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Cours : Les contrats commerciaux

Préparé par : Mariem Abdmouleh Cherif

Master professionnel en Droit de l’entreprise et des affaires

Institut supérieur des études juridiques et politiques de Kairouan

Année universitaire : 2020/2021


Introduction

Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes qui


permet de créer, transmettre ou éteindre une obligation juridique1. Le contrat est,
en effet, un acte juridique qui constitue une source ou une cause des obligations
au sens de l’article premier du COC.
L’obligation juridique est un lien juridique qui lie entre deux ou plusieurs
personnes dont l’une, ou les unes, s’engage envers de l’autre, ou des autres, de
donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose. Elle met, alors, en relation un
créancier et un débiteur qui doit, par la force de la loi, remplir son obligation.
L’obligation contractuelle a, alors, une force obligatoire qui oblige les parties à
respecter le contenu du contrat. C’est ce qui découle de l’article 242 du COC qui
prévoit que « les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de
loi à ceux qui les ont faites ». Le contrat est la loi des parties.
Le contrat n’est pas, en réalité, unique. Il existe une panoplie de contrats d’où
sont nées diverses classifications et sous-classifications2.
On distingue, en effet, les contrats du Droit privé et les contrats du droit privé.
Les contrats du Droit public sont les contrats conclus entre les services
administratifs ou entre l’administration et les particuliers3 et sont soumis aux
règles du Droit public.
Quant aux contrats du Droit privé, sont les contrats conclus entre les particuliers
et sont soumis aux règles du droit privé. Il peut s’agir de contrats nommés ou
non nommés. Les contrats nommés, ou spéciaux, ou « particuliers » aux termes
de l’article 563 du COC, sont les contrats auxquels le législateur a mis des règles
particulières à côté des règles générales qui concernent tous les contrats en

1
M. MAHFOUDH, La théorie générale de l’obligation (I), le contrat, Groupement Latrach pour le livre spécialisé,
Tunis, 2012, p13 et 14 (ouvrage rédigé en langue arabe).
Une définition similaire est retenue par l’article 1101 nouveau du Code civil français (modifié par l’ordonnance
n° 2016-131 du 10/2/2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des
obligations).
2
Sur les classifications des contrats, voir, M. MAHFOUDH, ibid, n° 21 et s. ; K. ELKHARROUBI, Droit civil, Les
contrats spéciaux, éd. Groupement l’atrach pour le livre spécialisé, Tunis, 2010, p14 et s. (ouvrage rédigé en
langue arabe).
3
Sachant que dans ce dernier cas le critère organique issu de la qualité des parties ne suffit pas pour
caractériser le contrat administratif et il faut vérifier le critère matériel c’est à dire si le contrat a pour objet le
service public et surtout s’il comprend une clause exorbitante du droit privé qui confère à l’administration des
prérogatives contraires aux principes du Droit des contrats telles que la résolution unilatérale du contrat.
général4 et a déterminé un nom spécifique tels que le contrat de vente, de
location, d’entreprise, de mandat, les contrats qui font l’objet du second livre du
COC.
Au visa de l’article 563 du COC, les dispositions relatives aux contrats spéciaux
régis par ce livre dérogent aux dispositions générales relatives aux contrats telles
que prévues par le premier livre du COC et qui concernent la formation du
contrat en général, sa validité, ses effets, son exécution... Étant générales, ces
dispositions concernent, certes, les contrats spéciaux et s’y appliquent mais à
condition qu’il n’existe pas un texte spécifique au contrat en question et qui régit
la même question.
Mais les articles appartenant au second livre du COC ne sont pas les seules
dispositions relatives aux contrats spéciaux. Vu, en effet, l’amplification du
Droit civil, il a fallu distinguer au sein même de cette catégorie des contrats
spéciaux, les contrats civils stricto sensu et les contrats civils lato sensu issus
des matières qui se sont soustraites du Droit civil et qui requièrent des règles
encore plus particulières, à savoir les contrats commerciaux.
Alors que les contrats civils sont conclus par les particuliers afin de gérer leurs
affaires familiales et quotidiennes tels que le contrat de mariage et le contrat
d’adoption, les contrats commerciaux sont les contrats conclus par les
commerçants pour répondre aux besoins de leur activité commerciale5.
Les contrats commerciaux et les contrats civils présentent donc deux catégories
juridiques différentes et ne relèvent pas, alors, du même régime juridique. C’est
la spécificité des contrats commerciaux qui justifie qu’ils dérogent aux règles du
Droit commun. Il importe de déterminer le Droit applicable aux contrats
commerciaux (I) avant de montrer leur spécificité par rapport aux contrats civils
(II).
I- Le Droit applicable aux contrats commerciaux

Il s’agit aussi bien des règles écrites (1) que des règles non écrites (2).

