Cass. com., 26 nov. 1996, no 94-16.432).
Document 36 : L’expertise in futurum (Cass. com., 21 sept. 2004, no 00-21.601).
Document 37 : L’expertise in futurum (Cass. com., 4 déc. 2007, no 05-19.643).
Document 38 : L’expertise in futurum (Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, no 19-22.619).
Document 39 : L’expertise in futurum (Cass. 2e civ., 10 juin 2021, no 20-11.987).
Document 40 : L’expertise in futurum (Cass. com., 1er févr. 2023, no 22-17.101).
Document 41 : L’expertise in futurum (Cass. com., 18 janv. 2023, no 22-19.539).
Document 42 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 14 oct. 2020, no 18-20.240).
Document 43 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 3 juill. 1984, no 82-15.721).
Document 44 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 3 mai 2000, no 97-19.182).
Document 45 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 17 janv. 1989, no 87-10.966).
Document 46 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 8 févr. 2017, no 15-19.897).
Document 47 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 5 sept. 2018, no 17-14.758).
Document 48 : L’administrateur provisoire (Cass. 3e civ., 3 mai 2007, no 05-18.486).

178
III. Travail à faire

- Vous écouterez la leçon no 7 du cours audio et prendrez des notes.


- Vous rédigerez une fiche d’arrêt pour chacune des décisions reproduites dans le
document de travail.

179
Documents

L’accès aux fonctions de direction

Document 1 : La mission de représentation de la société (Cass. com., 20 nov. 2019, no 17-


19.918)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'André V... et sa sœur, Mme V..., ont créé, sous le régime de la
tontine, la société civile immobilière Excalibur, ayant pour objet principal l'acquisition de biens
immobiliers, notamment celle d'un ensemble immobilier situé à Fontenailles ; que par une
convention du 27 juillet 2000, la société Galaad Inc. (la société Galaad) a prêté à la société
Excalibur la somme de 304 898,03 euros en vue de l'acquisition de cet ensemble immobilier ;
que le 31 décembre 2011, cette convention, initialement prévue pour une durée de cinq ans, a
fait l'objet d'un avenant prorogeant son terme jusqu'au 31 décembre 2014 ; que, le 13 mars 2013,
la société Galaad a assigné la société Excalibur en paiement de la somme de 2 378 084,19 euros
et aux fins d'obtenir le transfert à son profit des parts sociales détenues par André V... et Mme
V... ; qu'André V... étant décédé le [...] , Mme V... est devenue l'unique associée de la société
Excalibur ;

Vu l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10
février 2016 ;

Attendu que pour ordonner à Mme V..., à défaut de s'être acquittée du remboursement de sa
dette, de transférer l'ensemble de ses parts à la société Galaad en garantie de la dette résultant
de la convention du 27 juillet 2000 dans un délai d'un mois à compter de la notification de
l'arrêt, sous astreinte, l'arrêt retient que l'article 5 de cette convention stipule que la société
Excalibur devra s'acquitter du remboursement de sa dette dans le mois de l'arrêté de compte et
qu'à défaut de ce remboursement à bonne date et jusqu'à ce que celui-ci soit intervenu, la société
Galaad pourra exiger le transfert à son profit d'une fraction des parts constituant le capital de la
société Excalibur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme V... n'avait signé la convention du 27 juillet 2000 qu'en
qualité de gérante de la société Excalibur, de sorte qu'elle n'y avait pas consenti en son nom
personnel et que cette clause du contrat lui était inopposable, la cour d'appel a violé le texte
susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 2 : La rémunération des dirigeants sociaux (Cass. com., 3 mars 1987, no 84-
15.726)

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 21 mars 1984), que les fonctions de M. X..., président du
conseil d'administration de la société anonyme Union de banques à Paris (UBP) depuis le 15
janvier 1968, ont pris fin le 1er juillet 1982 en raison de l'entrée en vigueur de la loi du 13
février de la même année portant nationalisation de l'UBP ; que, le 14 décembre 1981, le conseil
d'administration avait décidé d'octroyer à M. X... un complément de retraite à partir de la date
où, ayant atteint la limite d'âge, il pouvait faire valoir ses droits à des pensions du régime général
et de régimes particuliers ; que l'administrateur général nommé en application de la loi du 13

180
février 1982 a annulé les dispositions prises par le conseil d'administration à l'égard de M. X...,
qui a assigné l'UBP en paiement des sommes qu'il estimait lui être dues ;

Attendu que l'UBP fait grief à l'arrêt d'avoir dit valablement prise la décision arrêtée par le
conseil d'administration le 14 décembre 1981 et allouant à M. X... un complément de retraite,
alors, selon le pourvoi, que la décision de verser à un membre du conseil d'administration un
complément de retraite, quelle que soit la motivation, ne porte pas sur la rémunération du
président en exercice, seule visée par l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966, mais constitue
une décision soumise au contrôle prévu par les articles 101 et suivants de la même loi ; qu'en
écartant ce contrôle, la cour d'appel a donc violé les articles 101 et suivants de la loi du 24 juillet
1966 ;

Mais attendu que le conseil d'administration d'une société anonyme est seul compétent pour
fixer la rémunération du président, en vertu de l'article 110 de la loi du 24 juillet 1966 ; qu'entre
dans les prévisions de ce texte, et non dans celles de l'article 101 de la loi précitée, l'octroi d'un
complément de retraite ayant pour contrepartie des services particuliers rendus à la société
pendant l'exercice de ses fonctions par le président dès lors que l'avantage accordé est
proportionné à ces services et ne constitue pas une charge excessive pour la société ;

Attendu, en l'espèce, que l'arrêt a retenu que la décision litigieuse du conseil d'administration,
qui était motivée par la reconnaissance de la banque pour le travail accompli par M. X... et pour
la part qu'il avait prise dans le développement et la réussite exceptionnelle de l'entreprise, avait
donc pour contrepartie l'activité fournie antérieurement par le président et les résultats qu'il
avait obtenus, que l'engagement de l'UBP n'était pas excessif en raison de la durée et de
l'efficacité des services rendus par M. X..., étant, en outre, en rapport avec la rémunération qui
avait été versée à celui-ci pendant le temps de son activité, et que cet engagement n'était pas
non plus excessif par rapport tant aux bénéfices réalisés par la société qu'à la masse des salaires
versés à son personnel ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a
légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 3 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 4 mai 1999, no 96-19.503)

Vu l'article 55 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., cogérante de la société à responsabilité Natacha,
a été révoquée de ses fonctions par décision de l'assemblée générale ; qu'invoquant l'absence de
justes motifs, elle a assigné la société en paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient l'absence de preuves précises,
s'agissant des faits rapportés à la charge de Mme X..., qui manifestent essentiellement une
mésentente indiscutable entre les deux cogérantes, à l'exclusion de toute faute grave justifiant
une révocation de la cogérante ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette mésentente n'était pas de nature,
ainsi que le soutenait la société Natacha, à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement
de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

181
Document 4 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 21 juin 1988, no 86-19.166)

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X... a demandé la condamnation de la société anonyme
Rycovet France au paiement de dommages-intérêts pour révocation abusive de ses fonctions de
président du conseil d'administration de cette société et au versement d'une redevance pour
l'exploitation d'une invention dont il se prétendait l'auteur ;

Attendu que M. X... fait grief à la cour d'appel de l'avoir débouté de sa demande de dommages-
intérêts pour révocation abusive de son mandat social alors que, selon le pourvoi, d'une part,
constitue une révocation abusive la révocation brutale d'un mandataire social dont le mandat
venait d'être renouvelé trois mois plus tôt, fondée sur des accusations graves et non démontrées,
de nature à porter atteinte au crédit et à l'honorabilité de l'intéressé ; qu'en déboutant M. X... de
sa demande tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de cette situation, sans rechercher
si les accusations formulées par la société Rycovet étaient réelles, la cour d'appel a privé sa
décision de toute base légale au regard de l'article 2004 du Code civil et alors, d'autre part, qu'en
statuant ainsi, la cour d'appel, qui avait connaissance de la procédure pénale engagée à
l'encontre de M. X... sur le fondement des mêmes accusations, a violé l'article 4 du Code de
procédure pénale ;

Mais attendu que la révocation du président du conseil d'administration d'une société peut
intervenir à tout moment, sans préavis ni précisions de motifs, ni indemnité, et ne peut, dès lors,
donner lieu à dommages-intérêts qu'en cas d'abus commis dans l'exercice de ce droit ; qu'il
s'ensuit que, pour statuer sur la demande de M. X..., la cour d'appel n'avait pas à se prononcer
sur le bien-fondé des griefs qui lui étaient faits par la société, mais seulement à apprécier si M.
X... établissait que les circonstances dans lesquelles était intervenue la révocation, étaient
injurieuses ou vexatoires ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 5 : La fin des fonctions de direction (Cass. 1re civ., 12 mai 2001, no 10-11.813)

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que contestant la validité des deux délibérations prises les 11 septembre et 13 novembre
2006 par le conseil d'administration de la Fondation des Treilles en vue de modifier l'article 3
des statuts, Mme X..., Mme Y... et M. Z..., membres du conseil d'administration dans le collège
des fondateurs, ont assigné la fondation en annulation de ces deux délibérations ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt attaqué énonce qu'il apparaît que la modification
statutaire a permis, tout en ouvrant ce collège à l'ensemble des membres de la famille de la
fondatrice, de mettre fin à un conflit d'intérêts de sorte que l'expiration du mandat des membres
du collège des fondateurs, dès l'approbation des nouveaux statuts, en est la conséquence
technique nécessaire et ne peut s'analyser en une révocation ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'à supposer même qu'un conflit d'intérêts eût pu exister entre des
membres du collège des fondateurs et la fondation, il incombait à celle-ci pour y mettre fin de
faire application, le cas échéant, de la procédure dite de révocation pour juste motif dans le
respect des droits de la défense, prévue par les statuts, de sorte que le recours à la modification
de ceux-ci, en ce qu'elle emportait cessation anticipée des mandats des intéressés, s'analysait en
réalité en une révocation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

182
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 6 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 22 sept. 2021, no 19-23.958)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 4 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre
commerciale, financière et économique, 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-18.547), la société
Hominis, désireuse de se rapprocher d'un partenaire financier et d'augmenter sa participation
dans le capital de la société Enthalpia Est, devenue Enthalpia Nord Est, sa filiale (la société
Enthalpia), a acquis de Mme [K], épouse [U], en vertu d'un protocole d'accord du 8 décembre
2006, 3 825 actions supplémentaires de cette société. Par un acte du même jour, la société
Hominis et Mme [U], ont conclu un pacte d'actionnaire minoritaire prévoyant, notamment, les
conditions dans lesquelles Mme [U], s'obligeait à céder la totalité de ses actions et valeurs
mobilières dans le capital de la société Enthalpia dont elle était la présidente. La société MBO
Capital II (la société MBO) a créé, le 19 novembre 2006, la société anonyme People and
Business Development (la société PBD), laquelle a procédé, le 19 janvier 2007, à une
augmentation de son capital social en contrepartie de l'apport en nature d'actions de la société
Hominis. Par une délibération du 2 décembre 2009, l'assemblée générale des actionnaires de la
société Enthalpia a mis fin au mandat de Mme [U].

2. Celle-ci, estimant avoir été victime de manœuvres dolosives de la part de la société Hominis
lors de la cession de ses titres en 2006, au motif que l'opération effectivement réalisée lui avait
été dissimulée, et soutenant que la promesse de cession de ses actions était affectée d'une
condition potestative, a demandé l'annulation du protocole d'accord et du pacte d'actionnaire
minoritaire conclus ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Enoncé du moyen

4. Mme [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'article 5 du pacte
minoritaire et sa demande en paiement de dommages-intérêts, alors « que la condition
potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au
pouvoir de l'une ou l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; qu'en
l'espèce, la condition était potestative dès lors que l'exécution de la promesse de vente consentie
par Mme [U] dépendait de l'exercice du pouvoir dont disposait la société Hominis de révoquer
pour "juste motif" Mme [U] ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé les articles 1170
et 1174 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 1170 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de
l'ordonnance du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution
de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties
contractantes de faire arriver ou d'empêcher.

6. Ne revêt pas un caractère potestatif une condition dont la réalisation dépend, non de la seule
volonté du créancier de l'obligation, mais de circonstances objectives susceptibles d'être
contrôlées judiciairement.

7. Il résulte des constatations de la cour d'appel qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 1er, du

183
pacte minoritaire, Mme [U] s'engageait à vendre ses titres en cas de révocation pour juste motif.
Il s'ensuit que n'étant pas au seul pouvoir de la société Hominis, la condition litigieuse tenant à
la révocation de Mme [U], ne pouvait entraîner la nullité de l'obligation. Par ce motif de pur
droit, substitué, selon les modalités de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux que
critique le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié de ce chef.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 7 : La fin des fonctions de direction (Cass. com., 9 mars 2022, no 19-25.795)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 17 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre
commerciale, financière et économique, 27 juin 2018, pourvoi n°16-10.018), M. [N] a été
révoqué en mai 2012 de ses fonctions de directeur général de la SAS Hubbard holding, de
directeur général de la SAS Hubbard et de gérant de la SARL Avicompost.

2. Faisant valoir que ces révocations étaient intervenues sans juste motif et dans des conditions
brutales et vexatoires, il a assigné ces sociétés en paiement de dommages-intérêts. Celles-ci,
agissant reconventionnellement, et la SA Groupe [S] La Corbière, leur société mère, intervenant
volontairement à l'instance, ont recherché la responsabilité de M. [N].

Enoncé du moyen

4. M. [N] fait grief à l'arrêt de juger que les modalités de révocation de son mandat de directeur
général de la SAS Hubbard n'étaient pas fautives et n'engageaient pas sa responsabilité, et que
sa révocation était donc régulière et n'était pas intervenue dans des conditions brutales et
vexatoires, et de le débouter, en conséquence, de l'ensemble de ses demandes contre la société
Hubbard, alors « que les modalités de révocation d'un dirigeant d'une société par actions
simplifiée sont en principe fixées librement par les statuts ; qu'en l'absence de mention statutaire
dispensant la société de justifier d'un motif pour procéder à la révocation du dirigeant, la
révocation ne peut intervenir que pour un juste motif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté
que l'article 18 des statuts de la SAS Hubbard stipulait que "les dirigeants sont révocables à tout
moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'assemblée générale
ordinaire des associés sur proposition du président" ; qu'en estimant que la révocation de M.
[N] de la SAS Hubbard pouvait intervenir sans motif, la cour d'appel a violé l'article 1134 du
code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles
L. 227-1, L. 227-5 et L. 227-6 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir exactement énoncé que les conditions dans lesquelles les dirigeants d'une société
par actions simplifiée peuvent être révoqués de leurs fonctions sont, dans le silence de la loi,
librement fixées par les statuts, qu'il s'agisse des causes de la révocation ou de ses modalités,
l'arrêt constate que l'article 18 des statuts de la société Hubbard stipule que les autres dirigeants
que le président « sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité
d'associés, par l'assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président » et
retient que, sauf à ajouter à l'article 18 précité, celui-ci ne conditionne nullement la révocation
du dirigeant à l'existence de justes motifs.

184
6. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, c'est à bon droit que l'arrêt décide
que la révocation de M. [N] en tant que directeur général de la société Hubbard pouvait
intervenir sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un juste motif.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois

Les pouvoirs des dirigeants sociaux

Document 8 : L’origine des pouvoirs des dirigeants sociaux – De la théorie du mandat à la


conception organique du pouvoir (Cass. com., 18 sept. 2019, no 16-26.962)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 septembre 2016), que, par un arrêt définitif, M.
A... a été déclaré coupable de complicité d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la
Société des lubrifiants Elf Aquitaine (la SLEA), à laquelle a succédé la société Total lubrifiants,
et condamné à payer à cette dernière une certaine somme à titre de dommages-intérêts ; que
soutenant avoir agi au nom et pour le compte de la société Coprim dont il était le dirigeant, M.
A... a assigné la société Sogeprom entreprises (la société Sogeprom), venue aux droits de cette
dernière, en remboursement des sommes versées à la société Total lubrifiants ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen, que le
dirigeant est le mandataire de la société dont il est l'organe ; qu'en jugeant que les relations entre
une société en nom collectif et son gérant ne résultaient pas d'un contrat de mandat au sens de
l'article 1984 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé, par motifs adoptés, que le dirigeant social d'une société
détient un pouvoir de représentation de la société, d'origine légale, l'arrêt retient, à bon droit,
que les dispositions spécifiques du code civil régissant le mandat n'ont pas vocation à
s'appliquer dans les rapports entre la société et son dirigeant ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 9 : L’origine des pouvoirs des dirigeants sociaux – De la théorie du mandat à la


conception organique du pouvoir (Cass. ch. mixte, 29 oct. 2021, no 19-18.470)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2019), le capital de la société X-média développement (la
société XMD) était détenu à hauteur de 45 % par M. [H] [W], ayant dirigé la société jusqu'en
2007, de 35 % par la société MBO partenaires, devenue MBO & Co, représentant le MBO
capital 2FCPR, fonds commun de placement à risques, et de 20 % par l'épouse et les enfants de
M. [H] [W], Mme [D] [L], Mme [M] [W], Mme [T] [O] et M. [P] [W]. L'épouse et les enfants
ont donné mandat à M. [H] [W] de céder leurs actions.

2. Par un protocole de cession rédigé par la société Aucteor finance, conclu le 7 mars 2012, la
société ATC Agri terroir communication (la société ATC) s'est engagée à acheter l'ensemble

185
des actions de la société XMD. Le 15 avril 2012, le contrôle de la société XMD et de ses filiales
est passé au cessionnaire en exécution de ce protocole.

3. Estimant que le projet de départ du nouveau directeur général de la société XMD leur avait
été dissimulé, ce qui caractérisait un dol, les sociétés ATC et XMD ont assigné M. [H] [W] et
la société Aucteor finance en annulation de la cession des actions et paiement de dommages-
intérêts. Ces sociétés ont appelé en intervention, sur le même fondement du dol, l'épouse et les
enfants de M. [H] [W] et la société MBO partenaires. Elles ont ensuite renoncé à demander
l'annulation de la cession et limité leur demande à des dommages-intérêts.

Enoncé du moyen

5. Les sociétés ATC et XMD font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [H] [W] au
profit de la société ATC à la somme de 400 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation
du préjudice résultant du dol et de rejeter le surplus des demandes de la société ATC à l'encontre
de l'épouse et des enfants de M. [H] [W], alors « qu'en toutes hypothèses, le mandant est tenu
d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été
donné ; que les manœuvres dolosives du mandataire, déterminantes du consentement du
cocontractant, sont opposables au mandant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément
relevé que "l'épouse et les enfants de M. [W]" avaient "donné mandat à M. [W] de céder leurs
actions X-Média" ; qu'en déboutant cependant la société ATC de sa demande tendant à voir
condamner l'épouse et les enfants de M. [W], solidairement avec ce dernier, au paiement de
dommages et intérêts au titre du dol, au motif inopérant qu'aucun élément ne permettait de
retenir que "ces derniers ont personnellement participé aux arrangements dolosifs", quand ces
agissements avaient été accomplis dans les limites du mandat conféré à M. [H] [W], la cour
d'appel a violé l'article 1998 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. La victime du dol peut agir, d'une part, en nullité de la convention sur le fondement des
articles 1137 et 1178, alinéa 1er, du code civil (auparavant de l'article 1116 du même code, dans
sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), d'autre
part, en réparation du préjudice sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil
(auparavant des articles 1382 et 1383 du même code).

