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CHAPITRE II.

SANCTIONS DES CONDITIONS DE FORMATION

Un contrat non valide est sanctionné par la nullité. Mais la société ne saurait être réduite à un contrat.
La société est aussi une institution qui est le carrefour de nombreux intérêts. La nullité de sociétés
comporte notamment des inconvénients pour les tiers. Elle n’apparaît donc pas souhaitable. Le
contrôle par le greffe des constitutions des sociétés joue un rôle préventif.

Le domaine des nullités (Section I) est restreint tandis que son régime (Section 2) concourt à en limiter
les effets.

SECTION I. DOMAINE DES NULLITES

I. Nullités expresses

Cette exigence résulte de l’article L. 235-1 al. 1 du code de commerce.

« La nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une
disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui
concerne les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité de la société
ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité, à moins que celle-ci n'atteigne
tous les associés fondateurs. La nullité de la société ne peut non plus résulter des clauses
prohibées par l'article 1844-1 du code civil. »

Il existe donc deux sources possibles de nullités : le code de commerce qui prévoit des causes
particulières et le code civil qui prévoit des causes générales de nullité, ce qui renvoie au
consentement, aux incapacités, à l’objet et à la cause (au contenu du contrat depuis la réforme du 10
octobre 2016), à côté des causes de nullités prévues dans les articles 1832 et s. du code civil.

II. Nullités prévues par le code de commerce

Un seul texte prévoit une nullité. C’est l’article L. 235-2 du code de commerce :

« Dans les sociétés en nom collectif et en commandite simple, l'accomplissement des


formalités de publicité est requis à peine de nullité de la société, de l'acte ou de la délibération,
selon les cas, sans que les associés et la société puissent se prévaloir, à l'égard des tiers, de
cette cause de nullité. Toutefois, le tribunal a la faculté de ne pas prononcer la nullité encourue,
si aucune fraude n'est constatée. »

Cette nullité confine à la rareté. En effet, le greffier du TC vérifie que les formalités de publicités ont
été accomplies. En outre, dans le cas où une telle formalité ne serait pas accomplie, une régularisation
peut être envisagée. Enfin, le Tribunal n’est obligé de prononcer la nullité qu’en cas de fraude

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III. Nullités résultant du code civil

A. Nullités fondées sur l’article 1840-10 du code civil

Selon l'article 1844-10 du code civil : « La nullité de la société ne peut résulter que de la violation des
dispositions de l'article 1832 et du premier alinéa des articles 1832-1 et 1833, ou de l'une des causes
de nullité des contrats en général ».

1. Nullité fondée sur le nombre d’associés

La Cour de cassation avait admis sous l’empire de la loi de 1967 que le défaut de respect du nombre
d’associés prescrit par les textes devait être sanctionné par la nullité (Cass. com. 17 nov. 1969, Bull.
civ. IV, no 340, JCP 1970. II. 16.304, note P.L.).

Cette sanction ne paraît plus pouvoir être admise. Là encore, le contrôle institué lors de la constitution
est de nature à éviter un tel défaut. Le risque est plutôt celui d’une variation du nombre d’associés en
cours de vie sociale, autrement dit après l’immatriculation, ce qui pose la question du maintien de la
société. Mais l'article 1844-5, alinéa 1er du code civil permet d’éviter que la société ne soit dissoute
de plein droit si, dans le cours de son existence, ces conditions de nombre cessent d'être remplies.

C. Civ. , Article 1844-5


« La réunion de toutes les parts sociales en une seule main n'entraîne pas la dissolution de
plein droit de la société. Tout intéressé peut demander cette dissolution si la situation n'a pas
été régularisée dans le délai d'un an. Le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de
six mois pour régulariser la situation. Il ne peut prononcer la dissolution si, au jour où il statue
sur le fond, cette régularisation a eu lieu.
L'appartenance de l'usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans
conséquence sur l'existence de la société.
En cas de dissolution, celle-ci entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à
l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation. Les créanciers peuvent faire opposition à la
dissolution dans le délai de trente jours à compter de la publication de celle-ci. Une décision de
justice rejette l'opposition ou ordonne soit le remboursement des créances, soit la constitution
de garanties si la société en offre et si elles sont jugées suffisantes. La transmission du
patrimoine n'est réalisée et il n'y a disparition de la personne morale qu'à l'issue du délai
d'opposition ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que
le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.
Les dispositions du troisième alinéa ne sont pas applicables aux sociétés dont l'associé unique
est une personne physique. »

2. Nullité fondée sur un défaut d’apport

Là encore, l’hypothèse paraît peu probable. La question s’est posée dans le cas où, après avoir promis
un apport, l’un des associés refuse de le délivrer. La nullité a parfois été admise (Cass. 2e civ. 27 oct.
1971, Bull. civ. II, no 289, Rev. sociétés 1972.274, note P. Bouloc ; Cass. com. 28 juin 1976, Bull. civ. IV,
no 218, Rev. sociétés 1977.237, note J.H., RTD com. 1977.516, obs. R. Houin).

