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TADE GRÂCE

L’exclusivité, qui peut se traduire à la fois comme étant une clause d’exclusivité au sein d’un contrat
de distribution, voire comme un contrat de d’approvisionnement exclusif, suscite de vifs débats doctrinaux
et jurisprudentielles depuis la fin du XXe siècle. Les enjeux et les dérives entourant ce sujet contribuent
ainsi à alimenter les débats. Le sujet qui nous est donc présenté ici évoque donc les contours et les détours
de cette exclusivité. Avant toute chose, il convient de définir ce qu’est l’exclusivité. Cette dernière peut se
définir comme étant le caractère exclusif de quelque chose, le droit exclusif de vendre, de produire un
produit, ou encore de publier un article dans le cadre du journalisme. Ainsi, cette qualification de quelque
chose qui n’est pas commun se retrouve dans les contrats de concession, de franchise ou encore de
distribution. On peut distinguer diverses clauses d’exclusivité : approvisionnement, fourniture, marque,
territoriale, et multimarquisme. Respectivement, la première correspond à une clause d’approvisionnement
exclusif du franchisé aux producteurs visés dans le contrat voire seulement auprès de la tête de réseau. Par
cette clause, la liberté commerciale se trouve limitée. Le franchisé ne peut alors que vendre les produits des
producteurs définis au contrat. La deuxième clause d’exclusivité correspond quant à elle au fait que le
producteur/fournisseur s’engage à ne fournir que tel vendeur/commerçant déterminé. Dans ce cas, la vente
n’est exclusive qu’au vendeur. Cela limite également la liberté commerciale du fournisseur. La troisième
clause, la clause d’exclusivité de marque, peut se définir comme étant une clause dans laquelle
distributeur/revendeur s’engage à ne vendre que les produits de la marque du fournisseur/fabricant.
L’exclusivité territoriale peut quant à elle correspondre l’attribution à un revendeur/distributeur de marque
d’un secteur géographique déterminé. Cela implique donc une interdiction de vente active dans un secteur
géographique qui ne lui est pas concédé. En contrepartie, la tête de réseau doit par ailleurs s’engager à ne
fournir que ce distributeur car il s’est engagé à approvisionner exclusivement dans la zone commerciale
consentie. Enfin, le multimarquisme provient du droit européen. Principalement dans le secteur automobile,
cela correspond au fait que certains concessionnaires vendraient différentes marques (comme Peugeot et
Citroën). Ainsi, selon un règlement d’exemption, la gestion devait être distincte entre les deux marques, une
comptabilité distincte et des logos distincts. On peut ainsi évoquer les contours de cette exclusivité dessinés
par la loi ainsi que la jurisprudence, mais aussi les détours réalisés par les entreprises au sein de ces contrats.
Les contours peuvent d’abord se définir comme étant le pourtour, la limite extérieure d’un objet. Cela permet
donc de poser une représentation linéaire externe de quelque chose, en l’espèce, l’exclusivité. Ce détours
peuvent eux se définir comme étant une sorte de biais, de moyen adroit, de ruse ou encore de subtilité pour
éluder quelque chose, pour venir à bout de ce que l’on souhaite faire. Ces moyens indirects de faire, de dire
ou d’éluder quelque chose permettent alors de dériver des contours de l’exclusivité. Ainsi, ce sujet présente
plusieurs intérêts. Tout d’abord, on peut avancer le fait que la jurisprudence de la Cour de cassation ainsi
que les divers législateurs essaye de combattre les détours réalisés par les entreprises pour ainsi essayer de
poser les bases d’un contrat qui serait principalement à leur avantage, ce qui peut parfois entraîner un état
de dépendance économique du distributeur vis à vis de la tête de réseau. Afin d’éviter de type de situation,
la Cour de cassation par des arrêts de principe ainsi que le législateur par la loi dessinent les contours de ce
à quoi doit correspondre l’exclusivité, qu’elle soit en tant que clause contractuelle, ou alors en tant que
contrat même. Plusieurs questions peuvent donc surgir relatives aux enjeux entourant l’exclusivité. Une
retiendra particulièrement notre attention, qu’est la suivante : dans quelle mesure les restrictions
conventionnelles percement de dessiner les contours de l’exclusivité dans le contrat de distribution ? Pour
se faire, nous étudierons au préalable les principes indispensables permettant de dessiner le pourtour de
l’exclusivité dans le contrat de distribution (I), secondement nous nous pencherons sur les enjeux entourant
la rupture brutale du contrat d’exclusivité (II).

