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EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

E M S I - RABAT
3ème année GC Semestre 1

DROIT DES AFFAIRES

Chakib EL OUFIR
Docteur d'Etat en droit
Professeur à l' Université Mohammed V - Rabat
Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales
- Agdal

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EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Année universitaire 2021-2022


INTRODUCTION

Qu’est ce que le droit des affaires que les juristes appellent droit
commercial ? Quelles sont ses particularités ? Quelles sont ses sources ?

I - DEFINITION ET PARTICULARITES
C’est un droit qui fait partie du droit privé qui régit les opérations de
production et de circulation des richesses effectuées par les commerçants soit
dans leurs relations entre eux, soit dans leurs rapports avec leurs clients.
Vu la nature du monde des affaires, le droit commercial se distingue du
droit civil tantôt par un certain formalisme, tantôt par une certaine souplesse.

A - LE FORMALISME DU DROIT COMMERCIAL


Ce formalisme est en effet très utile pour assurer la sécurité du crédit dans
les opérations commerciales.
Le crédit constitue le noyau de toutes les relations commerciales. Pour cela,
il doit être entouré d’un formalisme plus rigoureux que celui éxigé par le droit civil.
C’est ce qui explique le formalisme des institutions du droit commercial : celui des
effets de commerce, de la vente et du nantissement du fonds de commerce, de la
faillite, le formalisme rigoureux pour la constitution des sociétés commerciales,
etc.

B - LA SOUPLESSE DU DROIT COMMERCIAL 


Elle s’explique, quant à elle, par la rapidité que nécessite la réalisation des
opérations commerciales. Ainsi, et contrairement aux règles rigides du droit civil,
en droit commercial on admet le principe de la liberté de la preuve entre les
commerçants.
C’est ce qui permet à ces derniers de conclure leurs contrats par les
moyens les plus rapides (téléphone, fax ou même verbalement) sans avoir à se
soucier, au préalable, du formalisme des écritures qu’exige le droit civil.

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II - LES SOURCES DU DROIT COMMERCIAL 


Avec la rapidité de l’évolution du monde des affaires, on ne peut se
permettre de compter uniquement sur les sources écrites ; c’est pourquoi les
sources non écrites y jouent un rôle fondamental.

A- LES SOURCES ECRITES


Dans cette catégorie il existe des sources nationales et d’autres
internationales.

a - Les sources nationales 


1/ Le code de commerce 
Depuis le protectorat, la zone française du Maroc était régie par le code de
commerce du 12 août 1913. Après l'indépendance il a été généralisé à tout le
Royaume. Ce code était largement inspiré du code de commerce français de
1807.
Il fut enfin remplacé par un nouveau code de commerce  par un dahir n° 1-
96-83 du 1er août 1996 portant promulgation de la loi 15/95 formant code de
commerce1.

2/ Le D.O.C. :
Le D.O.C. est notre code civil (Dahir formant code des obligations et
contrats également du 12 août 1913).
En tant que code de droit privé marocain, le D.O.C. constitue ce qu'on
appelle le droit commun. Par conséquent, en cas de lacune du code de
commerce, ce sont ses règles qui s’appliquent.
À ce propos, le nouveau code de commerce stipule dans son article 2 : « il
est statué en matière commerciale, conformément aux lois, coutumes et usages
du commerce ou au droit civil, dans la mesure où il ne contredit pas les principes
fondamentaux du droit commercial ».

b- Les sources internationales 


Il s’agit des conventions internationales qui constituent une source
fondamentale du droit commercial.

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- B.O. n° 4418, du 3 octobre 1996, pp. 568-634.

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Ces conventions peuvent être bilatérales se limitant à régler certaines


questions entre deux Etats signataires ou entre un Etat et un groupement
économique régional (par exemple l’accord d’association entre le Maroc et l'U.E.).
Il existe aussi des conventions internationales, par exemple les traités
internationaux ratifiés par le Maroc tels que ceux sur les transports maritimes,
ferroviaire, routier et aérien ; les accords du GATT ; les conventions
internationales portant lois uniformes (les conventions de Genève du 7 juin 1930
sur la lettre de change et le billet à ordre et du 19 mars 1931 sur le chèque).
Le droit commercial n’a pas que des sources écrites, il en a d’autres
importantes, même non écrites.

B- LES SOURCES NON ECRITES


Il s’agit des usages commerciaux et de la jurisprudence que nous incluons
ici parmi les sources non – écrites pour son rôle particulier en matière
commerciale.

a – Les usages commerciaux
Bien que le droit commercial soit codifié, les usages commerciaux
continuent d’en constituer une source fondamentale ; car la législation, avec sa
lenteur, est incapable de suivre l’évolution rapide du monde des affaires.
Les usages sont des règles générales non écrites issues de pratiques
professionnelles constantes et tacitement acceptées par les commerçants à
l’occasion des négociations ou de l’exécution de leurs opérations commerciales.
Ce sont les pratiques qui créent des règles par la force de l’habitude
professionnelle.

b - La jurisprudence
La jurisprudence, comme dans d'autres matières, joue son rôle d'interprète
de la loi et des contrats conclus entre les commerçants.
Mais en plus, en droit commercial, elle a une fonction très importante dans
la mesure où c'est la jurisprudence qui fixe les usages auxquels se réfèrent les
commerçants ; de la sorte, elle renforce leur qualité de source de droit
commercial. Par conséquent, elle constitue elle – même une source importante
de la matière commerciale.

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En outre, c'est la jurisprudence qui détermine le statut des institutions


nouvelles, créées par la pratique.

CHAPITRE 1 - LES ACTIVITES COMMERCIALES


L'objet du droit commercial est bien l'activité commerciale.
L’article 6 parle d’activités commerciales que nous pouvons définir comme
étant celles qui donnent la qualité de commerçant à celui qui les exerce de manière
professionnelle ou habituelle.
L’article 6 du nouveau code de commerce de 1996  énumère un grand
nombre d'activités commerciales que nous pouvons ranger dans trois secteurs :
- les activités de production ;
- les activités de distribution ;
- et les activités de services.

I - LES ACTIVITES DE PRODUCTION

Les seules activités de production de caractère commercial, c'est-à-dire qui ne


sont pas précédées de circulation antérieure, sont la recherche et l’exploitation des
mines et des carrières (art. 6-4°).
On remarquera que l’agriculture et la pêche, qui sont aussi des activités de
production, sont restées dans le domaine civil. Sont également du domaine du droit
civil toutes les activités de production de l'esprit : les médecins, les avocats, les
notaires, les architectes, les écrivains, les compositeurs de musiques, les artistes
peintres, les ingénieurs créateurs de logiciels, de machines...

II – LES ACTIVITES DE DISTRIBUTION

La distribution est l’ensemble des opérations par lesquelles les produits


sont répartis entre les consommateurs.
Deux activités de distributions peuvent se dégager de l'art. 6 : l’achat pour
revente et la fourniture.

A - L’ACHAT POUR REVENDRE


Trois conditions sont nécessaires à sa commercialité :
1 - L’achat : car sans achat initial ce serait une production.

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2 - L’objet : Désormais, il s’agit non seulement de l’achat de meubles pour les


revendre, mais aussi actuellement des immeubles2.
3 - L’intention de revendre en l’état ou après transformation : Qu'il s'agisse de
meubles ou d'immeubles, la revente constitue une activité commerciale qu'ils soient
revendus en l’état ou après transformation (ce qui inclue même les industries de
transformation).
Si la vente est un contrat à exécution instantanée, la fourniture est un contrat
à exécution successive.

B - LA FOURNITURE
C’est le contrat par lequel le fournisseur s’engage, moyennant un prix, à
délivrer des produits qu’il se procure (achète) préalablement aux livraisons ou à
effectuer des services à ses clients, de manière périodique ou continue.
Par «produits» il faut entendre les denrées et les marchandises (produits
alimentaires ou industriels) mais il faut inclure aussi la distribution d'eau, d’électricité
et du gaz nouvellement commercialisée.
Les services dont il est question ici sont ceux qui sont fournis de manière
périodique et régulière ; exemples : les services en matière de postes et
télécommunications, les services d’entretien et de réparations des appareils,
machines, véhicules…

III - LES ACTIVITES DE SERVICES

Il s’agit d’activités qui consistent à exécuter un travail au profit des clients ou


de mettre à leur disposition l’usage temporaire de certaines choses. Dans certains
cas, les commerçants servent seulement d'intermédiaires, dans d'autres cas ils
agissent directement.

A - LES SERVICES DE L’INTERMEDIATION


Il s'agit notamment du courtage et de la commission.

a - Le courtage 
C’est l’activité par laquelle une personne (le courtier) met deux personnes en
relation en vue de la conclusion d’un contrat.
Par conséquent, le courtier n’intervient d’aucune manière dans le contrat
conclu entre les personnes qu’il rapproche.
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Par contre, la location des immeubles reste civile.

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b - La commission
Le contrat de commission est une variété de mandat en vertu duquel le
commissionnaire s’engage à réaliser des opérations tels que des achats ou des
ventes pour le compte du commettant, mais en son nom personnel.
À la différence du simple mandataire qui traite au nom de son mandant, le
commissionnaire contracte avec les tiers en son nom personnel. Les tiers (les
cocontractants) ne connaissent que le commissionnaire.
Dans la pratique, les commissionnaires sont désignés par des dénominations
techniques suivant leurs domaines de spécialisation : les intermédiaires de la bourse
(ou agents de change en France), les commissionnaires de transport, les transitaires
de douane, les mandataires des halles, etc.

B - LES SERVICES FINANCIERS


C’est l’ensemble des activités qui ont pour objet la spéculation sur l’argent.
Il s’agit notamment de la banque, du crédit et des assurances.

a - La banque
D’après la loi bancaire, les principales activités bancaires sont : 
- la réception de fonds du public ;
- la distribution de crédits ;
- et la mise à la disposition de la clientèle de tous moyens de paiement ou leur
gestion.
Quant aux activités bancaires connexes, ce sont par exemple :
- les opérations de change; 
- les opérations sur or, métaux précieux et pièces de monnaie ;
- le placement, la souscription, l’achat, la gestion, la garde et la vente des
valeurs mobilières ou de tout produit financier ;
- le leasing ou crédit –bail ;
- le conseil et l’assistance en matière de gestion financière, l’ingénierie
financière (ou engineering en anglais)3 et d’une manière générale, tous les services
destinés à faciliter la création et le développement des entreprises.

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- L’ingénierie est l’ensemble des études qui permettent de déterminer, pour la réalisation d’un programme
d’investissement, les meilleures tendances et modalités de conception, les conditions de rentabilité optimales, les
matériels et les procédés les mieux adaptés.

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b - Les transactions financières


Il s’agit en fait de l’activité des sociétés de financements telles que définies
par l’article 10, al.3 de la loi bancaire, comme les sociétés de crédit à la
consommation par exemple ASSALAF CHAABI, BMCI CREDIT CONSO,
CETELEM MAROC, DAR SALAF, FINACRED, SALAFIN, TASLIF, EQDOM,
ACRED, WAFASALAF, etc.
C’est donc pour ce genre d’établissements que l’article 6 du code de
commerce a réservé ce concept de transactions financières qu’il a délibérément
séparé des autres concepts de la banque et du crédit.

c - Le crédit 
Le crédit consiste, d’après l’article 3 de la loi bancaire, en trois opérations,
qui doivent toutes être effectuées à titre onéreux 4 en vertu desquelles une
personne :
- met ou s'oblige de mettre des fonds à la disposition d'une autre personne,
à charge pour celle-ci de les rembourser, ce qui veut dire dans le langage bancaire
«les ouvertures de crédit» ;
- ou prend dans l'intérêt d'une autre personne toute sorte de garantie tel
que le cautionnement, c’est le cas de la CAISSE MAROCAINE DES MARCHES
(C.M.M) et de DAR AD-DAMANE.

d - L’assurance
Le code de 1996 considère commerciales  les opérations d’assurances «à
primes fixes », c'est-à-dire les assurances du secteur commercial, pour les distinguer
des assurances mutuelles.
La mutuelle est une assurance à but non lucratif, qui regroupe un certain
nombre d’adhérents, appartenant généralement à une même catégorie
socioprofessionnelle, qui versent une prime variable en fonction des résultats de
l’exercice annuel. C’est-à-dire que, suivant la quantité et la gravité des sinistres
survenus au cours de l’exercice, les adhérents seront amenés soit à ajouter un
complément à la prime initiale, soit à recevoir une ristourne du reliquat des primes
après l’arrêt des comptes (il ne s’agit pas de bénéfices). En pratique les mutuelles
établissent aussi des montants fixes calculés en fonction de la loi de la statistique,
mais sans avoir à rechercher de profits comme le secteur commercial.
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- C’est une condition essentielle, car les prêts concédés à titre gratuit ne sont pas considérés du crédit.

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Exemples de mutuelles : la M.A.E.M. (Mutuelle d’Assurances des Enseignants


du Maroc), M.A.M.D.A. (Mutuelle Agricole Marocaine d’Assurance).
Puisque les assurances mutuelles ne cherchent pas à réaliser de bénéfices,
elles ne sont pas commerciales ; ce qui n’est pas le cas du secteur commercial des
assurances à primes fixes.

C - LES AUTRES SERVICES


Il s'agit notamment de :

a – L'activité industrielle
Il s’agit de toute activité qui consiste à effectuer des travaux sur des biens
meubles ou immeubles.
Mais à la différence avec l'achat pour revente après transformation où il y a
achat de la matière première qui sera transformée pour être revendue, l'article 6
désigne par activités industrielles celles où les produits ou matières premières sont
fournis à l'industriel par ses clients à charges pour lui de les leur restituer après
transformation.

b - La location de meubles
En vertu de l’art 6 toute location des biens meubles est une activité
commerciale.
Le législateur de 1996 est resté muet sur les opérations de location des
immeubles. L’achat d’immeubles en vue de leur location demeure donc une activité
civile.

c - L’exploitation de locaux à usage public


Il s'agit des entrepôts publics, des magasins généraux et de l’organisation de
spectacles publics (théâtre, cinéma, salles de conférences, salles de jeux, les
parkings, les hammams, les hôtels, restaurants, cafés, etc.).

d - Le transport
La commercialité du transport se base sur le fait qu’il participe à la circulation
des richesses, qu’il s’agisse du transport des personnes ou des marchandises ; et
quel que soit le mode de transport : aérien, maritime, ferroviaire, terrestre…

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CHAPITRE II - LE COMMERÇANT

Section I - DEFINITION DU COMMERÇANT


La définition du commerçant résulte expressément de l’article 6 du nouveau
code qui stipule que, sous réserve des conditions relatives à la publicité au registre
du commerce, la qualité de commerçant s’acquiert par l’exercice habituel ou
professionnel des activités commerciales.
Toutefois cette condition est insuffisante pour définir le commerçant, une autre
condition s’impose, à savoir l’exercice des activités commerciales pour son propre
compte.
§ I - L’EXERCICE HABITUEL OU PROFESSIONNEL DES ACTIVITÉS
COMMERCIALES
S'agissant des sociétés, rappelons que certaines sociétés sont commerciales
par la forme, quelle que soit leur activité civile ou commerciale.
En ce qui concerne les personnes physiques, nous avons déjà eu l’occasion
de voir que le commerçant est celui qui exerce les activités commerciales, mais de
manière habituelle ou professionnelle.
Qu’est-ce que l’habitude et qu'est-ce que la profession ?
- L’habitude : veut dire une répétition régulière de l’activité commerciale,
autrement dit, l’exercice par entreprise des activités de l’article 6 ; en conséquence,
l’exercice occasionnel de ces activités ne peut plus qualifier un commerçant.
D’ailleurs, il ne faut pas oublier la condition supplémentaire de l’article 6 concernant
la publicité au registre du commerce.
- La profession : doit consister dans l’exercice d’une activité qui procure le
moyen de satisfaire aux besoins de l’existence de celui qui l’exerce.
Celui qui exerce une activité commerciale de manière habituelle doit tirer de
cet exercice tout ou une partie importante de ses moyens d’existence.
Encore faut-il qu’il le fasse pour son propre compte.
§ II - L’EXERCICE POUR SON PROPRE COMPTE
Il s’agit là d’une règle qui connaît néanmoins des exceptions.