7. Si le mandant est, en vertu de l'article 1998 du code civil, contractuellement responsable des
dommages subis du fait de l'inexécution des engagements contractés par son mandataire dans
les limites du mandat conféré, les manœuvres dolosives du mandataire, dans l'exercice de son
mandat, n'engagent la responsabilité du mandant que s'il a personnellement commis une faute,
qu'il incombe à la victime d'établir.

8. Après avoir retenu l'existence de manœuvres dolosives de la part de M. [H] [W] pour ne pas
avoir révélé à l'acquéreur le projet de départ du directeur général de la société XMD et estimé
qu'aucun élément ne permettait d'établir que l'épouse et les enfants du mandataire avaient
personnellement participé aux arrangements dolosifs, ce dont il résultait qu'aucune faute de leur
part n'était démontrée, la cour d'appel en a exactement déduit que leur responsabilité civile ne
pouvait être engagée du seul fait d'avoir donné mandat à M. [H] [W] de céder leurs actions.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

186
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 10 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. com., 22 oct. 2013, no 12-
24.658)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2012), que la société en nom collectif
L'Oréal produits de luxe France (la société L'Oréal produits de luxe) a livré pour une certaine
somme des marchandises commandées par la société Antoine parfumerie groupe, sous réserve
de propriété ; qu'un tribunal de commerce ayant ouvert une procédure de sauvegarde de la
société Antoine parfumerie groupe, la société Atradius, agissant pour le compte de la société
L'Oréal produits de luxe, a revendiqué les marchandises impayées auprès de M. X..., en sa
qualité d'administrateur judiciaire de la société Antoine parfumerie groupe ; qu'à défaut
d'acquiescement de ce dernier, elle a formé devant le juge-commissaire une requête en
revendication qui a été rejetée ;

Attendu que la société L'Oréal produits de luxe fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la requête en
revendication présentée pour son compte, alors, selon le moyen :

1°/ que les associés en nom collectif, qui peuvent prendre à l'unanimité toute décision excédant
les pouvoirs du gérant, peuvent également et à la même unanimité, prendre une décision rentrant
dans les pouvoirs de ce dernier et, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L. 221-
5 du code de commerce ; qu'en effet, si l'alinéa 1er de l'article L. 221-5 dispose que dans les
rapports avec les tiers, le gérant engage la société, cette disposition n'est pas limitative et
n'exclut pas qu'une décision unanime des associés en nom collectif engage la société et que
l'alinéa 3 de l'article L. 221-5, qui déclare inopposables aux tiers les clauses statutaires limitant
les pouvoirs du gérant, est sans application hors du cas où un tiers se prévaut contre la société
d'un engagement pris au nom de celle-ci par l'un de ses gérants ; qu'au surplus, lorsqu'ils statuent
à l'unanimité, c'est-à-dire à la majorité requise pour la modification des statuts, les associés
peuvent valablement déroger aux clauses statutaires concernant la représentation de la société;
que dès lors, en déclarant sans effet et inopposable aux tiers la délégation de pouvoir résultant
de l'acte du 22 mars 2010, émanant de l'unanimité des cinq associés en nom de la société L'Oréal
produits de luxe, donnant à Mme Y... le pouvoir notamment de « représenter la société et vis-
à-vis des tiers, représenter ou faire représenter la société devant les tribunaux compétents, y
soutenir ou y faire soutenir, oralement ou par écrit, tous moyens d'actions ou de défense », la
cour d'appel a violé les articles L. 221-4, L. 221-5 et L. 221-6 du code de commerce ;

2°/ qu'aux termes de l'article 16 alinéa 2 des statuts de la société L'Oréal produits de luxe, il est
stipulé que « les gérants peuvent faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société, à
l'exception des actes ci-après qui doivent être autorisés à l'unanimité des associés¿ » et parmi
lesquels figurent « la nomination et la révocation de tout fondé de pouvoir » ; qu'en décidant
que cette clause ne permettait pas à la collectivité des associés de déléguer eux-mêmes à Mme
Y... le pouvoir de représenter ou faire représenter la société en justice, mais leur permettait
seulement d'autoriser le gérant à consentir une telle délégation, la cour d'appel a dénaturé
l'article 16, alinéa 2, des statuts de la société et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la décision des associés du 22 mars 2010 habilitait Mme Y... à « représenter ou faire
représenter la société devant les tribunaux compétents, y soutenir ou y faire soutenir, oralement
ou par écrit, tous moyens d'actions ou de défense » ; qu'il se déduit de ces termes clairs et précis
que Mme Y..., qui pouvait «¿ faire représenter la société devant les tribunaux compétents, y
soutenir ou y faire soutenir, oralement ou par écrit, tous moyens d'actions ou de défense», avait

187
par-là même le pouvoir de donner un mandat spécial à un tiers pour présenter une requête en
revendication ; que dès lors, en déclarant que la délégation revendiquée par l'appelante ne
prévoit pas la possibilité pour Mme Y... de subdéléguer à un préposé de la société L'Oréal
produits de luxe, ni a fortiori de donner elle-même mandat spécial à un tiers de revendiquer, la
cour d'appel a dénaturé l'acte du 22 mars 2010 et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'il peut être justifié de l'existence de la délégation de pouvoir par la production des
documents établissant la délégation ayant ou non acquis date certaine ; qu'une attestation par
laquelle celui ou ceux qui exerçaient les fonctions d'organe habilité par la loi à représenter la
personne morale certifient que le préposé bénéficiait, à la date de la revendication , d'une
délégation de pouvoir à cette fin suffit à établir que celle-ci émanait d'un organe ayant qualité
pour la donner ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société L'Oréal produits de luxe
a produit en cause d'appel une attestation établie le 4 janvier 2012 par M. Xavier Z..., gérant de
la SNC, selon laquelle Mme Y... était dûment habilitée, depuis le 1er avril 2010, à représenter
ou faire représenter la société vis-à-vis des tiers et notamment à engager toute action en justice
devant les tribunaux compétents, y compris toute action en revendication ; qu'en déclarant que
cette attestation avait été produite hors délai, et ne saurait régulariser l'absence, dans le délai de
revendication, d'une délégation régulière de pouvoir accordée par le gérant à Mme Y..., la cour
d'appel a violé les articles L. 624-17 et R. 624-13 du code de commerce ;

5°/ que l'attestation du 4 janvier 2012 déclarait que « Mme Gaëlle Y... est dûment habilitée,
depuis le 1er avril 2010, par décision de la gérance ratifiée à l'unanimité des associés, à
représenter ou faire représenter la société L'Oréal produits de luxe France SNC vis-à-vis des
tiers¿» ; que les termes clairs et précis de cette attestation, qui donnaient pouvoir à Mme Y... de
« représenter ou faire représenter » la société, lui donnaient par-là même la faculté de donner
un pouvoir spécial à un tiers pour revendiquer ; qu'en déclarant que « le pouvoir d'accorder un
pouvoir spécial à tiers ne résulte pas davantage de l'attestation du gérant du 4 janvier 2012 », la
cour d'appel a dénaturé ladite attestation et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 221-3 du code de commerce que tous
les associés d'une société en nom collectif sont gérants, sauf stipulation contraire des statuts qui
peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou non, ou en prévoir la désignation par un
acte ultérieur ; qu'il résulte encore des articles 15 et 16 des statuts que la société L'Oréal produits
de luxe est administrée par un ou plusieurs gérants associés ou non désignés par décision
collective prise à l'unanimité des associés, et que les gérants peuvent faire tous actes de gestion
dans l'intérêt de la société à l'exception, entre autres, de la nomination et de la révocation d'un
fondé de pouvoir qui doivent être préalablement autorisés à l'unanimité des associés ; que l'arrêt
constate que l'extrait K Bis de la société L'Oréal produits de luxe comporte la mention que MM.
A... et Z... étaient les cogérants non associés de la société ; qu'il relève que les statuts de cette
société ne conféraient nullement la qualité de gérant à chacun des associés; qu'il retient que, dès
lors, seuls les cogérants avaient le pouvoir, en leur qualité de gérants de droit, de confier à un
tiers le soin de représenter ou faire représenter la société en justice ; que de ces constatations et
appréciations, desquelles il résultait que l'acte du 22 mars 2010 était nul pour avoir été effectué
par les associés en cette qualité et en dehors de leurs pouvoirs légaux, la cour d'appel a déduit
à bon droit, sans dénaturer les statuts, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la
troisième branche, que la collectivité des associés ne disposait pas du pouvoir de représenter la
société L'Oréal produits de luxe et ne pouvait pas déléguer à Mme Y... le pouvoir de représenter
ou faire représenter cette dernière en justice ;

Et attendu, en second lieu, que devant la cour d'appel, la société L'Oréal produits de luxe n'a

188
jamais soutenu que la délégation de pouvoir consentie par acte du 22 mars 2010 procédait d'une
décision de la gérance ratifiée à l'unanimité des associés ; que le moyen, nouveau, est mélangé
de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, qui est irrecevable en ses quatrième et cinquième branches, et qui ne
peut être accueilli en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 11 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. com., 14 févr. 2018, no
16-16.013)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 25 février 2016), que la société Iso Sud s'est rendue
caution des obligations de la société Iso Plas, envers la société Deceuninck, son fournisseur ;
que l'acte de caution prévoyait également qu'en garantie de cet engagement, et en cas de
demande d'exécution de celui-ci, la caution s'obligeait, sur simple demande du créancier, de
plein droit et sans délai, à lui céder les créances qu'elle détiendrait dans son compte client, à
concurrence du montant garanti ; qu'ayant obtenu la condamnation judiciaire de la société Iso
Sud en paiement d'une certaine somme au titre de la cession de créances après demande
d'exécution de l'engagement de caution, la société Deceuninck a déclaré sa créance à la
liquidation judiciaire de la société Iso Sud ; que les organes de la procédure collective ont formé
appel du jugement de condamnation de la société Iso Sud ;

Attendu que la société Deceuninck fait grief à l'arrêt d'annuler l'engagement de caution souscrit
par la société Iso Sud en garantie des engagements de la société Iso Plas envers elle, et, par voie
de conséquence, l'acte de cession de créances signé pour son exécution et de rejeter ses
demandes formées contre la société Iso Sud alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article L. 227-6, alinéa 2, du code de commerce, lequel doit être mis en
oeuvre à la lumière de celles de l'article 10 de la directive 209/101/CE du Parlement européen
et du Conseil, du 16 septembre 2009, ayant codifié la première directive 68/151/CEE du
Conseil, du 9 mars 1968, que, serait-elle établie, la contrariété à l'intérêt social ne constitue pas,
par elle-même, une cause de nullité des engagements souscrits par le représentant légal d'une
société anonyme en forme simplifiée à l'égard des tiers ; qu'en annulant le cautionnement
souscrit par la société Iso Sud en garantie des dettes contractées par la société Iso Plas, en raison
de sa contrariété à l'intérêt social, dès lors qu'il l'exposerait à perdre tout moyen de poursuivre
son activité et à compromettre sa pérennité, en la privant de la quasi-totalité de son actif
circulant, la cour d'appel a violé les dispositions précitées ;

2°/ que le cautionnement souscrit par une société entre indirectement dans son objet social
lorsqu'elle est unie à la société cautionnée par une communauté d'intérêt ; qu'il résulte des
constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que la société Iso Plas et la
société Iso Sud étaient unies par un « intérêt commun de voir se poursuivre les
approvisionnements par la société Deceuninck des profilés permettant à la société Iso Plas de
poursuivre sa production conditionnant l'activité de la société Iso Sud » ; qu'en affirmant que,
même en considération de l'organisation du groupe, le cautionnement de la société Iso Plas
n'entrait pas dans l'objet social de la société Iso Sud, son associé unique, au lieu de rechercher,
ainsi qu'elle y était invitée, s'il ne pouvait pas être rattaché à son objet social en raison de la
communauté d'intérêts existant entre la caution et le débiteur cautionné, la cour d'appel a violé
l'article L. 227-6, alinéa 2, du code de commerce ;

189
3°/ que la SAS est engagée par les actes de ses dirigeants, quand bien même ils ne répondraient
pas à l'objet social, sauf à rapporter la preuve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou
qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des
statuts suffise à constituer cette preuve ; qu'en décidant que la société Deceuninck ne pouvait
ignorer que le cautionnement de la société Iso Plas n'entrait pas dans l'objet social de la société
Iso Sud, son associé unique, « compte tenu de sa connaissance du groupe, de l'ancienneté des
relations commerciales tant avec la société Huis Clos qu'avec la société Iso Plas, et de ce qu'elle
était actionnaire de la société Huis Clos, elle-même associé unique de la société Iso Sud », la
cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que la société Deceuninck avait
une connaissance précise et circonstanciée de l'objet de la société Iso Sud ; qu'ainsi elle a privé
sa décision de base légale au regard de l'article L. 227-6, alinéa 2, du code de commerce ;

4°/ que le silence opposé à l'affirmation d'un fait n'emporte pas reconnaissance de ce fait ; qu'en
relevant que la société Deceuninck ne conteste pas qu'elle n'ignorait pas que le cautionnement
de la société Iso Plas dépassait l'objet social de la société Iso Sud, la cour d'appel a violé l'article
1315 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate que les sociétés Iso Plas et Iso Sud étaient liées, au sein du
groupe dont elles faisaient partie, par un intérêt commun à voir se poursuivre les
approvisionnements, par la société Deceuninck, de la société Iso Plas, permettant ainsi à celle-
ci de poursuivre sa production conditionnant l'activité de vente de la société Iso Sud ; qu'il
retient qu'il n'entrait pas néanmoins dans l'objet social de cette dernière, même en considération
de l'organisation du groupe, de cautionner les engagements de la société Iso Plas, son associé
unique ; qu'il estime que la société Deceuninck, compte tenu de sa connaissance du groupe, de
l'ancienneté de ses relations commerciales tant avec la société Huis Clos qu'avec la société Iso
Plas, et de ce qu'elle était actionnaire de la société Huis Clos, actionnaire unique de la société
Iso Plas, elle-même associée unique de la société Iso Sud, ne pouvait l'ignorer ; que l'arrêt retient
encore que l'engagement de caution pour toutes créances de la société Deceuninck sur la société
Iso Plas, qui devait s'exécuter obligatoirement sur simple demande de la société Deceuninck,
de plein droit et sans délai, par la cession, à due concurrence du montant cautionné, de toutes
les créances détenues par la société Iso Sud dans son compte client, s'entendant comme
l'ensemble des droits détenus par elle à la date de la signature ainsi que tous droits futurs relatifs
à ses créances, revenait à exposer la société Iso Sud, qui avait des capitaux propres négatifs et
ne disposait d'aucun actif autre que ses créances, à la privation immédiate de la quasi-totalité
de son activité circulant et ainsi à lui faire perdre tout moyen de poursuivre son activité et à
compromettre sa pérennité et était ainsi contraire à son intérêt social ; qu'en l'état de ces
constatations et appréciations, c'est sans se fonder sur la seule contrariété à l'intérêt social de la
société Iso Sud de l'engagement pris par elle, et en ayant procédé à la recherche invoquée à la
deuxième branche dont elle a souverainement déduit que l'intérêt commun des deux sociétés au
maintien des approvisionnements de la société Deceuninck en faveur de la société Iso Plas
n'avait pas fait entrer le cautionnement litigieux dans l'objet social de la société Iso Sud, que la
cour d'appel a décidé, après avoir caractérisé la connaissance qu'avait la société Deceuninck du
dépassement de l'objet social que constituait cet engagement de la société Iso Sud, que ce
dernier était nul à son égard ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche qui critique un
motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

190
Document 12 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. com., 12 janv. 1988, no
85-12.666, Le Journal de Doullens)

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 16 janvier 1985), qu'aux termes de l'article
2 de ses statuts la société à responsabilité limitée le Journal de Doullens (la SARL) avait pour
objet, d'une part, l'exploitation d'un hebdomadaire du même nom, dont le siège était situé à
Doullens, d'autre part, " l'exploitation directe ou indirecte de toutes librairies, imprimeries,
maisons de publicité et d'affiches " ; que Mme X..., gérant, a cédé à la société Editions Rohart
et compagnie (société Rohart) " une partie de fonds de commerce constituant l'exploitation du
journal ", l'acte mentionnant que le cédant conservait " la branche librairie-papeterie " exploitée
à la même adresse, " laquelle était exclue de la cession " ; que, convoquée à cet effet, l'assemblée
générale des associés a refusé de ratifier l'opération mais, réunie à nouveau le lendemain, a
donné pouvoir au gérant de réaliser la vente au profit d'un tiers plus offrant, la société le Courrier
picard, qui a effectivement acquis le fonds de commerce tel que défini ci-dessus ; que, soutenant
qu'elle était devenue propriétaire de celui-ci par l'acte sous seing privé passé avec le gérant, la
société Rohart a assigné Mme X..., prise tant en son nom personnel qu'en qualité de gérant de
la SARL, et le Courrier picard pour obtenir l'annulation de la vente consentie à cette dernière ;
Attendu que la société Rohart fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande, alors, selon
le pourvoi, qu'aux termes de l'article 49, alinéa 5, de la loi du 24 juillet 1966 dans la rédaction
que lui a donnée l'ordonnance du 20 décembre 1969 : " dans les rapports avec les tiers le gérant
est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société,
sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés " ; que, si l'article 60 de
la même loi réserve aux associés représentant au moins les trois quarts du capital social la
modification de l'objet social, le pouvoir ainsi réservé aux associés ne concerne que la
modification de l'objet social, tel qu'il figure aux statuts et non la modification de l'activité réelle
ou principale de la société ; qu'en affirmant que l'activité effective de la SARL n'aurait été que
la publication du journal, dont la cession aurait été pratiquement équivalente à la disparition de
l'objet social et aurait dû recueillir, pour être valable, l'accord des associés représentant au moins
les trois quarts du capital social, cependant qu'il résulte de l'article 2 des statuts, reproduit par
l'arrêt, que la société avait pour objet à la fois l'exploitation d'un journal et l'exploitation directe
ou indirecte de toutes imprimeries, librairies, maison de publicité et d'affiches et que cet objet
statutaire ne disparaissait donc pas du fait de la cession du journal, la cour d'appel a attribué
aux associés des pouvoirs autres que ceux qui leur sont réservés par la loi, lesquels sont
strictement limités à la modification de l'objet statutaire ; qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article
49, alinéa 5, de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que, l'arrêt ayant relevé que l'objet social de la SARL était notamment
l'exploitation d'un hebdomadaire dénommé " le Journal de Doullens " et que cette dénomination
expresse était celle de la SARL, la cession de cet hebdomadaire impliquait nécessairement une
modification de ses statuts ; que les modifications des statuts d'une société à responsabilité
limitée, pour lesquels la loi attribue expressément compétence aux associés, échappent à la
compétence du gérant ; que, par ce motif de pur droit, substitué à celui justement critiqué aux
termes duquel la cession litigieuse aurait dû recueillir pour sa validité l'accord des associés
parce qu'elle " équivalait pratiquement à la disparition de l'objet social ", l'arrêt attaqué se trouve
justifié en ce qu'il a décidé que la cession consentie à la société Rohart par Mme X... n'engageait
pas la SARL ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

191
Document 13 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. 3e civ., 5 nov. 2020, no
19-21.214)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 mai 2019), suivant promesse synallagmatique du 4 février
2016, la société civile immobilière (SCI) Ty Broën a vendu des biens immobiliers à M. L... et
Mme D..., auxquels s'est substituée la SCI Locabox Fouesnant GHM (la SCI Locabox).

2. Le gérant de la SCI Ty Broën a refusé de signer l'acte authentique de vente.

3. La SCI Locabox a assigné la SCI Ty Broën en constatation de la vente de l'immeuble et


paiement de la clause pénale.

