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Cas pratique n°1

Pbl de droit : Une dépression peut-elle être prise en charge en tant qu’accident du travail
suite à un entretien de recadrage avec son supérieur hiérarchique ?

A) Rappel des règles de droit applicables

En vertu de l’article L 411-1 du Code de la sécurité sociale :

« est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu
par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque
titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs
d'entreprise ».

Outre les traumatismes psychologiques liés à des harcèlements professionnels et les suicides
ou tentatives de suicide survenus en raison d'un certain contexte professionnel, les caisses de
sécurité sociale sont régulièrement saisies de demandes de prises en charge au titre des risques
professionnels pour des traumatismes psychologiques subis par des salariés.

Ces traumatismes subis par les salariés peuvent aussi bien correspondre à des agissements de
leur hiérarchie ou de simples collègues, voire d'un subordonné, qu'à des agissements de tiers
tels que des clients, des agresseurs extérieurs ou des salariés d'une autre entreprise.

Il n'est pas nécessaire de caractériser l'intention de nuire ou le caractère fautif du


comportement de l'auteur des traumatismes psychologiques dont est victime le salarié
pour que ce dernier soit pris en charge au titre des risques professionnels (Cass. 2e civ.,
20 mai 2010, no 09-13.984).

Remarques : Il avait déjà été admis que les traumatismes psychologiques des salariés des
établissements financiers, commerciaux ou industriels, provoqués par une attaque à main
armée pour vol, puissent être pris en charge au titre des accidents du travail, lorsqu'ils
apparaissaient immédiatement ou quelques jours après les faits, lorsque les salariés concernés
avaient été directement menacés (Circ. CNAMTS DGR no 82-1329, 2 août 1982, Bull. jur.
UCANSS 82-36).

Il n'est pas indispensable que les agissements relevés par le salarié soient intervenus au temps
et au lieu du travail.
En effet, la Cour de cassation a déjà été admis qu'une agression survenue en dehors du lieu et
du temps de travail puisse constituer un accident du travail dès lors qu'elle est en lien étroit
avec celui-ci (Cass. soc., 4 févr. 1987, no 85-13.532, Bull. civ. V, no 65). En l'espèce, il
s'agissait du directeur d'une agence bancaire agressé avec sa famille à son domicile par des
malfaiteurs qui souhaitaient accéder à la salle des coffres de sa banque.

Enfin, des arrêts de principe ont pris en charge au titre d’accident du travail :

- la dépression nerveuse consécutive à un entretien d’évaluation, le lien entre cet


entretien et la dépression soudaine ayant été admis médicalement (Cass. 2e civ.,
1er juill. 2003, nº 02-30.576P) ;

- les troubles psychologiques, conséquence d’un choc émotionnel provoqué par une


agression subie par la salariée sur son lieu de travail (Cass. 2e civ., 15 juin 2004, nº 02-
31.194P).

B) Application de la règle de droit à la situation d’espèce

 En l’espèce, Monsieur PAVARD a fait l’objet d’un entretien de recadrage en compagnie de


son n+1 le 15 juin 2021 à 15 heures.

Cet entretien avait pour objet concernant les insuffisances répétées de Monsieur PAVARD.

Cet entretien peut-être incontestablement daté dans le temps puisqu’il est déroulé à 15 heures
le 15 juin 2021.

Monsieur PAVARD a été placé en arrêt de travail dès le lendemain, donc dans un laps de
temps très brefs après la survenance de cet accident.

Conformément à la jurisprudence citée supra, une dépression (tel est le cas en l’espèce) peut
être reconnue comme accident du travail.

En effet, les pathologies psychiques peuvent parfaitement être reconnue à ce titre.

Tel pourrait donc être le cas de la pathologie de Monsieur PAVARD.


Il s’agit d’un événement brusque et soudain (l’entretien avec son supérieur hiérarchique)
survenu au temps et au lieu du travail qui pourrait être à l’origine de cet accident.

Le constat médical de sa pathologie a en outre été effectué dans un délai bref après cet
entretien (le lendemain), de sorte que des éléments précis et concordants pourraient permettre
de faire reconnaître cet accident.

Toutefois, Monsieur PAVARD a fait établir par son médecin un arrêt de travail sur CERFA
pour maladie simple (donc sans son lien avec ses conditions de travail).

Il est nécessaire que Monsieur PAVARD sollicite son médecin traitant afin que ce dernier
établisse un certificat médical initial rectificatif (sur CEFA AT/MP) qu’il devra transmettre à
son employeur.

Ce dernier devra alors rédiger dans les 48 heures suivant la réception de ce certificat une
déclaration d’accident du travail (cf. article R 441-3 Code de la sécurité sociale, « la
déclaration de l'employeur ou l'un de ses préposés prévue à l'article L. 441-2 doit être faite,
par tout moyen conférant date certaine à sa réception, dans les quarante-huit heures non
compris les dimanches et jours fériés »).

A première vue, l’accident de Monsieur PAVARD remplit les conditions d’imputabilité de


l’article L 411-1 du Code de la sécurité, le fait que cet accident n’ait pas été déclaré
immédiatement ne constitue pas une cause d’exclusion de la prise en charge de cet accident.

 Lors de l’instruction de l’accident, les délais suivants seront mis en œuvre par la CPAM
compétente :

— un délai de 30 jours démarrant à réception de la déclaration d'accident du travail et


du certificat médical initial, laissé à la caisse pour statuer sur le caractère professionnel
de l'accident si elle n'engage aucune investigation, ou encore, pour engager des
investigations lorsqu'elle l'estime nécessaire ou lorsqu'elle a reçu des réserves motivées
émises par l'employeur (CSS, art. R. 441-7) ;

— un délai de 90 jours démarrant également à réception de cette déclaration et du


certificat médical, c'est-à-dire englobant le précédent, et laissé à la caisse pour statuer
dans le cas où elle a engagé des investigations dès le délai de trente jours précédent
(CSS, art. R. 441-8).
Elle adresse alors dans ce délai de 30 jours un questionnaire sur les circonstances ou la cause
de l'accident à l'employeur et à la victime (ou ses représentants), par tout moyen conférant
date certaine à sa réception.

