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INTRODUCTION AU DROIT – CORRIGÉ DU DEVOIR D0006

CORRIGÉ DU DEVOIR D0006

La correction proposée se veut la plus complète possible, pour votre correcte information et
pour vous servir de complément de connaissances. Tous les éléments qu’elle contient
n’étaient donc pas exigés dans votre copie.

I. QUESTIONS DE RÉFLEXION

1. Quelles sont les raisons objectives qui rendent nécessaire le droit de la


consommation à l’heure actuelle ?

Le droit civil des contrats suppose une égalité entre les parties qui conduit à équité de leurs
échanges. Or, par définition, les professionnels sont en situation de supériorité par rapport
aux consommateurs. Les échanges commerciaux pourraient ne plus être équitables sans le
recours à des règles spécifiques : le droit de la consommation.
On constate donc depuis les années 1960-1970 une inégalité de fait, économique, dans la
plupart des rapports entre professionnels et consommateurs : tromperies, clauses non
équitables, absence de possibilité de discussion, techniques de marketing, de vente, de
démarchage de plus en plus agressives…, qui conduisent les pouvoirs publics à déroger au
droit civil dans le sens d’une protection nécessaire des consommateurs, souvent ignorants ou
isolés. C’est le début du mouvement consumériste.
Selon Jean CALAIS-AULOY et Franck STEINMETZ, in Droit de la consommation, Précis
Dalloz Droit privé, 4e édition, 1996 :
« Pour se procurer des biens ou des services, les consommateurs entrent en relation avec
des personnes physiques ou morales, qui font profession de vendre des biens ou de fournir
des services. Or, la relation entre professionnels et consommateurs est naturellement
déséquilibrée. La compétence du professionnel, les informations dont il dispose et souvent sa
dimension financière, lui permettent de dicter sa loi au consommateur.
Cela ne signifie pas que les professionnels sont, par hypothèse, des gens malhonnêtes,
cherchant à abuser de la situation. Ce que je veux dire, c’est que les professionnels sont, par
la nature des choses, en position de supériorité, et que les consommateurs risquent d’en être
les victimes.
Ce déséquilibre a toujours existé. Déjà, en droit romain et dans l’ancien droit, diverses règles
tendaient à protéger les acheteurs (on ne disait pas encore « les consommateurs ») contre
les tromperies…
C’est à partir des années 1960 que les consommateurs posèrent, à leur tour, un problème de
société. Cette époque correspond pourtant à un développement économique sans précédent,
qui multiplie les biens et services proposés aux consommateurs. Mais elle correspond aussi
à l’accroissement de la taille des entreprises, à la complexité plus grande des produits et des

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services, au développement du crédit, de la publicité et du marketing. Par là s’accroît le


déséquilibre entre les partenaires économiques : les professionnels se trouvent de plus en
plus en position de force vis-à-vis des consommateurs…
Ainsi apparaît la nécessité de protéger les consommateurs, non seulement contre les
malhonnêtetés qui sont connues depuis longtemps et qui ne sont heureusement pas
fréquentes, mais encore contre les abus de puissance économique, qui sont plus dangereux
parce qu’ils sont inhérents au système dans lequel nous vivons et qu’ils ne sont pas toujours
perçus par l’opinion publique. »

On voit donc, à la lecture de cet extrait, que le développement de la société de consommation


a, par le biais de l’augmentation du pouvoir d’achat, permis l’extension des marchés.
Les offreurs de biens et services ont le plus souvent une taille nationale, voire internationale.
Ils mettent en œuvre des moyens techniques et commerciaux de grande ampleur pour
conserver ou augmenter leurs parts de marché. Ils raisonnent en termes de masse sans trop
se soucier du consommateur isolé avec ses spécificités.
Cette consommation de masse a permis une diminution des coûts, souvent au profit du
consommateur, mais souvent aussi au détriment de la qualité du service rendu ou du bien
vendu. Le poids économique du consommateur individuel est devenu insignifiant.
Les contrats conclus entre professionnels et consommateurs sont donc placés, notamment
depuis l’émergence du mouvement consumériste de l’après-guerre, sous la surveillance
particulière et de plus en plus renforcée du législateur.

2. Pourquoi les consommateurs ne sont-ils pas toujours les mieux armés


pour faire respecter leurs droits ?

Outre l’aspect économique qui leur donne peu de poids psychologique, les consommateurs
individuels ne peuvent pas connaître toutes les réglementations…
Ils ne disposent pas non plus toujours du temps, ni de l’argent nécessaire à l’action en justice,
d’autant plus que les litiges présentent parfois peu d’importance financière.

