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LA PERCEPTION DE LA RSE PAR LES CLIENTS : QUELS ENJEUX POUR LA

« STAKEHOLDER MARKETING THEORY »?

Anne-Sophie Binninger, Isabelle Robert

Management Prospective Ed. | « Management & Avenir »

2011/5 n° 45 | pages 14 à 40
ISSN 1768-5958
DOI 10.3917/mav.045.0014
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-5-page-14.htm
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La perception de la RSE par les clients :


quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

par Anne-Sophie Binninger1 et Isabelle Robert2

Résumé

Alors que les pratiques managériales de la responsabilité sociale des


entreprises (RSE) s’institutionnalisent et se généralisent, le consommateur
est aujourd’hui la cible de nombreuses actions RSE. L’objet de notre article
est de mieux appréhender la perception de la RSE par les consommateurs
dans une perspective globale et un contexte de crise. Les résultats de cette
étude conduisent à proposer des pistes de réflexion sur les nouveaux enjeux
qui s’offrent à la fonction marketing, nous inscrivant dans le courant de la
« stakeholder marketing theory ».
Abstract

While the management practices of Corporate Social Responsibility (CSR)


are institutionalizing and widespread, the consumer is now the target of
many CSR actions. This article intends to explore consumer’s perception
of CSR in a context of crisis and a global perspective. The results of this
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study lead to propose some ideas about emerging issues available to the
marketing function in the course of the “stakeholder marketing theory”.

La problématique de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est


devenue depuis quelques années un enjeu stratégique pour les managers et
un objet d’étude pour les chercheurs en sciences de gestion et en marketing
(Trinquecoste, 2008). Elle comporte incidemment une invitation à repenser
l’entreprise dans la perspective élargie de ses relations avec la société et
comprend aussi un volet environnemental (Martinet et Reynaud, 2004). Elle
peut être considérée comme la voie managériale par laquelle s’expriment les
orientations stratégiques de l’entreprise en matière de développement durable,
même si les deux mouvements restent conceptuellement différents. Sous la
poussée institutionnelle et sociale, la majeure partie des grandes entreprises
a désormais mis en place une palette d’actions orientée vers la responsabilité
sociale dans le but initial de répondre à une problématique d’image vis-à-vis
des parties prenantes. La définition de la RSE repose sur deux idées phares
selon lesquelles les entreprises ont des responsabilités qui vont au-delà de
la recherche de profit et du respect de la loi, et que celles-ci concernent, non

1..ANNE-SOPHIE BINNINGER, Reims Management School, LIPSOR, CNAM, anne-sophie.binniger@reims-ms.fr


2. ISABELLE ROBERT, Reims Management School, LSMRC, Université Lille Nord de France, isabelle.robert@reims-ms.fr

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La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

seulement les actionnaires mais l’ensemble des parties prenantes des activités
de l’entreprise (Swaen et Chumpitaz, 2008).

Afin d’explorer les liens que l’entreprise tisse avec ces nouveaux acteurs,
plusieurs cadres conceptuels ont été définis par les chercheurs : la théorie
contractualiste, la théorie institutionnaliste et la théorie des parties prenantes
(Sobczak et Berthoin Antal, 2010). Cette dernière théorie est devenue
aujourd’hui une référence incontournable pour les praticiens lorsqu’on évoque
l’opérationnalisation du concept. Elle se concrétise en entreprise par une
identification et une qualification des différentes parties prenantes et par le recueil
de leurs attentes. Depuis quelques années, un courant de recherche parallèle
et propre au marketing émerge. Dénommé « stakeholder marketing theory»,
ses fondements reposent sur « une orientation partie prenante » de la fonction
et constituent un élargissement de « l’orientation marché » devenue classique
depuis les travaux de Kohli et Jaworski (1990) ou Narver et Slater (1990). Elle
propose une introduction encore plus systématique d’acteurs autres que le
client dans la définition de la stratégie marketing. Ce mouvement a pris corps
lors du « Stakeholder Marketing Consortium » organisé en septembre 20073,
et considère que le marketing constitue la discipline ou la fonction la mieux
positionnée au sein des organisations pour prendre en compte les attentes des
différents acteurs et ré-enchâsser l’entreprise dans la société.

Dans ce cadre, de nombreuses recherches ont été menées en marketing sur la


perception et l’impact des actions de RSE sur la partie prenante « consomma-
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teur ». Non seulement elles optent pour une focalisation délibérée sur des
approches très spécifiques de la RSE tels que le discours environnemental
des entreprises, le marketing vert, ou le cause related marketing (Swaen et
Chumpitaz, 2008), mais elles restent aussi axées sur la prise en compte de
l’individu dans son unique rôle de consommateur ou de client. Or, les recherches
actuelles nous incitent à aller plus loin et à approcher ce consommateur de
façon large et sans que des contraintes de contexte ne puissent jouer un rôle
trop déterministe.

De façon générale, il faut constater que la RSE reste éminemment complexe


et floue non seulement pour le praticien mais aussi et surtout pour le client-
consommateur exposé à de nombreux messages porteurs d’engagements
sociétaux dont la validité n’est pas évidente à vérifier. Il paraît donc important
d’approfondir comment l’individu perçoit le concept de RSE dans sa globalité, il
évalue les pratiques de responsabilité sociale mises en place par les entreprises,
et de vérifier si cette perception influe sur la réputation de ces entreprises.
L’objectif final est de favoriser l’articulation entre les principes de la RSE, les
approches managériales traditionnelles et nouvelles et les attentes de la « partie-
3. Ce premier consortium a eu lieu à Aspen, en septembre 2007 et fut organisé par Aspen Institute’s Business and Society Program,
Boston University and the Marketing Science Institute.

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prenante client » prise dans une perspective élargie et non restrictive.


La base de cet article provient d’une étude exploratoire qualitative menée en
deux étapes : une réunion de groupe de près de quatre heures et des entretiens
semi-directifs en face à face réalisés au domicile des interviewés. Après avoir
présenté les fondements conceptuels sur lesquels nous nous appuyons, nous
présenterons la méthodologie de l’étude ainsi que les principaux résultats. Nous
clôturerons cet article par une discussion sur les nouveaux enjeux qui s’offrent à
la fonction marketing, nous inscrivant dans la voie de la « stakeholder marketing
theory ».

1. Les fondements théoriques

1.1. RSE et réputation de l’entreprise

1.1.1 La RSE : un concept à géométrie variable


Le concept de Responsabilité sociale des entreprises (RSE), né à la fin du
XIXème siècle aux Etats-Unis, connaît depuis une quinzaine d’années une
reconfiguration nouvelle dans un contexte où les modes de régulation traditionnels
sont interrogés (Acquier et Gond, 2006). Ce renouveau se caractérise par une
internalisation croissante de la RSE dans les pratiques de management (Sharp
et Zaidman, 2010) et par l’apparition de nouveaux marchés de la responsabilité
sociale (Acquier et Gond, 2006). Bien que le concept de RSE soit totalement
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reconnu dans le milieu académique, l’absence d’une définition consensuelle et
d’une base normative ainsi qu’un champ contesté ne facilite pas sa mise en
pratique (Okoye, 2009). En effet, depuis Bowen (1953), la RSE a généré un
vaste courant de recherche et abouti à des conceptions différentes, héritées
de postures ontologiques et épistémologiques mais également de contextes
historique et culturel distincts (Acquier et Aggerri, 2008). La vision métissée du
concept avec celui de développement durable est loin d’être partagée dans tous
les pays. Une approche généalogique de la RSE fait ressortir, selon Capron et
Quairel (2008), trois conceptions de la RSE distinctes à l’origine : la première
héritée du paternalisme, la seconde stratégique et utilitariste et une troisième
conception en lien avec le concept de « soutenabilité ». S. Brabet (2010) identifie
également quatre approches démontrant que la dynamique de la RSE s’inscrit
dans un champ contesté. Le premier modèle donne la primauté à l’actionnaire
et repose sur l’idée que si les marchés sont efficients, le bien-être sociétal
en découlera. Le second modèle fait référence au « volontarisme des parties
prenantes », mettant en exergue la profitabilité et le « business case » de la RSE,
c’est-à-dire la conciliation parfaite des objectifs de la triple bottom line (People,
Planet an Profit). Le troisième modèle basé sur la co-régulation repose sur un
processus d’institutionnalisation de la RSE et sur une conflictualité potentielle des
acteurs. Le dernier modèle s’inscrit dans le courant des Biens Publics Mondiaux,