Le questionnaire doit être retourné à la CPAM par les intéressés dans un délai de 20 jours
suivant sa réception (CSS, art. R. 441-8, I). En l'absence de retour du questionnaire dans
les délais, l'employeur ou la victime (ou ses représentants) s'expose à ce que ses réponses ne
soient pas prises en compte dans l'instruction (Circ. CNAM no 28/2019, 9 août 2019).

Au cours de l'instruction, l'employeur et la victime (ou ses représentants) ont la possibilité de


transmettre à la CPAM leurs observations et toutes informations complémentaires. Ils peuvent
également en faire part directement à l'enquêteur de la CPAM (CSS, art. R. 441-13).

Au plus tard 70 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration d'accident et


du certificat médical initial, la CPAM doit mettre le dossier à disposition de la victime (ou ses
représentants) et de l'employeur. Pendant une période de 10 jours francs, l'employeur et la
victime peuvent consulter le dossier et formuler leurs observations. À l'issue de ce délai de 10
jours, le dossier reste accessible à la consultation mais il n'est plus possible
de formuler d'observation.

L'employeur et la victime (ou ses représentants) sont informés par la CPAM, au plus tard 10
jours francs avant le début de la période de consultation, des dates d'ouverture et de clôture de
la période de consultation du dossier et de la période pendant laquelle ils
peuvent formuler des observations. Cette information est faite par tout moyen conférant date
certaine à sa réception (CSS, art. R. 441-8, II).

L’accident de Monsieur PAVARD pourrait alors faire l’objet d’une décision de prise en
charge par la CPAM compétente qui communiquera alors sa décision tant à l’employeur qu’à
Monsieur PAVARD.

Cas pratique n°2

Pbl de droit : L’action en faute inexcusable de Madame BRAVO a-t-elle des chances de
prospérer ? La condition relative à la conscience du danger est-elle remplie ?

A) Rappel des règles de droit applicables1

1
Le rappel des règles de droit est volontairement long afin de rappeler certaines règles que vous ne maîtrisez
(peut-être) pas. Evidemment, à l’examen, il conviendra d’être plus succinct et de rappeler ces règles de droit de
manière synthétique.
 La définition de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine d'une maladie professionnelle
ou d'un accident du travail est le fait de la jurisprudence et non de la loi. Ainsi, dans l'arrêt
Veuve Villa rendu le 15 juillet 1941, la faute inexcusable s'entendait d'une faute d'une gravité
exceptionnelle, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, en l'absence de tout fait
justificatif.

Cette définition est restée inchangée jusqu'aux arrêts du 28 février 2002. Dans plusieurs arrêts
rendus à cette date à propos des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de fibres
d'amiante, la Cour de cassation avait mis à la charge de l'employeur une obligation de sécurité
conçue comme une obligation de résultat et fondée sur le contrat de travail, dont le
manquement constitue une faute inexcusable (Cass. soc., 28 févr. 2002, no 00-11.793 ; Cass.
soc., 28 févr. 2002, no 99-17.221).

Ainsi, la Cour de cassation décide qu'« en vertu du contrat de travail le liant à son salarié,
l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce
qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits
fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère
d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque
l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qui
n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ».

Les décisions étaient fondées sur l'article 1217 du Code civil (obligation de résultat) et l'article
L. 230-2 du Code du travail (C. trav., art. L. 4121-1 et s., dans la version recodifiée)
(principes généraux de prévention en matière d'hygiène et de sécurité) (Cass. soc., 23 mai
2002, no 00-14.125 ; Cass. soc., 11 juill. 2002, no 00-17.377).

Initialement consacrée en droit de la sécurité sociale, l'obligation de sécurité a été étendue au


droit du travail (Cass. soc., 11 avr. 2002, no 00-16.535). Une divergence est alors apparue
entre la deuxième chambre civile (en charge désormais du contentieux de la réparation des
accidents professionnels) qui a maintenu le caractère contractuel de l'obligation, tandis que la
chambre sociale a abandonné ce fondement depuis 2005, lui substituant le fondement légal de
l'article L. 4121-1 du Code du travail (pour une illustration, Cass. 2e civ., 19 nov. 2009,
no 08-20.602, à comparer avec Cass. soc., 24 juin 2009, no 07-41.911 : « Mais attendu que
l'employeur est tenu à l'égard de son personnel d'une obligation de sécurité de résultat qui lui
impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et
protéger la santé des travailleurs ; qu'il lui est interdit, dans l'exercice de son pouvoir de
direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de ne pas respecter
cette obligation. »

Deux arrêts de la chambre civile (Cass. 2e civ., 8 oct. 2020 no 18-26.677 et Cass.


2e civ., 8 oct. 2020, no 18-25.021) mettent fin à cette divergence et procèdent à une
modification du fondement et des contours de l'obligation de sécurité de l'employeur en
matière d'accident du travail et de maladie professionnelle.
En effet, se ralliant à la position de la chambre sociale, la deuxième chambre civile affirme, au
visa des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, que « le manquement à
l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu
envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait
dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les
mesures nécessaires pour l'en préserver ». Elle abandonne également toute référence à la
nature de résultat de cette obligation.

