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Pour préparer la conclusion de ces contrats futurs, les parties ont recours à la technique du
« contrat-cadre », présenté comme le « contrat visant à définir les principales règles
auxquelles seront soumis des accords à traiter rapidement dans le futur, « contrats
d’application » ou « contrats d’exécution » auxquels de simples bons de commande ou
ordres de service, … fourniront, éventuellement, leur support» (J. M. MOUSSERON,
Technique contractuelle, 2e éd., 1999, F. Lefebvre, n°159).
L'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du
régime général et de la preuve des obligations a consacré une définition au contrat-cadre à
l’article 1111 du Code civil : « Le contrat cadre est un accord par lequel les parties
conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures. Des
contrats d'application en précisent les modalités d'exécution ».
Nous aborderons rapidement dans les développements qui suivent les règles relatives à la
formation puis à l’exécution des contrats de distribution conclus entre les fournisseurs et la
grande distribution, de manière à pouvoir nous consacrer plus amplement au problème de
l’extinction du contrat, source d’un important contentieux judiciaire en pratique.
Comme tout contrat, l’accord de distribution doit respecter les conditions générales de
validité des conventions posées le Code civil. Sensible, la question de la détermination du
prix des contrats d’application a donné lieu à de multiples évolutions de son traitement en
jurisprudence avant sa fixation en 1995, après un revirement total. Bien qu’elle ne fasse pas
l’objet de dispositions particulières, la forme du contrat de distribution, est, de manière
indirecte, suggérée par le législateur.
Cette obligation est désormais prévue par l’article L. 330-3 du Code de commerce selon
lequel : « toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial,
une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-
exclusivité pour l'exercice de son activité est tenue, préalablement à la signature de tout
contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un
document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance
de cause ». Pour permettre au candidat de mûrir son consentement, ce document et le projet
de contrat doivent être communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat -
même lorsqu’il a été prévu qu’il prendrait effet à une date antérieure (Cass. com. 17 juill.
2001, n° 98-19.258, D. 2001. AJ. 2674, obs. E. Chevrier ; Contrats, conc., consom. 2002,
comm. 2, obs. L. Leveneur) - ou, le cas échéant, avant le versement de la somme qui serait
exigée de lui préalablement à la signature du contrat, notamment en contrepartie de la
réservation d’une zone. Les prestations assurées en contrepartie de cette somme doivent,
d’ailleurs, être précisées par écrit de même que les obligations des parties en cas de dédit
(V. C. com., art. L. 330-3 al. 3 et 4).
Le contenu du document visé au premier alinéa de l’article L. 330-3 a été fixé par un
inventaire minutieux publié par décret n°91-337 du 4 avril 1991 (D. 1991. 202, rect. 224) et
désormais codifié à l’article R. 330-1 du Code de commerce. Doivent être fournies des
informations relatives : - au fournisseur (identité du chef d’entreprise ou des dirigeants, forme
juridique, capital social, date de création de l’entreprise avec rappel des principales étapes
de son évolution, comptes annuels des deux derniers exercices, date et numéro
d'enregistrement ou du dépôt de la marque, etc.) ; - au réseau d’exploitants (présentation du
réseau avec la liste des entreprises membres et pour chacune d’elles l’indication du mode
d’exploitation convenu, adresse de celles établies en France et liées par des contrats de
même nature que celui dont la conclusion est envisagée, nombre d’entre-elles ayant quitté le
réseau au cours de l’année précédant la délivrance du document, etc.) ; - au marché
(présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet
du contrat et les perspectives de développement de ce marché) ; - au contrat proposé
(durée, conditions de renouvellement, de résiliation et cession, champ des exclusivités,
nature et montant des dépenses spécifiques à l’enseigne ou à la marque que le candidat
devra engager avant le commencement d’exploitation).
