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DROIT DES SOCIÉTÉS – CORRIGÉ DU DEVOIR D0013

CORRIGÉ DU DEVOIR D0013

CAS PRATIQUE – EXTRAIT D’UN SUJET D’ANNALES


CORRECTION PROPOSÉE : elle respecte les consignes demandées dans le devoir, les
réponses sont courtes mais précises, argumentées et justifiées par un rappel des règles de
droit concernées.

I. PREMIER DOSSIER

1. L'apport du fonds de Jérôme Dumont à la société INFOLOG (2 points)

Jérôme Dumont étant marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts (car il n’a
pas établi de contrat de mariage), son fonds de commerce acquis après le mariage constitue
un bien commun. Par conséquent, l'acte d'apport devra respecter certaines conditions.

 L'article 1832-2 al. 1er C. civ. impose d'abord que le conjoint soit averti de cet apport
et qu'il en soit justifié dans l'acte, cette formalité étant requise à peine de nullité (cf.
article 1427 C. civ.).
 Mais, les règles propres aux régimes matrimoniaux sont encore plus exigeantes :
aux termes de l'article 1424 C. civ., Jérôme Dumont devra obtenir l'accord de son
épouse, une simple information ne suffisant pas. C'est donc cet accord qui devra
être mentionné dans l'acte. À défaut, Sylvie Coutras pourrait demander la nullité de
l'acte dans les deux années suivant le jour où elle en aurait eu connaissance.
Nota : l'apport en nature étant constitué d'un fonds de commerce, l'acte devra préciser avec
exactitude les éléments transmis à la société. Par ailleurs, les dispositions des articles 12 et
15 de la loi du 29 juin 1935 (L.141-1 et L.141-2 nouv. C. com.) trouvent également à
s'appliquer, ainsi que les formalités destinées à protéger les créanciers de l'apporteur (loi du
17 mars 1909).

2. La situation de Sylvie Coutras (2 points)

Jérôme Dumont ayant effectué seuI l’apport, il aura seul la qualité d'associé, Sylvie Coutras
étant un tiers à l'égard de la SARL INFOLOG. Mais, l'article 1832-2 C. civ. lui permet
d'acquérir cette qualité pour la moitié des parts si elle notifie à la société son intention d'être
personnellement associée.
Sylvie Coutras peut revendiquer son entrée dans la société au moment de l'acte d'apport ou
ultérieurement, mais les conditions seront alors différentes.

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3. L'opposition éventuelle des autres coassociés (2 points)

Trois hypothèses doivent être distinguées :


a. Si Sylvie Coutras manifeste au moment de l'apport son intention d'être associée,
Stéphane Mistre et Jean-Luc Bonnel auront une marge de manœuvre très limitée, puisqu'ils
ne pourront qu'accepter l'entrée des deux époux dans la société ou les refuser tous les
deux, ce qui rendrait impossible, dans le cas considéré, la constitution de la SARL. En effet,
selon l'article 1832-2 précité, « l'acceptation ou l'agrément des associés vaut pour les deux
époux ».
b. Si Sylvie Coutras exerce son droit de revendication postérieurement à la réalisation de
l'apport, Stéphane Mistre et Jean-Luc Bonnel pourront refuser son agrément, mais à
condition d'avoir pris la précaution d'insérer dans les statuts une clause le leur permettant
(l'époux ne participant pas au vote, ses parts n'étant pas prises en compte dans le calcul de
la majorité). À défaut d'une telle clause, le conjoint ne constituant pas une cession, les
dispositions légales relatives à l'agrément d'un tiers ne sont pas applicables.
c. À noter enfin que, dans un arrêt du 12 janvier 1993, la chambre commerciale de la Cour
de cassation a admis la validité d'une renonciation expresse par le conjoint à revendiquer la
qualité d'associé. Encore faut-il que Sylvie Coutras accepte de s'engager par avance à une
telle renonciation…

II. DEUXIÈME DOSSIER

4. Le contrat d'aménagement est-il soumis au régime des conventions


réglementées ? Nécessite-t-il une procédure particulière ? ( 2 points)

