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La réaction

Responsabilité sociale des entreprises et performance : un


point de vue économique
Jean-Marie Cardebat, Nicolas Sirven
Dans La Revue des Sciences de Gestion 2008/3 (n°231-232), pages 115 à 121
Éditions Direction et Gestion
ISSN 1160-7742
DOI 10.3917/rsg.231.0115
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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 231-232 – Les débats de la RSG 115

Économistes et gestionnaires débattent de la RSE


LA RÉaction

Responsabilité sociale Responsabilité sociale


des entreprises et performance :
complémentarité des entreprises et
ou substituabilité ? performance : un point
par Jean-Yves Saulquin
Professeur de finance de vue économique
Directeur du Centre de recherche
ESCEM Tours-Poitiers (France) par Jean-Marie Cardebat
Maître de conférences HDR
et Guillaume Schier LARE-Efi, ,Université Montesquieu –
Professeur de finance Bordeaux IV (France)
ESCEM Tours-Poitiers (France)
Les concepts de Responsabilité Sociale des entreprises et de performance
et Nicolas Sirven
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semblent de prime abord relativement éloignés l’un de l’autre ; la RSE
définissant une posture de l’entreprise face à son environnement tandis Research Associate –
que le concept de performance questionne les liens parfois subtils entre
l’articulation de ressources et l’obtention d’un ou plusieurs résultats. Bye Fellow of St Edmund’s College
Pourtant, l’opérationnalisation de ces deux concepts amène de nombreux CSC – VHI, St Edmund’s College,
auteurs à identifier les mêmes indicateurs et les mêmes critères. L’objet de
cet article est d’étudier les différences et similarités entre les deux concepts University of Cambridge (England)
et de proposer une grille de lecture qui présente à la fois les relations

À
entre RSE et performance et qui tente de définir les spécificités de la RSE.
Mots-clés : responsabilité sociale des entreprises, développement Durable,
l’heure où une littérature pléthorique explore le lien empirique
performance, parties prenantes. entre performance et responsabilité sociale des entreprises
(RSE), l’article de Jean-Yves Saulquin et Guillaume Schier
vient utilement mettre en perspective cette problématique. Ils
montrent habilement, en rapprochant le vaste contenu des deux
concepts, une importante proximité et une convergence entre
responsabilité sociale et performance des entreprises, allant
L’on peut retrouver l’intégralité de cet article sur notre nouveau site parfois jusqu’à la confusion. Ce résultat très intéressant évoque
www.larsg-revue.com et sa version imprimée avec les résumés anglais plusieurs réflexions qui fondent l’objet de notre article. Plus
et espagnols dans le numéro 223 de notre revue.
précisément, nous cherchons ici à prolonger l’analyse du lien
The complete article is available on our new site
www.larsg-revue.com and its printed version, with summaries in English
entre performance et RSE dans une perspective économique. La
and Spanish, is in the issue 223 of our journal. spécificité de l’approche économique est double. Elle concerne,
Puede encontrar la versión completa de este artículo en nuestro nuevo sitio d’une part, les outils d’analyse et, d’autre part, les objectifs de
web www.larsg-revue.com y su versión impresa con los resúmenes en inglés recherche.
y español en el número 223 de nuestra revista.
La première réflexion développée dans cet article tient au lien entre
RSE et performance de l’entreprise stricto sensu. Si les concepts
de performance et de responsabilité se recoupent, se fondent
l’un dans l’autre, la quête d’un lien de causalité d’un concept

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Économistes et gestionnaires débattent de la RSE