Les arrêts du 8 octobre 2020 réalisent ainsi l'unification de la notion d'obligation de sécurité


en droit du travail et de la sécurité sociale.

Dans un arrêt du 8 avril 2021, la Cour de cassation adopte, pour la première fois, le même
critère d'appréciation de la faute inexcusable pour le particulier employeur que pour
l'employeur professionnel en se référant également à son obligation légale de sécurité et de
protection de la santé (Cass. 2e civ., 8 avr. 2021, no 20-11.935).

 Une faute inexcusable peut être reprochée à l'employeur lorsque les deux éléments suivants
sont réunis :

– l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié ;

– et il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Cass. soc., 28 févr. 2002, nº 00-
11.793 ; Cass. ass. plén., 24 juin 2005, nº 03-30.038).

Deux critères cumulatifs sont donc nécessaires.

Conscience du danger pour l'employeur. — Il faut démontrer que l'employeur avait
conscience du danger auquel était exposé le salarié. À défaut, sa responsabilité pour faute
inexcusable sera tout de même engagée dès lors que, du fait de son obligation de connaître les
règles de sécurité en tant que professionnel averti, il aurait dû en avoir conscience. Cette
condition s'apprécie en raison des circonstances, de la formation et l'expérience
professionnelle, de la réglementation et des habitudes de la profession mais aussi en fonction
de l'évidence du danger.

Aussi, la Cour de cassation a-t-elle considéré que la conscience du danger était supposée
lorsque les mesures nécessaires à l'entretien d'un appareil et de son dispositif de sécurité ont
été négligées par l'employeur (Cass. soc., 31 oct. 2002, no 00-18.359).

La Cour de cassation a également estimé que l'employeur faisant intervenir un salarié dans
une autre entreprise a le devoir de se renseigner sur les dangers encourus par ce salarié en
vertu de son obligation de sécurité de résultat. Le non-respect de cette obligation peut ainsi
constituer une faute inexcusable (Cass. 2e civ., 8 nov. 2007, no 07-11.219 ; voir no 125-145).

En revanche, il a été jugé que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était
exposé le salarié lorsque :

– aucune anomalie du matériel en relation avec l'accident n'a pu être constatée (Cass. soc., 31
oct. 2002, no 01-20.445) ;

– le véhicule à l'origine de l'accident avait fait l'objet de contrôles techniques quelques jours
avant l'accident et aucune anomalie n'avait été relevée (Cass. 2e civ., 11 oct. 2006, no 05-
12.465) ;

- lorsque les circonstances de l’accident restent indéterminées (Cass. 2e civ., 22 mars 2005,
no 03-20.044 ; Cass. 2e civ., 17 janv. 2007, no 05-21.895).

– l'accident se produit alors que le salarié n'est pas affecté à un poste de travail présentant des
risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité (Cass. 2e civ., 6 mars 2008, no 06-21.484).
Dans cette affaire, le salarié victime d'un accident dû à la chute d'un fût était affecté à la
chaîne de fabrication de la colle ; aucune manipulation du fût litigieux n'était prévue dans le
poste de travail du salarié et le matériel était parfaitement conforme aux normes en vigueur.

Il ressort de ces affaires que la conscience du danger est considérée comme établie lorsqu'il y
a eu négligence de l'employeur, volontaire ou non.

Pour cette appréciation, les juges se fondent également sur l'état des connaissances
scientifiques. Ainsi, il a été jugé qu'en l'état des connaissances scientifiques à l'époque des
faits, une société qui n'utilisait pas l'amiante comme matière première pouvait ne pas avoir
conscience du risque couru par les salariés (Cass. soc., 28 févr. 2002, no 99-17.221 ; Cass.
2e civ., 29 juin 2004, no 02-21.325).

Exemples :

la faute inexcusable a été retenue lorsque :

– l'accident est provoqué par un véhicule chargeur en raison de la visibilité réduite causée par
l'empoussièrement du hangar. L'employeur aurait dû avoir conscience du danger et mettre en
place des dispositions protectrices pour les piétons (Cass. soc., 16 oct. 1997, no 95-17.754) ;
– lorsqu'un outil dangereux est utilisé, à l'initiative du salarié alors même qu'il n'était pas
adapté à la tâche qu'il devait réaliser mais qu'il lui avait été laissé à disposition par
l'employeur (Cass. 2e civ., 16 sept. 2003, no 02-30.242) ;

– lorsque le salarié était, depuis 1990, amené à travailler sur des plaquettes de frein contenant
de l'amiante. Or l'employeur avait effectué en 1989 des analyses pour déterminer le nombre
de fibres d'amiante présentes dans les ateliers et avait, depuis 1993, engagé un processus de
suppression progressive de l'amiante ; par conséquent, la société avait ou aurait dû avoir
conscience du danger auquel était exposé le salarié (Cass. 2e civ., 31 mai 2006, no 04-30.654)
;

– lorsque l'équilibre psychologique d'un salarié (qui avait fait une tentative de suicide pendant
un arrêt de travail) avait été gravement compromis à la suite de la dégradation continue des
relations de travail et du comportement de l'employeur (Cass. 2e civ., 22 févr. 2007, no 05-
13.771) ;

– lorsque la politique de réduction de coûts mise en place par la direction avait eu pour effet
d'accroître la charge de travail et la pression ressenties par les salariés et était à l'origine de
l'infarctus du myocarde d'un salarié (Cass. 2e civ., 8 nov. 2012, no 11-23.855).

