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Licence de gestion IGR-IAE

Promotion 2022/2023
Droit des sociétés – sous la direction de M. Frédéric PITRON

Corrigé indicatif du « 2nd Cas Pratique »

Il convient de répondre à cinq questions qui concernent :

- la convention passée entre une S.A.R.L. et une société civile,


- la cession des parts sociales et du compte courant,
- l’apport d’un bien commun à une S.A.R.L.
- la transformation d’une telle société,
- et la répartition des droits de votre entre le nu-propriétaire et l’usufruitier [cette dernière
question ne sera pas traitée].

I. Convention passée entre une S.A.R.L. et une société civile

Les associés de la société civile sont les mêmes que ceux de la société à responsabilité limitée.

Cette similitude d’associés oblige à respecter l’article L 223-19 du Code de commerce du côté de la
société à responsabilité limitée :

« Les dispositions du présent article s’étendent aux conventions passées avec une société dont
un associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du
directoire ou membre du conseil de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la
société à responsabilité limitée. »

En effet, les associés d’une société civile, s’ils ne sont pas solidairement responsables, sont
indéfiniment responsables : « les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de
leur part dans le capital social » (C. civ., art. 1857, al. 1er). Ils entrent donc dans le champ d’application
de l’article L 223-19 du Code de commerce.

Dans la mesure où la convention de location n’a pas été approuvée selon la procédure de l’article
L 223-19, la situation actuelle est irrégulière : le gérant et les associés supporteront les conséquences
préjudiciables à la société (C. com., art. L 223-19, al. 4). La loi a prévu un régime spécifique : « Les
conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant et, s’il y a lieu,
pour l’associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement selon les cas, les
conséquences du contrat préjudiciable à la société ».

L’article L 223-19 est le siège d’un régime autonome de règles et de sanctions à prendre en bloc, qui
exclut par nature le jeu de la nullité fondée sur l’article L 235-1 du Code de commerce. C’est ce que la
Cour de cassation a également décidé dans un arrêt (Cass. com., 28 juin 1988). Ce qui semble sans
danger si le contrat est équilibré ; il n’y a donc pas de nullité à couvrir.

Il serait tout de même préférable que la convention soit approuvée par l’assemblée générale de la
société, même avec retard. Mais les associés intéressés ne peuvent pas prendre part au vote (C. com.,

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art. L 223-19, al. 1er). Comme tous les associés sont intéressés, l’assemblée ne peut pas voter et il
n’existe pas de solution légale à cette impasse : le gérant devra simplement faire constater à
l’assemblée générale l’impossibilité où les associés se trouvent de se prononcer sur la convention.

II. Cession des parts sociales et du compte courant

M. Rotrou peut céder à la fois ses parts et son compte courant. Dans la mesure où ce dernier trouve
un cessionnaire qui accepte l’ensemble des parts sociales et du compte courant, l’opération permet
d’éviter à la société le remboursement du compte courant à l’associé qui part.

Les formes de l’opération sont distinctes selon qu’il s’agit de la cession des parts ou de la cession du
compte courant.

Pour ce qui concerne la cession des parts sociales, les formes en sont bien connues :

- la cession doit être approuvée par la majorité des associés représentant au moins la moitié
des parts sociales sauf si les statuts prévoient un majorité plus forte (C. com., art. L 223-14, al.
1er). Pour obtenir ce consentement, M Rotrou doit notifier son projet à la société, c’est-à-dire
à son gérant M. Michel, et à chacun des associés. Dans le délai de huit jours à compter de cette
notification, le gérant doit convoquer l’assemblée générale des associés pour qu’elle délibère
sur le projet de cession. Dans la mesure où les associés sont favorables à ce projet, il n’est pas
utile d’envisager les mesures posées par la loi en cas de refus de la société de consentir à la
cession ;
- la cession doit être constatée par écrit, par acte sous seings privés ou par acte authentique ;
- la cession est rendue opposable à la société par les formalités de la cession créance de l’article
1690 du Code civil (signification) : la société est assimilée à un débiteur. Ces formalités peuvent
être remplacées, depuis la loi du 5 janvier 1988, par le dépôt d’un original de l’acte de cession
au siège social contre remise par le gérant d’une attestation de ce dépôt. Dans le silence des
textes (C. com., art. L 223-14 et art. R 223-11) sur la personne qui est habilité à procéder à la
notification, la Cour de cassation admet qu’elle soit faite aussi bien par le cédant que par le
cessionnaire (Cass. com., art 26 mars 1996) ;
- pour que la cession soit opposable aux tiers, il est par ailleurs nécessaire de procéder au dépôt
au greffe du tribunal de commerce (Registre du commerce et des sociétés) des statuts modifiés
comportant la mise à jour des associés (C. com., art . 223-17 renvoyant au droit des sociétés
en nom collectif ; q.v. art. L 221-14 modifié par l’ordonnance 2014-863 du 31 juillet 2014).