A – LA RÈGLE
La qualité de commerçant s’acquiert en définitif par l’exercice habituel ou
professionnel des activités commerciales, mais pour son propre compte. Autrement

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dit, la règle en la matière est la suivante : celui qui exerce des activités
commerciales, même s’il en fait sa profession habituelle, n’est pas un commerçant
tant qu’il le fait pour le compte d’autrui.
Le commerce suppose une indépendance totale dans l’exercice de la
profession. Il suppose aussi un certain risque : le commerçant peut faire des
bénéfices mais il peut aussi subir des pertes ; d’où la règle : tous ceux qui exercent
le commerce pour le compte d’une autre personne et ne subissent pas de risque ne
sont pas des commerçants.
Rentrent dans cette catégorie les employés, dans la mesure où ils sont
subordonnés à leurs employeurs par un contrat de travail et restent indifférents aux
risques du commerce, et les mandataires qui ne font que représenter leurs mandants
dans le commerce (exemples les représentants de commerce et les dirigeants des
sociétés commerciales).

B - LES EXCEPTIONS
Certaines personnes, bien qu’elles agissent pour le compte d’autrui, sont
considérées des commerçants alors qu’elles ne remplissent pas la condition
d’indépendance corrélative au risque.

a - Les commissionnaires
Nous avons déjà eu l’occasion de voir que le contrat de commission est une
sorte de mandat ; à ce titre, le commissionnaire ne devrait pas, en principe, être
considéré commerçant puisqu’il est un simple mandataire qui traite pour le compte
d’autrui, son commettant.
Nous avons vu aussi que le commissionnaire, à la différence du mandataire,
traite en son propre nom. Cependant, ce n’est pas pour cette raison que le
commissionnaire est un commerçant, mais parce qu’il exerce une activité
commerciale à part entière prévue par l’article 6-9° : la commission.

b - Les prête-noms
Le prête-nom est celui qui prête son nom dans des actes où le véritable
cocontractant ne peut ou ne veut pas voir figurer le sien.
C’est donc en apparence seulement que le prête-nom exerce le commerce,
c’est en apparence qu’il contracte avec les tiers en son nom et pour son compte
alors qu’en réalité, il le fait pour le compte d’autrui ; à ce titre, il ne devrait pas être
considéré commerçant.

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Pourtant, vu l’importance accordée en droit commercial à la théorie de


l’apparence, le prête-nom est, sans hésitation, qualifié commerçant.

Section II - LA CONDITION JURIDIQUE DU COMMERCANT


Un commerçant doit satisfaire aux conditions de la capacité commerciale et
aux conditions relatives aux restrictions à l’exercice du commerce.

§ I - LA CAPACITE COMMERCIALE

L’incapacité d’exercer le commerce frappe le mineur et le majeur incapable ;


par conséquent, même émancipé, à l'âge de 16 ans, le mineur ne peut exercer le
commerce qu'avec une autorisation spéciale de son tuteur.

§ II - LES RESTRICTIONS A LA LIBERTE DU COMMERCE

La liberté du commerce est un principe fondamental de notre droit ; il est


désormais consacré par la constitution5.
Toutefois, cette liberté du commerce est limitée par certaines restrictions, il
s'agit notamment des restrictions suivantes :

a - Les incompatibilités
Le législateur estime, pour différentes raisons, que certaines professions sont
incompatibles avec l’exercice du commerce, il s’agit notamment des médecins, des
avocats, des adouls, des notaires, des fonctionnaires, etc.

b – Les interdictions
Au titre de cette restriction, le commerçant n’a pas le droit de postuler à
l’exercice de certaines activités commerciales :
- lorsque ces activités sont interdites par le législateur : par exemple
l’interdiction du commerce de la fausse monnaie, l’interdiction du commerce lié aux
jeux de hasard, l’interdiction du commerce des objets et images contraires aux
mœurs, le commerce des stupéfiants ;
- ou lorsque ces activités constituent un monopole de l’Etat : par exemple la
recherche du pétrole et du gaz, l’exploitation et le commerce des phosphates, le
transport ferroviaire, etc.

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- L’article 15 de la constitution dispose que le droit d’entreprendre demeure garanti.

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c – Les autorisations
Il s’agit de l’interdiction d’exercer certaines activités commerciales sans
autorisation préalable des autorités administratives.
En effet, dans certains cas, une autorisation administrative, sous forme
d’agrément ou de licence, est nécessaire avant l’ouverture du commerce ou
l’exercice de certaines activités commerciales, par exemple :
- la vente des boissons alcooliques,
- les activités cinématographiques (autorisation du C.C.M.),
- les agences de voyages (qui doivent être autorisées par le ministère du
tourisme),
- le transport public des personnes (soumis à des agréments du ministère du
transport), etc.6.
Dans d’autres cas l’existence de ces autorisations s’explique par des
exigences de la profession, par exemple l’ouverture d’une pharmacie nécessite
d’être titulaire d’un diplôme de pharmacien, etc.
Il faut ajouter que certaines activités ne peuvent être exercées que par des
personnes morales, par exemple les activités bancaires.

Section III - LES OBLIGATIONS DU COMMERCANT


En plus des obligations communes à toutes les entreprises économiques (les
obligations sociales, les obligations fiscales…), le commerçant est soumis à des
obligations spéciales, les unes nouvelles, les autres traditionnelles.

§ 1 – LES OBLIGATIONS NOUVELLES

En effet, dans le but d’assurer un meilleur contrôle fiscal, le code de 1996 a


institué de nouvelles obligations à la charge des commerçants, il s’agit de :
- l’obligation pour le commerçant, pour les besoins de son commerce, d’ouvrir un
compte dans un établissement bancaire ou postal (art.18) ;
- et l’obligation de payer par chèque barré ou par virement bancaire, toute opération
entre commerçants pour faits de commerce d’une valeur supérieure à 10 000 dhs.
L’inobservation de cette règle est passible d’une amende qui ne peut être inférieure à
6% de la valeur payée autrement que par chèque ou virement bancaire ; les deux
commerçants, c’est-à-dire le créancier et le débiteur, sont responsables
solidairement du paiement de cette amende.
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Le transport des marchandises n'étant désormais plus soumis à agrément.

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Depuis le 1er février 2011 un règlement interbancaire (GPBM) a instauré


l'obligation des chèques pré-barrés et non endossables pour les clients patentés des
banques (les personnes morales, les entreprises individuelles et les professions
libérales).
Ces obligations s’ajoutent donc à celles qui sont traditionnellement spécifiques
aux commerçants à savoir, la publicité au registre du commerce et la tenue de la
comptabilité.

§ 2 - LA PUBLICITE AU REGISTRE DU COMMERCE

Le R.C. a pour rôle de faire connaître les commerçants, son objectif est
d’organiser une publicité juridique (non commerciale) sur le commerçant ; il fournit
aux tiers, qui sont en relation avec le commerçant, des informations relatives à sa
situation juridique et à ses activités commerciales.
C’est pour cette raison que le code de commerce a fait du R.C. un document
public ; toute personne, en s'adressant au tribunal ou au registre central à
Casablanca, peut se faire délivrer une copie ou un extrait certifié des inscriptions qui
y sont portées ou un certificat attestant l’inexistence d’une inscription ou qu’une
inscription a été rayée.
Tout commerçant, personne physique ou morale a pour obligation de se faire
immatriculer au registre de commerce.

A - LES EFFETS DU DÉFAUT D’IMMATRICULATION


Cette immatriculation a pour effet pour les personnes physiques de bénéficier
des règles avantageuses du droit commercial, notamment le droit au renouvellement
du bail de son fonds de commerce. En vertu de la politique du nouveau code de
commerce, le commerçant non immatriculé :
- d’une part, se voit privé de tous les droits dont bénéficient les commerçants,
par exemples : il ne peut produire ses documents comptables en justice pour faire
preuve, ni revendiquer le droit à la propriété commerciale, etc.
- d’autre part, il se trouve soumis à toutes les obligations des commerçants,
par exemple il ne peut invoquer le défaut d’immatriculation pour se soustraire aux
procédures de redressement ou de liquidation judiciaires qui sont spéciales aux
commerçants.

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B - LES EFFETS À L’ÉGARD DES PERSONNES


MORALES 
Dans notre ancienne législation, l’immatriculation au R.C. n’était pas une
condition pour l’acquisition de la personnalité morale, une société commerciale
jouissait de la personnalité morale dès sa constitution, indépendamment de
l’immatriculation au R.C.
Actuellement, avec les nouvelles lois relatives aux sociétés, celles-ci ne
jouissent de la personnalité morale qu’à partir de leur immatriculation au R.C.

§ 3 - LA TENUE D’UNE COMPTABILITE

L’utilité de la comptabilité n’est plus aujourd’hui à démontrer, tant dans l’intérêt


du commerçant (bonne gestion et moyen de preuve) que de celui des tiers
(informations sur la situation du commerçant) ou de l’Etat (contrôle des déclarations
fiscales).

A - LES LIVRES ET DOCUMENTS COMPTABLES


Désormais, notre législation actuelle ne dispense plus aucun commerçant,
aussi modeste que soit son commerce, de la tenue de la comptabilité commerciale.
L’article 1er de la loi 9-88 impose en effet à toute personne, physique ou morale,
ayant la qualité de commerçant de tenir une comptabilité dans les formes qu’elle
prescrit.
Dans ce but trois livres comptables sont obligatoires pour tous les
commerçants, à savoir, le livre journal, le grand livre et le ivre d'inventaire. En outre,
elle oblige les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 7.500.000
dh d’établir un certain nombre de documents supplémentaires tels que le manuel,
l’état des soldes de gestion (l’E.S.G.), le tableau de financement, l’état des
informations complémentaires (ETIC) et les états de synthèse annuels (ES).

B - LES REGLES RELATIVES À LA TENUE DE LA COMPTABILITE


Analysons ces règles:
1- Afin de veiller sur l’authenticité des écritures comptables et la sincérité des
opérations effectuées par les commerçants, l’article 22 de la loi exige que les
documents comptables soient établis «sans blanc ni altération d’aucune sorte »,
c’est-à-dire qu’il est interdit de laisser des blancs susceptibles d’être remplis en cas
de besoin ou de biffer des écritures, celles-ci doivent, le cas échéant, tout

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simplement être rectifiées par d’autres écritures en sens inverse, autrement dit
procéder à la contre-passation.
2 - C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que l’article 8 dispose que le livre
journal et le livre d’inventaire sont cotés et paraphés sans frais par le greffier du
tribunal du siège de l’entreprise. Chaque livre reçoit un numéro répertorié par le
greffier sur un registre spécial.
3 - Par ailleurs, l’article 22 exige des commerçants de conserver leurs
documents comptables et leurs pièces justificatives pendant 10 ans. L’article 26 du
code de commerce les oblige, de son côté, de classer et conserver pendant 10 ans,
à partir de leur date, les originaux des correspondances reçues et les copies de
celles envoyées.
Comme les documents comptables servent de base à l’établissement des
déclarations fiscales, ils peuvent faire l’objet de vérification de la part des inspecteurs
des impôts. Aussi, lorsque ces documents ne respectent pas les normes prescrites
par la loi 9-88, l’article 23 de cette dernière laisse la faculté à l’administration des
impôts de les rejeter et d’établir une imposition forfaitaire. Elle peut même appliquer,
le cas échéant, des sanctions pécuniaires (majorations, indemnités de retard, etc.)
L’un des intérêts de la tenue de la comptabilité pour le commerçant, et non
des moins importants, est qu’elle peut lui servir de preuve à l’égard des autres
commerçants.
Par conséquent, en cas de litige entre commerçants à propos de leurs affaires
commerciales, chacun peut invoquer ses propres documents comptables pour faire
preuve contre l’autre, à condition qu’ils soient régulièrement tenus.

CHAPITRE 3 - LE FONDS DE COMMERCE

Section 1 - LES ELEMENTS DU F.C.


Ces éléments sont traditionnellement divisés en deux catégories, suivant leur
nature, en éléments corporels et d’autres incorporels.

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§ I - LES ELEMENTS CORPORELS

Il s’agit du mobilier commercial (les bureaux, les fauteuils, les chaises, les
comptoirs…), des marchandises (objets destinés à la vente) et du matériel et
l’outillage (les appareils et machines, les moyens de transport…)
Il faut noter cependant que ces éléments corporels n’ont pas toujours une
importance dans un F.C., par conséquent, bien que ces éléments corporels fassent
partie du F.C., l’acquéreur du F.C. peut parfaitement se passer du matériel, outillage
et mobiliers anciens.
Par ailleurs, il existe bien des F.C. qui n’ont pas de marchandises tels que les
fonds des courtiers et agents d’affaires…
Il reste que, ce sont les éléments incorporels qui confèrent son importance au
F.C.

§ II - LES ELEMENTS INCORPORELS 

Ce sont les éléments les plus divers du F.C. et les plus importants.
1 - La clientèle : La clientèle est la faculté de grouper les clients habituels au
commerce. C’est l’élément le plus important du F.C. ; d’ailleurs, en vertu de l’art. 80
du code de commerce, la clientèle est devenue un élément obligatoire du F.C. Ce
dernier ne peut exister sans la clientèle.
2 - Le nom commercial : C’est l’appellation empruntée par le commerçant
pour l’exercice de son commerce, exp. Établissement Ben Chekroun7, Garage El
Bahja… Le nom commercial doit être inscrit au registre de commerce lors de
l'immatriculation du commerçant personne physique ou société.
3 - L’enseigne : C’est un signe distinctif qui sert à individualiser un
établissement commercial : exp. la coquille de Shell, le petit homme de neige de
Michelin, Hôtel au Lion d’Or, 1000 chemises, Au Rabais, CTM…
4 - Les licences : L’art. 80 parle des licences, mais il s’agit aussi des
autorisations et des agréments. Elles sont accordées par les autorités
administratives concernées pour l’exploitation de certains F.C., suivant le domaine
d’activité : tourisme, transport, hôtellerie, restauration, cinéma, vidéo, boissons
alcooliques…
5 - Le droit au bail : Ce droit n’a d’intérêt que dans le cas où le commerçant
n’est pas propriétaire du local dans lequel il exerce son commerce. Il est désigné
7
- Le nom patronymique est hors du commerce, c’est-à-dire ne peut être cédé.

17
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

dans la pratique par l’expression de « propriété commerciale », ce qui exprime la


protection accordée par le législateur aux locataires de locaux à usage commercial
contre les éventuels abus des propriétaires des murs qui pourraient avoir des
conséquences néfastes sur le commerçant. De plus, il est difficile de concevoir une
vente d’un F.C. sans local.
Le droit au bail est actuellement réglementé par la loi n° 16.96 promulguée par
dahir du 18 juillet 2016 (B.O. n° 6490, 11/8/2016), ses règles assurent au
commerçant le droit au renouvellement du bail et, à défaut, le droit à une indemnité.

