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L'implantation d'un système de contrôle de gestion au sein

d'entreprises libérales : cas des offices de notaires


Laurent Cappelletti, Djamel Khouatra
Dans Comptabilité Contrôle Audit 2009/1 (Tome 15) , pages 79 à 103
Éditions Association Francophone de Comptabilité
ISSN 1262-2788
DOI 10.3917/cca.151.0079
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Laurent Cappelletti et Djamel Khouatra
L’IMPLANTATION D’UN SYSTÈME DE CONTRÔLE DE GESTION
AU SEIN D’ENTREPRISES LIBÉRALES : CAS DES OFFICES DE NOTAIRES 79
reçu janvier 2008 / accepté mai 2008

L’implantation d’un système


de contrôle de gestion au sein
d’entreprises libérales :
cas des offices de notaires
Setting up a management
control system in independent
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professions : the case
of notary public offices
Laurent CAPPELLETTI* et Djamel KHOUATRA**

Résumé Abstract
L’article étudie la problématique de l’im- This article examines the problematics of
plantation d’un système contrôle de gestion management controlling in independent profes-
au sein d’entreprises libérales, au travers du sions through the case study of 350 notary pub-
cas de 350 offices de notaires. La question lic offices. The question could be summarized
de recherche étudiée peut être résumée en in these terms : what are the contributions of a
ces termes : quels sont les apports d’un sys- management control system in independent pro-
tème de contrôle de gestion dans une entre- fessions and what are the key factors of success
prise libérale et quels sont les facteurs clés de of management control setting up in such small
succès de l’implantation d’un tel système au businesses ? To answer this question, a « quali-

*Maître de Conférences, HDR, ISEOR – IAE, Université Jean Moulin Lyon 3


**Maître de Conférences, ISEOR – IAE, Université Jean Moulin Lyon 3

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sein d’entreprises de petite taille ? Pour étudier metrics » methodology of research has been used,
cette question, la méthodologie de recherche which combines the qualitative model and the
choisie est « qualimétrique » conciliant modèle quantitative model.
qualitatif et modèle quantitatif.

Mots-Clés. – Contrôle de gestion KEYWORDS. – MANAGEMENT CONTROL –


– Entreprise libérale – Implantation – INDEPENDENT PROFESSIONS – IMPLEMENTATION
Recherche-interventionqualimétrique. – QUALIMETRICS INTERVENTION-RESEARCH.

Remerciements : Les auteurs remercient vivement les deux rapporteurs pour leurs remarques et sugges-
tions ainsi que le professeur Sylvain Biardeau pour ses conseils techniques.

Correspondance : Laurent Cappelletti Djamel Khouatra


ISEOR – IAE, Université Jean ISEOR – IAE, Université Jean Moulin Lyon 3
Moulin Lyon 3 15, chemin du petit bois
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15, chemin du petit bois 69130 Ecully
69130 Ecully Tél. : 04 78 33 09 66
Tél. : 04 78 33 09 66 khouatra@iseor.com
cappelletti@iseor.com

Introduction
Cet article étudie la problématique de l’implantation d’un système contrôle de gestion dans les entreprises
libérales, au travers du cas de 350 offices de notaires. La question de recherche étudiée peut être résumée
en ces termes : quels sont les apports d’un système de contrôle de gestion dans une entreprise libérale
et quels sont les facteurs clés de succès de l’implantation d’un tel système ? L’article utilise le terme de
contrôle de gestion dans le sens de management control. Il s’intéresse en effet aux systèmes de contrôle de
gestion managériaux tels qu’ils ont été décrits par Anthony (1956, 1965, 1988) et Simons (1987, 1995,
2000). Il est centré, au travers du cas du contrôle de gestion socio-économique, sur les systèmes de
contrôle articulant outils de règles et de mesure avec des outils agissant sur les comportements des acteurs.
La question de recherche présente des enjeux pratiques puisque les entreprises libérales, et au-delà
les toutes petites entreprises, sont souvent dotées d’un système de contrôle de gestion rudimentaire
(Marchesnay, 1993 ; Plane, 1999 ; Parsons, 2004). Or, à l’heure de la mondialisation croissante, des
pertes de monopole et de l’hypercompétition (D’Aveni, 1994), les entreprises même de petite taille
sont confrontées à la gestion stratégique de leurs coûts. Par ailleurs, d’un point de vue théorique, si
le champ du management control est bien étudié lorsqu’il s’applique aux grandes entreprises, il l’est
moins concernant les entreprises de petite taille et les entreprises libérales en particulier, telles que
les cabinets d’avocat ou les offices de notaires. Or les professions libérales sont confrontées à de nou-
velles contraintes stratégiques qui leur imposent de mieux contrôler leur gestion : exigence accrue des

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clients, intensité de la concurrence, perte de monopoles, etc. Le chef d’entreprise libérale étant le plus
souvent néophyte en gestion, il est confronté à une problématique d’implantation dans son entreprise
d’un système de contrôle de gestion adapté (Maister, 1993, 1997 ; Cappelletti, 2007).
Pour apporter des éléments de réponse à la question de recherche, la méthodologie choisie est
« qualimétrique » (Savall, Zardet, 2004). L’approche qualimétrique consiste à concilier les modèles
qualitatif et quantitatif pour accroître la validité des observations réalisées sur un objet d’étude.
Cette approche reconnaît la complémentarité des recherches qualitatives et des recherches quantita-
tives comme l’ont souligné également Burlaud, Teller et al. (2004). L’approche qualitative retenue a
consisté à implanter un système de contrôle de gestion socio-économique au sein de 350 offices de
notaires entre 1998 à 2004. Cinq variables explicatives de la réussite de l’implantation du système
de contrôle de gestion ont fait l’objet d’analyses multivariées : l’implication du dirigeant dans l’im-
plantation du système de contrôle de gestion, la taille de l’entreprise, la compétence de l’intervenant
en contrôle de gestion, la compétence du dirigeant et de son encadrement en contrôle de gestion
(Cappelletti, Khouatra, Beck, 2007). Pour exposer les résultats de la recherche, l’article comprend
trois parties : la première partie expose le cadre théorique de la recherche centré sur le management
control et les entreprises libérales, la deuxième partie décrit la méthodologie de recherche mobilisée et
son protocole, enfin la troisième partie présente et analyse les résultats de la recherche.
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1. Les besoins des professions libérales
en contrôle de gestion
Cette partie propose un positionnement du contrôle de gestion socio-économique dans le champ
du management control. Elle présente également les contraintes stratégiques pesant sur les offices de
notaires, et au-delà d’autres professions libérales, qui expliquent les besoins de ces petites structures
pour des méthodologies adaptées de contrôle de gestion.

1.1. Le contrôle de gestion socio-économique : concepts et outils


Le contrôle de gestion socio-économique intègre les concepts du management control exposés dans
les théories fondatrices du contrôle. Sa particularité réside toutefois dans la conception des outils
qu’il propose, visant à améliorer à la fois la performance sociale et la performance économique de
l’organisation.

1.1.1. LE CADRE CONCEPTUEL DU MANAGEMENT CONTROL


Le management control en tant qu’ensemble de dispositifs aidant le manager, comporte deux dimen-
sions (Simons, 1987, 1995, 2000) :
• une dimension économique et stratégique consistant à choisir des règles opératoires pour
atteindre les objectifs fixés ;
• une dimension organisationnelle et psycho-sociale pour inciter les individus à agir conformé-
ment aux règles opératoires.

