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Fiche à jour au 16 juin 2010

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Diplôme : Licence en droit, 3ème semestre

Matière : Droit pénal général

Web-tuteur : Carine Copain

SEEAANNCCEE NN°4 – LL’IINNTTEERRPPRREETTAATTIIO


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I. LE REJET DE L’ANALOGIE ............................................................... 2


A. LE PRINCIPE_______________________________________________________ 2
Crim., 10 décembre 1985.............................................................................................. 2
Crim., 31 mars 1992 ..................................................................................................... 3
Crim., 21 octobre 1998 ................................................................................................. 5
B. EXCEPTION : L’ANALOGIE IN FAVOREM _________________________________ 6
Crim., 6 décembre 1957................................................................................................ 6

II. LES METHODES APPLICABLES .................................................... 7


A. LA METHODE LITTERALE ____________________________________________ 7
Crim., 8 mars 1930 ....................................................................................................... 7
B. L’INTERPRETATION TELEOLOGIQUE ___________________________________ 8
Crim., 12 janvier 1989, arrêt Bourquin ........................................................................ 9
Ass. Plén., 29 juin 2001 .............................................................................................. 10

Année universitaire 2004-2005


2

Interpréter la loi consiste à rechercher son sens exact pour l’appliquer aux situations
qu’elle est appelée à régler. La loi pénale intéressant la liberté individuelle, il est
impossible de lui appliquer les mêmes règles d’interprétation de la loi qu’en droit
civil.

L’article 111-4 CP dispose que « la loi pénale est d’interprétation


stricte ».

I. Le rejet de l’analogie
A. Le principe
Dans l’ancien code pénal, il n’existait aucune disposition relative à
l’interprétation de la loi pénale. La jurisprudence avait elle-même dû
préciser les règles en la matière. Ainsi, la chambre criminelle, en raison
du principe de légalité des délits et des peines, avait posé le principe de
l’interprétation stricte de la loi pénale.

Crim., 10 décembre 1985


Bull. n°396
[…]
Attendu que saisie des poursuites engagées contre Ingueneau du chef
d'atteinte à la libre désignation des délégués du personnel, la cour d'appel,
reformant la décision des premiers juges, énonce, pour déclarer la prévention
non établie et pour écarter la demande de réparations civiles de l'union des
syndicats CGT de Paris , que si, aux termes de l'alinéa 9 de l'article L. 425-1
précité, le délai de protection prévu bénéficie au premier salarié, non
mandaté par un syndicat, qui a demandé l'organisation de l'élection de
délégués du personnel, tel étant le cas de Jacqueline Dos Santos, l'alinéa 8 du
même article précise toutefois que ce délai ne court qu'à compter de l'envoi à
l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation a, la
première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections ;
Attendu que les juges constatent qu'en l'espèce, il n'est pas établi que,
postérieurement à la demande formulée par la salariée, une organisation
syndicale soit intervenue à cette fin ;
Qu'ils en déduisent qu'à la date du licenciement, le délai de protection n'avait
pas commencé à courir et que, dès lors, en application du principe de la
stricte interprétation de la loi pénale, Jacqueline Dos Santos ne pouvait, à ce
moment, invoquer le bénéfice d'une protection spéciale, exorbitante du droit
commun, accordée dans des conditions bien définies au premier salarié, non
mandaté par un syndicat, qui a revendiqué l'organisation d'élections ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a fait l'exacte application
des règles de droit posées par l'article L. 425-1 du code du travail ;
Qu'en effet, contrairement à ce qui est allégué au moyen dans lequel il est
soutenu que ce texte comporterait une erreur matérielle contraire aux
intentions du législateur, il y est expressément énonce que la protection
exceptionnelle, accordée dans le cas prévu, à un salarié non mandaté par une
organisation syndicale, ne court qu'a compter de l'intervention effectuée, aux
mêmes fins, par une telle organisation ;
3
Que les textes comportant une sanction pénale doivent être strictement
interprétés, dès lors que leur signification est dépourvue, comme en
l'espèce, de toute ambiguïté ;
D'ou il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