6 - Les droits de propriété industrielle :


L’art. 80 dresse toute une énumération de ces droits ; il s’agit des brevets
d’invention, des marques de fabrique, de commerce et de service, des dessins et
modèles industriels…

S 2 - LA VENTE DU FONDS DE COMMERCE


Vu ses particularités commerciales, la vente du F.C. a fait l’objet d’une
réglementation spéciale par le code de 1996.
Elle prévoit en effet des conditions particulières au contrat de vente du F.C. et
partant, des effets spéciaux.

A - LES CONDITIONS DE LA VENTE


Comme tout contrat, la vente du F.C. doit obéir aux conditions de fond
générales en la matière : le consentement, la capacité commerciale, l’objet de la
vente et le prix.
Quant aux conditions de forme, et afin de protéger l’acquéreur, l’article 81 du
code de commerce impose la rédaction d’un écrit.
Mais l’écrit ne doit pas prendre obligatoirement la forme authentique, il peut
être seulement sous seing privé8.

B - LES EFFETS DE LA VENTE


Si la vente du F.C. fait l’objet d’une réglementation spéciale, c’est justement
pour protéger tous les intérêts en présence.

8
L'article 57 de la loi 17-04 portant code du médicament et de la pharmacie (B.O 5080 du 07/12/2006) impose
l'intervention d'un notaire en cas de cession d'une officine de pharmacie.

18
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a - Les règles protectrices des droits de l’acquéreur


Il s’agit d'abord des règles de droit commun de la vente qui posent certaines
obligations à la charge du vendeur : qui doit transférer la propriété du F.C. à
l’acheteur, garantir l’acheteur contre les vices cachés du F.C. en plus de l’obligation
de non concurrence.
En outre le code de 1996 a imposé au vendeur d'inscrire un certain nombre de
mentions obligatoires destinées à la protection de l’acquéreur (v. art. 81)

b - Les règles protectrices des droits du vendeur 


L’acheteur du FC a pour obligation principale le paiement du prix convenu.
Devant l’importance de l’investissement, un crédit est souvent consenti par le
vendeur à l’acquéreur du FC ; aussi, le législateur offre des garanties légales au
vendeur du FC.

1 - Le privilège du vendeur
Pour pouvoir bénéficier de ce privilège, le vendeur doit l’inscrire au RC. Le
vendeur doit, à peine de nullité, procéder à cette inscription dans les 15 jours de la
date de l’acte de vente.
L’inscription de ce privilège fera alors bénéficier le vendeur d’un droit de suite
et d’un droit de préférence (V. infra §4).

2 - L’action résolutoire
Au moment de l’inscription de son privilège 9, le vendeur peut, en plus et en
même temps, opter pour l’action résolutoire dans la perspective de récupérer son FC
dans le cas où il y verrait un intérêt. A défaut de paiement, elle lui permettra d’obtenir
l’effacement rétroactif du contrat de vente du FC pour inexécution par l’acquéreur de
son obligation de payer le prix.

c - Les règles protectrices des droits des créanciers du vendeur


Un commerçant doit normalement, préalablement à la vente de son FC,
procéder à l’apurement de sa situation vis- à- vis de ses créanciers ; ce qui n’est pas
toujours le cas. C’est en prévision de certaines pratiques malhonnêtes que le
législateur a instauré des règles pour protéger ces créanciers.
Dans ce but, trois mécanismes complémentaires sont mis au point par le
législateur :

9
- C'est-à-dire dans les 15 jours de l'acte.

19
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

1 - La publicité
- Dépôt : Pour que les créanciers soient mis au courant de l’opération de
vente du FC, l’art. 83 du nouveau code impose tout d’abord, une fois l’acte de vente
enregistré, de déposer une expédition de l’acte notarié ou un exemplaire de l’acte
sous seing privé dans les 15 jours de sa date au secrétariat-greffe du tribunal.
- Publication au RC : Ensuite, un extrait de cet acte doit être publié au RC.
- Publications au BO et journaux d’annonces légales. : Enfin, une double
publication doit être entreprise :
* Une première publication de tout l’extrait inscrit au RC est effectuée sans
délai par le secrétaire-greffier au BO et dans un journal d’annonces légales aux frais
des parties.
* Cette publication doit être renouvelée par l’acquéreur entre le 8 ème et le 15ème
jour après la première insertion.
- La sanction : Etant destinés aux créanciers, le défaut de dépôt et de
publicité a pour conséquence que la vente du FC leur est inopposable et l’acheteur
reste tenu des dettes du vendeur (Art. 89). La jurisprudence est claire à ce sujet, elle
considère que l’acquéreur du fonds « n’est pas libéré vis-à-vis des tiers créanciers. Il
demeure susceptible d’être actionné par les créanciers du vendeur »10. En outre, il
reste redevable même à l’égard de l’administration fiscale.

2 - L’opposition 
Une fois la seconde publicité accomplie, les créanciers du vendeur, même si
leur dette n’est pas encore exigible, ont un délai de 15 jours pour former opposition
au tribunal.
Il ne s’agit pas d’une opposition à la vente du FC, mais au paiement de son
prix au vendeur. Par conséquent, le prix de vente doit rester consigné entre les
mains de l’acheteur pendant le délai de l’opposition et même après ce délai au cas
où des oppositions seraient formées; s’il passe outre cette consignation et paie
quand même le vendeur, il ne sera guère libéré vis-à-vis des tiers (Art . 89).
Afin de remédier à cette situation de blocage du prix de vente, l’art. 85 permet
au vendeur, après l’écoulement d’un délai de 10 jours de l’expiration du délai des
oppositions, de saisir en référé le président du tribunal afin de l’autoriser à percevoir
son prix à condition de verser à la caisse du tribunal une somme suffisante, fixée par
le président, pour désintéresser les créanciers opposants.
10
- Trib. Casablanca, 27 février 1937, G.T.M. 10/4/1937, p. 111.

20
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3 - La surenchère
Tout créancier, qui se rend compte que le prix de vente déclaré est insuffisant
pour désintéresser les créanciers opposants ou inscrits, a la possibilité de formuler
son désir d’acheter lui-même le FC en se déclarant surenchérisseur 11 et proposer de
payer le prix déclaré majoré d’un sixième du prix des éléments incorporels.
Lors de la surenchère, à défaut d’un plus fort enchérisseur, le fonds est
adjugé au créancier surenchérisseur du sixième.

Chapitre 4 - LES EFFETS DE


COMMERCE
Il s’agit de la lettre de change, du billet à ordre et du chèque.

Section 1 - LA LETTRE DE CHANGE


La lettre de change (ou traite) est un écrit par lequel une personne (tireur)
donne l’ordre à l’un de ses débiteurs (tiré) de payer une certaine somme à une date
donnée à une troisième personne (bénéficiaire) ou à son ordre (c'est-à-dire à une
personne qu’elle désignera ultérieurement).

11
- En réalité, cette procédure a pour objectif de lutter contre les pratiques de dissimulation du prix réel de
la vente.

21
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Section 1 - LA LETTRE DE CHANGE


Bénéficiaire Exemple
LAHMR Le tiré
LAZRK
Marchse= 30 000 dh
Échéance :15/X/XX

Le tireur
LABIAD

A l’origine, la lettre de change était un moyen de change, c’est-à-dire un instrument


de transport d’argent dans le commerce international 12.
Elle devient ensuite un instrument de paiement par lequel les débiteurs
payaient leurs créanciers ; mais elle n’est pas une monnaie car elle n’est libératoire
que si elle est effectivement payée.
Actuellement, la lettre de change est devenue un instrument de crédit car le
tireur peut l’escompter, c’est-à-dire la céder à un banquier sous déduction d’une
commission et des intérêts.

§ 1 – L'EMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE

Titre solennel, la lettre de change n’est valable comme telle que si elle
contient un certain nombre de mentions obligatoires :

- La dénomination «lettre de change» insérée dans le texte,


- Le mandat pur et simple de payer une somme d’argent : "Payez",
- L'indication de la date et du lieu où la lettre est créée,
- La signature du tireur,
- Le montant à payer,

12
- C’est le cas d’un commerçant qui veut se rendre à l’étranger pour conclure des opérations commerciales  ; il va
fournir les fonds nécessaires à son banquier (en monnaie locale) contre lesquels il lui remet une lettre adressée à son
banquier correspondant dans le pays où le commerçant compte se rendre. Une fois sur place, ce dernier présente la
lettre à la banque destinataire pour se faire payer la somme mentionnée dans la monnaie de ce pays. D’où le nom de
lettre de change.

22
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- L'échéance,
- Le nom du tiré,
- Le lieu de paiement,
- et le nom du bénéficiaire.
Signalons que la domiciliation n'est qu'une mention facultative qui rend la
traite payable au domicile d’un tiers et qui permet de faire effectuer le paiement des
échéances d’un prêt, d’un achat à crédit ou même les factures périodiques par la
banque.
A défaut de contenir les mentions obligatoires, le titre est nul (article 160).

§2 - L’ACCEPTATION

A - FORMES ET MODALITES
L’acceptation est l’engagement du tiré donné sur la lettre par signature de
payer son montant à l’échéance à la personne qui en sera le porteur légitime auquel
il ne pourra opposer aucune exception (par exemple défaut de provision,
compensation à l’égard du tireur ou d’un précédent porteur, etc.).
L’acceptation est exprimée par le mot «acceptée» et la signature du tiré au
recto, mais souvent elle résulte de sa simple signature.
23
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En pratique, la lettre de change est présentée à l’acceptation par le tireur lui-


même pour pouvoir la négocier facilement puisque, à l’égard du porteur, elle
constitue une garantie d’être payé à l’échéance.

B - LES EFFETS DE COMPLAISANCE ET DE


CAVALERIE
La règle suivant laquelle la provision n’est indispensable qu’à l’échéance a
donné naissance à des pratiques contraires au but recherché par le législateur.
Une première pratique consiste en ce qu’on appelle «les tirages en l’air» :
c’est le fait de tirer des lettres de changes sur des personnes imaginaires, c’est une
pratique susceptible de sanctions pénales.
Mais la pratique la plus répandue pendant les périodes de crises financières
est celle des effets de complaisance et de cavalerie.
La pratique des effets de complaisance se résume de la manière suivante : un
commerçant qui a un besoin urgent de liquidités tire une lettre de change et la
présente à un ami commerçant, le tiré qui est insolvable mais qui accepte de la
signer «par complaisance» bien qu’il n’ait aucune dette à son égard. Aussitôt, le
tireur la fait escompter par son banquier et bénéficie ainsi d’un crédit à court terme.
A l’échéance, aucun problème ne se poserait si le tireur verse au tiré les fonds
nécessaires, ou si le tiré solvable paie la traite en consentant ainsi un crédit au tireur.
Dans ces cas la traite de complaisance est tout à fait licite, c’est ce qu’on peut
appeler les «bons effets de complaisance».
Mais la situation risque de se compliquer si, à l’échéance, le tireur ne dispose
pas de fonds à verser au tiré. Dans ce cas, il tire une autre lettre qu’il fait accepter
par le même tiré ou par un autre commerçant et la fait escompter pour obtenir les
fonds à fournir au premier tiré et ainsi de suite... Par ce chevauchement, ces effets
de complaisance deviennent ce qu’on appelle «des effets de cavalerie ».
Le plus souvent, durant les périodes de difficultés économiques, ces tirages
se font de manière réciproque, c'est-à-dire que les commerçants tirent indéfiniment
les uns sur les autres ; on est alors en présence de ce qu’on appelle «les tirages
croisés ».

24
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§ 3 - LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE

La lettre de change est un effet destiné à circuler en permettant la circulation


de capitaux sans risque. Cette circulation s’opère par la technique de l’endossement,
c'est-à-dire par une mention écrite portée au dos du titre et la signature.
Mais l’endossement ne permet pas seulement de transférer la propriété de la
lettre, il peut servir aussi pour remettre la traite pour encaissement par procuration ou
pour garantie.

A - L’ENDOSSEMENT TRANSLATIF DE PRORIETE


Cet endossement a pour effet de transférer la propriété de la lettre de change
de l’endosseur à l’endossataire (créancier de l’endosseur). Il se fait par simple
signature au dos. L’endossement peut être :
- nominatif : il porte la mention «payez à l’ordre de X», le nom du bénéficiaire
est alors précisé ;
- ou en blanc : il résulte de la simple signature au dos du titre, sans indication
du bénéficiaire et permet le transfert par tradition manuelle, c'est-à-dire par simple
remise matérielle du titre. Le porteur peut remplir le blanc en y inscrivant son propre
nom ou celui d’un nouveau bénéficiaire (souvent le banquier) ;
- ou encore au porteur : il vaut comme un endossement en blanc13.
Cependant, il convient de préciser que le tireur a la possibilité d’exprimer sa
volonté de ne pas transmettre la lettre ; il lui suffit d’insérer dans la traite les mots :
« non à ordre » ou «non endossable».

B - L’ENDOSSEMENT PAR PROCURATION


Il résulte de l’endossement accompagné de la mention «valeur en
recouvrement» ou «pour encaissement» ou «par procuration». Il donne mandat à
l’endossataire, qui est le plus souvent un banquier, de recouvrer le montant de l’effet.

C – L’ENDOSSEMENT PIGNORATIF
On le reconnaît à la mention «valeur en garantie» ou «en gage» suivie de la
signature. Il permet de donner la lettre au porteur, à titre de gage, c’est-à-dire en
garantie de la créance. L’endossataire n’est que le possesseur du titre, il ne peut
l’endosser car il n’en a pas la propriété.

13
- Rappelons que s’il est possible d’endosser une lettre de change au porteur, il est interdit de l’émettre au
porteur.

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D’un autre côté, selon l’article 172, l’endossataire peut exercer tous les droits
dérivant de la lettre de change, ce qui veut dire que si son débiteur (l’endosseur) ne
lui règle pas la dette à son terme, il peut présenter la lettre au tiré à l’échéance pour
se faire payer de sa créance.

§ 4 – LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE

La présentation au paiement doit être effectuée au lieu désigné, au jour de


l’échéance ou l’un des 5 jours ouvrables qui suivent.
Dans la pratique, les effets sont le plus souvent domiciliés auprès des
banques, celles-ci n’acceptant l’escompte que lorsque le titre est domicilié.

§ 5 - LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LETTRE DE


CHANGE

A - L’OPPOSITION AU PAIEMENT
La loi interdit l’opposition, sauf dans trois cas : perte ou vol de la traite et la
situation de règlement judiciaire du porteur (article 189).
Il appartient au porteur ayant perdu le titre de faire opposition auprès du tiré
afin d’empêcher le paiement du titre à tout porteur illégitime : celui qui aura trouvé le
titre.

B - LE REFUS DE PAIEMENT
En cas de refus de paiement du tiré, le porteur peut exercer un recours contre
tous les signataires de la lettre de change tenus à en garantir le paiement (c’est le
principe de la solidarité). Il doit faire dresser un protêt faute de paiement.
Il s’agit d’un acte authentique dressé par un agent du greffe du tribunal qui
constate officiellement le refus de paiement et les motifs du refus.

