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Achats à l'international : le paradoxe de l'utilisation d'une

plateforme d'e-sourcing par une PMI


Gwenaëlle Oruezabala
Dans Management & Avenir 2010/4 (n° 34), pages 145 à 161
Éditions Management Prospective Editions
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.034.0145
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Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

par Gwenaëlle Oruezabala78

Résumé

Cet article a pour objet d’analyser une apparente contradiction touchant les
activités d’achats à l’international. D’une part, la systématisation, voire la
standardisation, du processus de sélection et d’évaluation des fournisseurs
distants, supportée par l’utilisation de technologies de l’information, dites
d’e-sourcing, semble manifeste. D’autre part, la complexité de la dimension
internationale rend nécessaire l’adaptation de la relation acheteur-
fournisseur au contexte des marchés distants. Notre recherche aborde
cette question du paradoxe adaptation/standardisation des processus
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achats, selon la perspective de l’acheteur, dans le contexte particulier et
récent de la globalisation des achats. Elle s’appuie sur le modèle théorique
d’interaction (Håkansson, 1982) et sur le corpus théorique du marketing
industriel. La méthodologie qualitative retenue est celle de l’étude d’un cas
unique - une PMI du secteur automobile - orientée sur l’utilisation d’une
place de marché électronique (SourcingParts). Nous montrons, qu’en dépit
d’une volonté d’alignement effectif des technologies sur la stratégie achats
de la PMI, le rôle de la plateforme n’est finalement pas essentiel dans la
sélection de fournisseurs stratégiques et distants dès lors que la pérennité
de la relation commerciale est privilégiée.

Abstract

This paper analyzes the apparent contradiction between the tendency


to systematic suppliers’ evaluation, supported by the use of e-sourcing
technologies, and the necessary adaptation of the relationship on distant
markets. Our research, based on the theoretical model of interaction
(Håkansson, 1982), explores the buyer’s perspective in the specific and
recent context of global sourcing. Through a single case study of a SME,
from the automotive sector, using an electronic marketplace (SourcingParts),
we show that despite the supposed issues of the alignment of technologies
on the procurement strategy, the tool is not used in the selection of remote
suppliers as long as long term relationship is preferred.

78. Gwenaëlle Oruezabala, Université Bretagne Sud, gwenaelle.oruezabala@univ-ubs.fr

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Dans les pratiques managériales, les activités de sélection de fournisseurs –


sourcing ou sourçage79 - et d’achats sont fortement interdépendantes. Le
sourcing désigne l’action de recherche d’une source, c’est-à-dire la localisation
et l’évaluation d’un fournisseur capable de répondre à un besoin identifié et
formulé par l’entreprise. Les achats concernent un ensemble plus large de tâches
multiples : référencement et sélection de fournisseurs (sourcing), actes d’achat
donnant lieu à une contractualisation, gestion des commandes (procurement) et
évaluation permanente des panels de fournisseurs. La recherche et la sélection
de fournisseurs constituent par conséquent la première étape d’un processus
achats qui s’appuie certes sur les transactions, mais qui engage également
l’entreprise dans une perspective relationnelle.

D’un point de vue académique, Van Weele (2004) propose une conceptualisation
de l’activité achats en quatre phases: (1) exploration des marchés sources
potentiels et sélection de fournisseurs, (2) sélection des produits, (3) négociation
et contractualisation, et (4) évaluation et suivi des fournisseurs. Cette vision
met l’accent sur l’organisation du management des achats selon un processus
résolument séquentiel. Lysons et Gillingham (2003) suggèrent quant à eux de
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considérer l’activité achats comme « la rationalisation de la base fournisseurs,
l’évaluation de leur performance, leur coordination et le développement de leur
potentiel ». Ces auteurs ancrent ainsi toute l’activité achats autour de l’idée de
sélection et d’évaluation des fournisseurs.

La dimension internationale de l’activité achats est développée dans les


travaux de Trent et Monczka (2002) puis dans ceux de Quintens, Pauwels et
Matthyssens (2006), ou encore ceux de Monczka, Trent et Petersen (2008 )
qui différencient tous « achat international » et « sourcing global ». Ces auteurs
définissent l’achat international comme une transaction commerciale entre un
acheteur et un fournisseur situés dans des pays différents. Dans cette situation,
les firmes se contentent d’adapter la gestion de la relation fournisseur mise
en oeuvre sur le marché domestique, en fonction de variables telles que les
fluctuations des devises ou les impératifs logistiques et douaniers. Les auteurs
affirment par ailleurs que la mondialisation des marchés incite les entreprises à
développer la globalisation de l’activité d’achats et par conséquent de sourcing. Ils
avancent l’idée que le sourcing global implique une approche coordonnée, pour
l’ensemble des directions de l’entreprise, en termes de volumes, de processus,
de technologies et de relation fournisseurs. Cette stratégie requiert dès lors,
non seulement une intégration horizontale entre la conception de produit et la
planification des activités achats, mais également une intégration verticale avec
les fournisseurs. L’apport majeur de ces travaux est de mettre en lumière la
perspective relationnelle et la nécessaire interaction avec les fournisseurs.
79. Nous précisons que nous utiliserons le terme anglais de sourcing de préférence au terme français de sourçage, proposé par
le journal officiel du 11 octobre 1991, mais résolument absent des publications professionnelles et académiques. En revanche, le
terme achats étant largement diffusé, nous l’utiliserons de préférence au terme anglais de purchasing, même si les directeurs achats
se présentent fréquemment comme « purchasing manager ».