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Anthony est considéré comme l’auteur de référence en management control (Bouquin, 2005).
Il définit dans un premier temps le contrôle comme « le processus consistant à assurer que l’organisa-
tion fait ce que le management veut qu’elle fasse » (Anthony, 1956). L’expression de management control
n’apparaît pas encore à cette époque dans ses travaux, bien que les expressions de management control
ou managerial control aient été employées avant ses travaux. Ainsi lorsque Sloan (1963) présente le cas
General Motors, il utilise l’expression de managerial control pour désigner un état organisationnel qui
permet aux managers d’affirmer qu’ils ont le contrôle. Bien avant, Mary P. Follett (1924) considérait
déjà l’entreprise à la fois comme une entité économique et une unité sociale devant faire l’objet d’une
analyse socio-économique. Pour Follett, le contrôle doit être appréhendé selon une perspective psycho-
sociologique car il constitue un instrument de coordination des personnes dans l’entreprise.
À partir des années 1960, Anthony (1965) inscrit le management control dans la problématique de
la convergence des buts et de l’assurance de la mise en œuvre des stratégies. Il le définit dans un deu-
xième temps comme « le processus par lequel les managers obtiennent l’assurance que les ressources
sont obtenues et utilisées de manière efficace et efficiente pour réaliser les objectifs de l’organisation ».
L’auteur ajoute trois idées clés en complément de cette définition : le processus implique des managers
c’est-à-dire des acteurs qui font avancer les choses en coopérant avec d’autres acteurs ; ce processus
s’inscrit dans le cadre de la planification stratégique ; les critères pertinents pour évaluer les actions
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conduites dans ce processus sont l’efficacité et l’efficience. Enfin, Anthony (1988) définit dans un
troisième temps le management control comme « le processus par lequel les managers influencent
d’autres membres de l’organisation pour mettre en œuvre la stratégie ». Selon lui, le management
control est le contrôle des managers par d’autres managers, ceux-ci étant des responsables d’équipes
ayant des objectifs à atteindre.
Aujourd’hui, la plupart des auteurs définissent le contrôle de gestion dans le sens de management
control. Ils lui reconnaissent deux dimensions facteurs à la fois de régularité et de changement : la
première formelle à vocation stratégique et de gestion, et la seconde informelle à vocation managé-
riale et comportementale (Dupuy, 1999 ; Bouquin, 2004 ; Burlaud, Teller, al., 2004 ; Gervais, 2005).
En particulier les travaux portant sur la dimension informelle et comportementale du contrôle souli-
gnent le rôle central de cette dimension dans les processus d’apprentissage et l’efficience du système
de contrôle mis en place (Chiapello, 1996 ; Dupuy, Guibert, 2000 ; Berland, 2002).

1.1.2. LES PARTICULARITÉS DU CONTRÔLE


DE GESTION SOCIO-ÉCONOMIQUE
Les outils et les méthodes du contrôle de gestion socio-économique (Savall, 1975 ; Savall, Zardet,
1992, 2008) sont organisés autour de trois axes : un axe d’outils de gestion, un axe de changement
et de gestion des coûts et un axe de décisions politiques. Cette méthodologie triaxiale est appelée
méthode HORIVERT. Elle a été testée depuis une trentaine d’années sur un millier d’entreprises et
d’organisations environ, alimentant une large base de connaissances appelée SEGESE (Buono, Savall,
2007 ; Zardet, Harbi, 2007).

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• Six outils destinés aux managers composent l’axe outils du contrôle de gestion
socio-économique.
– Le contrat d’activité périodiquement négociable formalise les objectifs de résultats prioritaires et
les moyens mis à disposition par l’organisation pour les atteindre. Il est mis en place au travers d’une
concertation semestrielle entre chaque acteur et son supérieur hiérarchique direct.
– Le plan d’actions stratégiques internes et externes est un outil de stratégie tourné aussi bien
vers les cibles externes (le couple produits-marchés, les clients, les fournisseurs) que vers les cibles
internes (les investissements matériels et immatériels, l’adéquation formation-emploi). Il est réactua-
lisé chaque année pour une projection stratégique visant les 3 à 5 ans à venir.
– Le plan d’actions prioritaires budgétées est l’inventaire réactualisé semestriellement des actions
prioritaires à réaliser par les équipes pour atteindre les objectifs stratégiques.
– Le tableau de bord de pilotage regroupe les indicateurs qualitatifs, quantitatifs et financiers
utilisés par l’encadrement, pour piloter les personnes et les activités dans le sens des objectifs définis.
– La grille d’auto-analyse de gestion du temps est un ensemble cohérent d’instrumentation de la
gestion du temps pour améliorer la planification et la programmation des activités.
– La cartographie des compétences permet de visualiser les compétences effectives disponibles
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d’une équipe et de son organisation.
• L’axe changement et gestion des coûts implique tous les acteurs de l’entreprise
Cet axe constitue un processus itératif en quatre phases : diagnostic des dysfonctionnements, pro-
jet de solutions, mise en œuvre et évaluation des solutions retenues. Le diagnostic socio-économique
consiste en un diagnostic qui révèle les dysfonctionnements et les coûts cachés, c’est-à-dire les pertes
de valeur qu’ils engendrent, en termes notamment de surconsommations, de surtemps, et de non-
production. Le diagnostic est réalisé à partir d’entretiens auprès des différentes catégories d’acteurs :
dirigeants, encadrement et employés. L’étape suivante consiste à formaliser des projets à partir du
diagnostic pour réduire les dysfonctionnements et convertir les coûts cachés en valeur ajoutée. Après
la mise en œuvre des solutions projetées, une évaluation permet d’analyser les résultats qualitatifs,
quantitatifs et financiers obtenus.
• L’axe de décisions politiques mobilise la direction de l’entreprise
L’axe de décisions politiques vise à stimuler la décision stratégique de la direction de l’entreprise
réunie dans un groupe de pilotage. Les décisions stratégiques de l’équipe de direction donnent un
sens à l’utilisation des outils et un cadre aux actions mises en œuvre pour réduire les dysfonctionne-
ments et les pertes de valeur qu’ils engendrent.

1.1.3. LE POSITIONNEMENT DE LA MÉTHODE HORIVERT


La méthode HORIVERT repose sur l’hypothèse que le développement durable de la performance
n’est possible qu’en conciliant les performances sociales, c’est-à-dire la satisfaction des acteurs au sens
large, et les performances économiques. Cette hypothèse est reprise notamment chez Pfeffer (1995,
2005) pour qui la performance sociale et la qualité du management contribuent fortement à la per-
formance économique d’une organisation.

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Les objectifs de la méthode HORIVERT sont comparables à ceux attribués au management control
par Simons (2000), Kaplan et Norton (1996, 2001, 2004). Il s’agit de doter l’entreprise d’un système
de contrôle adapté pour mesurer la performance et décliner la stratégie avec efficacité et efficience.
Cependant, la méthode s’écarte du modèle de Simons en proposant ses propres outils de mesure et de
pilotage. Elle s’écarte également du modèle de Kaplan et Norton en proposant au contrôleur de ges-
tion des outils situés sur trois axes pour décrire et expliquer la performance. Cette méthode est donc
descriptive, explicative et prescriptive ce qui l’inscrit dans un cadre hybride dit de « contingence géné-
rique » (Savall, Zardet, 2004). Ce positionnement médian situé entre constructivisme et positivisme
est matière à débats. En effet, il est original en management control où cohabitent le plus souvent des
méthodologies soit positives et normatives, soit constructivistes et interprétatives (Baker, 2007).

1.2. Les spécificités de l’entreprise libérale notariale


Malgré le poids économique, social et politique des entreprises libérales, les travaux tant académiques
qu’économiques portant sur leur gestion et leur management restent peu fréquents. De même, les
parcours universitaires qui conduisent à ces professions sont dépourvus de formation en manage-
ment, comme si l’on considérait qu’une entreprise libérale ne se manage pas. Pourtant, les entre-
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prises libérales sont soumises à de nouvelles contraintes stratégiques nécessitant des systèmes adaptés
de contrôle de gestion pour maîtriser leurs coûts et développer leur stratégie (Altman, Weil, 1996 ;
Boutall, Blackburn, 1998).