En conséquence, l’analogie a été rejetée comme méthode d’interprétation


de la loi pénale. En effet, permettre au juge d’appliquer à une situation
similaire un texte reviendrait à lui permettre de créer des infractions.
Crim., 31 mars 1992
Bull.crim., n°134
[…]
Mais sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles L.
434-8 et L. 483-1 du Code du travail, 4 du Code pénal, 7 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et
manque de base légale, ensemble violation des principes de la légalité des
délits et des peines et de l'interprétation stricte du droit pénal:
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables d'entrave au
fonctionnement du comité d'entreprise ;
" aux motifs que les prévenus ont retenu pour le calcul de la subvention
légale de fonctionnement versée par le chef d'entreprise au comité, non pas la
masse salariale brute de l'entreprise mais la masse salariale au niveau de
chaque établissement doté d'un comité ; que de la sorte, les salariés qui
étaient privés de représentation au comité central d'entreprise, n'ont pas vu
leurs salaires pris en compte pour le calcul de la subvention prévue par
l'article L. 434-8 du Code du travail ; qu'il s'ensuit nécessairement un
manque à gagner pour le comité central d'entreprise ; que s'il est vrai que
l'assiette de calcul du budget de fonctionnement doit être la même que celle
du budget des activités sociales et culturelles, il résulte de l'interprétation
donnée par la jurisprudence à l'article L. 432-9 du Code du travail en ce qui
concerne les entreprises à établissements multiples, qu'il n'y a pas lieu de
distinguer entre les entreprises selon qu'il existe un ou plusieurs comités, la
contribution destinée au financement des activités sociales et culturelles
devant être calculées dans le cadre de l'entreprise (Soc. 18 mars 1971, Soc.
26 septembre 1989) ; que cette interprétation est d'ailleurs celle de la lettre
circulaire du 6 mai 1983 de la Direction des relations du travail, dont les
prévenus n'ignoraient pas la teneur, et qui précisait que la subvention de
fonctionnement doit être calculée en retenant comme assiette la masse
salariale brute versée au niveau de l'entreprise
" qu'il n'appartenait pas à la société Pomona de n'octroyer pour le
fonctionnement du comité central d'entreprise des sommes moindres que
celles fixées par la loi, ni au surplus, de répartir unilatéralement ces sommes
entre les comités d'établissements et le comité central d'entreprise sans que
ne soit intervenu au préalable un accord ou une négociation entre ces
organismes pour cette répartition comme le préconise d'ailleurs la lettre
circulaire ministérielle du 6 mai 1983 ;
" alors, d'une part, qu'aucune disposition du Code du travail ne prévoit que le
financement du comité central d'entreprise sera assuré par une subvention de
fonctionnement d'un montant annuel équivalent à 0,2 % de la masse salariale
brute ; que l'article L. 434-8 du Code du travail se rapporte exclusivement à
la subvention de fonctionnement du comité d'entreprise ; que dans la mesure
où la méconnaissance de ce texte est pénalement sanctionnée, il est
nécessairement d'interprétation stricte et ne peut être étendu aux comités
4
centraux d'entreprise laissés en dehors de son champ d'application alors
surtout que la création d'un comité central d'entreprise n'est nullement
obligatoire ; qu'en déclarant les prévenus coupables d'un délit d'entrave pour
obstacle à son fonctionnement par violation de l'article L. 434-8 du Code du
travail, la cour d'appel a prononcé une déclaration de culpabilité illégale,
violé par fausse application le texte susvisé et porté atteinte au principe de
l'interprétation stricte du droit pénal ;
" alors, d'autre part, qu'à supposer que la lettre circulaire du 6 mai 1983 de la
Direction des relations du travail ait préconisé que la subvention de
fonctionnement soit calculée en retenant comme assiette la masse salariale
brute versée au niveau de l'entreprise, la méconnaissance de ce texte qui n'a
pas valeur législative pénalement sanctionnée ne peut justifier légalement
aucune déclaration de culpabilité pour délit d'entrave au fonctionnement du
comité central d'entreprise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a porté
atteinte au principe de la légalité des délits et des peines ;
" alors enfin et en tout état de cause que, dès lors qu'en raison du caractère
inapplicable de la décision du directeur départemental du travail et de la main
d'oeuvre du 24 avril 1986, le comité central d'entreprise n'avait pu être
constitué, les prévenus n'étaient nullement tenus de calculer l'assiette de la
subvention de fonctionnement d'un organe qui n'existait par sur la masse
salariale brute de l'entreprise ; qu'ainsi la censure qui interviendra sur le
premier moyen de cassation proposé aura pour conséquence nécessaire la
censure de l'arrêt attaqué du chef de délit d'entrave au fonctionnement du
comité central " :
Vu lesdits articles ;
Attendu que la loi pénale, d'interprétation stricte, ne peut être appliquée
par analogie ou induction ; que les juges répressifs ne peuvent prononcer
de peines que si sont réunis les éléments constitutifs d'une infraction
déterminée par la loi ;
Attendu que les parties civiles ont également poursuivi les dirigeants de la
société Pomona du chef d'entrave au fonctionnement du comité central pour
avoir, aux termes de la citation, amputé le budget de fonctionnement du
comité central d'entreprise de la part de la masse salariale des établissements
non dotés d'un comité d'établissement en imposant le calcul du budget de
fonctionnement sur la masse salariale des seuls établissements dotés d'un
comité d'établissement ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables, la juridiction du second
degré énonce les motifs rapportés au moyen ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'aucun des textes applicables
au comité central d'entreprise ne fait obligation au chef d'entreprise de verser
une subvention de fonctionnement au comité central ni ne précise dans
quelles conditions une partie des subventions allouées aux comités
d'établissement en vertu des articles L. 434-8 et L. 435-2 du Code du travail
pourrait être reversée au comité central, la cour d'appel, qui aurait dû
constater que les faits poursuivis n'étaient pas susceptibles de sanction
pénale, a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la censure est encourue de ce chef ;