1- Les règles écrites applicables aux contrats commerciaux

Il n’est pas hasardeux de distinguer les contrats civils et les contrats


commerciaux. Cette distinction vise, en effet, à soustraire les contrats

4
Voir, K. ELKHARROUBI, op.cit, spéc. p11.
5
M. MAHFOUDH, op.cit, n° 26.
commerciaux du régime applicable aux contrats civils et qui n’est pas adapté
aux besoins du commerce.
Étant des contrats spéciaux, les contrats commerciaux sont soustraits du Droit
commun des contrats conformément au principe général selon lequel « le spécial
déroge au général ».
Certes, les contrats spéciaux ne se limitent pas aux contrats commerciaux. Il
existe des contrats spéciaux mais civils et qui dérogent à la théorie générale des
contrats telle que régie par le premier livre du COC intitulé « Les obligations en
général ». Il en est, ainsi, du contrat de vente, de location, de mandat… qui sont
régis par le second livre du COC intitulé « Des différents contrats déterminés et
des quasicontrats qui s’y rattachent ».
Mais les contrats commerciaux dérogent aussi bien à la théorie générale des
contrats qu’aux règles spéciales aux contrats civils spéciaux. Ils sont soumis au
Droit commercial et ce n’est qu’exceptionnellement que leur s’applique le Droit
civil. C’est ce qui découle de l’article 597 du C. Com. qui dispose que « Tous les
contrats commerciaux sont régis par le présent code, à défaut par le code des
obligations et des contrats, à défaut par l’usage ».
Il ressort de cet article que les contrats commerciaux dérogent à la théorie
générale des contrats sauf en cas de lacune dans le Code de commerce auquel
cas s’applique le Code des obligations et des contrats. Ainsi, les règles relatives
à la formation du contrat, à ses effets et à son exécution sont généralement
applicables aux contrats commerciaux.
Mais c’est le Code de commerce qui s’applique en premier lieu aux contrats
commerciaux. Plus particulièrement, il s’agit des dispositions relatives aux actes
de commerce par nature, étant donné que lorsque le contrat porte sur ces actes il
acquiert la qualification de contrat commercial, et des dispositions relevant du
livre 5 du Code de commerce intitulé « Des contrats commerciaux ».
Promulgué depuis 1959, le Code de commerce est le premier texte qui régit, par
la force de la loi, les contrats commerciaux. Mais, depuis, et afin de s’adapter à
l’évolution du monde de commerce, plusieurs textes spéciaux sont venus régir
certaines questions et s’appliquer à certains contrats commerciaux. On vise, en
l’occurrence, le Code de commerce maritime et le Code des sociétés
commerciales.
Des dispositions spécifiques viennent aussi compléter les textes codifiés et
s’appliquer aux contrats commerciaux. On peut citer à titre indicatif non
restrictif la loi n° 98-40 du 2/6/1998 relative aux techniques de vente et à la
publicité commerciale, la loi n° 2000-83 du 9/8/2000 relative aux échanges et au
commerce électronique, la loi n° 2009-69 du 12/8/2009 relative au commerce de
distribution, la loi n° 2016-48 du 11/7/2016 relative aux banques et aux
établissements financiers…
En plus, et compte tenu de la nécessité de s’adapter aux besoins du commerce
international, des textes juridiques internationaux viennent s’appliquer aux
contrats commerciaux internationaux afin de faire face à la divergence des
législations commerciales internes qui constitue un obstacle au développement
du commerce international. On vise les conventions internationales régissant
certains contrats internationaux notamment la Convention de Hambourg relative
au transport maritime de marchandises6, la Convention de Varsovie relative au
transport aérien international7 et la Convention de Berne sur le transport
ferroviaire8.

2- Les règles non écrites applicales aux contrats commerciaux

À défaut d’une disposition légale aussi bien dans la législation commerciale que
dans la théorie générale des obligations, s’applique l’usage auquel certains
articles font expressément référence. Il en est, ainsi, de l’article 620 du C. Com.
en ce qui concerne le débiteur de la rénumération du courtier9 et l’article 626 du
même Code s’agissant du préavis nécessaire pour la résiliation du contrat
d’agence commerciale10.
L’usage est l’ensemble des pratiques habituellement suivies d’une manière
répétitive ce qui justifie que l’on s’y réfère. Il peut être général, local, spécial ou
international11.