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Mais d'autres solutions plaident en faveur d’une hypothèse de résolution pour inexécution du contrat,
solution qui semble plus logique dès lors que le débiteur de l’apport n’exécute pas son obligation de
réaliser l’apport (CA Aix en Provence, 10 avr. 1974, D. 1974.563, note F. Derrida).

L’apport peut également être irrégulier (apport en propriété d’un bien dont l’apporteur n’est pas
propriétaire) ou dénué de valeur (bien grevé d’un passif). Cet apport est alors nul.

Mais conduit-il à la nullité de la société ? La réponse à cette interrogation n’est pas évidente. La
jurisprudence semble raisonner par rapport à l’importance de cet apport pour la société. Si la société
peut exister sans cet apport, il n’y aurait aucune raison d’admettre la nullité de la société. La nullité de
l’apport doit alors conduire à ne pas admettre celui qui l’a fait comme associé de la société.

Dans le cas contraire, la nullité de la société pourrait être admise (Cass. com. 28 juin 1976, Bull. civ. IV,
no 218, Rev. sociétés 1977.237, note J.H., RTD com. 1977.516, obs. R. Houin).

3. Nullité pour défaut de recherche et de partage des bénéfices et des pertes

La répartition des bénéfices se fait en fonction de la valeur des apports. Le principe est celui de la
proportionnalité. Mais l'article 1844-1 du code civil admet les aménagements conventionnels. L’on
peut donc prévoir dans les statuts une répartition inégale, malgré l'égalité des apports ou,
inversement, une répartition égale malgré leur valeur différente (Cass. 1re civ. 16 oct. 1990, Bull. Joly
1990.1029, note P. Le Cannu).

Cet aménagement ne doit pas être léonin, Mais l'article 1844-2, alinéa 1er du code civil répute « non
écrite » la clause léonine. L’on en revient alors à la répartition de principe prévue à l’article 1844-1,
soit au prorata des apports (Cass. 1re civ. 26 janv. 1988, Bull. Joly 1988.197)

4. Nullité pour défaut d’affectio societatis

Dès lors que la société a été immatriculée, il paraît difficile d’admettre une telle nullité. Il paraît plus
probable que l’affectio societatis disparaisse ensuite, en cas de mésentente entre les associés, ce qui
constitue une cause de dissolution de la société dès lors que cela entraîne une paralysie du
fonctionnement de la société (C. civ., art. 1844-7, 5° ).

Article 1844-7 (Modifié par Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 - art. 100)
La société prend fin :
1° Par l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée, sauf prorogation effectuée
conformément à l'article 1844-6 ;
2° Par la réalisation ou l'extinction de son objet ;
3° Par l'annulation du contrat de société ;
4° Par la dissolution anticipée décidée par les associés ;
5° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d'un associé pour
justes motifs, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé, ou de
mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ;
6° Par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal dans le cas prévu à l'article 1844-5 ;
7° Par l'effet d'un jugement ordonnant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance
d'actif ;
8° Pour toute autre cause prévue par les statuts.

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Cette nullité peut toutefois être admise si les parties au contrat ont usé d’une simulation afin d’éviter
d’autres règles. Tel est le cas lorsque les associés ont voulu d'éluder l'application de certaines
dispositions légales, par exemple, les règles successorales sur la réserve (Cass. 1re civ. 20 oct. 1971,
Bull. civ. I, no 270 et aussi Cass. civ. 11 avr. 1927) ou encore la législation du travail (CA Paris, 26 févr.
1981, Gaz. Pal. 1981.2.660, note A.P.S.), ou enfin lorsqu’ils cherché à faire échec aux droits de
créanciers (Cass. com. 2 juin 1987, Bull. civ. IV, no 132).