Voir également Crim. 9 août 1913, DP 1917 1 69.


Ainsi, la chambre criminelle a refusé de retenir le viol dans les
hypothèses où il n’y avait pas eu pénétration de la victime par l’auteur de
l’infraction.
5

Crim., 21 octobre 1998


Bull.crim. n°274
[…]
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'en 1986, Z..., alors âgé de 13 ans,
lors de vacances passées avec son père et la seconde épouse de celui-ci, X...,
aurait été incité par eux, dans un but allégué d'initiation sexuelle, à pratiquer
des attouchements sur cette dernière ; Que, par la suite, durant environ un an,
à l'occasion de visites rendues à son père, Z... aurait échangé des caresses
intimes avec X... sous le regard et sous les directives de Y... ; Qu'à l'âge de
14 ans, le jeune garçon aurait eu avec sa belle-mère des relations sexuelles
complètes qui se seraient renouvelées de façon régulière jusqu'à ce que X...
décide d'y mettre fin en 1992 ; Que ces relations se seraient déroulées le plus
souvent en présence du père et que des photographies ont été prises tant par
Y... que par son fils ; Qu'en 1992, la jeune soeur de Z..., A..., alors âgée de 13
ans, a découvert ces clichés, lors d'un séjour chez son père, sous le lit de la
chambre de celui-ci ; Qu'elle s'est décidée, 2 ans plus tard, à en révéler
l'existence, ce qui a provoqué le déclenchement des poursuites, le 20 mai
1994 ;
Attendu que, par l'arrêt attaqué, la chambre d'accusation a renvoyé, pour ces
faits, X... et Y... devant la cour d'assises sous l'accusation, pour la première,
de viols et agressions sexuelles aggravés et, pour le second, de complicité de
ces infractions ; qu'elle a également retenu à l'encontre de Y... le délit
connexe d'abandon moral d'enfant pour n'avoir pas dissimulé à la vue de sa
fille des photographies à caractère pornographique ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation présenté par la société civile
professionnelle Waquet, Farge et Hazan pour X..., pris de la violation des
articles 332 ancien, 222-23 nouveau du Code pénal, 593 du Code de
procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que X... a été renvoyée devant la cour d'assises des chefs de viols
aggravés sur la personne de son beau-fils, Z... ;
" alors que, ne constitue pas une pénétration sexuelle subie par un homme le
fait pour lui d'avoir des relations sexuelles normales avec une femme ; que
l'élément matériel des viols allégués n'existe pas " ;
Sur le premier moyen de cassation présenté par Me Thouin-Palat pour Y...,
pris de la violation des articles 59, 60, 332 de l'ancien Code pénal, 111-4,
121-26, 121-27, 222-23 du nouveau Code pénal :
" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Y... devant la cour d'assises, sous
l'accusation de complicité de viols, commis par X... sur la personne de Z...,
par personne ayant autorité et par plusieurs personnes agissant comme auteur
ou complice, sur mineur de 15 ans et plus ;
" aux motifs que sur le plan matériel, les actes de nature sexuelle ne sont pas
contestés ; il s'agit d'abord d'attouchements suivis à partir de 1987 par des
relations sexuelles entre Z... et sa belle-mère ; de nombreux éléments
permettent de caractériser l'absence de consentement de la victime (...) ; que
constituent des viols au sens des articles 332 de l'ancien Code pénal, et 222-
23 du Code pénal le fait par une belle-mère d'abuser de l'autorité dont elle
dispose sur un enfant pour imposer ainsi à un jeune garçon d'avoir avec elle
des rapports sexuels sous la contrainte ; (cf. arrêt p. 5, paragraphe 4, et p. 7,
paragraphe 3) ;
" alors que l'élément matériel du crime de viol consiste en un acte de
pénétration sexuelle perpétré sur la personne d'autrui ; que ne constitue, dès
lors, pas un viol, le fait, par une femme, d'abuser de son autorité sur un
6
homme, mineur de 15 ans ou plus, pour lui imposer des rapports sexuels sous
la contrainte ; que, par suite, Y... ne pouvait être accusé de complicité de
viols commis par X... sur la personne de Z... " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 111-4, 332 ancien et 222-23 du Code pénal ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que l'élément matériel du crime de
viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle
sur la personne de la victime ;
Attendu que, pour renvoyer X... et Y... devant la cour d'assises, la première,
sous l'accusation de viols aggravés, et, le second, sous l'accusation de
complicité de ces crimes, la chambre d'accusation énonce que constituent des
viols, au sens des articles 332 ancien et 222-23 du Code pénal, le fait pour
une femme d'abuser de l'autorité dont elle dispose sur un jeune garçon pour
lui imposer d'avoir avec elle des rapports sexuels ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a méconnu le
sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; […]