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Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

L’évolution des activités d’achats et de sourcing, dans un environnement


d’affaires mondialisé, s’accompagne d’une évolution des technologies de
l’information (TI) qui offre de nouvelles opportunités aux entreprises pour
explorer et exploiter les marchés sources. Les solutions logicielles proposées
par les éditeurs pour la gestion électronique des achats (outils d’e-achat) reflète
le découpage du processus en quatre catégories : plateformes d’e-sourcing80,
applications d’e-procurement, logiciels d’aide à la décision dédiés aux achats, et
outils permettant la dématérialisation des tâches administratives liées aux achats
telles que la facturation et le paiement. Parmi ces quatre catégories d’outils, nous
nous intéressons plus particulièrement à l’amont du processus, c’est-à-dire à la
plateforme d’e-sourcing qui permet à une entreprise acheteuse utilisatrice de
préparer les cahiers des charges, de consulter des offres en ligne, d’organiser et
de participer à des enchères ainsi que de classer (scoring), gérer et archiver les
fournisseurs.

L’utilisation de ce type de plateforme, qui implique une formalisation de la première


étape du processus achats, s’oppose-t-elle à l’adaptation de la relation entre le
centre d’achats et les fournisseurs distants ? C’est la question à laquelle nous
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nous proposons de répondre dans cet article.

Nous nous sommes inspirés du modèle théorique d’interaction (IMP Group,


Håkansson, 1982) et des travaux ultérieurs (Håkansson et Ford, 2002) qui
conceptualisent la relation acheteur-fournisseur (buyer-seller) pour élaborer
notre questionnement. Nous avons ainsi repris les quatre thématiques du
modèle : l’environnement, l’atmosphère de la relation, les parties prenantes
- acheteur et fournisseur - et l’interaction. Ce cadre théorique, fondé sur
l’approche relationnelle, nous a semblé particulièrement adapté pour identifier et
analyser les comportements des directeurs achats confrontés à la diversité et à
la complexité des situations rencontrées sur les marchés étrangers. Nous avons
retenu comme angle d’analyse la relation fournisseur selon la seule perspective
de l’acheteur, vision qui diffère de celle du vendeur (Nyaga, Whipple et Lynch,
2010). Notre unité d’observation concerne par conséquent, non pas la dyade
acheteur-fournisseur, mais l’entreprise qui achète confrontée à l’élaboration d’une
stratégie de globalisation des achats et à la mise en œuvre des processus achats
adéquats. Nous avons par conséquent interrogé vingt-trois directeurs achats,
d’entreprises de tailles différentes - seize grandes entreprises et sept PMI -. Nous
schématisons notre perspective de recherche dans la figure suivante.

80. Nous qualifierons de plateforme d’e-sourcing les dispositifs ayant pour objectif d’optimiser l’amont de l’achat en automatisant,
homogénéisant et standardisant la recherche et la sélection des fournisseurs.

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Transmettre
Acheteur attentes et besoins
ou centre d’achats Fournisseur distant

• Élaboration
de la stratégie achats • Savoir-faire
• Spécificités
• Organisation Référencer • Pratiques différentes
des processus achats et évaluer
les fournisseurs
adéquats

Figure 1. La relation fournisseur en contexte international du point de vue de l’acheteur

Dans ce contexte d’interaction entre un centre d’achats et des fournisseurs distants,


nous nous focalisons sur l’étude d’un cas unique (Eisenhardt et Graebner, 2007 ;
Yin, 2003), la PMI vendéenne Microcar, constructeur automobile de véhicules
sans permis (VSP), issue de notre échantillon. Nous avons analysé sa démarche
d’utilisation de la place de marché SourcingParts déployée dans l’entreprise depuis
2005. Nos résultats montrent que malgré l’apport des nouvelles technologies en
termes de formalisation des processus achats, les limites à l’utilisation de tels
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outils restent prédominantes en univers incertain.

Dans une première partie, nous montrons que la structuration de l’offre d’outils
d’e-achat permet aux entreprises de formaliser et de standardiser tout ou partie
de leur processus achats en fonction de leurs besoins et des ressources allouées.
Dans une deuxième partie, nous soulignons la tendance à la rationalisation des
panels fournisseurs et nous faisons émerger l’importance de l’étape de sélection
dans la gestion relationnelle des achats. Enfin, dans une troisième partie, nous
analysons, à la lumière du cas Microcar, le bilan mitigé de l’introduction d’une
solution d’e-sourcing dans une PMI ayant fait le choix de l’innovation et du « sur-
mesure ».