Enoncé du moyen

4. La SCI Ty Broën fait grief à l'arrêt de constater que la SCI Locabox avait acquis de la SCI
Ty Broën un ensemble immobilier à compter du jugement du 21 mars 2017, valant titre de vente
à compter du paiement du prix et des frais, et de condamner la SCI Ty Broën à payer la somme
de 7 000 euros à la SCI Locabox en application de la clause pénale, alors « que l'article 3 des
statuts de la SCI Ty Broën énonçant que la société a pour objet, notamment, la propriété des
immeubles lui appartenant mais non la vente ou l'aliénation d'immeubles, le gérant n'a pas le
pouvoir d'aliéner un immeuble social seul, sans l'autorisation des associés délibérant à la
majorité requise ; qu'en retenant, pour valider la vente d'un immeuble social consentie par le
gérant seul, que la propriété implique le droit de disposer et d'aliéner un bien, la cour d'appel a
dénaturé les statuts de la SCI Ty Broën et violé l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les
documents de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour constater la cession de l'immeuble, l'arrêt retient que, l'objet de la société n'étant pas
limité au seul immeuble en litige et la notion de propriété visée par les statuts impliquant le
droit de disposer, le gérant avait le pouvoir de céder les parcelles [...] , [...] et [...], cette vente
n'ayant pas épuisé l'objet social et n'ayant pas entraîné une disparition automatique de la société
ou une modification de ses statuts qui auraient excédé l'objet social.

6. En statuant ainsi, alors qu'aux termes de l'article 3 des statuts de la société Ty Broën, celle-
ci a pour objet : « La propriété, la possession, la jouissance, l'administration, l'aménagement, la
transformation et l'exploitation par bail, location ou autrement des terrains et immeubles », la
cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 14 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. 3e civ., 24 janv. 2001, no
99-12.841)

Vu l'article 1849, alinéas 1 et 3, du Code civil ;

192
Attendu que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant
dans l'objet social ; que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont
inopposables aux tiers ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 janvier 1999), que la société civile immobilière
Malama Gonesse (la SCI) ayant donné à bail à la société anonyme VGC distribution (la société)
des locaux à usage commercial qui ont été détruits par un incendie, M. Y... gérant de la SCI a
conclu un nouveau bail avec la société représentée par M. X... ; que la SCI a assigné la société
pour que soit constatée l'inexistence ou la nullité du bail ;
Attendu que l'arrêt, qui constate l'inexistence du bail, retient que le gérant avait, en signant un
bail comportant l'obligation d'exécuter des gros travaux au sens de l'article 16 des statuts, excédé
ses pouvoirs puisqu'il ne pouvait pas décider seul de telles opérations, qu'une supposée croyance
de la société dans l'étendue des pouvoirs du gérant de la SCI ne pouvait être tenue pour légitime
et que la société ne pouvait donc être créditée de la bonne foi qui interdirait de lui opposer le
dépassement des pouvoirs du gérant ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont
inopposables aux tiers, sans qu'il importe qu'ils en aient eu connaissance ou non, la cour d'appel
a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 15 : L’exercice des pouvoirs dans l’ordre externe (Cass. 3e civ., 14 juin 2018, no
16-28.672)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 octobre 2016), que, par acte du 7 janvier
2014, le GFA de Saint Jean (le GFA), représenté par sa cogérante, Mme X..., a délivré à M.
Alexandre Z... un congé afin de reprise mettant fin le 31 décembre 2018 au bail à long terme
que lui avait cédé son père Gérard, également cogérant du GFA ; que, par déclaration du 25
mars 2014, M. Alexandre Z... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé
et restitution de parcelles et bâtiments ; que M. Gérard Z... est intervenu volontairement à
l'instance ;

Attendu que le GFA et Mme X... font grief à l'arrêt d'annuler le congé pour défaut d'autorisation
du gérant par l'assemblée générale extraordinaire ;

Mais attendu, d'une part, que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation,
de l'article 16 des statuts, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel
a retenu que la commune intention des parties était de conférer à l'assemblée générale
extraordinaire, seule habilitée à autoriser la conclusion de baux, le pouvoir d'en approuver
parallèlement la rupture et en a déduit que le verbe "réaliser" devait être considéré comme
signifiant résilier ;

Attendu, d'autre part, que les tiers à un groupement foncier agricole peuvent se prévaloir des
statuts du groupement pour invoquer le dépassement de pouvoir commis par le gérant de celui-
ci ; que la cour d'appel a constaté que M. Alexandre Z... n'était pas associé du GFA lors de la
délivrance du congé, son père ne lui ayant fait donation de parts sociales qu'après cette date ;
qu'il en résulte que M. Alexandre Z..., tiers preneur à bail, pouvait se prévaloir des statuts du
groupement bailleur pour justifier du dépassement de pouvoir commis par sa cogérante ; que,

193
par ce motif de pur droit, substitué à ceux justement critiqués, l'arrêt se trouve légalement
justifié ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Les responsabilités des dirigeants sociaux

Document 16 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 8 sept. 2021, no
19-23.187)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juillet 2019), la société d'avocats Cabinet [F] et associés,
dont Mme [L] était gérante, a été mise en redressement judiciaire le 19 février 2013 puis, après
résolution du plan qu'elle avait obtenu, en liquidation judiciaire par un jugement du 16 février
2016, qui a désigné M. [B] en qualité de liquidateur. Celui-ci a assigné Mme [L] en
responsabilité pour insuffisance d'actif.

Enoncé du moyen

2. Mme [L] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au liquidateur la somme de 120 000 euros
au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif, alors « qu'aucune faute de gestion ne peut être
reprochée à un dirigeant pour avoir omis de faire constater la perte de la moitié du capital social
de la société et de ne pas avoir favorisé la régularisation de la situation de la société avant
l'expiration des délais prévus à l'article L. 223-42, alinéa 2, du code du commerce, soit à la
clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est
intervenue ; qu'en opposant à Mme [L] une faute de gestion tenant au fait "de ne pas avoir tiré
les conséquences d'un défaut de reconstitution" des capitaux propres de la société, cependant
qu'il résulte de ses propres constatations que c'est à la date du 10 août 2011 qu'il a été constaté
que les capitaux propres du cabinet [F] étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social
d'où il résultait que le délai pour reconstituer ses capitaux propres expirait à la fin de l'exercice
2013, de sorte que ni au 30 novembre, date de la demande de sauvegarde, ni au 19 février 2013,
date d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société, ce délai n'était expiré,
la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code du commerce, ensemble le texte susvisé ;

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

3. Pour condamner Mme [L] à supporter l'insuffisance d'actif de la société Cabinet [F] et
associés, après avoir notamment relevé que l'assemblée générale de cette société, tenue le 10
août 2011, avait constaté que les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du
capital social et que celle du 10 août 2011 avait décidé de ne pas dissoudre la société, l'arrêt
retient qu'en méconnaissance de l'article L. 223-42 du code de commerce, le capital social n'a
pas été réduit ni les capitaux propres reconstitués. Après avoir énoncé que, si la reconstitution
appartient aux actionnaires et non aux dirigeants, c'est en revanche à ces derniers de tirer les
conséquences d'un défaut de reconstitution, il en déduit que Mme [L] a commis une faute de
gestion pour s'en être abstenue.

4. En se déterminant ainsi, sans dire en quoi consistait précisément la faute de gestion imputée

194
à Mme [L], quand, en application de l'article L. 223-42, alinéa 2, du code de commerce, elle
disposait d'un délai n'expirant qu'à la clôture de l'exercice 2013, deux ans après la constatation
des pertes, pour provoquer la régularisation de la situation des capitaux propres et que, dans
l'intervalle, la société ayant été mise en redressement judiciaire, les dispositions du texte précité
ne s'appliquaient pas, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

5. La condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de


plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en
application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 17 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 10 mars 2015, no
12-15.505)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL Le Chanoine (la SARL), constituée entre Mme X...
et la société Assistance charpente rénovation, a été mise en liquidation judiciaire le 3 juillet
2008 ; que le liquidateur a assigné Mme X... et M. Y..., en leur qualité de gérants de la SARL,
en responsabilité pour insuffisance d'actif ;

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2008-


1345 du 18 décembre 2008 ;

Attendu que pour condamner Mme X... à payer une certaine somme sur le fondement de l'article
L. 651-2 du code de commerce, l'arrêt retient qu'elle n'a pas apporté à la société qu'elle créait
des fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'insuffisance des apports consentis à une société lors de
sa constitution, qui est imputable aux associés, ne constitue pas une faute de gestion, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 18 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 24 févr. 1998, no
96-12.638)

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., après avoir travaillé en
qualité de directeur de région dans la société CRPI, a été nommé le 25 janvier 1990 gérant d'une
de ses filiales la société PIC ayant pour objet la distribution et l'entretien de matériels de lutte
contre l'incendie ; que cette nomination s'est accompagnée d'un engagement de non-
concurrence pour une durée de trois années à dater de la cessation de ses fonctions, la clause de
non-concurrence s'accompagnant, en cas de non-respect, du versement d'une indemnité de 1
million de francs ; que, le 26 décembre 1990, la société PIC s'est transformée en société
anonyme et il a été mis fin aux fonctions de gérant de M. X... ; que le 15 mars 1991, le conseil
d'administration l'a nommé directeur général étant précisé dans le procès verbal que, de ce fait,
il était mis fin sans contrepartie et sans indemnité à tout contrat de travail ayant pu exister entre
la société et l'intéressé ; que le 30 mars 1992, M. X... a démissionné de ses fonctions et a créé,
peu après une société concurrente, la société ORSI ; que la société PIC l'a alors assigné en

195
dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance pour non respect de la clause de non-
concurrence signée le 25 janvier 1990 ;

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande en dommages-intérêts formée par la société PIC, l'arrêt
énonce que M. X... étant délié de la clause de non-concurrence, avait totale liberté de travail et
de concurrence avec la société PIC et, que si à l'époque où il a démissionné de la société, d'autres
collaborateurs de cette entreprise ont " massivement démissionné ", il n'est pas établi que cette
démission collective ait relevé d'une action concertée, organisée par M. X... ; que l'arrêt relève
encore que par la suite certains d'entre eux faisant l'objet de plaintes ou de procédures de la part
de la société PIC ont été embauchés par la société ORSI créée par M. X..., mais que la preuve
n'est pas rapportée que celui-ci ait usé de manoeuvres ou de pressions pour débaucher le
personnel ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'ayant constaté que M. X... avait exercé
successivement les fonctions de gérant, puis après sa transformation en société anonyme, de
directeur général de la société PIC, ce dont il découlait qu'il était tenu à une obligation de
loyauté à l'égard de cette entreprise, et après avoir relevé les démissions massives des salariés
de la société PIC pour rejoindre la société créée par M. X..., sans vérifier de façon concrète,
ainsi que le soutenait la société PIC dans ses écritures, les conditions dans lesquelles certains
d'entre eux avaient été déliés de la clause de non-concurrence qu'ils avaient souscrite, M. X...
étant encore directeur général de cette entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 19 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. 3e civ., 27 mai 2021, no
19-16.716)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 30 janvier 2019), invoquant des fautes commises dans sa gestion,
la société civile immobilière [Personne physico-morale 1] (la SCI) a assigné M. [M], son ancien
gérant, en réparation de ses préjudices.

Enoncé du moyen

3. M. [M] fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la SCI la somme de 120 000 euros en
réparation de son préjudice financier, alors « que ne constitue pas une faute l'acte du gérant dont
l'assemblée lui a donné quitus en pleine connaissance de cet acte et des circonstances l'entourant
; qu'en retenant la responsabilité pour faute du gérant pour un acte ratifié par l'assemblée de la
société, sans rechercher si l'assemblée, constituée des associés avec lesquels il avait été décidé
de vendre les lots 22 et 23 et connaissant aussi bien la grille tarifaire que le prix de vente de ces
lots, n'avait pas, en connaissance de l'acte et des circonstances l'entourant, valablement ratifié
l'acte de son gérant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
1843-5 et 1850 et 1998 du code civil dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

196
4. La cour d'appel a rappelé qu'en application de l'article 1843-5, alinéa 3, du code civil, aucune
décision de l'assemblée des associés ne peut avoir pour effet d'éteindre une action en
responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l'accomplissement de leur mandat.

5. Elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante relative
à l'information des associés, que le quitus donné par l'assemblée des associés ne pouvait avoir
d'effet libératoire au profit de M. [M] pour les fautes commises dans sa gestion.

6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois

Document 20 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. 3e civ., 12 mai 2021, no
19-13.942)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 29 juin 2018), MM. [D] et [P] ont créé la société civile de
construction-vente Les Terrasses de Marie (la SCCV).

2. M. [P] a été désigné gérant, puis liquidateur amiable de la SCCV.

3. Le 2 avril 2010, l'administration fiscale a notifié à la SCCV une proposition de rectification.

4. En sa qualité d'associé à hauteur de 40 % des parts, M. [D] a été destinataire d'une proposition
de rectification portant sur ses revenus imposables pour les années 2007 et 2008.

5. Considérant que ce redressement était la conséquence des manquements de M. [P] dans la


gestion de la SCCV, M. [D] l'a assigné en réparation de son préjudice.

Enoncé du moyen

6. M. [P] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. [D], à titre de dommages et intérêts,
les sommes de 33 998 euros en réparation d'un préjudice financier et de 5 000 euros en
réparation d'un préjudice moral, alors « qu'il résulte de l'article 1843-5 du code civil que l'action
individuelle en responsabilité dont disposent les associés à l'encontre des dirigeants de la société
ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel distinct de celui subi par la personne
morale ; qu'à la suite de la vérification de sa comptabilité, la SCCV « Les Terrasses de Marie »
a subi un redressement fiscal qui a donné lieu à une proposition de rectification des impôts des
deux associés, M. [D] et M. [P] ; qu'en condamnant M. [P], en sa qualité de gérant, à réparer
les prétendus préjudices financier et moral subis par M. [D] au motif inopérant que : « le
dommage allégué ne se confond(ait) pas avec celui de la SCI Les Terrasses de Marie », quand,
tenant aux majorations et pénalités appliquées à la suite du redressement fiscal de la SCCV, le
préjudice allégué par les époux [D] ne se distinguait pas de celui qui atteignait la société dont
il n'était que le corollaire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1382 du code civil
dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble celles de l'article 1843-
5 du code civil. »

Réponse de la Cour

197
7. La cour d'appel a relevé que le redressement fiscal appliqué à la SCCV résultait de l'incurie
du gérant, M. [P], qui n'avait pas exécuté les résolutions de l'assemblée générale extraordinaire
du 2 avril 2007 prévoyant la dissolution amiable de la société et avait poursuivi l'activité de
celle-ci tout en effectuant des déclarations fiscales non sincères et incomplètes.
8. Elle a ajouté que la vérification de la comptabilité de la SCCV avait eu pour conséquence
une rectification du bénéfice industriel et commercial imposable de M. [D] à hauteur de sa
participation dans la société et qu'une majoration de 40 % avait été retenue par l'administration
fiscale pour « manquement délibéré », au motif que la comptabilité de la SCCV donnait «
l'apparence d'une opération achevée et occultait l'existence d'un stock immobilier », la mention
« néant » étant qualifiée de « consciente et intentionnelle ».

9. Elle a pu en déduire que M. [D] avait subi un préjudice personnel, constitué par l'application
des pénalités et intérêts de retard et la nécessité de trouver rapidement une solution de
financement, lequel, sans se confondre avec celui de la société, était en lien direct avec les
fautes de M. [P].

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 21 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 22 sept. 2021, no
19-20.684)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 mai 2019) et les productions, le 12 juin 1997, M. [V] a cédé
une partie des actions qu'il détenait dans le capital de la société Compagnie générale d'eaux
minérales et de bains de mer, dont il était jusqu'alors le dirigeant, à la commune d'[Localité 1]
(la commune). A la suite de cette opération, la société est devenue la Société anonyme
d'économie mixte du [Adresse 6] (la SAEM), dont la commune a assuré la direction de 1997 à
2016.

2. Le 21 décembre 2004, le conseil d'administration de la SAEM a autorisé la vente d'un bien


immobilier appartenant à cette dernière. L'opération a été réalisée le 21 décembre 2006.

3. Le 27 mars 2009, M. [V] a assigné la commune en responsabilité afin d'obtenir réparation,


au nom et pour le compte de la SAEM, du préjudice résultant des fautes de gestion commises
au cours des exercices 2006 à 2009. Au cours de l'instance, il a également demandé que certains
passages des conclusions de la commune soient retirés et que lui soit alloués, sur le fondement
de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, des dommages-intérêts pour ces propos jugés
dénigrants. La commune a soulevé des fins de non-recevoir tirées de la prescription de chacune
de ces actions.

4. Par un jugement du 12 avril 2016, un tribunal de commerce a homologué un plan de


sauvegarde au profit de la SAEM, devenue la [Adresse 8] (la [Adresse 8]), qui prévoyait la
cession de l'intégralité des actions de la commune à la [Adresse 8] (la [Adresse 8]). MM. [F] et
[H] ont été désignés respectivement en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan et de
mandataire judiciaire à la sauvegarde de la société.

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Enoncé du moyen

6. M. [V] fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en responsabilité fondée sur la vente
de l'hôtel Le Splendid alors « que le délai de prescription de l'action ut singuli, visée à l'article
L. 225-254 du code de commerce, commence à courir à compter de la réalisation du dommage
; que le délai de prescription d'une action en nullité d'une convention pour vileté du prix
commence à courir à compter du jour de la conclusion de cette convention ; qu'en considérant
que "la vente de la résidence le splendid a été autorisée selon procès-verbal de l'assemblée
générale en date du 21 décembre 2004, date du fait dommageable s'agissant de la cause
génératrice du dommage prétendu", pour fixer le point de départ de la prescription de l'action
ut singuli à la date d'autorisation de la vente de la résidence par le conseil d'administration,
cependant que le fait dommageable pour la société SEM du [Adresse 6], à savoir la cession de
la résidence Le Splendid à vil prix, n'a été constitué que par la vente réalisée le 21 avril 2006,
et non par le procès-verbal de l'assemblée générale du conseil d'administration de la société du
21 décembre 2004 autorisant cette vente, la cour d'appel a violé l'article L. 224-254 du code de
commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-254 du code de commerce :

7. Selon ce texte, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général,


tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a
été dissimulé, de sa révélation.

8. Pour déclarer prescrite l'action en responsabilité fondée sur la vente de l'hôtel Le Splendid,
l'arrêt retient que l'autorisation de cette vente, selon un procès-verbal "de l'assemblée générale"
(lire "du conseil d'administration") du 21 décembre 2004, constitue le fait dommageable
s'agissant de la cause génératrice du dommage prétendu, bien que la cession ait été réalisée le
21 décembre 2006, dont M. [V] a eu connaissance, étant représenté audit conseil. Il en déduit
que la prescription de l'action de M. [V] a commencé à courir le 21 décembre 2004.

9. En statuant ainsi, alors que le fait dommageable était constitué par la vente du bien litigieux,
prétendument fautive en raison de la vileté alléguée de son prix, la cour d'appel a violé le texte
susvisé.

Et sur le troisième moyen

10. M. [V] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes sur le fondement de la loi
du 29 juillet 1881, alors « que dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 11 avril
2018, M. [V] a fait valoir que les propos injurieux, outrageants ou diffamatoires, et sans lien
avec le litige, tenus à son endroit par la commune d'[Localité 1] dans ses premières conclusions
du 15 novembre 2012, avaient été réitérés à plusieurs reprises, et notamment dans les
conclusions de la commune devant la cour d'appel, signifiées le 14 novembre 2017, ce qui
constituait un nouveau point de départ du délai de prescription de trois mois ; qu'en retenant
néanmoins, pour déclarer irrecevables les demandes de M. [V] sur ce point, qu'il "est constant
que les propos dénigrants pour lesquels il est demandé indemnisation résultent des conclusions
de la commune du 15 novembre 2012 alors que M. [V] sollicite pour la première fois leur retrait
et une indemnisation pour ces propos jugés dénigrants dans ses conclusions en date du 4 mai

199
2017, soit après l'expiration du délai de prescription de l'article 65 de la loi susvisée", sans
répondre au moyen de M. [V] selon lequel les propos injurieux avaient été réitérés dans les
conclusions d'appel de la commune d'[Localité 1], la cour d'appel a violé l'article 455 du code
de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions
constitue un défaut de motifs.