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quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

la solidarité et le développement durable étant les valeurs maîtresses de ce


scénario. Aujourd’hui, de nombreux travaux en sciences de gestion font souvent
référence à la rationalité utilitariste de la RSE et au processus organisationnel
qui en découle.
1.1.2. La RSE : antécédent ou dimension de la réputation ?
Depuis quelques années, les recherches tant académiques que professionnelles
se sont polarisées sur les liens entre la RSE et la performance des entreprises
(Barnett, 2007, Orlitzky et al. 2003). Plus précisément, comme le souligne Siltaoja
(2006), la question de la légitimité sociétale de l’entreprise et des avantages
concurrentiels découlant des actions sociétalement responsables sont à
l’origine de nombreux articles académiques. Outre l’exploration des liens entre
performance financière et performance sociétale, les interactions entre RSE et
réputation d’entreprise font l’objet de recherches récentes (Mahon et Wartick,
2003 ; Hillman et Keim, 2001; Brammer et Millington, 2005 ; Siltaoja, 2006). Selon
les différents travaux, la réputation d’une organisation est issue de l’assemblage
de toutes les images qui se sont construites au fur et à mesure du temps auprès
des différents publics (Fombrun, 1996). Elle peut résulter ou non de la stratégie
décrétée par l’entreprise, et est basée sur une série d’expériences avec l’entreprise
et d’actions passées et présentes. Le facteur temps est le principal élément
distinctif des notions de réputation et d’image d’entreprise. En effet, pour Rindova
(1997), les réputations sont relativement stables et durables et « sont distillées
au fil du temps à partir de multiples images ». Comme le précisent Fombrun
(1996), Fombrun et Shanley (1990) et Rindova et al (2005), la réputation d’une
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organisation s’apparente à la façon dont l’organisation est perçue par l’ensemble
de ses parties prenantes et à sa capacité à créer de la valeur, comparativement
à ses concurrents. Selon Smidts et al (2001), la réputation d’une entreprise est
un concept « multi parties prenantes » car il englobe l’ensemble des perceptions
reçues et générées par celles-ci.

En dépit de l’intérêt croissant pour la RSE et la réputation des entreprises,


les interactions entre ces deux notions ne semblent pas à ce jour clairement
identifiées (Hillenbrand et Money, 2007). Pour certains auteurs, la RSE est
considérée comme un antécédent de la bonne réputation de l’entreprise. La mise
en place d’une démarche stratégique RSE (Pirsch et al, 2007), la normalisation
de la RSE au sein de l’entreprise (Fombrun, 2005), la multiplication des dons de
nature philanthropique (Brammer et Millington, 2005, Pracejus et Olsen, 2004)
ou le dialogue avec les parties prenantes (MacMillan et al., 2004) apparaissent
comme les éléments construisant celle-ci. Pour d’autres, la RSE est considérée
comme un attribut ou une dimension intrinsèque de la réputation (Schnietz et
Epstein, 2005, Zyglidopoulos, 2001). Dans cette logique, Fombrun (1998)
établit la construction de la réputation d’une entreprise à partir de six critères :
la performance financière, la qualité des produits, le traitement des employés,
l’implication dans la communauté et les performances environnementale et

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organisationnelle. Contrecarrant ces deux courants, les conclusions d’Hillenbrand


et de Money (2007) conduisent à considérer une forme de complémentarité à ces
deux concepts pris dans la perspective stakeholder : chacune des deux notions
(antécédent ou attribut) pouvant être considérée « comme les deux faces d’une
même médaille ».

Dans la pratique, les scandales successifs des deux dernières décennies,


mettant en exergue l’irresponsabilité sociétale de certaines entreprises (Nike,
Gap, Total, Union Carbide, Exxon…) se sont accompagnés d’une détérioration du
capital réputationnel de ces entreprises. Les exemples de Nike ou de Total sont
particulièrement probants. Afin de consolider ou de renforcer leur réputation, les
entreprises ont instauré de façon réactive ou plus proactive des démarches RSE
sous la pression des parties prenantes, permettant alors à la fonction marketing
d’enclencher un commencement d’appropriation direct du concept de RSE.

1.2. La RSE et la fonction Marketing


La littérature marketing intègre les dimensions de la RSE depuis longtemps
mais avec une approche fragmentée orientée vers les exigences sociales de la
fonction (Kotler et Levy 1969, Lazer 1969) ou vers les prises de décision éthiques
des managers (Ferrel et Gresham 1985, Hunt et Vitell 1986, Jones 1991), en
mettant en avant le rôle essentiel de l’environnement culturel et social ou la
nécessité des processus organisationnels adaptés. Ces nombreux travaux ont
posé les bases conceptuelles d’une approche RSE de la fonction mais sans
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explorer les responsabilités « corporate » de la firme en tant qu’entité globale.
De nombreuses recherches se focalisent aussi sur des dimensions limitées de
ce construit, renforçant l’idée de morcellement dénoncé par Maignan et Ferrel
(2004) : par exemple le marketing environnemental « corporate » (Menon et
Menon 1997), ou le marketing relié à des grandes causes (Varadarajan et Menon
1988). Ces travaux s’établissent dans une première étape d’intégration interne
des valeurs de responsabilité, mais se focalisent peu sur l’approfondissement
des relations avec les clients et les marchés et sur la prise en compte holistique
du concept.

Le courant de la RSE dans sa perspective conceptuelle globale est pris en compte


dans les travaux en marketing assez récemment (Kotler et Lee 2005, Maignan et
Ferrel 2004). Il apparaît comme une réponse adaptée à la complexité accrue des
marchés et des processus d’échanges (Fry et Polonsky, 2004). Cette officialisation
transparaît en 2004 lorsque l’AMA (American Marketing Association) intègre la
notion de parties prenantes dans la définition du Marketing en précisant son rôle
comme étant « un ensemble de processus pour créer, communiquer et délivrer
de la valeur aux clients, et pour manager la relation client de façon à ce que toute
l’organisation et les parties prenantes en bénéficient ».

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La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

La fonction marketing est identifiée comme levier de diffusion de la stratégie


RSE à toute l’organisation et aux parties prenantes, notamment en recueillant le
feed-back de ces dernières et en orchestrant la communication sur les initiatives
RSE (Maignan et al. 2005). Cette prise en compte du marketing par le prisme
de la RSE n’est pas banalisée et doit encore faire l’objet d’approfondissements.
Elle identifie néanmoins des approches stratégiques particulières avec deux
typologies d’entreprise qui émergent : (a) l’une élaborant des stratégies
marketing responsables ad hoc, qui prennent souvent essence dans des
contextes d’entrepreneuriat ou de création de marché, (b) l’autre orientée vers la
construction de plans d’action ciblés sur certaines marques ou produits, souvent
parcellaires, unidimensionnels ou isolés, mais qui peuvent aussi constituer
la première étape d’une démarche RSE. Dans le premier cas, la démarche
marketing s’aligne sur la stratégie de l’entreprise et répond au projet social,
éthique, équitable ou environnemental global. Dans le second, il s’agit d’élaborer
une offre produit ou une communication arrimées à ce courant, sans remise à
plat de l’ensemble des décisions et plans d’action (conception d’une gamme de
produit « verte », apposition d’un label sociétal sur une marque, création d’une
campagne publicitaire mettant en avant des allégations environnementales ou
encore développement d’un mécénat humanitaire ou d’une promotion partage).
Une des dérives possibles de la fonction est de contribuer à décrédibiliser la
démarche RSE par une utilisation débridée des arguments sociétaux dans
les communications (Jahdi et Acikdilly, 2009). Sur un plan plus managérial,
une dispersion des actions, voire une forme de manipulation dans certaines
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opérations menées sont justement pointées, faisant ressortir certaines tensions
et contradictions entre les approches traditionnelles du marketing et la notion de
RSE (Louppe, 2006).