1. L’e-sourcing : une approche standardisée de l’amont du


processus achats adossée à une technologie de l’information

Dans un contexte de globalisation des marchés, les directions achats doivent


aujourd’hui gérer l’éloignement des sources d’approvisionnement, ce qui leur
impose des objectifs de réduction des délais d’obtention des produits et de
diminution des distances avec les fournisseurs. Dans ce cadre, l’exploration
des marchés sources potentiels et la sélection de fournisseurs constituent une
première étape particulièrement importante du processus achats. Elle correspond
à la localisation et à l’évaluation de partenaires commerciaux capables de
répondre aux besoins de l’entreprise. Les outils permettant aux directions achats
d’effectuer une partie de cette recherche à distance, sont nombreux. Il s’agit des
solutions d’e-sourcing qui permettent de préparer les cahiers des charges, de

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Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

consulter des offres en ligne, de participer à des enchères ainsi que de gérer et
d’archiver les fournisseurs. Ce sont des outils structurants, de gestion de projet,
qui vont bien au-delà du simple pilotage d’enchères.

1.1. Une offre de solutions résolument structurée par les


éditeurs
Les places de marchés électroniques (PDME), ou encore « eMarketplace » (EMP),
sont des versions Internet des places de marché traditionnelles et plusieurs
taxonomies sont désormais disponibles (Dominguez, 2009). Les échanges
réalisés comportent des opérations de négociations, d’achats, de ventes et de
règlements en ligne. Ces places agissent comme des intermédiaires et mettent en
relation plusieurs acheteurs et plusieurs vendeurs, définissant ainsi de nouveaux
business models (Favier et Allal-Chérif, 2008). Elles réunissent des communautés
commerciales, mises en oeuvre à l’initiative de grandes organisations, qui se
regroupent pour diverses raisons :
- optimisation de la fonction Achats,
- augmentation de la pression sur le marché fournisseur dans un secteur
donné afin d’améliorer produits et services,
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- regroupement généraliste servant d’intermédiaire.

Ces différentes formes de regroupement, par fonction, par secteur d’activité ou


par standard technologique, donnent lieu à différentes offres de solutions – de
spécifiques à intégrées - portées par une grande diversité d’acteurs : éditeurs,
intégrateurs, hébergeurs (Oruezabala, 2009).

Figure 2 : Les outils de l’e-achat, La Lettre des Achats, enquête annuelle 2007-2008

Dans cette panoplie d’outils, SourcingParts se présente comme une plateforme


d’e-sourcing, proposée par l’éditeur MFG81. Concrètement, la plateforme propose
81. SourcingParts.com a fusionné en juillet 2006 avec MFG.com, leader nord-américain des places de marchés électroniques orientées
« Industrie ». Ce groupe est devenu le leader mondial et a su créer la communauté d’acheteurs et de fournisseurs du monde industriel
la plus importante.

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à l’utilisateur divers modules et fonctionnalités, tels qu’un catalogue (achats


récurrents), une liste géo localisée des fournisseurs pertinents, une gestion des
commandes en temps réel, une facturation automatique multidevises, et des
outils de communication (la solution fonctionne en dix langues) . Notons qu’en
avril 2010, l’offre de SourcingParts.com s’est encore largement étoffée grace
au rapprochement avec MFG.com et répond désormais aux attentes des plus
grands groupes industriels (Schneider Electric, Legrand, Safran, Thales, Giat,
MBK, Dassault Aviation, Knorr Bremse, Cartier, Rossignol, Radiall, MGI, SKF,
Plastic Omnium…).

1.2. Les achats au sein de la chaîne de valeur


Nous pouvons schématiser la place des achats au sein de la chaîne de valeur :
.
Conception
& Marketing
Achats Production
Développement Ventes
de produit
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Spécification
besoin Sélection

Identification Évaluation Décision


fournisseurs des offres d’achat

Appel
d’offres

Figure 3 : Les achats dans la chaîne de valeur

Les bénéfices d’une gestion informatisée des achats pour l’acheteur sont à priori
nombreux :
- trouver de nouveaux fournisseurs si le nombre d’inscrits à la plateforme
est conséquent
- trouver de nouveaux produits
- déterminer les prix de marché pour un type d’achats
- comparer les fournisseurs en fonction de leur offre
- gagner du temps sur les achats récurrents

Concernant les fournisseurs distants potentiels, la plateforme électronique peut


également leur procurer un avantage concurrentiel en leur permettant :
- d’accéder à de nouveaux marchés - français et européen-
- d’accéder à de nouveaux clients en jouant la carte de visite
- de baisser les coûts de transaction en réduisant le nombre
d’intermédiaires
- de diminuer le coût de conquête de nouveaux clients

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Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

Ces avantages compétitifs supposés demandent cependant à être validés par


l’analyse des utilisations effectives des plateformes d’e-sourcing, comme de
véritables avantages retirés de « l’intermédiation électronique » (Curchod, 2008),
voire comme vecteurs de performance (Soh et Markus, 2002 ).