Voir a contrario Crim., 16 décembre 1997, Bull.crim., n°429

B. Exception : l’analogie in favorem

Cependant, il existe une exception à ce principe : l’interprétation par


analogie est admise pour les dispositions favorables au prévenu.
Crim., 6 décembre 1957
D. 1958 p358
[…]
En droit: -Attendu que la reconnaissance de l'état de nécessité est un des
fondements du droit; que toutes les civilisations juridiques évoluées,
dégagées du légalisme initial, le consacrent, soit dans la loi, soit dans la
doctrine et la jurisprudence; que ce qui caractérise l'état ou « l'effet" de
nécessité, c'est .la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour
sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un
acte défendu par la loi pénale" (note Charles de Visscher, citée dans Foriers,
L'état de nécessité en droit pénal, p. 343) ; - Attendu qu'il est invoqué
d'ordinaire pour la défense de l'ordre public (affaire Messali-Hadj, Revue
jurid. d'Alsace1956, p. 280), ou pour la sauvegarde de la vie humaine, ou
pour justifier soit l'appropriation de denrées indispensables à l'entretien de la
vie en cas d'extrême pénurie (Amiens, 22 avr. 1898, S. 90. 2. 1), soit l'emploi
de moyens irréguliers pour procurer à une famille dans une période de crise
aiguë du logement l'abri dont elle ne saurait se passer (Trib. corr. Colmar, 27
aYr. 1056, D.1056. 500) ; -Attendu que si l'état de nécessité est une notion
strictement exceptionnelle, il serait contraire à son esprit d'en limiter
l'application à la défense d'intérêts matériels, fussent-ils vitaux; qu'on
doit l'étendre à la protection des intérêts moraux supérieurs, tel
l'honneur de la personne ou du foyer qui, pour l'honnête homme, ont
autant de prix que la vie; qu'il convient donc de rechercher dans l'examen
du point de fait si le prévenu, au moment où il a décidé de pénétrer dans la
résidence de sa femme, pouvait craindre très sérieusement que sa fille courût
7
un danger moral grave et immédiat, et si le dommage qu'il a causé à la
société en enfreignant la loi et à sa femme en s'introduisant chez elle peut
être mis en balance avec cette menace ;
En fait: -Attendu qu'il ressort d'un nouvel examen des faits de la cause que la
jeune Daisy se trouvait en danger moral auprès de sa mère, qui l'associait à sa
vie sexuelle, tout entière axée sur le plaisir; qu'en constatant le 8 juin 1957
que sa femme faisait entrer chez elle des connaissances de rencontre, ce
danger ne pouvait manquer d'apparaître plus pressant à Regina; que Regina y
a paré en expulsant les deux intrus ; -Attendu que la cour ne peut suivre les
premier" juges quand ils déclarent que " même si le prévenu s'était soucié de
l'honneur de sa fille, le délit serait constitué, étant donné que l'accès du
logement de sa femme lui était interdit par l'ordonnance de non-conciliation "
; que c'est là perdre de vue que la nécessité d'une intervention immédiate
dans un logement i dont l'accès est interdit peut l'emporter dans la balance ,
des impératifs sur l'obligation de respecter cette interdiction ; que si le feu
s'était déclaré dans le logement en question, personne n'aurait pu faire grief à
Regina. d'y avoir pénétré, même de force, pour sauver ses enfants, malgré
l'ordonnance présidentielle; qu'en l'espèce le danger qui menaçait sa fille était
