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LA COURSE DES ENTREPRISES VERS LA CERTIFICATION

ENVIRONNEMENTALE : QUELLES CONSÉQUENCES SUR LA


CRÉDIBILITÉ DES ÉCOLABELS ET LA CONFIANCE DES
CONSOMMATEURS?

Sihem Dekhili, Mohamed Akli Achabou

Management Prospective Ed. | « Management & Avenir »

2011/1 n° 41 | pages 294 à 310


ISSN 1768-5958
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-1-page-294.htm
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41

La course des entreprises vers la certification


environnementale  : quelles conséquences
sur la crédibilité des écolabels et la con-
fiance des consommateurs?

par Sihem Dekhili172 et Mohamed Akli Achabou173

Résumé
L’objectif de cette recherche est de déterminer si la labellisation des
informations environnementales renforce la confiance des consommateurs.
Les résultats de nos enquêtes montrent, d’une part, que même si les
répondants perçoivent plus favorablement l’éco-label, ils font peu confiance
à l’étiquetage environnemental en général. Et d’autre part, que pour évaluer
la crédibilité des informations environnementales, les consommateurs
s’appuient sur quelques attributs tels que le prix, le vendeur, la marque ou
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encore le pays d’origine.

Abstract

The main objective of this research is to investigate whether the labelling of


environmental information enhances the consumers’ trust. Our results show
that even if respondents perceive more favorably the ecolabel, they give a
little trust to the environmental information in general. The study also show
that to evaluate the environmental information’s credibility, the consumers
lean on some attributes such as price, seller, brand or country of origin.

Depuis le premier sommet sur le développement durable en 1992, un important


volontarisme collectif d’opter pour un développement économique respectueux de
l’environnement est observé au niveau mondial. L’environnement est considéré
comme une préoccupation collective majeure qui doit être intégrée aux activités
productives de l’entreprise (Boiral, 2005). Ainsi, de nouvelles réglementations
nationales ont été mises en place, elles imposent aux entreprises de revoir leur
façon de faire et de maîtriser des nouvelles pratiques en développement durable
telle que l’éco-conception. De plus en plus d’entreprises adoptent aujourd’hui
cette démarche et font apparaître l’argument écologique dans leurs campagnes
de communication. Elles ont également recours à l’étiquetage environnemental
afin de rassurer un consommateur sensible aux marques qui ont une véritable
éthique. L’étiquetage environnemental est utilisé comme une information apposée
sur le produit lui-même. Il peut s’agir soit d’une certification, on parle alors d’éco-
172. Sihem Dekhili, Maître de Conférences, HuManiS (EA 1347), Ecole de Management de Strasbourg - Université de Strasbourg,
sihem.dekhili@urs.u-strasbg.fr
173. Mohamed Akli Achabou, Enseignant-chercheur, IPAG Paris, mohamed.achabou@ipag.fr

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La course des entreprises vers la certification
environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

label, soit d’une prétention du producteur qui peut non seulement apparaître sur
l’emballage du produit, mais aussi dans les communications commerciales de la
marque (Bernard, 2009). Mais, cet étiquetage est-il suffisamment crédible pour
gagner la confiance du consommateur ? C’est la question à laquelle nous nous
proposons de répondre tout au long de cet article.

L’objectif de cette recherche est de déterminer si la labellisation des informations


environnementales renforce la confiance des consommateurs et d’explorer les
facteurs qui favorisent ou limitent la crédibilité de ces informations. Pour ce faire,
nous procédons en cinq sections. Tout d’abord, nous rappelons la littérature sur la
stratégie environnementale des entreprises. Ensuite, nous abordons la question
de l’efficacité de l’étiquetage environnemental et son impact sur la confiance des
consommateurs. Nous présentons en troisième lieu l’approche méthodologique
adoptée. Nous consacrons les deux dernières sections à la présentation et à
la discussion des résultats. Enfin, nous proposons quelques recommandations
managériales et pistes de recherche.

1. Le développement durable en entreprise : opportunité ou


contrainte ?
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1.1. Comportements écologiques des entreprises
Le développement durable comporte différents volets  ; économique, social et
écologique (Martinet et Reynaud, 2004). Dans cette recherche nous nous limitons
à la dimension écologique174.

Plusieurs études attribuent les engagements écologiques des entreprises à


la législation. En effet, les fortes sanctions associées à un non respect de la
réglementation environnementale ou les bénéfices obtenus de la conformité
(subventions, exonérations) poussent souvent les entreprises à adopter un
comportement responsable. Lorsque les contraintes institutionnelles sont faibles,
les entreprises adoptant une stratégie non responsable préfèrent supporter les
faibles sanctions associées à la non-conformité (Rugman et Verbeke, 1998  ;
Child et Tsai, 2005). Dans l’UE par exemple, la sévérité de la réglementation
environnementale a permis à la Commission Européenne d’obtenir une large
conformité de la part des entreprises. Ces dernières utilisent aujourd’hui les
éco-labels comme des barrières à l’entrée des firmes étrangères qui ne sont
pas capables de s’y conformer. La réglementation constitue, dans ce cas, une
contrainte pour les entreprises, mais aussi une source d’avantage concurrentiel
protégé.
174. Nous adoptons dans cette recherche le terme de « produits écologiques » qui renvoie à « des produits dont la conception, la
production, la commercialisation et l’utilisation génèrent une incidence moindre sur l’environnement pendant tout leur cycle de vie »
(Afnor, 2010).