En revanche, l'existence d'une faute inexcusable n'a pas été retenue dans les affaires suivantes,
faute pour l'employeur de pouvoir avoir conscience du danger :

– un salarié chargé de la manipulation de bouteilles de gaz s'était blessé en voulant relever une
bouteille ; or il avait bénéficié d'une formation à la sécurité et les consignes de sécurité
contenues dans le fascicule mis à sa disposition lui interdisaient de rattraper une bouteille
(Cass. 2e civ., 27 janv. 2004, no 02-30.675 ; Cass. 2e civ., 18 janv. 2005, no 03-30.019) ;

– la manœuvre du salarié, opérée dans le cadre d'une opération de maintenance banale et
habituelle, était tellement impensable et sa dangerosité si évidente qu'elle paraissait
impossible à imaginer (Cass. 2e civ., 2 mai 2007, no 06-10.083) ;

– l'employeur n'avait pas eu connaissance, avant l'accident, de la fiche d'aptitude portant


contre-indication du port de charge et des travaux en élévation des bras (Cass. 2e civ., 22 févr.
2007, no 06-10.531) ;

– un électricien avait été confronté à l'amiante (en sa qualité d'isolant) pendant des années
sans participer habituellement à des travaux comportant l'usage direct de l'amiante – son
travail de maintenance lui avait été finalement retiré en 1973 ; or à cette époque les travaux
d'entretien ou de maintenance effectués sur des matériels revêtus ou contenant des matériaux à
base d'amiante ne faisaient l'objet d'aucune disposition restrictive (dispositions mises en
œuvre à partir de 1996) ; en conséquence (compte tenu des données scientifiques et de la
législation alors en vigueur), l'employeur n'avait pas et ne pouvait pas avoir conscience du
danger auquel ce salarié était exposé (Cass. 2e civ., 31 mai 2006, no 05-17.737) ;

À noter que la conscience du danger constitué par l'exposition à l'amiante s'apprécie non


seulement au regard de la nature de l'activité et des travaux auxquels étaient affectés les
salariés, mais également au regard de l'importance et de l'organisation de l'entreprise (Cass.
2e civ., 3 juill. 2008, no 07-18.689).

Absence de mise en place des mesures nécessaires pour prévenir l'accident du travail ou
la maladie professionnelle. — Il faut ici comprendre que malgré la conscience qu'il avait ou
aurait dû avoir du danger qu'il faisait courir au salarié, l'employeur n'a pas été suffisamment
diligent dans l'adoption de mesures préventives. Il s'agit donc d'étudier son comportement
face au danger et notamment de rechercher s'il était tenu de prendre certaines mesures au
regard de la loi (Cass. 2e civ., 3 avr. 2003, no 01-21.364). Ainsi, commet une faute
inexcusable l'employeur qui :

– n'a pris aucune mesure pour faire cesser le travail qu'imposait l'annonce de l'arrivée d'un
train en zone dangereuse alors qu'un agent d'entretien travaillait sur les voies ferrées : celui-ci
avait été heurté par ce train (Cass. soc., 31 mars 2003, no 01-20.901) ;

– n'a pas imposé des consignes de sécurité particulières à l'intervention d'un salarié sur une
chaîne de fabrication de véhicules automobiles, ce dernier ayant été victime d'un écrasement
du bras provoqué par l'alimentation soudaine de la partie mobile de la machine qu'il était en
train d'entretenir (Cass. 2e civ., 16 sept. 2003, no 01-21.192) ;

Plus spécifiquement au regard du cas d’espèce, un arrêt rendu par la 2è Chambre Civile de la
Cour de cassation en date du 25 janvier 2018, n°16-26.384 a pu retenir l’absence de
conscience du danger par l’employeur et le rejet de la demande de reconnaissance de faute
inexcusable :

Mais attendu que l'arrêt relève qu'à l'appui de sa prétention Mme Y... se prévaut d'un bulletin
de vigilance météorologique diffusé le mercredi 5 janvier 2011 à 23h15, valable jusqu'au jeudi
6 janvier 2011 à 16h00, faisant état d'une alerte neige verglas - orange sur les départements
du Bas-Rhin et du Haut-Rhin suivant laquelle « un épisode de pluies verglaçantes affectera
l'Alsace entre la fin de nuit de mercredi à jeudi et le début de matinée de jeudi » et
recommandant en particulier d'être très prudent et vigilant en cas de déplacement ; que
cependant l'existence de cette alerte météorologique ne peut en elle-même suffire à rapporter
la preuve de ce que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient
exposés ses salariés en se garant sur le parking de l'entreprise le 6 janvier 2011 pour prendre
leur poste comme Mme Y... à 8h00, alors que l'alerte avait été diffusée dans la nuit, qu'elle ne
commandait pas de vigilance absolue, uniquement des consignes de prudence s'imposant à
chacun en cas de déplacement ;

Que de ces énonciations et constatations procédant de son appréciation souveraine des


éléments de fait et de preuve soumis aux débats, la cour d'appel a pu déduire que n'était pas
rapportée, à l'encontre de l'employeur, la preuve de la conscience d'un danger concourant à la
caractérisation de la faute inexcusable alléguée ;

Voir également sur le même point (en sens inverse) Cass. 2è Civ. 1er juin 2011, n°10-20.029.

Voir enfin pour une chute dans un escalier, le rejet d’une demande de reconnaissance en faute
inexcusable dans une situation proche (CA Paris 21 juin 2019, n°16/01718) :

« Enfin, X… ne démontre pas quelle mesure de sécurité complémentaire aurait pu


éviter sa chute. Il sera rappelé qu'il connaissait les lieux depuis déjà près de huit ans
et doit être considéré comme un salarié averti.