§ 6 - LES RECOURS

Le porteur non payé doit présenter la lettre de change dans les délais légaux
et faire dresser à temps un protêt en cas de non-paiement.
À l’échéance, le porteur qui a présenté la traite et fait dresser protêt, peut
obtenir remboursement du montant de la lettre, des intérêts, des frais de protêt en
actionnant les signataires ou l’un d’eux devant le tribunal.

26
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Pour cela, il doit respecter les délais de prescription de l’action cambiaire qui
sont des délais très brefs fixés par le législateur et en dehors desquels aucune action
cambiaire ne peut plus être exercée ; on dit qu’elle est prescrite.
Ce sont des délais très brefs fixés par le législateur en dehors desquels
aucune action cambiaire ne peut plus être exercée ; on dit qu’elle est prescrite.
En matière de lettre de change :
- l’action cambiaire contre le tiré accepteur se prescrit par 3 ans à compter de
l’échéance,
- celle du porteur contre les endosseurs et contre le tireur par 1 an à dater du
protêt,
- enfin les actions des endosseurs entre eux et contre le tireur se prescrivent
par 6 mois à dater du jour du paiement de la lettre.

Section 2 - LE BILLET A ORDRE

§ 1 - SPECIFICITES

Le billet à ordre est un titre par lequel une personne, le souscripteur, s’engage
à payer à une certaine date une somme déterminée à une autre personne, le
bénéficiaire, ou à son ordre.
À la différence de la lettre de change, le billet à ordre met en rapport
seulement deux personnes : le souscripteur et le bénéficiaire. Le souscripteur est en
même temps tireur et tiré dans la mesure où il se donne l’ordre à lui-même de payer
le bénéficiaire à l’échéance. La spécificité du billet à ordre découle des
conséquences qui résultent de cette différence fondamentale.
Le billet à ordre est également un moyen de paiement et de crédit dont le
régime s’apparente à celui de la lettre de change, mais il est beaucoup moins utilisé
dans le commerce.

§ 2 - CONDITIONS DE VALIDITE

Elles sont pratiquement les mêmes que celles de la lettre de change, sauf
pour quelques originalités qu’il convient de signaler.

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A - LES CONDITIONS DE FORME


Comme pour la lettre de change, pour être valable le billet à ordre doit
comporter un certain nombre de mentions obligatoires : les date et lieu de
souscription, la clause à ordre, le lieu de paiement, le nom du bénéficiaire, la
signature du souscripteur, etc.
Le billet à ordre se distingue cependant par :

a - La dénomination «billet à ordre»


Alors que la lettre de change doit comporter la dénomination «lettre de
change», qui implique automatiquement la clause à ordre, le billet à ordre doit
contenir au choix : soit la dénomination «billet à ordre», soit tout simplement «la
clause à ordre» insérée dan le texte du titre (je paierai à l’ordre de M. X.)

b - La promesse pure et simple de payer


Comme dans le billet à ordre il n’y a pas un mandat de payer donné à un tiers
(le tiré), cette promesse de payer (je paierai...) remplace le mandat de la lettre de
change.
L’omission d’une mention obligatoire telle que la clause à ordre ou la
dénomination billet à ordre, le nom du bénéficiaire, la promesse de payer, etc.
entraîne la nullité du titre.

B - LES CONDITIONS DE FOND


C’est à ce niveau que nous rencontrons le plus de différences par rapport à la
lettre de change dues à la nature du billet à ordre et à l’absence du tiré.

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a – Absence de la notion de provision


En matière de billet à ordre, il ne peut être question de provision qui est
normalement une créance du tireur sur le tiré ; alors que dans le billet à ordre le
souscripteur cumule ces deux qualités.

b – Absence de la notion d’acceptation


L’acceptation n’a pas de raison d’être en matière de billet à ordre puisque le
souscripteur, par sa signature à l’émission, s’engage juridiquement à payer à
l’échéance entre les mains du bénéficiaire ou à son ordre ; c’est pourquoi l’article 237
précise que «le souscripteur d’un billet à ordre s’engage de la même manière que
l’accepteur d’une lettre de change».

Section 3 - LE CHÈQUE
Nous envisagerons d’abord, les aspects techniques, ensuite, les systèmes de
protection du chèque.

§ 1 - LES ASPECTS TECHNIQUES

Le chèque est un effet par lequel le tireur dispose de ses fonds déposés
chez le tiré (qui est obligatoirement une banque), en effectuant des retraits à vue,
soit à l’ordre de lui-même, soit à l’ordre du bénéficiaire.

Obligatoirement tiré sur un banquier, il est payable à vue (dès sa présentation)


et à ce titre il ne peut comporter une mention d’échéance de paiement.

A - LES CONDITIONS FORMELLES


Pour être valable, le chèque doit remplir des conditions de forme exigées par
la loi (voir spécimen suivant).

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a - Les mentions obligatoires


Les mentions obligatoires que doit comporter le chèque sont :
- la dénomination de «chèque» ;
- l’ordre de paiement pur et simple (payez) ;
- la somme à payer en chiffres et en lettres, en cas de non - correspondance
entre les deux, c’est la somme en lettres qui l’emporte ;
- le nom du tiré (la banque) ;
- le lieu du paiement (adresse de l’agence bancaire) ;
- le lieu et la date de création ;
- le nom et la signature du tireur.

b - Les mentions facultatives


Ce sont les mentions que les parties demeurent libres de porter sur le
chèque :
- Le nom du bénéficiaire : Contrairement à la lettre de change, il n’est pas
obligatoire de mentionner le nom du bénéficiaire sur le chèque (article 243), car le
chèque peut être émis au porteur ou en blanc, sans aucune indication, il est alors
considéré émis au porteur ; il peut aussi être stipulé payable à personne dénommée
ou à son ordre (chèque nominatif), dans ce cas le bénéficiaire ne peut le transmettre
que par endossement.

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- La clause non endossable ou non à ordre : Cette clause ne peut être utile
que lorsque le chèque est nominatif ; puisque le chèque au porteur ou à blanc est
transmissible par simple tradition.

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- Le barrement : Il consiste à tracer sur le recto du chèque deux barres


parallèles, il ne sera alors payé qu’à un banquier ou à un client du banquier. Ainsi, le
porteur d’un tel chèque ne pourra se faire payer qu’en l’endossant par procuration à
son banquier qui approvisionnera son compte du montant du chèque encaissé par
ledit banquier. Les banques effectuent entre elles les paiements des chèques en
procédant à leur compensation et donc par monnaie scripturale, ce qui évite les
mouvements numéraires.

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Comme il ne peut être payé qu’à une banque, le chèque barré a été conçu
pour éviter les risques de perte ou de vol des chèques ; mais l’effet de cette
technique reste limité puisqu’il est possible d’endosser le chèque barré au profit d’un
bénéficiaire de bonne foi.

Le barrement est général lorsqu'il ne comporte aucune mention entre les deux
barres, il est spécial, si le nom d'une banque y est mentionné.
- La certification : (le chèque certifié) Elle remplace l’acceptation en matière de
lettre de change. Comme le chèque est payable à vue, il n’a pas besoin d’être
accepté ; l’article 242 interdit expressément l’acceptation du chèque. La certification
est faite par la banque tirée qui porte au recto du chèque la mention «certifié» et sa
signature. Elle doit alors bloquer la provision correspondant au montant du chèque
au profit du porteur, mais seulement jusqu’au terme du délai de présentation qui est
de 20 jours suivant l’article 268 du nouveau code.

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B - LA PROVISION DU CHÈQUE
La provision est une somme d’argent mise à la disposition du tireur chez le
tiré au moment de la création du chèque.

La provision du chèque peut être constituée par le dépôt de fonds chez la


banque (c'est-à-dire par le versement de sommes d’argent), la remise d’effets de
commerce à l’encaissement ou à l’escompte, elle peut aussi résulter d’une
ouverture de crédit.

C - LA CIRCULATION DU CHÈQUE
Rappelons que le chèque au porteur ou à blanc se transmet par tradition. S’il
est nominatif, il est transmissible par endossement :
- soit par endossement translatif de propriété : dans ce cas l’endosseur
a le choix de l’endosser au porteur ou à blanc (auquel cas il peut circuler par
tradition). 
- soit par endossement à titre de procuration, exactement comme pour
la lettre de change (en pratique, en cas de remise à l’encaissement par la banque).
Mais l’endossement du chèque ne peut jamais être fait en garantie (à titre
pignoratif).

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§ 2 - LES SYSTEMES DE PROTECTION DU CHEQUE 

En tant qu’effet de commerce, le chèque bénéficie naturellement de la

protection du système cambiaire, mais il se distingue en outre par une protection

traditionnelle et spéciale d’un système pénal auquel s’est greffé récemment un

autre système, mais bancaire cette fois.

A - LE SYSTEME CAMBIAIRE 
a - La présentation au paiement
Elle peut se faire dès le jour de l’émission puisque le chèque est payable à
vue. Le porteur dispose néanmoins d’un certain délai pendant lequel il doit présenter
le chèque au paiement sous peine de perdre son droit au recours cambiaire.
Les délais sont actuellement de 20 jours de l’émission pour les chèques émis
au Maroc, et de 60 jours pour les chèques émis à l’étranger (article 268).
Après l’expiration du délai de présentation, s’il a provision, le tiré est tenu
quand même de payer (article 271) sous peine d’une amende de 5000 à 50 000 dhs
(article 319). Les peines étant délictuelles, la prescription d'une telle infraction est
donc délictuelle (5 ans).
Si la provision est insuffisante, le tiré a désormais l’obligation de proposer au
porteur le paiement jusqu’à concurrence de la provision disponible ; dans ce cas, ce
dernier ne peut pas refuser ce paiement et doit délivrer une quittance au tiré et
mention de ce paiement partiel doit être faite sur le chèque (art. 273).
Il faut dire qu’actuellement dans la pratique, les banques refusent tout
paiement, même s’il ne s’agit que d’une insuffisance dérisoire. Et comme cette
obligation, à la différence de la précédente, est dépourvue de sanction, elle n'a pas
beaucoup de chance d'être appliquée.

b - Le protêt
A défaut de paiement, le porteur doit faire dresser protêt, comme en matière
de lettre de change, pour pouvoir exercer son recours cambiaire.
Le protêt doit être fait avant l’expiration du délai de présentation ; et si celle-ci
a lieu le dernier jour du délai, il peut être établi le premier jour ouvrable suivant.

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EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

c - Les délais de prescription 


Il s’agit de la prescription des recours cambiaires qui est une prescription
extinctive ou libératoire, c'est-à-dire qui éteint l’action cambiaire qui résulte de
l’engagement par chèque.
L’article 295 a prévu trois délais de prescription en fonction des parties en
présence :
- Pour les actions du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres
obligés la prescription est de 6 mois à partir de l’expiration du délai de présentation.
- Pour les actions des divers obligés les uns contre les autres la prescription
est également de 6 mois à partir du jour où l’obligé a remboursé ou du jour où il a lui-
même été actionné en justice.
- Enfin, pour l’action du porteur contre le tiré le délai de prescription est
devenu d’1 un à partir de l’expiration du délai de présentation (au lieu de 3 ans
précédemment prévu par le dahir de 1939).

d - Les recours cambiaires 


Lorsque le porteur aura accompli ses obligations de vigilance, il peut alors
exercer ses recours cambiaires contre toutes les personnes obligées en vertu du
chèque. Celles-ci sont en effet tenues solidairement envers le porteur (art. 287). Ce
dernier peut agir contre ces signataires individuellement ou collectivement et sans
avoir à respecter l’ordre dans lequel ils se sont obligés.
En pratique, tous les porteurs de chèques sans provision préfèrent recourir au
pénal vu son caractère répressif par rapport au système cambiaire, mais
actuellement le système bancaire s’est imposé préalablement au système pénal.

B - LE SYSTEME BANCAIRE 
Ce système s’est désormais greffé sur le système pénal avant sa consécration
officielle par le législateur. Il est appliqué au Maroc depuis le 1 er juin 1990, date de la
mise en vigueur de la fameuse convention interbancaire du 29 novembre 1989. Les
différences techniques et répressives mises à part, l’esprit du code de 1996 ne se
distingue guère de celui de la convention interbancaire.

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EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

a - Les obligations des banques


1 - Lors de l’ouverture des comptes
Nos textes actuels obligent désormais les banques, préalablement à
l’ouverture des comptes, de vérifier l’identité des postulants (personnes physiques ou
morales) par le moyen de documents officiels.
L’établissement bancaire doit ensuite, et préalablement à la délivrance du
premier chéquier, consulter Bank Al-Maghrib (B.M.) sur les antécédents bancaires du
postulant (les incidents de paiement et leurs suites).

2 - Lors des incidents de paiement


En cas d’incident de paiement, c’est-à-dire de refus de paiement d’un chèque
pour défaut de provision suffisante, la banque tirée doit adresser une lettre
d’injonction au tireur par laquelle, elle l’invite :
- à lui restituer, ainsi qu’à toutes les banques dont il est le client, les formules
de chèques en sa possession ;
- et de ne plus émettre pendant 10 ans des chèques autres que les chèques
de retrait et les chèques certifiés.
Le tiré qui a refusé le paiement doit alors déclarer l’incident à B.M.
L’article 309 al. 1 oblige les banques, lorsqu’elles refusent de payer un
chèque, de délivrer au porteur un certificat de refus de paiement.
Les violations de ces obligations bancaires sont érigées en infractions passibles
d’une amende de 5000 à 50 000 dhs.

b - La réparation de l’incident
La loi permet au titulaire du compte qui reçoit l’injonction de retrouver la
faculté d’émission des chèques à condition de régulariser l’incident et de payer une
amende forfaitaire.

1 - La régularisation
Pour recouvrer sa faculté d’émission, le tireur a le choix entre deux procédés
de régularisation :
- soit la régularisation directe : c’est-à-dire le règlement du montant du chèque
impayé entre les mains du porteur, il doit alors présenter le chèque acquitté au tiré ;
- soit la régularisation indirecte : en constituant une provision suffisante et
disponible pour le règlement du chèque par les soins du tiré.

38
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

2 - L’amende forfaitaire 
Après la régularisation, le tireur doit s’acquitter d’une amende forfaitaire dont
le taux dépend du nombre de répétition des incidents de paiement : (art. 314)
- à la 1ère injonction, le taux de l’amende est de 5 % du montant du chèque
impayé.
- à la 2nde injonction, ce taux est de 10 %.
- et, à partir de la 3ème injonction, il est de 20%.
Mais, la régularisation n’empêchera pas le tireur d’être poursuivi pénalement.
Néanmoins, pour assurer le respect de ce système bancaire, le législateur a
assujetti les banques à un véritable système de responsabilité.

c - Le rôle de Bank Al-Maghrib


Elle exerce son rôle par une sorte de «casier bancaire» (à l’instar du casier
judiciaire) détenu par le Service Central des Incidents de Paiement (le S.C.I.P.). Car,
en vertu de l’article 322, les banques sont tenues de déclarer à B.M. tous les
incidents de paiement survenus dans leurs agences. Il en est de même pour les
tribunaux lorsqu’ils prononcent une interdiction d’émettre des chèques.
Ainsi, le S.C.I.P. centralise tous les antécédents des clients ayant fait l’objet
d’une déclaration et se charge de les communiquer aux banques.
Ce service détient d’ailleurs aussi tous les renseignements sur les violations
par les banques de leurs obligations de contrôle et de leurs obligations de sanction.