L’obligation d’informer a pour domaine les contrats conclus « dans l’intérêt commun des
deux parties » où l’une « met à la disposition (de l’autre) un nom commercial, une marque ou
une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour
l'exercice de son activité ». Réalisée par voie d’amendement, la référence à l’intérêt
commun, à la différence du mandat (V. supra, n°), n’emporte aucun régime particulier de
protection en cas de rupture de la convention soumise à l’exigence de l’information préalable
(V. L. et J. Vogel, Loi Doubin : des certitudes et des doutes, D. Affaires 1995, n°11 p. 6 ;
Cass. com. 7 oct. 1997, préc. supra, n°. V. En faveur d’un renforcement de l’obligation de
bonne foi des parties et de l’obligation pour l’auteur de la résiliation de motiver sa décision :
F. COLLART DUTILLEUL et Ph. DELEBECQUE, op. cit., n°929 ; G. VIRASSAMY, article
préc., n°38). Elle ne vise, selon le rapporteur de la loi, qu’à rappeler aux contractants que
leurs relations sont fondées sur une véritable collaboration économique, et non un rapport de
subordination (JOAN CR 8 déc. 1989, p. 6247). La mise à disposition – quelle qu’en soit la
technique juridique d’un nom commercial, d’une marque ou une enseigne en contrepartie
d’un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité d’activité, condition nécessaire pour
l’application du texte, intéresse, au premier plan, les contrats de concession et de franchise
dans la mesure où ils mettent souvent à la charge du distributeur une obligation
d’approvisionnement exclusif. Mais l’obligation d’informer ne se limite pas à la conclusion de
tels accords. Elle doit être respectée dès que les conditions du texte sont satisfaites (V., en
matière de location-gérance : Cass. com. 10 févr. 1998, préc. infra, n° ; CA Montpellier 2 avr.
1998, Lettre de la distribution 1998/4 ; CA Paris 18 mai 2000, Cah. dr. entr. 2000/4, p. 18,
obs. Ph. Grignon). L’appréciation de la « quasi-exclusivité d’activité », condition partagée par
la loi du 21 mars 1941 (V. supra, n°), devrait appeler les mêmes solutions, savoir le seuil de
plus des deux tiers du chiffre d’affaires réalisé par le distributeur avec le débiteur de
l’obligation d’information (V. D. FERRIER, op. cit., n°564 Adde Cass. com. 19 oct. 1999, n°
97-14.367, D. 2001, somm. 296, obs. D. Ferrier).
La durée du contrat de distribution, en principe, est libre. Les parties peuvent donc convenir
que leur convention aura une durée déterminée, éventuellement renouvelable, ou, à
l'inverse, une durée indéterminée. Certaines règles apportent cependant à cette liberté
quelques restrictions. Ainsi, l'engagement d'exclusivité exigé du distributeur dans certains
accords de distribution fait l'objet d'une limitation de durée par l'article L. 330-1 du code de
commerce. Selon ce texte :
Mais c'est surtout par le dispositif de l'article L. 341-1 du code de commerce, créé
par la loi « Macron » du 6 août 2015 (V. D. FERRIER, JCP 2015, supplément au no 44, p. 9 ;
CCC 2015, comm. 256, note M. Malaurie-Vignal ; M.-E. PANCRAZI, Nouveautés dans le
secteur de la distribution [articles 31 à 34], JCP E 2015. 1405) et applicable à compter du
6 août 2016, que la durée des contrats de distribution connaîtra le plus fort encadrement.
Imposant une « échéance commune » pour l'ensemble des contrats conclus entre les
mêmes parties au sein d'un même réseau de distribution dès lors qu'ils abritent « des
clauses susceptibles de limiter la liberté d'exercice par l'exploitant de son activité
commerciale, l'objectif est de favoriser la sortie du distributeur du réseau, que rendaient bien
dissuasive certaines clauses usuelles, particulièrement stigmatisées dans le secteur de la
"grande distribution" » (Aut. conc., avis no 10-A-26 du 7 déc. 2010 « relatif aux contrats
d'affiliation de magasins indépendants et aux modalités d'acquisition du foncier commercial
dans le secteur de la distribution alimentaire »). Parachevant ce dispositif, le second alinéa
de l'article L. 341-1 emporte une indivisibilité des conventions liant les partenaires en
édictant que la résiliation d'un de ces contrats vaut résiliation de l'ensemble des contrats.