1.2.1. LES NOTAIRES, CHEFS D’ENTREPRISE LIBÉRALE


ET OFFICIERS MINISTÉRIELS
En France, plus de 2 millions de salariés travaillent dans des entreprises libérales. La particularité de
ces entreprises est d’être dirigée par une personne titulaire d’un diplôme reconnu par l’État dans un
métier spécifique, et qui facture des honoraires. Ces entreprises sont, pour la plupart, des petites entre-
prises et sont très diverses dans leur métier, allant des professionnels de la santé (médecin, dentiste)
aux professionnels du droit (avocat, notaire, huissier). Selon la recommandation de la Commission
européenne du 6 mai 2003, les petites entreprises sont des entités ayant un effectif inférieur à 50 per-
sonnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel ne dépasse pas 10 millions
d’euros. On parle de toutes petites entreprises (TPE) pour des effectifs inférieurs à 10 salariés.
Au 31 décembre 2005, la France comptait 2 617 500 entreprises dont 2 000 seulement avaient plus de
500 salariés. Les petites entreprises emploient près de 8 500 000 salariés soit 53 % du total des salariés
employés (Cappelletti, Khouatra et Beck, 2007).
Parmi les petites entreprises françaises, on compte environ 4 600 offices de notaires, employant
40 000 collaborateurs salariés et dirigés par plus de 8 000 notaires. Un office de notaire est, en
moyenne, composé de 8 collaborateurs et dirigé par un notaire seul ou plusieurs notaires associés.
En 2004, les offices réalisaient annuellement un total de 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Environ 80 % de ce chiffre d’affaires consiste en activités juridiques portant sur le droit de la famille
(succession, mariage, divorce) et le droit immobilier (achat, vente d’un bien). Pour ces activités, les
notaires bénéficient d’un monopole de l’État et doivent respecter une tarification réglementée. Mais
ils sont en concurrence les uns avec les autres, puisque leurs clients conservent le choix de leur notaire.

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Environ 20 % de ce chiffre d’affaires consiste en activités hors monopole à tarification libre, principa-
lement en droit des affaires, en gestion de patrimoine et en négociation immobilière. Sur ce marché,
les notaires sont en concurrence les uns avec les autres, ainsi qu’avec d’autres professionnels tels que
les avocats ou les experts-comptables (Daudé, 2006).
Pour veiller au respect de ces règlements, le notaire est membre de structures réglementaires qui
contrôlent et animent la profession. Il est nommé par décret du ministère de la Justice et il est inscrit
dans une Chambre regroupant les notaires d’un même département géographique. Chaque Chambre
fait partie d’un conseil régional rattaché à une cour d’appel. L’action de ces organes s’inscrit dans
une politique déterminée et conduite par le Conseil Supérieur du Notariat (CSN). Celui-ci a un
rôle institutionnel en définissant la politique et un règlement unique pour la profession. Les notaires
sont donc organisés en entreprises libérales réglementées : ils sont dirigeants d’entreprise et officiers
publics (Daudé, 2006).

1.2.2. LES BESOINS EN « MANAGEMENT CONTROL » DES NOTAIRES


Les fluctuations du marché immobilier, l’évolution incessante des lois en droit de la famille, et
l’harmonisation des réglementations européennes qui pourrait entraîner la perte de monopole, sont
sources de contraintes stratégiques pour les notaires. Ces contraintes stratégiques exigent l’améliora-
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tion de la gestion des offices notariaux pour créer plus de valeur ajoutée, financer le développement
de nouvelles prestations, et répondre à la montée de l’exigence des clients et du personnel (ISEOR,
1998-2004 ; Savall, Zardet, 2005).
Sur les activités de monopole, les méthodes de travail au sein des offices ont peu évolué et font
rarement l’objet d’une recherche d’efficacité et d’efficience. Peu de notaires ont mis en place un
contrôle de gestion pour surveiller la rentabilité des activités de monopole, privilégiant une ges-
tion centrée sur l’indicateur de chiffre d’affaires. Or le notaire a besoin sur les activités du secteur
monopolistique, comme sur les activités du secteur libre, d’un contrôle de gestion pour améliorer la
rentabilité de l’office. Il a besoin également de méthodes innovantes de management pour réduire
ses charges, développer sa valeur ajoutée, et investir dans le développement de nouveaux produits
(Parsons, 2004). Comme d’autres professions libérales, les notaires font face également à un accrois-
sement de la concurrence et de l’exigence des clients (Maister, 1993, 1997). La concurrence interins-
titutionnelle est vive entre les notaires sur les activités du secteur monopolistique, malgré la discipline
organisée par la profession. La concurrence interprofessionnelle est également intense avec les avocats,
les experts-comptables et les agences immobilières sur les activités du secteur libre, comme le droit des
affaires et la négociation immobilière.
À ce phénomène concurrentiel interinstitutionnel et interprofessionnel inconnu il y a encore
20 ans, s’ajoute l’exigence accrue des clients. Pour faire face à cette exigence, l’office notarial souffre
d’un manque de méthodes de gestion de la relation avec les clients, et d’un déficit d’image auprès du
public, malgré les campagnes de promotion de la profession organisées par le CSN dans les médias.
Le notaire doit aussi faire face à une exigence accrue des collaborateurs qui demandent une plus
grande implication et un intéressement aux résultats. Le notaire doit désormais se transformer en
manager et proposer à son personnel des formations, des plans de carrière, et un intéressement aux
résultats (Cappelletti, 2007).

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2. Une méthodologie miniaturisée de recherche


adaptée aux entreprises de petite taille
Pour améliorer la qualité du management et développer les pratiques en contrôle de gestion, les notaires,
sous l’impulsion du CSN et de chambres départementales, ont fait appel à une équipe de chercheurs
de l’ISEOR1. Cette équipe est intervenue entre 1998 et 2004 au sein de 350 offices de notaires pour
réaliser des recherches-interventions consistant à implanter un contrôle de gestion socio-économique.
Le contrôle de gestion a été implanté selon une méthode de recherche-intervention miniaturisée
adaptée aux toutes petites entreprises et aux professions libérales appelée HORIVERT multi-PME
(Buono, Savall, 2007). Afin d’approfondir les observations réalisées lors de ces recherches-interven-
tions, en particulier identifier les variables qui pouvaient expliquer la réussite de l’implantation, la
variable Y intitulée « réussite de l’implantation d’un contrôle de gestion socio-économique dans une
entreprise libérale » a été étudiée à partir de cinq variables explicatives. Les résultats de l’étude relè-
vent donc d’une méthodologie qualimétrique conciliant modèle qualitatif et modèle quantitatif afin
d’améliorer la validité des observations réalisées.
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2.1. La méthodologie d’implantation du contrôle de gestion utilisée
Le contrôle de gestion socio-économique a été implanté au sein de 350 offices notariaux représentant
un ensemble d’environ 3 000 personnes, notaires et collaborateurs salariés, répartis sur 9 régions.
Les offices de l’échantillon sont d’une taille comprise entre 1 et 55 collaborateurs avec une moyenne
de collaborateurs s’établissant à 8. Les offices de l’échantillon sont à la fois implantés en ville (office
urbain) et dans les campagnes (office rural). Enfin, l’échantillon est équitablement composé d’offices
traditionnels, principalement centrés sur des activités monopolistiques (droit de la famille principa-
lement), et d’offices plus innovants développant un niveau significatif d’activités concurrentielles,
principalement la négociation immobilière.
La méthode HORIVERT multi-PME respecte les principes de la méthode HORIVERT (voir
paragraphe 1.1.2), mais présente des dispositifs miniaturisés adaptés à des TPE et à des entreprises
libérales (Buono, Savall, 2007). La méthode est composée de trois axes : un axe de changement et de
gestion des coûts constitué de dispositifs intra-entreprises, un axe outils de formation aux six outils
socio-économiques constitué de dispositifs inter-entreprises, et un axe politique de synchronisation
de l’ensemble (voir figure 1).
Dans une même région, les offices ont été réunis en plusieurs groupes de quatre à cinq offices.
Chaque office de chaque groupe a été impliqué dans un dispositif intra-entreprise (travaux au sein de
l’office) et un dispositif inter-entreprise. L’intervention a été coordonnée dans chaque région par un
groupe de pilotage composé de notaires élus pour représenter la région.