Dans la section suivante, nous détaillons quelques spécificités du domaine des


achats afin d’étudier l’adéquation des solutions proposées aux pratiques.

2. La sélection de fournisseurs à l’international : un impératif


d’adaptation

Ellegaard (2006) propose de qualifier le terme achats « d’ombrelle recouvrant


diverses activités ». Pour cet auteur, la « structure achat » se réfère à la stratégie,
à l’infrastructure et à l’aspect organisationnel de la démarche. Elle supporte
cinq missions principales : le management du réseau, incluant la sélection des
fournisseurs et le sourcing global, la négociation et la contractualisation, la mesure
de la performance des fournisseurs, le processus de développement de produits
et process et la gestion de la relation fournisseurs. Ces travaux suggèrent très
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clairement de considérer l’activité de sélection de fournisseurs comme une des
étapes contribuant à la performance de la stratégie globale d’achats (Gadde et
Håkansson, 2001 ; Bruel, 2007). Elle se trouve dès lors soumise à la mesure de
la performance au travers des procédures d’évaluation des fournisseurs.

D’un point de vue opérationnel, les achats peuvent être traités en fonction de leur
récurrence : de l’achat direct relevant du réassort, à l’achat nouveau lié à une
nouvelle activité de l’entreprise ou au développement d’un nouveau produit. Ils
peuvent également être classés selon leur nature. Les modèles de portefeuille
(Kraljic, 1983 ; Olsen et Ellram, 1997, Bensaou, 1999 ; Calvi, 1999) ont clairement
établi des catégories d’achat et suggéré des comportements différents en fonction
de la nature de ces achats : non critiques, leviers, difficiles ou encore stratégiques.
Les situations actuelles d’achats interentreprises tendent vers une bipolarisation
(Malaval, 2005). Les achats simples - composants non stratégiques, référencés
dans des catalogues- peuvent faire l’objet de transactions nécessitant des
applications logicielles standards. En revanche, les achats complexes - produits
sur mesure faisant l’objet de cahiers des charges et de rédaction de contrats
spécifiques -, impliquent la mise en place d’outils technologiques spécifiques qui
sont à intégrer au système d’information de l’entreprise (Caniëls et Gelderman,
2005).

La littérature académique montre l’intérêt grandissant des chercheurs pour le


sourcing global et sa contribution à la création de valeur (Kotabe et Mudambi,
2009) ainsi que pour l’utilisation d’outils intégrés et actualisés permettant de gérer
efficacement les opérations de sourcing à l’international. « Il est difficile d’imaginer

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le succès d’une stratégie de sourcing global sans l’accès à des informations


fiables et actualisées telles que par exemple une liste des fournisseurs et
des contrats existants, des rapports sur les performances et capacités de ces
fournisseurs, des projections de volumes d’achats par zones géographiques et
des informations sur d’éventuels nouveaux fournisseurs. La capacité à fournir
ces données requiert l’élaboration de systèmes d’information intégrés » (Trent et
Monczka, 2002).

La littérature professionnelle conforte également ce réel intérêt que les


organisations portent aujourd’hui à leur relation fournisseurs en tant qu’approche
stratégique globale, donnant naissance à des formes organisationnelles hybrides
(Venkatraman, 1995 ; Trautmann, Bals et Hartmann, 2009) supportée par les
technologies adéquates. Les axes de travail affichés des directions achats
des grandes entreprises concernent prioritairement : la réduction des coûts, le
sourcing dans les pays à bas coûts, le développement de la relation fournisseurs
et des outils électroniques.

En revanche, il existe assez peu de travaux empiriques portant explicitement sur


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les PME/PMI et abordant le sujet spécifique de la gestion de la relation acheteur-
fournisseurs distants.

Nous avons donc choisi de nous interroger sur la contribution d’une plateforme
e-sourcing à l’amélioration du processus achats dans le cas d’une entreprise
industrielle de taille médiane.

3. Le cas Microcar ou les enjeux d’un paradoxe

Notre méthodologie d’analyse est ici fondée sur l’étude d’un cas unique, issu
d’un échantillon d’investigation plus vaste, utilisé dans le cadre d’une autre
recherche (Oruezabala, 2009). Selon Yin (2003), l’étude de cas est une stratégie
de recherche pertinente lorsque les questions « pourquoi » et « comment » se
posent, lorsque le chercheur a peu de contrôle sur les événements et lorsque
l’objet de la recherche porte sur un phénomène contemporain observable dans
la réalité. Selon Eisenhardt (2007), il est envisageable de construire une théorie
à partir d’études de cas puisqu’ils permettent d’élaborer des construits théoriques
et des propositions basées sur des données empiriques.

Notre protocole de recherche combine des données primaires et secondaires.