Seront succinctement évoquées les obligations pesant sur le fournisseur puis sur le
distributeur.
Obligations du fournisseur
Obligations du distributeur
Le contrat met parfois à la charge des distributeurs tant des obligations relatives à l’achat,
qu’à la revente des produits.
Mise à part l’obligation évidente de payer le prix des marchandises vendues par le
fournisseur, le contrat peut prévoir en amont l’obligation pour le distributeur d’acheter chaque
année au fournisseur pour une valeur ou un volume minimal de produits (clause de minima)
ou encore pour un certain pourcentage de son chiffre d’affaires (clause de quotas). Valables
du moment que les objectifs sont raisonnables (Cass. com. 13 mai 1997, n° 95-14.035,
décision disponible sur le site Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/ ) et fixés de manière
objective (Cass. com., 7 déc. 1993, n° 91-21.711, décision disponible sur le site Légifrance :
http://www.legifrance.gouv.fr/), ces clauses sont analysées le plus souvent comme instituant
à la charge du distributeur une obligation de moyens, c’est à dire l’obligation pour ce dernier
de faire son possible pour atteindre l’objectif fixé. La non satisfaction de l’objectif n’engagera
alors la responsabilité du distributeur que dans l’hypothèse où il n’a pas mis en œuvre tous
les moyens nécessaires pour tenter de parvenir à l’objectif.
Seront considérés les causes puis les effets de l’extinction du contrat de distribution.
Causes d’extinction
Les causes d’extinction du contrat de distribution avec le fourniseur sont celles, classiques,
de tout contrat. Les plus fréquentes sont la résiliation d’un contrat à durée indéterminée ou
l’arrivée du terme lorsquele contrat est à durée déterminée.
L’exercice du droit pour chaque partie de mettre fin à la relation suppose cependant
l’observation de conditions.
Droit de rupture
Lorsque le contrat de distribution est à durée indéterminée, chaque partie dispose du droit de
résilier unilatéralement la convention.
La décision de résiliation ou de non-renouvellement n’a pas à être motivée (V. Cass. com. 5
oct. 1993, n° 91-10.408, 4 janv. et 5 avr. 1994, n° 91-18.170 et n° 92.17.278, Cass com.
25 avr. 2001, no 98-22.199 : décisions disponibles sur le site Légifrance :
http://www.legifrance.gouv.fr/).
Destinée à permettre au cocontractant qui n'a pas pris l'initiative de la rupture de la relation
contractuelle de faire face aux conséquences économiques et financières de celle-ci en
organisant sa reconversion, l’obligation de respecter un préavis préalablement à la prise
d’effet de la résiliation a été consacrée et étendue dans l’article 36 de l’ordonnance du 1 er
décembre 1986 par la loi n°96-588 du 1er juillet 1996 relative à la loyauté et l’équilibre des
relations commerciales (dite loi « Galland »). A l’origine adopté pour lutter contre le
déréférencement abusif de fournisseurs par la grande distribution, la généralité des termes
employés dans la rédaction dote le texte d’un très large domaine d’application.
Après sa codification puis sa modification par la loi NRE du 15 mai 2001 sur les nouvelles
régulations économiques, la règle était édictée par l’article L. 442-6, I, 5° du Code de
commerce selon lequel :
La modification la plus remarquable réside dans l’instauration d’un préavis de 18 mois qui,
dès lors qu’il a été respecté, empêche d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture
sur le fondement de la rupture brutale de relation commerciale établie.
Attention toutefois : Ce délai ne doit cependant pas être considéré comme un plafond
puisqu’une entreprise qui aurait, dans le cadre d’une rupture, accordé à une autre un délai
de préavis de 12 mois au lieu de 24 mois, pourrait se voir condamnée à payer une indemnité
équivalant à 12 mois.