I. Deux principes indispensables dessinant le pourtour du contrat de distribution

Ici, nous verrons d’abord la manière dont la cause d’exclusivité prime dans le contrat de distribution (A),
puis nous verrons que pèsent sur les cocontractants une obligation d’information précontractuelle par un
document d’information précontractuelle (B).

A. La prééminence de la clause d’exclusivité dans le contrat de distribution

Tout d’abord, la clause d’exclusivité est régie par les articles L. 330-1 et L. 33à-2 du code de
commerce. Le premier article pose ainsi le limites de la durée de ladite clauses d’exclusivité dans le contrat
de distribution. En effet, il dispose que : « Est limitée à un maximum de dix ans la durée de validité de toute
clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur, cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis à vis de
son vendeur, cédant ou bailleur, à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance
d'un autre fournisseur ». Ainsi, dans un arrêt rendu en date du 10 février 1998, la Cour de cassation considère
que des contrats dont la clause d’exclusivité excède une durée de 10 ans, leur validité est effective jusque’à
l’échéance de 10 ans. L’avocat au conseil pour la société ED le Maraicher énonce donc : « la clause
d'exclusivité étant essentielle à l'économie du contrat, la violation des dispositions de l'article 1er de la loi
du 14 octobre 1943 doit être sanctionnée par la nullité du contrat dans son ensemble ; alors que les
conventions contenant une clause d'exclusivité n'étant pas nulles si elles sont conclues pour une durée
supérieure à dix ans, mais seulement caduques à l'échéance de ce terme ». Leur annulation n’est donc pas
requise, la jurisprudence tend non à annuler le contrat mais à ramener la clause à une durée de 10 ans. Par
la même, la loi vient confirmer cela. L’article 1186 alinéa premier du Code civil prévoit que : « un contrat
valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparait ». La clause d’exclusivité, étant
un élément essentielle à l’économie du contrat, sa disparition entraine donc la caducité du contrat, chose
énoncée par l’article 1187 alinéa premier du Code civil qui dispose que : « la caducité met fin au contrat ».

B. L’obligation précontractuelle d’information pesant sur les cocontractants

Le principe de l’obligation précontractuelle d’information est énoncée par l’article L. 330-3 du code
de commerce qui dispose que : « Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom
commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-
exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans
l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères,
qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ». Le contenu des informations fournies dans le
document précontractuel est énoncé par l’article R. 330-1 du code de commerce. Enfin, l’article R. 330-2
énonce les sanctions qu’encourt le défaut de communication du document d’information et du projet de
contrat. En effet, cet article dispose que : « le fait de mettre à la disposition d'une personne un nom
commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-
exclusivité pour l'exercice de son activité sans lui avoir communiqué, vingt jours au moins avant la signature
du contrat, le document d'information et le projet de contrat mentionnés à l’article R. 330-3 ». Dans un arrêt
rendu en date du 21 février 2012, la Cour de cassation, au visa de l’article L. 330-3 du code de commerce,
énonce que : « la société Bénéteau avait agréé la société Y en qualité de nouveau concessionnaire et qu’une
telle modification du contrat initial imposait que le concédant fournisse à son nouveau cocontractant les
informations lui permettant de s’engager en connaissance de cause à exécuter de contrat de concession ».
Cette information se matérialise dans un document nommé document d’information précontractuelle dont
l’insuffisance est mentionnée à l’article 1112-1 du Code civil « Celle des parties qui connaît une information
dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que,
légitimement, cette dernière ignore cette information ». Ainsi, dans un arrêt rendu en date du 13 juin 2018,
la Cour de cassation énonce que « la société Guinot avait volontairement dissimulé des informations
essentielles, déterminantes du consentement de Mme Y… et de la société Prestige beauté ». Cela peut donc
constituer des manœuvres dolosives. Enfin, dans un arrêt du 24 juin 2020, la Cour de cassation censure
l’arrêt rendu par les juges du fond aux motifs que « l'erreur sur la rentabilité du concept d'une franchise ne
peut conduire à la nullité du contrat pour vice du consentement du franchisé si elle ne procède pas de données
établies et communiquées par le franchiseur ». En l’espèce, la société Rivalis avait développé un progiciel
ainsi que des méthodes d'aide à la gestion et à la prise de décision à destination des petites entreprises, qu'elle
commercialisait par un réseau d'affiliés sous l'enseigne Rivalis. Celui-ci était animé par la société BM Est
France. En 2010, un entrepreneur avait conclu avec la société BM Est France un contrat de partenariat afin
de pouvoir commercialiser l'utilisation de ce progiciel aux entreprises et de bénéficier de prestations de
formation. Mis en liquidation judiciaire, l’entrepreneur soutenait que le fournisseur avait fourni à la société
un document d'information précontractuelle faisant apparaître des prévisions de chiffre d'affaires
exagérément optimistes, il l’assigna alors en justice. Les juges du fond soutenaient que « les prévisions
envisagées, telles qu'adressées par la société Rivalis, s'étaient révélées très optimistes et que l'absence d'un
état réel du réseau et du marché local et la distorsion entre les chiffres prévisionnels, particulièrement
optimistes, et les chiffres réalisés étaient de nature à induire la société en erreur quant aux perspectives de
rentabilité envisagées ». En comparaison avec le statut de gérant mandataire d’un fonds de commerce, prévu
par les articles L. 146-1 à L. 146-4 du code de commerce, l’obligation précontractuelle prévoit que : « Le
mandant fournit au gérant-mandataire, avant la signature du contrat, toutes informations nécessaires à sa
mission, telles que définies par décret, afin de lui permettre de s'engager en connaissance de cause. ». Ces
informations sont énoncées à l’article D. 146-1 de ce même code.