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41

Globalement, Soparnot et Mathieu (2006) distinguent deux types de compor-


tements écologiques des entreprises. D’un côté des entreprises qui assimilent le
développement durable à une somme d’exigences contraignantes et coûteuses.
De l’autre, des entreprises qui estiment qu’une politique socialement et
écologiquement responsable est source d’opportunités surtout qu’il est de plus
en plus difficile aujourd’hui de se distinguer par la seule qualité des produits.

Bellini (2003) propose une typologie qui nous semble plus complète en matière de
comportements écologiques des entreprises. L’auteur distingue trois catégories
de comportements  : Premièrement, les comportements éco-défensifs  ; dans
ce cas les résultats économiques immédiats priment et le développement
durable est considéré comme une source de coûts importants. Deuxièmement,
les comportements éco-conformistes  ; les investissements écologiques sont
perçus comme nécessaires mais à minimiser, les entreprises se contentent
d’un respect minimum des normes légales. Enfin les comportements éco-
sensibles ; les entreprises dans ce cas vont au-delà des normes imposées par
la réglementation dans le but d’atteindre un profit optimal tout en améliorant
la qualité et la performance environnementale de leurs produits. Ce dernier
comportement présente plusieurs bénéfices  : baisse des coûts de production,
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amélioration de l’image de l’entreprise, potentiel de différenciation par la qualité
du produit et par la labellisation.

Si dans un passé récent le comportement éco-conformiste était dominant au sein


des entreprises (Bellini, 2003), aujourd’hui la situation semble évoluer vers la
généralisation de la posture éco-sensible. Poussées par une réglementation de
plus en plus sévère, une concurrence forte, et un consommateur plus sensible à
la problématique environnementale, beaucoup d’entreprises se sont converties
à l’évaluation sur tout le cycle de vie de leurs produits (éco-conception). Une
démarche qui semble avoir des répercussions positives sur la performance des
entreprises qui l’ont adoptée. En effet, une étude réalisée par Berneman et al.
(2009) auprès de 30 entreprises (15 canadiennes et 15 françaises) a révélé que
l’introduction de la démarche d’éco-conception dans leur processus de production
a eu des retombées positives à la fois sur le plan quantitatif (réduction des coûts
variables, augmentation des revenus) et qualitatif (créativité, motivation du
personnel, notoriété, image).

1.2. La course des entreprises vers la certification


environnementale : quel étiquetage choisir ?
Afin de convaincre les consommateurs sur les qualités environnementales de
leurs produits, de nombreuses entreprises ont adopté ces dernières années
une démarche de certification. Celle-ci rassure les consommateurs sur
l’impact environnemental des produits et aide les entreprises à surmonter un

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environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

éventuel manque de crédibilité (Holliday et al., 2003). Trois formes d’étiquetage


environnemental sont répertoriées aujourd’hui par l’ISO (AFNOR, 2010) :

-- les auto-déclarations environnementales  : ce sont toutes les


allégations environnementales avancées par un producteur ou un
distributeur. Généralement, une auto déclaration ne porte que sur une
caractéristique environnementale ou concerne une seule étape du cycle
de vie du produit. On peut trouver dans cette catégorie des déclarations
vagues et imprécises, voire mensongères ;
-- les écoprofils : il s’agit d’un étiquetage élaboré par un industriel selon
une approche multi-critère et multi-étape faisant appel à la méthodologie
de l’analyse du cycle de vie et qui consiste en la mise à disposition
du consommateur de données essentiellement quantitatives sur les
impacts environnementaux d’un produit ;
-- les écolabels officiels attribués et gérés par une tierce
partie indépendante. Aujourd’hui, il existe en France deux écolabels de
ce type délivrés par l’AFNOR: la marque française NF environnement et
l’Eco-label européen. L’obtention de ces écolabels génère généralement
des dépenses pour l’entreprise et des coûts supplémentaires (D’Souza
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et al., 2007).

Ces différents types d’étiquetage possibles est une preuve d’un manque
d’harmonisation des procédures et d’un décalage en termes des niveaux
d’exigences retenus par les entreprises, qui pourrait induire une certaine
confusion dans l’esprit du consommateur et un manque de confiance envers
les informations environnementales affichées sur les produits. Ce manque
d’harmonisation s’accentue à l’échelle internationale «  les programmes ne
sont pas globaux et n’intègrent souvent qu’une qualité environnementale parmi
d’autres pour accorder un label » (Holliday et al., 2003).