Ainsi, le seul moyen dont dispose l’auteur de la rupture pour être certain de ne pas
engager sa responsabilité au titre de la rupture brutale de relations commerciales
établies en cas de risque de préavis supérieur à 18 mois est d’octroyer un délai de
préavis de 18 mois, quand bien même il aurait pu être condamné à octroyer un délai
de préavis inférieur dans le cadre d’une procédure contentieuse.
Ne fait plus de doute depuis longtemps maintenant la solution que le domaine de l’obligation
de respecter un préavis s’étende désormais au non-renouvellement de contrats à durée
déterminée, le texte ne distinguant pas selon la durée des conventions.
- Totale ou partielle, la notification de résiliation ou de non-renouvellement du contrat de
distribution imposera, en premier lieu, une notification par écrit au cocontractant sous peine
d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture. La condition répond à une exigence de
preuve, nécessaire pour apprécier le point de départ du préavis et le caractère raisonnable
de sa durée.
- Se pose, en second lieu, le problème - majeur - de l’appréciation de la durée de préavis
devant être observée. Le critère de la « durée de la relation commerciale » retenu par le
texte conduit à déterminer la durée du préavis, au cas par cas, en fonction de l’ancienneté
des relations des parties : le délai de prévenance de six mois, cependant, est généralement
considéré en jurisprudence comme « suffisant » (V. Cass. com. 8 janv. 2002, n° 98-13.142,
décision disponible sur le site Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/) sauf longue
ancienneté des relations (CA Paris 8 déc. 1994 : délai de préavis de six mois jugé
déraisonnable pour un contrat de concession ayant duré 21 ans ; CA Bordeaux 11 juin
1996 : délai de préavis de neuf mois jugé insuffisant pour un contrat de distribution exclusive
ayant duré 35 ans ; CA Paris 30 janv. 1998 : délai de préavis de six mois jugé déraisonnable
pour un contrat de concession ayant duré 25 ans ; CA Rouen 3 nov. 1998 : un préavis d’un
an aurait du être respecté pour une ancienneté de onze années ; CA Douai 5 déc. 2002 : un
préavis d’un an et non de huit mois aurait du être respecté pour une ancienneté de vingt-cinq
ans).
Compte tenu du critère de l’ancienneté des relations désormais retenu jusqu’en 2019, les
références judiciaires faites, avant la modification apportée au texte par la loi du 15 mai
2001, à la notoriété des produits, l’importance du volume d’affaires échangé, l’état de
dépendance économique de la « victime » par rapport à l’auteur de la rupture, ou
des investissements par elle effectués au profit de ce dernier, n’auraient plus du, a priori,
être considérées pour l’appréciation du délai de préavis. L’on constate cependant qu’il n’en
est rien (Cf. rapport d’activité 2020 de la Commission d’examen des pratiques commerciales
– téléchargeable sur le site internet de la Commission d’examen des pratiques commerciales
-, https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cepc/etude/Bilan-des-
decisions-judiciaires-31-12-2020.pdf page 237 et suivantes, où la Cour d’appel de Paris
prend régulièrement en compte la situation de dépendance). La réforme intervenue en 2019
en a tenu compte puisque désormais le texte dispose que le préavis doit tenir compte
« notamment de la durée de la relation commerciale ». Est donc consacrée la jurisprudence
consistant à prendre en compte d'autres circonstances que la seule durée de la relation pour
apprécier le préavis raisonnable (ce qui permettra notamment de tenir compte in concreto du
fait qu'il s'agit de produits « marques de distributeurs » [MDD], alors que le doublement
systématique du préavis prévu par l'ancien texte a disparu).
En toute hypothèse, la durée de préavis ne saurait être inférieure, selon l’article L. 442-1, II
« aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels », qui constitue par
conséquent le seuil minimal.