12. Pour déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. [V] fondées sur la loi du
29 juillet 1881, la cour d'appel a relevé que les propos litigieux résultaient des conclusions de
la commune du 15 novembre 2012 et que c'est dans ses conclusions du 4 mai 2017 que M. [V]
a, pour la première fois, demandé leur retrait et une indemnisation, soit postérieurement à
l'expiration du délai de prescription de trois mois fixé par l'article 65 de la loi susvisée.

13. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [V], qui soutenait que les propos
injurieux, outrageants ou diffamatoires tenus en 2012 avaient été réitérés à plusieurs reprises,
et notamment dans les conclusions de la commune du 14 novembre 2017, lesquelles avaient
donc fait courir un nouveau délai de prescription, et qu'il en avait demandé le retrait, ainsi que
l'indemnisation du préjudice en résultant, dans ses conclusions n° 9 signifiées le 14 février 2018,
la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 22 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 24 juin 2008, no
07-13.431)

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'association " l'Auberge de l'Europe " a été mise en
liquidation judiciaire le 14 mai 2002 ; que M. Z..., désigné en qualité de liquidateur, a fait
assigner M. A..., président de l'association, M. Y..., directeur et M. X..., directeur administratif,
en paiement de l'insuffisance d'actif ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir, en retenant sa qualité de dirigeant de fait,
condamné à supporter une partie de l'insuffisance d'actif, in solidum avec M. A... et M. Y...,
alors, selon le moyen :

1° / que la qualité de dirigeant de fait d'une personne morale n'étant caractérisée que par
l'exercice, en toute indépendance, d'une activité positive de direction, elle ne peut résulter
d'actes d'abstention et d'actes isolés, tels que l'embauche d'un seul salarié ou l'intervention
ponctuelle auprès d'un organisme de crédit ; que, pour décider en l'espèce qu'un directeur,
responsable salarié de la gestion tant financière qu'administrative d'une association, aurait agi
en dirigeant de fait, le juge s'est borné à retenir qu'il se serait abstenu d'informer les dirigeants
de droit de l'association de la situation financière alarmante de celle- ci lorsqu'il en avait eu
connaissance, qu'il avait pris seul la décision d'augmenter la ligne de crédit de l'association
auprès d'un organisme bancaire, et qu'il se serait considéré comme investi du pouvoir de

200
procéder à l'embauche de personnel ainsi que le confirmait un courrier de sa part du 22
septembre 2001 ; qu'en statuant ainsi, quand ledit courrier avait pour objet l'embauche d'une
unique employée, ne caractérisant pas en quoi M. X... aurait exercé en toute indépendance une
activité positive de direction de l'association, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision au regard de l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la
loi du 26 juillet 2005 ;
2° / que, dans son courrier du 22 septembre 2001 adressé à MM. Y... et A..., et dont l'objet était
" embauche de Catherine B...", M. X... avait précisé qu'il confirmait l'embauche " à durée
indéterminée " de cette salariée préalablement engagée par l'association " en statut précaire " ;
qu'en énonçant que, par ledit courrier, M. X..., se considérant investi du pouvoir de procéder
seul à la conclusion de nouveaux contrats de travail, avait décidé de l'embauche de deux
nouvelles salariées, la cour d'appel a dénaturé le sens clair et précis de cet écrit, en violation de
l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que M. X... avait conservé pendant plusieurs mois, à son seul
usage, les comptes clos au 31 décembre 2000 ainsi que le rapport du commissaire aux comptes
en s'opposant, comme le confirme son courrier du 22 septembre 2001, à toute intervention du
président dans le domaine de la gestion, qu'il s'était considéré comme investi du pouvoir de
procéder seul à la conclusion de nouveaux contrats de travail dont le principe se heurtait aux
recommandations du conseil d'administration, qu'il avait pris seul la décision d'augmenter la
ligne de crédit dont bénéficiait l'association auprès d'un organisme bancaire, l'arrêt en déduit
que M. X... a ainsi réalisé, en toute indépendance, des actes positifs de gestion ; qu'en l'état de
ces appréciations et constatations, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article L. 624-3 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet


2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu que, pour condamner M. Y..., in solidum avec M. X... et M. A..., à supporter une partie
de l'insuffisance d'actif, l'arrêt, après avoir relevé qu'il ressort des procès- verbaux des réunions
du conseil d'administration et du comité de suivi que M. Y... se comportait comme le
personnage central de l'association, qu'il gérait dans leur intégralité les activités artistiques et
culturelles, qui constituaient l'objet de l'association, que, connaissant la situation financière
fragile de l'association, il s'était efforcé d'y remédier en réclamant des subventions et qu'il avait
initié la procédure de licenciement contre M. X..., retient qu'en prenant seul les décisions de
programmation ou de déprogrammation qui commandaient la situation financière de
l'association, en recherchant lui- même les ressources nécessaires à sa survie, en se comportant
vis- à- vis des tiers comme le personnage central de celle- ci et en donnant, même en- dehors
du domaine artistique et culturel, des instructions à l'autre directeur salarié, M. Y..., qui
bénéficiait de la même délégation de pouvoir que M. X..., a bien réalisé en toute indépendance
des actes positifs de gestion ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser en quoi M. Y...,
directeur salarié de l'association, avait en fait exercé, en toute indépendance, une activité de
gestion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

201
Document 23 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 2 déc. 2020, no
18-21.597)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 juin 2018), M. X... a exercé les fonctions de gérant de la société
ID6 internet développement systèmes (la société) du 8 avril 2002 au 27 janvier 2007 puis du 27
février 2008 au 29 juin 2011, date à laquelle il a démissionné. Le nouveau gérant n'a pas
procédé, auprès du registre du commerce et des sociétés, aux formalités de publicité légale
rendues nécessaires par ce changement.

2. La société a fait l'objet d'un contrôle fiscal, au titre des années 2009 à 2012, et le comptable
du pôle de recouvrement spécialisé parisien 2, a émis plusieurs avis de mise en recouvrement,
qui n'ont pas été payés.

3. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, l'administration fiscale a assigné M. X...
sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales afin qu'il soit déclaré
solidairement responsable avec la société du paiement des dettes fiscales de cette dernière.

Enoncé du moyen

4. M. X... fait grief à l'arrêt de le dire solidairement tenu avec la société au paiement de la
somme réclamée, alors « que la démission, même non publiée, du gérant d'une SARL l'exonère
de la responsabilité qu'il encourt sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures
fiscales, sauf à ce que l'administration fiscale rapporte la preuve qu'il en est resté le dirigeant de
fait pour avoir exercé positivement des fonctions de direction, en toute liberté et indépendance
; qu'en imposant à M. X... de rapporter la preuve qu'une autre personne aurait été, en ses lieu et
place, un dirigeant effectif de la société, après avoir énoncé qu'il en serait resté le dirigeant de
droit du 27 février 2008 jusqu'à la liquidation judiciaire du 26 septembre 2014, à défaut de
publication de sa démission de ses fonctions de gérant intervenue le 29 juin 2011, la cour d'appel
a violé la disposition précitée, ensemble l'article 1315 ancien du code civil dans sa rédaction
applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil, l'article L. 210-9 du code de commerce et l'article
L. 267 du livre des procédures fiscales :

5. Selon le second de ces textes, une société ne peut se prévaloir, à l'égard des tiers, des
nominations et cessations de fonction des personnes chargées de la gérer, de l'administrer ou de
la diriger, tant qu'elles n'ont pas été régulièrement publiées. Néanmoins, cette inopposabilité ne
peut être invoquée en ce qui concerne les faits et actes mettant en jeu la responsabilité
personnelle d'un dirigeant sur le fondement du troisième texte.

6. Pour dire M. X... solidairement tenu avec la société au paiement de la somme réclamée par
l'administration fiscale, l'arrêt, après avoir constaté qu'il avait démissionné de ses fonctions de
gérant selon procès-verbal d'assemblée générale du 29 juin 2011 et que cette démission n'avait
pas été publiée au registre du commerce et des sociétés, en déduit qu'il est demeuré gérant de
droit aux yeux des tiers jusqu'à l'accomplissement des formalités de publicité au registre du
commerce et des sociétés en 2014.

202
7. En statuant ainsi, alors que les fonctions de dirigeant social de M. X... avaient pris fin par
l'effet de sa démission, intervenue le 29 juin 2011, peu important que celle-ci n'eût pas été
publiée au registre du commerce et des sociétés, de sorte qu'il appartenait à l'administration
fiscale de démontrer qu'il était resté le dirigeant de fait de la société, la cour d'appel a violé les
textes susvisés.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 24 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 20 mai 2003, no
99-17.092, Sati)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint Denis de La Réunion, 4 mai 1999), que Mme X..., agissant
en qualité de gérante de la société SBTR, a cédé à la Société d'application de techniques de
l'industrie (société SATI) deux créances qu'elle avait déjà cédées à la Banque de La Réunion ;
que la société SATI a demandé que Mme X... soit condamnée à réparer le préjudice résultant
du défaut de paiement de ces créances ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir retenu sa responsabilité, alors, selon le moyen,
que la responsabilité personnelle d'un dirigeant ne peut être retenue que s'il a commis une faute
séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement ; qu'il résulte seulement des
constatations de l'arrêt attaqué que la société SBTR, représentée par son gérant Mme X..., a
cédé à la société SATI en règlement de livraisons de matériaux deux créances qu'elle détenait
respectivement sur la SEMADER et la SHLMR après les avoir cédées une première fois à la
Banque de La Réunion ; qu'en décidant, pour condamner Mme X... personnellement à réparer
le préjudice résultant du non règlement des créances cédées en second lieu, que Mme X... avait
ainsi commis une faute détachable de ses fonctions sans caractériser le moindre agissement de
cette dernière étranger aux cessions de créances consenties par elle au nom et pour le compte
de la société SBTR dans l'exercice de ses fonctions de gérant, la cour d'appel a violé l'article 52
de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être
retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions ; qu'il en est ainsi lorsque le
dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec
l'exercice normal des fonctions sociales ;

Attendu qu'ayant constaté que Mme X... avait volontairement trompé la société SATI sur la
solvabilité de la société SBTR qu'elle dirigeait, ce qui lui a permis de bénéficier de livraisons
que sans de telles manœuvres elle n'aurait pu obtenir, la cour d'appel en a exactement déduit
que Mme X... avait commis une faute séparable de ses fonctions engageant sa responsabilité
personnelle ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 25 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 7 sept. 2022, no
20-20.404 et no 20-20.538)

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 mars 2020) et les productions, la société Europe et

203
communication, dont l'associé unique et gérant est titulaire d'un brevet portant sur un bungalow
monté sur châssis rigide autoporté, a pour activité la conception, la réalisation et la
commercialisation de bureaux de vente destinés à la promotion immobilière. M. [H], directeur
commercial de cette société, a démissionné le 27 novembre 2007 et créé, le 28 février 2008, la
société Enez Sun, laquelle exerce une activité concurrente de bureaux de vente et services
associés pour l'immobilier, en partenariat avec les sociétés Danhest Home et K-Pub, et la société
Altikon, dont M. [U] est le gérant.
4. Reprochant aux sociétés Enez Sun, K-Pub, Danhest Home, Altikon ainsi qu'à MM. [H] et
[U] et à la société de promotion immobilière Icade promotion, des actes de concurrence
déloyale par détournement d'informations confidentielles et de clients ainsi que par débauchage
de son personnel et sous-traitance illicite, la société Europe et communication, après avoir, sur
autorisation d'un président de tribunal de commerce par une ordonnance du 22 décembre 2011,
fait procéder à des procès-verbaux de constat d'huissier de justice les 31 janvier et 2 février
2012, les a assignés devant un tribunal de commerce.

5. La société Enez Sun a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde par un
jugement du 19 août 2014 et un plan de sauvegarde a été arrêté par jugement du 12 avril 2016.

6. La société Danhest Home a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 20 janvier
2015.

7. La société K-Pub a été placée en redressement judiciaire par un jugement du 16 février 2016.
Par un jugement du 7 février 2017, un plan de sauvegarde a été arrêté, clôturé par un jugement
du 29 novembre 2017. Le 30 juin 2017, elle a fait l'objet d'une fusion-absorption par la société
Enez Sun. Elle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 19 octobre 2017.

(…)

Enoncé du moyen

19. La société Europe et communication fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes à
l'encontre de M. [H], alors « qu'engage sa responsabilité personnelle le dirigeant qui commet
intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des
fonctions sociales ; que constitue une telle faute le fait, pour un ancien salarié, de créer une
société dont il s'attribue le poste de gérant, à seule fin de concurrencer la société dont il a
démissionné en utilisant illicitement les données commerciales de celle-ci et en détournant sa
clientèle au moyen d'acte déloyaux ; qu'en l'espèce, M. [H], ancien salarié de la société Europe
et communication, a créé une société concurrente dénommée Enez Sun dont il a pris la direction
et qui, ainsi que l'a constaté la cour d'appel, a bénéficié de la part de M. [H] d'un détournement
illicite d'informations et de clientèle, déjà constaté et sanctionné par le juge prud'homal ; qu'en
considérant pourtant que la faute personnelle de M. [H], dans son activité de gérant de la société
Enez Sun, n'était pas avérée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses
constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ainsi que l'article L. 223-22
du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 223-22 du code de commerce :

20. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un

204
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Il résulte du second que la
responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut être retenue que s'il a commis
une faute séparable de ses fonctions et qu'il en est ainsi lorsque le dirigeant commet
intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des
fonctions sociales.

21. Pour rejeter les demandes de la société Europe et communication à l'encontre de M. [H],
l'arrêt retient que la responsabilité de ce dernier ne peut pas être retenue au titre des faits allégués
postérieurs à son départ de la société Europe et communication, cependant qu'il n'est pas justifié
à compter de 2008 d'actes détachables de ses fonctions, incompatibles avec l'exercice normal
de ses fonctions de gérant de la société Enez Sun, de nature à engager sa responsabilité
personnelle, ni de détournement à son profit.

22. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [H] était à l'origine du détournement
déloyal d'informations confidentielles relatives à l'activité de la société Europe et
communication dont il était antérieurement salarié, et que ce détournement avait été opéré au
profit de la société Enez Sun, qu'il avait créée en février 2008 à la suite de son départ de la
société Europe et communication, faisant ainsi ressortir la commission intentionnelle d'une
faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales, la
cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes
susvisés.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 26 : La responsabilité civile des dirigeants sociaux (Cass. com., 21 sept. 2022, no
20-20.310)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 juin 2020), le capital de la SARL Seti ingénierie conseil
(la société Seti) est détenu, depuis le 7 janvier 2013, par MM. [N], [F] et [G], ces deux derniers
ayant été désignés en qualité de cogérants jusqu'à l'assemblée générale du 27 avril 2016, au
cours de laquelle a été votée la révocation de M. [F].

2. Soutenant que cette révocation était intervenue sans juste motif et dans des conditions
abusives et vexatoires, M. [F] a assigné la société Seti et MM. [G] et [N] en paiement de
dommages-intérêts.

Enoncé du moyen

4. La société Seti et MM. [G] et [N] font grief à l'arrêt de condamner in solidum la société Seti
et M. [G] à verser à M. [F] une certaine somme au titre de sa révocation sans juste motif ainsi
qu'une autre somme au titre de sa révocation abusive et vexatoire, alors « que la responsabilité
personnelle du dirigeant est engagée à l'égard des tiers s'il a commis une faute séparable de ses
fonctions ; que la faute séparable des fonctions du dirigeant est caractérisée en cas de
commission intentionnelle, par le dirigeant, d'une faute d'une particulière gravité incompatible
avec l'exercice normal des fonctions sociales ; qu'en se bornant, pour condamner in solidum la
société Seti et M. [G] à payer à M. [F] les sommes de 100 000 euros et de 20 000 euros, à
constater que la révocation était intervenue sans juste motif dans des conditions
intentionnellement vexatoires imposées par M. [G] et qu'elle avait été décidée par M. [G] et M.

205
[N], la cour d'appel, qui n'a pas constaté l'existence d'une faute de M. [G] d'une particulière
gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales, a privé sa décision de
base légale au regard des articles 1382 devenu 1240 du code civil et L. 223-22 du code de
commerce. »

Réponse de la Cour
Vu les articles 1382, devenu 1240, du code civil et L. 223-22, alinéa 1er, du code de commerce:

5. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

6. Il résulte du second que la responsabilité personnelle d'un dirigeant à l'égard des tiers ne peut
être retenue que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions et qu'il en est ainsi lorsque
le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec
l'exercice normal des fonctions sociales.

7. Pour retenir la responsabilité personnelle de M. [G] à raison de l'exercice de ses fonctions de


gérant de la société Seti et le condamner in solidum avec celle-ci à payer certaines sommes à
titre de dommages-intérêts à M. [F], l'arrêt retient que la révocation de ce dernier est intervenue
sans justes motifs, dans des conditions intentionnellement vexatoires imposées par M. [G],
qu'elle a été décidée par ce dernier et M. [N] et que M. [G] a commis une faute dans
l'organisation de la révocation vexatoire de M. [F].