3. Quelles solutions individuelles ou collectives permettent de faire


respecter le droit de la consommation ?

Chaque consommateur peut agir en justice. C’est son droit le plus fondamental. Si chaque
consommateur exerçait ce droit dans les faits, le droit de la consommation serait parfaitement
respecté par les professionnels.
Cela ne se passe pas en pratique. À titre individuel, les consommateurs peuvent donc
souscrire des contrats assurance-protection juridique. L’assureur devra alors assumer les frais
de procès après avoir tenté un accord amiable avec le professionnel.
Au titre des actions collectives, les consommateurs peuvent se regrouper dans des
associations de consommateurs, auxquelles la loi confère le droit d’agir en justice pour
défendre précisément les intérêts collectifs des consommateurs et, plus particulièrement, pour

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faire cesser ou réparer les « faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des
consommateurs ».
Ces « faits » sont entendus au sens large par notre droit de la consommation (agissements
illicites, clauses abusives, non-respect de la législation…), de même que la notion « d’intérêt
collectif des consommateurs » qui doit être retrouvé dans de nouveaux types d’actions, actions
ouvertes aux associations et tendant à la réparation d’une somme de préjudices individuels.
Il existe même désormais, en France, une « action de groupe » ouverte aux associations et
menant au regroupement de consommateurs lésés dans une action en justice collective («
class action »). Cette action existait déjà aux États-Unis et certains proposaient depuis
longtemps d’introduire cette possibilité en France, pour éviter que des dizaines de victimes ne
soient obligées de prendre leurs propres avocats pour plaider, alors que le préjudice et les
moyens de droit sont identiques. Cette action de groupe s’est pourtant longtemps heurtée à
l’hostilité des juristes, qui y voyaient une entorse au principe selon lequel « nul ne plaide par
procureur ». Elle a été introduite dans notre Code de la consommation en 2014.

4. Pourquoi les associations de consommateurs jouent-elles un rôle


primordial dans l’efficacité et l’évolution du droit de la consommation ?

Mises à part leurs possibilités d’action en justice pour faire respecter les réglementations du
droit de la consommation, les associations jouent un rôle éducatif auprès des consommateurs,
à travers leurs publications et leurs actions parfois relayées par les médias.
Elles peuvent jouer un rôle préventif lorsqu’elles détectent, par le biais de leurs adhérents, un
risque de dommage, comme en matière de clauses abusives par exemple, ou un possible
non-respect de la loi.
Elles peuvent, par leurs interventions, influencer le législateur afin qu’il adapte le droit de la
consommation aux innovations constantes des professionnels, en termes de produits et en
termes d’astuces commerciales.
Elles constituent un groupe de pression important, que les professionnels évitent d’affronter.
On peut citer, par exemple, le boycott du « veau aux hormones ». Elles ont beaucoup plus de
poids qu’un consommateur individuel.

5. L’adage de droit commun selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi »
s’applique aussi au droit de la consommation. Qu’en pensez-vous ?

Il faut d’abord préciser que cet adage signifie que l’ignorance de la loi est possible, mais qu’en
aucun cas cette ignorance n’exonère le citoyen du respect de la loi. On ne peut pas imaginer
une société qui conditionnerait le respect de la loi à sa connaissance par les individus…
Depuis quelques années, le gouvernement a fait de réels efforts pour rendre la loi accessible
aux citoyens, y compris dans le domaine du droit de la consommation. Par exemple, tous les
codes sont accessibles en ligne sur le site www.legifrance.gouv.fr.
Les médias sont également un bon relais pour faire connaître au grand public les nouveautés
en la matière.

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Les consommateurs, comme les professionnels, ont donc la possibilité réelle d’avoir accès à
la connaissance des textes de loi. Mais la connaissance de la règle de droit n’est pas suffisante
pour que celle-ci soit effective : de même que certains automobilistes dépassent les limitations
de vitesse (et pourtant ils connaissent la règle de droit en la matière), certains professionnels
hésitent peu à déroger aux règles du droit de la consommation, par négligence ou par intérêt.
Certes, un alourdissement des sanctions pourrait faire réfléchir les professionnels sur
l’obligation de respecter les lois et règlements, mais sans l’action individuelle ou collective des
consommateurs, le droit de la consommation reste en bonne partie ignoré.