Il est indispensable de connaître et de rappeler en l’espèce les conditions légales qui


soumettent une convention à la procédure des conventions réglementées en SARL.
Ainsi, la définition légale nous indique qu’est qualifiée de réglementée « toute convention, ni
libre ni interdite, passée entre la SARL et l’un de ses dirigeants ». Et qu’est également
qualifiée de réglementée « toute convention, ni libre ni interdite, passée entre la SARL et
une société dont un associé indéfiniment responsable (par exemple, membre d’une société
civile), gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire, membre du conseil
de surveillance, est simultanément gérant ou associé de la SARL ».
En l'espèce, le contrat considéré est passé entre la SARL INFOLOG et la SA Tout propre,
deux sociétés dont Monsieur Stéphane Mistre fait partie : en effet, il est associé dans la
SARL et actionnaire dans la SA. Cependant, Il n’est pas dirigeant dans la SA, et il n’est
pas non plus « associé indéfiniment responsable », puisque la responsabilité des
actionnaires de SA est limitée à leurs apports : il ne revêt alors aucune des qualités
énoncées dans la règle juridique précitée, qui obligeraient à soumettre la convention à une
surveillance particulière.

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Il y avait donc un piège à éviter en l’espèce. Ici, il ne s'agit pas d'une convention
réglementée. Le contrat n’a pas à faire l'objet d'une procédure de validation par l’AG, même
si le prix conclu semble un peu exagéré.

5. Les autres actes passés par Monsieur Dumont sont-ils valables ? ( 4


points)

Pour pouvoir répondre, il faut rappeler les règles de principe suivantes :

 Dans ses rapports avec les autres associés et la société, le gérant de la SARL
peut faire tous les actes de gestion dans l'intérêt de la société, du moment qu’ils
entrent dans l’objet social.
 Les pouvoirs du gérant sont également limités par ceux conférés par la loi aux
assemblées d’associés.
 Les statuts peuvent également limiter ses pouvoirs et imposer leur autorisation
préalable par l’AG.
En cas de violation de ces limites, le gérant engage sa responsabilité envers la société. Les
associés pourront le révoquer et lui demander des dommages et intérêts.

 Dans ses rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, même en
dépassement de l’objet social, mais sous réserve des pouvoirs que la loi attribue
expressément aux autres organes sociaux.
 La société est engagée même par les actes du gérant ne relevant pas de l’objet
social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers le savait ou ne pouvait l’ignorer compte
tenu des circonstances.
 Les limites statutaires de pouvoirs sont inopposables aux tiers de bonne foi.
En l’espèce, l’application de ces principes donnent les solutions suivantes :
1. L’embauche d’un nouveau salarié est un acte de gestion courante ; il entre dans les
pouvoirs du gérant. Il est donc valable.
2. La campagne publicitaire d’un montant de 10 000 € est un acte de gestion valable. Les
statuts auraient toutefois pu prévoir une limite statutaire imposant une autorisation préalable
de l’AG pour tout acte au-delà de 8 000 €. Ces limites étant inopposables aux tiers, l’acte
serait valable envers les tiers et engagerait la société, mais le gérant mettrait en jeu sa
responsabilité, en cas de conséquences dommageables subies par la société ou les autres
associés.
3. L’achat d’une voiture de collection aux couleurs de la société : s’il n’est pas excessif en
termes de prix, cet achat peut servir la société à des fins publicitaires et ainsi rentrer dans
l’objet social. Il ne semble pas être contraire à l’intérêt social. Cet acte est donc valable et
n’engage la responsabilité de Monsieur Dumont, ni à l’égard de la société, ni à l’égard des
tiers. S’il était financièrement excessif, il deviendrait une dépense somptuaire : voir ci-
dessous.

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4. Le voyage aux Baléares, au contraire, ne rentre pas dans l’objet social et est contraire à
l’intérêt social. C’est une dépense somptuaire. La société restera engagée vis-à-vis des tiers
mais, vis-à-vis des associés, le gérant engage sa responsabilité et pourra être condamné au
versement de dommages et intérêts.
Par ailleurs, on notera que cet acte peut être, parallèlement à la procédure civile,
pénalement punissable en tant qu’abus de biens sociaux. Le gérant de la SARL risque
personnellement (L. 241-3, 4° pour les SARL) cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros
d’amende.

III. TROISIÈME DOSSIER

6. Quel est le rôle joué par Monsieur Bonnel ? ( 2 points)

Selon la jurisprudence, le dirigeant de fait est toute personne physique ou morale qui,
assurant les mêmes fonctions et les mêmes pouvoirs qu'un dirigeant de droit, exerce en fait
en toute souveraineté et en toute indépendance une activité positive de gestion et de
direction.
Trois critères sont donc à retenir pour qualifier un dirigeant de fait :

 une participation active à la gestion ;


 cette participation ne doit pas être isolée ;
 elle doit être exercée en toute indépendance.
En l'espèce, Monsieur Bonnel a participé activement à la gestion (signature de contrats
importants) et ce, pendant plusieurs semaines. De plus, les décisions ont été prises en toute
souveraineté et indépendance (il n'a reçu aucune délégation de pouvoir de Monsieur
Dumont pour signer ces contrats).
Monsieur Bonnel peut donc être qualifié de dirigeant de fait.