2. Limites des éco-labels et impacts sur la confiance des


consommateurs

Plusieurs études mettent en évidence l’effet positif des informations


environnementales sur la préférence (Michaud et Llerena, 2008 ; Bernard, 2009)
et la confiance des consommateurs (Montoro-Rios et al., 2006). Selon une récente
étude175, 19% des Français déclarent faire régulièrement des achats responsables
et 19% se disent prêts à payer plus cher pour des produits respectueux de
l’environnement. Cependant d’autres recherches (Grunert et al., 2001 ; D’Souza
et al., 2007 ; Michaud et Llerena, 2008 ; Bernard, 2009) soulignent les limites de
l’étiquetage environnemental et indiquent que le succès des éco-labels n’est pas
175. Selon une enquête commanditée par Ethicity et Aegis Media Expert, et réalisée par TNS media intelligence TM en partenariat
avec l’ADEME en 2008.

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évident. L’étude de D’Souza et al. (2007), réalisée auprès de 155 consommateurs


australiens, relève un nombre important d’insatisfaits vis-à-vis des éco-labels. En
effet, les auteurs ont répertorié trois segments  de consommateurs: les «  non-
satisfaits  » (33,55%), les «  neutres  » (10.97%) et les «  satisfaits » (55.48%).
Avant d’aborder les limites des éco-labels, il nous semble important de rappeler
la littérature en marketing sur le concept de confiance.

2.1. La confiance : un concept clé dans la décision de


consommation
Dans le champ du comportement du consommateur, la confiance est considérée
comme un paramètre important dans la décision de consommation (Filser,
1998). Même si la définition du concept et sa mise en œuvre ont fait l’objet de
controverses, les auteurs s’accordent à en reconnaître l’aspect prédictif sur
l’engagement ou la satisfaction (Gurviez et Korchia, 2002).

Deux courants de recherche (cognitiviste et holiste) ont abordé différemment le


concept de la confiance (Filser, 1998). Le courant cogniviste associe étroitement
la définition de la confiance aux processus largement rationnels de traitement
d’informations qui conduisent à la prise de décision. Le courant holistique, en
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revanche, intègre les caractéristiques symboliques et affectives de l’objet.

Pour l’acheteur, trois vecteurs d’informations semblent avoir un effet important sur
la crédibilité de l’information véhiculée : le point de vente, le vendeur et l’émetteur
de l’information (Filser, 1998).

Concernant le point de vente et le vendeur, la confiance qu’ils inspirent peut être


un réducteur du risque associé à l’achat.

La confiance à l’égard de l’émetteur de l’information a été pour sa part reconnue


comme un puissant modérateur de l’influence de cette information sur la
préférence. Si l’émetteur est perçu comme animé par la recherche de profits à
court terme aux dépens de l’acheteur, l’effet de l’information sera limité.

Parmi les recherches qui ont approfondi le rôle de la confiance dans les relations
que développent les clients avec les entreprises, certaines se sont intéressées à
l’étude de la confiance dans la marque (Sirieix et Dubois, 1999 ; Gurviez, 1999 ;
Frizou, 2000 ; Gurviez et Korchia, 2002).

Gurviez et Korchia (2002) considèrent que «  la confiance dans une marque,


du point de vue du consommateur, est une variable psychologique qui reflète
un ensemble de présomptions accumulées quant à la crédibilité, l’intégrité et la
bienveillance que le consommateur attribue à la marque  ». Trois antécédents
de la confiance sont donc retenus par les auteurs ; La crédibilité attribuée à la
marque qui consiste à évaluer ses capacités à remplir les termes de l’échange

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La course des entreprises vers la certification
environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

concernant les performances attendues. L’intégrité qui est l’attribution de


motivations loyales à la marque quant au respect de ses promesses concernant
les termes de l’échange. Et la bienveillance qui renvoie à la prise en compte des
intérêts de l’acheteur.