Nous avons mené deux entretiens semi-directifs approfondis (une heure trente
chacun en face à face) auprès de la directrice des achats de Microcar. Son
« expertise » des achats à l’international repose sur une vision stratégique globale
(membre du comité de direction) et une compétence achats (20 ans d’ancienneté
dans la fonction, formation supérieure en achats, anglais courant). Nous avons

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Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

également rencontré l’équipe d’acheteurs lors de contacts informels. De plus,


nous avons collecté des données au travers d’une analyse documentaire :
articles de la presse spécialisée du secteur automobile (L’Argus), articles de la
presse économique (L’Usine nouvelle, Le Monde), documents de l’entreprise :
dossier de presse, plaquettes produits, et visite des sites Internet de l’entreprise,
des concurrents, des éditeurs et hébergeurs.

3.1. Quelques dates clés de la croissance de Microcar


Créée en 1981, Microcar (petite voiture) est un constructeur automobile qui
commercialise des véhicules sans permis (VSP). Historiquement, la société a
pris naissance au sein du groupe Jeanneau, constructeur vendéen de bateaux
de plaisance. Puis elle est devenue une filiale du groupe Bénéteau lors du rachat
des chantiers Jeanneau en 1996 par Bénéteau. Microcar était néanmoins une
PMI indépendante au statut juridique de société par action simplifiée (SAS)
contribuant à hauteur 4% au chiffre d’affaires total de Bénéteau. C’était également
une PMI autonome en terme de décisions d’investissement et de management.
En 2008, le groupe Bénéteau se recentre sur ses pôles plaisance et habitat de
loisir et cède le pôle automobile Microcar à un holding formé par Automobiles
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Ligier et par 21 Centrale Partners, une société de gestion apparentée à la famille
Benetton. Cette opération de fusion prévoit que les deux sociétés précédemment
concurrentes Microcar - numéro 2 détenant 21% du marché européen - et Ligier
- basé à Vichy et numéro 3 sur le marché des VSP - gardent leurs marques, leurs
salariés et leurs réseaux commerciaux. L’objectif annoncé est de réunir leurs
forces pour concurrencer le n° 1 français, Aixam (13 980 ventes en 2007 contre
6894 pour Microcar et 6628 pour Ligier).

3.2. L’activité de Microcar : une montée en puissance régulière et


raisonnée
Microcar emploie 150 salariés sur un seul site de production de plus de 10 000
m², situé en Vendée (Montaigu). L’usine produit 7000 voitures par an, selon
une cadence quotidienne moyenne de 35 véhicules/jour. Ce site s’est doté
récemment d’un atelier de thermoformage, investissement lourd mais qui permet
à l’entreprise de réduire sa dépendance fournisseurs sur les coques produites.
Le chiffre d’affaires généré était de 58 millions d’euros en 2007.

Concernant la commercialisation, la société est présente dans quatorze pays via


un réseau de 800 distributeurs en Europe, dont 80 en France. Ils sont en contact
avec le siège de Microcar via un outil de type extranet qui leur permet de gérer
en direct et en temps réel les demandes de prise de garantie, les commandes de
pièces de rechange et d’être livrés - pour les 80 distributeurs métropolitain - sous
24 heures. Les véhicules commercialisés évoluent en permanence. Depuis le
premier modèle en 1981 à moteur thermique jusqu’à la voiture électrique lancée

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au salon mondial de l’automobile en 2008, l’entreprise a toujours fait évoluer


sa gamme pour intégrer des équipements innovants et centré sur la sécurité
(1985 : ceinture de sécurité, 1997 : 3ème feu stop et feux de détresse, 2005 : Air
bag adapté VSP). En 28 ans, une dizaine de projets de conception de nouveaux
produits ont vu le jour, soit un cycle de développement de produit de trois ans en
moyenne.

Nous notons que la démarche qualité de l’entreprise est particulièrement valorisée


par les certification ISO 9001 et ISO 14001, ce qui en fait le seul constructeur
de voitures sans permis certifié en France (en 2009) et constitue un avantage
distinctif significatif.

3.3. L’activité achats : huit années de structuration des


processus
Concernant les achats de production, Microcar travaille avec environ 150
fournisseurs partout dans le monde. L’entreprise est à la recherche permanente
d’innovation et souhaite s’assurer les meilleures sources d’approvisionnement
quelque soit leur localisation géographique. Le nombre de références à sourcer
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est d’environ 900.

L’organisation du service achats a débuté en 2001 avec l’arrivée d’une directrice


des achats ayant pour objectif de faire évoluer la fonction d’une stratégie
d’approvisionnement locale à une stratégie achats orientée vers un sourcing plus
global. L’équipe composée de quatre personnes s’est donc peu à peu frottée
aux marchés internationaux pour rechercher de nouveaux fournisseurs et des
produits répondant aux exigences de qualité de l’entreprise.

L’objectif de rationalisation des coûts est certes important puisque les achats de
composants - vitrages, châssis, roues, etc.- d’équipements - autoradios, miroirs,
etc. - et de solutions fonctionnelles - circuit électrique par exemple- représentent
70% du coût de revient final du véhicule. La contribution des achats à la valeur
ajoutée est donc incontestable.