1.3. La prise en compte du client comme partie prenante

1.3.1. De la « stakeholder theory… »


Dans la littérature sur le management stratégique, la théorie des parties
prenantes est aujourd’hui totalement arrimée au concept de RSE et devient un
cadre théorique fortement mobilisé par les chercheurs en sciences de gestion.
En réaction à la shareholder theory (théorie de l’actionnaire) qui sous-entend
que la principale responsabilité sociale de l’entreprise concerne la maximisation
de la richesse des actionnaires, Freeman (1984) avec la stakehoder theory va
placer l’entreprise au cœur d’un ensemble de relations avec de multiples parties
prenantes qui ne se limitent pas aux simples actionnaires mais à l’ensemble
des individus qui sont liés à l’entreprise. Elle amène à considérer l’entreprise
comme « une constellation d’intérêts coopératifs ou concurrents » (Donaldson
et Preston 1995). L’une des premières difficultés conceptuelles rencontrées est
la définition et la délimitation des parties prenantes. Selon la définition la plus
large proposée par Freeman (1984), une partie prenante est « un individu ou un

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groupe d’individus, pouvant affecter la performance de l’entreprise ou pouvant


être affecté par la réalisation des objectifs de l’organisation ». La définition de
Clarkson (1995) classe les parties prenantes en deux strates, l’une primaire et
l’autre secondaire, à partir du type de relations entretenues avec la firme4. Ainsi,
la conception de nature contractualiste considère comme parties prenantes,
celles qui sont en relation contractuelle ou quasi-contractuelle avec l’entreprise.
En revanche, la conception institutionnaliste prône une intégration plus large, en
incorporant notamment l’environnement naturel.

Généralement, la théorie des parties prenantes est interprétée selon trois


courants distincts : descriptif, instrumental et normatif. En d’autres termes, les
approches descriptives cherchent à étudier et à rendre compte des pratiques des
entreprises. L’approche instrumentale cherche davantage à mesurer l’efficacité du
management des parties prenantes. Elle se focalise plus précisément sur les
liens entre les pratiques des entreprises visant à intégrer les attentes des parties
prenantes et les performances économiques et organisationnelles de l’entreprise.
Insufflée par Jones (1995), cette orientation instrumentale tente de démontrer
qu’une meilleure gestion des parties prenantes améliore les résultats financiers de
l’entreprise. Dans l’approche normative, la théorie des parties prenantes spécifie
les obligations morales de l’organisation. Les travaux qui s’inscrivent dans ce
dernier courant s’interrogent sur la nature de la responsabilité de l’entreprise à
l’égard des parties prenantes et sur la manière dont l’entreprise doit se comporter.
Au-delà de ces approches distinctes dans leur nature et leurs objectifs, certains
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auteurs suggèrent que la théorie des parties prenantes est multiforme et possède
de nombreux critères qui peuvent changer au fil du temps (Harrison et Freeman,
1999). A ce jour, comme le soulignent Hillenbrand et Money (2007), une grande
partie de la recherche se focalise sur les démarches instrumentales et normatives.
Or, dans les démarches descriptives, peu de travaux empiriques ont examiné la
perception de la RSE par les différentes parties prenantes, et en particulier celle
du client-consommateur.

1.3.2. … à la “Stakeholder marketing theory”


L’intégration de la stakeholder theory dans l’approche marché est extrêmement
récente et prouve que les stratégies marketing se sont essentiellement construites
sur une seule partie prenante : le client. Comme le soulignent Smith, Drumwright
et Gentile (2010), l’intégration déjà ancienne des conseils de Levitt (1960) qui
recommandait de se focaliser sur les attentes des clients, et la redécouverte plus
récente de la satisfaction et la fidélité de ce même client au cours des années
90, ont conduit à une approche restrictive et peu bénéfique du marketing. Elle
est palpable selon ces auteurs à partir de trois phénomènes intrinsèquement liés
qui sont observés dans de nombreuses entreprises : « (1) un seul objectif en
4. Les parties prenantes primaires incluent les employés, les fournisseurs, les clients et les organismes publics engagés dans des
relations formelles avec l’entreprise. En revanche, les parties prenantes secondaires intègrent les médias et les groupes d’intérêts
spéciaux, non engagés dans les transactions formelles de l’entreprise (Clarckson, 1995)

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La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

tête : le client avec une exclusion des autres parties prenantes, (2) une définition
trop étroite de la clientèle et de ses besoins, et (3) l’absence de prise en compte
du contexte sociétal de l’entreprise qui impose de prendre en compte toutes les
parties prenantes ». Cette attitude considérée par ses auteurs comme une myopie,
a conduit les marketeurs à étudier le client sous sa facette unique d’acheteur
ou de consommateur, oubliant que ce dernier pouvait être à la fois employé,
citoyen, membre d’une association, actionnaire, ou se sentant tout simplement
membre d’un « village planétaire » (Smith et al, 2010). Parallèlement, des parties
prenantes autres que les consommateurs, comme par exemple les membres
d’associations, d’ONG, les experts scientifiques, les collectivités territoriales ont
été généralement ignorées ou tout simplement considérées par les responsables
marketing comme des adversaires (Spar et La Mure 2003, Yaziji 2004). Comme
le suggère Bhattacharya (2010), « peu d’attention est accordée à la myriade
d’acteurs qui (intentionnellement ou non) influence et est influencée par les
actions des entreprises ». Aujourd’hui, plusieurs travaux vont dans le sens d’une
définition plus complète du profil des parties prenantes pour orienter les stratégies
marketing, en distinguant des groupes de clients différents selon leur importance
pour l’entreprise, en même temps que des types de concurrents (Greenley et al.
2004). Des approches plus directes considèrent le client dans une optique de
collaboration en évoquant la notion de client-partenaire (Louppe 2006). Enfin, et de
façon parallèle, de nombreux travaux s’attachent à décrypter les comportements
de consommation en accolant des termes relatifs à la citoyenneté à travers
les courants de la consommation écologique (Giannelloni 1998), socialement
responsable (Le Gall 2002) ou éthique. Ces travaux approfondissent les notions
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de consommateur-citoyen, de consommateur éthique, de consommateur
socialement responsable mais restent centrés sur une approche utilitariste visant à
détecter de nouveaux profils de consommateurs, leurs ressorts de consommation
et leurs comportements d’achat. Ils permettent toutefois de justifier une réflexion
plus globale sur l’intrusion de facettes collectives, sociales et sociétales dans les
relations qu’un client entretient avec l’entreprise.

De nouvelles définitions du marketing ont également fait leur apparition en


suggérant le rôle prépondérant des parties prenantes dans les démarches
marketing, mais qui restent peu pratiquées. La définition du marketing par
l’AMA en 2004 fait désormais référence aux parties prenantes mais l’AMA a été
critiquée quant à la gestion marketing de ses parties prenantes et à sa volonté de
commercialiser la notion de performance sociétale (Gundlach 2007). L’essentiel
des critiques portent sur la façon dont sont appréhendées les parties prenantes par
le marketing : comme le précise Lusch (2007), « elles sont toujours considérées
comme de simples bénéficiaires et non comme des parties prenantes à part
entière, telles qu’elles sont habituellement définies ». Etonnamment, la discipline
du marketing ne s’est pas réellement penchée sur le rôle de la fonction marketing
à l’égard des parties prenantes de l’entreprise (Ferrell, Gonzalez-Padron, Hult et
Maignan, 2010). Au lieu de cela, tout en reconnaissant l’orientation marché (MO)

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comme un concept clé dans la stratégie marketing au cours des deux dernières
décennies, les chercheurs ont implicitement positionné les clients comme la
partie prenante stratégique donc omnipotente.

Malgré cette intégration utilitariste ou timide des parties prenantes par le


marketing, Sheth et Uslay (2007) considèrent qu’une phase de changement est
en marche, passant du paradigme classique de l’échange à celui plus vaste de la
création de valeur. Or cette rupture paradigmatique ne peut se construire qu’avec
la collaboration de l’ensemble des parties prenantes (Lusch 2007). Ainsi est
apparue une nouvelle approche des marchés basée sur une orientation parties
prenantes à la fois interne et externe, qui élargit le champ du concept classique
d’environnement marketing, mais sans parler exclusivement de clients. Comme
le suggèrent Maignan et Ferrel (2004), cette adoption du concept de « marketing
des parties prenantes » invite l’entreprise à ne pas se focaliser uniquement
sur deux types de parties prenantes que sont les clients et les membres des
circuits et réseaux, mais à s’ouvrir à une multitude d’acteurs, et à ne pas oublier
des notions plus globales comme les communautés de parties prenantes,
les normes des parties prenantes et le pouvoir des parties prenantes. Si une
grande partie de la réflexion actuelle considère que les acteurs sont distincts
et mutuellement exclusifs, les frontières peuvent devenir facilement poreuses.
Comme le soulignent Battacharya et Korschun (2008), « l’intégration de nouvelles
théories ou méthodes issues d’autres disciplines, comme par exemple la théorie
des écosystèmes, permet de mettre en lumière les tensions potentielles et les
synergies engendrées par les réseaux d’individus et les interconnections entre
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ceux-ci ».