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la commission par M. [G]
d'une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions
sociales, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 27 : La responsabilité pénale des dirigeants sociaux (Cass. crim., 25 sept. 2019, no
18-83.113)

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'au terme d'une information
judiciaire ouverte à la suite de la plainte de la société Bayer, M. I... C... a été renvoyé devant le
tribunal correctionnel notamment pour avoir, courant 2006, 2007 et 2008, étant président du
directoire de la société Bayer, fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de cette société un
usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une
autre société dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce en signant
deux règlements de retraite sur-complémentaire fixant les conditions d'accès au bénéfice de la
retraite dont les dispositions lui étaient particulièrement favorables, sans avoir obtenu
préalablement l'autorisation du conseil de surveillance de la société alors qu'il s'agissait de
conventions réglementées et en organisant son licenciement dans le cadre d'une intégration au
plan de sauvegarde pour l'emploi et au dispositif de départ anticipé à la retraite, pour un montant
de 4 473 000 euros, ainsi que l'octroi d'une avance sur son indemnité de départ, pour un montant
de 1 580 000 euros, sans que cette convention réglementée ne fasse l'objet d'un accord préalable
du conseil de surveillance de la société, et ce, en violation de l'article 10 de son règlement
intérieur et des articles L. 225-86 et L. 225-88 du code de commerce et en occultant les
conséquences financières détaillées et personnelles qu'une telle intégration entraînait pour la
société ; que M. C... a été déclaré coupable de ces faits par un jugement du 22 novembre 2016
dont il a interjeté appel ;

206
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 227-1, L. 242-6, L. 244-1
et L. 249-1 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et
manque de base légale :

“en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant déclaré M. C... coupable des faits d'abus
des biens ou du crédit d'une société par actions par un dirigeant à des fins personnelles commis
à Puteaux courant 2006, 2007 et 2008, pour avoir le 25 mai 2006 signé deux règlements de
retraite sur-complémentaire sans autorisation du conseil de surveillance et organisé son
licenciement dans le cadre d'une intégration au plan de sauvegarde pour l'emploi et au dispositif
de départ anticipé à la retraite pour un montant de 4 473 000 euros, ainsi que l'octroi d'une
avance sur indemnité de départ de 1 500 000 euros, sans l'accord préalable du conseil de
surveillance et, infirmant le jugement sur la peine, condamné M. C... à une peine d'amende de
50 000 euros ainsi qu'à une peine d'interdiction de diriger, gérer ou contrôler à un titre
quelconque, directement ou indirectement, une entreprise commerciale ou industrielle ou une
société commerciale pendant une durée de cinq ans et prononcé sur les intérêts civils” ;

“1°) alors que les articles L. 225-86 et L. 225-88 du code de commerce visés dans la prévention,
subordonnant, dans les sociétés anonymes, la conclusion des conventions réglementées à une
autorisation du conseil de surveillance, ne sont pas applicables aux sociétés par actions
simplifiées ; qu'en retenant que M. C... s'était rendu coupable du délit d'abus de biens sociaux
en signant, le 25 mai 2006, deux règlements de retraite sur-complémentaire constituant des
conventions réglementées, et en organisant son licenciement dans le cadre d'un plan de
sauvegarde pour l'emploi et au dispositif de départ anticipé à la retraite, sans avoir
préalablement obtenu l'autorisation du conseil de surveillance de la société Bayer, cependant
que les articles L. 225-86 et L. 225-88 du code de commerce n'étaient pas applicables à cette
société qui était, à l'époque des faits, une société par actions simplifiée, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés” ;

“2°) alors qu'en affirmant, pour retenir que M. C... s'était rendu coupable du délit d'abus de
biens sociaux, que ce dernier ne présentait pas l'une des conditions requises pour bénéficier du
plan de départ volontaire à la retraite, à savoir la suppression de son poste, cependant que cette
condition n'était nullement posée par ce plan, la cour d'appel a entaché sa décision d'une
contradiction de motifs, en violation de l'article 593 du code de procédure pénale” ;

“3°) alors qu'en affirmant, pour retenir que M. C... s'était rendu coupable du délit d'abus de
biens sociaux, que l'accord relatif au plan de départ volontaire subordonnait l'autorisation d'une
avance sur une indemnité de départ à des motifs liés à l'avancement d'un projet professionnel,
cependant que le caractère professionnel de l'avancement n'était nullement requis par ledit
accord, la cour d'appel a derechef entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation
de l'article 593 du code de procédure pénale” ;

“4°) alors que le délit d'abus de biens sociaux est intentionnel et suppose que son auteur ait
accompli sciemment un acte qu'il savait contraire aux intérêts de la société à des fins
personnelles ou pour favoriser une autre société ; qu'en se bornant à affirmer, pour retenir que
l'élément moral de l'infraction d'abus de bien sociaux était caractérisé, que compte tenu de sa
formation et de son rang dans l'entreprise, M. C... « ne pouvait méconnaître les dispositions
régissant la société Bayer » (cf. arrêt p. 8, § 3), sans caractériser la conscience qu'aurait eu le
prévenu du caractère préjudiciable, pour la société, des actes accomplis, la cour d'appel n'a pas
légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés”.

207
Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;

Sur le moyen pris en sa première branche :

Attendu que, pour déclarer M. C... coupable des abus de biens sociaux susmentionnés, l'arrêt
retient notamment que l'article 1er des statuts de la société Bayer, qui était, à l'époque des faits,
une société par actions simplifiées, prévoyait qu'elle était régie par les règles applicables aux
sociétés anonymes, que l'intégration du prévenu dans le plan de sauvegarde pour l'emploi et
l'avance qu'il a perçue sur son indemnité de départ correspondaient à des conventions
réglementées qui devaient, aux termes des articles visés dans la prévention, être soumises à
l'approbation préalable du conseil de surveillance, ce que l'intéressé s'est délibérément abstenu
de faire ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que, d'une part, l'octroi au dirigeant du
bénéfice d'un plan de sauvegarde pour l'emploi ou d'un dispositif de départ anticipé à la retraite
mis en place par la société correspond à une convention réglementée, soumise aux dispositions
des articles L. 225-86 et L. 225-88 du code de commerce, d'autre part, l'article L. 244-1 du code
de commerce prévoit que les articles L. 242-1 à L. 242-6, L. 242-8, L. 242-17 à L. 242-24 du
même code s'appliquent aux sociétés par actions simplifiées et que les peines prévues pour le
président, les administrateurs ou les directeurs généraux des sociétés anonymes sont applicables
au président et aux dirigeants des sociétés par actions simplifiées, la cour d'appel a justifié sa
décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi

Le contrôle de la gestion de la société

Document 28 : L’expertise de gestion (Cass. com., 6 déc. 2005, no 04-10.287)

Vu les articles 31 et 122 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article L. 225-231
du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir posé au président du conseil d'administration de la
société d'Exploitation des sources de Signes (la société) des questions écrites sur des opérations
de gestion, M. Y..., détenteur de 20 % des actions composant le capital social, n'ayant pas reçu
de réponses satisfaisantes, a le 15 janvier 2002 assigné la société ainsi que son commissaire aux
comptes, M. X..., devant le président du tribunal de commerce, sur le fondement de l'article L.
225-231 du Code de commerce, aux fins d'obtenir la désignation d'un expert chargé d'établir un
rapport sur ces opérations ;

Attendu que pour déclarer M. Y... irrecevable en sa demande, l'arrêt retient qu'en l'état des
résolutions de l'assemblée générale du 27 novembre 2002 décidant l'annulation du capital social
par absorption des pertes puis la recapitalisation de la société, M. Y..., qui n'a pas souscrit
d'actions nouvelles dans le délai utile, n'est plus, à la date où la cour d'appel statue, titulaire
d'aucune fraction du capital de la société et qu'il est par conséquent dépourvu tant de la qualité
pour agir qu'exige l'article L. 225-231 du Code de commerce que d'intérêt pour agir au sens de

208
l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ; que l'arrêt retient encore que M. X...,
commissaire aux comptes de la société, a adressé le 24 janvier 2002 au président du tribunal de
commerce un mémoire par lequel il répond point par point de manière précise et détaillée aux
questions posées par M. Y..., que ce mémoire a été communiqué à l'ensemble des parties,
qu'ainsi M. Y... dispose à présent de tous les éléments d'information souhaitables sans recourir
à l'expertise et que son intérêt pour agir a donc, en cela aussi, disparu ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date
de la demande introductive d'instance et ne peut être remise en cause par l'effet de circonstances
postérieures, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 29 : L’expertise de gestion (Cass. com., 18 oct. 1994, no 92-19.159)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 juillet 1992), que M. X..., administrateur et actionnaire
minoritaire de la société La Générale du granit, a assigné celle-ci et M. Y..., président de son
conseil d'administration, pour obtenir la mise en œuvre d'une expertise sur différents points
énoncés dans sa demande ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une
part, que l'expertise de minorité peut être ordonnée pour une ou plusieurs opérations de gestion,
qu'en l'espèce, les opérations mises en cause se réduisaient aux rémunérations de toutes sortes
votées par le conseil d'administration au profit du président et de sa famille et au refus de
distribuer des dividendes, qu'ainsi, il s'agissait d'examiner deux séries bien précises
d'opérations, la mise en cause de la responsabilité des dirigeants étant par ailleurs le propre de
toute expertise de minorité, qu'il importe peu que les opérations critiquées puissent mettre en
cause l'ensemble de la gestion sociale pourvu qu'elles soient déterminées avec précision, d'où
il suit qu'en rejetant la demande, en relevant qu'elle pouvait tendre à la critique de la gestion
sociale et impliquait l'examen de la responsabilité des dirigeants sociaux, la cour d'appel a violé
l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 par refus d'application ; alors, d'autre part, que l'expertise
de minorité doit être ordonnée en l'absence de preuve ou de présomption de détournement de
pouvoirs ou de méconnaissance de l'intérêt social puisqu'elle a précisément pour objet
l'établissement de cette preuve, qu'il suffit seulement que la demande présente un caractère
sérieux ou que les opérations critiquées aient un caractère anormal ; que ces caractères ne
sauraient être exclus du fait que les opérations critiquées revêtent l'apparence de la régularité,
d'où il suit qu'en écartant la demande en l'état de cette dernière appréciation, la cour d'appel a
encore violé l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 ; et alors, enfin, que le magistrat n'a pas à
se faire juge des opérations de gestion critiquées et de l'évolution financière de la société, mais
qu'il doit se borner à rechercher si la demande d'expertise de minorité remplit les conditions qui
sont exigées pour sa recevabilité, qu'ainsi, en décidant que la stagnation du chiffre d'affaires et
le refus de distribution de dividendes pendant 2 ans étaient justifiés par la conjoncture
économique défavorable, ce qui rendait sans objet le recours à une expertise de minorité, la
cour d'appel a, une troisième fois, violé l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les questions posées par M. X... étaient si nombreuses et
diverses qu'elles tendaient en fait à une critique systématique de l'ensemble de la gestion de la
nouvelle direction sociale ; qu'en l'état des pièces versées aux débats il n'existait aucune
présomption d'abus ni d'irrégularités affectant les opérations indiquées et susceptibles de nuire
aux intérêts sociaux comme de compromettre le fonctionnement ou la pérennité de l'entreprise,

209
qu'en particulier, il n'apparaissait pas que les actes dénoncés aient été abusifs ou irréguliers, ni
même, pour ce qui concernait la cession d'actions entre associés, que celle-ci constituât un acte
de gestion ; qu'en l'état de ces seules constatations et énonciations, faisant ressortir que les griefs
présentés par M. X... à l'appui de sa demande avaient une portée trop générale et n'étaient pas
sérieux, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner l'expertise demandée
; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 30 : L’expertise de gestion (Cass. com., 16 déc. 2020, no 18-25.630)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 octobre 2018), le capital de la société à responsabilité


limitée Seti ingénierie conseil (la société) est réparti entre MM. I..., A... et G....

2. Après avoir dirigé la société aux côtés de M. I..., M. A... a été révoqué de ses fonctions de
gérant et remplacé par M. G....

3. Soutenant avoir constaté l'existence d'opérations présentant un caractère suspect et contraire


à l'intérêt de la société, M. A... a assigné celle-ci, ainsi que MM. I... et G..., devant le président
d'un tribunal de commerce aux fins de voir ordonner une expertise de gestion.

Enoncé du moyen

4. M. A... fait grief à l'arrêt de dire mal fondée cette demande et de le condamner au titre de
l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors « que l'expertise de gestion a pour
objectif de contrôler tout acte de gestion suspect de nature à porter atteinte à l'intérêt social de
la société ; que tel est le cas de l'acte par lequel le gérant décide, à son bénéfice, de mettre à la
charge de la société le paiement d'une somme indue peu important le montant de ladite somme
; qu'en l'espèce, en se bornant à énoncer, pour rejeter l'expertise sur les remboursements
forfaitaires accordés aux cogérants, le remboursement du loyer personnel de M. G... ou sur le
supplément d'intéressement perçu par M. G..., que les sommes en cause étaient peu importantes
ou n'étaient pas significativement préjudiciables sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si
ces actes de gestion n'étaient pas suspects et notamment si l'augmentation de 912 % des
dépenses d'hôtel et de 488 % des dépenses de train et d'avion constatée par le bilan comptable
de l'exercice 2016-2017 et dénoncée par M. A... ne laissait pas présumer certaines irrégularités
de gestion au détriment de l'intérêt social de la société, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale au regard de l'article L. 223-37 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 225-37, alinéa 1, du code de commerce :

5. Aux termes de cet article, un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital
social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit,
demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur
une ou plusieurs opérations de gestion.

6. La juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner dès lors

210
qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion
déterminées, indépendamment de leur montant.

7. Pour rejeter la demande d'expertise de M. A..., la cour d'appel a retenu que les
remboursements forfaitaires de frais intervenus en mai et juin 2016 portaient sur des sommes
peu importantes et que le trop-perçu du supplément d'intéressement reçu par M. G... n'était pas
significativement préjudiciable à l'intérêt social.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère suspect des opérations
litigieuses, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation de l'arrêt sur le moyen, pris en sa deuxième branche, n'atteint pas le chef de
dispositif rejetant les demandes reconventionnelles de MM. I... et G....

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 31 : L’expertise de gestion (Cass. com., 30 mai 1989, no 87-18.083)

Attendu, selon l'arrêt infirmatif déféré que Mme X..., associée minoritaire de la société à
responsabilité limitée Maurice Massis (la société) porteur de plus de 10 % des parts, a demandé
la désignation d'un expert, en application de l'article 64-2 de la loi du 24 juillet 1966, en vue
d'examiner diverses opérations de gestion, et que la cour d'appel a accueilli certaines de ces
demandes ;

Attendu que Mme X... fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir compris dans la mission de
l'expert les conditions dans lesquelles avait été fixée la rémunération du gérant de la société,
alors, selon le pourvoi que l'expertise doit permettre de déterminer la valeur et la portée d'une
ou de plusieurs opérations de gestion ; que les modalités et le montant de la rémunération du
gérant concourent à la réalisation de l'objet social et par conséquent constituent des opérations
de gestion au sens de la loi ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé, par fausse
interprétation, l'article 64-2 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que la fixation de la rémunération du
gérant d'une société à responsabilité limitée, dès lors qu'elle est décidée par l'assemblée des
associés, ne constitue pas un acte de gestion entrant dans les prévisions de l'article 64-2 de la
loi du 24 juillet 1966 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais, sur la seconde branche du moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, si la décision de l'assemblée des associés d'une société à responsabilité limitée
accordant dans des conditions normales au gérant des gratifications, qui font partie de sa
rémunération, ne constitue pas une convention entrant dans les prévisions de l'article 50 de la
loi du 24 juillet 1966, l'octroi de tels avantages décidé par le gérant sans vote de l'assemblée est
un acte de gestion au sens de l'article 64-2 de la loi précitée ; que, dès lors, en statuant ainsi

211
qu'elle a fait sans répondre aux conclusions de Mme X... faisant valoir que le gérant de la société
avait bénéficié de gratifications n'ayant pas fait l'objet d'un vote de l'assemblée des associés, la
cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 32 : L’expertise de gestion (Cass. com., 12 janv. 1993, no 91-12.548)

Vu l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, statuant en matière de référé, que la société Hôtel George V (dont
le capital est détenu à 99,9 % par la Société des grands hôtels associés, elle-même filiale à 99,9
% du groupe de droit britannique Trusthouse Forte), exploite dans un immeuble dont elle est
propriétaire un fonds de commerce d'hôtellerie et de restauration ; qu'ayant décidé, à la demande
de son actionnaire majoritaire, de scinder son activité en ne conservant que la partie immobilière
et en créant une société d'exploitation à laquelle elle ferait apport de son fonds de commerce, le
comité d'entreprise de la société Hôtel George V a assigné cette dernière aux fins de voir
ordonner une expertise sur l'opération envisagée ;

Attendu que pour décider que l'article 226 susvisé n'était pas applicable à l'opération d'apport
partiel d'actif envisagé, l'arrêt énonce qu'il ne s'agissait pas d'une opération de gestion
puisqu'elle devait conduire à une révision corrélative des statuts qui relevait des seuls pouvoirs
de l'assemblé générale extraordinaire ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs sans préciser si l'opération avait été placée sous
le régime de la fusion-scission et relevait ainsi de la compétence de l'assemblée générale, ou si
la décision avait été prise par le conseil d'administration, l'assemblée générale étant appelée
ensuite à se prononcer sur ses conséquences, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa
décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 33 : L’expertise de gestion (Cass. com., 14 févr. 2006, no 05-11.822)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 9 novembre 2004), que M. X..., détenteur de plus de
5 % des actions composant le capital de la société Hauterive Saint-James, a fait assigner cette
société ainsi que le président de son conseil d'administration, M. Y..., devant le président du
tribunal de commerce aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de
commerce, la désignation d'un expert chargé d'établir un rapport sur diverses opérations de
gestion ; que la société Bouffard-Mandon, s'est, en sa qualité de liquidateur de M. X..., associée
à cette demande ;

Attendu que la société Bouffard-Mandon fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'expertise
de gestion, alors, selon le moyen :

1 / que peuvent faire l'objet d'une expertise de gestion les conditions du recouvrement de
créances d'une société ; que dans sa lettre adressée le 6 juillet 2001 à M. Y..., président du
conseil d'administration de la société Hauterive Saint-James, régulièrement produite aux débats,
M. X... avait dénoncé "les retards aberrants dans le suivi des factures clients" mettant la société
"dans une position d'inquiétude et d'inconfort" ; qu'en jugeant que ces propos n'équivalaient pas

212
à une question suffisamment précise rendant recevable la demande d'expertise de gestion, la
cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du Code de commerce ;

2 / que constitue un acte de gestion la décision du mode de contrôle de la comptabilité de la


société ; que, dans sa lettre du 6 juillet 2001, M. X... avait demandé à M. Y... à qui la charge de
la comptabilité avait été confiée en ces termes : "Qui contrôle la comptabilité du Saint-James
?" ; qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des
actes de gestion clairement identifiés, la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du Code de
commerce ;

3 / que peut faire l'objet d'une expertise de gestion la convention d'approvisionnement liant deux
sociétés -surtout quand le dirigeant de l'une est également dirigeant de l'autre- ; que dans sa
lettre du 27 juillet 2001, M. X... indiquait : "Il est assez peu usuel qu'un client soit interpellé
comme je l'ai été par l'un de ses fournisseurs exigeant de lui des explications ... Il s'est trouvé
que la responsable de nos achats a constaté que Borehal avait subitement majoré le prix d'un
produit qu'elle nous fournissait (vanille) ce qui nous a conduit à chercher ailleurs, à meilleur
prix, un produit équivalent. Doit-on considérer que notre société ne peut s'approvisionner
qu'auprès de la société Borehal quels que soient les prix pratiqués par cette dernière ?" ; qu'en
jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes de
gestion clairement identifiés, la cour d'appel a violé l'article L. 225-231 du Code de commerce;

4 / qu'en jugeant que la dénonciation de "retards aberrants dans le suivi des factures clients"
mettant la société "dans une position d'inquiétude et d'inconfort" n'équivalait pas à une question
suffisamment précise sur une opération de gestion, la cour d'appel a dénaturé la lettre de M. X...
du 6 juillet 2001 en violation de l'article 1134 du Code civil ;
5 / qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes
de gestion clairement identifiés, quand la lettre de M. X... du 6 juillet 2001 à M. Y... demandait
notamment "Qui contrôle la comptabilité du Saint-James ?", la cour d'appel a dénaturé ladite
lettre en violation de l'article 1134 du Code civil ;

6 / qu'en jugeant que M. X... n'avait pas demandé de façon précise des explications sur des actes
de gestion clairement identifiés, quand la lettre de M. X... du 27 juillet 2001 indiquait : "Il est
assez peu usuel qu'un client soit interpellé comme je l'ai été par l'un de ses fournisseurs exigeant
de lui des explications ... Il s'est trouvé que la responsable de nos achats a constaté que Borehal
avait subitement majoré le prix d'un produit qu'elle nous fournissait (vanille) ce qui nous a
conduit à chercher ailleurs, à meilleur prix, un produit équivalent. Doit-on considérer que notre
société ne peut s'approvisionner qu'auprès de la société Borehal quels que soient les prix
pratiqués par cette dernière ?", la cour d'appel a dénaturé ladite lettre en violation de l'article
1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 225-231 du code de commerce que si un ou plusieurs
actionnaires représentant au moins 5 % du capital social peuvent demander en référé la
désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion, cette faculté n'est ouverte qu'après que lesdits actionnaires ont posé par
écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions relatives à ces
opérations et à défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication
d'éléments de réponse satisfaisants ; qu'en l'espèce, ayant relevé, par une appréciation
souveraine exempte de dénaturation, que dans les courriers adressés préalablement à la
demande d'expertise, M. X... n'avait fait que s'interroger de façon générale sur la politique de
gestion de la société sans demander de façon précise des explications sur des actes de gestion