autre; qu'il n'en était pas moins grave; qu'il est impossible d'admettre, comme
le fait le jugement, que la présence de deux hommes dans l'appartement
éliminait tout danger pour sa fille, puisque c'est précisément de ces hommes,
connaissances de rencontre, que venait le danger; qu'on ne peut faire grief à
un père d'avoir fait passer le souci de l'intégrité morale de sa fille avant toute
autre considération; que le préjudice causé à la société et à la dame Regina
est moindre que les suites fâcheuses qui pouvaient résulter d'agissements
capables de pervertir sa fille; qu'au surplus, cette intervention, si elle fut
brutale, se réduit à un fait unique et que, Regina s'étant retiré aussitôt après
avoir expulsé les intrus et corrigé sa fille, on ne saurait y voir un parti pris de
troubler l'existence de son épouse dans la résidence que lui avait assignée
l'ordonnance présidentielle; que l'intention de compromettre son épouse, que
le tribunal croit voir chez l'inculpé, est peu vraisemblable puisque, à
l'époque, le procès de divorce avait déjà été plaidé (audience du 28 mai) et
que l'enquête et une procédure en conservation de preuve avaient amplement
démontré l'inconduite de sa femme; que si Regina fit prendre des photos par
un de ses amis, c'est, selon toute vraisemblance, pour justifier son initiative et
prouver que sa femme éduquait mal sa fille; qu'ainsi l'état de nécessité
justifiant l'acte de Regina, il échet de réformer le jugement choqué d'appel et
de relaxer Regina ;

II. Les méthodes applicables


A. La méthode littérale
En vertu du principe d’interprétation stricte de la loi pénale, la méthode
privilégiée par les juges pour interpréter la loi va être la méthode littérale
(le juge doit s’en tenir à la lettre du texte) sauf en cas d’erreur manifeste
de rédaction (le résultat de l’application de cette méthode serait en effet
dans cette hypothèse absurde).

Crim., 8 mars 1930


DP 1930 1 101
8
LA COUR ; -Sur le moyen pris de la violation par fausse application des art.
21 de la loi du 15 juill. 1845 sur la police des chemins de fer, et 78 du décret
du 11 nov. 1917 portant règlement d’administration publique sur la police, la
sécurité et l’exploitation des voies ferrées, 2 c. civ., 4 c. pén., relatifs à la
non-rétroactivité des lois, et des art. 1 et 2 du décret du 5 nov. 1870, relatif à
la promulgation des lois et décrets: -Attendu qu’il résulte des énonciations du
jugement attaqué (Trib. corr. de Lille, 9 juill. 1929) que Bailly fils a été
poursuivi devant le tribunal de simple police de Lille pour avoir,.le 22 déc.
1928, à la gare de Croix-Wasquehal, ouvert la portière du compartiment de
chemin de fer dans lequel il se trouvait et sauté sur le quai avant l'arrêt
complet du train; que Bailly père a été également poursuivi comme
civilement responsable de son fils mineur ; que condamnation a été
prononcée par le tribunal correctionnel de Lille, statuant comme juridiction
d'appel, le 9 juill. 1929, pour contravention aux art. 21 de la loi du 15 Juillet
1845 et 78 du décret du 11 nov. 1917 ; que le tribunal a décidé à bon droit
que ce dernier texte devait être interprété comme interdisant aux voyageurs
de monter dans les voitures ou d'en descendre avant l'arrêt complet du train; -
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé; -Par ces motifs, rejette.