L’inobservation d’un préavis écrit tenant compte notamment de l’ancienneté des relations
présume la faute de son auteur et engage sa responsabilité civile, ce même s’il a respecté la
durée de préavis prévue au contrat (V. Cass. com. 6 mai 2002, décision disponible sur le site
Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/).
La loi a toutefois prévu deux exceptions - classiques - à l’obligation de respecter un préavis,
l’article L. 442-1 II, disposant que l’exigence ne fait « pas obstacle à la faculté de résiliation
sans préavis en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force
majeure ». Il appartiendra donc à l’auteur de la rupture pour s’exonérer de sa responsabilité
de rapporter la preuve de l’existence de l’un de ces deux faits justificatifs, précision faite que
l’inexécution du cocontractant devra porter sur une obligation essentielle du contrat. A défaut
de rapporter cette preuve, de même qu’en cas de préavis insuffisant, l’auteur de la rupture
s’expose à une condamnation à des dommages et intérêts pour rupture brutale.
Effets de l’extinction
L’extinction du contrat de distribution donne souvent lieu, entre les parties, à des restitutions.
Elle pose également la question du paiement d'éventuelles indemnités liées à la rupture.
Restitutions
Quelle qu'en soit la cause, l’extinction de la relation contractuelle emporte pour le distributeur
l’obligation de restituer le matériel, l'enseigne et les documents remis par le fournisseur au
titre d'un contrat de dépôt ou de prêt.
Paiement d’indemnités
La non-satisfaction de l’exigence posée par l’article L. 442-6, I, 5° (V. supra) oblige son
auteur à réparer le préjudice occasionné à la victime en raison du caractère brutal de la
résiliation ou du non-renouvellement de la convention. Souverainement appréciée par les
juges du fond, l'évaluation du préjudice est la plupart du temps fixée à la marge brute que le
cocontractant subissant la rupture aurait réalisée pendant la durée de préavis qui aurait dû
être observée (V. Cass. com. 27 oct. 1998, décision disponible sur le site Légifrance :
http://www.legifrance.gouv.fr/) mais plusieurs facteurs, notamment l'état de dépendance
économique de la victime en cas de rupture brutale d'une relation commerciale établie, sont
de nature à justifier des écarts à la base précédente.
Un arrêt du 9 octobre 2007 (pourvoi n°05-14118, décision disponible sur le site Légifrance :
http://www.legifrance.gouv.fr/) de la Cour de cassation a reconnu, en dépit d’une
jurisprudence jusqu’alors hostile de cette même juridiction, le droit pour un franchisé astreint
à une clause de non-concurrence post-contractuelle à une indemnité pour perte de clientèle.
Le fondement juridique de cette solution jusqu’à présent isolée – l’article 1371 du Code civil
sur les quasi-contrats – suscite en doctrine perplexité. Faut-il voir en effet dans cette
décision une application de l’action en enrichissement sans cause ? De la gestion
d’affaires ? La question était posée en raison du silence gardé par la Cour sur ce point.
Mais la chambre commerciale de la Cour de cassation (étant précisé qu’un nouveau
Président est entré en fonctions dans cette chambre en début d’année 2012) est revenue
récemment sur sa solution en opérant un changement radical puisque dans sa décision du
23 octobre 2012, statuant dans le même litige (sur pourvoi formé par la société ETE (plus
exactement son liquidateur) contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 16
septembre 2009 lequel intervenait suite à la décision de cassation du 9 octobre 2007), elle
décidait de rejeter le pourvoi de la société ETE aux motifs que « les règles gouvernant
l’enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées dès lors que l’appauvrissement et
l’enrichissement allégués trouvent leur cause dans l’exécution ou la cessation de la
convention conclue entre les parties ». La messe est dite : la perte de clientèle subie par l’ex-
franchisé en raison de l’application d’une clause de non-concurrence post-contractuelle ne
peut être indemnisée, du moins sur le fondement des quasi-contrats, et plus exactement de
l’enrichissement sans cause puisque la Cour de cassation, dans ce second arrêt, y fait
désormais référence de manière expresse.
