Vous êtes sur la page 1sur 5

16 REVUE RÉGIONALEDE DROIT

l'expectative pendant plus de 30 mois. La requête d'appel ayant été déposée le


29 novembre 2002, c'est au 1erdécembre 2002 que la présente décision prendra effet.

PAR CES MOTIFS,

(dispositif conforme aux motifs).

Cour d'appel de Liège


30 janvier 2004

Sièg.:Mme Vieujean,prés.; Mmes Dumortier et Dehant,cons.


Plaid.: MMes Verdin loco Franchimontet Andrzejewskiloco Lienart.

(SA Zurich ci Janssenset SA AertssenKranen)

RESPONSABILITE -Location d'une grue avec un grutier -Contrat de


louage de choses -Subordination -Commettant occasionnel -Faute
du grutier -Immunité (L. 3 juillet 1978, art. 18).

La location d'une grue avec un grutier est un contrat de bail de choseset non un
contrat d'entreprise.
L'ouvrier qui, sur ordre de son employeur exerce des activités pour un tiers agit
commepréposé de ce dernier et la faute commisepar le travailleur dans l'exécution de
son travail n'exclut pas qu'il se trouvait dans un état de subordination à l'égard de son
commettant occasionnel.
Le travailleur, en l'espèce,le grutier, bénéficie,en cas defaute non intentionnelle,
de l'immunité garantie par J'article 18 de la loi du 3 juillet 1978.

LA COUR,

L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement relatés par
le premier juge à l'exposé duquel la Cour se réfère.
Il convient néanmoins de rappeler que l'appelante est l'assureur-loi de la SA
Cevo et qu'elle a versé des indemnités conformément aux dispositions de la loi sur les
accidents du travail ensuite d'un accident mortel de travail survenu à son contre-
maître Jean Geentjens; elle agit de manière subrogatoire en vertu de l'article 47 de
ladite loi contre les tiers responsables, selon elle, Léopold Janssens,grutier, et son
employeur la NV Aertssen Kranen.
Le premier juge a décidé que le grutier avait bien commis une faute en relation
causale nécessaireavec le décèsde Jean Geentjens, mais déclare non fondée l'action
subrogatoire dirigée contre la NV Aertssen au motif que celle-ci ne disposait pas de
JURISPRUDENCE 17

la qualité de commettantà l'égard de Léopold Janssens, la relation existantentre


cette dernièresociétéet la NV Cevo s'insérantnon pas dans le cadre d'un contrat
d'entreprisemais dans le cadre d'un contrat de location. Il décide en outre que
l'immunité garantie par l'article 46, § 1, 40 de la loi du 10 avril 1971 exonèrele
grutier Janssensde sa responsabilitédans la mesure où celui-ci était préposéde
l'employeurde la victime,sansavoir commisde faute intentionnelle.
L'appelanteréitère en appellesmoyensdéveloppésen instance,estimantque la
faute du grutierrelèvedu non-respect d'une obligationde sécuritédont il avait seulla
maîtrise,et non d'un manquementdans l'exécutionde l'ouvrage; le tribunal aurait
dû apprécierle degréd'indépendancede Mr Janssens,celui-ci variant selonl'obli-
gation analyséedans le cadre des différentesobligations caractérisantla relation
contractuelle;l'appelante soutientdonc la solution d'une responsabilitéalternative
du commettanthabituelou du commettantoccasionnelen fonctionde la naturede la
faute commise,et, en l'espèce,il s'agirait d'une violation d'une directive générale
imposéepar son patron habituel.

Discussion

1. La faute du grutier Janssens

Le jugementdoit être confirmé ence qui concernela faute du grutier; il a violé


l'article 192 b du règlementgénéralrelatif aux installationsélectriquesqui interdit
tout travail effectuéà l'intérieurde la zonedangereuse d'une ligneélectriqueaérienne
à conducteursnus ou assimiléssansautorisationécritepréalabledu gestionnairede
la ligne; en outre le grutier n'a pas respectéles distancesde sécuritéqui lui étaient
imposéesdans le manuel d'instruction, à savoir 6 m de la ligne haute tension;
l'accidentne seraitpas survenuquelle que soit la traction horizontaleexercéepar
JeanGeentjenssurla chaînequi pendaitau crochetde la grue, si cettedistanceavait
été respectée.