Après une décision du 16 juin 1992 (Bull. civ. IV, no 243, Bull. Joly 1992.875, note P. Le Cannu), un arrêt
du 22 juin 1999 (Cass. com. 22 juin 1999, Dalloz affaires 1999.1336, obs. M. B., Rev. sociétés 1999.824,
note A. Constantin , Bull. Joly 1999.978, note A. Couret, LPA 22 juill. 1999, p. 7, note P. M., RTD
com. 1999.875, obs. C. Champaud et D. Danet et 903, obs. Y. Rein hard) a jugé que « une société
fictive est une société nulle et non inexistante » et en a déduit que « la nullité opère sans rétroactivité
de sorte que la sûreté réelle consentie par la Société Balcey avant que sa fictivité ne fût déclarée
demeure valable et opposable aux créanciers chirographaires en l'absence de fraude… ».

Par ailleurs, il convient de rappeler que l'affectio societatis est un élément de la qualification du contrat
de société, ce qui permet d’exclure l’existence d’une société quand il fait défaut et d’admettre d’autres
qualifications :

➢ v. société et prêt participatif (Cass. com. 2 juin 1970, Rev. sociétés 1971.206, note Bouloc ;
Cass. 1re civ. 27 févr. 1973, Bull. civ., no 73 ; CA Paris, 21 févr. 1985, Defrénois 1986.1349,
no 5, obs. J. Honorat ; Cass. com. 12 oct. 1993, Bull. civ. IV, no 330) ;

➢ Société et contrat de travail (Cass. 1re civ. 27 nov. 1985, Bull. civ., no 323 ; Cass. com. 5 nov.
1974, Rev. sociétés 1975.492, note Y. Guyon ; 19 nov. 1962, Bull. civ. III, no 463).

➢ Il permet encore de distinguer les situations ou un contrat de société existe ou non entre des
personnes proches comme par exemple des concubins (à propos de l'existence d'une société
créée de fait entre concubins (Civ. 1re, 23 juin 1987, Defrénois 1987.1329, no 6, obs.
J. Honorat ; Cass. com. 9 nov. 1981, ibid. 1983.565, no 2, obs. J. Honorat).

B. Nullités fondées sur le droit des contrats en général

1. Consentement

En dehors du défaut de consentement qui conduit à l’annulation du contrat de société, le


consentement peut être altéré par un vice.

La jurisprudence ne distingue pas l'absence de consentement, traditionnellement sanctionnée par une


nullité absolue, du simple vice du consentement, sanctionné par une nullité relative.

Dans les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, l'existence d'un vice du
consentement (ou d'une incapacité) ne peut entraîner en principe la nullité de la société (C. com.,
art. L. 235-1 al. 1).

Article L235-1

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« La nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une
disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui
concerne les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité de la société
ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité, à moins que celle-ci n'atteigne
tous les associés fondateurs. La nullité de la société ne peut non plus résulter des clauses
prohibées par l'article 1844-1 du code civil. »

La Cour de cassation rejette la nullité lorsque le défaut de consentement n’atteint pas tous les
associés: « Mais attendu que selon l'article 360 de la loi du 24 juillet 1966, en ce qui concerne les sociétés à
responsabilité limitée, la nullité de la société ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité, à
moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs ; qu'ayant constaté que le défaut de consentement au
pacte social était limité à M. Michel Y... de sorte que cette cause de nullité n'atteignait pas les autres associés
fondateurs, c'est par une exacte application du texte susvisé que la cour d'appel a refusé de prononcer la nullité
de la société ; que le moyen n'est pas fondé » (Com. 20 juin 1989, n° 88-15261, Bull. civ. IV, no 199).
Dans les autres sociétés (sociétés civiles, sociétés commerciales de personnes et commandites par
actions à l'égard des seuls commandités), la nullité n’est pas exclue.

L’article 1844-16 du code civil dispose que « ni la société, ni les associés ne peuvent se prévaloir
d'une nullité à l'égard des tiers de bonne foi » sauf s’il s’agit d'une « nullité résultant de
l'incapacité ou de l'un des vices du consentement ».

2. Incapacités

En cas de nullité d’un acte fait par un incapable, la nullité d'une SARL ou d'une société par actions ne
peut résulter ni d'un vice du consentement, ni d'une incapacité, sauf si celle-ci atteint tous les associés
fondateurs (C. com., art. L. 235-1).

Dans les autres cas, elle peut être admise, conformément au droit commun. Les effets de l’annulation
sont les mêmes que ceux entraînés par un vice du consentement.