Il n'établit pas non plus qu'il était personnellement touché par le climat délétère décrit
dans le P.V du 25 mars 2010 du CHSCT, qui parle de souffrance au travail du
personnel cadre et non cadre dans la quasi-totalité des services. L'attestation de Z… du
3 octobre 2012 ne permet pas d'établir un lien avec l'accident et les pratiques de la
direction. Il doit être enfin constaté que le salarié est resté malgré tout 15 ans environ
au sein de la CCI dont 7 ans après son accident du travail. En tout état de cause, le lien
de causalité avec l'accident d'un éventuel stress ou mal être au travail n'est pas établi.

La cause de l'accident du travail de X… reste donc indéterminée.

Si la cour est en mesure d'admettre que l'escalier était en soi dangereux et que la


direction devait en avoir conscience, il n'est pas établi que celle-ci ait manqué à son
obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des salariés qui
devaient l'emprunter. »

 La faute inexcusable à l'origine d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a


pour effet de majorer la rente d'accident de travail et de permettre la réparation des autres
troubles de l'existence subis par la victime. Autrement dit, en cas de faute inexcusable de
l'employeur, la victime a droit à la réparation plus complète de son préjudice.
Réparation forfaitaire. — Les risques d'accident du travail ou de trajet et de maladies
professionnelles sont couverts forfaitairement par la Sécurité sociale. Cette couverture
forfaitaire permet :

– la prise en charge des soins ;

– l'indemnisation partielle de la perte de salaire pendant l'arrêt de travail ;

– le versement d'une rente en cas d'incapacité permanente qui indemnise le préjudice lié à la
perte de capacité de gain professionnel.

Cette couverture forfaitaire exclut un recours en dommages et intérêts de la victime contre


l'employeur, sauf faute inexcusable commise par ce dernier (CSS, art. L. 451-1 ; Cass. crim.,
2 sept. 2003, no 02-85.139 ; voir ci-dessous).

Remarque : depuis le 1er janvier 2020, il n'est plus possible d'obtenir le versement d'une
partie de la rente accident du travail-maladie professionnelle sous forme d'un capital (CSS,
art. L. 434 3 modifié par L. no 2019 1446, 24 déc. 2019, JO 27 déc., art. 83).

Indemnisation complémentaire. — Les autres préjudices – esthétiques, d'agrément, liés à la


perte ou à la diminution des possibilités de promotion professionnelle – ne peuvent être
indemnisés que dans le cadre des procédures liées à l'existence d'une faute intentionnelle ou
d'une faute inexcusable (voir ci-dessous). Le droit à une indemnisation complémentaire existe
dès que le dommage a été causé.

Ainsi, par exemple, une rente d'accident du travail n'indemnise pas le préjudice constitué par
la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle (Cass. 2e civ., 7 nov.
2019, no 18 21.612).

 La demande de reconnaissance de la faute inexcusable doit tout d'abord être portée auprès de


la caisse primaire d'assurance maladie, dans un délai de deux ans qui court (CSS, art. L. 431-
2 ; CSS, art. L. 461-1) soit :

– du jour de l'accident ou de la première constatation médicale de la maladie ;

– du jour de la clôture de l'enquête ;


– du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières, dont le salarié doit
effectivement bénéficier (Cass. 2e civ., 12 juill. 2012, no 11-17.442). En l'espèce, le salarié
qui n'avait bénéficié ni d'arrêt de travail ni du paiement d'indemnités journalière prétendait, à
tort, que la date de consolidation de son accident pouvait se substituer à celle de la cessation
du paiement des indemnités journalières.

La procédure peut être déclenchée à l'initiative soit :

– de la victime ou de ses ayants droit en cas de décès mais uniquement d'elles. Ainsi, par
exemple, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés n'a pas de droit à
agir dans un litige en faute inexcusable (Cass. 2e civ., 13 janv. 2011, no 09-17.496) ;

– de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ;

A défaut d'accord, il appartient à la victime ou à ses ayants droit ou bien à la caisse de saisir le
Pôle Social tribunal judiciaire (qui a hérité des attributions des anciens tribunaux des affaires
de sécurité sociale, les Tass) (CSS, art. L. 452-4).

B) Application de la règle de droit à la situation d’espèce

a) Situation de Madame BRAVO

Un accident du travail a été pris en charge.

Madame BRAVO dispose donc d’un délai de deux ans pour engager une action en
reconnaissance de faute inexcusable.

Il ne s’agit pas d’un accident du trajet puisque l’accident est survenu sur le parking de
l’entreprise (cet accident de trajet n’aurait pas permis d’engager une action en reconnaissance
de faute inexcusable) (cf. Cass. Ass. Plén. 3 juillet 1987, n°86-14.914).

Il convient de vérifier si les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable sont


remplies.

La charge de la preuve de ces manquements repose sur Madame BRAVO.


En premier lieu, concernant les mesures de prévention mises en œuvre, aucune indication
n’est apportée sur ce point.

L’employeur doit démontrer que ce risque pouvait figurer dans son document unique
d’évaluation des risques et qu’il a pris les mesures pour l’en préserver (salage du parking…).

En l’absence de la moindre précision sur ce point, cette condition pourrait être caractérisée

En second lieu, concernant la conscience du danger, il apparaît que l’entreprise n’a jamais
connu le moindre accident de ce type.

Il s’agit là d’un indicateur important de l’absence de conscience du danger.

Surtout, il apparaît que si une alerte météo avait été donnée la veille à 17 heures, cette alerte
pouvait sembler tardive comme le rappelle la jurisprudence évoquée supra (Cass. Soc. 25
janvier 2018).

La conscience du danger pourrait donc ne pas sembler caractérisée.

b) Situation de Madame AZIZA

Madame AZIZA était femme de ménage.

Elle était soumise au statut du particulier employeur à l’égard de Monsieur ROUQUETTE.