II. CAS PRATIQUE

MME DE GRANVILLE CONTRE L’ANTIQUAIRE

Introduction

L’article 1138 du Code civil constitue le fondement du principe « res perit domino » : la chose
périt entre les mains de son propriétaire, c'est-à-dire aux risques de son propriétaire. L’affaire
qui nous est soumise nous permettra de donner un éclairage particulier à ce principe, appliqué
à la vente de corps certains.
En effet, Mme de Granville devait être livrée, le lendemain de son achat, payé comptant, d’une
commode de style Louis XV. Le jour convenu, le vendeur ne livre pas le bien. Malgré les
réclamations de Mme de Granville, le vendeur ne s’exécute pas et c’est fortuitement que Mme
de Granville apprend que le magasin, et par conséquent la commode, ont été détruits par un
incendie.
Mme de Granville entend ainsi trouver réparation, dans la mesure où elle a évidemment payé
pour un bien qu’elle ne possédera jamais. Son problème consiste donc à obtenir au moins le
remboursement de la commode payée et non livrée à l’échéance convenue, au plus des
dommages et intérêts qui s’ajouteront au remboursement du prix payé.
Examinons les recours dont elle dispose : il s’agit de déterminer tout d’abord les incidences
de la destruction du bien sur les possibilités de réparation, puis les voies d’action qui restent
ouvertes à Mme de Granville.

1. La qualification du contrat et la propriété de la chose achetée

C’est une vente (art. 1582 C. civ.) conclue le mardi entre un professionnel (l’antiquaire) et un
consommateur (Mme de Granville).
D’après le Code civil, elle est tout à fait valable même si elle est verbale, puisque la vente est
un contrat consensuel : pas besoin d’écrit, et donc pas de clauses particulières d’aucune
nature en l’espèce.
Selon l’article 1583 du Code civil, le transfert de propriété dans la vente intervient sans
formalité et de manière abstraite et immédiate, dès l’accord des parties sur la chose et sur le
prix, et totalement indépendamment de l’exécution par les parties de leurs obligations.

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Or, ici, l’accord sur la chose (la commode choisie par l’acheteur) et le prix (qui a même été
payé, preuve de son acceptation par l’acheteur) a eu lieu le mardi. En conséquence, le
transfert de propriété de l’antiquaire, vendeur, à Mme de Granville, acheteur, a eu lieu
immédiatement et sans autre formalité le mardi.

2. Moyens d’action

a. Sur le délai de livraison


Stipulé pour le mercredi, il n’a pas été respecté.
Or, en matière de délai de livraison du bien ou d’exécution de la prestation de services objet
du contrat, le Code de la consommation prévoit une obligation générale d’information, dans
son article L. 111-1 4° : « en l'absence d'exécution immédiate du contrat », le professionnel
communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, « la date ou le délai
auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ».
Cette obligation générale est précisée dans les articles L. 138-1 et suivants : « Le
professionnel livre le bien ou fournit le service à la date ou dans le délai indiqué au
consommateur, conformément au 4° de l'article L. 111-1, sauf si les parties en ont convenu
autrement. À défaut d'indication ou d'accord quant à la date de livraison ou d'exécution, le
professionnel livre le bien ou exécute la prestation sans retard injustifié et au plus tard trente
jours après la conclusion du contrat ».
En cas de manquement du professionnel à son obligation de livraison du bien ou de fourniture
du service à la date ou à l'expiration du délai prévu ou, à défaut, au plus tard trente jours après
la conclusion du contrat, le consommateur peut résoudre le contrat, par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception ou par un écrit sur un autre support durable, si, après avoir
enjoint, selon les mêmes modalités, le professionnel d'effectuer la livraison ou de fournir le
service dans un délai supplémentaire raisonnable, ce dernier ne s'est pas exécuté dans ce
délai.
Mme de Granville pourrait éventuellement se fonder sur ces textes de droit de la
consommation pour faire résoudre son contrat de vente, mais cela ne servirait pas vraiment
en l’espèce, car la résolution du contrat est une sanction rétroactive qui oblige les parties à
remettre les choses en l’état où elles étaient avant la conclusion du contrat – ce qui est
impossible ici puisque la commode a été détruite et que le défaut de livraison est dû à la force
majeure…

b. Sur l’obligation de délivrance


Le délai prévu par le vendeur pour délivrer la chose n’a pas été respecté, pour une cause ou
une autre.
Donc, si l’on considère le délai de livraison, on peut envisager un autre fondement à l’action :
le défaut d’exécution de l’obligation de délivrance, sur le fondement de l’article 1604 du Code
civil.