6
Convention des nations unies sur le transport de marchandises par mer du 30/3/1978 ratifiée par la loi n° 33
du 28/5/1980, JORT n° 32, 1980, p1495.
7
Convention du 12 octobre 1929 pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien
international, ratifiée en vertu du décret du 1/8/1933 (JORT 13/9/1933, p1766) et telle qu’amendée par le
protocole de La Haye du 28 septembre 1955 (ratifié par la loi n° 62-66 du 17/12/1962, JORT 1962, p1593).
8
Convention du 9/5/1980 relative aux transports internationaux ferroviaires (COTIF) ratifiée par la loi du
er
11/5/1984, entrée en vigueur le 1 mai 1985 et révisée par le protocole de Vilnius du 3/6/1999 donnant une
er
nouvelle COTIF entrée en vigueur le 1 juillet 2006.
9
L’article 620 dispose que « À défaut de convention ou d’usage, la rémunération du courtier est due par celui
qui l’a chargé de traiter l’affaire ».
10
L’article 626 dispose que « Le contrat d’agence commerciale, fait sans détermination de durée, ne peut être
résilié par l’une des parties sans l’observation d’un préavis conforme aux usgaes, sauf en cas de faute de l’autre
partie ».
11
Voir, N. MEZGHANNI, op.cit, p38 et 39.
L’usage général consiste dans les pratiques communes à l’ensemble du
commerce non pas à un secteur ou à une activité ou à une région spécifique. Par
exemple, il y a un usage selon lequel si une marchandise est vendue sans
précision de qualité, cette qualité doit être loyale et marchande12.
En contrepartie, l’usage spécial concerne une activité ou un secteur de
commerce. Quant à l’usage local, il est l’usage particulier à une région
déterminée. Au contraire, l’usage international appelé la « lex mercatoria » (la
loi du marché), consiste dans l’usage couramment appliqué par les acteurs de
commerce au niveau international.
L’usage est une source non écrite dite matérielle du Droit en général et du Droit
commercial en particulier. Mais il a une importance particulière en matière
commerciale étant donné que ce Droit est d’origine essentiellement
professionnelle avant qu’il n’ait été codifié.
Ainsi, et pour préserver la place de l’usage en la matière, l’article 40 nouveau du
CPCC prévoit dans son alinéa 6 dans la composition de la chambre commerciale
deux commerçants dont l’avis est consultatif et qui ont pour rôle de faire
connaître les usages commerciaux au juge.
Il faut noter que l’article 597 du Code de commerce vise les usages en général.
Et conformément à l’article 533 du COC, « lorsque la loi s’exprime en termes
généraux il faut l’entendre dans le même sens ». Le concept « usages » inclut,
ainsi, aussi bien les usages de droit que les usages de fait.
Les usages de droit désignent la coutume. Celle-ci est composée d’un élément
matériel qui consiste dans la répétition de certaines pratiques pendant une
certaine période ce qu’on appelle l’usage, et d’un élément psychologique qui
consiste dans la croyance générale dans le caractère obligatoire de cet usage.
L’usage de droit a, en effet, un caractère impératif de sorte qu’il s’impose non
pas seulement aux contractants commerçants mais aussi au juge qui doit le
soulever d’office.
Quant aus usages de fait ou conventionnels, ils correspondent aux pratiques
habituellement suivies par les commerçants dans la conclusion ou l’exécution du
contrat commmercial. Ils n’ont pas un caractère impératif et le juge n’est tenu,
ainsi, ni de les connaître ni de les invoquer d’office. C’est la partie qui invoque
l’existence d’un usage commercial qui doit le prouver devant le juge13. Les

12
N. MEZGHANNI, ibid, p38.
13
Art. 544 du COC.
contractants commerçants peuvent même écarter ces usages dans leur
convention. Ils n’ont qu’un caractère supplétif.
Les usages de droit ou de fait ne peuvent s’opposer à une règle impérative du
Droit commercial et ne peuvent donc pas l’exclure. Mais, a priori, et
contrairement aux usages de fait, la coutume, ou l’usage de droit, aurait dû
exclure la règle impérative du Droit civil étant donné qu’elle a la valeur d’une
loi et qu’elle a une vocation spéciale par rapport aux règles du Droit civil.
Néanmoins, l’article 543 du COC dispose que « la coutume et l’usage ne
sauraient prévaloir contre la loi lorsqu’elle est formelle ». Il s’en suit que
l’usage de droit comme l’usage de fait sont soumis au même régime juridique et
ne peuvent écarter une règle impérative qu’elle soit du Droit civil ou du Droit
commercial ce qui est critiqué par la doctrine14.