C - LE SYSTEME PENAL 
a - Les infractions en matière de chèque 
1 - L’omission de constituer ou de maintenir la provision 
Il s’agit de la fameuse émission de chèque sans provision qui est l’infraction la
plus courante en matière de chèque. Actuellement, la loi sanctionne celui qui a
seulement oublié de constituer la provision lorsqu'il a émis un chèque.

2 - L’opposition irrégulière 
L’opposition est l’acte par lequel le tireur fait défense au tiré de payer un
chèque qu’il a émis.
Le code de commerce de 1996 permet de faire opposition au paiement du
chèque dans cinq cas : la perte et le vol du chèque, l’utilisation frauduleuse et la
falsification du chèque et la liquidation judiciaire du porteur du chèque.  Par

39
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conséquent, celui qui fait opposition en dehors des cas prévus par le législateur
encourt les mêmes peines de l’émission sans provision.

3- L’acceptation et l’endossement des chèques de garantie 


L’article 316-6°/ sanctionne «toute personne qui, en connaissance de cause
accepte de recevoir ou d’endosser un chèque à la condition qu’il ne soit pas
encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie».
On notera enfin que pour faire respecter les interdictions bancaire et judiciaire
par les titulaires de comptes interdits, le code de 1996 a incriminé l’émission de
chèque au mépris d’une interdiction d’un emprisonnement d’un mois à 2 ans et d’une
amende de 1.000 à 10. 000 dhs malgré l’existence de la provision. Et si la provision
fait défaut, ces peines sont portées au double (art. 318).

b - Les sanctions pénales 


L’article 316 prévoit des sanctions communes à toutes les infractions en
matière de chèque à savoir, l’emprisonnement de 1 à 5 ans et une amende de 2.000
à 10.000 dhs sans qu’elle puisse être inférieure à 25% du montant du chèque ou de
l’insuffisance de la provision.

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CHAPITRE 5 - LE DROIT DES SOCIÉTÉ

Section 1 – LES CONDITIONS DE FORMATION DES SOCIÉTÉS

§ 1 – LES CONDITIONS DE FOND

En vertu de l’article 982  «la société est un contrat par lequel deux ou
plusieurs personnes mettent en commun leurs biens ou leur travail, ou tous les deux
à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter».
Il se dégage de cet article que le contrat de société est soumis à trois
conditions de fond qui concernent les associés, les apports, le partage des
bénéfices.

A – LES ASSOCIES
S'agissant d'un contrat, les associés doivent d'abord remplir les conditions
relatives à la capacité avant de s'intéresser au nombre d'associés exigé par la loi.

a - La capacité
Il s’agit bien entendu de la capacité de s’obliger, à savoir l’aptitude à
contracter société.
Pour la souscription ou l'acquisition des parts ou actions de sociétés, les
mineurs incapables14 doivent être représentés par leur tuteur légal (père ou mère) ou,
après autorisation du juge, par leur tuteur testamentaire ou datif, puisque l'acte de
société est considéré par le D.O.C. comme un acte de disposition (art. 11 al. 2).
A l'âge de 16 ans, le mineur émancipé peut être actionnaire d'une SA ou d'une
commandite par actions, commanditaire dans une commandite simple, ou associé
d'une SARL.
Cependant, dans les sociétés de personnes qui nécessitent la qualité de
commerçant, l’entrée d’un mineur, même émancipé, est subordonnée aux conditions
spéciales du droit commercial. Le mineur ne peut donc être associé dans une société
en nom collectif, ou commandité dans une société en commandite simple ou par
actions que s'il est autorisé à faire le commerce.

b – Le nombre d'associés
Selon le principe posé par l'article 982 D.O.C. une société peut être constituée
au moins par deux associés.
14
Qui n'ont pas atteint l'âge de la majorité légale qui est actuellement de 18 années grégoriennes révolues.

41
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Quant aux sociétés commerciales, le nombre minimal d’associés varie selon


le type de société : 5 pour la SA, 3 commanditaires au moins et un ou plusieurs
commandités pour la société en commandite par actions, deux pour la SARL et un
seul pour la SARL à associé unique et ce, contrairement au principe de la pluralité
d’associés posé par l’article 982 D.O.C.

B – LES APPORTS
On distingue trois types d’apports.

a. Les apports en numéraire


Ce sont les espèces (argent) apportées par les associés pour constituer la
société. Chaque associé remet aux fondateurs sa quote-part financière lors de la
constitution de la société.

b. Les apports en nature


Ils sont constitués par différents types de biens, autres que le numéraire,
susceptibles d’être capitalisés. Ces apports peuvent être faits en pleine propriété (la
société en devient propriétaire), en jouissance (l’apporteur en reste propriétaire mais
la société en a l’usage).
Ces apports peuvent prendre la forme de meubles corporels (ordinateurs,
bureaux, machines, véhicules, etc.), ou incorporels (brevets, fonds de commerce,
logiciels, etc.) ou d’immeubles (bâtiments, terrains, etc.).
Ces apports doivent faire l’objet d’une évaluation. Pour cela les associés
doivent, dans les sociétés autres que les sociétés de personnes, faire appel à des
commissaires aux apports chargés de donner, sous leur responsabilité, une valeur à
ces apports.

c. Les apports en industrie


Ils sont constitués par le savoir-faire de certains associés et ne sont possibles
que dans les sociétés de personnes et, dans certaines conditions, dans les SARL.
N’étant pas saisissables, ils n’entrent pas dans la constitution du capital social (ce
sont des apports non capitalisés).
En revanche, ils donnent droit à une part des bénéfices et rendent leur titulaire
responsable des dettes de la société à concurrence de l’évaluation de la valeur de
son apport.

42
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

C – LE PARTAGE DES BENEFICES


La société est constituée dans le but de faire des bénéfices ou de profiter
d’une économie. Ainsi, chaque associé recevra une part des bénéfices au prorata de
ses apports. Ces règles s’appliquent également à la contribution des associés aux
pertes.

§ 2 – LES CONDITIONS DE FORME

Pour exister, une société doit remplir des conditions de forme particulières ;
elles sont identiques, à peu de chose près, pour toutes les sociétés.

A – LES STATUTS
C’est l’acte fondateur de la société ; il consiste dans la rédaction et la
signature des statuts.
En principe, en vertu de l’article 987 D.O.C., le contrat de société est
simplement consensuel, c'est-à-dire que seul le consentement des parties est
nécessaire pour constituer une société ; cependant, s'agissant des sociétés
commerciales, il est obligatoire que les statuts soient établis par écrit.
Les statuts peuvent prendre la forme d’acte sous seing privé ou d’acte
authentique. Ils contiennent des indications sur :
- l’identité de la société (forme, objet social, siège social, durée, capital social,
etc.),
- celle des associés apporteurs (nom, domicile, types d’apport, montant, etc.),
- ainsi que les règles de fonctionnement qui la régissent (gérance, tenue des
assemblées, partage des bénéfices, etc.).

B - SOUSCRIPTION DU CAPITAL ET LIBERATION DES


APPORTS 
Une société ne peut être constituée que si tous les titres émis sont souscrits
par les associés.

a - La libération des apports en numéraire 


La libération est l’exécution de la souscription par la réalisation de l’apport
promis, soit en numéraire, soit en nature.
En principe, la libération des apports se fait en totalité dès la constitution des
sociétés. Cependant, les actions en numéraire des S.A. et les parts en numéraire
des SARL (si capital il y a) doivent être libérées lors de la souscription au moins du

43
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

quart de leur valeur nominale, mais il peut être prévu que la libération doit être
intégrale dès la souscription.
Sinon, s'agissant de la S.A., la libération des 3/4 restants doit intervenir en
une ou même en plusieurs fois suivant la décision du conseil d’administration ou du
directoire dans un délai qui ne peut dépasser 3 ans à compter de l’immatriculation de
la S.A. au RC.
Et pour la SARL, la libération du surplus peut intervenir en une ou plusieurs
fois sur décision du gérant dans un délai qui ne peut excéder 5 ans à compter de la
date d’immatriculation.

b - La libération des apports en nature 


Les apports en nature doivent être intégralement libérés lors de la constitution
de toute sorte de société commerciale.
Ces apports doivent être transférés à la société en formation, mais après avoir
été vérifiés.
S'agissant des S.A., les fondateurs désignent un ou plusieurs commissaires
aux apports qui établissent un rapport sur l'évaluation des apports en nature.
S'agissant de la SARL les commissaires aux apports sont obligatoires quand
la valeur d’un des apports dépasse 100 000 dh et si le total des apports en nature est
supérieur à la valeur de la moitié du capital social (article 53).
Concernant les sociétés de personnes, l'évaluation des apports ne pose pas
de problème vu la responsabilité illimitée des associés.

C - LE DEPÔT DES FONDS EN BANQUE 


Cette formalité n'est prévue que pour les sociétés qui exigent un capital
minimum, notamment la S.A. (art. 22) ; la SARL n’est actuellement soumise à cette
formalité que lorsque le capital prévu par les associés dépasse 100 000 dhs selon la
loi 24-10) (art. 51). Cette formalité a pour objectif d’éviter la création de sociétés à
capitaux fictifs.
En effet, les fonds provenant des souscriptions en numéraire doivent être
obligatoirement déposés par les fondateurs au nom de la société en formation, dans
les 8 jours de leur réception, dans un compte bancaire bloqué avec la liste des
souscripteurs indiquant les sommes versées par chacun d’eux.

D - LA DECLARATION DE SOUSCRIPTION ET DE
VERSEMENT
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Cette formalité ne concerne que les S.A. Lorsque le capital est intégralement
souscrit et les versements exigés sont effectués de manière régulière, les fondateurs
doivent établir une déclaration constatant ces opérations soit par acte notarié, soit
par acte sous seing privé ; dans ce dernier cas, l’acte doit être déposé au greffe du
tribunal du lieu du siège social15.

E – LES FORMALITES DE DEPÔT AU TRIBUNAL


Les fondateurs de la société doivent déposer au tribunal du lieu du siège
social un certain nombre de pièces notamment :
- deux copies ou deux exemplaires des statuts certifiés conformes par le
représentant de la société ;
- les actes de nomination des premiers dirigeants,
- le cas échéant, le rapport du commissaire aux apports etc.

F – LA PUBLICITE DE LA CONSTITUTION
Afin d’assurer une plus grande transparence de la vie des sociétés et de
protéger leurs partenaires commerciaux, des conditions de publicité ont été rendues
obligatoires.
Après le dépôt des statuts et autres pièces au tribunal, les fondateurs doivent
faire une demande d’immatriculation au registre du commerce qui permettra à la
société d’acquérir la personnalité morale.
Ensuite, dans les 30 jours de l'immatriculation de la société au registre du
commerce, les fondateurs doivent faire publier un extrait des statuts dans un journal
d’annonces légales et au bulletin officiel. Cet extrait doit mentionner les
renseignements essentiels sur la constitution de la nouvelle société (forme,
dénomination, siège social, durée, montant du capital, etc.) ; il doit également
contenir le numéro de l'immatriculation de la société au registre de commerce 16.

Section 2 – ATTRIBUTS DES SOCIÉTÉS


Il s’agit d’étudier successivement les caractéristiques de la société.

15
- On constatera que, contrairement à l’article 1 alinéa 9 de la loi de 1922, la DSV n’est plus obligatoirement
notariée.
16
Loi 21/05 promulguée par dahir du 14 février 2006 modifiant la loi 5/96, B.O. n° 5400, du 2 mars 2006 et loi
20/05 concernant la S.A.

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§ 1 – LA DENOMINATION SOCIALE

Comme toutes les personnes juridiques, les sociétés s’identifient par un nom ;
c’est la dénomination sociale, qui peut être choisie sans limitation de possibilités.
Certaines sociétés ont une raison sociale telles que les sociétés civiles. Il
s’agit d’une identification qui comprend tout ou partie des noms des associés suivis
de «et compagnie», exemple : société BENCHEKROUN, BENJELLOUN et
compagnie.
Actuellement les sociétés de personnes ne sont plus obligées d'adopter une
raison sociale ; quant aux autres sociétés commerciales, elles doivent,
obligatoirement, avoir une dénomination sociale.

§2 – LE SIEGE SOCIAL ET LA NATIONALITE

L'intérêt de la question est double : au niveau national et au niveau


international.

A – AU NIVEAU NATIONAL
Le siège social, qui doit être mentionné dans les statuts, représente le
domicile de la société :
- il permet de la localiser pour accomplir certaines opérations
(correspondances, impôts, etc.),
- les actions en justice contre la société doivent être intentées devant le
tribunal de son siège social,
- il permet aussi de déterminer le lieu des formalités de dépôt et de publicité.
- il détermine en outre la nationalité de la société qui est celle du pays où se
situe son siège social. L’importance de la nationalité est considérable puisqu’elle
définit les lois applicables à la société (formation, fonctionnement, etc.).

– SUR LE PLAN INTERNATIONAL : SOCIÉTÉS INTERNATIONALES ET SOCIÉTÉS


B
multinationales
Il existe cependant des sociétés qui ne sont régies par aucune loi nationale, il
s'agit des sociétés internationales qui sont comparées par certains auteurs aux
personnes physiques apatrides, avec cette différence qu'elles sont créées par des
conventions internationales (entre Etats) et régies par leurs seuls statuts sans être
rattachées à une loi nationale. On peut citer comme exemples le S.A.S.
(Scandinavian Air Lines System), la S.F.I. (Société financière Internationale) etc.

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A la différence des sociétés internationales, les sociétés multinationales ont


plusieurs nationalités. Ce sont des sociétés qui forment un groupe (comprenant une
société mère et des filiales17) implanté sur le territoire de plusieurs Etats et chaque
unité du groupe bénéficie d'une autonomie juridique. Il s'agit en fait d'une seule
personne morale à laquelle les différents États attribuent la nationalité.
En réalité, malgré ces différentes nationalités, presque toutes les
multinationales sont des sociétés qui n'ont qu'une seule nationalité, celle de la
société dominante dont les dirigeants possèdent le pouvoir réel de décision ; c'est le
groupe (composé de toutes les unités) qui est qualifié de "multinationale". On citera
comme exemples General motors, I.B.M., Nestlé, Air Afrique, etc.

§3 – LE PATRIMOINE

Le patrimoine de la société se compose de l’actif, constitué par les apports en


numéraire et en nature des associés et par les biens acquis par elle à l’occasion de
son activité (meubles et immeubles), ainsi que du passif, qui comprend l’ensemble
des dettes de la société (les emprunts, les créances des fournisseurs, les impôts,
etc.)18
La société a un patrimoine qui lui est propre. On parle d'autonomie du
patrimoine, car il ne se confond pas avec celui des associés. Ainsi, l’actif de la
société n’appartient pas aux associés qui sont seulement titulaires de droits
pécuniaires et non pécuniaires envers la société par la possession de parts ou
d’actions.
Les créanciers personnels des associés ne pourront en aucun cas saisir le
patrimoine social pour éteindre leurs créances. D’autre part, le passif de la société ne
peut être imputé sur le patrimoine des associés à l’exception des sociétés de
personnes dans lesquelles la responsabilité des associés est indéfinie.