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AU SEIN D’ENTREPRISES LIBÉRALES : CAS DES OFFICES DE NOTAIRES 87

Figure 1
La méthode miniaturisée HORIVERT multi-PME d’implantation
du contrôle de gestion au sein d’offices de notaires (source : ISEOR 1997)

80 groupes Axe intra-entreprise de processus de changement :


de 4 à 5 offices mini-diagnostic, groupe de projet, mise en œuvre, évaluation
sur 9 régions.
Au total
350 offices Axe inter-entreprise de formation-concertation à six outils
de contrôle de gestion

Axe inter-entreprise de décision politique : adéquation


des travaux avec les règles déontologiques, dosage de la directivité
des intervenants

2.1.1. LES DISPOSITIFS INTRA-ENTREPRISES


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DE PROCESSUS DE CHANGEMENT
Les dispositifs intra-entreprises ont été similaires dans les 350 offices. Ils ont comporté un mini-
diagnostic centré sur les dysfonctionnements qui perturbent l’efficacité et l’efficience de l’office. Dans
chaque office notarial, les notaires et le personnel salarié ont été interrogés sur les dysfonctionnements.
Puis un entretien collectif d’évaluation des coûts cachés a été organisé, réunissant le(s) notaire(s) et
son (leur) personnel. Les résultats qualitatifs, quantitatifs et financiers des mini-diagnostics ont servi
de base de travail à un groupe de projet réunissant le(s) notaire(s) et ses (leurs) collaborateurs.

2.1.2. LES DISPOSITIFS INTER-ENTREPRISES DE FORMATION


AUX OUTILS ET DE DÉCISIONS POLITIQUES
Chacun des 350 offices a été impliqué dans un dispositif inter-entreprise regroupant 4 (parfois 5)
offices de taille variée, pour organiser des séances de formation-concertation aux six outils du contrôle
de gestion socio-économique (voir paragraphe 1.1.2). De plus, dans chacune des 9 régions, un groupe
de pilotage a été constitué regroupant 4 à 6 notaires élus de la région et un représentant du CSN.
Les groupes de pilotage se sont réunis dans chaque région à trois reprises tous les quatre mois environ.
Lors des séances de pilotage, des bilans intermédiaires ont été présentés par les chercheurs pour que
le groupe de pilotage valide la conformité des actions entreprises avec la déontologie de la profession.
Ces séances ont également servi au groupe de pilotage pour orienter la directivité des chercheurs dans
leurs travaux au sein des offices.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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L’IMPLANTATION D’UN SYSTÈME DE CONTRÔLE DE GESTION
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2.1.3. LE PLANNING DE L’INTERVENTION


MINIATURISÉE HORIVERT MULTI-PME
Le dosage des dispositifs de la méthode HORIVERT multi-PME a été élaboré pour optimiser l’effi-
cacité et l’efficience des interventions dans chaque office. Il est apparu que pour chaque office d’un
groupe de quatre, l’intervention devait se dérouler sur un délai de 8 mois, afin de permettre l’intégra-
tion des outils et la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des actions d’amélioration mises en
place. Pour chaque groupe d’offices, 4 séances inter-entreprises de formation-concertation aux outils
de contrôle de gestion socio-économique ont été organisées tous les deux mois, en alternance avec
5 séances intra-entreprises de diagnostic puis de groupe de projet et d’assistance à la mise en place des
outils. Enfin, 3 séances de groupe de pilotage ont permis de superviser l’avancée des travaux dans les
groupes d’offices d’une région.
Une équipe de 15 chercheurs a été mobilisée de 1998 à 2004 pour réaliser ce programme de
recherche. Chaque chercheur a pris en charge en moyenne une vingtaine d’offices (soit un groupe
de quatre offices par an) pour les accompagner dans les travaux intra-entreprises et inter-entreprises.
L’affectation des chercheurs sur un office s’est faite de façon aléatoire. L’équipe de recherche a été pla-
cée sous le pilotage d’un responsable de la recherche lui-même placé sous la direction des responsables
de l’ISEOR.
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2.2. Les observations réalisées et les variables testées
La variable expliquée Y du modèle est intitulée « réussite de l’implantation d’un contrôle de gestion socio-
économique dans une entreprise notariale ». D’après les observations faites lors des interventions au sein
des offices de notaires, la variable expliquée Y semble être déterminée par cinq variables explicatives :
• les compétences de l’intervenant qui implante le système de contrôle (a) ;
• la taille de l’entreprise (b) ;
• l’implication du dirigeant de l’entreprise (c) ;
• les compétences en contrôle de gestion du dirigeant (d) ;
• les compétences en contrôle de gestion de l’encadrement de l’entreprise (e).
Le modèle d’analyse est donc le suivant : Y = α.a + β.b + γ.c + δ.d + ε.e
Les travaux portant sur l’implantation d’outils de contrôle, comme ceux de Kaplan et Norton
(1996) ou Löning et al. (1998), et sur les modes de gestion dans les entreprises de petite taille, comme
ceux de Marchesnay (1993), Plane (1999), Parsons (2004) ou Davila et Foster (2007), insistent sur
l’implication du dirigeant dans la réussite d’une implantation et l’effet taille de la structure (variables
b et c). En revanche, ces travaux évoquent peu le rôle joué par les compétences des acteurs en gestion
et celles de l’intervenant dans la réussite de l’implantation (variables a, d et e). L’étude présentée dans
cet article définit les compétences dans le sens de Hamel et Prahalad (1994) comme des savoir-faire
et des aptitudes mis en œuvre de façon satisfaisante. Dans ce sens, la compétence d’un acteur en
contrôle de gestion suppose à la fois une maîtrise théorique et pratique de cette discipline. En effet
une bonne maîtrise théorique ne garantit pas nécessairement une pratique satisfaisante. À l’inverse,
une pratique satisfaisante doit s’appuyer sur des fondements théoriques pour évoluer.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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L’IMPLANTATION D’UN SYSTÈME DE CONTRÔLE DE GESTION
AU SEIN D’ENTREPRISES LIBÉRALES : CAS DES OFFICES DE NOTAIRES 89

2.2.1. MESURE DE LA VARIABLE EXPLIQUÉE Y


La réussite de l’implantation d’un système de contrôle de gestion socio-économique a été appréciée
dans chaque office un an après le démarrage de l’implantation, soit quatre mois après la fin de la
phase d’implantation qui durait huit mois. Ce délai d’un an est apparu suffisant pour évaluer la
réussite de l’implantation d’un système de contrôle de gestion dans une petite structure. En revanche,
l’étude de la pérennité d’un tel système sur plusieurs années demanderait des travaux complémen-
taires, avec notamment un retour des chercheurs dans chaque office après deux années ou trois
d’implantation des outils.
La mesure de la variable Y a porté sur la réduction durable des coûts cachés et l’utilisation effec-
tive des outils de contrôle de gestion selon le mode d’utilisation préconisé. La base de connaissances
SEGESE montre en effet que la réduction des coûts et l’utilisation des outils sont liées. Mais SEGESE
montre également qu’une réduction fugace des coûts peut être provoquée, en l’absence d’outils, par
les dispositifs de l’axe processus de changement (diagnostic, projet, mise en œuvre et évaluation). Les
outils vont contribuer à un processus de réduction des coûts plus durable, par exemple avec la mise
en œuvre tous les semestres de nouveaux plans d’actions prioritaires, déclinés en objectifs individuels,
pilotés grâce aux tableaux de bord. À l’inverse, sans les dispositifs de l’axe processus de changement,
les outils perdent progressivement de leur intérêt en l’absence d’identification continue des dysfonc-
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tionnements et des coûts qu’ils engendrent.
La collecte des données a été réalisée dans chaque office par un chercheur qui n’était pas intervenu
jusqu’alors dans l’office, afin d’éviter des risques de biais (par exemple la manipulation de la mesure
pour montrer une réussite). La collecte des données s’est faite par entretien avec les notaires et les
collaborateurs, et l’observation directe des outils. Une échelle de valeurs allant de 1 à 4 a été attribuée
à chaque entreprise de l’échantillon pour évaluer le degré de succès ou d’échec de l’implantation :
• valeur 1 : forte réduction des coûts (plus de 20 000 € par personne et par an) et utilisation
généralisée des outils (les six outils du contrôle de gestion socio-économique utilisés à la fréquence
préconisée d’utilisation) ;
• valeur 2 : réduction des coûts significative (entre 5 000 € et 19 000 € par personne et par an)
et utilisation des outils assez générale (au moins trois outils du contrôle de gestion socio-économique
utilisés à la fréquence préconisée d’utilisation) ;
• valeur 3 : faible réduction des coûts (entre 500 € et 4 000 € par personne par an) et faible uti-
lisation des outils (un ou deux outils du contrôle de gestion socio-économique utilisés à la fréquence
préconisée d’utilisation) ;
• valeur 4 : pas ou peu de réduction des coûts (moins de 400 € par personne et par an) et pas
d’utilisation des outils.
La variable expliquée Y est donc une variable discrète car la note attribuée à Y ne peut prendre que
quatre valeurs qui correspondent à quatre états de référence : réussite totale, réussite relative, échec
relatif, échec total.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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2.2.2. MESURE DES VARIABLES EXPLICATIVES A, B, C, D, E