En revanche, la direction des achats se montre exigeante en termes de qualité


des produits achetés, non seulement pour assurer la technicité de ses innovations
mais encore pour répondre aux normes de sécurité particulièrement importantes
dans le secteur automobile.

L’évolution du sourcing s’est déroulée progressivement pour ne pas bouleverser


trop brutalement les habitudes de travail. Le service achats s’est d’abord tourné
vers des pays proches en Europe, puis vers les pays du Maghreb. Le sourcing
lointain vers l’Asie est beaucoup plus récent. Dans tous les cas, Microcar souhaite
garder une certaine proximité avec les fournisseurs qu’elle sélectionne et les

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Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

accompagne si besoin dans leur démarche de progrès. Les déplacements et la


présence auprès des fournisseurs sont donc réguliers et fréquents.

Microcar utilise différents modes de présence: en direct, par des agents et par
des bureaux d’achats professionnels ou par des sociétés de sourcing.

« Avec les trois formules, on se fait sa propre idée de ce qu’est le marché,


de ce que l’on peut en attendre, de quels sont les enjeux, les risques. Et
cela permet aussi de mûrir ce que l’on peut en retirer et comment. Il n’y
a pas de formule magique. Moi je crois qu’il n’y en a pas. Par contre, le
fait d’avoir utilisé les trois formules permet aussi d’avoir une idée de leurs
apports » (Directrice Achats).

L’internationalisation des achats de Microcar est par conséquent un processus


par étapes relativement rapide (8ans) qui combine différentes modes de présence
sur différentes zones géographiques (Figure 4). La logique de cette politique
achats est de tendre progressivement vers le sourcing global. Actuellement, sur
les 900 références qui représentent la totalité des achats, 40% sont des achats
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domestiques et 60% proviennent de l’étranger.
.
Engagement à
l’international
(Trent, Monczka,
2002) Internationalisation des achats de Microcar

A sie
Sourcing aux
Bure ts +
global Pays reb d’ac
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l’international Acha s Direc erciaux
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Aucun en dir

Avant 2001 2009

Figure 4 : Processus d’internationalisation des achats de Microcar

Aujourd’hui, la structure de l’organisation ayant évolué au travers du


rapprochement de Ligier et de Microcar, il est raisonnable de penser que
l’engagement à l’international concernant les achats peut également évoluer.
« Le rapprochement de Ligier et de Microcar devrait permettre des économies
d’échelle, notamment sur les achats » affirmait le président du directoire de la
holding lors du rapprochement des sociétés en septembre 2008.

Dans le contexte de fusion-rapprochement entre Ligier et Microcar, une solution


d’e-sourcing peut-elle aider la direction achats de Microcar à atteindre ses
objectifs ?

155
34

3.4. Le rôle paradoxal de la plateforme SourcingParts.com


En juin 2005, la direction achats choisit de dématérialiser ses appels d’offres en
s’abonnant à la plateforme électronique de SourcingParts, regroupant un réseau
mondial de 25 000 fournisseurs, s’adaptant ainsi à la globalisation des marchés
et à ses multiples paradoxes (Milliot et Tournois, 2009). La forme retenue est une
solution en mode hébergé (ASP). La mise en œuvre de l’application a pris un
mois et l’outil était opérationnel en octobre 2005, les quatre personnes du service
utilisant l’outil. Les premières utilisations ont permis de constater un gain de temps
quant à l’archivage automatique des dossiers. En revanche, le temps passé à
rédiger les appels d’offres compte tenu du nombre de références à acheter ainsi
que des spécificités des achats à 90% sur mesure a été largement sous-estimé.
De plus, la formalisation des appels sous cette forme dématérialisée, dans les
formats requis par l’application, ainsi que le temps à passer sur le dépouillement
pour être sûrs de pouvoir comparer les réponses ont influencé l’utilisation /ou la
non-utilisation de l’outil.

L’adhésion des fournisseurs historiques à la plateforme a été évaluée par Microcar


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à 60% dans un premier temps. Ce faible engouement s’explique par la crainte
des enchères inversées et le changement des habitudes (appels par courriers).
Afin de rassurer ces fournisseurs auxquels l’entreprise tenait pour bon nombre
d’entre eux, la direction des achats s’est engagée à ne pas utiliser le mécanisme
d’enchères pour la mise en concurrence. Grâce à cet argument, l’inscription des
fournisseurs habituels sur la plateforme est passée à 80%.

Quant aux nouveaux fournisseurs, Microcar a pu identifier, début 2006, deux


partenaires à l’étranger grâce aux options d’e-sourcing. Mais le référencement
d’un nouveau fournisseur est très long, d’autant plus lorsque celui-ci est distant.
Un processus de qualification prenant de 6 mois à un an sur le marché français
peut s’étaler jusqu’à 18 ou 24 mois pour un fournisseur étranger. Les fruits de
la structuration du processus achats au travers de la dématérialisation ont ainsi
commencé à être perceptibles en 2008.