7. Quelles en sont les conséquences en matière de responsabilité ? ( 2


points)

Les individus qui empruntent un statut ou une fonction sans l’avoir reçu(e) de la loi
(commerçants de fait, dirigeants de fait…) sont soumis à un régime de sanction : ils sont
soumis à toutes les obligations du statut qu’ils empruntent, sans pouvoir bénéficier d’aucun
des droits de ce statut.
En l’espèce, les personnes qualifiées de dirigeants de fait encourent alors les mêmes
responsabilités civiles, pénales et fiscales que les dirigeants de droit. Par exemple :

 elles s'exposent, en cas d'infraction à la loi sur les sociétés commerciales, aux
mêmes sanctions que les dirigeants de droit ;
 les dirigeants de fait peuvent être soumis à la procédure de redressement judiciaire
et tenus de contribuer au passif social en cas de cessation des paiements de la
société ;

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 la faillite personnelle, les sanctions voisines et les peines attachées à la banqueroute


leur sont applicables…
Les dirigeants de fait relèvent ainsi du droit commun de la responsabilité civile et pénale de
tous les dirigeants de société.

IV. QUATRIÈME DOSSIER

8. Transformation de la SARL INFOLOG en SA (4 points)

La transformation d’une société est l’opération par laquelle une société change de forme
juridique en cours de vie sociale. Par principe, elle est toujours possible, tant qu’elle ne viole
pas les règles légales et statutaires prévues à cet effet.
Le point essentiel à rappeler ici est que la transformation régulière d’une société en une
autre forme juridique sociétaire n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle
(art. 1844-3 C. civ.). La personnalité juridique ne disparaît pas pendant la transformation
pour renaître après, elle se conserve et c’est la même personne morale qui apparaît sous
une forme nouvelle.
Il faut d’abord réunir les conditions de fond de constitution de la nouvelle forme sociale :
nombre d’associés minimum (2 pour la SA depuis septembre 2015), montant minimum de
capital social (37 000 euros en SA).
Ensuite, du point de vue formel, cette transformation requiert les opérations suivantes.

 Le gérant élabore le projet de transformation et rédige un document spécifique


présentant aux futurs actionnaires les avantages et intérêts de la transformation, puis
établit le projet de résolution de transformation à adopter et les nouveaux statuts.
 Un commissaire à la transformation est désigné, soit sur décision unanime des
associés, soit sur requête adressée au président du tribunal de commerce par le
dirigeant social. Ce commissaire rédige un rapport sur le projet de transformation (il
est chargé d’apprécier la valeur des biens composant l’actif social et les avantages
particuliers de la transformation) qui sera soumis à l'AGE, celle-ci devant être
convoquée dans les trente jours.
 Le commissaire aux comptes (s’il en existe un dans la société) doit établir un rapport
sur la situation de la société, attestant que le montant des capitaux propres est au
moins égal au capital social.
 Les différents rapports sont déposés au greffe du tribunal ainsi qu'au siège social
pour consultation des associés avant la décision collective et communiqués
personnellement à chaque futur actionnaire, avec la convocation à l’AGE, dans les
formes ordinaires (au moins jours avant la tenue de l’assemblée).
 L'AGE doit se réunir et voter dans les formes classiques. Si les statuts le prévoient,
la décision peut être prise par consultation écrite ou par consentement de tous les
associés exprimé dans un acte.
Le vote de la transformation est acquis à la majorité qualifiée des trois quarts des parts
sociales. L’AG doit approuver les nouveaux statuts et nommer les organes de direction de la

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SA et le CAC (titulaire et suppléant). Le PV de l’AGE adoptant la transformation doit être


inclus au dossier.

Les formalités de publicité à accomplir ensuite sont classiques :

 Enregistrement fiscal des nouveaux statuts dans les mois de leur adoption.
 Insertion d'un avis de transformation dans un JAL.
 Dépôt du dossier au CFE en vue d'une inscription modificative au RCS.
 Publicité de l’avis de transformation au BODACC, dans les huit jours de l’inscription
modificative, à la diligence du greffier du TC.

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