2. La déterminationdu commettant:NV AertssensouNV Cevo

L'autorité se défmit par le droit du commettant de donner au préposé des ordres


et des instructions. Elle implique nécessairementque le préposé ait l'obligation de
suivre ces ordres ou cesinstructions dans l'exécution du travail; le commettant doit
agir pour son compte.
Le fait que le préposé ait des qualifications que ne possèdepas son commettant,
n'est cependant pas exclusif de l'article 1384, alinéa 3 du Code civil; le lien de
subordination peut subsistermême si en vertu de sescompétencespropres, le préposé
possède une certaine indépendance dans l'exercice de ses fonctions.
La question qui se pose est de savoir quel est l'élément prédominant dans l'in-
tention des parties: le travail humain ou la disposition de la machine; si dans l'exé-
cution de sa mission, le grutier doit nécessairementconserver une maîtrise telle de sa
machine que son travail doit être considéré comme effectué indépendamment, il y
aura contrat de sous-traitance et non contrat de louage de choses (P. Henry, La
responsabilité du fait d'autrui: commettants, préposés et organes, CUP, 1996,vol. X,
p. 235 et 236).
18 REVUE RÉGIONALE DE DROIT

La location d'une grue avec un grutier est, en l'espèce soumise à la Cour, .un auprès de l'j
contrat de bail de choses et non un contrat de louage d'industrie ou contrat d'en- tensiondan
été déposé
treprise. A bon
La manipulation, le stationnement de la grue et toutes les opérations de levage
relèvent certes de la seule responsabilité du grutier qui doit assurer la sécurité des travail effe(
tiers; la circonstance que la flèche et le câble de la grue se trouvaient dans la zone compétenc
dangereusede 6 mètr~s au départ de la ligne haute tension relève de sa responsabilité La vict
et il lui appartenait, en principe, de refuser de travailler à cet endroit ou de travailler cause des d
de manière différente en réduisant la hauteur de la flèche, quels que soient les ordres vers la lign~
du contremaître de la SA Cevo; dans son travail de grutier, et principalement en ce l'on peut re
qui concerne les obligations relatives à sa propre sécurité et à celle des tiers, l'ouvrier prudence el
travaille normalement en toute indépendance et sans qu'il soit obligé de suivre les que l'opéra
ordres d'un contremaître qui lui indique le travail à effectuer mais n'a pas les qua- victime elle
lifications requises dans un travail qui relève d'une spécialité propre pour laquelle le toute indé{
grutier a reçu une formation spécifique; le danger de travailler à proximité d'une LaSA
ligne haute tension est d'ailleurs parfaitement connu et même inscrit sur la machine
et dans le manuel toujours présent dans la grue; on peut en effet estimer que le 3. lmmunit
grutier a enfreint une directive généraleimposée par son employeur habituel et même' 1971
une obligation générale de sécurité imposée par le règlement général relatif aux
En cas
installations électriques.
Le fait que le grutier ait commis une faute dans l'exécution de son travail l'exécution
n'exclut pas cependant en l'espèce qu'il ait travaillé dans un état de subordination lourde. Il
à l'égard de la NV Cevo, commettant occasionnel; «l'ouvrier qui, sur ordre de son caractère t
employeur, exerce des activités pour un tiers, agit comme préposé de ce dernier et En l'es
non de son employeur, pour autant qu'il exerceces activités sous l'autorité de fait du sécuritésu
tiers, quelle que soit la manière dont il accomplit sa tâche et quelle que soit la nature grutier a 1
de la faute qu'il commet dans l'exécution de sa mission (Cass.,31 octobre 1980,Pas., manipuler
quer un si]
1981, J, 268). par ailleur
En effet, le travail n'avait pas été déterminé à l'avance et la NV Aertssen n'était
pas informée de la nature des travaux à effectuer. L'inspection du travail est d'ail- avait adop
leurs d'avis que ces travaux étaient effectués sous la seule direction de la NV Cevo. Il flèche; l'er
résulte du dossier répressif et de l'enquête menée par le Ministère de l'emploi et du sentiment
travail que la grue avait été mise à dispositiion à l'heure et le grutier travaillait sous la travailler ~
direction et la responsabilité du mandant dans le cadre d'un contrat de location intentionD
d'équipements avec mise à disposition de personnel; en fin de journée un bon de Par ai
travail précisant le nombre d'heures prestées,devait être signé par le client, ainsi que la loi du
le précisent les conditions générales de la NV Aertssen. Ces conditions générales, permettai1
acceptées par la NV Cevo, stipulent par ailleurs que la responsabilité de la NV intention!1
Aertssen cessedès que les travaux sont réalisés sous la direction du cocontractant tionnel.
(art. 15 de la pièce 9 du dossier de l'intimée); nulle part il n'y est fait état de travail de De pl
énonce qt
sous-traitance en régie.
Il ne fait en outre aucun doute que le contremaître Geentjens prenait une part justice pel
active dans l'opération de levage en empoignant lui-même les câbles pour attacher les victime 01
tôles qui devaient être levéesjusqu'au toit; il ne fait pas de doute non plus qu'il avait mandatai
pleine connaissance des risques que présentait le chantier, ayant déjà effectué des l'accident
travaux auprès d'une ligne à haute tension dans le cadre d'un autre chantier; il est responsat
également établi qu'il a été formé par son entreprise en ce qui concerne les dangers Il n'e
électriques en cas de travail avec grue, qu'il n'a pas sollicité d'autorisation écrite de l'articl
~DROIT JURISPRUDENCE 19