Si elle souhaite faire reconnaître une faute inexcusable, elle devra préalablement faire
reconnaître un accident du travail, ce qui peut sembler aisé compte tenu de la survenance au
temps et au lieu de travail de cet accident.

Monsieur ROUQUETTE devra toutefois le déclarer.


Comme indiqué supra, les règles relatives à la faute inexcusables sont applicables aux salariés
du particulier employeur (cf. Cass. Soc. 8 avril 2021, n°20-11.935).

NB : La jurisprudence sera plus stricte pour caractériser les conditions de caractérisation de la
faute inexcusable compte tenu notamment de la position de particulier employeur de
Monsieur ROUQUETTE (sur ce point, L. de Montvalon, SS Lamy 2021, 17 mai 2021,
n°1954).

Il est logique d’être plus tolérant à l’égard d’un particulier employeur que d’un employeur
classique qui ne dispose assurément pas des mêmes moyens pour remplir son obligation de
prévention des risques à son domicile.

Reste à savoir si les conditions de reconnaissance de la faute inexcusable sont remplies.

En premier lieu, la condition relative à l’absence de mesure de prévention semble difficile à


caractériser.

La charge de la preuve incombera à Madame AZIZA.

Or, une bande antidérapante a été installée sur l’escalier afin d’éviter les chutes.

Il s’agit là d’un élément important en faveur de Monsieur ROUQUETTE.

Aucun élément précis n’est évoqué sur ce point par Madame AZIZA.

Il semble donc que cette première condition n’est pas caractérisée.

En second lieu, la conscience du danger peut également sembler difficile à caractériser.

En effet, Madame AZIZA a chuté dans l’escalier de son manoir.

Elle travaillait toutefois depuis plus de quinze ans dans ce manoir et doit donc être considéré
comme une salariée avertie.
Il n’est pas indiqué que Madame AZIZA a eu le moindre accident pendant ces quinze années
de sorte que la conscience du danger semble compliquée à caractériser.

Il n’est pas non plus indiqué si Madame AZIZA a adressé des alertes sur le caractère glissant
de cet escalier à son employeur.

La demande de reconnaissance de faute inexcusable devant le Pôle social du Tribunal


Judiciaire compétent (et non devant le Tribunal Correctionnel) a donc peu de chances de
prospérer au regard des conditions visées supra.

Cas pratique n°3

Pbl de droit : Un employeur peut-il licencier un salarié en arrêt de travail pour maladie simple
depuis plusieurs semaines désorganisant l’entreprise ?

a) Le licenciement de Monsieur LARSEN en lien avec son état de santé


Sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l'employeur ne peut licencier un salarié en
raison de son état de santé. Autrement dit, un licenciement justifié seulement par la maladie
du salarié serait nul. Cependant, il est permis de licencier un salarié en arrêt de travail pour
maladie non professionnelle lorsque son absence perturbe le bon fonctionnement de
l'entreprise au point de rendre nécessaire son remplacement définitif.
Le Code du travail interdit de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou
de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail (voir no157-5).
Exemples :
le refus d'un salarié d'effectuer de nouvelles tâches incompatibles avec son état de santé ne
peut donner lieu à sanction, ni justifier son licenciement (Cass. soc., 20 oct. 1999, no 97-
42.758). Il en va de même pour un salarié ayant refusé de réaliser une tâche commandée par
l'employeur et ayant fourni un certificat d'arrêt de travail l'après-midi même de cet incident
(Cass. soc., 15 oct. 2003, no 01-44.278). Si l'entreprise se fonde sur le seul état dépressif du
salarié pour procéder à la rupture du contrat de travail, le licenciement est discriminatoire,
donc sanctionné par la nullité (Cass. soc., 28 janv. 1998, no 95-41.491). Il en est de même si
les faits reprochés au salarié sont la conséquence d'un état pathologique ou d'un handicap (CE,
3 juill. 2013, no 349496).
Dès lors, une lettre de licenciement se référant, pour tout motif, à la maladie d'un salarié,
entraîne nécessairement la nullité du licenciement. Le salarié a droit à être réintégré dans son
emploi au sein de l'entreprise. Cette réintégration ne peut toutefois s'étendre au groupe auquel
appartient l'entreprise (Cass. soc., 9 juill. 2008, no 07-41.845).
Pour autant, le licenciement d'un salarié en arrêt de travail pour maladie non professionnelle
peut être envisagé. Il est nécessaire pour cela que l'employeur démontre que les absences
prolongées ou répétées du salarié du fait de sa maladie perturbent le bon fonctionnement de
l'entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif. Ce sont alors les conséquences
objectives de la maladie sur le fonctionnement de l'entreprise, et non la maladie elle-même,
qui constituent le motif du licenciement (voir ci-dessous).
Exemple :
est justifié le licenciement d'un salarié dont les absences fréquentes, même médicalement
justifiées, nuisent à la bonne marche de l'entreprise située en milieu rural et n'employant qu'un
petit nombre de salariés (Cass. soc., 10 mars 1998, no 96-40.522).