Ainsi, ces principes permettent de dessiner les contours du contrat de distribution. Cependant, des biais
peuvent venir détourner la finalité du contrat de distribution, allant ainsi à l’encontre de l’obligation de
résultant pensant sur les cocontractants.

II. Deux biais détournant la finalité du contrat de distribution

Ici, nous verrons d’abord en quoi l’abus dans la fixation unilatérale du prix dans le contrat
d’approvisionnement exclusif détourne ainsi le contrat de sa finalité (A), nous poursuivrons ensuite avec les
enjeux permettant de caractériser la rupture brutale et abusive du contrat d’exclusivité (B).

A. L’abus dans la fixation unilatérale du prix dans le contrat d’approvisionnement exclusif


Le contrat d’approvisionnement exclusif peut, tout comme la clause exclusive, être défini comme
étant un contrat dans lequel le franchisé s’engage auprès des producteurs visés dans le contrat voire
seulement auprès de la tête de réseau. Par cette clause, la liberté commerciale se trouve limitée. Dans ce
type de contrat où l’approvisionnement ne peut se réaliser qu’après de la tête de réseau, tout
approvisionnement en dehors de la tête de réseau constitue alors un manquement aux obligations
contractuelles, donc une violation du contrat, ce qui peut engager la responsabilité du cocontractant fautif.
Cependant, il est fréquent que dans ce type de contrat, le distributeur fixe les prix de manière unilatérale.
Cette possibilité unilatérale de fixation peut entrainer des abus, ce qui peut ainsi caractériser un état de
dépendance économique du franchiseur auprès de la tête de réseau. Le principe de bonne foi, principe
directeur inhérent à tout contrat, de l’exécution du contrat peut être alors remis en cause. Dans un arrêt rend
en date du 3 novembre 1992, la Cour de cassation énonce « qu’en privant M. X… de moyens de pratiquer
des prix concurrentiels, la société BP n’avait pas exécuté le contrat de bonne foi ». En l’espèce, les prix de
vente de produits pétroliers M. Huard avait baissé, ce qui avait entrainé le fait qu’il ne puisse résister à la
concurrence, dans un contexte où différents arrêtés permettaient aux distributeurs de consentir des rabais
sur le prix plancher des produits pétroliers fixé par les pouvoirs publics. Cela a donc conduit à une mauvaise
exécution du contrat. Dans un arrêt plus récent, la Cour de cassation a constaté que les prix unilatéralement
fixés par la société Camargo étaient excessifs dès l'origine, ne permettant pas à la société Larzul de faire
face à la concurrence. La société Camargo a été condamnée à payer une provision à la société Larzul pour
réparer son préjudice. Ainsi, cet arrêt confirme que le droit de fixer unilatéralement les prix n'est pas absolu
et peut être limité par l'obligation de permettre à l'autre partie de faire face à la concurrence. En l'espèce, les
prix excessifs pratiqués par la société Camargo ont été considérés comme abusifs, justifiant la
condamnation. Enfin, dans un arrêt rendu en date du 24 novembre 1998, la chambre commerciale de la Cour
de cassation énonce que les fabricants auraient dû prendre des « mesures concrètes pour permettre de
pratiquer des prix concurrentiels, proches de ceux des mêmes produits vendus dans le cadre de ces ventes
parallèles et de le mettre ainsi en mesure d'exercer son mandat ». Ces 3 arrêts énoncent donc le même
principe : le droit de fixer unilatéralement les prix n'est pas absolu et peut être limité par l'obligation de
permettre à l'autre partie de faire face à la concurrence. Cela entre donc dans la liberté de commerce et de
l’industrie. Le rôle du juge est également important dans cette situation. En effet l’article 1164 du code civil
énonce que : « en cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir
des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. ».