2.2. Les étiquetages environnementaux : L’éco-label est-il un


signal plus valorisant ?
Très peu de recherches ont tenté de déterminer si l’éco-label valorise davantage
un produit que les autres formes d’étiquetages environnementaux. L’étude de
Michaud et Llerena (2008) nous éclaire un peu sur cette question. Les auteurs
ont conduit une expérimentation afin de déterminer l’effet de la présence d’un
label environnemental (émis par un organisme certificateur international privé)
ainsi que celui de l’indication d’émissions de carbone (issue d’un rapport établi
par un organisme de recherche universitaire) sur le choix d’une rose. Les choix
des participants révèlent que l’attribut «carbone» procure une utilité marginale
supérieure à celle de l’attribut «label». En d’autres termes, l’information non
labellisée sur un niveau d’émissions de carbone inférieur encourage plus
fortement le choix d’une rose qu’un label environnemental. Pour expliquer ce
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résultat, les auteurs mettent en avant l’importance de la crédibilité des organismes
qui sont à l’origine de l’information. Ils supposent une confiance supérieure
envers les organismes de recherche relativement aux organismes certificateurs
privés. Michaud et Llerena (2008) pensent également que les connaissances et
croyances antérieures des consommateurs sont susceptibles d’avoir influencé
leurs choix. Par exemple la méconnaissance préalable du label testé a pu jouer
un rôle dans les décisions. Le résultat de cette étude, même s’il nous semble
surprenant, nous pousse à nous interroger sur les déterminants d’une stratégie
de labellisation efficace. Nous nous proposons dans ce qui suit d’explorer cette
question.

2.3. Les éco-labels sont-ils suffisamment compris par les


consommateurs ?
Depuis les années 90, Ellen (1994) s’est aperçu que malgré un niveau élevé de
connaissances subjectives, les individus disposaient en réalité d’un faible niveau
de connaissances factuelles susceptibles de guider leur choix de consommation
vers des produits respectueux de l’environnement. L’auteur propose la solution
de l’étiquetage environnemental des produits qui fournit au consommateur un
certain nombre d’informations. La notoriété des labels, la lisibilité du contenu
des étiquettes, et la mise à disposition des consommateurs de repères qui
leur permettent d’évaluer correctement les caractéristiques affichées sont des
éléments importants à considérer pour accroître la crédibilité des informations
environnementales et aider les industriels à communiquer efficacement sur le
contenu d’un éco-label.

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41

Grunert et al. (2001), à travers une étude sur les labels de qualité de la viande au
Danemark, ont testé l’effet d’un label bio (forte notoriété) et celui d’un nouveau
label de qualité (faible notoriété). Les résultats montrent que les effets positifs
des labels dépendent de leur notoriété auprès des consommateurs, et que la
connaissance du label a un effet significatif sur la valeur que le consommateur
va lui accorder, ce qui met en avant l’importance de l’information pour qu’une
stratégie de labellisation soit efficace.

Par ailleurs, la connaissance de l’étiquetage environnemental par le consommateur


n’est pas synonyme d’une bonne compréhension de son contenu. Grunert et al.
(2001) ont exploré le degré de connaissance des consommateurs de différents
labels. Les résultats montrent une extrême confusion concernant leur contenu
exact. À travers l’exemple de la consommation du porc biologique, les auteurs
soulignent qu’un label avec un haut degré de notoriété, qui est mal compris, peut
réduire la transparence de la qualité du produit. Dans le cas de produits où la
qualité peut être vérifiée après la consommation, un décalage entre la qualité
attendue et la qualité expérimentée liée à une mauvaise compréhension du
contenu du label peut à terme réduire la confiance du consommateur envers ce
signal.
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Dans un contexte d’asymétrie d’information caractérisé par des individus qui ont
des capacités limitées à traiter l’information et par une incertitude intrinsèque à
l’information notamment dans le cas de l’information environnementale qui est
chargée en complexité, incertitude, irréversibilité et ambiguïté (Delchet, 2007),
le consommateur a de plus en plus besoin d’aide pour juger correctement les
informations affichées. Une première recommandation, formulée par Bernard
(2009), est de fournir des références aux consommateurs. Il s’agit de les informer
sur les valeurs acceptables des caractéristiques environnementales des produits
(par exemple, rejeter 30gr de CO2 est acceptable pour produire un flacon de
champoing). Une deuxième recommandation, proposée par Grunert et al. (2001),
consiste à éviter les informations complexes qui portent sur des caractéristiques
différentes (caractéristiques du produit, modes de fabrication). Par ailleurs, les
auteurs soulignent l’intérêt d’éviter l’utilisation du même label pour des catégories
de produits très différentes, cela semble réduire la lisibilité et la crédibilité des
labels. Et de limiter la communication sur des aspects du produit qui intéressent
peu le consommateur.

A l’issue de cette partie théorique, nous retenons que les entreprises ont des
niveaux différents d’engagement environnemental, et que les procédures
d’étiquetage manquent d’harmonisation à l’échelle nationale et internationale.
Ces éléments semblent favoriser le manque de confiance des consommateurs
envers les informations environnementales. Nous constatons également que
d’autres facteurs tels que le vendeur, le point de vente et l’émetteur de l’information
peuvent influencer la confiance. Ainsi, nous pouvons penser que la perception

300
La course des entreprises vers la certification
environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

des organismes certificateurs par exemple peut avoir un effet sur la crédibilité de
l’écol-label et son intégrité.