Pour ce qui est de la cession de compte courant, les formes en sont plus simples. Le compte courant
d’associé est un prêt à la société, qui oblige dont la société à un remboursement de ce prêt. L’opération
de cession de compte courant est soumise aux mêmes formalités de l’ancien article 1690 du Code civil
que la cession de créance. La société n’a à intervenir d’aucune façon, car il s’agit d’une convention
entre le cédant et le cessionnaire. En particulier, la procédure d’approbation des conventions n’a pas
à être suivie (C. com., 11 juillet 1966). La société débitrice sera seulement informée par signification
effectuée en vertu de l’ancien article 1690 précité remplacé par l’article 1324.

Ce nouvel article 1324 n’exige plus qu’une simple notification là où l’ancien article 1690 exigeait une
signification, et, diffère la date de l’opposabilité de la cession au jour de cette notification (« la cession
n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte »).

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En conclusion, il apparaît que la cession des parts sociales doit être approuvée par la société et que la
cession du compte courant échappe à l’approbation par la société.

III. L’apport d’un bien commun à une société à responsabilité limitée

M. Duval vit son un régime matrimonial de communauté. Le fonds de commerce qu’il exploite est un
bien commun. M. Duval, désirant apporter ce fonds de commerce commun à la société, peut devenir
associé de cette société, si les associés de celle-ci veulent bien que soit réalisée une augmentation de
capital à cet effet.

Mais qu’en sera-t-il du conjoint de son conjoint, M. Duval ?

Avant la loi du 10 juillet 1982, l’on discutait du point de savoir si deux époux peuvent faire apport à de
leurs biens communs à une société, constituée entre eux ou avec d’autres. Cette possibilité aurait été
particulièrement bienvenue quand deux époux exploitent une entreprise individuelle qu’ils souhaitent
transformer en société. Depuis la loi précitée, l’article 1832-1 du Code civil, autorise expressément une
telle utilisation des biens communs :

« Même s’ils n’emploient que des biens de communauté pour les apports à une société ou pour
l’acquisition des parts sociales, deux époux seuls ou avec d’autres personnes peuvent être
associés dans une même société et participer ensemble ou non à la gestion sociale. »

Pour offrir cette possibilité au conjoint de l’époux qui administre les biens communs, la loi précitée
prévoit des formalités particulières dans les sociétés autres que les sociétés par actions.

III.a. L’information du conjoint de l’apporteur

Selon l’article 1832-2 du Code civil, un époux qui apporte des biens communs en société doit avertir
son conjoint et justifier de cette information dans l’acte d’apport, sous peine de nullité de l’apport. Le
défaut d’avertissement est sanctionné dans les conditions prévues à l’article 1427 du Code civil :
l’apport irrégulier est entaché de nullité (Cass. 1ère civ., 16 juillet 1998). L’action en nullité de l’article
1427 doit être intentée dans un délai de deux ans à partir du jour où le conjoint a eu connaissance de
l’acte et au maximum dans les deux ans suivant la dissolution de la communauté. Cette action en nullité
est exclusive de celle en inopposabilité fondée sur la fraude visée à l’article 1421 (Cass. 1ère civ., 23
mars 2011).

Il est prévu d’informer le conjoint, non d’obtenir son accord. En réalité, cette nuance s’estompe dès
lors que les biens communs employés à l’acquisition de droits sociaux, par apport ou achat, sont déjà
justiciables, pour leur disposition, du consentement du conjoint, en application de l’article 1424 du
même Code. Cet article est la disposition légale qui oblige un époux à demander le consentement de
son conjoint pour aliéner « les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la
communauté ». L’apport du fonds de commerce en société doit donc être accepté par Mme Duval en
vertu de l’article 1424. Comme, en vertu de l’article 1832-2, Mme Duval doit également être informée
de cet apport, « les deux opérations pourront avantageusement être constatée dans le même
document qu’on prendra soin de rédiger sans ambiguïté et de faire parapher par le conjoint. En cette
matière, rien ne vaut en effet autant qu’un aveu écrit, par le conjoint, de l’information qui lui a été
donnée. Car si la loi ne requiert, strictement, aucun formalisme, seule l’écrit revêtu de la signature du
conjoint et donnant acte de son information est susceptible, d’une part, de tarir les mauvaises querelles,

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et, d’autre part, de permettre, par son annexion à l’acte d’association qu’il y soit commodément justifié
de l’avis donné au conjoint » (D. Martin, Le conjoint de l’artisan ou du commerçant, Sirey, 1984, p. 214).
Toutefois, la preuve par témoin n’est pas inconcevable à condition d’être rapportée (CA Versailles, 14
oct. 1999).

III.b. Les droits du conjoint de l’apporteur

La raison d’être de l’information qui doit être donnée au conjoint est simple : elle permet au conjoint
de revendiquer, s’il le désire, la qualité d’associé pour la moitié des parts souscrites ou acquises. Dans
cette hypothèse, l’apport d’un bien commun effectué par un époux peut ouvrir les portes de la société
à son conjoint.