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L'acheteur pourra engager la responsabilité du vendeur pour inexécution de son obligation de


délivrance, la livraison devant être faite sous 48 heures et n'ayant toujours pas été réalisée 72
heures après la formation du contrat.
En effet, selon les articles 1604 et suivants du Code civil, l'obligation de délivrance doit avoir
lieu dès le moment de la formation du contrat. Mais, selon l’article 1610, le principe est l’accord
des parties sur l’échéance de la livraison.
En cas de silence des parties, il n’en résulte pas forcément que la vente est en disponible,
c’est à dire que la délivrance devait se produire au moment de la formation du contrat. Selon
les textes, la délivrance doit en principe intervenir au moment de la conclusion du contrat,
mais dans un tel cas, les juges ont tendance à appliquer les usages auxquels les parties sont
censées s’être référées. Ces usages prévoient souvent que la délivrance doit avoir lieu après
mise en demeure de livrer.
En présence d’un terme convenu, ce qui est le cas de l’espèce, il doit être scrupuleusement
respecté. Dans un tel cas, l’acheteur n’est même pas tenu de mettre le vendeur en demeure
de livrer, le défaut de délivrance dans le terme convenu peut entraîner la résolution du contrat
aux torts du vendeur et des dommages et intérêts, c'est-à-dire toutes les sanctions classiques
de la responsabilité contractuelle.
Ici, le retard de livraison a même été constaté par l’envoi d’une LR avec AR, ce qui sera une
preuve de la mauvaise exécution par l’antiquaire de son obligation de délivrance, réparable
en justice.

c. Sur la perte de la chose


 La règle selon laquelle la chose périt pour son propriétaire
L’incendie a entraîné la disparition de la chose, sa destruction. Cette perte doit donc être
supportée par l’une ou l’autre des parties à la vente, et il nous incombera de déterminer
laquelle de ces parties devait supporter le « risque » (en pratique, cela désigne la perte de la
commode ou celle de son prix, sans contrepartie).
Selon l’article 1138 du Code civil, précédemment énoncé, qui constitue le fondement du
principe « res perit domino », la chose périt pour son propriétaire, les risques sont donc à la
charge du propriétaire de la chose.
Le contrat de vente, qui porte ici sur un corps certain, transfert, en vertu de l'article 1583 du
Code civil, immédiatement la propriété, faute de stipulations contractuelles reportant le
moment du transfert de propriété. Et le transfert des risques, sans stipulations contractuelles
contraires, est attaché à celui de la propriété.
Il est bien précisé dans les faits de l’espèce que le contrat de vente intervenu entre les parties
ne comportait aucune clause particulière, ainsi la transmission de la propriété se fera selon
les règles du droit commun.
Donc, en principe, la destruction de la chose par incendie après la conclusion du contrat, mais
avant la livraison, est à la charge de l'acheteur, qui ne pourra non seulement pas recevoir sa
commode, mais ne pourra pas non plus exiger le remboursement du prix par le vendeur.

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Dans la vente, le transfert de propriété, c’est un principe du droit français, intervient dès
l’accord des parties sur la chose et le prix. À défaut de stipulations contractuelles,
Mme de Granville était donc propriétaire du bien, dès la conclusion du contrat de vente, le
mardi, comme on l’a dit. C’est certainement d’autant plus vrai que le prix a été payé comptant :
aucun obstacle ne semblait pouvoir entraver le transfert de propriété.
Si l’on s’en tient au principe, il faut ainsi considérer que, dès la mardi, et a fortiori le lundi
suivant, Mme de Granville était propriétaire du bien, et qu’elle doit en conséquence supporter
la destruction de la chose. Aucun recours ne semblerait dès lors possible : elle a payé le
meuble, mais ne peut pas le récupérer, ni récupérer son argent ; si les risques sont pour elle,
cela signifie, en effet, qu’elle doit abandonner la somme payée sans contrepartie.
 Les effets de la mise en demeure de livrer le bien
Cependant, toujours sur le fondement de l’article 1138 du Code civil, mais dans son alinéa 2,
le créancier de l’obligation de livrer (l’acheteur) aura la charge des risques dès la naissance
de l’obligation (dès la formation de la vente), « à moins que le débiteur ne soit en demeure de
livrer, auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier ».