La variable explicative a : « compétences de l’intervenant » a été mesurée par l’évaluation des com-
pétences de chaque chercheur avant le démarrage de chacune de ses interventions. Cette variable
a semblé intéressante à mesurer car les intervenants de l’équipe de recherche, bien que tous dotés
d’une compétence de base pour réaliser les recherches-interventions prévues avec le moins de risque
possible, ne présentaient pas un niveau homogène de compétences. Certains s’appuyaient sur une
expérience très régulière de la recherche-intervention en TPE depuis plus de 10 ans, alors que d’autres
présentaient une expérience plus épisodique ou plus récente de ce type de recherche. La collecte des
données a été réalisée par le responsable de la recherche. L’évaluation des compétences de l’interve-
nant s’est faite compte tenu de la régularité de sa pratique en intervention et de son niveau de maîtrise
théorique de ce sujet. Une échelle de valeurs allant de 1 à 4 a été attribuée à chaque entreprise de
l’échantillon compte tenu de la compétence de l’intervenant l’ayant pris en charge.
• valeur 1 : compétences très fortes (pratique régulière de l’intervention en TPE avec un niveau
de maîtrise théorique très satisfaisant) ;
• valeur 2 : fortes compétences (pratique régulière de l’intervention en TPE avec un niveau de
maîtrise théorique satisfaisant) ;
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• valeur 3 : compétences moyennes (pratique irrégulière de l’intervention en TPE avec un niveau
de maîtrise théorique moyen) ;
• valeur 4 : compétences faibles (connaissance théorique de base de l’intervention en TPE sans
mise en pratique récente).
La variable a ne peut prendre que ces quatre valeurs qui correspondent à quatre situations de réfé-
rence au regard de la compétence (compétences très fortes, fortes, moyennes, faibles). Ce repérage
de situations de référence correspond à un jugement d’expert qui permet d’écarter de l’analyse des
valeurs intermédiaires. Il a été utilisé également pour la mesure des variables c, d et e.
La variable explicative b : « taille de l’entreprise » a conduit à classer les entreprises étudiées selon
quatre catégories, chacune ayant été affectée d’une valeur allant de 1 à 4 :
• valeur 1 : très grand office (plus de 50 personnes) ;
• valeur 2 : grand office (entre 21 et 50 personnes) ;
• valeur 3 : moyen office (entre 6 et 20 personnes) ;
• valeur 4 : petit office (5 personnes ou moins).
La mesure de cette variable a été réalisée dans chaque office par le chercheur qui en avait la charge
par entretien avec le comptable, sur la base du registre du personnel.
La variable explicative c : « implication du dirigeant », c’est-à-dire son apport concret pour favori-
ser l’implantation du contrôle de gestion, a été mesurée dans chaque office. Le chercheur en charge
d’un office a évalué le comportement du notaire et le temps mensuel consacré à l’utilisation des outils.
SEGESE montre en effet que l’implication d’un acteur ne peut s’évaluer sur la seule base de son com-
portement observé, mais demande la collecte de données plus probantes et formelles. En ce sens, la
réservation de créneaux horaires dans l’agenda de la part d’un professionnel libéral tel que le notaire
est un signe très probant d’implication (Noguera, 2006). L’évaluation du comportement du notaire
s’est faite sur la base de l’observation de son comportement vis-à-vis des outils du contrôle de gestion
socio-économique. L’évaluation du temps mensuel consacré par le notaire à l’utilisation des outils s’est
Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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AU SEIN D’ENTREPRISES LIBÉRALES : CAS DES OFFICES DE NOTAIRES 91

faite par entretien avec le notaire et consultation de son agenda. À l’issue des 8 mois d’implantation,
chaque chercheur a consolidé les données collectées pour évaluer l’implication du dirigeant. Cette
évaluation n’a donc pas été faite ex post ce qui aurait pu être source de biais, mais par consolidation de
données collectées tout au long du processus d’implantation. Une échelle de valeurs allant de 1 à 3 a
été attribuée à chaque entreprise de l’échantillon :
• valeur 1 : forte implication (comportement positif du notaire lors de chaque séance de travail et
temps mensuel consacré à l’utilisation des outils supérieur à 8 heures) ;
• valeur 2 : implication moyenne (comportement plutôt positif du notaire lors des séances de
travail et temps mensuel consacré à l’utilisation des outils compris entre 4 et 7 heures) ;
• valeur 3 : faible implication (comportement passif voire résistant du notaire lors des séances de
travail et temps mensuel consacré à l’utilisation des outils inférieur à 3 heures).
Les variables explicatives d : « compétences en contrôle de gestion du dirigeant » et e : « compétences
en contrôle de gestion de l’encadrement » ont été mesurées dans chaque office par le chercheur en charge
de l’office. Le chercheur a évalué, au démarrage de l’intervention, les compétences en contrôle de gestion
du dirigeant et de l’encadrement par entretien et observation directe des pratiques de contrôle de gestion
au sein de l’office. Une évaluation des compétences ex post à l’issue des 8 mois d’implantation aurait pu
être source de biais, la compétence du dirigeant et de son encadrement en contrôle de gestion ayant été
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modifiée par l’intervention. Une échelle de valeurs allant de 1 à 4 a été attribuée à chaque entreprise de
l’échantillon compte tenu de la mesure de la compétence du dirigeant et de l’encadrement :
• valeur 1 : compétences très fortes (bonne maîtrise théorique du contrôle de gestion et utilisation
très régulière et pertinente d’outils de contrôle de gestion) ;
• valeur 2 : compétences fortes (bonne maîtrise théorique du contrôle de gestion et utilisation
régulière et pertinente de quelques outils de contrôle de gestion) ;
• valeur 3 : compétences faibles (pas ou peu de connaissance théorique du contrôle de gestion et
utilisation de quelques indicateurs de base de contrôle de gestion) ;
• valeur 4 : compétences très faibles (pas ou peu de connaissances théoriques du contrôle de ges-
tion et utilisation inexistante d’outils et d’indicateurs de contrôle de gestion).

3. La réussite de l’introduction d’un contrôle


de gestion au sein d’offices notariaux :
analyse des variables explicatives
Les résultats des recherches-interventions ont permis d’évaluer les effets positifs de l’implantation du
contrôle de gestion socio-économique sur la qualité du management des offices, et les gains de valeur
ajoutée obtenus. L’étude qualitative distingue les résultats immédiats, c’est-à-dire les résultats qui ont
un effet sur la performance de l’année en cours, et les créations de potentiel, c’est-à-dire les investis-
sements, principalement immatériels, qui auront un effet sur la performance au cours des années sui-
vantes. L’étude quantitative a permis quant à elle d’étudier plus précisément les variables explicatives
de la réussite ou l’échec de l’implantation d’un système de contrôle de gestion socio-économique au
sein d’offices notariaux.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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3.1. Résultats des recherches-interventions


Dans près de 75 % des offices de l’échantillon environ, l’intervention a entraîné des effets positifs
qui ont amélioré de façon significative la qualité du management et du fonctionnement. Ces effets
positifs ont eu un résultat immédiat sur la performance, ainsi qu’un résultat différé : la création de
potentiel. Les outils de contrôle de gestion socio-économique ont été implantés dans les 350 offices
avec un taux de succès significatif. Les outils d’amélioration de la gestion du temps et la cartographie
des compétences ont été implantés dans plus de 80 % des offices. Le tableau de bord de pilotage, le
plan d’actions stratégiques internes et externes et le plan d’actions prioritaires ont été mis en place
dans 60 % des offices. Dans près de 70 % des offices, les groupes de projet ont débouché sur la mise
en œuvre d’actions d’amélioration efficaces et durables, qui sont apparues à partir du premier mois et
se sont développées tout au long des 8 mois d’intervention.