B. Les enjeux permettant de caractériser la rupture brutale et abusive du contrat d’exclusivité


1. La résiliation prématurée du contrat de concession exclusive

La résiliation prématurée du contrat, plus communément appelée la rupture du contrat, peut être
qualifiée de brutale lorsqu’elle ne respecte pas les conditions énoncées par l’article L. 442-1 II du code de
commerce. En effet, ce dernier dispose que : « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le
préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services
de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis
écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale ». Ainsi, cet article poursuit en
énonçant que : « En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la
rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de dix-huit
mois. ». Cet article se manifeste principalement dans les contrats de concession exclusive. Ainsi, dans un
arrêt rendu en date du 7 octobre 1997, la société Volvo a concédé à la société Maine auto la vente exclusive
de ses véhicules pour la région de Cholet. La société Volvo a notifié à la société Maine auto sa décision de
mettre fin au contrat de concession exclusive. La société Maine auto a assigné la société Volvo en
dommages-intérêts pour rupture abusive. Le contrat de concession exclusive ne constitue pas un mandat
d'intérêt commun. Le concédant peut résilier le contrat de concession sans donner de motifs, sous réserve
de respecter le délai de préavis et sauf abus du droit de résiliation. En l'espèce, la société Maine auto n'a pas
prouvé que la société Volvo l'avait contrainte à exposer d'importants frais d'investissements, justifiant ainsi
la résiliation du contrat. Ainsi, la décision de la cour d'appel confirme que le concédant peut résilier un
contrat de concession sans motif, tant qu'il respecte le délai de préavis et n'abuse pas de ce droit. Les
investissements réalisés par le concessionnaire ne justifient pas automatiquement une indemnité de
résiliation. Or, en l’espèce, le délai de préavis de 18 mois n’avait pas été respecté, puisque la notification de
résiliation est apparue seulement 1 an avant la résiliation effective. Cela a également été rappelé dans un
arrêt rendu en date di 7 avril 2004, dans une affaire similaire.

2. Le non renouvellement du contrat de franchise

Enfin, le non renouvellement du contrat de franchise peut être apprécié comme constituant une rupture
brutale, dans le cas du contrat de franchise. Cela peut correspondre au fait que le fait que chaque partie d’un
contrat puisse faire obstacle au renouvellement du contrat par tacite reconduction, expose les requérants au
risqe du non renouvellement du contrat à sn échéance, et peut ainsi priver de la possibilité de se plaindre
des conséquences nécessaires du non-renouvellement. Cela a été énonce dans un arrêt rendu en date du 7
septembre 2022. En l’espèce, il était question d’associés fondateurs de la société H3M Immo qui avaient
conclu un contrat de franchise avec la société Foncia franchise pour exercer des activités immobilières sous
l'enseigne Foncia. Le contrat était d'une durée de sept ans, renouvelable par tacite reconduction. Le
franchiseur a notifié le non-renouvellement du contrat à son terme, ce qui a conduit à une action en
responsabilité des associés fondateurs contre la société Foncia franchise et sa société mère. La chambre
commerciale de la Cour de cassation a ainsi énoncé que le franchisé doit établir la déloyauté contractuelle
du franchiseur lors du non-renouvellement du contrat, en se basant sur les circonstances propres à cette
situation. Elle a estimé que le franchiseur n'avait pas excédé ses prérogatives en mettant fin à un nombre
important de contrats de franchise, et a conclu que l'abus du droit de ne pas renouveler le contrat n'était pas
établi dans ce cas précis. La cour d’appel a quant à elle retenu que « en l’absence de manquement contractuel
du franchiseur, rien ne permet de retenir que celui-ci, en mettant fin à un nombre important de contrats de
franchise, ait excédé ses prérogatives liées à l’organisation du réseau ».

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