~our,un auprèsde l'organismecompétentafin d'effectuerdestravauxprèsd'une ligneà haute


at d'en- tensiondansla zonedangereuse, et il ressortdu dossierrépressifque l'endroit où ont
été déposéesles tôles l'a été soussa responsabilité.
e levage A bon droit le premierjuge a donc considéréque la consciencedu dangerdu
lrité des travail effectuétrop près d'une ligne à haute tensionne ressortaitpas de la seule
la zone compétencedu grutier mais bien de cellede tout hommede métier.
lsabilité La victime avait bien la directiondes travaux et a travaillé en connaissance de
ravailler causedesdangersspécifiques,prenantelle-mêmela responsabilitéde tirer les câbles
s ordres versla lignehaute tensionce qui a provoquél'arc électriquequi lui fut fatal; mêmesi
nt ence l'on peut reprocherà l'intimé Janssens un manquementà une obligationgénéralede
'ouvrier prudenceet donc à une directivede son employeurhabituel, il n'en restepas moins
livre les que l'opération de levagequi fut fatale a été enconnaissance de causedirigée par la
les qua- victime elle-même,sansqu'on puissedèslors en déduireque le grutier travaillait en
:}uellele toute indépendance.
:é d'une La SA Cevo apparaîtbien être le commettantoccasionneldansle casd'espèce.
nachine
: que le 3. Immunité des articles 18 de la loi du 3 juillet 1978 et 46, § 1er,40 de la loi du 10 avril
~tmême 1971
rtif aux
En cas de dommage causé par le travailleur à l'employeur ou à des tiers dans
travail l'exécution de son contrat, le travailleur ne répond que de son dol et de sa faute
lination lourde. Il ne répond de sa faute légère que si celle-ci présente dans son chef un
: de son caractère habituel plutôt qu'accidentel (art. 18 de la loi du 3 juillet 1978).
:mier et En l'espèce, si l'on peut considérer que le fait de ne pas respecterune distance de
~ fait du sécurité suffisante est fautif, il n'existe cependant ni dol, ni faute lourde; en effet, le
l nature grutier a travaillé à partir d'une situation acquise, à savoir le dépôt des tôles à
~o,Pas., manipuler près de la ligne haute tension, sans intention, bien évidemment de provo-
quer un sinistre électrique; l'enquête du Ministère de l'emploi et du travail démontre
1 n'était par ailleurs que le déplacement des tôles aurait pu s'effectuer sans risque si le grutier
st d'ail- avait adopté une autre manière de procéder, notamment en réduisant la hauteur de la
Cevo.Il flèche; l'erreur d'appréciation du risque encouru et l'étroitesse de manœuvre, outre le
oi et du sentiment que le contremaître avait peut-être reçu les autorisations nécessairespour
tsous la travailler de la sorte, ne sont pas constitutifs de faute lourde assimilable à un fait
.ocation intentionnel.
bon de Par ailleurs, l'intimé bénéficie de l'immunité garantie par l'article 46, § 1er,40 de
insi que la loi du 10 avril 1971 qui dans sa mouture applicable au moment du sinistre,
permettait le recours contre l'employeur, le mandataire ou le préposé ayant causé
nérales,
.la NV intentionnellement l'accident; il a déjà été dit que l'accident n'était nullement inten-
tractant tionnel.
availde De plus l'article 46 modifié par les lois du 25 janvier 1999 et 24 décembre 1999
énonce que «indépendamment des droits découlant de la présente loi, une action en
justice peut être intentée, conformément aux règles de la responsabilité civile par la
me part
victime ou ses ayants droit: ...40 contre les personnes autres que l'employeur, ses
Lcherles
mandataires ou préposés, qui sont responsablesde l'accident»; étant au moment de
.'il avait
l'accident le préposé de la NV Cevo, l'intimé Janssens se voit exonéré de toute
:tué des
:r; il est responsabilité.
Il n'est pas besoin de poser à la Cour d'arbitrage la question de la compatibilité
dangers de l'article 46, § 1erde la loi du 10 avril 1971 avec les articles 10 et Il de la Consti-
n écrite