(Cass. com. 9 octobre 2007)
Non-concurrence post-contractuelle
Afin d'éviter qu’après la rupture des relations contractuelles, le diffuseur prospecte désormais
la clientèle pour un concurrent ou crée une entreprise concurrente, que le concessionnaire
ou le franchisé exerce une activité concurrente ou s'affilie à un réseau concurrent, les
contrats de distribution contiennent fréquemment des clauses de non-concurrence
postcontractuelle ou des clauses de non-affiliation (V. E. GASTINEL, Les effets juridiques de
la cessation des relations contractuelles - obligation de non-concurrence et de confidentialité
in La cessation des relations contractuelles d'affaires, op. cit., p. 197).
Lorsque l’accord de distribution n’est pas soumis au droit du travail, la validité de l’interdiction
de concurrence n’impose par le versement d’une contrepartie financière, même si l’on a
souligné que l’interdiction aboutit pour le franchisé ou le concessionnaire à une
dépossession de la clientèle attachée à son fonds (V. D. FERRIER, Appartenance de la
clientèle et clause de non-concurrence, Cah. dr. entr. 1983/1, p. 21 ; Ph. le TOURNEAU, Les
contrats de franchisage, op. cit., n°807 ; H. BENSOUSSAN, La « clientèle au franchisé »,
facteur d’illégitimité de la clause de non-rétablissement, D. 2001, chron. 2498). Pour être
licite, l’interdiction doit être convenue entre les parties, justifiée par l’intérêt légitime de celle
qui en sera créancière, limitée dans le temps et/ou l’espace, ainsi que quant à l’activité
interdite. Elle ne doit pas, enfin, être disproportionnée au regard de l’objet du contrat (V.
Cass. com. 4 janv. 1994, n° 92-14.121, D. 1995. 205, note Y. Serra ; 14 nov. 1995, n° 93-
16.299, D. 1997, somm. 59, obs. D. Ferrier ; 22 févr. 2000, Contrats, conc., consom. 2000,
comm. 92, obs. L. Leveneur et comm. 99, obs. S. Poillot-Peruzzetto ; 12 mars 2002, n° 99-
14.762, D. 2003, somm. 903, obs. Dorandeu ; 9 juill. 2002, n° 00-18.311, D. 2003, somm.
902, obs. Auguet ; Contrats, conc., consom. 2003, comm. 5, note M. Malaurie-Vignal ; Cass.
com. 1er juill. 2003 (5 arrêts), n° 02-11.381, 02-11.382, 02-11.383, 02-11.384, 01-17.766,
Lettre de la distribution 2003/10, p. 2), condition également retenue en droit de la
concurrence (V. Décis. Cons. conc. n° 96-D-36 du 28 mai 1996, préc. supra, n° ; Décis.
Cons. conc. n°97-D-48 et n°97-D-51, 18 et 24 juin 1997, D. 1998, somm. 223, obs. Y. Serra).
Des dispositions particulières réglementent cependant les clauses de non-concurrence
insérées dans certains contrats de distribution : - ainsi, en matière d’agence commerciale,
l’interdiction doit être stipulée par écrit, n’est valable que pour une durée maximale de deux
ans et doit concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes
confiés à l’agent ainsi que le type de biens ou services pour lesquels la représentation est
exercée (C. com., art. L. 134-14) ; la jurisprudence ajoute à ces conditions celles que
l’interdiction soit nécessaire à la protection des intérêts du mandant et qu’elle n’empêche pas
l’agent d’exercer toute activité professionnelle (Cass. com. 4 juin 2002, n° 00-14.688, Bull.
civ. IV, n°98 ; D. 2002. AJ. 2328, obs. E. Chevrier) ; - en droit communautaire, le règlement
n°330/2010 exempte l’interdiction de concurrence si plusieurs conditions sont respectées :
l’engagement de non-concurrence devra concerner « des biens ou des services qui sont en
concurrence avec les biens ou services contractuels », être « limité aux locaux et aux,
terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat », « être
indispensable à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur » (V.
sur la définition du savoir-faire, supra, n°), la durée de l’obligation de non-concurrence
devant en outre être « limitée à un an à compter de l'expiration de l'accord » (Règl. 2010, art.