3. Méthodologie

Afin d’atteindre les objectifs assignés à cet article nous avons conduit une étude
qualitative auprès d’un échantillon de 71 répondants en menant des entretiens
individuels en face à face. Pour toucher un grand nombre de consommateurs,
nous avons effectué nos enquêtes lors d’un forum sur le Design organisé par
la Chambre de Commerce et d’Industrie de Strasbourg en juillet 2009. Les
interviewés ont été interrogés dès leur entrée sur le lieu d’exposition afin d’éviter
tout biais lié à l’information exposée sur le lieu d’enquête176. L’enregistrement
des entretiens a été effectué par un magnétophone et leur durée était de vingt à
trente minutes.

Lors de nos enquêtes, nous nous sommes basés sur un guide d’entretien qui a
pour objectif d’explorer la confiance des consommateurs envers les informations
environnementales non officielles d’une part et celle envers les éco-labels
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d’autre part. Dans cette démarche qualitative, nous avons privilégié les questions
ouvertes. Aucun élément sur les antécédents de la confiance n’a été présenté
aux interviewés et aucune échelle de mesure du concept n’a été adoptée.

Des informations sur les habitudes de consommation des produits écologiques


ainsi que des données socio-démographiques ont été demandées aux enquêtés.
Le tableau n°1 synthétise les caractéristiques des répondants.

Tableau n°1: Caractéristiques des répondants.


Variables socio-démographiques Effectif

Nombre de répondants 71
Sexe Homme 39
Femmes 32
Age <25 ans 15
25-45 ans 18
45-65 ans 25
>65 ans 13
Profession Etudiant 13
Employé 15
Cadre 17
Retraité 15
Autre (commerçant, chef d’entreprise, artisan) 11

176. Quelques produits éco-conçus ont été exposés.

301
41

Les entretiens ont été intégralement retranscrits, et un travail d’analyse thématique


des discours a été effectué (Bardin, 1983). Vu l’importance du corpus obtenu,
nous avons recouru au logiciel Nvivo, un outil d’aide à l’analyse de discours. Les
résultats obtenus sont synthétisés dans la section qui va suivre.

4. Résultats

4.1. L’écolabel : une certification plus valorisante mais pas


suffisamment
L’analyse catégorielle des réponses fait ressortir 95 idées autours du sujet de
la confiance des consommateurs envers les écolabels et 81 en rapport avec la
confiance envers les autres formes d’étiquetage environnemental. Le manque
de confiance envers les informations environnementales non labellisées est très
important (68% du poids du thème). Il s’atténue dans le cas des écolabels mais
reste considérable (46% du poids du thème).

Le niveau plus élevé de confiance envers les éco-labels est attribué en grande
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partie à une règlementation sérieuse établie par une tierce partie indépendante « si
c’est normalisé c’est que ça doit être contrôlé et vérifié et donc il n’y a aucune raison
d’avoir de doutes la dessus », « les éco-labels c’est officiel, je pense que derrière
il y a une expertise de spécialistes qui ont étudiés les impacts environnementaux,
et qui sont capables de déclarer que c’est plus écologique  ». L’absence de
normalisation en revanche augmente la méfiance chez le consommateur
«  mais je ne crois plus aux informations environnementales (non labellisées)
parce que n’importe qui peut mettre des informations environnementales ». La
règlementation semble augmenter la confiance du consommateur mais ne le
rassure pas complètement. Afin de limiter le risque perçu, le consommateur ne
va pas se baser seulement sur le label mais va chercher à le compléter par
d’autres attributs qui sont susceptibles de renforcer sa confiance. Les répondants
évoquent le prix « puis ces éco labels, on ne les trouve pas dans les discounts
donc ça aussi c’est une garantie je pense », « il y a des produits qui sont bio
qui sont chers parce qu’ils sont réellement bios », la marque « c’est sûr qu’au
niveau de la cosmétique il y a des marques de références comme Weleda, Dr
Hauska, Logona. Maintenant d’autres marques comme Ushuai qui se mettent à
faire du bio, on peut être un peu plus sceptique », le producteur/vendeur « par
exemple à Strasbourg, genre le serpent vert, eux ils ont commencé il y a très
longtemps, avec le mouvement hippie des années 70, ils résonnaient déjà avec
la planète avant qu’on parle des grands dangers, bon on en parlait déjà  », et
l’origine géographique « j’ai confiance dans les écolabels grâce à l’origine et la
traçabilité ».

302
La course des entreprises vers la certification
environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

Les quelques répondants qui font confiance aux informations environnementales


non labellisées évoquent la crédibilité de ces informations « je pense que c’est
plus ou moins contrôlé alors il faut faire confiance », « je pense que c’est assez
surveillé et que l’on ne peut pas mettre n’importe quoi sur les étiquettes, en
principe ». Cependant, certains se trouvent parfois forcés à le faire par besoin de
rassurance « on est bien obligé car on n’a pas autre chose », « on m’a dit qu’il
ne fallait pas mais moi je n’écoute pas sinon je ne fais plus confiance à rien du
tout ».