213
clairement identifiés, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande d'expertise de
gestion ne pouvait être accueillie ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 34 : L’expertise de gestion (Cass. com., 17 janv. 2006, no 05-10.167)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 décembre 2004), que M. X..., détenteur de
plus de 5 % du capital de la société Polyclinique les Fleurs, a posé à M. Y..., président du conseil
d'administration de cette société, des questions écrites sur plusieurs opérations de gestion ;
qu'après que M. Y... eut répondu à ces questions, M. X..., estimant que certaines réponses ne
présentaient pas un caractère satisfaisant, a saisi le président du tribunal de commerce d'une
demande de désignation d'un expert, sur le fondement de l'article L. 225-231 du Code de
commerce ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en ce qu'elle portait sur les
prestations fournies par la société Stomal au titre du programme de médicalisation du système
informatique de la société ainsi que sur le rachat de plus de 10 % des parts de la société
Châteaubanne par les sociétés Stomal et Little Ewe alors, selon le moyen :

1) que l'opportunité de la désignation, par le juge, d'un expert dans le cadre d'une expertise de
gestion impose que le juge relève une présomption d'irrégularité de l'acte de gestion visé par
l'actionnaire demandeur, et non qu'il se livre à une appréciation du caractère satisfaisant ou non
des explications données par le président du conseil d'administration, cette appréciation
appartenant aux actionnaires demandeurs, étant préalable à la saisine du juge ; qu'en décidant
néanmoins que le juge devait nécessairement rechercher le caractère satisfaisant ou non des
éléments de réponse apportés par le président du conseil d'administration, la cour d'appel a violé
l'article L. 225-231 du Code de commerce ;

2) que le juge saisi d'une demande d'expertise de gestion doit rechercher si l'acte litigieux est
ou non conforme à l'intérêt social ; qu'en l'espèce, "l'exposant" faisait valoir qu'en sa qualité
d'actionnaire majoritaire de la SCI Châteaubanne, il avait vocation à accroître sa participation
et que la décision de M. Y... de céder les autres parts de cette SCI à des sociétés dans lesquelles
il avait des intérêts personnels et familiaux, pour un prix inférieur de moitié à celui que
"l'exposante" avait dû payer peu avant, ajoutée à la circonstance que M. Y... avait la qualité de
dirigeant de toutes les sociétés en cause, suffisait à jeter le trouble sur la conformité de sa gestion
à l'intérêt social, et justifiait l'expertise sollicitée ; qu'en rejetant cette demande au seul motif
que l'acquisition des parts ne revêt aucun caractère suspect, nonobstant le moindre prix des titres
ainsi acquis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-231
du Code de commerce ;

3) que le juge saisi d'une demande d'expertise de gestion doit rechercher si l'acte litigieux est
ou non conforme à l'intérêt social ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que l'assistance
technique informatique apportée par la SA Stomal à la SA Polyclinique les Fleurs était exécutée
par M. Y..., qui était pourtant aussi le dirigeant de la société facturée, ce dont il pouvait ressortir
un conflit d'intérêts et donc une contrariété à l'objet social de la SA Polyclinique les Fleurs ;
qu'en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si ce contrat d'assistance technique était
conforme à l'intérêt social de la SA Polyclinique les Fleurs, et en se bornant à affirmer que la
demande de M. X... n'était "soutenue par aucune suspicion plausible", la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article L. 225-231 du Code de commerce ;

214
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt retient à bon droit qu'il appartient au juge saisi, sur le
fondement de l'article L. 225-231 du Code de commerce, d'une demande d'expertise formée par
un actionnaire invoquant le défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants aux
questions écrites posées par lui, de rechercher si les éléments de réponse communiqués
présentent ou non un caractère satisfaisant ;

Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas de ses conclusions que M. X... ait invoqué devant
la cour d'appel les circonstances de fait auxquelles se réfèrent les deuxième et troisième
branches ; que le moyen manque en fait en ce qu'il soutient le contraire ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 35 : L’expertise de gestion (Cass. com., 26 nov. 1996, no 94-16.432)

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 29 avril 1994) qu'à la demande
de MM. et Mmes Z..., Alexis, Camille et Ines Y... (les consorts Y...) a été désigné un expert
chargé de présenter un rapport sur certaines opérations de gestion de la société Y... (la société)
; que les consorts Y... ont assigné la société pour obtenir communication et copie des pièces
remises par celle-ci à l'expert ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir seulement ordonné que leur soit
communiquées sur place lesdites pièces sans les autoriser à en prendre copie, alors, selon le
pourvoi, d'une part, que toute partie qui soumet à un expert des documents a l'obligation de les
communiquer à la partie adverse ; que le seul fait pour une partie d'être en mesure de prendre
connaissance des pièces déposées chez l'expert ne suffit pas à valoir communication ; qu'en
retenant que le principe du contradictoire était suffisamment respecté, dès lors que la
communication des documents à la partie adverse avait lieu chez l'expert sur place, la cour
d'appel a violé les articles 15, 16, 132 et suivants du nouveau Code de procédure civile ; alors,
d'autre part, que le respect du principe du contradictoire n'est assuré que si les parties sont à
même de débattre contradictoirement des documents remis à l'expert par les parties ; qu'en se
bornant à retenir que le respect du contradictoire était assuré par la consultation sur place des
documents remis à l'expert, sans rechercher si, en l'espèce, la consultation sur place des pièces,
sans autorisation d'en prendre copie, mettait les minoritaires à même d'en débattre
contradictoirement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16
du nouveau Code de procédure civile ; alors, au surplus, que l'ordonnance de désignation du 21
avril 1993, prescrivait à M. X... " de se faire remettre par les parties tous titres et documents
utiles " ; qu'en outre tout expert judiciaire a le droit de se faire remettre par les parties les
documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa fonction ; qu'en retenant que
l'expert de gestion n'avait que le droit de consultation sur place des documents qu'il estimait
nécessaires à l'exercice de sa mission, la cour d'appel a violé les articles 226 de la loi du 24
juillet 1966 et 275 du nouveau Code de procédure civile ; alors, encore, que le fait que le refus
de communication sur place à l'expert de gestion des pièces utiles à sa mission, soit sanctionné
pénalement par l'article 458 de la loi du 24 juillet 1966, n'implique pas que l'expert de gestion
ne dispose, pour l'accomplissement de sa mission, que d'un droit de consultation ; qu'en
déduisant de ce texte l'étendue des pouvoirs de l'expert de gestion, la cour d'appel a méconnu
la portée de l'article 458 de la loi du 24 juillet 1966 et alors, enfin, qu'en tout état de cause, le
droit de consulter sur place emporte celui de prendre copie des documents ; qu'en retenant que

215
l'article 458 de la loi du 24 juillet 1966 n'imposait pas que des copies des documents soient
délivrées à l'expert, et que rien n'autorisait donc les minoritaires à prendre copie des documents
qu'ils consultent sur place, la cour d'appel a violé l'article 458 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu que, si l'expertise doit avoir un caractère contradictoire, l'expert désigné en
application de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966, peut procéder seul à certaines
constatations dans la comptabilité et les documents remis en consultation par la société, sans
qu'au cours de l'expertise ceux-ci soient communiqués aux demandeurs, dès lors que le rapport
qu'il est chargé de présenter est destiné à fournir tous les éléments utiles à l'information sur la
ou les opérations de gestion en cause ; que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués
par le pourvoi, la décision déférée, en ce qu'elle a refusé aux consorts Y... la délivrance en copie
des pièces litigieuses, se trouve justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 36 : L’expertise in futurum (Cass. com., 21 sept. 2004, no 00-21.601)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 septembre 2000), que la Société des praticiens de la
clinique Pasteur (SCPCP), actionnaire minoritaire de la société Cliniques du Maine (CDM), a
assigné celle-ci devant le président du tribunal de commerce sur le fondement de l'article 226
de la loi du 24 juillet 1966 afin de voir désigner un expert chargé de recueillir des éléments
d'information sur un certain nombre d'opérations de gestion susceptibles de léser gravement ses
intérêts ; que cette demande n'a été accueillie que pour certaines des opérations de gestion
présentées comme litigieuses ; que la CDM ayant fait appel de cette décision, la SCPCP a formé
un appel incident en faisant valoir que les demandes portant sur des actes de gestion de filiales
devaient être accueillies sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile
; que la cour d'appel a réformé l'ordonnance du premier juge en décidant que l'expertise devait
également porter, par application de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, sur une
opération de crédit-bail immobilier réglée par une filiale de la CDM, et a confirmé pour le
surplus l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

Attendu que la CDM fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance ayant ordonné une
expertise sur le fondement de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966, ajouté à celle-ci, et dit
que sur plusieurs points elle était justifiée par l'article 145 du nouveau Code de procédure civile,
alors, selon le moyen que l'expertise prévue par l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966, devenu
l'article L. 225-231 du Code de commerce, ne peut porter sur des opérations de gestion d'une
filiale ; que si des associés minoritaires peuvent néanmoins solliciter une mesure d'expertise
excédant le cadre de ce texte, notamment en ce qu'elle porte sur une filiale, en invoquant les
dispositions de l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, c'est à la condition expresse
que les juges du fond constatent que les conditions prévues par ce dernier texte sont remplies ;
que, dès lors, en ordonnant les mesures d'expertise sollicitées sur le fondement, au besoin, de
l'article 145 du nouveau Code de procédure civile, sans caractériser un intérêt de la Société
civile des praticiens de la clinique Pasteur distinct de son intérêt d'associé minoritaire, la cour
d'appel a violé les textes susvisés ;

Mais attendu que dans son dispositif la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du premier juge
en toutes ses dispositions, ne la réformant que pour étendre l'expertise à une seule opération de
gestion concernant une filiale sur le fondement de l'article 145 du nouveau Code de procédure
civile ; que pour cette opération, la cour d'appel, après avoir rappelé les raisons pour lesquelles
la SCPCP souhaitait une expertise, a souverainement estimé que cette dernière établissait

216
l'existence d'un intérêt légitime de conserver ou d'établir la preuve des faits dont pourrait
dépendre la solution d'un litige ; que dès lors, en décidant de fonder le complément d'expertise
qu'elle ordonnait sur l'article précité, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés par le
moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 37 : L’expertise in futurum (Cass. com., 4 déc. 2007, no 05-19.643)

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, statuant en matière de référé, qu'à la suite du décès
de leur père, Mmes Patricia, Florence et Virginie X... sont devenues titulaires indivises d'actions
représentant 48,47 % du capital de la Société immobilière et agricole de la Grande Terre
(SIAGAT) ; qu'elles ont, avec leur mère, Mme Nicole Y... X... (les consorts X...), assigné la
SIAGAT aux fins d'obtenir la désignation d'un expert sur le fondement de l'article L. 225-231
du code de commerce ; que l'un des indivisaires des actions, M. Amédée-Paul X..., ne s'est pas
joint à la demande ; que subsidiairement, les consorts X... ont demandé la désignation d'un
expert sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé l'ordonnance ayant déclaré
irrecevable la demande fondée sur l'article 145 du nouveau code de procédure civile alors, selon
le moyen :

1°/ qu'en se bornant à tirer argument du caractère satisfaisant des réponses apportées par la
présidente de la SIAGAT pour rejeter la demande fondée sur les dispositions de l'article 145 du
nouveau code de procédure civile, la cour d'appel s'est déterminée au vu de la seule absence de
preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour objet d'établir,
violant ainsi le texte précité ;

2°/ que les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande
de tout intéressé s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir la preuve de des faits dont
pourrait dépendre la solution du litige ; qu'en se limitant à relever qu'il n'existait aucun risque
de dépérissement des preuves sans rechercher s'il existait ou non un motif légitime d'établir la
preuve des faits litigieux et non simplement de la conserver, la cour d'appel a en toute hypothèse
privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du nouveau code de procédure civile;

Mais attendu que, par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient que les réponses données par la
direction sont circonstanciées, précises et cohérentes, ne prêtent pas à interprétation et
démontrent la volonté de celle-ci de corriger certaines erreurs ou dérives et que la lecture des
questions et des réponses établit qu'il n'existe aucun risque de dépérissement des preuves, les
consorts X... n'articulant rien de précis sur ce point; qu'en l'état de ces appréciations, la cour
d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, procédant à la recherche
prétendument omise visée à la seconde branche, fait ressortir qu'il n'existait pas de motif
légitime au sens de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, d'ordonner la mesure
d'instruction sollicitée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen :

217
Vu l'article 815-9 du code civil, ensemble les articles L. 225-231 et L. 228-5 du code de
commerce ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, chaque indivisaire peut user des biens indivis
conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres
indivisaires;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande des consorts X..., l'arrêt retient que lorsque
les actions d'une société font l'objet d'une indivision, le principe de l'indivisibilité des titres à
l'égard de la société posé par l'article L. 228-5 du code de commerce ne permet pas aux co-
indivisaires d'agir séparément, l'expertise de gestion ne pouvant en ce cas être demandée que
par l'unanimité des co-indivisaires et qu'en l'espèce, Mme Nicole Y... X... est propriétaire en
propre de 2 330 actions et chacune des autres appelantes de deux actions de la SIAGAT ; que
M. Amédée-Paul X..., en sa qualité d'héritier de Joseph-Amédée X..., est également partie à
l'indivision successorale, mais ne s'est pas joint à la demande de Mmes Patricia, Florence et
Virginie X... qui, par suite, ne peuvent se prévaloir du capital détenu par l'indivision
successorale de leur ancien époux et père ; que ne possédant donc que 1,52 % du capital de la
SIAGAT, elles n'atteignent pas le seuil de 5 % requis par l'article L. 225-231 du code de
commerce et que leur action est irrecevable de ce chef ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la demande de désignation d'un expert sur le fondement
de l'article L. 225-231 du code de commerce peut être présentée par un ou plusieurs actionnaires
détenant de manière indivise, au moins 5 % du capital, la cour d'appel a violé les textes susvisés;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 38 : L’expertise in futurum (Cass. 2e civ., 10 déc. 2020, no 19-22.619)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 11 juillet 2019 ), M. N... L..., mettant en doute la gestion de
la Société [...] (la société SNTD) dont il est associé minoritaire, laquelle est présidée par la
société Holding L... gestion, elle-même détenue par M. W... L..., a assigné ces sociétés devant
le juge des référés d'un tribunal de commerce pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 du
code de procédure civile, la désignation d'un expert.

2. La société SNTD et la société Holding L... gestion ont interjeté appel de l'ordonnance ayant
fait droit à sa demande.

Enoncé du moyen

3. M. N... L... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande d'expertise fondée sur l'article
145 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou


l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du
litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'il ne peut être exigé du requérant qu'il produise
des éléments de nature à prouver la réalité des faits pour lesquels la mesure d'instruction est
sollicitée ; qu'en retenant, pour exclure l'existence d'un motif légitime, que M. L... ne produisait
aucun document apportant la moindre consistance à ses soupçons et que ses déductions ne

218
reposaient sur aucun fait précis objectif et vérifiable, la cour d'appel, qui a statué au vu de la
seule absence de preuve des faits que la mesure d'instruction sollicitée avait précisément pour
objet d'établir, a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge du référé in futurum ne saurait préjuger du litige au fond ; qu'ainsi, le motif
légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre
la solution d'un litige, justifiant une mesure d'instruction sur le fondement de l'article 145 du
code de procédure civile, ne saurait être subordonnée à la preuve par le demandeur du bien-
fondé de la prétention qu'il pourrait formuler dans le cadre du litige qu'il serait susceptible
d'engager, ni à la preuve de l'atteinte effective à ses droits, dont l'expertise in futurum sollicitée
a précisément pour objet de permettre l'établissement en vue d'un éventuel procès ; qu'en
l'espèce, en rejetant la demande d'expertise de M. N... L... comme dépourvue de motif légitime,
au motif inopérant, s'agissant de l'existence d'abus de biens sociaux qu'il ne ferait fait état
d'aucune réserve de sa part dans la gestion ou la comptabilité de l'entreprise et, quant aux dépens
sponsoring et la gestion des comptes, qu'il ne contredirait pas les pièces produites par les parties
adverses lesquelles auraient justifié le développement des activités « en dehors » de l'entreprise,
la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ que la mesure d'instruction in futurum a pour objet de permettre la conservation ou


l'établissement avant tout procès de la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du
litige, s'il existe un motif légitime à cette fin ; qu'en écartant l'existence d'un motif légitime car
M. L... ne démontrerait pas l'existence d'un litige potentiel futur dont le contenu et le fondement
sont cernés au prétexte que l'expertise aurait pour finalité une information sur des questions de
gestion et non pas un intérêt probatoire pour un éventuel litige futur quand elle avait pourtant
relevé que l'exposant reprochait à la holding et à M. W... L... une gestion contraire à l'intérêt
social, qu'il envisageait une action en responsabilité et suggérait en termes clairs l'existence
d'abus de biens sociaux, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, en violation de l'article 145 du code de procédure civile ;

4°/ que, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de
faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement
admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ;
qu'en retenant, pour rejeter la demande d'expertise de M. L..., que certaines des questions posées
dans la mission confiée par le premier juge à l'expert constitueraient des mesures d'investigation
d'ordre général, tout en relevant que ces missions étaient précises et avaient un objet
spécifiquement défini, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par une expertise sur
une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ; que tel est le cas pour définir les
modalités d'exécution et de facturation d'une convention ou définir l'incidence d'un changement
de méthode comptable sur les droits d'un associé minoritaire ; qu'en ayant jugé du contraire, au
regard de la convention conclue entre la SARL Holding L... gestion et la SAS SNTD et du
changement de méthode comptable entrepris depuis 2013 par cette dernière société sur le calcul
de son bénéfice, dont M. N... L... est associé minoritaire, la cour d'appel de Toulouse a violé
l'article 232 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou
d'établir avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les

219
mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout
intéressé, sur requête ou en référé.

5. L'appréciation du motif légitime au sens de ce texte relève du pouvoir souverain du juge du


fond.

6. Ayant relevé qu'aucun des documents produits par M. N... L... n'apportait la moindre
consistance à ses soupçons de fautes de gestion, d'intention malveillante à l'encontre de la
société SNTD et de ses associés et d'abus de biens sociaux, que celui-ci ne procédait que par
déductions et affirmations, qui ne reposaient sur aucun fait précis, objectif et vérifiable, et qu'il
ne démontrait donc pas l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont
le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins, et sur lesquels pourrait
influer le résultat de l'expertise à ordonner, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain
d'appréciation que la cour d'appel, qui n'a pas statué au vu de la seule absence de preuve de faits
que la mesure d'instruction in futurum avait pour objet d'établir, a retenu, abstraction faite des
motifs surabondants relatifs aux mesures d'investigation d'ordre général et aux questions posées
à l'expert excédant des constatations de fait d'ordre technique, que M. L... ne justifiait pas d'un
motif légitime à l'obtention de la mesure sollicitée.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 39 : L’expertise in futurum (Cass. 2e civ., 10 juin 2021, no 20-11.987)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 décembre 2019), se plaignant de faits de concurrence déloyale
et de dénigrement sur internet, la société Neovia a saisi le président d'un tribunal de commerce
de sept requêtes identiques sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile afin de
voir ordonner des mesures d'instruction au siège social de plusieurs sociétés, dont ceux des
sociétés Thébaide et [Personne physico-morale 1] situés à [Localité 1].

2. Ces requêtes ont été accueillies par deux ordonnances du 28 septembre 2018 qui ont constitué
l'huissier de justice séquestre des documents appréhendés et ont prévu qu'il ne pourra être mis
fin au séquestre que par une décision de justice contradictoire l'autorisant à remettre les
documents saisis. Les mesures d'instruction ont été exécutées le 8 octobre 2018.