Section 4 – CLASSIFICATION DES SOCIÉTÉS DE DROIT PRIVE


La classification des sociétés de droit privé nécessite de nombreuses
distinctions. Outre la distinction entre les sociétés civiles et les sociétés

17
Alors qu'une filiale n'a pas de personnalité morale distincte de la société, une succursale est une annexe de
l'entreprise gérée par la société mais qui a une personnalité morale propre.
18
- Il ne faut pas confondre patrimoine social et capital social. Alors que le premier comprend et l’actif et le
passif de la société, le capital social représente le montant des apports effectués par les associés au profit de la
société, il peut être augmenté par de nouveaux apports ou par incorporation de réserves, il peut même parfois
être réduit.

47
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commerciales, au sein de ces dernières s'opposent les sociétés de personnes aux


sociétés de capitaux ; et les SARL y occupent une place particulière.

§ 1 – SOCIÉTÉS CIVILES ET SOCIÉTÉS COMMERCIALES

Les sociétés sont civiles ou commerciales selon la nature de leur activité.


Sont civiles, les sociétés dont l’activité est de nature civile (agriculture, pêche
etc.) et commerciales, celles qui exercent l’une des activités commerciales prévues
par l’article 6 du code de commerce.
Toutefois, le législateur a décidé que toutes les sociétés qui prendraient une
des formes juridiques suivantes seraient considérées des sociétés commerciales
quel que soit leur objet : SA, SARL, Société en Nom Collectif (SNC), Société en
Commandite Simple (SCS) ou par actions (SCA). On dit qu’elles sont commerciales
par la forme.

§ 2 – SOCIÉTÉS DE PERSONNES ET SOCIÉTÉS DE CAPITAUX

A – LES SOCIÉTÉS DE PERSONNES (SNC ET SCS)


Ce sont des sociétés qui se caractérisent par :
- la prédominance du facteur personnel (l’intuitu personae) dans leur
constitution et leur fonctionnement ;
- l’engagement des associés au-delà de leurs apports, leur responsabilité sera
illimitée, c'est-à-dire solidaire et indéfinie ;
- en contrepartie de leur apport, les associés reçoivent des parts d’intérêts ou
parts sociales, qui sont des valeurs non négociables, c'est-à-dire qu’elles ne sont
cessibles que par la voie civile.

B – LES SOCIÉTÉS DE CAPITAUX OU PAR ACTIONS


(SA ET SCA)
Dans ce type de sociétés :
- la considération de la personne est indifférente, la somme des apports
individuels compte plus que la personne des apporteurs ;
- chaque associé n’est tenu que jusqu’à concurrence de son apport ;
- les associés reçoivent des actions qui sont négociables.

§ 3 – LA SARL

C’est une société à mi-chemin entre les deux groupes précédents :

48
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- comme dans les sociétés de capitaux, les associés ne sont engagés que
jusqu’à concurrence de leurs apports ;
- comme dans les sociétés de personnes, les associés se connaissent (intuitu
personae) ;
- et les parts sociales ne sont pas négociables.
TABLEAU COMPARATIF DES CARACTERISTIQUES DES SOCIETES
COMMERCIALES
LES SOCIÉTÉS DE LES SOCIÉTÉS DE
PERSONNES LA SARL CAPITAUX
S.N.C. + SCS S.A + SCA
Intuitu personae Intuitu personae Les apports (capital)
Responsabilité illimitée Responsabilité limitée Responsabilité limitée
Parts sociales Parts sociables Actions
(non négociables) (non négociables) (négociables)

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CHAPITRE 2 – LES SOCIÉTÉS DE PERSONNES


Il s'agit de la société en nom collectif et de la société en commandite simple.

Section 1 – LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF


La SNC est régie par les articles 3 à 18 de la loi 5/96.

§ 1 – LES CARACTERES GENERAUX

A – LE CAPITAL ET LA RESPONSABILITÉ
Elle ne nécessite pas de capital minimal. Les apports peuvent être faits en
numéraire, en nature ou en industrie ; ils donnent droit à l’attribution de parts sociales
d’égale valeur choisie par les associés.
Toutefois, la responsabilité des associés constitue une contrepartie à la
faiblesse de ce capital ; en effet, ces derniers sont responsables indéfiniment et
solidairement des dettes de la société.

B – LA CAPACITÉ DES ASSOCIÉS


L’article 3 de la loi 5/96 considère que tous les associés de la SNC ont la
qualité de commerçant. Partant, la capacité commerciale est requise des associés.
De fait, certaines catégories de personnes ne peuvent être associées dans la SNC ;
ce sont :
- les mineurs, même émancipés, s’ils ne sont pas autorisés à faire le
commerce ;
- les majeurs interdits ;
- les personnes dont la profession n’est pas compatible avec la qualité de
commerçant (avocat, fonctionnaire, etc.) ;
- les personnes dont l’activité commerciale se trouve interdite à raison d’une
incapacité ou d’une déchéance.

§ 2 – LA GESTION DES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF

A – LES CONDITIONS DE LA GÉRANCE


Le fonctionnement de la société est assuré par un ou plusieurs gérants
nommés dans les statuts (gérant statutaire) ou par acte ultérieur.

50
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Sans stipulation des statuts, tous les associés sont gérants 19.
Si le gérant est associé, sa nomination requiert l’unanimité ; dans le cas
contraire, les statuts fixent librement les conditions de sa nomination.
Le gérant peut être une personne physique ou morale, dans ce dernier cas, la
personne morale doit désigner son représentant qui sera responsable de la même
manière que les personnes physiques.
Le gérant doit avoir la capacité de faire le commerce, qu'il soit associé ou
non ; mais n’est pas obligatoirement commerçant dans le cas où il ne ferait pas
partie de la société (il n'est dans ce cas que mandataire).
Il lui est possible de cumuler plusieurs mandats de gérant dans plusieurs
sociétés ; mais il lui est interdit d'exercer une activité similaire à celle de la société,
sauf s'il est autorisé par les associés.
Sa rémunération est fixée par les statuts ou par décision ultérieure des
associés.

B – LES POUVOIRS DU GÉRANT


Il est habituel de distinguer les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les
associés et dans ses rapports avec les tiers.

a - Les pouvoirs du gérant face à ses associés


Dans les rapports avec les associés, le gérant peut accomplir tous les actes
de gestion dans l’intérêt de la société ; toutefois, les statuts prévoient souvent une
limitation de ses pouvoirs en soumettant certains actes à l’autorisation préalable des
associés (vente d’immeubles, dépenses excessives, constitutions de sûretés, etc.).

b - Les pouvoirs du gérant face aux tiers


Dans ses rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes qui
entrent dans le cadre de l’objet social, par conséquent, et contrairement à la SARL,
la société n'est pas tenue par les actes du gérant qui dépassent l'objet social. Les
clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers.

19
Il faut par exemple mentionner dans les statuts que "la société sera dirigée par un ou deux ou trois…gérants
nommés par assemblée générale…" ; à défaut d'une disposition de ce genre, tous les associés seront considérés
des gérants.

51
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§ 3 - LES REGLES CONERNANT LES ASSOCIÉS

A – LA CESSION DES PARTS


L’associé qui veut vendre ses parts sociales doit obtenir l’autorisation de tous
les autres associés. En effet, dans les sociétés de personnes où les associés sont
peu nombreux, ces derniers doivent se protéger contre l’intrusion de personnes
indésirables dans la mesure où «l’intuitu personae» est très fort.
Lorsque l’agrément est refusé, l’associé doit rester dans la société ou
provoquer sa dissolution par une décision de justice pour "justes motifs".

B - LA RESPONSABILITÉ DES ASSOCIÉS


En cas de non-paiement des dettes par la société et 8 jours 20 après la mise en
demeure de celle – ci par acte extrajudiciaire 21, les créanciers peuvent poursuivre les
associés en paiement de l’intégralité du passif.
La responsabilité étant solidaire et indéfinie, les associés peuvent être tenus
de payer l’ensemble des dettes sur leurs biens personnels et un associé risque, s’il
est solvable, de payer les dettes des autres associés insolvables (c'est-à-dire toute la
dette sociale). Il aura toutefois par la suite la possibilité de se retourner contre eux
pour récupérer les sommes payées indûment (action récursoire).

Section 2 - LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE


La société en commandite simple est réglementée par les articles 19 à 30 de
la loi 5/96 et par certaines dispositions qui régissent la SNC.

§ 1 - LES CARACTERES GENERAUX

A- LES ASSOCIÉS
La société en commandite simple (ou société par intérêt) est une société de
personnes qui se caractérise par la coexistence de deux catégories d'associés :
 des commandités qui ont le statut d'associés en nom collectif
 et des commanditaires qui ne répondent des dettes sociales
qu'à concurrence du montant de leur apport et qui n'ont pas,
à ce titre, la qualité de commerçant (article 20 loi 5/96).
20
- Ce délai peut être prolongé par ordonnance du président du tribunal, statuant en référé, une seule fois et
pour la même durée (article 3 alinéa 2).
21
- Il s’agit d’un acte dressé par un auxiliaire de justice (avocat, huissier de justice, etc.) en dehors de toute
procédure, c'est - à - dire avant toute action en justice.

52
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Pour être valablement constituée, elle doit comprendre au moins deux


associés : un commandité et un commanditaire. Pour être commanditaire, il suffit
donc d'avoir la capacité civile.

B - LES APPORTS ET LE CAPITAL


Les commandités ont la possibilité de réaliser toute sorte d'apport, y compris
en industrie ; par contre, il est interdit aux commanditaires de faire des apports en
industrie.
La société en commandite simple ne nécessite pas non plus de capital
minimum puisque les commandités sont responsables solidairement et indéfiniment ;
ce qui constitue une garantie suffisante pour les créanciers sociaux.

§ 2 - LA GESTION DE LA SCS

En ce qui concerne la gestion, ce sont les mêmes règles de la société en nom


collectif qui s'appliquent à la société en commandite simple 22. Dans la mesure où les
commandités sont les seuls à être responsables indéfiniment et solidairement des
dettes sociales, seuls leurs noms peuvent figurer dans la dénomination sociale et ils
sont les seuls à pouvoir s'occuper de la gestion de la société.
Quant aux commanditaires, ils ne peuvent jamais être chargés de la gestion
puisqu'aux termes de l'article 25 "l'associé commanditaire ne peut faire aucun acte
de gestion engageant la société vis-à-vis des tiers, même en vertu d'une procuration"
sous peine de répondre solidairement et indéfiniment avec les commandités des
dettes sociales qui résultent des actes prohibés ou même de l'ensemble des dettes si
ces actes sont nombreux ou importants. Leur pouvoir se limite donc aux décisions
collectives.

CHAPITRE 3 – LA S A R L
Actuellement, elle est régie par les articles 44 à 87 de la loi 5/96.
La SARL est considérée comme une société hybride dans la mesure où elle
possède certaines caractéristiques des sociétés de personnes et d’autres des
sociétés de capitaux.
Depuis la loi 5/96, il est devenu possible de créer une SARL à «associé
unique».

22
Y compris la question relative au dépassement de l'objet social et des limites statutaires.

53
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Section 1 – CARACTERES GENERAUX

§ 1 – CAPITAL ET RESPONSABILITE

Fixé par la loi 5/96 à 100 000 dhs, le capital minimum de la SARL a été réduit
à 10 000 dhs en 200623 "afin de lutter contre l’informel". Malgré la modicité de ce
capital, la loi 24-10 a estimé qu’il « constitue une barrière à l’entrée pour les
entrepreneurs qui souhaitent formaliser leur activité sous la forme sociétale », raison
pour laquelle elle a carrément supprimé le capital social. "Le capital de la société à
responsabilité limitée est librement fixé par les associés dans les statuts", prévoit le
nouvel art. 46.
Comme dans les sociétés de personnes, lorsqu'un capital est prévu, les
apports sont représentés par des parts sociales égales, dont le montant nominal était
fixé initialement à 100 dh, ensuite à 10 dh. La loi 24-10 prévoit seulement que le
capital social est divisé en parts sociales à valeur nominale égale, ce qui veut dire
qu’il appartiendra désormais aux associés de déterminer la valeur nominale.
Tout en supprimant le capital social, la loi 24-10 continue quand même à
interdire les apports en industrie dans la SARL (Art. 51 al. 3). Cependant, dans notre
système juridique si l'on interdit les apports en industrie dans une société, c'est à
cause de la responsabilité limitée des associés ; en plus du fait qu'ils ne sont ni
capitalisables ni saisissables.
Or, actuellement si la société est constituée sans aucun capital, les associés
n’y feront aucun apport, ni en nature ni en numéraire ni, bien sur en industrie, on se
demandera alors à quoi va se limiter leur responsabilité ?
Malgré l’interdiction des apports en industrie dans la S.A.R.L., la loi 5/96 a
quand même adopté une exception qui est d'ailleurs assorties d'un certain nombre
de conditions : l'apport en industrie ne peut être effectué dans la SARL que s'il est
lié à un apport en nature, par exemple lorsque l'apporteur apporte un fonds de
commerce à la société qui fait partie de l'activité de la société, il pourra continuer à le
gérer et l'on considérera cette gestion du fonds de commerce comme un apport en
industrie.
L’avantage de ce type de société consiste dans la responsabilité des associés
qui est limitée au montant de leurs apports. En cas de difficultés, leur patrimoine
personnel ne sera pas mis en cause comme dans les SNC.
23
Depuis la loi 21/05 promulguée par dahir du 14 février 2006, B.O. n° 5400 du 2 mars 2006.

54
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Cependant, en pratique, cette limitation de responsabilité est souvent mise en


échec par le mécanisme du cautionnement bancaire demandé aux associés, qui
subordonne les prêts octroyés aux entreprises à la mise en œuvre d’une telle
garantie.

§ 2 – CAPACITE ET OBJET SOCIAL

A – LA CAPACITÉ DES ASSOCIÉS


Le nombre d’associés est limité à 50 ; au-delà de ce seuil, la SARL doit se
transformer en SA. À défaut de régularisation dans les deux ans, la SARL sera
dissoute de plein droit.
Pour devenir associé, la capacité civile suffit, contrairement à la SNC dans
laquelle la qualité de commerçant est indispensable.

B – L'OBJET SOCIAL
Certaines activités sont interdites à la SARL, l'article 44 al. 2 de la loi dispose
à ce sujet que les sociétés notamment de banque, du crédit, de l’assurance, etc. ne
peuvent adopter la forme de la SARL. Cette dérogation au principe libéral s'explique
par une certaine crainte du législateur quant au crédit et à la solvabilité d'une telle
société.

Section 2 – LA GESTION DE LA S.A.R.L.

§ 1 – LE GERANT

A – LES CONDITIONS DE LA GÉRANCE


La SARL est dirigée par un ou plusieurs gérants, qui est obligatoirement une
personne physique24, associé ou non25.
D’autre part, certaines professions sont incompatibles avec la fonction de
gérant (les fonctionnaires par exemple).
Le cumul de mandats de gérant dans deux ou plusieurs SARL est possible.
Mais il est interdit au gérant d'exercer une activité similaire à celle de la société, à
moins qu'il ne soit autorisé par les associés.

24
- On verra plus loin qu'il en est de même en ce qui concerne les SA pour le président du conseil
d'administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, le président et le vice-président du
conseil de surveillance ainsi que pour les membres du directoire.
25
- Cette possibilité de nommer un gérant étranger est très utile lorsque tous les associés sont des personnes
morales.

55
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

La durée des fonctions de gérant relève des statuts ou de l’acte de


nomination, à défaut, elle est légalement fixée à 3 ans.
Sa rémunération est fixée par les statuts ou par décision ultérieure des
associés.