4.2. Des informations environnementales peu crédibles et


difficiles à comprendre
Quel que soit le type d’étiquetage environnemental (officiel ou non), deux
facteurs expliquent avec des poids équivalents le manque de confiance des
consommateurs : le manque de crédibilité des informations affichées et le faible
niveau de connaissances du consommateur (Voir tableau n°2). Nous allons
explorer ces deux facteurs dans les deux paragraphes qui vont suivre.
Tableau n°2 : Confiance des consommateurs envers les informations environnementales
non labellisées et les éco-labels
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Thème Catégories Sous-catégories (en % par
(en % par rapport à la masse (en % par rapport à leur
thème) rapport à leur catégorie)
totale des idées)
Confiance envers les informations Confiance
environnementales non labellisées 32
Manque de crédibilité
Pas de confiance 53
46 Manque d’informations
68
47
Confiance
Confiance envers les écolabels 54
Manque de crédibilité
54 Pas de confiance 59
46 Manque d’informations
41

4.2.1. Les déterminants du manque de crédibilité de l’étiquetage


environnemental
Les consommateurs pensent que les informations environnementales sont peu
crédibles pour les raisons suivantes :

L’information environnementale est un argument commercial


L’information environnementale, labellisée ou non, a été considérée par plusieurs
consommateurs comme un argument commercial qui permet à l’entreprise de
mieux vendre ses produits «  c’est aussi un marketing actuellement de mettre
écologique, durable, bio  », «  je pense que c’est une excuse pour augmenter

303
41

le prix », « quand on voit effectivement les écolabels et la différence entre les


bons sentiments et sur le terrain hé bien il y a toujours un gouffre qui est assez
financier », et qui ne correspond souvent pas à la réalité « il y a ceux qui se sont
introduits pour bluffer, saboter le système. Puis ça fait bien de marquer écologie
pour augmenter son chiffre d’affaires ». L’idée des informations erronées a été
surtout associée aux informations non labellisées à cause de l’absence d’une
règlementation stricte « on se demande si certaines n’affichent pas des choses
qui ne sont pas justes, qui ne sont pas vérifiées », « beaucoup de choses sont
trafiquées ».

Manque de rigueur dans l’attribution des labels


Dans le cas des éco-labels, les consommateurs remettent en cause le sérieux de
la règlementation. D’une part, ils redoutent l’existence de traitements de faveur
« voilà après c’est quand même une grande famille de gens, d’un certain niveau,
qui vont prendre des décisions. Très très vite c’est des histoires de contact, mettre
en avant certaines entreprises », et de marchandage dans l’attribution des labels
«  d’après moi c’est surtout des choses qui sont payées et puis ils obtiennent
leur label en payant ». D’autre part, ils pensent que les procédures de contrôle
ne sont pas strictes « ce qui me gène c’est qu’il y a des produits qui sont lancés
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avec le terme bio pour tromper les gens et quand on lit les étiquettes en fait on
retrouve des produits nocifs, dont on a d’ailleurs parlé dans des documentaires
de vulgarisation ».

Manque d’harmonisation des procédures et importance du pays d’origine


Le manque d’harmonisation des procédures de certification à l’échelle nationale
et internationale constitue l’un des facteurs qui limitent la crédibilité des éco-
labels aux yeux des consommateurs « les labels : chaque fabriquant crée le sien
donc ça n’a pas beaucoup de sens et il y a une confusion du coup généralisée
qui peut laisser le consommateur un peu dans la méfiance, un peu soupçonneux
de voir certains labels qui sont très peu contraignants peuvent cohabiter avec
d’autres qui sont vraiment des engagements de la part des producteurs  ». Le
pays d’origine est un indicateur important qui pourrait orienter les consommateurs
dans le choix des produits écologiques. Les répondants semblent avoir des
stéréotypes (positifs ou négatifs) sur les pays en termes de respect des normes
« tout ce qui est fruits et légumes, dès que ça arrive d’Espagne c’est non. Même
s’il y a des normes européennes, elles ne sont pas respectées » et de sensibilité
à l’écologie « j’ai déjà vu des choses assez contradictoires au niveau alimentaire,
c’est importé de chine et il y a un label écologique et là je doute fort... moi je sais
que je ne privilégie pas forcément les produits français au niveau alimentaire
mais au moins européens pour éviter ce qu’il y a à l’autre bout du monde, on est
plus écologique ».

304
La course des entreprises vers la certification
environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

4.2.2. L’incompréhension de l’étiquetage environnemental : une source


de méfiance
Les répondants ont exprimé un grand besoin d’informations sur l’étiquetage
environnemental et estiment que la communication autour de ce sujet reste
insuffisante « je trouve qu’il n’y a pas beaucoup de publicités, je trouve que les
produits ne sont pas beaucoup mis en avant par rapport aux autres ».