Cela semble être le cas en l’espèce, puisque Mme de Granville a adressé une LR/AR, reçue
le vendredi suivant la vente intervenue le mardi.
De cette façon, il sera possible de considérer que les risques étaient remis, depuis le vendredi,
à la charge du vendeur, même si l’acheteur était déjà propriétaire de la chose.
Il faudra pour cela que Mme de Granville prouve que la lettre a bien été reçue avant le sinistre
(le vendredi, l’AR faisant foi) et que son contenu était explicite quant au retard du vendeur et
à son objet de mise en demeure.
L’acheteur ayant envoyé une lettre recommandée avec accusé de réception, cette situation
rentre sans doute dans les prévisions de l'article. En effet, on peut présumer que si le vendeur
avait livré ponctuellement, la perte de la chose ne se serait pas produite entre les mains de
l'acheteur.
Mais ce sont les juges du fond qui décideront en l’espèce et souverainement, en fonction des
circonstances et du contenu de la lettre, si cette lettre valait bien mise en demeure, transférant
alors de nouveau les risques, de la tête de l’acheteur propriétaire à celle du vendeur, qui devra
alors remplacer la commode (hypothèse difficilement réalisable ici, car c’est un corps certain
et pas une chose de genre, on ne peut pas retrouver facilement la même commode, de la
même époque…) ou, plus sûrement, rembourser le prix payé.

d. Sur l’obligation de conservation du vendeur


Il existe, dans la vente, une obligation de conservation de la chose vendue en bon état, qui
pèse sur celui qui détient la chose matériellement.
Ici, le détenteur de l’objet vendu était le vendeur : donc, en temps que débiteur de la livraison,
une obligation jurisprudentielle de résultat tendant à la conservation de la chose pesait sur lui.
Indépendamment du transfert de propriété et des risques, il était tenu de conserver la chose
en l'état où elle se trouvait au moment de la formation du contrat, et ce jusqu’à la livraison. Le

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vendeur ne pourra se dégager de cette obligation qu'en prouvant le cas de force majeure pour
se libérer, car si la perte résulte de sa faute, elle reste à sa charge et il doit, en plus, des
dommages et intérêts pour mauvaise exécution de son obligation de conservation.
Il faudrait alors ici discuter de la nature de l’incendie : est-ce un cas de force majeure ou un
cas fortuit suffisant pour exonérer le vendeur de cette obligation de conservation ?
Remarque : lorsque l’obligation de conservation pèse sur l’acheteur, elle n’est que de moyens.

3. Recours éventuel contre l’assurance du vendeur

La revendication, par Mme de Granville, de l’indemnité d’assurance éventuellement versée au


vendeur – par son assurance incendie – est peut-être possible ici, car un privilège spécial sur
cette indemnité est prévue à l’article 2332-8° du Code civil et à l’article L. 124-3 du Code des
assurances, pour les tiers (au contrat d’assurance) qui on été lésés par un accident assuré et
indemnisé : « Sont privilégiées les créances nées d’un accident au profit des tiers lésés par
cet accident sur l’indemnité dont l’assureur se reconnaît ou a été judiciairement reconnu
débiteur à raison de la convention d’assurance ».

Il faut alors que l’antiquaire ait été assuré, bien assuré, en mesure de prouver à l’assurance
qu’il possédait cette commode et qu’elle a été détruite, et enfin en mesure de prouver la valeur
réelle de la commode.
Mais un obstacle à la récupération de la somme par Mme de Granville se dresse : la
jurisprudence limite ce privilège aux assurances de responsabilité, or ici nous sommes en
matière d’assurance de choses.

4. Tribunal compétent pour connaître de l’action de Mme de Granville

Mme de Granville est une consommatrice au sens strict du terme, elle a contracté dans un
but purement privé de satisfaction de ses besoins personnels, c’est donc en l’espèce une
personne civile.
L’antiquaire achète des meubles pour les revendre à ses clients et effectue des prestations
de services, il effectue donc des actes de commerce par nature (art. L. 110-1 C. com.) à titre
habituel, professionnel et indépendant (art. L. 121-1 C. com.), il est donc commerçant et a
contracté en tant que commerçant dans l’exercice de son activité professionnelle.
L’acte est donc un acte mixte dans lequel un demandeur civil attaque un défendeur
commerçant :

 Mme de Granville, demandeur civil, devra intenter son action dans les 10 ans ;
 avec liberté de preuve ;
 devant le tribunal civil (TGI certainement eu égard aux sommes en jeu ou TI si le
montant de la commode plus les dommages et intérêts n’excèdent pas 10 000 euros) ;
 ou le tribunal de commerce, à son choix.
Territorialement, la juridiction compétence sera celle dans le ressort de laquelle est situé le
lieu du commerce de l’antiquaire (art. 42 NCPC) ou celui de la conclusion du contrat (art. 46

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NCPC), mais pas celle du lieu de destruction de la chose, car nous sommes en matière
contractuelle et non délictuelle.

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