5§1, point b, et 5§3 ; Lignes direct., pt 68. V. pour une application Décis. Cons. conc. n°
00-D-82 du 26 févr. 2001, BOCC 30 mars ; Rec. Lamy, n°846, comm. D. Gaffuri. V., sous
l’empire du règlement d’exemption 4087/88/CE du 30 nov. 1988 sur les accords de
franchise, pour une réduction judiciaire à un an de la durée d’une clause de non-
concurrence, CA Paris 26 juin 1997, D. Affaires 1997. 1185). - S'inspirant largement de ces
mêmes conditions communautaires d'exemption en les érigeant désormais en conditions de
validité, l'article L. 341-2, II du code de commerce, issu de la loi « Macron » n°2015-990 du
6 août 2015, apporte exception au principe d'interdiction des clauses de non-concurrence et
de non-réaffiliation édicté par l'article. L. 341-2-I dans les contrats de distribution de
revendeurs (F. BUY, Loi « Macron » : focus sur les clauses restrictives d'après-contrat,
D. 2015. 1902 ; JCP E 2016. 1021, spéc. no 10, obs. R. Loir ; JCP 2015, suppl. no 44,
p. 9, D. Ferrier ; CCC 2015. Comm. 256, note M. Malaurie-Vignal ; M.-E. PANCRAZI,
Nouveautés dans le secteur de la distribution [articles 31 à 34], JCP E 2015. 1405. Le texte
dispose en effet :
« I.-Toute clause ayant pour effet, après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats
mentionnés à l'article L. 341-1, de restreindre la liberté d'exercice de l'activité
commerciale de l'exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non
écrite.
II.-Ne sont pas soumises au I du présent article les clauses dont la personne qui s'en
prévaut démontre qu'elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux qui font l'objet du
contrat mentionné au I ;
2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l'exploitant exerce son
activité pendant la durée du contrat mentionné au I ;
4° Leur durée n'excède pas un an après l'échéance ou la résiliation d'un des contrats
mentionnés à l'article L. 341-1 ».
On a cependant justement objecté contre cette distinction que les effets de la clause de non-
affiliation pouvaient être aussi contraignants pour le distributeur qu'une clause de non-
concurrence (E.P., obs. préc.). Tel sera le cas lorsque la poursuite de l'exercice de l'activité
est impossible sans affiliation à un réseau, comme dans la grande distribution alimentaire
(V. Aut. conc., avis, no 10-A-26 du 7 déc. 2010, D. 2011. Pan. 544, obs. D. Ferrier ; JCP
2011. 177, note N. Dissaux ; JCP E 2010, no 678, obs. N. Raud et G. Notté ; CCC 2011.
Étude 3, par M. Malaurie-Vignal ; position rééditée par Aut. conc. no 11-D-03, Dalloz
actualité, 1er mars 2011, obs. E. Chevrier ; CCC 2011, no 92, obs. M. Malaurie-Vignal ; JCP E
2011. 1482, spéc. no 15, obs. Ph. Grignon ; RLC avr.-juin 2011. 39, obs. V. Sélinsky ; V. par
ex. Paris, 6 mars 2013, CCC 2013, comm. 113, obs. M. Malaurie-Vignal. – Com. 18 déc.
2012, no 11-27.068 , CCC 2013, comm. 53, obs. M. Malaurie-Vignal). En toute hypothèse,
par application de l'article L. 341-2, II du code de commerce (préc. supra), leur régime
connaîtra, mais désormais légalement, les mêmes conditions de validité que celles des
clauses de non-concurrence.