3. Contenu illicite (Objet ou cause illicite ou immoral(e))

La société qui aurait un objet ou une cause illicite ou immorale ou encore qui n’aurait pas été
constituée dans l’intérêt commun des associés est nulle (art. 1833 du Code Civil). L'illicéité de l'objet
(choses hors commerce) est sanctionnée par la nullité du contrat. En vertu de l’article 1162 du code
civil : « Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier
ait été connu ou non par toutes les parties».

4. Incidence du droit de l’UE

Le domaine des nullités a été restreint par le droit de l’Union européenne. Cette limitation résulte
désormais de la directive UE) 2017/1132 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 14 juin 2017
qui a abrogé la directive 2009/101/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 16 septembre
2009 tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans
les États membres, des sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, du traité, pour protéger

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les intérêts tant des associés que des tiers qui s’était elle-même substituée à la directive 68/151/CEE
du Conseil, du 9 mars 1968, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont
exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l'article 58, alinéa 2, du traité, pour protéger
les intérêts tant des associés que des tiers [Journal officiel L 65 du 14.03.1968] prévoit dans son article
11 des cas limitatifs de nullité.

L’article 11 de cette directive dispose :

« La législation des États membres ne peut organiser le régime de nullité des sociétés que dans
les conditions suivantes:
a) la nullité doit être prononcée par décision judiciaire;
b) la nullité ne peut être prononcée que dans les seuls cas visés aux points i) à vi):
i) le défaut d'acte constitutif ou l'inobservation, soit des formalités de contrôle préventif,
soit de la forme authentique;
ii) le caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet de la société;
iii) l'absence, dans l'acte constitutif ou dans les statuts, de toute indication au sujet soit de
la dénomination de la société, soit des apports, soit du montant du capital souscrit, soit de
l'objet social;
iv) l'inobservation des dispositions de la législation nationale relatives à la libération
minimale du capital social;
v) l'incapacité de tous les associés fondateurs;
vi) le fait que, contrairement à la législation nationale régissant la société, le nombre des
associés fondateurs est inférieur à deux.
En dehors des cas de nullité visés au premier alinéa, les sociétés ne sont soumises à aucune
cause d'inexistence, de nullité absolue, de nullité relative ou d'annulabilité. »

Les sociétés concernées sont les sociétés de capitaux, soit la société anonyme, la société en
commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société par actions simplifiée.

La Cour de justice avait été saisie d’une question relative à l’interprétation de ce texte (CJCE, 13
novembre 1990. - Marleasing SA contre La Comercial Internacional de Alimentacion SA, C-106/89
(interprétation de l’article 11 de la directive 68/151/CEE) ; Rev. sociétés 1991.532, note Y. Chaput ,
JCP, éd. E, 1991. I. 67, no 3, obs. F. Serras et 1991. II. 156, note P. Level, RPS (Bruxelles) 1992.46 ;
B. Saintourens, Les causes de nullité des sociétés : l'impact de la première directive CEE de 1968,
interprétée par la CJEE, Bull. Joly 1991.123 ; F. Leclerc, Que reste-t-il des nullités de sociétés en droit
français après l'arrêt Marleasing ? RJ com. 1992, p. 322).

Dans cette affaire, la société Marleasing avait demandé l’annulation d’une société pour défaut de
cause juridique, simulation et fraude des droits des créanciers d’une société cofondatrice de cette
société

La Cour reprend l’analyse de la Commission selon laquelle « l'expression "l'objet de la société" doit
être interprétée en ce sens qu'elle vise exclusivement l'objet de la société, tel qu'il est décrit dans l'acte
de constitution ou dans les statuts. Il s'ensuivrait que la déclaration de nullité d'une société ne pourrait
pas résulter de l’activité qu'elle poursuit effectivement, telle que, par exemple, spolier les créanciers
des fondateurs. »

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Selon la Cour : « Le juge national qui est saisi d'un litige dans une matière entrant dans le domaine d' application
de la directive 68/151, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans
les États membres, des sociétés au sens de l' article 58, deuxième alinéa, du traité pour protéger les intérêts tant
des associés que des tiers, est tenu d' interpréter son droit national à la lumière du texte et de la finalité de cette
directive, en vue d' empêcher la déclaration de nullité d'une société anonyme pour une cause autre que celles
énumérées à son article 11 . Ces dernières doivent elles-mêmes, au vu de ladite finalité, être interprétées
strictement, de sorte que celle tenant au caractère illicite ou contraire à l'ordre public de l'objet de la société doit
s'entendre comme visant exclusivement l' objet de la société tel qu' il est décrit dans l' acte de constitution ou
dans les statuts. »

L’objet réel illicite ne saurait donc conduire à la nullité des sociétés visées par la directive.