B – LA CESSATION DES FONCTIONS DE GÉRANT


Le gérant de la SARL a la possibilité de démissionner et les associés peuvent
le révoquer par décision représentant au moins trois quarts des parts sociales (art.
69).

§ 2 – POUVOIRS DES GERANTS

Ils sont identiques à ceux des gérants de la SNC (v. art. 63).
Il existe toutefois une différence quant à l’engagement de la société vis-à-vis
des tiers. En effet, si pour la SNC la société est engagée dans la limite de l’objet
social, la SARL se trouve tenue de tous les actes de gestion du gérant même s’ils
dépassent l’objet social.
Les limites statutaires des pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers.

Section 3 – LA SITUATION DES ASSOCIÉS

§ 2 – LES POUVOIRS DES ASSOCIÉS

A l’occasion des assemblées générales, les associés vont pouvoir pleinement


exercer leur pouvoir. En effet, leur vote permettra d’orienter l’activité de la société
comme ils le souhaitent. Il existe deux types d’assemblées (ordinaire et
extraordinaire).

A – L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE


ANNUELLE
Elle doit se tenir dans les 6 mois qui suivent la clôture de l’exercice.
L’assemblée est convoquée soit par le gérant, soit par un commissaire aux
comptes en cas de problème.
Elle a pour fonction principale l’approbation des comptes annuels, mais de
nombreuses autres décisions peuvent être prises par les associés à cette occasion
(nomination et révocation du gérant, etc.).

56
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Le nombre de voix dont bénéficie chaque associé est équivalent au nombre


de parts détenues26 et les décisions sont prises par un ou plusieurs associés
représentant plus de la moitié des parts sociales.

B – L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE EXTRAORDINAIRE


Ce deuxième type d’assemblée permet de modifier les statuts.
L’assemblée générale extraordinaire concerne toutes les décisions
importantes qui doivent être prises à une forte majorité. Toute modification des
statuts sera décidée par les associés représentant au moins les trois quarts du
capital social (article 75).
Cette majorité est nécessaire car les décisions prises peuvent entraîner des
conséquences graves pour la société, et par conséquent pour les intérêts des
associés (changement de dénomination, de siège social, fusion, dissolution, etc.).

§ 3 – LA RESPONSABILITE DES ASSOCIÉS

Contrairement à la SNC, la responsabilité des associés est limitée à leurs


apports. Dans ces conditions, le montant de leurs pertes ne peut dépasser ce qu’ils
ont engagé dans la société.
Dans la pratique, les dettes étant reportées chaque année sur l’exercice
suivant, cette responsabilité ne sera réellement mise en jeu qu’à la dissolution de la
société ou après le paiement des dettes (l’apurement du passif social) ; chaque
associé retrouvera alors tout ou partie de son apport (ou même quelque fois rien),
mesurant ainsi l’étendue de sa responsabilité.

CHAPITRE 4 – LA SOCIETE ANONYME


La SA représente l’archétype des sociétés de capitaux. Apparue au XIX ème
siècle à une époque d’expansion économique due à la révolution industrielle, où la
recherche et la mise en commun de capitaux importants étaient indispensables afin
de créer des entreprises de grande taille rendues obligatoires par les avancées
technologiques générées par le progrès scientifique.
Actuellement nous disposons d’une loi spéciale consacrée à la seule SA, il
s’agit de la loi n°17-95 promulguée par dahir n° 1-96-124 du 30 août 1996 27.

26
C'est-à-dire que chaque associé dispose d'un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu'il détient.
27
- B.O. n° 4422 du 17/10/1996, p. 661.

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EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Section 1 – LES CARCTERES GENERAUX


Comme pour toute société, la S.A. obéit pour sa constitution à des conditions
de forme (V. pour ces dernières, chapitre 1) et des conditions de fond.
1 – La qualité d’associés : Le nombre des associés d’une SA doit être au
minimum de 5 ; il n’existe pas de maximum comme pour la SARL. La capacité civile
suffit : de fait, toute personne physique ou morale, marocaine ou étrangère peut
acquérir des actions d’une SA.
2 – Le capital social : Le montant des apports doit être au moins égal à 300
000 dh lorsque la société ne fait pas appel public à l’épargne et à 3 millions de dh
lorsqu’elle fait appel public à l’épargne, c'est-à-dire quand les fondateurs utilisent des
moyens publicitaires pour inciter des personnes à devenir leurs associés.
Le capital social est divisé en actions dont le montant nominal ne peut être
inférieur à 50 dh, et à 10 dh pour les sociétés dont les titres sont cotés en bourse
(art. 246 al. 3 modifié par la loi 20/05). Alors que la valeur nominale était de 100 dh,
les pouvoirs publics ont expliqué cette baisse par le fait de rendre les S.A.
accessibles à un large éventail d'épargnants et donc de redynamiser le marché
boursier marocain.
Or, dans la réalité, le droit de souscription aux sociétés nouvellement
introduites à la cote de Casablanca n'a jamais atteint ce niveau de prix (10 dh) !
3 – Les apports : Les associés qu’on nomme des actionnaires peuvent faire
des apports en numéraire et en nature28, les apports en industrie étant interdits.
La contrepartie des apports est représentée par des titres négociables qu’on
appelle des actions ; ces dernières peuvent être cotées en bourse. Par conséquent,
toute personne peut acheter ou céder librement les actions qu’elle détient sur ce
marché par l’intermédiaire des sociétés de bourse 29.
4 – L’objet social : La forme de la SA est imposée pour certaines activités
économiques : l’activité bancaire, les entreprises d’investissement, les entreprises de
crédit immobilier.

Section 2 – LA GESTION DE LA SA
La nouvelle loi offre désormais un choix entre deux types de gestion de la SA :
un mode traditionnel avec un conseil d’administration et son président, et un type

28
V. introduction
29
La loi 20/05 a interdit de soumettre la négociabilité des actions cotées en bourse à l'agrément des
actionnaires (art.255).

58
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nouveau, avec un directoire et un conseil de surveillance, repris sur la législation


française elle-même inspirée du droit allemand.
En introduisant ce nouveau type de gestion, le législateur français avait pour
but de faire introduire dans le directoire (qui est - contrairement au conseil
d’administration ouvert aux non – actionnaires) les salariés de l’entreprise et plus
particulièrement les hauts cadres. Il est cependant étonnant qu’en France plus de
99% des SA utilisent le mode traditionnel d’administration et moins de 1% ont
recours au nouveau système avec directoire et conseil de surveillance.
Les SA ont le libre choix entre ces deux modes de gestion.
Nous envisagerons donc dans cette section d’abord, le type traditionnel
d’administration, ensuite, le type moderne.

§1 - LA SA AVEC CONSEIL D’ADMINISTRATION


A- LE CONSEIL D’ADMINISTRATION 
a – Composition
Le nombre des membres qui composent le conseil d’administration est fixé
entre 3 et 12 administrateurs ; toutefois, dans les sociétés dont les actions sont
inscrites à la cote de la bourse des valeurs, ce maximum est porté à 15
administrateurs.
Les membres du conseil font partie de la société, ce sont donc des
actionnaires.
Ils doivent posséder la capacité civile sans avoir la qualité de commerçant ;
néanmoins, comme pour les gérants, d’autres conditions sont à respecter.
Ce sont des personnes physiques ou morales qui, dans ce cas, doivent se
faire représenter par un représentant permanent; il n’est pas obligé que les
administrateurs soient de nationalité marocaine ; ils peuvent cumuler, sans limite,
plusieurs mandats d’administrateur.
Un salarié de la société peut être nommé administrateur, à condition que son
30
contrat de travail, stipule l’article 43, corresponde à un emploi effectif sous peine
de nullité de sa nomination, d’autant plus qu’il ne doit pas perdre les bénéfices de

30
- C’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un lien de subordination entre le salarié et la société et, suivant la
jurisprudence française, le contrat de travail doit être « sérieux et sincère ». Mais, comme le législateur n’a pas
exigé un délai minimum d’ancienneté du contrat de travail, rien n’interdit à l’intéressé de décrocher de la
société un contrat de travail juste avant sa nomination au poste d’administrateur.

59
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

son contrat de travail, autrement dit, il doit continuer à percevoir son salaire,
d’acquérir l’ancienneté.
Mais le nombre des administrateurs salariés de la société, en vertu d’un
contrat de travail, ne peut toutefois pas dépasser le 1/3 des membres du conseil
d’administration ; on remarquera cependant que la loi ne prévoit pas de sanction en
cas de dépassement ! Il y a lieu de penser que les nominations excédentaires
peuvent être frappées de nullité.

b – Les pouvoirs du conseil d’administration


Actuellement, le conseil d'administration se contente de :

- déterminer les orientations de l'activité de la société et veiller à leur


application ;
- régler, par ses délibérations, les affaires de la société ;
- et procéder aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns.
- peut se saisir de toute question intéressant la bonne marche de la société.
Il est actuellement possible pour les administrateurs de participer à distance
aux réunions du conseil d'administration par les moyens de visioconférence 31 et
même de prendre part au vote de certaines décisions (art. 50)32.

B – LA DIRECTION GENERALE DE LA SOCIETE : LE


PDG OU LE DG
Dans sa nouvelle rédaction l'article 67 laisse le choix au conseil
d'administration, et dans les conditions fixées dans les statuts 33, de confier la
direction générale de la société soit au président du conseil d'administration (sous le
titre de président directeur général), soit à une personne physique : le directeur
général34.

31
Surtout pour les sociétés qui ont plusieurs filiales.
32
En effet, certaines décisions importantes ne peuvent être prises par voie de visioconférence, telles que
l'élection du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, la nomination du directeur
général et des directeurs généraux délégués ou du directoire ainsi que leur révocation, l'établissement du
rapport annuel de gestion.
33
- En cas de silence des statuts, stipule l'article 67dans sa nouvelle rédaction, la direction générale est assurée
par le président du conseil d'administration.
34
- Une fois le choix fait, le conseil d'administration doit en informer la prochaine assemblée générale et
procéder aux formalités de dépôt, de publicité et d'inscription au registre de commerce.

60
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

a – Le directeur général et ses directeurs généraux délégués


1. Statut
Le directeur général est une personne physique nommée par le conseil
d'administration parmi les actionnaires ou à l’extérieur de la société. Il peut donc
être un salarié de la société. La durée de sa fonction et sa rémunération sont
fixées par le conseil35.

Le directeur général peut se faire assister d'un ou plusieurs directeurs


généraux délégués (personnes physiques) mandatés par le conseil d'administration.
La révocation du directeur général ou du directeur général délégué peut
intervenir à tout moment, mais elle peut donner lieur à des dommages intérêts si elle
est décidée sans juste motif. Cependant, cette révocation ne donne pas lieu à la
résiliation de leur contrat de travail s'ils sont en même temps salariés de la société.

2 - Pouvoirs
Le directeur général assume sous sa responsabilité la direction générale de la
société. Il la représente dans ses rapports avec les tiers.
Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au
nom de la société. Il engage la société même pour les actes qui dépassent l’objet
social. Les limites statutaires ou celles fixées par le conseil d'administration sont
inopposables aux tiers.
L'étendue et la durée des pouvoirs des directeurs généraux délégués vis-à-
vis de la société sont déterminées par le conseil d'administration sur proposition du
directeur général. Mais à l'égard des tiers, ils disposent des mêmes pouvoirs que le
directeur général.

b – Le président du conseil d'administration


1. Statut
L’article 63 exige que le président soit élu par le conseil d’administration
exclusivement en son sein ; il doit donc obligatoirement, à peine de nullité de sa
nomination, être un administrateur de la société et être une personne physique ; la
durée de sa présidence ne peut excéder celle de son mandat d’administrateur, mais
il est rééligible36.
35
- Si le directeur général est un administrateur, la durée de ses fonctions ne peut pas excéder celle de son
mandant.
36
- A la différence de la loi française qui fixe à 2 le nombre de mandats que le président peut exercer
simultanément dans des SA, la loi 17/95 n’interdit guère le cumul de mandats, elle ne prévoit non plus aucune
limite d’âge, alors qu’en France cette limite est de 65 ans à défaut de disposition statutaire.

61
EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Il peut également être révoqué "ad nutum" par le conseil d'administration.


Comme il est administrateur, il peut aussi être révoqué en tant que tel par
l'assemblée générale et il sera indirectement mis fin à sa fonction de président.
La révocation ou la cessation de fonction du président, pour être opposable
aux tiers, doit faire l'objet d'une inscription au registre de commerce.
2. Pouvoirs
Le président du conseil d'administration, s'il n'est pas en même temps PDG, il
n'est plus investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au
nom de la société, il ne représente plus la société dans ses rapports avec les tiers ; il
se contente désormais de :
- représenter le conseil d'administration ;
- organiser et diriger ses travaux, et en rendre compte à l'assemblée générale ;
- veiller au bon fonctionnement des organes de la société et de s'assurer que
les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission.
Ce n'est que dans le cas où les statuts gardent le silence sur le choix laissé au
conseil d'administration relatif à la formule de gestion, c'est-à-dire le recours à la
nomination d'un directeur général, que le président se charge de la direction
générale de la société, mais dans ce cas, sous le nom de Président Directeur
Général (PDG).
Et lorsque le président assure la direction générale de la société, ce sont alors
les mêmes dispositions concernant les pouvoirs du directeur général qui
s'appliquent.

§ 2 – LA S.A AVEC DIRECTOIRE ET CONSEIL DE


SURVEILLANCE

A – LE DIRECTOIRE
a – Conditions
Le directoire ne peut comprendre plus de 5 membres appelés directeurs, 7 si
les actions de la société sont cotées à la bourse, mais lorsque le capital ne dépasse
pas 1 500 000 dh, les fonctions du directoire peuvent être exercées par un directeur
unique.
Ils sont nommés par le conseil de surveillance pour une durée de 4 ans à
défaut de dispositions statutaires (art. 81).

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EMSI 3è année GC Droit des affaires 2021/2022

Ce sont obligatoirement des personnes physiques (sous peine de nullité de


leur nomination) qui, à la différence des administrateurs, peuvent être choisies en
dehors des actionnaires. Ils peuvent donc être choisis parmi les salariés de la
société, c'est d'ailleurs l'essence même de ce mode d'administration.
Afin d’assurer l’indépendance du directoire par rapport au conseil de
surveillance, une règle est posée par la loi sur les SA : le non-cumul de fonctions
dans les deux organes. L’article 86 interdit formellement, en effet, aux membres de
ce dernier de siéger au directoire et s’il arrive qu’un membre du conseil de
surveillance soit désigné au directoire, sa nomination ne serait pas nulle, mais il
serait simplement et automatiquement mis fin à son mandat au sein du conseil de
surveillance dès son entrée en fonction.
Et, lorsqu'une personne morale membre du conseil de surveillance est
représentée par une personne physique, il est interdit à cette dernière de faire partie
du directoire.
C’est l’acte de nomination établi par le conseil de surveillance qui fixe le
montant et le mode de rémunération de chacun des membres du directoire.
Lorsqu’un salarié devient membre du directoire, il ne perd pas le bénéfice
de son contrat de travail, par conséquent, rien n’empêche à ce qu’il perçoive un
salaire en plus de sa rémunération en tant que membre du directoire.

b – Cessation des fonctions


Par dérogation à la règle du parallélisme des pouvoirs, les membres du
directoire, qui sont nommés par le conseil de surveillance sont révoqués par
l’assemblée ordinaire des actionnaires ; ils ne peuvent cependant être révoqués par
le conseil de surveillance que si les statuts le prévoient.
Contrairement encore aux administrateurs, qui peuvent être révoqués ad
nutum, la révocation des membres du directoire donne lieu à des dommages intérêts
si elle n’intervient pas pour justes motifs.

c – Pouvoirs du directoire
Ils sont identiques à ceux du directeur général (étendue, dépassement de
l’objet social, engagement de la société, limitations statutaires).
La société est représentée par un président du directoire nommé et révoqué
en tant que tel par le conseil de surveillance.