II- La spécificité des contrats commmerciaux

Si les contrats commerciaux sont soustraits du régime applicable aux contrats


civils, c’est dans la mesure où ces contrats ont une spécificité par rapport à ces
derniers. Il importe de définir le contrat commercial (1) avant de montrer sa
spécificité par rapport au contrat civil (2).
1- Définition du contrat commercial
Il existe des critères qui permettent de définir le contrat commercial dites
critères de commercialité.
D’emblée, le commerce se définit comme l’activité de production, de circulation
ou de distribution des biens ou des richesses15. Autrement dit, c’est l’activité qui
a pour objet un acte de commerce au sens de l’article 2 du C. Com. qui définit
les actes de commerce par nature à savoir la production, la spéculation, la
circulation et l’entremise.
Il s’en suit que, et a priori, le contrat commercial est le contrat qui porte sur un
acte de commerce par nature. Constituent, ainsi, selon ce critère objectif, des
contrats commerciaux, le contrat de transport, de courtage, de commission,
d’assurance, d’achat en vue de la revente etc…
Mais il arrive que les commerçants concluent des contrats en dehors des actes de
commerce par nature mais pour les besoins de leur activité commerciale. Le

14
Voir, N. MEZGHANNI, op.cit, p39 et 40.
15
N. MEZGHANNI, Droit commercial, Actes de commerce, Commerçants, Fonds de commerce, préf. de M.
ème
ROGER PERCEROU, 2 éd., CPU, Tunis, 2006, p6 et 7.
critère objectif atteint, dans ce cas, ses limites et appelle au critère subjectif qui
tient en compte la qualité du commerçant.
Le commerçant est, certes, défini par l’article 2 du C. Com. comme celui qui
exerce un acte de commerce par nature. Mais il peut conclure des contrats
nécessaires pour son activité commerciale sans qu’ils relèvent de la catégorie
des actes de commerce par nature comme, par exemple, le contrat de vente, de
location ou de dépôt exercés à titre non professionnel. Dans ce cas, il s’agit à
l’origine de contrats civils mais qui se requalifient en contrats commerciaux
lorsqu’ils sont conclus par des commerçants dans le cadre de leur activité
commerciale. C’est une application de la théorie de l’accessoire consacrée
explicitement par l’article 4 du C. Com. qui soumet aux dispositions de ce Code
les actes juridiques accessoires à l’activité commerciale et qui présume
accessoires, sauf preuve contraire, les actes accomplis par un commerçant16. Le
contrat civil conclu par un commerçant devient, alors, commercial par
accessoire mais à condition que le contrat soit conclu pour les besoins de
l’activité commerciale.
Deux conséquences en découlent.
D’abord, alors que le critère objectif suffit pour attribuer la qualification du
contrat commercial s’il est rempli à l’égard des deux parties au contrat, il en va
autrement pour le critère subjectif qui exige en plus que le contrat soit conclu
pour les besoins de l’activité commerciale sans qu’il s’agisse nécessairement
d’un acte de commerce par nature.
Ensuite, les contrats civils conclus en dehors de l’activité commerciale
demeurent civils même s’ils sont conclus entre deux commerçants tel le cas du
contrat de mariage et de donation.
Une question se pose, toutefois, lorsque le contrat est conclu pour les besoins de
l’activité commerciale ou a pour objet un acte de commerce par nature alors
qu’il est conclu entre un commerçant et un non commerçant. C’est l’hypothèse
du contrat de location conclu entre un commerçant qui veut louer un local pour
les besoins de son commerce (acte de commerce par accessoire) et un particulier
qui n’exerce pas l’activité de location à titre habituel17.