Certes, la Cour de cassation n’écarte pas la nullité pour fraude d’une SARL (Com, 28 janv. 1992, Bull.
civ. IV, n° 36) : « 2° Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui annule un contrat de
société entre quatre associés pour cause illicite (fraude aux droits d'une épouse) sans constater que
tous les associés avaient concouru à la fraude, retenu en l'espèce à l'encontre du seul mari

La directive ne mentionne pas certaines nullités admises en droit français : le défaut complet de
consentement, l'absence ou la fictivité des apports, le défaut d'affectio societatis, l'inexistence ou
l'impossibilité de l'objet, le défaut ou l'illicéité de la cause. Elle ne vaut que pour certaines sociétés de
sorte que la question de l’application de ces nullités aux autres sociétés n’est pas en cause.

SECTION II. REGIME DES NULLITES

I. L’action en nullité

A. Les titulaires de l’action

Tout dépend de la nature de la nullité. En cas de nullité relative, seules les personnes protégées sont
admises à demander l’annulation. En cas de nullité absolue, toutes les personnes qui ont intérêt à agir
peuvent demander l’annulation, c’est-à-dire toutes celles qui ont un intérêt légitime au succès de leur
prétention en vertu de l’article 31 du Code de procédure civile.

Les associés, leurs créanciers personnels, les dirigeants, les créanciers sociaux (ex : établissements
bancaires, organismes fiscaux) peuvent donc a priori agir en nullité dans le deuxième cas.

B. La prescription de l’action

Le délai est de trois ans. Il court à compter du jour où la nullité est encourue (art. L. 235-9 du code de
commerce) (v. Com. 18 janv. 2011, Rev. Soc. 2011, 683 , B. Dondero)
Article L235-9
« Les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution
se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue, sous réserve de la
forclusion prévue à l'article L. 235-6. »

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Toutefois, l'action en nullité d'une fusion ou d'une scission de sociétés se prescrit par six mois
à compter de la date de la dernière inscription au registre du commerce et des sociétés rendue
nécessaire par l'opération.
L'action en nullité fondée sur l'article L. 225-149-3 se prescrit par trois mois à compter de la
date de l'assemblée générale suivant la décision d'augmentation de capital. »

C. Com., Article L235-6


« En cas de nullité d'une société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution, fondée
sur un vice du consentement ou l'incapacité d'un associé, et lorsque la régularisation peut
intervenir, toute personne y ayant intérêt peut mettre en demeure celui qui est susceptible
de l'opérer, soit de régulariser, soit d'agir en nullité dans un délai de six mois à peine de
forclusion. Cette mise en demeure est dénoncée à la société.
La société ou un associé peut soumettre au tribunal saisi dans le délai prévu à l'alinéa
précédent, toute mesure susceptible de supprimer l'intérêt du demandeur, notamment par
le rachat de ses droits sociaux. En ce cas, le tribunal peut, soit prononcer la nullité, soit rendre
obligatoires les mesures proposées, si celles-ci ont été préalablement adoptées par la société
aux conditions prévues pour les modifications statutaires. Le vote de l'associé dont le rachat
des droits est demandé est sans influence sur la décision de la société.
En cas de contestation, la valeur des droits sociaux à rembourser à l'associé est déterminée
conformément aux dispositions de l'article 1843-4 du code civil. Toute clause contraire est
réputée non écrite. »

L’exception de nullité reste évidemment perpétuelle et peut être invoquée dès lors que l’obligation en
cause n’a pas été exécutée (Com. 17 déc. 2002, Bull. joly 2003, 340, n° 6, Le Nabasque).

II. La régularisation

Tout d’abord, aux termes de l’article L.235-3 du code de commerce :

« L'action en nullité est éteinte lorsque la cause de la nullité a cessé d'exister le jour où le
tribunal statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur l'illicéité de
l'objet social.»

Ensuite, l’article L. 235-4 dispose que :

« Le tribunal de commerce, saisi d'une action en nullité, peut, même d'office, fixer un délai
pour permettre de couvrir les nullités. Il ne peut prononcer la nullité moins de deux mois
après la date de l'exploit introductif d'instance. »

Si, pour couvrir une nullité, une assemblée doit être convoquée ou une consultation des associés
effectuée, et s'il est justifié d'une convocation régulière de cette assemblée ou de l'envoi aux
associés du texte des projets de décision accompagné des documents qui doivent leur être
communiqués, le tribunal accorde par jugement le délai nécessaire pour que les associés
puissent prendre une décision. »

Ce n’est qu’à l'expiration du délai prévu à l'article L. 235-4, lorsqu’aucune décision n'a été prise, que
le tribunal statue à la demande de la partie la plus diligente. (C. Com., art. L. 235-5).