Pour conclure cette partie théorique, nous pouvons affirmer que la RSE constitue
un champ de recherche non circonscrit, notamment lorsqu’on se place sur le
plan des perceptions qu’elle engendre et des implications et enjeux qui peuvent
en découler. Nous plaçant à la suite de Ferrel et al (2010) qui engagent les
chercheurs en marketing à s’engager vers des orientations plus complètes de
la RSE et des parties prenantes, nous considérons qu’il est opportun de tenter
d’approcher la partie prenante « client » sous un angle holistique, qui permettra
de se situer au-delà de la simple relation de transaction entre un individu-acheteur
et une entreprise fournisseur de biens et services.

2. L’étude empirique

2.1. La méthodologie de l’étude


Compte tenu de l’objectif de l’étude, une étude qualitative exploratoire a été
privilégiée. Dans un premier temps, une réunion de groupe d’une durée de
3h30 avec 11 consommateurs a été menée à Paris. Ceux-ci ont été recrutés par

22
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

une société d’études spécialisée, avec une recherche d’équilibre entre âge et
catégories socioprofessionnelles. Le caractère général de l’étude ne nécessitait
en effet pas de profil particulier. Elle visait à appréhender de manière approfondie
le concept de RSE et circonscrire les contours perceptuels et les évocations
reliées à cette notion. Dans ce cadre, une technique projective a été mobilisée
durant la réunion, notamment la technique du portrait chinois, permettant de
libérer l’imagination des consommateurs interrogés et de repérer le contenu de
la représentation. Ces consommateurs ne connaissaient pas l’objet de l’entretien
avant de participer, n’avaient pas de connaissance particulière de la RSE et n’ont
pas été guidés lors de l’entretien par une définition précise de la RSE. Deux
groupes ont été constitués avec pour chacun un animateur formé aux méthodes
qualitatives. Une vitre sans tain permettait à deux observateurs de vérifier
l’évolution des thématiques évoquées et de retranscrire les idées et verbatims.
La réunion était articulée autour de trois thèmes : la RSE (définition, évocations
spontanées, analogies), l’identification et la description d’une entreprise
responsable et irresponsable et les attentes des individus en matière de RSE,
puis en matière de relation client. Très vite, il nous est apparu que le contexte
actuel de crise économique et de craintes vis-à-vis du pouvoir d’achat constituait
une trame de fond qui orientait très certainement les réponses et la perception
des entreprises. Nous avons donc considéré cette dimension contextuelle comme
un élément à intégrer lors de la seconde phase.

Dans un second temps, des entretiens de type semi-directifs ont été réalisés en
face à face auprès de 30 consommateurs, au domicile des personnes interrogées,
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en prêtant attention à l’hétérogénéité de l’échantillon et en respectant la méthode
des quotas (principales variables : la catégorie socioprofessionnelle, l’âge et
le sexe). L’échantillon se compose de 15 hommes et de 15 femmes, avec une
répartition par classe d’âge homogène (8 répondants âgés de moins de 30 ans,
11 répondants dont l’âge oscille entre 30 et 50 ans et 11 répondants de plus de
50 ans). La répartition des personnes interviewées selon la CSP est la suivante :
3 agriculteurs exploitants, 5 cadres supérieurs, 6 professions intermédiaires,
4 employés, 2 ouvriers, 5 retraités, et 5 étudiants. L’échantillon est également
constitué de personnes vivant majoritairement en zones urbaines (75%) et plus
précisément dans les régions suivantes : Nord-Pas de Calais, Champagne-
Ardenne, Centre, Aquitaine et région parisienne. La durée de l’entretien a été
de 45 minutes en moyenne. Pour les entretiens, le choix d’une méthode semi-
directive a conduit à la mise au point d’un guide d’entretien organisé autour des
thématiques principales :
- La définition, représentation et perception de la RSE (périmètre, contenu,
signes…) en général puis dans un secteur d’activité prédéterminé,
- l’image des entreprises intégrant ce concept (perception, raisons,
bénéfices, risques, bénéficiaires, classement…),
- la RSE dans le quotidien du consommateur (comportement, freins,
achat…).

23
45

Un focus particulier a été réalisé sur la représentation de la RSE dans trois


secteurs d’activité : la grande distribution alimentaire, l’automobile et les
télécommunications.
Le dépouillement du verbatim s’est opéré selon les phases habituelles d’une
étude thématique qualitative. Les données issues des entretiens individuels et de
la réunion de groupe ont été retranscrites, analysées et codées. Dans le cadre
de cet article, nous avons opté pour une analyse globale reprenant les verbatims
issus de la réunion de groupe et des entretiens individuels. Une analyse de
contenu thématique croisée entre les deux auteurs a été conduite à partir d’un
codage manuel afin de faire ressortir les principales orientations structurant les
différents discours. Les catégories conceptuelles ont été construites à partir des
thèmes définis lors de la conception du guide d’entretien. Ensuite, chaque extrait
d’interview a fait l’objet d’une étude thématique et d’un premier codage des
différentes informations qu’il englobait.

2.2. Les principaux résultats

2.2.1. La RSE sur fond d’attentes économiques


Le premier niveau d’analyse se doit de préciser l’influence incontournable
des éléments conjoncturels de la crise économique déjà présents lors de la
réunion de groupe, puis de la crise financière lors des entretiens semi-directifs,
sur les résultats et la perception de la RSE. D’autres éléments, faisant partie
intégrante des comportements d’achat actuels et classiquement étudiés en
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marketing comme la recherche de prix bas, de promotions, le sentiment de faire
de bonnes affaires (Burton et al.1998, Mägi, 2003) et le développement des
offres « low cost » constituent le second volet d’une orientation transactionnelle
et opportuniste des achats pouvant aussi avoir une influence sur la perception
de la RSE. Mais il faut noter que ces dimensions constituent des bases de
travail habituelles impactant les marchés depuis plusieurs années maintenant
(Lichtenstein et al. 1995). Si aucun postulat théorique ne permet de considérer
que ces dimensions économiques ne sont en conflit avec le concept de RSE,
il est légitime de trouver des contradictions entre le fait de considérer le prix le
plus bas d’un produit comme critère prioritaire de choix, et celui de prendre en
compte des principes de fabrication et de commercialisation éthiques, sociaux
ou environnementaux, qui auront des impacts sur les prix. Ce constat rejoint les
nouvelles recherches sur les arbitrages budgétaires (Volle 2007), qui peuvent
s’opérer entre les différents postes de consommation d’un ménage, lors des
remplacements de produits ou encore entre des dépenses d’ordre financier et
temporel (Duxbury et al. 2005). Ces éléments constituent donc indéniablement
une trame de fond qui va colorer la teneur des réponses, les analyses et les
interactions entre l’entreprise et les individus. L’intégration de cette variable
contextuelle s’est donc faite naturellement avec une focalisation sur le sens des
interactions ainsi étudiées.

24
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

2.2.2. Les principes de la RSE sujets à caution


Dans un premier temps, l’image RSE de l’entreprise en général apparaît peu
crédible en générant un manque d’adhésion et un certain cynisme de la part des
interviewés. Considérée comme un affichage déclaré des entreprises reposant
sur peu de faits concrets, la RSE renvoie automatiquement à des éléments
économiques en lien avec les difficultés actuelles, gommant les aspects positifs
du concept. Dans plus d’un tiers des cas, les premiers mots concernant la RSE
sont : « exploitation » (Bernard, 67 ans), « délocalisation » (Annabelle, 26 ans),
(Catherine, 52 ans), « Licenciements » (Pauline, 25 ans) et font donc directement
référence aux problématiques sociales en lien avec la crise. Les portraits chinois
utilisés pour qualifier la RSE mettent au jour des images négatives ou anxiogènes
: « lion » (Alain, 44 ans), (René, 48 ans), « loup » (Caroline, 32 ans), « désert »
(Damiens, 27 ans), « krach boursier » (Gérard, 54 ans), « manoir inhabité »
(Sylvie, 47 ans (focus groupe)), « forêt vierge » (Thomas, 25 ans (focus group)),
le film « les temps modernes » (Bruno, 46 ans), (Catherine, 52 ans) « l’associé
du diable » (Marie, 48 ans). Ces termes sont forts, faisant référence à une forme
d’hostilité envers l’entreprise en général et rentrent en contradiction avec la
notion. L’environnement économique donne sans réelle surprise une coloration
négative au concept.