B. L’interprétation téléologique

Mais dans certaines hypothèses, même en l’absence d’erreur manifeste


de rédaction, l’interprétation littérale ne paraît pas adaptée. Aussi, la
jurisprudence n’hésite-t-elle pas à avoir recours à la méthode
téléologique (recherche de la volonté du législateur au regard des travaux
préparatoires, mais aussi de renseignements historiques, économiques,
politiques ou scientifiques) pour définir les termes employés par la loi,
déterminer le domaine d’application du texte ou encore, et surtout,
adapter la loi à l’évolution de la société.

Crim., 9 juillet 1970


(définition des termes de la loi)
Sur le moyen unique de cassation: pris de la violation des articles 401, 460
du Code pénal, 485 du Code de procédure pénale, 7 de la loi du 20 avril
1810 ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'un individu
prénommé «Roger » a pendant la nuit du 6 au 7 juin 1968 soustrait
frauduleusement un véhicule automobile en stationnement sur la voie
publique appartenant à un sieur Lacoste, pendant que Lefèvre Louis Roger,
au courant des agissements de son camarade, attendait à proximité; que ledit
Lefèvre a pris place à bord du véhicule dont il connaissait ainsi la
provenance frauduleuse; qu'il a utilisé cette voiture pour circuler dans
Gennevilliers jusqu'à ce que le conducteur, qui en perdit le contrôle, eût
occasionné un accident ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations la Cour d'appel a, à bon droit,
déclaré Lefèvre Louis Roger coupable du délit de recel; qu'en effet l'article
160 du Code pénal, qui est conçu en termes généraux, atteint tous ceux
qui en connaissance de cause, ont par un moyen quelconque, bénéficié
du produit d'un crime ou d'un délit; qu'en l'espèce, en se faisant transporté
dans une voiture automobile qu'il savait volée, le demandeur a bénéficié
personnellement du produit du vol ;
9

Crim., 12 janvier 1989, arrêt Bourquin


Bull. n°14 (adaptation des textes à l’évolution des techniques)
Sur le moyen unique de cassation commun aux demandeurs et pris de la
violation des articles 388, 158, 427, 512 et 593 du Code de procédure pénale,
379 du Code pénal ;
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Boyer et Guenu coupables
des infractions de vol de 70 disquettes au préjudice de la SA Bourquin, et de
vol, dans les mêmes circonstances, de temps et de lieu, du contenu
informationnel de 47 de ces disquettes ;
" aux motifs que les responsables de l'imprimerie Bourquin, après avoir,
selon eux, découvert que Boyer et Guenu, affectés à l'atelier de
photocomposition de l'entreprise, y avaient réalisé des travaux personnels
préalables à la constitution de leur propre société (qui fut par la suite
effectivement créée sous forme de SARL sous le nom de Graphiform en
février 1983) faisaient procéder à un constat d'huissier le 28 juin 1982, et
priaient les intéressés de quitter les lieux ; qu'il n'est pas contesté que, de
concert avec Guenu qui avait procédé au travail matériel de copie sur les
flexidisk, Boyer a entreposé à son domicile personnel les 70 disquettes,
rapportées au siège de l'entreprise le 29 juin, dont 47 comportaient la
reproduction des compositions des travaux exécutés depuis 3 ans, soit depuis
l'acquisition en 1979 d'une nouvelle machine à composer gérée par
l'informatique par l'imprimerie Bourquin ; qu'il doit être relevé qu'il ne
résulte pas de l'information, et en particulier de l'expertise de MM. Moati et
Donio, que les disques litigieux aient contenu d'autres données que les
photocompositions des travaux de l'imprimerie, à l'exclusion des données de
procédés industriels propres à l'imprimerie Bourquin et aux modalités de leur
exploitation ; qu'il ressort de l'information et des débats que Boyer et Guenu
ont, d'une part, appréhendé l'original ou la première copie de sauvegarde
pour en faire une reproduction, sans en avertir leurs supérieurs, et qu'ils ont,
d'autre part, sorti de l'entreprise les disquettes contenant une copie
supplémentaire sans autorisation et sans même en informer la direction ; que,
cependant, à leur entrée en fonctions, Boyer le 9 décembre 1969, Guenu le 2
mai 1977, avaient apposé leurs signatures sur la fiche de renseignements les
concernant sous la mention " lu règlement d'atelier ci-contre " ; qu'aux
termes du 20e alinéa de l'article XX de ce règlement, il est interdit de :"
emporter de l'imprimerie, sans autorisation, des objets et documents
imprimés, tierces, bons à tirer, épreuves, appartenant à l'établissement (leur
utilisation directe ou indirecte pouvant donner lieu à des poursuites pour
détournement de documents) " ; " que les experts commis par le juge
d'instruction, après avoir examiné le matériel de l'imprimerie Bourquin, et
celui de la société Graphiform, fournis par le même fabricant, la société Disc
de Gand (Belgique), ont indiqué que la compatibilité de l'équipement utilisé
par les prévenus et leur parfaite maîtrise du système leur permettaient
d'utiliser rationnellement et rentablement les disquettes de l'imprimerie ; que
les données commerciales enregistrées sur les disquettes constituaient un
fichier de la clientèle d'une extrême richesse ; " et aux motifs appropriés des
premiers juges que les experts précisent qu'il leur paraît évident que les
disquettes sont la propriété de l'imprimerie Bourquin, tout comme n'importe
quel programme élaboré par un programmeur est la propriété de la société
qui l'emploie et non la propriété du programmeur salarié ; […]
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Guenu et Boyer ont été déclarés
coupables, d'une part, du vol de 70 disquettes, et, d'autre part, de celui du
contenu informationnel de 47 de ces disquettes durant le temps nécessaire à
la reproduction des informations, le tout au préjudice de la SA Bourquin qui
en était propriétaire ;
10
Attendu que sous couvert d'un prétendu défaut de base légale, le moyen se
borne à tenter de remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du
fond, qui ont relevé sans insuffisance, à l'encontre des prévenus, l'ensemble
des éléments constitutifs des délits dont ils ont été reconnus coupables ;
Que dès lors le moyen doit être écarté ;