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III. Effets de l’annulation

A. Les effets de la nullité sur la société

La nullité de la société conduit à sa liquidation. En effet, aux termes de l’article L235-10 : « Lorsque la
nullité de la société est prononcée, il est procédé à sa liquidation conformément aux dispositions des
statuts et du chapitre VII du présent titre. »

La nullité d’une société n’est pas en principe rétroactive. La société est considérée à l’égard des
associés comme ayant existé valablement jusqu’à la date de son annulation, assimilée à une
dissolution. Mais en cas de nullité résultant d’une incapacité ou d’un vice du consentement, l’associé
ayant obtenu la nullité pourra l’opposer aux autres associés et aux tiers et reprendre ses apports.

B. Responsabilités

1. Responsabilité civile

➢ La nullité peut conduire ceux qui sont victimes d’un préjudice causé par l’annulation de la
société à agir contre les responsables (art. 1844-17 du Code Civil et art. L. 235-13 du Code de
Commerce).

➢ L’article L. 210-8 du code de commerce dispose : « Les fondateurs de la société, ainsi que les
premiers membres des organes de gestion, d'administration, de direction et de surveillance
sont solidairement responsables du préjudice causé par le défaut d'une mention obligatoire
dans les statuts ainsi que par l'omission ou l'accomplissement irrégulier d'une formalité
prescrite par la loi et les règlements pour la constitution de la société.
Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas de modification des statuts, aux
membres des organes de gestion, d'administration, de direction, de surveillance et de contrôle,
en fonction lors de ladite modification.
L'action se prescrit par dix ans à compter de l'accomplissement de l'une ou l'autre, selon le cas,
des formalités visées au quatrième alinéa de l'article L. 210-7».

L’article 1840 du code civil contient des dispositions similaires.

➢ La disparition de la cause de nullité ne met pas obstacle à l'exercice de l'action en dommages


intérêts tendant à la réparation du préjudice causé par le vice dont la société, l'acte ou la
délibération était entaché.
Lorsqu’une régularisation a eu lieu à la suite d’une action, les frais de justice et autres frais
peuvent aussi donner lieu à une demande d’indemnisation pour ceux qui les ont exposés.

➢ Conformément à l’article L. 235-13 al. 1 du code de commerce, le délai de prescription pour


agir est de trois ans : « L'action en responsabilité fondée sur l'annulation de la société ou des
actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrit par trois ans à compter du jour
où la décision d'annulation est passée en force de chose jugée. »
(v. ég. C.civ., art. 1844-17 al. 1)

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➢ En cas de disparition de la cause de nullité, l’action se prescrit par trois ans à compter du jour
où la nullité a été couverte (C. Civ., art. 1844-17 al. 2 ; C. Com., art. L. 235-13 al. 2).

2. Responsabilité pénale

Certaines infractions sont prévues par les articles L. 241-2 et suivants du code de commerce. Elles
peuvent varier en fonction des sociétés concernées. Les sanctions consistent en des peines d’amendes
et d’emprisonnement.

Quelques exemples :

L’article L241-3 du code de commerce punit d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de
375 000 euros :

« 1° Le fait, pour toute personne, de faire attribuer frauduleusement à un apport en nature une
évaluation supérieure à sa valeur réelle »

C. Com., art. L242-1

« Est puni de 150 000 € d'amende le fait, pour les fondateurs, le président, les administrateurs
ou les directeurs généraux d'une société anonyme, d'émettre ou négocier des actions ou des
coupures d'actions sans que les actions de numéraire aient été libérées à la souscription de la
moitié au moins ou sans que les actions d'apport aient été intégralement libérées avant
l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés.

La peine prévue au présent article peut être portée au double lorsque les actions ou coupures
d'actions ont fait l'objet d'une offre au public. »

C. Com., art. L.242-2

« Est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9000 euros le fait, pour toute
personne :

1°, 2° et 3° (supprimés) ;

4° De faire attribuer frauduleusement à un apport en nature une évaluation supérieure à sa


valeur réelle. »

C. Com., art., L.242-3

« Est puni de 150 000 € d'amende le fait, pour les titulaires ou porteurs d'actions, de négocier
des actions de numéraire pour lesquelles le versement de la moitié n'a pas été effectué. »

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