16 ère
Pour plus de détails, voir, CH. LABASTIE-DAHDOUH et H. DAHDOUH, Droit commercial, vol 1, 1 éd. p200 et
s.
17
En fait, pour acquérir la qualité de commerçant il faut que l’acte de commerce soit exercé à titre habituel
(art. 3 du Code de com.).
C’est aussi l’hypothèse du contrat de vente conclu entre un vendeur
professionnel (acte de commerce par nature/de spécualtion), c'est-à-dire un
commerçant, et un consommateur qui n’a pas cette qualité. C’est le cas aussi du
contrat de transport conclu entre un transporteur et un particulier pour, par
exemple, effectuer un déménagement. Il en va de même pour le contrat de
courtage en vertu duquel le courtier s’engage à faire tout ce qui est nécessaire
pour assurer la conclusion d’un contrat entre deux personnes dont l’une est son
client. Ce client peut être un commerçant mais aussi il peut être un non
commerçant (un particulier qui cherche à vendre sa villa par exemple). De
même, dans le contrat de commission le commissionnaire agit en son nom pour
le compte d’un commettant qui n’est pas forcément un commerçant (le client de
l’intermédiaire en bourse est forcément un commerçant car il effectue un acte de
spéculation qui consiste dans l’achat et la vente des valeurs mobilières
négociables en bourse afin de profiter de la fluctuation de leurs prix. Il s’agit
donc d’un contrat commercial qui relie entre deux commerçants : un
commissionnaire et un spéculateur. Par contre le client du transitaire18 n’est pas
forcément un commerçant).
S’agit-t-il dans ces cas d’un contrat commercial ou d’un contrat civil ?
Il ne s’agit, en réalité ni d’un contrat civil ni d’un contrat commercial mais d’un
acte mixte qui entraine une application distributive du Droit civil et du Droit
commercial en fonction de la qualité de la partie en question. En d’autres
termes, le contrat est soumis au régime juridique des contrats commerciaux à
l’encontre du commerçant et au régime des contrats civils à l’encontre du non
commerçant. Par exemple, au niveau de la preuve de ce contrat, si la charge pèse
sur le non commerçant, celui ci peut appliquer les règles de la preuve du Droit
commercial à l’encontre du commerçant et profite donc de la liberté de la preuve
propre au Droit commercial. Par contre, le commerçant ne peut appliquer à
l’égard du non commerçant que les règles de preuve du Droit civil.
Dès lors, pour qu’un contrat soit qualifié comme commercial il faut ou bien
qu’il s’agisse d’un acte de commerce par nature à l’égard des deux parties au
contrat, ou bien qu’il s’agisse d’un commerçant qui contracte avec un autre
commerçant pour le besoin de son activité commerciale même si l’acte est à
l’origine civil. Dans les deux cas, il s’agit de deux commerçants dont le contrat
porte soit sur un acte de commerce par nature à l’égard de chacune d’elles
18
Le transitaire est défini par l’article premier de la loi n° 95-32 du 14/4/1995 relative aux transitaires comme
« la personne qui accomplit pour le compte de l’expéditeur ou du destinataire des actes juridiques et des
opérations matérielles liés au transport international des marchandises ».
(l’exemple du contrat de commission conclu entre l’intérmédiaire en bourse et
son client spéculateur) soit sur un acte à l’origine civil mais conclu pour les
besoins de l’activité commerciale.
Il faut ajouter que comme il existe à côté des actes de commerce par nature des
actes de commerce par la forme, le contrat peut acquérir la qualification d’un
contrat commercial lorsqu’il constitue un acte de commerce par la forme. On
vise le contrat de constitution d’une société commerciale à savoir la société
anonyme, la société à responsabilité limitée et la société en commandite par
actions qui constituent au sens de l’article 7 du CSC des sociétés commerciales
par la forme quelqu’en soit l’objet. Le critère formel vient, ainsi, s’ajouter aux
critères de la commercialité.
S’il est utile de chercher les critères de la commercialité et de définir le contrat
commercial, c’est dans la mesure où il a une spécificité par rapport au contrat
civil.
2- Spécificité du contrat commercial par rapport au contrat civil
Le Droit commercial en général est dominé par les exigences de la rapidité et de
la sécurité des affaires. Ces exigences se sont répercutées sur les règles régissant
le Droit commercial en général et le Droit des contrats commerciaux en
particulier d’où la spécificité de ces derniers. Cette spécificité se manifeste sur
deux plans au moins, le plan de la formation des contrats commerciaux (a) et le
plan des effets de ces contrats (b).
a- La spécificité au niveau de la formation des contrats
commerciaux
D’emblée, la conclusion du contrat qu’il soit civil ou commercial est
habituellement tributaire de l’existence d’une offre et d’une acceptation. En
Droit civil, il faut que l’acceptation soit explicite de sorte que le silence du
destinataire de l’offre ne vaille pas acceptation19. En Droit commercial,
toutefois, cette règle est exclue lorsque les parties se mettent d’accord sur le
principe du contrat et lorsque les conditions ou les modalités sont proposées par
l’une des parties dans une lettre de confirmation ou dans une facture. Par
exemple, le fait de recevoir des marchandises et la facture correspondante
équivaut à la conclusion d’un contrat20.