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B – LE CONSEIL DE SURVEILLANCE
a – Conditions
Les mêmes règles gouvernent le conseil d'administration et le conseil de
surveillance en ce qui concerne la capacité, la rémunération, le nombre minimal et
maximal de conseillers (entre 3 et 12), les conditions de nomination, la durée de leur
mandat, la tenue des réunions…
Comme les administrateurs, les membres du conseil de surveillance peuvent
être révoqués à tout moment par l’assemblée générale ordinaire. Ils ont aussi le droit
de démissionner dans les mêmes conditions.
Les membres du conseil de surveillance peuvent être des personnes morales,
à condition d'être représentées par une personne physique.

b – Pouvoirs
La fonction principale du conseil de surveillance réside dans le contrôle
permanent de la gestion de la société par le directoire (art. 104). Il peut, à toute
époque de l’année, demander communication et copie de tous les documents qu’il
juge utiles afin de les consulter ou de les vérifier.
Il reçoit un rapport trimestriel et des documents annuels (notamment l'état de
synthèse) du directoire et possède des pouvoirs spécifiques (autorisations spéciales,
nominations des membres du directoire, répartition des jetons de présence, etc.).

Section 3 - LA SITUATION DES ASSOCIÉS

§ 1 – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES

Afin de lutter contre l'absentéisme lors des assemblées générales et de


surmonter les problèmes de l'éloignement géographique, la loi a prévu la possibilité
pour les statuts de considérer présents, pour le calcul du quorum et de la majorité,
les actionnaires qui participent aux assemblées générales par visioconférence. Mais
il n'empêche qu'il est possible pour tout actionnaire de se faire représenter par un
autre actionnaire, par son conjoint ou par un ascendant ou un descendant.
D'un autre côté, il est désormais possible de prévoir dans les statuts que les
actionnaires puissent voter par correspondance.

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A - L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE


a – Convocation
Elle se tient, comme pour toutes les sociétés, dans les 6 mois qui suivent la
clôture de l’exercice. Les conditions de quorum sont de un quart des actions sur
première convocation ; lorsque l’assemblée ne peut valablement délibérer, il doit être
procédé à une deuxième convocation, auquel cas, aucun quorum n’est requis.

b – Déroulement
Les décisions sont prises à la majorité des voix (la moitié plus une). Tout
associé peut participer aux assemblées, mais quelque fois les statuts exigent un
minimum d’actions qui ne peut être supérieur à 10.

c – Attributions
Les attributions de l’assemblée générale ordinaire sont importantes. Elles
concernent notamment l’approbation des comptes, le partage des bénéfices, la
nomination et la révocation du conseil d'administration et du conseil de surveillance,
éventuellement la révocation du directoire, etc.

B – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES


EXTRAORDINAIRES
a – Principales attributions
Elles ont pour objet la modification des statuts, ce qui concerne aussi bien:
 l’identité de la société (dénomination, siège social),
 que les règles de son fonctionnement (pouvoirs des dirigeants, tenues des
conseils, des assemblées, etc.),
 ou encore ses possibilités de transformation (augmentation ou réduction du
capital, fusion, scission, etc.),
 voire même sa dissolution.

b - Quorum et majorité
Il est de la moitié des actions ayant droit de vote sur première convocation et
du quart sur deuxième convocation ; sinon, comme la loi ne permet pas de réduire ce
quorum, cette deuxième assemblée est reportée à une date qui ne peut dépasser les
deux mois de celle à laquelle elle avait été convoquée.
La majorité des deux tiers des voix dont disposent les actionnaires est
nécessaire pour prendre une décision.

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Enfin, comme pour les SARL, la responsabilité des associés est limitée aux
apports et ne devient effective qu’à la dissolution de la société.

§ 2 - LES TITRES EMIS PAR LES SA

Ce sont les valeurs mobilières ; elles sont en principe négociables, c'est-à-dire


qu’elles peuvent être cédées librement et sans formalités particulières, sauf
exceptions prévues par les statuts37.
On distingue essentiellement les actions et les obligations, sans oublier les
nouveaux certificats d'investissement.

A - LES ACTIONS
Ce sont des titres qui permettent à l’actionnaire d’être titulaire de droits
pécuniaires (dividendes, boni de liquidation) et non pécuniaires (droit de vote, de
communication, d’information, etc.).

B - LES OBLIGATIONS
Ce sont des titres négociables qui représentent une créance à long terme sur
la société et donnent droit à la perception d’intérêts (alors que les actionnaires ne
sont pas assurés de toucher un dividende annuel). La valeur nominale des
obligations ne peut être inférieure à 50 dh, et à 10 dh pour les sociétés dont les titres
sont cotés en bourse (art.292 al.2).
Leurs titulaires ne disposent pas du droit de vote.
Les sommes obtenues par la société au moyen de cette technique particulière
de crédit, lui permettent d’investir.

37
Rappelons que les statuts ne peuvent soumettre les actions cotées en bourse à l'agrément de la société.

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ANNEXE – L'auto-entrepreneur
La loi 114/1338 a instauré un nouveau statut des auto-entrepreneurs. Son
objectif est de lutter contre l'informel pour deux raisons: limiter la concurrence livrée
par l'informel et surtout élargir l'assiette fiscale.
Au sens de la loi, l'auto-entrepreneur est toute personne physique exerçant, à
titre individuel, une activité industrielle, commerciale ou artisanale, ou prestataire de
services, dont le chiffre d'affaires annuel encaissé ne dépasse pas :
• 500.000 dirhams pour les activités industrielles, commerciales et artisanales ;
• et 200.000 dirhams pour les prestations de services.
La liste des activités industrielles, commerciales et artisanales et la liste des
prestations de services sont fixées par voie réglementaire.
Plusieurs avantages sont associés à ce régime, notamment:
- du côté social, la population concernée devrait bénéficier d'une couverture
sociale;
- du point de vue formel, un allègement est prévu concernant la contrainte
de la domiciliation, puisque les auto-entrepreneurs peuvent exercer leurs
activités dans leur propre lieu de résidence ou dans un local partagé entre
plusieurs entreprises;
- sur le plan comptable, l'auto-entrepreneur est dispensé des lourdes
obligations comptables classiques, il est seulement tenu à une comptabilité
simplifiée de caisse, càd de tenir un registre des achats et des ventes qui
doit être visé par le responsable du service d'assiette du lieu de son
domicile fiscale39 ;
- sous l'angle fiscal, déjà la loi de finances de 2014, càd avant l'adoption du
projet de loi par le parlement, a prévu un taux de taxation très allégé (1%
38
- Dahir n°1-15-06 du 29 rabii II 143 6 (19 février 2015) portant promulgation de la loi n°
114-13 relative au statut de l'auto-entrepreneur. B.O. n° 6344 du 19 mars 2015.V. aussi le
décret n°2-15-257 du 10 avril 2015 fixant la composition et les modalités de fonctionnement
du conseil national de l'auto-entrepreneur; le décret n°2-15-258 du 10 avril 2015 pris en
application des articles 5, 6 et 8 de la loi n°114-13 relative au statut de l'auto-entrepreneur
fixant les modalités d'inscription au registre des auto-entrepreneurs et le décret n°2-15-263
du 10 avril 2015 relatif à l'exclusion des contribuables exerçant certaines professions,
activités et prestations de service du bénéfice du régime fiscal applicable à l'auto-
entrepreneur, B.O. n°6358 du 7/5/2015.
39
- V. la circulaire de la direction générale des impôts concernant le régime fiscal 2014 appliqué aux auto-
entrepreneurs, L'ECONOMISTE du 30 janvier 2014, P. 16

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du chiffre d'affaires pour le commerce, l'industrie et l'artisanat et 2% pour


les prestations de services40. Il convient de noter que c'est un impôt
libératoire de l'impôt sur le revenu;
- du point de vue juridique l'auto-entrepreneur est désormais dispensé de
l'obligation d'immatriculation au registre de commerce, ce dernier est
remplacé par un registre national des auto-entrepreneurs; la gestion de ce
registre est confiée à Barid Al Maghrib pour le compte de l'Etat. Poste
Maroc est chargée des inscriptions mais aussi de la réception des
déclarations du chiffre d'affaires, de collecter les impôts et les cotisations
sociales41.
 On constatera cependant que le texte n'évoque nulle part les effets
juridiques de l'inscription au registre national des auto-
entrepreneurs à l'instar du code de commerce concernant le
registre de commerce ! La question reste, faute d'inscription au
registre de commerce est-ce que l'auto-entrepreneur est quand
même un commerçant ? En tout cas puisqu'aucune réponse à cette
question ne figure dans le texte, légalement parlant, l'auto-
entrepreneur ne peut guère prétendre au statut de commerçant.
 cependant, en cas de dettes liées à son activité, tous ses biens
meubles et immeubles peuvent faire l'objet d'une saisie à l'exception
de sa résidence principale.

La radiation de l'auto-entrepreneur doit être opérée dès le dépassement des


seuils fixés par la loi42 durant deux exercices.
Dans ce cas, l'auto-entrepreneur devra muter en entreprise individuelle ou en
S.A.R.L. à associé unique avec toutes les contraintes que cela comporte.
Un observateur nous fait remarquer que "certains seront tentés de faire en
sorte de revenir au plafond pour continuer à payer des taux réduits, on poussera
encore les gens vers le noir"43

40
- Il convient de noter que c'est un impôt libératoire de l'impôt sur le revenu.
41
V. L'ECONOMISTE du 23 janvier 2015, p.2
42
- 500.000 dirhams pour les activités industrielles, commerciales et artisanales et 200.000
dirhams pour les prestations de services.
43
- L'ECONOMISTE du 23 janvier 2015, p.2.

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Table des matiè res


3ème année GC Semestre 1....................................................................................1

DROIT DES AFFAIRES.......................................................................................1

I N T R O D U C T I O N AU DROIT DES AFFAIRES.......................................2

I - DEFINITION ET PARTICULARITES.....................................................2
II - LES SOURCES DU DROIT COMMERCIAL........................................3
CHAPITRE 1 - LES ACTIVITES COMMERCIALES..........................................5

I - LES ACTIVITES DE PRODUCTION.....................................................5


II – LES ACTIVITES DE DISTRIBUTION..................................................5
III - LES ACTIVITES DE SERVICES.........................................................6
CHAPITRE II - LE COMMERÇANT.................................................................10

Section I - DEFINITION DU COMMERÇANT..............................................10

§ I - L’EXERCICE HABITUEL OU PROFESSIONNEL DES ACTIVITÉS


COMMERCIALES..............................................................................................10
§ II - L’EXERCICE POUR SON PROPRE COMPTE..............................11
Section II - LA CONDITION JURIDIQUE DU COMMERCANT....................12

§ I - LA CAPACITE COMMERCIALE.......................................................12
§ II - LES RESTRICTIONS A LA LIBERTE DU COMMERCE................12
Section III - LES OBLIGATIONS DU COMMERCANT.................................13

§ 1 – LES OBLIGATIONS NOUVELLES.................................................13


§ 2 - LA PUBLICITE AU REGISTRE DU COMMERCE..........................14
§ 3 - LA TENUE D’UNE COMPTABILITE................................................15
Chapitre 3 - LE FONDS DE COMMERCE.......................................................17

Section 1 - LES ELEMENTS DU F.C...........................................................17

§ I - LES ELEMENTS CORPORELS.......................................................17


§ II - LES ELEMENTS INCORPORELS..................................................17
S 2 - LA VENTE DU FONDS DE COMMERCE...........................................18

Section 1 - LA LETTRE DE CHANGE..........................................................21

§ 1 – L'EMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE...................................22

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§2 - L’ACCEPTATION..............................................................................23
§ 3 - LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE..........................25
§ 4 – LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE...............................26
§ 5 - LES OBSTACLES AU PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE.26
§ 6 - LES RECOURS...............................................................................26
Section 2 - LE BILLET A ORDRE.................................................................27

§ 1 - SPECIFICITES................................................................................27
§ 2 - CONDITIONS DE VALIDITE...........................................................27
Section 3 - LE CHÈQUE...............................................................................29

§ 1 - LES ASPECTS TECHNIQUES........................................................29


§ 2 - LES SYSTEMES DE PROTECTION DU CHEQUE........................36
Chapitre 5 - LE droit des SOCIÉTÉ................................................................41

Section 1 – LES CONDITIONS DE FORMATION DES SOCIÉTÉS............41

§ 1 – LES CONDITIONS DE FOND........................................................41


§ 2 – LES CONDITIONS DE FORME......................................................43
Section 2 – ATTRIBUTS DES SOCIÉTÉS...................................................45

§ 1 – LA DENOMINATION SOCIALE......................................................46
§2 – LE SIEGE SOCIAL ET LA NATIONALITE.......................................46
§3 – LE PATRIMOINE.............................................................................47
Section 4 – CLASSIFICATION DES SOCIÉTÉS DE DROIT PRIVE...........47

§ 1 – SOCIÉTÉS CIVILES ET SOCIÉTÉS COMMERCIALES................48


§ 2 – SOCIÉTÉS DE PERSONNES ET SOCIÉTÉS DE CAPITAUX......48
§ 3 – LA SARL.........................................................................................48
Chapitre 2 – LES SOCIÉTÉS DE PERSONNES.............................................50

Section 1 – LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF.........................................50

§ 1 – LES CARACTERES GENERAUX..................................................50


§ 2 – LA GESTION DES SOCIÉTÉS EN NOM COLLECTIF..................50
§ 3 - LES REGLES CONERNANT LES ASSOCIÉS...............................52
Section 2 - LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE SIMPLE................................52

§ 1 - LES CARACTERES GENERAUX...................................................52


§ 2 - LA GESTION DE LA SCS...............................................................53

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Chapitre 3 – LA S A R L.................................................................................53

Section 1 – CARACTERES GENERAUX.....................................................54

§ 1 – CAPITAL ET RESPONSABILITE...................................................54
§ 2 – CAPACITE ET OBJET SOCIAL.....................................................55
Section 2 – LA GESTION DE LA S.A.R.L....................................................55

§ 1 – LE GERANT....................................................................................55
§ 2 – POUVOIRS DES GERANTS..........................................................56
Section 3 – LA SITUATION DES ASSOCIÉS..............................................56

§ 2 – LES POUVOIRS DES ASSOCIÉS.................................................56


§ 3 – LA RESPONSABILITE DES ASSOCIÉS........................................57
Chapitre 4 – LA SOCIETE ANONYME............................................................57

Section 1 – LES CARCTERES GENERAUX...............................................58

Section 2 – LA GESTION DE LA SA............................................................59

§ 1 - LA SA AVEC CONSEIL D’ADMINISTRATION................................59


§ 2 – LA S.A AVEC DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE. 62
Section 3 - LA SITUATION DES ASSOCIÉS...............................................64

§ 1 – LES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES.................................................64


§ 2 - LES TITRES EMIS PAR LES SA....................................................66
ANNEXE – L'auto-entrepreneur...................................................................67

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