Pour les catégories sociales moyennes ou basses, la crise et la baisse de pouvoir


d’achat apparaissent comme un moment charnière qui montre le « vrai » visage
des entreprises en exacerbant leurs penchants non sociaux. Il s’agit pour elles
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« de licencier, de profiter de la crise pour dégraisser, sans justification réelle »
(Bernard, 67 ans). Pour les catégories sociales les plus élevées, la perception
de la RSE reste plus ambivalente. Le fait de ne pas pouvoir jouer un rôle sociétal
élargi est compris si l’entreprise fait des arbitrages financiers au profit de ses
salariés: « Ceci va sûrement freiner les entreprises qui veulent développer leur
RSE. On va essayer de sortir de la crise plutôt que de pratiquer de la RSE. Il faut
des réductions de budget dans tous les domaines, donc également sur celui de
la RSE, il faut être réaliste, la RSE coûte cher ! » (Bruno, 46 ans).

Sur le plan des comportements d’achat, les arguments RSE développés dans
les communications ou les argumentaires des produits consommés sont peu
discriminants face à la variable prix, avec des remarques comme : « toujours le
prix, c’est le prix qui fait réfléchir » (Bruno 46 ans), « le prix est certainement le
frein le plus important » (Pauline, 25 ans), « une entreprise qui est socialement
beaucoup plus éthique a généralement des produits plus chers, en tant
qu’acheteur, je regarde le prix et le produit » (Michelle, 50 ans), « je ne regarde
pas derrière pour voir comment l’entreprise fonctionne, quelles sont ces pratiques,
si les employés sont stressés ou bien rémunérés… » (Lucien, 72 ans).

25
45

Certains sont encore plus directs en affirmant non pas ne pas vouloir mais ne
pas pouvoir intégrer la RSE dans leurs achats, avec des remarques comme « je
recherche à acheter le moins cher possible et je néglige la responsabilité sociale
de l’entreprise car il y a une diminution de mon pouvoir d’achat » (Julie, 22 ans),
« je recherche à faire des économies en consommant moins cher et moins de
marques » (Gérard, 54 ans), « j’ai tendance à comparer les prix » (Annabelle,
26 ans), « je fais attention à mes dépenses et donc les prix de certains produits
peuvent me dissuader même s’il s’agit de produits d’entreprises responsables »
(Catherine, 52 ans).

Il reste difficile d’identifier le degré de contrainte de ces comportements, ainsi


que leur lien avec des aspects économiques plus conjoncturels. Toutefois, la
tendance à la prise en compte par certains consommateurs, d’une dimension
responsable dans les actes de consommation apparaît. Ce qui rejoint les
constats faits par de nombreux chercheurs (Roux 2007). Ces consommateurs
affirment se centrer de façon plus régulière sur les achats dits « nécessaires »,
se questionnent et rejettent le superflu, les dépenses inutiles, essayent de se
focaliser sur les produits provenant des entreprises françaises. Ils estiment
que les difficultés économiques actuelles vont remettre en cause leurs modes
d’achat, en changeant l’approche des entreprises qui seront contraintes, pour
être crédibles, à intégrer la variable sociale dans leurs offres. L’individu reprend
alors le concept de RSE à son compte devant l’ampleur des phénomènes
économiques, environnementaux et sociaux, et se pose la question de sa propre
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responsabilité.

La défiance à l’égard des entreprises et de leur volonté d’arrimer des actions de


responsabilité sociale et environnementale à leurs activités commerciales reste
tangible sur un plan global, mais devient modulable dès lors qu’on évoque un
secteur d’activité ou une entreprise particulière. Le degré de « contrainte subie »
ou au contraire de « pro-activité voulue » par l’entreprise contribue à modifier
ce scepticisme. Il octroie même aux acteurs qui opèrent sur le marché avec
une impulsion réelle, une image cette fois valorisée. Les références évoquées
en matière d’entreprises restent assez pauvres, et généralement reliées à des
campagnes de communication visibles (Toyota, Orange, Total, McDonalds). La
comparaison entre des modèles réellement différents semble plus évidente.
Ainsi, Leclerc, Auchan ou encore Carrefour sont jugés plus favorablement face
à Lidl ou Aldi. La critique du modèle low-cost sur lequel repose le hard discount
est même récurrente, celui-ci étant clairement considéré comme positif pour le
pouvoir d’achat mais avec des conséquences sociales et qualitatives au niveau
des produits qui sont jugées sévèrement.

26
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

2.2.3. La crise économique comme catalyseur des attentes en matière


de RSE
Dans un second temps, en approfondissant leurs perceptions de la RSE, les
consommateurs ont proposé des alternatives et des solutions, donnant alors
à la RSE le rôle de catalyseur des attentes de réassurance et d’un modèle
managérial capable de répondre à la conjoncture économique défavorable.

Un périmètre d’action qui s’élargit pour l’entreprise

La notion de RSE est appréhendée comme un mode de management capable


de répondre aux craintes et à un contexte de crise. Elle est évoquée comme
une forme d’idéal pour l’entreprise, un « rêve social », que les individus ne
considèrent pas comme atteint.

L’arrimage du concept à sa dimension sociale reste prédominant, avec des


attentes très précises relatives aux salariés en général, à la prise en compte de
leur bien être, leur sécurité, leur santé, leurs conditions d’emploi, d’embauche et
leur rémunération. A travers ces évocations, il semble même qu’un retour à une
forme de paternalisme de l’entreprise soit jugée comme un modèle efficace :
« le patron était un véritable père pour ses employés, il mettait à disposition de
l’ouvrier, un logement, un travail, une éducation pour ses enfants, une protection
sociale grâce à la mise en place d’un hôpital. L’ouvrier se sentait considéré et
surtout en sécurité » (Gérard, 54 ans). Corollaire du contexte anxiogène actuel,
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la sécurité considérée comme corrompue avec la précarisation de l’emploi
revient comme un leitmotiv, ne serait-ce que pour « pouvoir envisager l’avenir »
(Marie, 48 ans).

Le contexte de crise est considéré comme le moyen d’« interpeller les entreprises »
pour qu’elles réforment en profondeur leur politique sociale à la fois pour leurs
salariés et leurs clients, « tant qu’il n’y avait pas de crise, les entreprises restaient
sur leurs acquis » (Michelle, 50 ans), comme un moyen de faire changer les
tendances et de les « retourner vers le bon côté » (Michel, 57 ans). Il apparaît
essentiel d’ajouter de la valeur humaine aux produits ou aux services délivrés. Si
la crise est un moment économiquement difficile, elle est aussi une manière pour
les entreprises les plus innovantes ou viables économiquement et éthiquement
de se démarquer et d’être les entreprises les plus dynamiques, les plus justes,
les plus respectueuses, une fois la crise passée.

Dans un environnement difficile, où le consommateur est centré sur les prix et sa


capacité financière, l’ensemble de ces perceptions resitue clairement l’entreprise
au cœur d’enjeux sociétaux qui la dépassent, mais dont elle reste un acteur jugé
majeur. Cela semble contribuer à lui octroyer un périmètre élargi renvoyant de
façon positive les entreprises aux orientations RSE actuelles.