19
Art. 33 du COC.
20
CH. DAHDOUH et H. DAHDOUH, op.cit, p33.
La réponse d’acceptation n’est même pas requise lorsqu’elle n’est pas exigée par
le proposant ou par l’usage et le contrat est, dans ce cas, conclu dès que l’autre
partie en a entrepris l’exécution21.
D’ailleurs, si la relation d’affaire est déjà entamée entre les parties, le silence du
destinataire de l’offre vaut acceptation22.
Ensuite, comme tout contrat, pour être valable le contrat commercial est
soumis à des conditions de fond et de forme. Mais, à la différence des contrats
civils, ces conditions ont une spécificité justifiée par les exigences de commerce.
S’agissant des conditions de fond, et au-delà de la nécessité de la conformité aux
règles du Droit civil quant aux conditions de valadité des contrats à savoir la
capacité, le consentement lucide et non vicié, l’objet et la cause, les contrats
commerciaux ont la spécificité qu’ils ne se concluent pas nécessairement
instantannément. Autrement dit, leur conclusion est souvent précédée de
pourparlers ou même d’un avant contrat tel le cas du contrat de franchise où le
franchiseur est tenu de mettre à la disposition du franchisé un projet de contrat23.
La période pré-contractuelle a, ainsi, en matière commerciale une importance
particulière24. C’est pour cette raison que la jurisprudence française a sanctionné
les ruptures abusives des pourparlers lorsque l’une des parties était en droit de
penser que l’accord serait conclu, solution fondée sur la théorie de l’apparence25.
S’agissant des conditions de forme, et pour répondre à l’exigence de la rapidité
des transactions, les contrats commerciaux sont généralement des contrats
consensuels non pas solonnels. Autrement dit, ils ne sont pas soumis, quant à
leur validité, à des exigences de forme en l’occurrence l’écrit. Ainsi, les contrats
commerciaux se concluent, souvent, verbalement et même par téléphone ou par
internet, ce qu’on appelle le contrat de commerce électronique dont l’importance
se révèle, notamment, au niveau international. Il en est, ainsi, du contrat de
transport et de commission de transport26, de compte courant27, de location de
coffre-fort28…

21
Art. 29 du COC.
22
Art. 29 du COC.
23
Art. 15 de la loi n° 2009-69 du 12/8/2009 relative au commerce de distribution, JORT n° 65 du 14/8/2009,
p2349.
24
En Droit civil, les pourparlers n’ont pas une force obligatoire même s’ils sont écrits (art. 24 du COC) sauf s’ils
sont insérés dans un contrat cadre auquel cas ils s’imposent aux parties conformément aux principes de
l’autonomie de la volonté et de la force obligatoire du contrat (art. 242 du COC).
25
Cass. com. 11/7/2000, LPA, 21/3/2001, p19.
26
Art. 629 du C. Com.
27
Art. 728 du C. Com.
28
Art. 698 du C. Com.
Ça n’empêche, toutefois, et pour assurer la sécurité des transactions, que ce
principe de consensualisme connaît des exceptions au profit du formalisme.
D’un côté, les commerçants recourent volontiers au formalisme comme le
témoigne les contrats types utilisés en matière bancaire, d’assurance et de
transport29. D’un autre côté, l’écrit est légalement requis comme condition de
validité de certains contrats commerciaux comme le contrat de vente avec
facilités de paiement30, la vente commerciale des immeubles31, les contrats
portant sur le fonds de commerce32, le contrat de franchise33, le contrat de
société ( à l’exception de la société en participation)34 etc…

b- La spécificité au niveau des effets des contrats commerciaux

29
CH. et H. DAHDOUH, op.cit, p34.
30
Art. 4 de la loi n° 98-39 du 2/6/1998 relative aux ventes avec facilités de paiement, JORT n° 44 du 2/6/1998,
p1203.
31
Art. 581 du COC et 377 bis du CDR s’agissant des immeubles immatriculés.
32
Art. 189 bis et 190 du C. Com.
33
Art. 15 de la loi n° 2009-69 du 12/8/2009 relative au commerce de distribution, précitée.
34
Art. 3 du CSC.

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