Par ailleurs, ils estiment que les informations environnementales, notamment


celles qui ne sont pas officielles, sont en général incomplètes «  je pense qu’il
y a parfois des informations qui mériteraient d’être développées  », imprécises
« l’indication n’est jamais toujours précise » et illisibles « les choses néfastes sont
imprimées en trop petit. On vante toujours la qualité, mais le défaut on essaye de
le cacher. Souvent il est indiqué quand même, mais il faut la loupe ».

Pour contrecarrer ces insuffisances et vérifier et/ou compléter les informations


affichées, les consommateurs ont souvent recours soit à des sources
d’informations externes (Internet, magazines, vendeurs) « mais ça m’intéresse
de plus en plus de vérifier, par exemple pour du mobilier de jardin savoir où a été
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produit le bois, comment il a été traité et demander quand ces informations ne
sont pas disponibles. Il faut utiliser internet pour se renseigner », « il y a même de
plus en plus de magasines qui font des sujets ou des guides de la consommation
responsable », soit à leur propre expertise (compétences personnelles) « je fais
confiance à ce que je peux diagnostiquer par moi-même. Je lis mais je fais ma
propre conclusion ».

Pour avoir plus de confiance dans l’étiquetage environnemental, les


consommateurs ont besoin de connaître essentiellement les trois éléments
suivants :

La procédure de fabrication des produits et les critères considérés pour


les évaluer 
Qu’il s’agisse d’une information environnementale officielle ou non, les con-
sommateurs souhaitent connaître comment le produit a été fabriqué «  on ne
sait pas comment ça a été fait», « en fin de compte on a juste la fin du produit
mais pas toute la conception. Donc ce qu’il faudrait savoir c’est tout le cycle de
la production, voir si tout ça est en respect de l’environnement », ainsi que les
critères qui ont été considérés pour décider si le produit est écologique ou non
« on n’a pas vraiment la preuve des éléments normatifs qu’ils utilisent par rapport
à ça ».

Le pays d’origine du produit écologique 


Le consommateur réclame des informations sur le pays d’origine du produit afin de
déterminer, sur la base de ses connaissances personnelles, dans quelle mesure

305
41

l’information environnementale affichée est en cohérence avec la sensibilité


écologique du pays d’origine « peut être il ne faut pas trop s’y fier (informations
environnementales) parce qu’il y a toujours une partie qui est fabriquée par
des pays étrangers qui ne sont pas forcément écologiques, il faudrait qu’on le
sache !».

Le label et ce qu’il signifie, dans le cas des informations environnementales


officielles 
La notoriété du label semble avoir un impact sur la confiance du consommateur
«  je fais confiance aux labels lorsque je les connais  », «  pour le moment les
écolabels ne sont pas encore connus et reconnus surtout  ». En revanche, la
connaissance des labels n’est pas une condition suffisante, les consommateurs
ont besoin aussi de comprendre leur signification « je me dis que peut être s’il y a
un écolabel, c’est peut être plus écologique qu’un produit où il n’y en a pas mais
je ne sais pas exactement ce que ça signifie en général ».

5. Discussion
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Tout d’abord, notre recherche fait apparaître que l’étiquetage environnemental
reste insuffisant puisqu’il semble peu crédible aux yeux des consommateurs
et souvent incompréhensible, et confirme ainsi les résultats de recherches
précédentes (Grunert et al., 2001 ; Bernard, 2009).

Contrairement à l’étude de Michaud et Llerena (2008), notre recherche montre


que l’éco-label valorise mieux les produits que les informations environnementales
non labellisées. Il semble qu’une règlementation établie par un organisme
indépendant accroît la crédibilité des informations affichées. Ce résultat conforte
les conclusions de l’étude de D’Souza et al. (2007) qui suggèrent que la confiance
des consommateurs est plus forte lorsque les prétentions environnementales du
producteur sont garanties par une tierce partie indépendante. Cependant, afin de
mieux profiter de leur avantage concurrentiel, les industriels qui bénéficient d’un
éco-label ne peuvent plus se contenter de l’introduire sur le marché mais doivent
également éduquer les consommateurs sur les différences entre les diverses
certifications qui existent.

Comme souligné par Holliday et al. (2003), nous avons montré comment les
consommateurs perçoivent négativement le manque d’harmonisation des
procédures de certifications et les écarts en termes des niveaux d’exigences
adoptés par les entreprises. Les consommateurs estiment que la prise en compte
de l’environnement reste un argument marketing et un moyen pour augmenter
les ventes. Ces observations confirment les conclusions de Bouguerara et al.
(2002) qui postulent que chaque firme choisit la stratégie environnementale qui
maximise ses profits.

306
La course des entreprises vers la certification
environnementale  : quelles conséquences sur
la crédibilité des écolabels et la confiance des
consommateurs ?