27
45

Les principes de la RSE au service de l’efficacité de l’entreprise

Les données empiriques étudiées montrent aussi qu’une idée simple semble se
propager et que celle-ci a un lien direct avec les principes de la RSE. Celle-ci part
du postulat que plus les entreprises seront socialement responsables, plus elles
contribueront à un bien-être collectif qui touchera les salariés, les populations
et les clients, grâce à des produits et des conditions de travail et de vie plus
harmonieuses. La RSE devient une forme de levier actualisé de l’interface
entreprise/société en créant du lien social et en agissant comme instrument de
régulation pour « faire vivre une région » (René, 48 ans) ou « faire de l’entreprise
une mini-société qui doit relier des hommes entre eux » (Michel, 57 ans). La
notion de paix sociale est alors reliée directement à la RSE et doit favoriser
la croissance économique de façon macroéconomique. Un cercle vertueux
apparaît : « Si les conditions de travail sont améliorées, si le facteur humain est
pris en compte, la production n’en sera que meilleure, la qualité augmentera,
l’absentéisme baissera » (Alain, 44 ans). Cette dimension s’étend naturellement
à la gouvernance de l’entreprise, à l’intégrité des dirigeants, ainsi qu’aux choix
de sous-traitance, de délocalisation, de travail des populations dans les pays
émergents, et fait appel à « l’éthique personnelle des patrons » (Elsa, 17 ans),
« à la responsabilité des actes menés » (Pauline, 25 ans). Enfin, le respect de
l’environnement est évoqué dans un second temps, avec un lien plus direct
avec la santé des populations situées près des installations et infrastructures de
l’entreprise.
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Jugée régulièrement comme un argument publicitaire, la RSE devient au
fil des entretiens le vecteur potentiel de protection et de réassurance pour
contrebalancer les problèmes sociétaux ou économiques. Au-delà des aspects
parfois simplistes des verbatim recueillis, un changement de mentalité et de
perception de l’entreprise, en tant qu’acteur global de la vie quotidienne, est
clairement suggéré par les résultats.

Les interactions entre les principaux éléments évoqués s’établissent dans une
perspective dynamique double, et relient étroitement la vision du salarié et celle
du client. La première perspective constitue une dynamique interne à l’entreprise,
qui part du respect des salariés, en passant par une meilleure efficacité dans
les processus organisationnels, la constitution d’une image interne et sociale
positive, la livraison plus efficace de l’offre entraînant un respect plus grand des
clients pour l’entreprise tout en étant la preuve du respect de l’entreprise envers
ses clients. La seconde procède d’une démarche classique de construction des
offres sur la base du respect des demandes et besoins des clients, entraînant
la construction d’offres en phase avec les attentes nouvelles et la constitution
d’une image de marque externe positive, rendus possibles par l’efficacité du
premier cercle vertueux interne.

28
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

2.2.4 La fonction marketing, relai attendu de la RSE


L’identification de l’enclenchement d’une réflexion sociétale et d’attentes précises
en matière de RSE n’élude pas la question de la désirabilité sociale lorsque
l’individu se trouve en situation d’achat avec les écarts classiques entre les
discours et les comportements réels. Mais en les interrogeant sur les différentes
missions qui incombent aujourd’hui à l’entreprise et en particulier aux services
marketing, nous notons que la majorité des individus interrogés fait preuve de
raison, de réalisme et d’une maturité en exposant ses attentes à l’égard d’une
entreprise.

Le retour au produit et le principe de la qualité restent une attente classique,


mais il tend à se préciser après plusieurs années d’importation de produits peu
chers et peu qualitatifs et de développement de produits génériques. Il repose
sur le fait de mettre sur le marché des offres dont la qualité redevient perceptible
lors de l’achat et prouvée par l’entreprise. Le fait de ne plus savoir identifier le
niveau de qualité d’une marque (« on achète une marque connue en laquelle
on a confiance et c’est fabriqué en Chine », (Charly, 21 ans), de ne pas pouvoir
se fier au niveau de prix (« avant, l’électroménager durait plus longtemps en
fonction du prix, aujourd’hui, on ne sait plus », (Marie, 48 ans), constituent
des remarques récurrentes. Par voie de conséquence, elle comprend aussi la
nécessité de garantir un bon ratio entre la qualité et le prix : « offrir des produits
qui correspondent aux vraies attentes des consommateurs » (Bruno, 46 ans),
« stopper le maquillage des offres, arrêter le superflu, la gadgétisation » (Elsa,
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17 ans), « aller vers moins de packaging », (Caroline, 32 ans).

La justification du prix constitue une demande nouvelle en soi et démontre


l’impact direct des craintes en matière de pouvoir d’achat et des attentes
sociétales évoquées précédemment. Les consommateurs doivent être en
mesure de comprendre les raisons d’une politique de prix supérieure, de la
justifier par eux-mêmes grâce à des arguments commerciaux et marketing
(image de marque, qualité, esthétisme, fonctionnalité, usage, services…) mais
aussi sociaux (politique salariale, investissements dans la vie locale, respect
des droits du travail…) ou environnementaux. Pour cela, des preuves et des
démonstrations de la plus-value réellement apportée doivent être amenées pour
justifier le différentiel de prix. L’amélioration de la comparabilité des offres et des
prix par le biais de fiches d’informations ou de sites Internet décomposant le prix,
facilement compréhensibles par tous, est préconisée. Enfin, la publication des
actions sociétales de l’entreprise à destination du grand public constitue une autre
piste évoquée comme intéressante, mais peu utilisée lors des achats. La notion
de « prix juste » rejoint le constat précédent. Elle reste focalisée sur la dimension
« prix/salaire/répartition des marges », avec des notions comme le partage plus
équilibré des bénéfices entre actionnaires, salariés et consommateurs, ou entre
producteurs et distributeurs. Mais elle transparaît aussi dans des attentes de

29
45

gammes de prix adaptées aux contraintes financières des clients, avec une
demande très nette de diminution des attributs produits jugés non essentiels.

Pour préserver ou renforcer l’équation « capital travail et pouvoir d’achat », les


consommateurs commencent à prendre conscience qu’un retour au made in
local (que ce soit la région proche, la France voire l’Europe) pour des raisons
écologiques et sociales constitue un levier susceptible d’être actionné. Ils
préconisent le soutien aux entreprises françaises, le choix des produits locaux, la
régionalisation de la production, la consommation de produits de saison, même
si, dans les faits, ils reconnaissent avoir encore du mal à appliquer ce principe.
Dans cette même perspective, certains consommateurs souhaitent qu’une plus
grande proximité entre consommateur et producteur s’instaure, afin de réduire
le nombre d’intermédiaires et les marges des distributeurs, afin d’obtenir des
prix plus justes et plus équitables mais également afin d’améliorer la traçabilité
des produits et la transparence des filières. L’image de la grande distribution
reste à ce stade emblématique du caractère ambivalent de ces problématiques.
La remarque concernant « la mise en place des caisses automatiques, c’est
justement le contraire de la responsabilité sociale car source de licenciements »,
citée à plusieurs reprises par les consommateurs, montre la dissonance perçue
entre la RSE et ces acteurs économiques. L’enseigne apparaît sous le prisme
de la RSE comme « un exploiteur » (Sylvie 45 ans) aussi bien vis-à-vis de
ses salariés que de ses fournisseurs, comme « un prédateur » pour les petits
producteurs (Marie, 48 ans), alors que ces mêmes clients affirment acheter la
majorité de leurs produits de consommation courante en grande surface, tout
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comme les produits équitables.

Une rationalisation et une simplification des offres proposées restent attendues.


Derrière la perception d’une nécessaire restriction ou réduction apparaissent les
notions de gaspillage, de superflu ou de surproduction qui revêtent un caractère
anxiogène synonyme de délocalisation et de risque environnemental. De façon
plus précise, la complexité des offres, des promotions ou des tarifs (notamment
dans le secteur de la téléphonie) est jugée peu sociétale, et une simplification ou
une hiérarchisation des informations nécessaires au client, dans une volonté de
clarté et de transparence renouvelées, apparaissent importantes. Des usages
immodérés (A) de termes comme « illimité », « nouveau », « naturel », « éco-
efficace », (B) de signes comme l’astérisque renvoyant à des précisions souvent
déterminantes en bas de page ou (C) de sigles comme « bio » ou « équitable »
singeant les labels AB et Max Havelaar, sont les limites de la crédibilité des
offres et de la compréhension de leurs différences de valeur. Pour des produits
et services qui engagent le client sur du moyen terme, une demande spécifique
de co-construction des offres doit être notée, rejoignant les remarques de Cova
et Dalli (2009). La modularité des offres, leur adaptation selon les attentes
des clients, la possibilité de choisir les options dans un bouquet proposé par
l’entreprise, en fonction du mode de vie ou de consommation, et dans une

30
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

perspective personnalisée, reviennent comme les leitmotivs d’un client qui se


veut co-acteur de ses achats.