En l’espèce, il est donc prohibé de licencier Monsieur LARSEN en raison de son arrêt
maladie.
Ce seul motif pourrait conduire à un licenciement discriminatoire en lien avec son état de
santé (article L 1132-1 du Code du travail).
Le motif lié à l’état de santé ne doit pas figurer dans le courrier de rupture.
Le cas échéant, l’employeur s’exposerait à un licenciement frappé de nullité et à une
éventuelle demande de réintégration (ou l’octroi de dommages-intérêts en cas de non-
réintgration).

b) Le licenciement pour absence prolongée de Monsieur LARSEN désorganisant l’entreprise


Les absences pour maladie non professionnelle ne peuvent justifier un licenciement que si
elles sont répétées ou prolongées, perturbent le bon fonctionnement de l'entreprise et rendent
nécessaire le remplacement définitif du salarié (Cass. ass. plén., 22 avr. 2011, no 09-43.334).
Si ces conditions ne sont pas réunies, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et non
pas nul (Cass. soc., 27 janv. 2016, no 14-10.084).
Selon les juges, ce licenciement n'est pas motivé par l'état de santé, mais par des contraintes
d'organisation internes à l'entreprise. Il doit bien être distingué du licenciement pour
inaptitude qui n'emporte pas les mêmes conséquences (voir no157-45).
Aucune obligation préalable de recherche d'un poste de reclassement ne s'impose à
l'employeur, qu'il s'agisse ou non d'un salarié protégé (CE, 9 mars 2016, no 378129).
Un tel licenciement n'est pas disciplinaire : l'employeur ne peut prononcer
un licenciement immédiat (sans préavis) et doit verser au salarié des indemnités
de licenciement. Cependant, le salarié malade étant dans l'incapacité d'exécuter son préavis,
aucune indemnité de préavis ne lui est due. Si l'employeur le dispense néanmoins de
l'exécution du préavis, il doit lui verser une indemnité compensatrice (Cass. soc., 21 janv.
2003, no 01-40.573).
De même, si le salarié redevient apte à travailler avant la fin de son préavis, il doit en
informer son employeur pour pouvoir exécuter le reliquat de préavis.
Remarque : le salarié qui n'informe pas son employeur des raisons de la prolongation de son
absence peut être licencié. Cette carence du salarié est en effet fautive. Toutefois, elle ne peut,
en principe, constituer une faute grave (Cass. soc., 7 juill. 2010, no 09-41.177).
Absences prolongées ou répétées. — Ce n'est que lorsque les absences du salarié du fait de
sa maladie d'origine non professionnelle se prolongent ou sont répétées
qu'un licenciement peut être envisagé.
ATTENTION : il convient toutefois de tenir compte des périodes de garantie d'emploi
instituées par certaines conventions collectives.
L'absence du salarié en raison de son état de santé ne constitue jamais une faute et cela même
lorsque cette absence nuit à l'entreprise (rendez-vous ou importantes réunions manquées,
client mécontent, etc.). S'il résulte des termes de la lettre de licenciement que l'employeur
considère les absences du salarié comme fautives, les juges considéreront qu'il y
a licenciement disciplinaire : ils devront alors seulement déterminer si le salarié a eu un
comportement fautif. La question d'une éventuelle perturbation du fonctionnement de
l'entreprise sera sans objet et le licenciement aura toutes les chances d'être déclaré sans cause
réelle et sérieuse (Cass. soc., 26 oct. 1999, no 97-41.679).
Perturbation du fonctionnement de l'entreprise. — La perturbation du fonctionnement de
l'entreprise s'apprécie en fonction :
– de la taille de l'entreprise. L'absence d'un salarié n'a pas les mêmes conséquences selon que
l'effectif de l'entreprise est faible ou important. Une absence prolongée au sein d'une petite
unité de travail permet d'envisager plus rapidement un licenciement (Cass. soc., 23 sept. 2003,
no 01-44.159) ;
– des fonctions du salarié. Il est par exemple difficile de pourvoir au remplacement temporaire
d'un salarié dont les fonctions sont très spécialisées (Cass. soc., 9 oct. 2013, no 12-15.975). À
l'inverse, la perturbation du fonctionnement de l'entreprise n'est pas établie lorsque la salariée
absente a peu de qualification et peut ainsi être facilement remplacée (Cass. soc., 4 oct. 2000,
no 98-42.501).
L'absence du salarié doit avoir des effets perceptibles sur le fonctionnement de
l'entreprise dans son ensemble et non pas seulement sur le fonctionnement d'un établissement
(Cass. soc., 23 janv. 2013, no 11-28.075), du seul secteur d'activité du salarié (Cass. soc., 13
mai 2015, no 13-21.026), ou d'un des services (Cass. soc., 1er févr. 2017, no 15-
17.101 ; Cass. soc., 26 juin 2018, no 15-28.868), à moins que celui-ci soit essentiel pour
l'entreprise (Cass. soc., 23 mai 2017, no 14-11.929).
L'employeur doit être en mesure de démontrer la désorganisation entraînée par les absences
du salarié malade (Cass. soc., 19 mai 1998, no 96-41.123). Il ne peut invoquer une
perturbation au fonctionnement de l'entreprise lorsque la charge de travail du salarié peut être
aisément répartie entre les autres salariés durant son absence, ou lorsque le salarié peut être
remplacé provisoirement jusqu'à son retour (Cass. soc., 30 avr. 2014, no 13-11.533). Il
importe peu, à cet égard, que ce remplacement ait un coût supérieur à la rémunération du
salarié absent.
Remplacement définitif du salarié. — Le licenciement ne peut être envisagé que si les
perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder au remplacement définitif
(c'est-à-dire en CDI) du salarié.
Exemple :
la nécessité d'un remplacement définitif a été jugée justifiée du fait de la situation
géographique du lieu de travail qui empêchait de pourvoir temporairement au remplacement
de la salariée absente par des CDD (Cass. soc., 15 févr. 2006, no 05-43.047).
Le remplacement définitif doit se traduire par l'embauche en CDI d'un autre salarié (Cass.
soc., 7 juill. 2016, no 14-18.310). La condition de remplacement définitif n'est donc pas
remplie lorsqu'il est pourvu au remplacement du salarié par recours à
une entreprise prestataire de services, même à titre définitif (Cass. ass. plén., 22 avr. 2011,
no 09-43.334). Le remplacement peut être pourvu par un autre salarié de
l'entreprise (promotion interne), à condition qu'il soit lui-même remplacé de manière totale et
définitive par recours à une embauche en contrat à durée indéterminée (Cass. soc., 15 janv.
2014, no 12-21.179). Toutefois, en cas d'entreprise appartenant à un groupe, le salarié
remplaçant doit nécessairement être engagé au sein de l'entreprise qui employait le salarié
absent, et non au sein d'une autre entreprise du même groupe (Cass. soc., 25 janv. 2012,
no 10-26.502).
L'employeur doit pouvoir justifier d'une embauche en contrat à durée indéterminée sur les
mêmes fonctions et pour une durée de travail qui ne peut pas être inférieure à celle effectuée
par le salarié licencié.
Exemples :
la condition de remplacement définitif n'est pas remplie lorsque le salarié est finalement
remplacé par un salarié en CDD (Cass. soc., 30 avr. 2014, no 13-11.533), un intérimaire
(Cass. soc., 24 févr. 2004, no 02-40.268), même si celui-ci est, par la suite, embauché en
contrat à durée indéterminée (Cass. soc., 12 oct. 2011, no 10-15.101).
Il en est de même du remplacement par un stagiaire (Cass. soc., 22 oct. 1996, no 93-44.697),
par un salarié provisoirement détaché du groupe auquel appartient l'employeur (Cass. soc., 27
sept. 2006, no 05-41.057), ou par une salariée recrutée en contrat à durée indéterminée pour
une durée de travail de 61 heures par mois, alors que la personne licenciée en effectuait 121
(Cass. soc., 6 févr. 2008, no 06-44.389).
Le remplacement n'a pas à être effectif au jour du prononcé du licenciement. Ce qui importe à
cette date, c'est que sa nécessité soit établie. La jurisprudence exige que ce remplacement
intervienne dans un délai raisonnable (Cass. soc., 10 nov. 2004, no 02-45.156 ; Cass. soc., 28
oct. 2009, no 08-44.241) ou à « une date proche » du licenciement (Cass. soc., 15 janv. 2014,
no 12-21.179). Ce délai s'apprécie en fonction des spécificités de l'entreprise, de l'emploi
concerné et des démarches effectuées par l'employeur en vue d'un recrutement (Cass. soc., 14
mars 2007, no 06-41.723). Les juges du fond apprécient souverainement l'existence d'un délai
raisonnable, en tenant compte des spécificités de l'entreprise et de l'emploi concerné, ainsi que
des démarches réalisées par l'employeur en vue d'un recrutement (Cass. soc., 15 mars 2005,
no 03-41.746).
Exemples :
un délai deux mois a été jugé raisonnable (Cass. soc., 12 oct. 2011, no 10-15.697 ; Cass. soc.,
11 juill. 2012, no 11-16.370), de même qu'un délai de six mois pour remplacer une directrice
d'association (Cass. soc., 24 mars 2021, no 19-13.188). Un délai de sept mois a, en revanche,
été considéré comme déraisonnable (Cass. soc., 12 oct. 2011, no 10-15.101).
À noter que le remplacement en cascade n'exclut pas la possibilité de voir reconnaître
l'existence d'un remplacement définitif (Cass. soc., 15 janv. 2014, no 12-21.179). En l'espèce,
un salarié s'était vu temporairement confié les responsabilités du salarié absent, puis promu
pour occuper son poste. Le salarié absent a été licencié et l'employeur a recruté une personne
pour remplacer le salarié promu trois mois plus tard. La Cour de cassation considère que, dans
une telle situation, la nécessité du remplacement définitif était établie (voir également : Cass.
soc., 20 févr. 2008, no 06-46.233).
En cas de litige, c'est à l'employeur qu'il appartient de prouver qu'il a bien respecté son
obligation de remplacement définitif dans un délai raisonnable, en démontrant par exemple
que le salarié recruté est en CDI et non en CDD (Cass. soc., 15 nov. 2006, no 04-48.192).