3.5. Le constat d’une utilisation limitée du dispositif


Malgré l’intérêt et l’enthousiasme présents au début de l’implémentation de l’outil,
la direction des achats affirme ne plus l’utiliser que de façon très ponctuelle et
très sélective :
- pour des achats très simples et non pour les solutions fonctionnelles
complexes
- pour trouver des fournisseurs en Europe et non dans les pays lointains
- dans des situations d’achats qui ne mobilisent pas trop longtemps
les ressources humaines sur la rédaction du cahier des charges et le
dépouillement des réponses.

156
Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

4. Discussion des résultats

Afin d’étayer notre argumentation, nous revenons vers le modèle théorique


d’interaction (Håkansson, 1982) pour tenter d’expliquer le mode d’utilisation
de l’outil SourcingParts. Nous analysons successivement trois types de
caractéristiques de l’acheteur Microcar - caractéristiques technologiques,
organisationnelles et individuelles -. Et nous montrons que la perspective
relationnelle, méthodiquement structurée au cours des huit années d’élaboration
d’une stratégie d’achats globalisée, a freiné l’utilisation de la solution d’e-sourcing.
L’adaptation de la relation, que certains travaux récents assimilent également
à de la flexibilité (Mayrhofer et Ivens, 2009) s’est ici manifesté par un pilotage
comportemental.

4.1. Des caractéristiques technologiques ont influencé les


situations de (non) utilisation
L’infrastructure nécessaire au déploiement et à l’utilisation de SourcingParts n’est
guère contraignante pour les DSI concernés (accès via Internet en mode ASP).
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En revanche, la plateforme annonce certes 25 000 abonnés mais ils opèrent
dans des secteurs d’activité très divers (aéronautique, défense, …), ce qui ne
correspond pas forcément aux métiers et compétences recherchés. De plus, les
fournisseurs abonnés sont essentiellement situés en Europe, ce qui limite les
consultations de recherche de nouveaux fournisseurs, vers l’Asie par exemple.

Microcar a réparti ses fournisseurs en deux panels. Ceux de « rang un » sont


considérés comme des fournisseurs stratégiques et de ce fait, des concessions
sont toujours envisageables dans la relation. Ceux de « rang deux » sont
importants mais peuvent être remis en concurrence plus facilement. Ils sont
néanmoins régulièrement consultés. Le déploiement de la solution d’e-sourcing a
perturbé la relation dans le sens où celle-ci, fondée de manière classique sur des
échanges téléphoniques et de courriers électroniques, s’est trouvée modifiée par
le mode de gestion imposée par l’outil. En effet, le risque que les fournisseurs de
rang deux soient consultés moins souvent est important puisque cela nécessite
un protocole différent de la consultation habituelle, qui demande du temps et
modifie le processus organisationnel des achats. De plus, la relation risque d’être
rompue avec les fournisseurs stratégiques si la direction achats de Microcar
décidait de traiter tous les fournisseurs de la même manière et ne pas accorder
de « conditions préférentielles ».

Microcar a réellement commencé à structurer son réseau européen en 2001,


en mettant en place des procédures d’accompagnement pour obtenir la qualité
attendue. Le référencement de ces fournisseurs a pris du temps (2001-2004).
Par conséquent, l’abonnement de Microcar à SourcingParts en 2005 apportait
peu d’utilité supplémentaire (+ deux nouveaux partenaires distants en un an de

157
34

fonctionnement) et incitait l’entreprise à arbitrer en faveur du réseau européen


qu’elle venait de structurer. Microcar valorisait ainsi la carte de la proximité et de
la fidélité aux engagements au détriment de la technologie.

« La plateforme collaborative avec nos fournisseurs n’est qu’un outil. Et ce


n’est surtout pas avec cet outil là que l’on va en Asie. Plus c’est loin, moins
la plateforme est utile. Alors qui aide à quoi ? Pour une PME, à gagner du
temps. Enfin pour moi, à gagner du temps sur le processus, à gagner du
temps sur la traçabilité de nos documents. Mais, on utilise la plateforme
dans un réseau de fournisseurs que l’on connaît et qui ont accepté de
rentrer dans le processus. Parmi tous les fournisseurs que l’on a en Asie,
aucun n’a été trouvé grâce à ces outils. Et on n’utilise surtout pas l’outil
avec eux ». (Directrice des Achats)

Ainsi, la perception de l’utilité de la solution SourcingParts sur le plan technologique


n’a pas toujours été significative et reste dépendante de la situation d’achat.

4.2. Une gouvernance non coercitive a autorisé le (non) recours


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à SourcingParts
La dimension coercitive ou non des modalités de gouvernance est un déterminant
essentiel du recours à une TI en général et à une plateforme d’e-sourcing en
particulier. Microcar a montré par sa gouvernance non coercitive que la plateforme
pouvait être aisément contournée. De plus, les missions de la direction achats
n’ont pas été explicitement réorientées par la direction générale, à l’origine de
l’implantation, vers l’utilisation de l’outil.