3. Les sociétés Thebaide et [Personne physico-morale 1] ont saisi un juge des référés d'une
exception d'incompétence territoriale du juge des requêtes au profit de celui du tribunal de
commerce de Reims et d'une demande en rétractation de l'ordonnance sur requête, demandes
qui ont été rejetées par une ordonnance du 20 février 2019.

Enoncé du moyen

9. Les sociétés Thebaide et [Personne physico-morale 1] font grief à l'arrêt de confirmer


l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les demandes de rétractation totale comme partielle des
ordonnances du 28 septembre 2018 et de confirmer ces ordonnances en toutes leurs
dispositions, alors « qu'il appartient au juge saisi d'une demande de rétractation d'une mesure
d'instruction in futurum de rechercher si elle a été limitée aux investigations strictement

220
nécessaires à la preuve des faits litigieux, de manière à ne pas porter une atteinte illégitime aux
droits du défendeur, notamment au secret des affaires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est
abstenue de rechercher, comme elle y était invitée, si la copie de tous documents contenant
notamment les mots-clés particulièrement généraux « Salarié », « Linkedin », « SVP », «
Google », « Logiciel », outre les prénoms des dirigeants « [Y] » et « [J] », n'était pas
disproportionnée aux faits allégués, en ce qu'elle offrait un accès illimité à l'ensemble des
dossiers clients des sociétés Thebaide et [Personne physico-morale 1] ainsi qu'à tous les mails
contenant la signature électronique de la société « [Personne physico-morale 1] »; qu'en se
déterminant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du
code de procédure civile, ensemble l'article L. 151-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 145 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir, avant tout procès, la
preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction
légalement admissibles peuvent être ordonnées, à la demande de tout intéressé.

11. Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites
dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au
juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du
requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

12. Pour confirmer les ordonnances du 20 février 2019 ayant rejeté la demande de rétractation
partielle des ordonnances du 28 septembre 2018, l'arrêt retient que les ordonnances ne ciblent
pas des documents couverts par un secret d'ordre professionnel et qu'eu égard aux faits de la
cause et aux preuves que la société Neovia entend établir ou conserver, les mesures ordonnées
apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la partie requérante.

13. Il retient, ensuite, par motifs adoptés, que l'ordonnance sur requête ne cible ni des documents
personnels, ni des documents couverts par un secret d'ordre professionnel ou médical et s'en
tient à des mots-clés pour découvrir l'identité des auteurs des messages dénigrants, l'écosystème
concurrentiel quant aux liens pouvant unir les différentes sociétés cibles, ces dernières niant
toute osmose, la recherche d'une utilisation frauduleuse des logiciels développés par la société
Néovia, voire, par acronymie, donnée auxdits logiciels, et la preuve de débauchage de salariés
de la société Néovia, y compris par l'utilisation des prénoms desdits salariés.

14. Il ajoute, enfin, que l'ordonnance présidentielle du 20 septembre 2019 cible de façon précise
une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en
rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu'à des mots-clés
précisément énumérés et en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée.

15. L'arrêt en déduit que les mesures ordonnées dans l'ordonnance du 28 septembre 2018 sont
circonscrites dans leur objet et donc légalement admissibles.

16. En se déterminant ainsi, sans faire ressortir précisément, comme elle y était invitée, que les
mots-clefs visant exclusivement des termes génériques (Google, accord, entente, salarié, avis,
Linkedin) et les prénoms, noms et appellations des personnes contre lesquelles les mesures
d'instruction avaient été sollicitées, étaient suffisamment circonscrits dans le temps et dans leur

221
objet et que l'atteinte portée au secret des affaires était limitée aux nécessités de la recherche
des preuves en lien avec le litige et n'était pas disproportionnée au regard du but poursuivi, la
cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

17. Les sociétés Thebaide et [Personne physico-morale 1] font grief à l'arrêt de confirmer
l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les demandes de rétractation totale comme partielle des
ordonnances du 28 septembre 2018 et de confirmer ces ordonnances en toutes leurs
dispositions, alors « que les sociétés Thebaide et [Personne physico-morale 1] sollicitaient
encore la rétractation partielle des ordonnances sur requête litigieuses en ce qu'elles avaient
notamment autorisé la copie de l'ensemble des études de droits à la retraite réalisées par les
sociétés Thébaide et [Personne physico-morale 1], soit le coeur de leur production commerciale,
nécessairement couvert par le secret des affaires ; qu'en s'abstenant pourtant de rechercher
concrètement, comme elle y était invitée, si une mesure d'instruction aussi générale n'était pas
disproportionnée aux nécessités de la preuve des faits allégués, la cour d'appel a, de plus fort,
privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile, ensemble
l'article L.151-1 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 145 du code de procédure civile :

18. Si le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application des
dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, c'est à la condition que le juge constate
que les mesures qu'il ordonne procèdent d'un motif légitime, sont nécessaires à la protection
des droits de la partie qui les a sollicitées, et ne portent pas une atteinte disproportionnée aux
droits de l'autre partie au regard de l'objectif poursuivi.

19. Pour confirmer les ordonnances du 20 février 2019 ayant rejeté la demande de rétractation
des ordonnances du 28 septembre 2018, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que ces
ordonnances ne ciblent pas des documents couverts par un secret d'ordre professionnel et qu'eu
égard aux faits de la cause et aux preuves que la société Neovia entend établir ou conserver, les
mesures ordonnées apparaissent nécessaires et proportionnées à la protection des intérêts de la
partie requérante.

20. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les mesures
d'instruction demandées étaient nécessaires à la détermination de la preuve des faits allégués et
ne portaient pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires des sociétés Thebaide et
[Personne physico-morale 1] au regard de l'objectif poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 40 : L’expertise in futurum (Cass. com., 1er févr. 2023, no 22-17.101)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 6 avril 2022), rendu en référé, le 20 octobre 2020, la société GAC,
société de conseil spécialisée dans le financement de la recherche et du développement,

222
soutenant que deux anciens salariés, MM. [X] et [B], qui, immédiatement après leur départ,
avaient constitué une société exerçant la même activité, avaient commis des actes de
concurrence déloyale et de parasitisme, a sollicité, sur requête, sur le fondement de l'article 145
du code de procédure civile, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constats et «
saisies » au domicile de M. [X].

2. Une ordonnance du 26 octobre 2020 a accueilli la requête. Le constat a été effectué le 3


décembre 2020.

3. Le 21 janvier 2021, M. [X] a demandé la rétractation de l'ordonnance. En cause d'appel, la


société L'Air liquide société anonyme pour l'étude et l'exploitation des procédés [J] [L] (la
société L'Air liquide), cliente de la société GAC visée dans la requête comme ayant été
démarchée par MM. [X] et [B], est intervenue volontairement à titre principal à la procédure de
rétractation.

Enoncé du moyen

4. La société GAC fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 26 octobre 2020 pour défaut
de motif légitime, de rejeter ses demandes, et en conséquence de dire que toutes les pièces «
saisies » le 3 décembre 2020, obtenues sans base légale, étaient sans valeur juridique et ne
pourraient pas être utilisées par quiconque, dire que l'huissier de justice et l'expert informatique,
le cas échéant, intervenus lors de la mesure d'instruction du 3 décembre 2020 devraient procéder
à la restitution sans délai de l'ensemble des pièces « saisies » au domicile de M. [X] contre
récépissé dans un procès-verbal de restitution, dire que l'huissier instrumentaire devrait détruire
le procès-verbal de constat et le cas échéant toute copie des pièces saisies en quelque main où
ces éléments se trouvent, et rappeler qu'il était interdit de ce fait à quiconque, et notamment à
la société GAC, de faire état ou usage du constat d'huissier et de toutes pièces annexées ou «
saisies » en exécution de l'ordonnance rétractée, alors « que le juge ne peut exiger de la partie
qui sollicite une mesure d'instruction avant tout procès qu'elle rapporte la preuve des faits que
cette mesure a précisément pour objet d'établir ; qu'en retenant que "le motif relatif à un transfert
illicite de données informatiques ne pouvait dès l'origine revêtir le caractère d'un motif légitime,
la pièce 32, unique pièce communiquée, étant manifestement non documentée, non explicitée
et insusceptible de constituer à elle-seule un indice à la charge de M. [B], sauf à tenir pour
acquises les seules allégations du Gac", la cour d'appel a reproché à la société GAC de ne pas
rapporter la preuve de transferts illicites de données informatiques, faisant ainsi peser sur elle
la charge de la preuve des actes de parasitisme que la mesure d'instruction demandée avait
précisément pour objet de rapporter, en violation de l'article 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 145 du code de procédure civile :

5. Aux termes de ce texte, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès
la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction
légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou
en référé.

6. Pour rétracter l'ordonnance du 26 octobre 2020, l'arrêt retient que la pièce 32, unique pièce
communiquée, est insuffisante à établir l'allégation de transfert illicite de données

223
informatiques, de nature à justifier d'un motif légitime à obtenir une mesure d'instruction avant
tout procès.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs fondés sur l'absence de preuve des faits de
détournement illicite de données informatiques relatives à certains clients que la mesure
d'instruction sollicitée avait précisément pour objet de conserver ou d'établir, la cour d'appel a
privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 41 : L’expertise in futurum (Cass. com., 18 janv. 2023, no 22-19.539)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2022), à la suite de négociations engagées entre la société
Crédit mutuel Arkea (le CMA) et la société NBB Lease, dirigée par MM. [L] et [V], cette
dernière s'est engagée, par une promesse unilatérale d'achat du 6 novembre 2018, à acquérir au
prix de 70 millions d'euros l'intégralité des actions de la société Leasecom détenues par le CMA.
Le 21 mars 2019, la société Fintake Group, se substituant à sa filiale, la société NBB Lease, et
le CMA ont conclu un contrat de cession au même prix.

2. Soutenant avoir découvert, postérieurement à la cession, que le budget 2018 transmis lors
des pourparlers avait été sciemment surestimé par rapport à celui en vigueur en mars 2018, la
société Fintake Group a, le 9 mars 2021, déposé une requête aux fins d'obtenir des mesures
d'investigation sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

3. La requête a été accueillie le 15 mars 2021 et les mesures d'instruction ont été diligentées le
26 mars 2021.

4. Le CMA a assigné la société Fintake Group en rétractation.

Enoncé du moyen

6. La société Fintake Group fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance du 15 mars 2021, alors:

« 1°/ que le juge de la mesure in futurum ordonne celle-ci dès lors qu'il existe un motif légitime
de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution
d'un litige ; que le juge de la mesure in futurum, comme le juge de la rétractation, ne peut retenir
l'absence de motif légitime, faisant échec à la mesure demandée, qu'en présence d'une demande
qui est soit manifestement irrecevable soit vouée à un échec certain au point d'apparaître comme
téméraire ; qu'il n'entre en revanche pas dans l'office du juge de l'expertise in futurum
d'apprécier le caractère fondé, ou non, du procès envisagé, au point de procéder à une analyse
des pièces d'ores et déjà en possession du demandeur et de les confronter à une norme juridique
précise mobilisée dans le cadre d'une argumentation d'ores et déjà figée ; qu'au cas présent, tout
en affirmant qu'elle devrait se cantonner à l'appréciation de "l'existence d'un procès en germe
possible et non manifestement voué à l'échec [...] sans qu'il revienne au juge des référés de se
prononcer sur le fond", et en indiquant apprécier la "plausibilité du litige éventuel", la cour
d'appel a "recherch[é] si les allégations de manoeuvres dolosives [...] sont ou non
vraisemblables", pour finalement retenir, après un examen approfondi des "pièces produites",
qu'il "n'apparaît pas" que la société Fintake Group, demanderesse à la mesure in futurum, "a pu

224
être trompée" et que "les documents financiers internes à la société Leasecom ainsi que les
échanges intervenus entre son contrôleur de gestion et son directeur commercial et les dirigeants
de la société CMA ne constituent pas des indices suffisants pour justifier l'existence d'un dol" ;
que la cour retient encore que le rejet de l'action envisagée par la société Fintake Group serait
d'ores et déjà assuré dans la mesure où "la société Fintake Group ne démontre pas l'incidence
qu'auraient pu avoir les données du budget 2018 sur la valeur de la société Leasecom" ; qu'en
déduisant le caractère, selon elle, "manifestement voué à l'échec" de l'action envisagée d'une
analyse approfondie d'un litige qui n'était pourtant que potentiel à ce stade, la cour d'appel, qui
a méconnu la circonstance que le demandeur d'une mesure in futurum n'a pas à établir d'emblée
le bien-fondé de l'action projetée, a violé l'article 145 du code de procédure civile et méconnu
l'office du juge de la mesure in futurum ainsi que du juge de la rétractation ;

2° que le juge de la rétractation d'une mesure in futurum ne peut retenir l'absence de motif
légitime en présence d'une situation litigieuse établie et d'une demande non manifestement
vouée à l'échec ; qu'il n'entre pas dans son office, une fois cette plausibilité de la demande
constatée, d'apprécier par avance tous les moyens de défense qui pourraient, in fine, conduire
au rejet par le juge du fond de ladite demande ; qu'au cas présent, la cour d'appel a relevé elle-
même qu'il n'était "pas contesté" qu'une pièce déterminante pour la fixation du prix de la société
cédée (son budget 2018) avait été "découverte" par hasard par la société acquéreur et qu'elle
avait été remplacée par un "business plan 2018" dont la société cédante savait qu'il ne
correspondait pas à ce qui serait réalisé en 2018, et pas même à ce qu'il était demandé aux
équipes de la société cédée de réaliser en 2018 (autrement dit à son budget) ; que la cour d'appel
a néanmoins écarté ce dol apparent, ayant consisté à substituer au budget 2018 demandé aux
équipes de Leasecom un business plan 2018 qui ne correspondait à rien, au motif que "au regard
de l'accès à une information exhaustive, portant sur l'ensemble des données sociales, fiscales,
juridiques, comptables et financières de la société acquise, de l'analyse de celles-ci tant par les
dirigeants de la société NBB Lease, particulièrement avertis, que par les experts qu'ils s'étaient
adjoints, et de l'exclusion de garantie portant sur les projections financières, l'action que
l'appelante pourrait engager à l'encontre de la société Crédit mutuel Arkea au titre d'un prétendu
dol apparaît manifestement vouée à l'échec" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la cour avait
pour seule mission de vérifier si ne préparait pas un procès téméraire l'allégation de l'exposante
selon laquelle une recherche des emails internes échangés entre Leasecom et sa société mère,
Crédit mutuel Arkea, la cédante, aurait fait apparaître que la substitution du business plan 2018
au budget 2018, dans la data room, caractérisait une manœuvre dolosive, la cour d'appel, qui a
excédé son office, a violé l'article 145 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. L'arrêt relève qu'il n'est pas contesté que le budget 2018 litigieux, découvert le 5 mars 2018
par la société NBB Lease, dont MM. [L] et [V] sont les dirigeants, faisait état de chiffres
différents de ceux mentionnés sur la plate-forme électronique mais identiques au plan
budgétaire validé au sein de la société Leasecom et que par courriel du même jour, M. [L] a fait
part de ses interrogations « susceptibles pour lui et M. [V] de sérieusement compromettre leur
intérêt pour la transaction ». Il retient que, cependant, la société Fintake Group n'a pu être
trompée par le CMA, au cours de la période précontractuelle qui a duré plus de dix-huit mois
pendant lesquels la société NBB Lease, dont elle a repris les engagements, a eu accès à
l'ensemble des éléments notamment financiers et comptables de la société Leasecom. L'arrêt
ajoute que, deux mois avant la cession des titres, M. [V] a adressé au CMA un courriel
démontrant de façon évidente que, préalablement à la cession de la société Leasecom, la société
Fintake Group avait une parfaite connaissance des résultats de l'exercice 2018.

225
8. En l'état de ces énonciations, constations et appréciations, dont il résulte que les dirigeants
particulièrement avertis de la société NBB Lease et leurs experts avaient eu accès à une
information exhaustive portant sur l'ensemble des données sociales, fiscales, juridiques,
comptables et financières de la société acquise, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain
d'appréciation que la cour d'appel, qui n'a pas fait peser sur la société Fintake Group l'obligation
d'établir le bien-fondé de son action, a jugé que l'action que cette société pourrait engager à
l'encontre du CMA, au titre d'un prétendu dol, apparaissait manifestement vouée à l'échec,
caractérisant, par ces seuls motifs, l'absence de motif légitime justifiant la mesure d'instruction
demandée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 42 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 14 oct. 2020, no 18-20.240)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 17 janvier 2018), statuant en matière de référé, la société
Meusienne de découpe (la société Meusienne), M. S..., son gérant, et la société Beiser
environnement (la société Beiser), dont M. E... est le président, sont les trois associés de la
société Métal tuiles (la société Métal), MM. S... et E... en étant les co-gérants.

2. Arguant d'une grave mésentente entre les associés de la société Métal, la société Beiser et M.
E... ont assigné cette dernière, ainsi que la société Meusdec et M. S..., en désignation d'un
administrateur provisoire, puis attrait en la cause la société Meusienne.

3. La société Meusdec ayant été mise en liquidation judiciaire, M. A... a été désigné en qualité
de liquidateur.

Enoncé du moyen

4. M. E... et la société Beiser font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de désignation d'un
administrateur provisoire alors :

« 1°/ que le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation
sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit
pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes de la SA Beiser environnement et de M. E... tendant
notamment à voir nommer un administrateur provisoire, la cour d'appel a considéré que,
puisque la mesure sollicitée par ces derniers faisait l'objet de contestations sérieuses, la
désignation d'un administrateur provisoire pour assurer la gestion de la société à la place des
dirigeants ne pouvait intervenir en référé, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure
civile, que s'il existait des circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la
société et la menaçant d'un péril imminent, que la preuve de l'existence de ces circonstances
n'était pas suffisamment apportée et qu'en conséquence, en l'absence de dommage imminent, le
juge des référés n'avait pas pouvoir d'ordonner la nomination d'un administrateur provisoire,
sans rechercher, comme cela lui était pourtant demandé, si les circonstances de l'espèce ne
caractérisaient pas un trouble manifestement illicite qu'il fallait faire cesser ; qu'en ne procédant

226
pas à cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873
du code de procédure civile ;

2°/ que le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation
sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit
pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes de la SA Beiser environnement et de M. E... tendant
notamment à voir nommer un administrateur provisoire, la cour d'appel a considéré que,
puisque la mesure sollicitée par ces derniers faisait l'objet de contestations sérieuses, la
désignation d'un administrateur provisoire pour assurer la gestion de la société à la place des
dirigeants ne pouvait intervenir en référé, sur le fondement de l'article 873 du code de procédure
civile, que s'il existait des circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la
société et la menaçant d'un péril imminent, quand ce texte permet au président du tribunal de
commerce de prendre les mesures qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit
pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour
d'appel a violé, par fausse application, l'article 873 du code de procédure civile ;

3°/ que la mésentente existant entre les associés peut suffire à rendre anormal le fonctionnement
de la société ; qu'en l'espèce, pour rejeter les demandes de la SA Beiser environnement et de M.
E... tendant notamment à voir nommer un administrateur provisoire, la cour d'appel a considéré
que l'existence d'une mésentente entre associés n'est pas à elle seule suffisante pour justifier la
nomination d'un administrateur provisoire en l'absence de caractérisation d'un péril imminent,
quand une telle mésentente peut caractériser un trouble manifestement illicite et donc justifier
une mesure conservatoire comme la nomination d'un administrateur provisoire ; qu'en statuant
ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 873 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

5. La désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui
suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de
la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent.