En l’espèce, Monsieur LARSEN exerce les fonctions de DAF, soit un poste à responsabilité
dans l’entreprise.
Il a été placé en arrêt de travail pour maladie simple depuis plus de quatre mois.
Il s’agit d’un arrêt de travail pour maladie simple puisque le syndrome anxio-dépressif n’est
pas lié à un événement en lien avec ses conditions de travail mais au départ de sa femme.
Un licenciement pour absence prolongée désorganisant l’entreprise pourrait être envisagé.
Il conviendra toutefois au préalable de s’assurer qu’aucune garantie conventionnelle d’emploi
n’est instaurée dans la convention collective.
En l’absence d’information sur ce point dans l’énoncé du cas pratique, il sera considéré
qu’aucune garantie ne figure dans la convention collective.
Les perturbations doivent s’apprécier en fonction de la taille de l’entreprise.
Il s’agit d’une structure de douze salariés, donc de petite taille, l’absence d’un DAF dans une
structure d’une telle taille pourrait donc avoir des conséquences importantes puisqu’il s’agit
du seul poste de ce type dans la structure.
Comme indiqué supra, les fonctions du salarié étaient fondamentales.
De surcroît, l’absence prolongée de Monsieur LARSEN avait très certainement des
répercussions certaines sur le fonctionnement de la structure.
Les conditions du licenciement pour désorganisation de l’entreprise pourraient donc être
caractérisées.
Il conviendra toutefois de mettre en œuvre la procédure pour licenciement pour un motif non
disciplinaire.
Par ailleurs, il conviendra de remplacer Monsieur LARSEN dans un délai raisonnable suite à
son licenciement.
En l’absence de remplacement, son licenciement pourrait être jugé sans cause réelle et
sérieuse.

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