Le troisième volet attendu par les consommateurs s’inscrit dans les démarches
de marketing client développées depuis le début des années 90 (Bitner 1990).
Sur la lancée de ces travaux fondateurs et des actions développées par les
marques, les consommateurs semblent avoir compris que leur fidélité était un
élément de poids dans la relation avec leurs fournisseurs. Ils sont à la recherche
d’une relation avec la marque ou l’entreprise non seulement personnalisée mais
aussi qui soit à la hauteur de l’investissement qu’ils font. Et ceci reste renforcé
si une contrainte de pouvoir d’achat vient interférer dans la relation. La relation
idéalisée reste assez simple dans sa formulation : « Il faut que le consommateur
ne soit pas trop éloigné du fabricant, qu’il sache comment les produits sont
faits, avec quels moyens, que le consommateur se sente près de l’entreprise »
(René, 48 ans). Il va de soi que des degrés dans les attentes existent selon
les catégories de produits, le niveau d’implication du client et le temps de la
relation avec l’entreprise. Pour des produits de consommation courante comme
les biens alimentaires, la relation recherchée avec la marque reste moindre,
comparativement à la téléphonie ou à l’automobile. La perception de la qualité de
la relation que l’entreprise crée et développe avec le client n’est jamais neutre et
apparaît aujourd’hui comme prioritaire : obtention facilitée d’informations directes
dans les lieux de vente ou sur les sites Internet, qualité de l’écoute lorsque le
client entre en contact avec l’entreprise, facilité du dialogue, accompagnement
personnalisé dans la relation…
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Lorsque le client s’engage, il souhaite en contrepartie être traité de façon
privilégiée et responsable, notamment par la valorisation réelle et distincte de sa
fidélité, et lors des achats impliquant comme la voiture ou l’engagement sur un
forfait de téléphonie. Au-delà d’une relation privilégiée, l’individu met aujourd’hui
l’accent sur plusieurs éléments qui tournent autour de la notion de respect. En
amont de l’achat, il prône l’absence d’agressivité commerciale et de pratiques
de prospection trop intrusives. En matière de communication, l’entreprise se
doit d’être transparente dans ses messages et claire sur les offres proposées :
« arrêtons de vendre et de communiquer sur des services qui n’existent pas »
(Charly, 21 ans (focus groupe)). En aval, c’est plutôt la valorisation de la fidélité
par des essais, des avantages, des hot-lines spécifiques qui est attendue, ou
encore la simplification et la lisibilité des conditions de sortie lorsqu’il s’agit
d’un contrat sur une certaine durée (sortie anticipée, résiliation, désinscription).
De façon plus générale, il reste inquiet concernant le respect de sa vie privée
et de ses données personnelles et attend de l’entreprise la mise en place de
garde-fous organisés : droit d’accès aux données personnelles, demande de
mise à jour régulières, information sur les mesures et moyens mis en place
pour assurer la protection des données personnelles, audit régulier par des
instances régulatrices. Enfin, l’anticipation en matière de risques sanitaires

31
45

ou environnementaux potentiels constitue un axe sensible, jugé révélateur


de l’engagement sociétal réel de l’entreprise, et qui doit être intégré dans les
dispositifs du marketing relationnel global.

3. Les enjeux pour la « théorie marketing des parties prenantes »

3.1. Une prise en compte multidimensionnelle de la partie-


prenante « client »
Sur la base de ces résultats, nous proposons de compléter les approches
actuelles de la RSE et des parties prenantes en proposant une perspective
approfondie et multidimensionnelle du client. Contrairement à de nombreux
travaux en marketing, il nous a semblé important de ne pas interroger l’individu
comme client, mais de lui laisser le champ libre pour envisager la RSE à sa façon
et sans carcans prédéterminés. Trois postures ont ainsi émergé : celle du salarié,
celle de citoyen et celle du client-consommateur. Et les résultats montrent que
cet individu ne se situe pas d’emblée dans la posture de client, mais qu’il se place
prioritairement dans celles du salarié et du citoyen.

Au-delà d’une identification somme toute assez simple de ces trois facettes, cette
analyse met en relief les dimensions perçues de la RSE selon la posture adoptée
par l’interviewé. De plus, elle montre comment ces dimensions se rencontrent,
s’interpénètrent ou interagissent sur la vision et l’image que les interviewés se font
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de l’entreprise. Ainsi, la posture « salarié » est reliée à trois dimensions majeures
que sont l’interface entreprise/société, le paternalisme économique, et le respect
du droit social. Tandis que la posture « citoyen » rejoint celle de salarié sur la
dimension d’interface société/entreprise mais s’attache plus particulièrement
au respect de l’environnement et à l’éthique des dirigeants. Quand à la posture
« client », elle reste en lien direct avec les offres et l’ensemble des approches
marketing développées, mais retrouve des liens indirects plus forts avec le
respect de l’environnement et le respect du droit du travail, et des liens indirects
plus éloignés avec l’ensemble des autres dimensions.

Sans rentrer dans une vision utopique, cet article va dans le sens de nombreux
travaux actuels et antérieurs, en précisant la nature des attentes selon la posture
que l’individu adopte. Ce qui permet de montrer l’intérêt d’une prise en compte
globale et approfondie de cette partie prenante. Il met aussi en évidence les
interactions nombreuses entre les dimensions de la RSE et la perméabilité de leurs
frontières. Les réponses apportées par l’entreprise à cet aspect multidimensionnel
ne sont pas simples mais doivent se situer avant tout dans la recherche et l’apport
de sécurité et d’éléments tangibles, qui répondront à certaines exigences liées à
une ou plusieurs facettes qui auront été jugées prioritaires.

32
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

Ces éléments peuvent être constitués par des codes de conduite, des politiques
managériales ou salariales et des principes marketing nécessairement en
cohérence.

Il faut noter que la facette d’individu-actionnaire n’est pas apparue dans ces
résultats et n’est donc pas prise en compte. Si ceci constitue en soi une limite
aux réflexions menées, cela permet d’augurer de pistes de recherche futures,
l’individu-actionnaire pouvant se situer soit dans une perspective unique de
rentabilité financière soit dans une perspective plus globale et donc sociétale
d’évaluation de l’entreprise, renforçant les antagonismes possibles en matière
d’attentes.

Figure 1. Les interactions entre les dimensions de la RSE et de l’individu

Respect de
Ethique des Citoyen L’environnement
Affaires et des
Dirigeants
Respect
Interface
Client-consommateur
Du
Entreprise
consommateur
/Société
Marketing
adapté

Respect
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Salarié
du Salarié

Paternalisme Respect du
économique Droit social
Individu
Actionnaire

Facette non évoquée


dans cette étude
Dimensions perçues de la RSE
Les facettes de l’individu / partie prenante de l’entreprise

3.2. Approfondir les attentes sociales, sociétales et économiques


de la partie prenante « client »
Les liens empiriques présentés ci-dessus invitent à retenir comme hypothèse
qu’une condition d’une perception réelle des actions RSE développées par
l’entreprise est directement dépendante de la façon dont les actions marketing
vont être orchestrées. Le marketing représente sans surprise la facette émergée
de la RSE et doit relayer l’ensemble des actions et discours menés par elle. Ce
constat est clairement apparu dans les résultats puisque l’occultation première de