6. Le moyen, en ce qu'il soutient que l'existence d'un trouble manifestement illicite justifie à
elle seule la désignation d'un administrateur provisoire, procède ainsi d'un postulat erroné.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 43 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 3 juill. 1984, no 82-15.721)

Vu l'article 89, alinéa premier de la loi du 24 juillet 1966 l'article 873 du nouveau Code de
procédure civile ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la société anonyme Les Vergers de
Lalanne a été constituée entre un certain nombre de personnes dont quatre membres de la
famille X... ; que M. André X..., ancien président de la société, faisant valoir que certains
administrateurs l'avaient amené à déposer entre leurs mains un nombre important d'actions
qu'ils refusaient de lui restituer et que les procès-verbaux des délibérations du conseil

227
d'administration qui avaient pris acte de sa démission étaient, selon lui, des faux, a demandé la
nomination d'un administrateur provisoire à la société ;

Attendu que pour accueillir sa demande, la Cour d'appel, statuant en référé, a déclaré qu'il
existait de graves dissentiments entre M. André X... et les administrateurs présentement en
place qui sont liés par des liens de parenté ou d'alliance, que ces dissentiments se sont traduits
par une plainte en faux déposée par certains d'entre eux et par une plainte pour abus de confiance
déposée par M. André X..., en raison des conditions dans lesquelles il aurait été dépouillé de
ses actions ; que l'existence de ce conflit dans lequel des intérêts importants sont en jeu justifie
la mesure sollicitée ;

Attendu qu'en statuant ainsi sans rechercher en quoi la mésentente grave entre les associés
faisait obstacle au fonctionnement normal de la société et la mettait en péril, la Cour d'appel n'a
pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 44 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 3 mai 2000, no 97-19.182)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou-Mayotte, 3 juin 1997),
que M. Z... a assigné la SARL Maki-loc (la société) en paiement de dommages-intérêts en
réparation du préjudice qu'il estimait avoir subi du fait des conditions de sa révocation des
fonctions de gérant et en nomination d'un administrateur provisoire, la société se trouvant privée
d'organe de direction ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :


Attendu que la société reproche à l'arrêt d'avoir dit que M. Z... avait la qualité d'associé et
détenait 150 parts sociales alors, selon le pourvoi, d'une part, que les parts sociales d'une SARL
ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société que dans les conditions et selon les
modalités prescrites à l'article 45 de la loi du 24 juillet 1966 imposant, lorsque la société
comporte plus d'un associé, la notification du projet de cession à la société et à chacun des
associés ; que le tribunal supérieur d'appel constate que cette disposition était applicable en
l'espèce, si bien qu'il ne justifie pas légalement sa décision en se bornant à relever pour retenir
la qualité d'associé de M. Z..., que le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 18
août 1993 était signé par l'ensemble des associés de la société et que ce vote comportait
l'agrément des nouveaux associés, à défaut d'une notification dans les formes de l'article 1690
du Code civil, la société ayant pris acte des actes de cession à son siège par l'intermédiaire de
la gérance précédemment occupée par M. Y..., qu'ainsi ont été violés les textes précités ; alors,
d'autre part, que la cession des parts sociales est rendue opposable à la société dans les formes
prévues à l'article 1690 du Code civil ou par le dépôt d'un original de l'acte de cession au siège
social contre remise par le gérant d'une attestation de dépôt ; qu'ayant constaté, qu'en l'espèce,
aucune de ces formalités substantielles, car destinées à informer la société et de la cession et
des conditions de celle-ci, n'avait été accomplie, le tribunal supérieur d'appel ne pouvait déclarer
opposable à la société, la prétendue cession au profit de M. Z..., en l'état de la signature par tous
les associés du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 18 août 1993 qui n'avait,
au demeurant, pour unique ordre du jour que la nomination des nouveaux gérants, la
modification corrélative des statuts et les pouvoirs à donner ; qu'en statuant néanmoins ainsi, il
ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 20 de la loi du 24 juillet 1966, violé
; et alors, enfin, que le tribunal supérieur d'appel ne pouvait se déterminer légalement, au regard
de sa saisine et de son office, à partir d'une argumentation imputée à un tiers au procès ; d'où il

228
suit que M. X... n'étant pas partie au procès, le Tribunal ne pouvait, sans violer les principes
essentiels de la procédure civile, ensemble l'article 6.1 de la Convention européenne des droits
de l'homme, retenir que M. X... ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude et refuser ainsi à
M. Z... la qualité d'associé régulièrement acquise par acte de cession de 150 parts sociales le 18
août 1993 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions, que la société
ait soutenu devant le tribunal supérieur d'appel les prétentions qu'elle fait valoir au soutien de
la première branche du moyen ; que celui-ci est donc nouveau ; qu'il est mélangé de fait et de
droit ;

Attendu, en second lieu, que si la cession des parts sociales d'une société à responsabilité limitée
est rendue opposable à la société dans les formes prévues par l'article 20 de la loi du 24 juillet
1966, la société dont le gérant, à défaut de l'accomplissement de ces formalités, réunit une
assemblée générale extraordinaire à laquelle est convoqué l'acquéreur des parts cédées et au
cours de laquelle les statuts sont modifiés en conséquence de cette cession et le nouvel associé
nommé aux fonctions de gérant, ratifie expressément par ses organes la cession de parts
intervenue et renonce à se prévaloir de l'inopposabilité de la cession à son égard ; que la cour
d'appel qui a ainsi statué, n'encourt pas les griefs du moyen, abstraction faite du motif
surabondant critiqué par la troisième branche ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 45 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 17 janv. 1989, no 87-10.966)

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué (Toulouse, 1er décembre
1986), statuant en matière de référé et sur renvoi après cassation, que la société anonyme Les
Vergers de Lalanne (la société) a été constituée entre un certain nombre de personnes dont
quatre membres de la famille A... ; que M. André A..., ancien président du conseil
d'administration, faisant valoir que certains administrateurs l'avaient amené à déposer entre
leurs mains un nombre important d'actions qu'ils refusaient de lui restituer et que les procès-
verbaux des délibérations du conseil qui avaient pris acte de sa démission étaient, selon lui, des
faux, a demandé la nomination d'un administrateur provisoire à la société ;

Attendu que la société, Mme Andrée X..., Viviane Z..., MM. Louis, Edmond A..., Pierre A...,
Philippe A... et Pierre Y..., font grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le
pourvoi, d'une part, que les dissensions entre associés et administrateurs ne peuvent conduire à
la désignation d'un administrateur que s'ils sont de nature à nuire gravement à la société en
mettant son existence en péril ou en faisant obstacle à un fonctionnement normal, qu'aucune de
ces circonstances n'est constatée par l'arrêt qui se borne à déclarer cette recherche inutile, qu'il
s'ensuit que l'arrêt attaqué a violé l'article 89 de la loi du 24 juillet 1966 ; alors que, d'autre part,
les faits relevés n'affectaient pas le fonctionnement normal de la société, lequel n'était pas
contesté par les parties, des querelles entre deux actionnaires résidant en Uruguay et un autre
habitant le Maroc n'étant pas de nature à perturber le fonctionnement d'une société ayant son
siège à Marmande, qu'il en est de même de l'annulation seulement éventuelle de la désignation
d'un dirigeant social, d'où il suit que l'arrêt a encore violé l'article 89 de la loi du 24 juillet 1966
; et alors, enfin, que le juge des référés ne peut désigner un administrateur provisoire que s'il
constate l'urgence de la mesure requise, qu'en l'espèce les juges du fond n'ont aucunement
constaté cette urgence dont ils n'ont même pas cherché à caractériser les éléments ; qu'au
contraire, ayant ordonné la nomination d'un administrateur provisoire pour remédier aux

229
dangers d'un péril simplement éventuel et non point d'un péril certain et actuel, ils ont
caractérisé le défaut d'urgence et violé l'article 808 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt a constaté que la mésentente existant entre les associés rendait anormal
le fonctionnement de la société et qu'il a considéré que l'annulation, prévisible à brève échéance,
de la désignation des dirigeants sociaux entraînerait de très graves conséquences pour la société
auxquelles il fallait immédiatement porter remède ; qu'en l'état de ces constatations, et
abstraction faite de tout autre motif erroné mais surabondant, la cour d'appel a justifié
légalement sa décision ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 46 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 8 févr. 2017, no 15-19.897)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 10 février 2015), que MM. X..., Gilles Z..., Maxime Z...,
Mme Aude Z... et la société 13'15 rue du Wad Bouton étaient associés de la SCI 13 rue du Four
du Cloître (la SCI) ; que la gérance de la SCI était assurée par MM. X...et Gilles Z... ; que Mme
Aude Z... et M. Maxime Z... ont assigné la SCI et M. X... pour demander la désignation d'un
administrateur provisoire ; qu'estimant que Mme Sylvie A...divorcée Z... s'était immiscée dans
la gestion de la SCI, cette dernière et M. X... l'ont appelée en intervention ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de désigner la société C...-D...-B..., prise en la personne
de M. B..., en qualité d'administrateur provisoire de la SCI et d'ordonner sous astreinte à M. X...
la remise à l'administrateur judiciaire de diverses pièces alors, selon le moyen :

1°/ que la désignation d'un administrateur provisoire d'une société est une mesure
exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le
fonctionnement régulier de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent ; qu'en décidant
néanmoins que l'absence de comptabilité et de reddition des comptes ne permettrait pas un
fonctionnement normal de la société et l'exposerait à un péril imminent, sans constater que le
fonctionnement régulier de la SCI 13 rue du Four au Cloître aurait été rendu impossible, ni que
celle-ci aurait été confrontée à un péril imminent compromettant les intérêts sociaux, la cour
d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile;

2°/ que M. X... a soutenu dans ses conclusions d'appel que les consorts Z... avaient reconnu
avoir reçu la déclaration fiscale pour l'exercice 2011, que la SCI 13 rue du Four au Cloître était
in bonis et que tous les actes de gestion utiles de l'immeuble et des baux consentis par la SCI
étaient régulièrement accomplis ; qu'en se bornant à faire état des difficultés entre les associés
concernant l'information sur la comptabilité annuelle et l'approbation des comptes, sans
répondre au moyen démontrant que les conditions d'impossibilité de fonctionnement de la
société et de péril imminent requises pour la désignation d'un administrateur provisoire n'étaient
pas réunies, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, qu'il ne résulte pas des pièces produites aux débats qu'il
ait été procédé à une quelconque reddition des comptes, que ce soit par consultation écrite ou
par le biais d'une assemblée générale dont il n'est pas justifié de la réunion ; qu'il retient, ensuite,
que M. X... n'a pas mis en mesure M. Gilles Z... d'exercer effectivement son mandat de cogérant
; qu'il retient, encore, que la gestion locative des immeubles appartenant à la SCI a été confiée
par M. X... à la société AEG dont il est associé et gérant et qu'il ne justifie pas avoir donné suite
aux mises en demeure de Mme Aude Z... et M. Maxime Z... sollicitant la communication de la

230
copie de la convention liant la SCI à la société AEG, cependant que la préfecture de la Moselle
a confirmé que M. X... n'avait pas régularisé la situation de son agence immobilière AEG et
que la carte professionnelle demandée à plusieurs reprises n'était toujours pas en possession des
services préfectoraux ; qu'il retient, enfin, que la liste des mouvements bancaires de la SCI pour
l'année 2013 fait apparaître des virements au titre des honoraires de la société AEG et que M.
X... a prélevé à son bénéfice certaines sommes sur la SCI tandis que le dossier ne met pas en
évidence de versement de dividendes au profit des autres associés ; qu'en l'état de ces
constatations et appréciations, dont elle a déduit que la SCI ne pouvait pas fonctionner
normalement et qu'elle était exposée à un péril imminent, la cour d'appel a légalement justifié
sa décision de désigner un administrateur provisoire ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 47 : L’administrateur provisoire (Cass. com., 5 sept. 2018, no 17-14.758)

Vu les articles R. 631-12 et R. 661-3, alinéa 1, du code de commerce, ensemble l'article 690 du
code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A... , désigné par une ordonnance du 3 juin 2015 en qualité
d'administrateur provisoire de la SCI La Chapelle du Sablonat (la SCI), a déclaré la cessation
des paiements de cette société et demandé sa mise en redressement judiciaire par une requête
du 16 septembre 2015 ; qu'un jugement du 16 octobre 2015 a ouvert le redressement judiciaire
de la SCI ; qu'une ordonnance du 6 janvier 2016 a mis fin à la mission de l'administrateur
provisoire ; que la SCI, représentée par son gérant statutaire, M. B..., a fait appel de ce jugement
le 5 juillet 2016 ;

Attendu que pour déclarer l'appel recevable, l'arrêt, après avoir relevé que le jugement ouvrant
le redressement judiciaire avait été notifié à M. A..., ès qualités, le 18 octobre 2015, retient que
la preuve de la notification du jugement à la SCI n'est pas rapportée, de sorte que le délai d'appel
n'a pu courir contre elle et que le gérant, M. B..., avait qualité pour former appel du jugement
au nom de la SCI ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, l'administrateur provisoire désigné pour diriger la SCI ayant seul
qualité pour la représenter et agir en justice en son nom, la notification qui lui avait été faite, le
18 octobre 2015, du jugement ouvrant le redressement judiciaire avait fait courir le délai d'appel
de dix jours à l'égard de la SCI et que l'appel interjeté par M. B... le 5 juillet 2016 était en
conséquence irrecevable, comme tardif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 48 : L’administrateur provisoire (Cass. 3e civ., 3 mai 2007, no 05-18.486)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans,24 juin 2005), rendu sur renvoi après cassation (3e
Civ.,30 juin 2004, n° 03-12. 109), que la société civile immobilière (SCI) Saint-Antoine Béarn
est propriétaire de locaux à usage commercial donnés à bail à la société Parisienne de parking
; que Mme X..., administrateur provisoire de la SCI, désignée par ordonnance du 13 juin 1990,
a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer dû par la société Parisienne de
parking à compter du 1er janvier 1991 ;

Sur le moyen unique :

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Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation de l'assignation délivrée le 3
février 1999, alors, selon le moyen :

1° / que la désignation par le juge des référés d'un administrateur provisoire à l'effet
d'administrer et de gérer tant activement que passivement une personne morale investit le
mandataire judiciaire de tous les pouvoirs appartenant aux dirigeants statutaires qui en sont
dessaisis ; que Mme X... faisait valoir que, désignée par ordonnance de référé pour administrer
et gérer tant activement que passivement la SCI bailleresse, elle avait, en vertu de l'article 14
des statuts, pouvoir d'introduire l'action en fixation d'un loyer en renouvellement du bail ; qu'en
énonçant, pour écarter implicitement mais nécessairement les conclusions de l'administrateur
judiciaire, que la mission dont il était investi ne lui conférait, dès lors qu'il était simplement le
représentant habilité de la personne morale et non son représentant légal, que le pouvoir
d'accomplir des actes de conservation et d'administration impliqués par toute gestion courante,
la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par l'ordonnance de référé du 13 juin 1990
et violé les articles 32 et 117 du nouveau code de procédure civile ;

2° / que la décision de référé du 13 juin 1990 ayant désigné Mme X... comme administrateur
provisoire de la bailleresse, lui avait confié mission " de réviser notamment toutes les situations
locatives " et non pas seulement d'introduire des actions en révision de loyer ; qu'en décidant
que la nature conservatoire de la mission impartie à Mme X... ne l'autorisait pas à saisir le juge
des loyers commerciaux d'une demande tendant à voir fixer la valeur locative en
renouvellement à compter du 1er janvier 1991, la bailleresse ne pouvant demander qu'une
révision de loyer sur le fondement de l'article L. 145-37 du code de commerce, opération
expressément visée dans le dispositif de l'ordonnance de référé du 13 juin 1990, considérant
ainsi que cette ordonnance avait simplement confié mission à Mme X... de présenter des
demandes de révision de loyer là où elle lui conférait sans restriction et de façon générale
pouvoir de " réviser toutes les situations locatives ", la cour d'appel a dénaturé ladite ordonnance
en violation de l'article 1134 du code civil ;

3° / que l'ordonnance de référé du 13 juin 1990 ayant désigné Mme X... à l'effet d'administrer
et de gérer tant activement que passivement la bailleresse, et notamment de " prendre toutes les
décisions utiles ", ne lui conférait pas simplement pouvoir d'accomplir des actes de conservation
et d'administration impliqués par toute gestion courante, mais également celui de prendre toute
décision utile à la SCI ; qu'en prononçant la nullité de l'assignation introductive d'instance
délivrée par Mme X... à la locataire aux fins de voir fixer le loyer en renouvellement du bail à
compter du 1er janvier 1991, sans constater que la demande ne présentait aucune utilité pour la
personne morale, quand, introduite en 1999 aux fins de voir juger que le bail avait été renouvelé
en 1991, soit huit ans avant, elle avait en réalité pour objet de régulariser une situation
préjudiciable à la bailleresse et d'obtenir au profit de celle-ci un rappel conséquent de loyers, la
cour d'appel a méconnu la chose jugée par l'ordonnance du 13 juin 1990 et violé les article 1351
du code civil ainsi que 32 et 117 du nouveau code de procédure civile ;

4° / qu'à travers la cinquième résolution adoptée à l'unanimité de tous les associés de la SCI,
l'assemblée générale du 6 mars 1991 avait demandé à l'administrateur judiciaire de présenter
requête aux fins de voir désigner un expert chargé d'évaluer le loyer du garage au 1er janvier
1991 en vue d'un renouvellement de bail prenant effet à cette date, cette résolution n'ayant
nullement présenté le renouvellement du bail comme simplement éventuel, tandis que, par la
sixième résolution, également prise à l'unanimité, les associés avaient refusé à l'administrateur
judiciaire l'autorisation de signer, non l'acte en renouvellement du bail, mais un tel acte "
moyennant le loyer qui sera (it) fixé par l'expert désigné par le tribunal " ; qu'en décidant que

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le principe du renouvellement du bail au 1er janvier 1991 n'avait pas été accepté par la SCI lors
de l'assemblée générale en question, quand ce qui avait été refusé était non l'autorisation
demandée par l'administrateur judiciaire de signer l'acte de renouvellement du bail mais celle
de le faire moyennant le loyer fixé par l'expert désigné par le tribunal, la cour d'appel a dénaturé
les cinquième et sixième résolutions de l'assemblée générale du 6 mars 1991 en violation de
l'article 1134 du code civil ;

5° / que l'accord des parties sur le principe du renouvellement du bail, même si elles n'avaient
pas agréé le loyer du bail renouvelé, couvrait la nullité ou l'absence des formalités préalables à
la convention ; que Mme X... faisait valoir que, dès le lendemain de l'assemblée générale du 6
mars 1991, bailleresse et locataire avaient adressé une requête conjointe aux fins d'obtenir la
désignation d'un expert judiciaire chargé de donner son avis sur la valeur locative en
renouvellement du bail à compter du 1er janvier 1991, marquant ainsi sans ambiguïté leur
accord sur le principe même du renouvellement à compter du 1er janvier 1991 ; qu'en délaissant
ces conclusions déterminantes, la cour d'appel a privé sa décision de tout motif, ne satisfaisant
pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'ordonnance du 13 juin 1990 désignant l'administrateur
provisoire lui avait confié la mission d'administrer et gérer tant activement que passivement la
SCI, réviser notamment toutes les situations locatives, et prendre toutes les décisions utiles à la
SCI, la cour d'appel qui a répondu aux conclusions, en a exactement déduit, sans dénaturer ni
cette ordonnance ni les résolutions adoptées par l'assemblée générale de la SCI le 6 mars 1991,
que si l'administrateur provisoire pouvait accomplir les actes de conservation et
d'administration impliqués par toute gestion courante, la nature conservatoire de sa mission ne
l'autorisait pas à saisir le juge des loyers commerciaux d'une demande tendant à faire fixer le
prix d'un bail renouvelé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

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