3.1.1. LES EFFETS POSITIFS DE L’IMPLANTATION


DU CONTRÔLE DE GESTION SOCIO-ÉCONOMIQUE
Les actions positives recensées dans l’étude l’ont été dans les quatre grandes familles suivantes :
• le management des personnes, avec par exemple l’élaboration de plans de formation et de car-
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rières pour les collaborateurs, la mise en place de réunions mensuelles et de rendez-vous semestriels
entre les collaborateurs et le notaire ;
• le management des activités, avec par exemple la mise en place d’un mini-contrôle de gestion
des activités, la rédaction et la surveillance de procédures qualité ;
• la gestion de la relation avec les clients, avec par exemple la réorganisation de l’accueil physique
et téléphonique des clients, la diffusion d’informations vers le client portant sur le degré d’avance-
ment de son dossier ;
• les pratiques stratégiques, avec par exemple la définition et la mise en œuvre de stratégie de
développement de nouvelles activités comme le droit des affaires. Les groupes de projet ont eu égale-
ment un effet positif sur le travail en équipe, et par voie de conséquence sur la cohérence externe et
l’efficacité stratégique de l’office.
Toutefois, dans 25 % des offices environ, l’amélioration de la qualité du management, bien
qu’existante, est moins robuste. Ce taux de 25 % peut s’analyser de la façon suivante. Dans 15 % des
offices environ, l’utilisation des outils et la réduction des coûts sont faibles (valeurs 3 et 4 de mesure
de la variable Y). Dans 10 % des offices, la réduction des coûts et l’utilisation des outils existent
mais les résultats sont fragiles. L’implantation des outils, la réduction des dysfonctionnements et des
pertes de valeur ajoutée, ainsi que les solutions inventées dans les groupes de projet n’ont pas entraîné
d’amélioration durable de la qualité du management. L’analyse montre que dans ces cas, le manque
d’implication du notaire dirigeant de l’office a nuit à l’implantation des outils de management et à la
créativité des groupes de projet, et a causé une profonde déception chez les collaborateurs.

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3.1.2. LES EFFETS ÉCONOMIQUES DE L’IMPLANTATION


DU CONTRÔLE DE GESTION SOCIO-ÉCONOMIQUE
Les effets positifs ont entraîné des accroissements de la performance économique des offices.
Ces résultats ont été évalués économiquement en fin d’intervention dans chaque office, par la mesure
des réductions de coûts cachés.
L’étude montre qu’en moyenne les effets positifs ont permis de réduire de 37 % les pertes de valeur
ajoutée, entraînant des gains de l’ordre de 40 000 € par office, soit environ 10 % de leur marge sur
coût variable (voir tableau 1). Les recherches-interventions ont permis de découvrir dans la plupart
des offices des capacités de conduire des stratégies proactives face à un environnement devenu forte-
ment concurrentiel.

Tableau 1
Les résultats économiques de l’implantation du contrôle de gestion
socio-économique dans 350 offices de notaires (source : ISEOR 2004)
Coûts cachés Réduction des coûts cachés
Nombre (= pertes de valeur ajoutée) (= réduction des pertes de valeur
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Région d’offices par personne et par an ajoutée) après 12 mois

1 34 10 000 € 36 %

2 24 12 000 € 29 %

3 27 10 000 € 27 %

4 81 11 000 € 37 %

5 31 Non évalué* Non évalué*

6 54 16 000 € 45 %

7 57 12 000 € 38 %

8 14 15 000 € 36 %

9 28 10 000 € 47 %

9 350 13 000 € en moyenne 37 % soit 40 000 € par office


en moyenne

* Non évalué compte tenu du temps limité imparti à l’étude

La Contribution Horaire à la Marge sur Coûts Variable (CHMCV), c’est-à-dire le rapport de la


marge sur coût variable sur le nombre d’heures de travail, a fait l’objet d’une évaluation dans chaque
office en début puis en fin d’implantation. La CHMCV, en tant qu’indicateur de l’efficience écono-
mique d’une organisation est apparue comme une variable de contrôle pertinente pour vérifier que
la réduction des coûts se traduisait bien par un accroissement de performances. Les mesures réalisées
ont montré que la CHMCV, qui s’établissait en moyenne dans les offices de l’échantillon entre 30 et
50 euros de l’heure, ou bien était restée stable, ou bien avait augmenté après un an d’implantation.

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Cette évolution a été étudiée au travers d’entretiens avec les notaires et d’une analyse de la compta-
bilité des offices. L’étude a montré que dans les offices présentant une CHMCV stable, les notaires
ont utilisé les marges de manœuvre engendrées par les réductions de coûts pour entreprendre des
actions de création de potentiel (par exemple en utilisant les temps gagnés pour faire plus de forma-
tion). Dans les offices présentant une CHMCV en croissance, les notaires ont utilisé les réductions
des coûts pour accroître les résultats immédiats de l’office (par exemple en utilisant les temps gagnés
pour augmenter la production d’actes).

3.2. Résultats de la recherche quantitative


Les résultats présentés ci-après ont été obtenus par le traitement d’analyses multivariées de données
collectées auprès des 350 offices. Afin d’identifier les variables explicatives du succès ou de l’échec
de l’implantation du contrôle de gestion socio-économique, les données collectées ont fait l’objet
d’une analyse en composantes principales, d’une analyse par la méthode des nuées dynamiques,
d’une analyse de régression et d’une analyse discriminante. La combinaison de ces différentes
méthodes d’analyse statistique a eu pour objectif de mieux décrire (analyse en composantes princi-
pales), structurer et classer (méthode des nuées dynamiques), et expliquer (analyse de régression et
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analyse discriminante) les variables.

3.2.1. ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES


L’analyse en composantes principales est une méthode descriptive permettant de positionner les entre-
prises notariales les unes par rapport aux autres en fonction de leurs proximités, et les variables en
fonction de leurs corrélations. Les variables retenues sont Y, a, b, c, d et e. L’analyse en composantes
principales a été effectuée à partir de la matrice des corrélations suivantes :

Tableau 2
Matrice des corrélations
Y_REUSSI A_COMPET B_TAILLE C_IMPLIC D_DIRIGE E_ENCADR

Y_REUSSI 1,00

A_COMPET 0,17 1,00

B_TAILLE 0,02 0,35 1,00

C_IMPLIC 0,74 0,24 0,03 1,00

D_DIRIGE -0,00 0,42 -0,00 0,04 1,00

E_ENCADR 0,10 0,45 0,06 0,07 0,85 1,00

En première analyse, on peut lire une corrélation manifeste entre l’implication du dirigeant et la
réussite de l’implantation qui confirme les observations qualitatives réalisées.

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Les résultats de l’analyse en composantes principales figurent dans le tableau suivant :

Tableau 3
Analyse factorielle (avant rotation)
Valeurs propres initiales
Composante
Total % de variance % cumulé

1 2,315 38,583 38,583

2 1,683 28,046 66,629

3 1,127 18,790 85,419

4 ,482 8,038 93,457

5 ,263 4,375 97,833

6 ,130 2,167 100,000

Les deux tiers de la variance d’origine (66,6 %) sont restitués sur le mapping constitué par les
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deux premiers axes. La carte montre les positions des 6 critères et les coordonnées des 350 observa-
tions analysées par le logiciel Sphinx. On peut interpréter de visu le mapping :
• il existe une forte corrélation (assimilée à un cosinus directeur) entre la réussite et l’implication
du dirigeant ;
• il en est de même entre la compétence du dirigeant et la compétence de l’encadrement ;
• les axes géométriques (horizontal et vertical) sont peu significatifs pour l’interprétation, et il est
préférable de refaire l’analyse avec l’option « Rotation » qui facilite l’interprétation en conservant le
maximum de variance (Rotation « Varimax »).

Tableau 4
Analyse factorielle avec rotation varimax – Variance Totale Expliquée
Valeurs propres initiales Valeurs propres après rotation VARIMAX

Composante Total % de variance % cumulé Total % de variance % cumulé

1 2,315 38,583 38,583 2,088 34,793 34,793

2 1,683 28,046 66,629 1,778 29,629 64,422

3 1,127 18,790 85,419 1,260 20,997 85,419

4 ,482 8,038 93,457

5 ,263 4,375 97,833

6 ,130 2,167 100,000

Méthode d’Extraction : Analyses en Composantes Principales.

Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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96 AU SEIN D’ENTREPRISES LIBÉRALES : CAS DES OFFICES DE NOTAIRES

On notera que pour les trois premiers axes la rotation amène une répartition différente de la variance :
• axe 1 (34,8 %) : Axe compétence (Dirigeant et Encadrement) ;
• axe 2 (29,6 %) : Axe Réussite liée à l’Implication de la direction ;
• axe 3 (21,0 %) : Axe Taille.
Les corrélations entre la réussite de l’intervention et l’implication du dirigeant d’une part, et
d’autre part la compétence du dirigeant en contrôle de gestion et celle de son encadrement sont
confirmées. La matrice des composantes après rotation est présentée ci-après.

Tableau 5
Matrice des Composantes après Rotation (a)
Composantes

1 2 3

a :Comp_Cons ,531 ,216 ,611

b :Taille ,938
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c :Impl_Dir ,930

d :Comp_Dir ,954

e :Comp_Cadre ,944

Succès ,929

Méthode d’Extraction : Analyse en Composantes Principales


Rotation : Varimax avec Normalization de Kaizer.
(a) Rotation convergente en 4 itérations.

3.2.2. CLASSIFICATION PAR LA MÉTHODE DES NUÉES DYNAMIQUES


La méthode des nuées dynamiques permet de structurer et de classer les offices en fonction des
valeurs prises par les variables. Elle a retenu 4 classes :
• classe 1 : 52 entreprises ;
• classe 2 : 49 entreprises ;
• classe 3 : 156 entreprises ;
• classe 4 : 93 entreprises.
La typologie des classes obtenue par cette méthode est résumée dans le tableau 6.
Les valeurs du tableau sont les moyennes calculées sans tenir compte des non-réponses. Les noms
des critères discriminants sont encadrés. Les nombres soulignés correspondent à des moyennes par
catégorie significativement différentes (test t) de l’ensemble de l’échantillon (au risque de 95 %).
Rappelons que concernant la variable Y de réussite de l’implantation, plus sa valeur est proche de 1,
plus la réussite est forte. S’agissant de la variable a « compétences de l’intervenant », plus sa valeur
est proche de 1, plus la compétence est grande. S’agissant de la variable b « taille de l’office », plus sa

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Tableau 6
Moyennes de Typologie
Typologie_1 A_COMPET B_TAILLE C_IMPLIC D_DIRIGE E_ENCADR Y_REUSSI

Classe n° 1 2,68 3,02 3,82 3,30 3,27 3,50

Classe n° 2 1,21 2,76 1,43 1,51 1,49 1,75

Classe n° 3 1,55 2,58 1,09 3,30 3,12 1,61

Classe n° 4 2,92 3,64 1,18 3,09 3,02 1,83

Total 2,07 3,01 1,52 2,91 2,81 1,95

valeur est proche de 1, plus la taille est grande. S’agissant de la variable c « implication du dirigeant »,
plus sa valeur est proche de 1, plus l’implication est forte. Enfin, concernant les variables d et e « com-
pétences en contrôle de gestion respectivement du dirigeant et de l’encadrement », plus leur valeur est
proche de 1, plus les compétences sont fortes.
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L’interprétation du tableau ci-dessus montre en premier lieu que les entreprises de classe 1 soit
52 offices sur 350, c’est-à-dire 14,8 % sont en échec total (valeur moyenne de Y à 3,50), les trois autres
classes étant en succès total ou en succès relatif. Les entreprises de classe 1 expliquent leur échec par
toutes les variables, sauf la taille. Les entreprises de classe 2 expliquent leur succès (valeur moyenne
de Y comprise entre 1 et 2) par rapport à toutes les variables. Celles de classe 3 expliquent leur suc-
cès par l’implication du dirigeant et les compétences de l’intervenant. Enfin, celles de classe 4 sont
en succès grâce à l’implication du dirigeant. Cette analyse confirme celle réalisée dans la recherche
qualitative au regard des offices en échec (environ 15 %). En revanche, elle ne permet pas de distin-
guer nettement parmi les offices classées en réussite, les 10 % d’offices « fragiles » observés dans la
recherche qualitative. C’est pourquoi, pour mieux expliquer le rôle joué par les variables du modèle
dans la réussite de l’implantation, et dans la mesure où la variable Y peut être considérée comme une
variable qualitative (succès ou échec) ou quantitative (valeur de 1 à 4), une analyse de régression et
une analyse discriminante ont été réalisées.

3.2.3. ANALYSE DE RÉGRESSION


Pour tenter de déterminer les facteurs de réussite, une régression multiple de la variable Y « réus-
site » (quantitative) a été effectuée à partir des autres variables quantitatives du modèle. L’analyse
a été conduite en stepwise ascendant, ce qui a permis de ne retenir que les trois variables les plus
significatives (tableau 7).
On constate que :
• le risque d’erreur est très faible pour chacune des trois variables (inférieur à 1/1000) ;
• la variable qui a le plus d’influence est l’implication du dirigeant ;
• la compétence du dirigeant a une influence significativement négative. Ce résultat statistique
est inattendu. Il semble que les notaires déjà férus en contrôle de gestion aient moins bien accepté

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Tableau 7 : analyse de régression


Coefficients (a)
Coefficients non Coefficients
Modèle
standardisés standardisés
Test de Risque
B Std. error Beta Student « t » d’erreur (Sig.)

1 (Constant) 1,006 ,116 8,649 ,000

c :Impl_Dir ,607 ,029 ,733 20,720 ,000

d :Comp_Dir -,272 ,068 -,273 -4,021 ,000

e :Comp_Cadre ,287 ,070 ,279 4,091 ,000

a Variable Dépendante : Réussite R²=0,571

l’introduction de nouveaux outils au sein de leur entreprise. Deux interprétations peuvent être invo-
quées. En premier lieu, des notaires ont été réticents à l’intervention estimant qu’ils avaient déjà des
connaissances et des outils suffisants en contrôle de gestion. En second lieu, des notaires ont pu
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penser qu’ils avaient déjà entrepris des actions satisfaisantes de réduction des coûts ne nécessitant pas
d’actions complémentaires.
On peut ainsi prédire le degré de réussite à partir de l’équation de la régression obtenue :

Y_RÉUSSI = +0,607 * C_IMPLIC –0,272 * D_DIRIGE +0,287 * E_ENCADR +1,006


Par ordre d’importance, on peut donc retenir les variables suivantes :
• c : implication du dirigeant ;
• e : la compétence des cadres en contrôle de gestion ;
• d : la compétence des dirigeants en contrôle de gestion.

3.2.4. ANALYSE DISCRIMINANTE


La fiabilité des explications peut être enrichie à l’aide d’une analyse discriminante dans laquelle
on cherchera à expliquer la réussite (variable qualitative à deux classes : réussite-échec) à partir des
trois variables c, d et e, dont le test stepwise ascendant a montré qu’elles étaient les plus significatives.
L’analyse discriminante a été effectuée sous SPSS en utilisant la méthode stepwise ascendant, dont le
critère consiste à maximiser le Lambda de Wilks défini par le rapport des déterminants de matrices de
variances-covariances. La structure matricielle de la fonction discriminante montre par ordre décrois-
sant l’importance essentielle de l’implication du dirigeant.
Un autre indicateur significatif est le taux de réussite, c’est-à-dire le pourcentage d’observations
bien reclassées par les fonctions discriminantes. Le tableau suivant (dit « matrice de confusion »)
indique, en colonnes, le succès ou l’échec prédits par rapport à la réalité. On constate que seulement
4 offices ont été mal reclassés, ce qui donne un taux de réussite de près de 100 % (98,8 %) confir-
mant l’importance essentielle de l’implication du dirigeant.

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Tableau 8 : matrice de confusion


Résultats de la Classification (a)
Appartenance prédite
aux groupes
Succès : S+ (1 ou 2) ;
S– (3 ou 4) S+ S- Total

Groupe d’origine Effectif S+ 296 3 299

S- 1 50 51

% S+ 99,0 1,0 100,0

S- 2,0 98,0 100,0

(a) 98,8 % des observations ont été correctement reclassées.