La qualité d’associé

La revendication par Mme Duval de la qualité d’associé peut s’opérer à deux moments différents :

- Mme Duval peut revendiquer la qualité d’associé lors de l’apport ; dans ce cas, l’acceptation
de l’apport donnée par les associés autorise son entrée dans la société. Si les associés veulent
refuser l’entrée de Mme Duval dans la société, ils doivent écarter l’apport de M. Duval. Les
associés ne peuvent pas accepter un époux et refuser l’autre,

- Mme Duval peut exercer son droit de revendication postérieurement à la réalisation de


l’apport. Mais la situation du conjoint est moins favorable que dans le cas précédent. Les
associés pourront en effet éventuellement refuser de l’agréer comme associé, s’il a été inséré
dans les statuts une clause spéciale le permettant. A défaut d’une telle clause, la procédure
d’agrément légal, telle qu’elle existe dans les S.A.R.L., ne pourrait pas être mise en œuvre et
le conjoint deviendrait associé sur sa seule demande. Or, ici, il existe bien une clause spéciale
qu’il faudra respecter.

La qualification des parts à l’égard du régime matrimonial

Cette question se pose aussi bien pour M. Duval que pour son épouse. Ces derniers, éventuellement,
sont donc associés.

Mais une incertitude subsiste : les parts attribuées à l’un et éventuellement à l’autre époux sont-elles
propres ou communes ? La loi du 10 juillet 1982 ne fournit pas de réponse explicite.

L’on sait que l’article 1404 du Code civil déclare propres « tous les droits exclusivement attachés à la
personne ». N’est-ce pas le cas des parts de S.A.R.L. qui ne sont pas négociables ?

Si tel était le cas, l’on comprendrait cependant mal que par la loi de 1982, le conjoint puisse exproprier
l’époux déjà associé de la moitié de ses parts. Il faut bien plutôt tenir ces parts pour communes :
« Cette solution se trouve désormais non pas confirmée mais favorisée par la loi du 10 juillet 1982. En
effet, en ce qu’elle règle de manière séparée et autonome l’attribution de la qualité d’associé, c’est-à-
dire l’exercice des prérogatives sociétaires, la loi laisse libre cours aux règles du régime matrimonial
pour gouverner la qualification matrimoniale des droits servant de support à ces attributs
institutionnels. En conséquence de quoi, force est de tenir pour communs dans leur intégralité de tels
droits lorsqu’ils sont acquis, même en forme de parts sociales de société de personnes, par subrogation
à des valeurs communes (D. Martin, op. cit., p. 206).

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IV. La transformation d’une S.A.R.L. en S.A.

Il faut noter d’abord que la transformation ne peut être réalisée que si les règles particulières à la
société anonyme sont respectées

- capital minimum de 37.000 € (C. com., art. L 224-2),


- existence d’au moins deux associés ou de sept si la société est dite « cotée » (C. com., art.
L 225-1 dans sa rédaction issue de l’Ordonnance du 10 septembre 2015).

La première condition est réalisée par la société Le Petit Mécanicien et la seconde également si l’on se
place après le 10 septembre 2015 date de l’ordonnance précitée ayant modifié le nombre minimum
d’actionnaires dans les sociétés anonymes « non cotées ».

La transformation nécessite ensuite le respect de trois conditions fondamentales.

Première condition (C. com., art. L 223-43, al. 2). Il faut une délibération des associés prise à la majorité
requise pour les modifications statutaires.

Deuxième condition (C. com., art. L 223-43, al. 3). La transformation doit, à peine de nullité, être
précédée d’un rapport d’un commissaire aux comptes (intervenant en qualité de commissaire à la
transformation dans le cadre de la mission détaillée ci-dessous), sur la situation de la société. Si,
comme il est possible de l’imaginer, la société Le Petit Mécanicien ne comporte pas de commissaire
aux comptes, il peut être désigné par une délibération unanime des associés ou, en cas de désaccord,
par décision de justice.

Dans son rapport, le commissaire devra établir la situation comptable et financière de la société.

Troisième condition (C. com., art. L 224-3). La transformation nécessite en outre une vérification de la
valeur des biens composant l’actif social par un commissaire à la transformation. En effet, les actifs de
la société qui se transforme, en contrepartie desquels sont émises des actions, sont traités comme des
apports en nature et font l’objet d’une procédure de vérification très proche de celle qui existe en cas
de constitution de société anonyme. En outre, l’article R 224-3 du Code de commerce, prévoit que le
rapport rendu par le commissaire en application de l’article L 224-3 précité, atteste que le montant
des capitaux propres est au moins égal au capital social.

Le commissaire de l’article L 223-43 peut aussi être le commissaire de l’article L 224-3 (double mission).

Enfin, et s’agissant des conditions de fond, on ajoutera que l’opération de transformation suppose la
prise en compte de deux corps de règles :
- le droit applicable à la société sous son ancienne forme,
- le droit applicable à la société sous sa forme nouvelle.

En effet, il faut s’assurer que les conditions exigées par la nouvelle forme soient remplies avant la
transformation. Il a été évoqué supra le capital minimum, le nombre d’associés, mais il faut également
penser :
- à la présence d’apporteurs en industrie, présence possible au sein de la SARL (ou au sein de la
SAS) mais impossible dans la SA,
- à l’objet social, étant donné qu’une activité déterminée peut être autorisée sous une forme
de société et non sous une autre,
- et à la possibilité d’offrir au public des titres financiers.

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