Au sein même de la direction achats, les objectifs affichés privilégient les


contacts directs pour obtenir le degré de qualité et d’innovation qui constituent
l’enjeu principal des développements de nouveaux produits. Selon la directrice
des achats, « une application de sourcing doit rester un outil, rien ne remplace le
contact humain et les vraies négociations ». De plus, les habitudes de travail en
équipe n’ont pas été modifiées. Le lancement du dernier modèle en novembre
2008 est le couronnement de trois ans de travail collaboratif aussi bien en interne
- bureau d’études, achats, qualité-, qu’en externe - contacts directs des binômes
fonctionnels chez l’acheteur et chez le fournisseur -. Les achats stratégiques par
exemple tels que les moteurs (propulsion) ou les freins (sécurité) ne supportent
pas la moindre prise de risques. La relation fournisseur consiste alors à échanger
en permanence - déplacements, courriers électroniques, téléphone -. Les
partenaires sont invités à se montrer créatifs en mettant au point des solutions
innovantes. Il est donc nécessaire de leur accorder une certaine autonomie à la
fois en leur faisant confiance (Fenneteau et Naro, 2005) et en les intégrant au
sein même des frontières de l’entreprise (Diez Vial, 2009).

158
Achats à l’international : le paradoxe de
l’utilisation d’une plateforme d’e-sourcing
par une PMI

Cette approche collaborative de Microcar, sur des cycles de développement de


projets d’environ trois années, a fortement limité la perception de l’utilité de la
plateforme SourcingParts. Le degré de confiance accordé aux fournisseurs connus
et pérennes – surtout ceux de rang 1 – a largement primé sur la prise de risques
induite par la sélection de fournisseurs peu ou pas connus de l’entreprise.

4.3. Des caractéristiques individuelles ont joué un rôle sur la


(non) facilité perçue
Comme toute nouvelle technologie, la perception d’un outil d’e-sourcing dépend
des capacités d’appropriation et de l’implication des individus. Dans notre cas,
malgré la motivation de départ, les quatre collaborateurs concernés – constituant
une équipe achats jeune, diplômée et compétente - ont dû modifier leurs habitudes
de travail.

La formation fut modeste (« sur le tas » en 3 mois c’est-à-dire de juin à octobre


2005 avec hotline efficace et disponible) mais suffisante a priori. L’apprentissage
des nouveaux protocoles SourcingParts – rédaction des cahiers des charges
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et saisie des critères de réponse en ligne par exemple - demande toutefois
des efforts et du temps, d’autant plus si l’acheteur est en recherche de produit
incluant de l’innovation. Il est effectivement complexe de formaliser par écrit une
demande très précise dans ce type de recherche. « On peut passer à côté d’une
innovation si on fige un cahier des charges trop précis » (Dir . achats).

Ainsi, la spécificité et la complexité des processus achats - notamment centrés


sur des produits innovants et « sur mesure » - diminuent le degré de perception
de la facilité d’utilisation d’un outil d’e-sourcing.

Conclusion

Nos résultats indiquent que l’utilisation de la solution d’e-sourcing retenue par


Microcar a été profondément influencée par la perception des utilisateurs en
termes d’utilité et de facilité d’utilisation (Technology Acceptance Model, Davis,
1989 ; Davis et al., 1989). Les caractéristiques technologiques de l’outil ainsi
que les caractéristiques organisationnelles des parties prenantes ont influé
négativement sur le critère d’utilité. Les caractéristiques individuelles ont influé
négativement sur le critère de facilité d’utilisation. L’influence forte de ces trois
caractéristiques tend à expliquer l’utilisation irrégulière, facultative et très sélective
de SourcingParts par Microcar.

Soulignons à nouveau que l’entreprise a une production centrée sur l’innovation,


la qualité et la sécurité des véhicules. Elle cherche certes à rationaliser ses coûts
d’achats qui représentent environ 70% du coût du produit final. Mais elle se donne
pour objectif de sélectionner des fournisseurs qui lui garantiront le niveau de

159
34

qualité attendu pour les composants ainsi que pour les solutions fonctionnelles
complexes. « L’utilisation de l’outil suppose que l’on donne une chance réelle aux
fournisseurs consultés de rentrer dans notre sélection » (Dir. Achats)

Dans ce contexte spécifique, une solution d’e-sourcing, apporte effectivement


moins de valeur ajoutée que des processus achats basés sur la confiance et
l’approche collaborative (Eggert, Ulaga, Schultz, 2006).

Les économies d’échelle attendues suite au rapprochement Ligier-Microcar


pourraient toutefois changer la donne et les pratiques interorganisationnelles.
Les objectifs stratégiques annoncés dans la presse par le nouveau groupe
d’appartenance sont ambitieux et imposeront sans nul doute de profondes
mutations. « Nous souhaitons porter la rentabilité opérationnelle de Microcar de
4% environ en 2007 au niveau de celle de Ligier qui se situe entre 12 et 13% »
affirmait le président du directoire de 21 Centrale Partners dans la presse en avril
2008.

Références
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