Notre étude montre également que la confiance des consommateurs envers


les règlementations reste mitigée puisqu’ils estiment que celles-ci manquent de
rigueur dans l’attribution des labels. Ainsi, ces résultats tendraient à soutenir la
position de Hamilton et Zilberman (2006) qui considèrent que le marché des
produits verts augmente les possibilités de fraudes et celle de Bouguerara et al.
(2002) qui indiquent que ce marché favorise les comportements opportunistes
des firmes. Les attributs environnementaux sont des attributs extrinsèques de
croyance, le consommateur ne peut pas vérifier l’information ni avant ni après la
consommation.

Notre recherche a mis en évidence l’insuffisance de l’information environnementale,


elle a été jugée incomplète, imprécise et illisible. Les consommateurs réclament
une information plus détaillée sur les procédures de fabrication, les critères
d’évaluation considérés, le pays d’origine du produit, et la signification du label.
Ce résultat renvoie au débat sur la quantité optimale d’informations à fournir au
consommateur pour un signalement efficace, et semble aller à l’encontre des
recommandations de Wynne (1994) qui estime qu’il est parfois plus efficace de
fournir au consommateur une information résumée, utile et capable de capter
son attention.
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Enfin, nous mettons en évidence la variable «  niveau d’expertise» qui est
susceptible d’avoir un impact sur le niveau de confiance du consommateur
envers les informations environnementales. On pourrait ici supposer qu’il existe
deux segments de consommateurs: les « experts » qui font moins confiance aux
informations environnementales, ils font plutôt recours à leurs compétences pour
prendre une décision, un enquêté nous a dit : « les informations : on les passe au
tamis, on est naturaliste et scientifique ». Et les « novices » qui font plus recours
aux certifications, même si ces consommateurs n’ont pas les compétences pour
interpréter les informations affichées, ils vont leur faire confiance par besoin
de rassurance, un répondant nous a indiqué « je ne peux pas les vérifier (les
informations environnementales) donc je suis tenté de faire confiance  ». Ce
constat rejoint la littérature sur le rôle modérateur de l’expertise (Maheswaran,
1994 ; Perrouty et al., 2006) qui influence le comportement des consommateurs
en termes de traitement de l’information ; les « experts »  semblent se concentrer
plus sur les attributs intrinsèques du produit alors que les « novices »  s’appuient
sur les attributs extrinsèques tels que les labels pour évaluer un produit.
Conclusion

Cette recherche avait pour objectif de mettre en évidence le rôle de l’éco-label


dans l’accroissement de la confiance du consommateur. De ce point de vue,
nos résultats confirment que l’éco-label valorise mieux les produits que les
informations environnementales non labellisées. Cependant, nous soulignons
que d’une façon générale le consommateur a très peu confiance envers les
informations environnementales quelle que soit leur nature (officielle ou non).

307
41

Notre étude a montré que l’éco-label n’est pas à lui seul un gage de confiance. Afin
de réduire le risque perçu, les consommateurs font recours à d’autres attributs
extrinsèques tels que le prix, le producteur/vendeur, la marque ou encore le pays
d’origine. Ce résultat laisse supposer des effets de congruence possibles entre
attributs. Vu l’importance soulignée de l’origine géographique, nous pouvons
suggérer ici des effets de congruence entre l’éco-label et le pays d’origine. Les
entreprises qui fabriquent des produits respectueux de l’environnement dans
des pays qui ont une bonne réputation écologique ont, nous semble-t-il, tout
intérêt à mettre en avant l’origine du produit. Cette piste peut faire l’objet d’une
investigation plus approfondie.

Le manque de confiance envers l’étiquetage environnemental peut être expliqué


d’une part par un manque de crédibilité ressenti par les consommateurs et
d’autre part par une insuffisance de communication autour de son contenu. Pour
dépasser cette limite et vérifier ou compléter un certain nombre d’informations,
les consommateurs ont recours soit à des sources d’informations externes tels
que Internet, magazines ou vendeurs, soit à leur propre expertise. Nos résultats
révèlent que le niveau de confiance des consommateurs envers l’étiquetage
environnemental pourrait se renforcer si les industriels font l’effort de présenter
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des informations plus détaillées sur les procédures de fabrication, les critères
d’évaluation considérés, le pays d’origine du produit, et la signification du label.
La nouvelle directive du Grenelle 2177 qui veut imposer une généralisation de
l’affichage environnemental sur les produits de consommation à partir de 2011
va sans doute résoudre le problème actuel du manque d’harmonisation des
procédures de certification. Elle marquerait la fin des étiquetages non officiels
et probablement celle des éco-labels. En revanche, les informations exigées
par l’Etat risquent de ne pas répondre aux attentes des consommateurs. Nous
pensons que les entreprises doivent aller au-delà de l’affichage imposé et fournir
au consommateur des informations plus complètes.

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produits au cours de leur cycle de vie par tout procédé approprié (marquage, étiquetage, affichage…).

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environnementale  : quelles conséquences sur
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