3.3. Analyse des résultats et discussion


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Certains résultats de la recherche qualimétrique demandent une analyse plus approfondie pour en
souligner l’originalité ou les limites. D’une façon générale, les recherches-interventions montrent qu’il
est possible d’implanter au sein de toutes petites structures un système de contrôle de gestion sous
réserve d’une méthodologie appropriée, d’une équipe d’intervention bien structurée, et d’un contexte
politique et stratégique favorable. Sur ce point, il semble que la mobilisation de représentants poli-
tiques de la profession pour soutenir l’implantation d’outils de contrôle de gestion soit un facteur
de réussite notable dans les professions libérales réglementées. On peut y voir peut-être un effet
Hawthorne « politique » qui pourrait caractériser l’introduction d’outils de gestion au sein d’entre-
prises libérales réglementées. Le fait pour les notaires d’être observés par des représentants de leurs
instances politiques joue sans aucun doute un rôle dans l’intensité de leur implication.
Les résultats montrent également qu’un système adapté de contrôle de gestion est un vecteur
d’amélioration des performances sociales, économiques et stratégiques pour des entreprises de petite
taille. Ce résultat diffère de certains travaux qui préconisent des modes de contrôle de gestion infor-
mels pour les petites structures comme ceux de Jorissen et al. (1997). Il se rapproche plutôt des
travaux qui préconisent une articulation entre des modes de contrôle informels, gages de souplesse,
et des modes de contrôle formels, facteurs de développement. Par exemple, Davilla et Foster (2007)
établissent une corrélation entre le développement d’une petite entreprise, mesuré par des variables
financières et de taille, et l’utilisation d’outils formels de management control tels que des budgets et
des tableaux de bord. De même, Parsons (2004) montre qu’un système de contrôle de gestion formel
et adapté permet à des petites structures de dégager des marges de manœuvre internes pour survivre
et se développer. Autrement dit, mais cette hypothèse demande des travaux complémentaires de
recherche, l’absence de dispositifs formels et adaptés de contrôle au sein d’une petite entreprise serait
sans doute un frein à son développement.

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Les résultats statistiques ne montrent bien sûr pas que des variables non testées dans la recherche
– la conception d’un système de contrôle, la méthodologie d’implantation, le contexte politique et
stratégique – sont sans effet sur la réussite ou l’échec de l’implantation d’un système de contrôle de
gestion. En effet, ces variables n’ont pas fait l’objet d’analyse statistique car la recherche s’est cen-
trée sur des variables discriminantes pouvant présenter des mesures différentes d’un office à l’autre.
Or, chaque office de l’échantillon était immergé dans un même contexte politique et a intégré les
mêmes outils de contrôle de gestion implantés selon une méthodologie similaire. Les résultats sta-
tistiques montrent assez nettement que la taille d’un office ne joue pas un rôle significatif dans la
réussite ou l’échec de l’implantation d’un système de contrôle de gestion. Ils relativisent donc la taille
comme facteur de contingence dans le cas de l’implantation d’un système de contrôle de gestion,
même si les différences de taille entre les offices de l’échantillon n’étaient pas très significatives
(aucun office ne dépassait 55 salariés). Par ailleurs, les résultats confirment sur un large échantillon
que l’implication du dirigeant est un facteur central dans la réussite ou l’échec de l’implantation d’un
système de contrôle de gestion au sein d’une petite structure, rejoignant par exemple les conclusions
de Germain (2005). Enfin, les résultats semblent relativiser l’importance de la compétence de l’inter-
venant, ce qui est plus surprenant. La moyenne de typologie (voir tableau 6) montre que la réussite de
l’intervention a pu se faire avec des intervenants compétents (classe 2 du tableau 6) et, dans certains
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cas, avec des intervenants moins compétents (classe 4 du tableau 6). Cette observation s’explique
peut-être par l’équipe d’intervention composée de chercheurs dotés d’une expérience minimale en
intervention. En effet, il s’agissait d’éviter, notamment au démarrage du programme de recherche,
un rejet des intervenants de la part des notaires. Une autre hypothèse tient peut-être à l’importante
standardisation des méthodes utilisées. La compétence de l’intervenant est sans doute moins impor-
tante lorsqu’il s’agit d’appliquer la même méthodologie dans un même secteur avec des procédures
claires et bien définies.

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Conclusion
Les résultats présentés pour répondre à la problématique de recherche sont le fruit d’observations
réalisées à partir d’une recherche qualimétrique. Ils montrent que l’implantation d’un système de
contrôle de gestion socio-économique selon une méthodologie miniaturisée permet d’améliorer la
performance d’entreprises de petite taille, telles que des offices de notaire. Les recherches-interven-
tions ont montré que l’échec d’implantation d’une telle méthodologie résidait essentiellement dans le
manque d’implication du dirigeant, c’est-à-dire par une exemplarité défaillante et un temps insuffi-
sant consacré à utiliser les outils de contrôle de gestion. La recherche a montré que la mobilisation des
instances politiques contribue sans doute à stimuler cette implication du dirigeant.
Ces observations ont été affinées par une étude quantitative combinant une analyse en compo-
santes principales, une analyse par la méthode des nuées dynamiques, une analyse de régression et
une analyse discriminante. Ces travaux statistiques ont permis une meilleure description, classifica-
tion et explication des cinq variables explicatives de la réussite de l’implantation du contrôle de ges-
tion socio-économique : l’implication du dirigeant notaire, la taille de l’entreprise, la compétence de
l’intervenant en contrôle de gestion, la compétence du dirigeant et de son encadrement en contrôle de
gestion. Ces variables ont été testées car elles semblaient expliquer la réussite de l’implantation d’un
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système de contrôle de gestion, compte tenu des 350 recherches-interventions réalisées et des connais-
sances accumulées dans la base SEGESE du laboratoire. L’un des intérêts de cette étude quantitative
est d’avoir porté sur des variables qui sont généralement peu abordées dans la littérature, souvent
centrée sur la conception d’une méthodologie et moins sur son implantation dans les organisations
(Löning, al., 1998 ; Choffel, Meyssonnier, 2005). L’étude quantitative a montré que l’implication
du dirigeant et, dans une moindre mesure, sa compétence en contrôle de gestion et celle de son
encadrement, étaient des variables significatives de la réussite. Ce résultat pourrait signifier qu’une
méthodologie de contrôle de gestion devrait intégrer dans sa conception une dimension politique,
pour susciter l’adhésion et l’implication des dirigeants.
En définitive, l’apport de la recherche est double. D’une part, elle montre que le contrôle de ges-
tion est source de performances pour des petites structures sous réserve d’une miniaturisation perti-
nente. D’autre part, elle positionne dans les débats en management control, à côté de la problématique
classique de la conception d’outils, la problématique technique de leur implantation et la probléma-
tique politique de l’implication des dirigeants. L’article a néanmoins soulevé certaines hypothèses
dont le traitement nécessite des travaux complémentaires, par exemple celles portant sur les causes
de la pérennité d’un système de contrôle de gestion pendant plusieurs années, où celles portant sur la
généralisation des résultats à d’autres professions libérales, et au-delà aux petites entreprises. Ces tra-
vaux complémentaires pourraient contribuer aux débats portant sur les petites entreprises françaises,
souvent centrés sur la réduction de leurs charges visibles et moins sur l’exploitation de leurs ressources
endogènes au travers d’un contrôle de gestion adapté. Ils pourraient également contribuer à l’analyse
du rejet de certaines méthodes de contrôle de gestion dans les petites structures, telles que la méthode
du Balanced Scorecard, dont l’application semble réservée, peut-être à tort, aux grandes entreprises
(Germain, 2005 ; Rampersad, 2005).

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Notes
1. Institut de Socio-Économie des Entreprises et des
Organisations, laboratoire de recherches associé à
l’IAE de Lyon, Université Jean Moulin Lyon 3.

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Comptabilité – Contrôle – Audit / Tome 15 – Volume 1 – Juin 2009 (p. 79 à 104)

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