33
45

l’état de client au profit de celui de salarié ou de citoyen ne durait généralement


pas, laissant très vite la place aux problématiques commerciales. Toutefois, il faut
noter que cette posture reste teintée d’attentes et de considérations sociales et
sociétales certaines. Ainsi, les individus jugent primordial « d’ajouter de la valeur
humaine aux produits ». Ils font référence à des valeurs centrales comme le
respect, la clarté, la transparence, avec des déclinaisons qui transparaissent
dans tous les aspects possibles de la relation avec l’entreprise : gestion des
ressources humaines, des pratiques commerciales, de la gouvernance
d’entreprise ou à travers la nécessité de maîtriser et contrôler les impacts des
activités sur l’environnement. Ils restent conscients de ne pas maîtriser totalement
ces aspects mais les intègrent désormais dans leur réflexion. Certains clients
affirment accepter de payer plus cher pour une entreprise avec une meilleure RSE,
souhaitent contribuer plus directement à la construction de l’offre, acceptent d’être
sollicités par l’entreprise pour pouvoir bénéficier d’un service plus efficace et plus
adapté à leurs besoins. Ces éléments passent par une meilleure communication
sur tout ce qui concerne l’entreprise, qui ne sera vraiment prise en compte que
lorsque des renseignements ou données complémentaires provenant d’acteurs
extérieurs viendront corroborer les arguments développés. La nécessité de
preuves tangibles et répétées est jugée prépondérante, même si elle est perçue
comme nécessairement plus longue à mettre en œuvre, par exemple sur les
modes de fabrication. L’individu se place même dans une position attentiste dans
laquelle il observe et peut être amené à s’informer plus que de coutume. La notion
de responsabilité ne peut être décrétée uniquement par l’entreprise elle-même
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et doit exister dans une relation bilatérale, où un phénomène de validation par
« d’autres » se produit. L’individu, à la fois client courtisé, gendarme ou censeur,
se voit comme un contrepoids efficace et respecté. Pour pouvoir acheter en toute
connaissance de cause, il attend des entreprises une meilleure information sur
les offres et les produits proposés ainsi que la possibilité de pouvoir adapter
ses achats. La proposition de prix modulables ou de prix bas avec une qualité
équivalente assortie d’efforts pour diminuer les gadgets et les fonctions superflues,
devient essentielle. Ces résultats montrent donc une forme d’encastrement des
dimensions sociales liées à la facette « salarié » et sociétales liées à celle de
« citoyen » dans celle classiquement prise en compte de client-consommateur,
donnant à cette partie prenante client un caractère multi facette certain.

3.3. Vers une qualification de la partie prenante « client » et la


co-création des offres
L’ensemble de ces résultats est à mettre en perspective avec la mise en oeuvre
effective de la théorie des parties prenantes en entreprise, qui reste utilisée
principalement pour sa valeur instrumentale (Bhattacharya et Korschun, 2008).

La construction de panels de parties prenantes clients devrait permettre de


mesurer comment se bâtit le processus d’engagement vis-à-vis de l’entreprise.

34
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

Ceux-ci doivent aboutir à une cartographie des types de clients selon leurs poids
et le niveau de leur facette influençant leur comportement de consommation.
Une hiérarchisation des attentes pourra être établie sur ces bases évitant une
vision simplificatrice, centrée sur les intérêts des dirigeants ou des objectifs
commerciaux de court terme. L’importance des parties prenantes en marketing
peut-être analysée selon le modèle de Mitchell et al (1997) en fonction de leur
pouvoir, de leur légitimité et du degré d’urgence d’une relation avec elles. Toute
la difficulté réside dans le choix et dans la nature de celles qui seront privilégiées
mais aussi comme le précisent Sobczak et Berthoin Antal (2010) et Mercier
(2010), dans la façon d’adopter une dimension dynamique et prospective de
l’approche stakeholder.

La complexification des relations doit inciter les praticiens à scruter attentivement


l’évolution de cette partie prenante client et de ses attentes, même si le
« caractère d’ubiquité des parties prenantes » suggéré par Mercier (2000) et
mis en évidence par nos résultats ne facilite pas l’exercice, tant les attitudes
des clients apparaissent souvent contradictoires selon le rôle endossé par la
personne.

La prise en compte des facettes des acteurs peut alors s’avérer être un véritable
atout en période de crise. Elles permettent à l’entreprise selon Alpaslan et al
(2009) d’être plus réactive sur un marché et plus efficace, grâce aux relations
de confiance et de coopération déployées entre les différents acteurs. On peut
considérer par exemple le client comme étant sous influence interne et directe de
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la facette salarié, citoyenne si il est lui-même concerné. Mais cette influence peut
également être externe si il est en relation moins directe avec d’autres parties
prenantes dans ses réseaux sociaux : salariés, syndicaliste, associations, ONG,
riverains.

Le principal écueil dans la mise en place d’une démarche marketing stakeholder


reste toujours sa superficialité ou son instantanéité. Smith et al (2010) suggèrent
ainsi que les praticiens doivent veiller à ce que « l’orientation parties prenantes »
devienne prioritaire et non éphémère à la fois dans la stratégie et le marketing
opérationnel. Cette orientation peut par exemple prendre la forme d’une démarche
de co-création des offres avec les clients, qui crédibilise la véracité et la légitimité
des actions et des offres (Bhattacharya, 2010). Le processus s’inscrit alors
comme une boucle permettant des phénomènes de rétroaction, de répercussions,
d’interactions entre des opinions, des attitudes et des comportements, par un
processus global orienté vers la valeur délivrée au client, au marché et à la
société.

35
45

Conclusion

Cette recherche étudie les relations existant entre le client-consommateur,


pris dans une perspective holistique et multi-facette, et la RSE. Elle garde un
caractère exploratoire du fait de la méthode utilisée et de la taille de l’échantillon
qui demandera des approfondissements ultérieurs. Si elle reste éminemment
teintée par le contexte économique et social de crise économique et de défiance
envers les entreprises, elle permet de mettre en lumière la réalité de la perception
mais aussi les attentes clés qui reposent sur ce concept de RSE. Un des points
importants soulevés par cette étude concerne la définition et la mise en œuvre de
la RSE telle qu’elle pourrait être envisagée par l’entreprise et plus particulièrement
le rôle stratégique et fédérateur de la fonction marketing.

Ces résultats ne suggèrent pas que les clients ne sont pas importants, puisqu’ils
restent au centre des décisions marketing. Mais ils montrent qu’il devient
nécessaire de reconnaître que d’autres intervenants méritent d’être entendus,
d’autant que ces autres parties prenantes que sont les employés, les salariés,
les résidents proches et les citoyens sont parfois aussi des clients. Cette
intégration des parties prenantes en marketing suggère d’élargir les frontières
et d’inclure un éventail désormais élargi de groupes concernés ou intéressants
pour l’entreprise.

Un des points de départ et des modes opératoires consiste alors à pratiquer


des cartographies des parties prenantes, valables pour un temps déterminé,
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et en fonction d’objectifs stratégiques préétablis et évolutifs. En allant dans ce
sens, le département marketing se réapproprie son rôle stratégique classique de
spécialiste et de collecteur des informations provenant non seulement du marché
mais aussi des parties prenantes : parties prenantes primaires de l’entreprise
(clients, employés, fournisseurs, actionnaires, et communautés) ou secondaires
(médias, gouvernement, groupes de défense des consommateurs, concurrents,
et certaines organisations non gouvernementales). Il détermine en outre les
interactions entre celles-ci. Cette orientation doit aussi s’envisager non pas sous
l’angle de catégories génériques mais avec une orientation plus individualisée
(McVea et Freeman, 2005) rendue possible par les nouveaux medias, réseaux
sociaux et autres outils du marketing digital.

Ces résultats renforcent aussi la critique faite notamment par Badot et Cova
(2008) d’une inflation souvent peu productive de nouveaux concepts en marketing
qui débouche sur un morcellement des approches. Selon ces deux auteurs, les
différentes formes de marketing trop fragmentées génèrent une prise de distance
croissante des consommateurs avec le marketing, la consommation ainsi que de
nouvelles formes de résistance. Or l’évolution sociétale demande aujourd’hui un
marketing plus englobant et « systémique » se rapprochant de la notion de macro-
marketing. Il est alors possible de considérer que cette approche stakeholder

36
La perception de la RSE par les clients :
quels enjeux pour la « stakeholder marketing
theory »?

permette à la discipline d’élargir son périmètre en allant au-delà du marché et en


prenant en compte la société dans son ensemble.

A l’avenir, la principale difficulté sera d’éviter la myopie marketing évoquée


précédemment, qui reste à tout moment tentante et qui sera d’autant plus
renforcée par la complexité des approches à mettre en oeuvre pour rassembler
ces informations nombreuses, variées et en mutation constante. Il ne s’agit
pas de présupposer une vérité utopique basée exclusivement sur des discours
déclaratifs d’individus interrogés à un instant t, mais bien d’aller vers « l’orientation
des parties-prenantes » (SO) prônée par Ferrel et al. (2010). L’idée d’impliquer
les clients de manière proactive et entière, ainsi que les parties prenantes qui
influeront le plus activement dans la création de valeur pour l’entreprise et pour
la société, compte tenu du projet et du moment, reste fondamentale. Elle permet
d’envisager des pistes intéressantes pour des recherches futures par exemple
l’identification du pouvoir d’influence des parties prenantes sur les comportements
de consommation.

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