'c_"c'-'" _!~r,"p

'!1'
~
~
20 REVUE RÉGIONALE DE DROIT

tution, à laquelleil a déjà été répondupar décisiondu 1ermars 2001(C.A., 1ermars l'article ~
2001,J.L.M.B., 2001,p. 774); hormis à l'égard des ayants droit de la victime qui agir cont
n'appartiennentpas à une descatégoriesprévuespar la loi du 10 avril 1971,l'em- est deveI1
ployeurde la victime,sesmandatairesou préposésconserventle bénéficede l'immu- Que
nité; or, l'appelantene soutientpas que les indemnitéslégalesauraientété verséesà qu'elle ju
de tels ayantsdroit; que la questionn'apparaîtpas pertinente. Vo Cauti,
lui-même
PAR CES MOTIFS, AUel
teur prin
(dispositifconforme aux motifs). contre le
conserva1
(Civ. Sai!
AUeI
acquis qt
Cour d'appel de Liège ment qu'
demeure
28 octobre 2003
cipaux q
restant d
mandée (
Sièg.:M. de Francquen,prés.; M. Ligot et Mme Jacquemin,cons. Que
Plaid.: Me Defrance. 2003 por
causen'e
AUer
(Chronis -Poncelet)
cier, il re~
CAUTIONS -Prêt à tempérament -Requête en saisie conservatoire débiteurs
immobilière -Conditions -CELERITE -Exigibilité de la dette - Quel
URGENCE -Organisation de l'insolvabilité des débiteurs. toires alo
bitation ~
En vertu de l'article 2032 du Code civil, même avant d'avoir payé, la caution peut renvoi au
agir contre le débiteur dès l'exigibilité de la dette et en l'absence de poursuite du du notair
créancier. ment d'al
Il y a urgenceà prendre desmesuresconservatoires,lorsqueles débiteurs cherchent seràun~
à vendre leur immeuble d'habitation et à se rendre aussi insolvables. Que
bonne fiI1
LA COUR, tenus de
débiteurs

PARCE:
Attendu que si aux termes d'une longue motivation relative à la condition de
célérité inscrite dans l'article 1413 du Code judiciaire, le premier juge avait déjà le
4 février 2003 rejeté la demande d'autorisation sollicitée par les appelants, l'ordon-
nance entreprise ne rencontre ni en fait ni en droit les éléments invoqués par ceux qui
se présentent comme les créanciers de débiteurs sur le point de vendre leur propre
immeuble d'habitation; qu'au surplus, elle retient, comme la décision précédente
d'ailleurs que les requérants ne sont titulaires d'aucune créance parce qu'ils n'ont
encore rien payé à la SA Credior vis-à-vis de laquelle ils sont cautions solidaires des
engagementsdes consorts Liotta-Pauluis;
Attendu que cette dernière considération doit être redresséedans la mesure où

Vous aimerez peut-être aussi