Cet arrêt a été interprété comme étendant le vol aux biens incorporels.
Depuis, la chambre criminelle de la Cour de cassation n’a pas eu
l’occasion de se prononcer de nouveau sur ce point. Mais le 3 avril 1995,
la même chambre a refusé d’étendre le recel par détention d’une chose à
un bien incorporel. Or, le texte relatif au recel par détention et celui
relatif au vol utilisant tous les deux le terme de « chose » il semble
possible de penser que la cour de cassation considère comme nécessaire
à la constitution du vol l’existence d’un support matériel (qui existait
d’ailleurs dans l’affaire Bourquin). C’est d’ailleurs la position adoptée
par plusieurs cours d’appel, notamment la Cour d’appel de Grenoble :
Voir Grenoble 4 mai 2000, JCP 2001 IV 1473

Ass. Plén., 29 juin 2001


Bull. n°165 (détermination du domaine d’application de la loi pénale)
Sur les deux moyens réunis du procureur général près la cour d'appel de
Metz et de Mme X... :
Attendu que le 29 juillet 1995 un véhicule conduit par M. Z... a heurté celui
conduit par Mme X..., enceinte de six mois, qui a été blessée et a perdu des
suites du choc le foetus qu'elle portait ; que l'arrêt attaqué (Metz, 3 septembre
1998) a notamment condamné M. Z... du chef de blessures involontaires sur
la personne de Mme X..., avec circonstance aggravante de conduite sous
l'empire d'un état alcoolique, mais l'a relaxé du chef d'atteinte involontaire à
la vie de l'enfant à naître ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que,
d'une part, l'article 221-6 du Code pénal réprimant le fait de causer la mort
d'autrui n'exclut pas de son champ d'application l'enfant à naître et viable,
qu'en limitant la portée de ce texte à l'enfant dont le coeur battait à la
naissance et qui a respiré, la cour d'appel a ajouté une condition non prévue
par la loi, et alors que, d'autre part, le fait de provoquer involontairement la
mort d'un enfant à naître constitue le délit d'homicide involontaire dès lors
que celui-ci était viable au moment des faits quand bien même il n'aurait pas
respiré lorsqu'il a été séparé de la mère, de sorte qu'auraient été violés les
articles 111-3, 111-4 et 221-6 du Code pénal et 593 du Code de procédure
pénale ;
Mais attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui
impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que
l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant
l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître
dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le
foetus ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué a fait une exacte application des textes visés
par le moyen;

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