par rapport à l’autre apparaît vaine ou caduque. En particulier, Notre travail va donc s’articuler autour de ces deux parties. La
il semble sans fondements de vouloir répondre à la question première traitera de l’aspect purement microéconomique en se
suivante : une politique de responsabilité sociale génère-t-elle plus centrant sur la seule performance de l’entreprise, tandis que la
de profit ? Car la RSE serait à la fois le moyen et le résultat. Le seconde élargira la notion de performance à l’échelle sociétale.
problème est donc circulaire. L’économiste, influencé par le fameux
article de M. Friedman (1970), est toutefois gêné à ce niveau :
loin de toute idée de substituabilité, notamment, une politique 1. RSE et performance
de responsabilité sociale doit nécessairement accroître le profit des entreprises
d’une entreprise. C’est sa seule raison d’être selon Friedman. La
réflexion se situe ici dans une optique purement microéconomique Le lien entre RSE et performance est ambigu sur le plan théorique
et la notion de performance, plus riche et complexe, est ramenée comme empirique. Partant de ce constat, les économistes vont
à celle de profit. Cela dénote une divergence importante entre les proposer une gamme différente d’outils pour l’explorer. Les
sciences économiques et les sciences de gestion. Ainsi, à l’image travaux d’analyse concurrentielle dans un cadre de la théorie des
d’ailleurs de travaux en sciences de gestion (cf. par exemple jeux constituent alors une approche intéressante pour envisager
L. Preston et D. O’Bannon, 1997), l’économiste va poursuivre la la RSE offensive. La vision de la RSE comme un instrument de
quête d’une relation de causalité entre RSE et profit. Des outils couverture contre le risque de réputation représente également
spécifiques seront alors utilisés, allant de la théorie des jeux à une piste particulièrement intéressante, tant pour les gestion-
celle de l’assurance. naires que pour les économistes, pour appréhender les aspects
La seconde réflexion que nous évoque l’article de J.-Y. Saulquin et défensifs de la RSE.
G. Schier renvoie également à une frontière disciplinaire évidente
entre gestionnaires et économistes. Elle concerne la notion de
performance. La performance ne doit-elle se comprendre que dans 1.1. Le constat d’une relation incertaine
une logique d’entreprise ? Les économistes vont en effet moins
s’inquiéter de la performance intrinsèque de l’entreprise que de Les relations entre la performance sociale des firmes et leurs
la performance sociétale liée au développement de la RSE. Le performances financières2 sont assez délicates à mettre en
lien entre RSE et performance renvoie autant à la performance évidence parce qu’elles s’avèrent souvent équivoques. En effet, les
de l’entreprise elle-même qu’à la performance globale de la RSE hypothèses théoriques reliant ces deux concepts sont nombreuses.
pour accroître le bien-être général à l’échelle de la société. Ce J. Allouche et P. Laroche (2006) en dénombrent neuf, envisa-
qui intéresse in fine le décideur politique, qui choisira ou non de geant alternativement l’existence d’un lien positif, négatif, mixte
favoriser le développement de la RSE, c’est bien l’impact macro- ou neutre entre ces deux variables. Les choses se compliquent
économique et pas simplement l’impact isolé sur l’entreprise. encore lorsque l’on envisage le sens de causalité : est-ce la RSE
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En d’autres termes, les économistes vont analyser les effets qui impacte le profit ou l’inverse ?
globaux, macroéconomiques de la RSE car ses implications Incertain sur le plan théorique, le lien entre RSE et performance
sociétales sont patentes. l’est par conséquent sur le plan empirique. D’un point de vue
L’engagement de l’Union européenne qui pourrait faire de la RSE méthodologique, la difficulté d’établir la prédominance d’un résultat
un des pivots du futur modèle social européen en est une preuve cohérent et univoque provient essentiellement de deux sources.
éclatante (cf. CE, 2001 et 2006). Les implications économiques D’abord, les concepts de performance sociale et de performance
de la RSE n’arrêtent cependant pas à la seule régulation sociale. financière sont délicats à évaluer parce que leurs définitions sont
Son impact sur le commerce international et notamment sur plurielles, comme souligné par J.-Y. Saulquin et G. Schier. Le choix
le commerce Nord-Sud renvoie aussi à un débat récurrent en des variables s’y rapportant n’est ainsi légitimé que par rapport
économie internationale : celui sur le fair trade1, qui s’articule à la définition particulière qui est retenue. Ensuite, le choix des
aujourd’hui autour de la question du lien entre commerce inter- méthodes exploratoires statistiques utilisées peut varier d’une
national et normes sociales (cf. J.-M. Cardebat, 2006). Enfin, étude à l’autre en fonction des données disponibles (panel,
le lien entre RSE et développement s’impose comme un autre données qualitatives, taille de l’échantillon, etc.).
champ de recherche fécond pour les économistes. En fait, dans La littérature empirique reconnaît une relation ambiguë entre les
une perspective économique et de politique économique, la variables de responsabilité sociale et de performance financière.
RSE sera essentiellement évaluée à l’aune de sa performance J. Allouche et P. Laroche (2006) comptabilisent 80 études empiri-
en matière de régulation sociale au Nord, de développement au ques sur ce thème – depuis l’étude pionnière de M. Moskovitz
Sud et d’harmonisation des échanges Nord-Sud (R. Bazillier et (1972), jusqu’à celle de G. Dowel, S. Hart et B. Yeung (2000).
al., 2008). Il apparaît que 52,5 % des travaux mettent en évidence l’impact
positif et significatif de la performance sociale sur la performance

1. Le commerce juste, qui ne s’appuie pas sur un dumping social de la part des 2. Mesurées généralement soit par le profit soit par l’évolution de la valorisation
pays du Sud. boursière.

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Économistes et gestionnaires débattent de la RSE


financière ; alors que 23,75 % d’entre eux constatent une relation pour la qualité et un pouvoir d’achat suffisant dans l’économie,
non significative, et la même proportion établit un lien négatif sont payantes. A. Shaked et J. Sutton (1982) exposent d’ailleurs
ou mixte. que le positionnement vers le haut de la gamme peut interdire
Il semble donc, malgré tout, que l’amélioration des critères socié- l’entrée sur le marché de concurrents positionnés sur le bas de
taux de la firme améliore sa performance financière. M. Orlitsky, la gamme et incapables de se hisser vers le haut. Ainsi, dans ce
F. Schmidt et S. Rynes (2003) confirment ce résultat à partir d’une cadre, la RSE pourra être associée à des bonnes performances
méta-analyse menée sur 52 études empiriques. D’autre part, de l’entreprise. Néanmoins, les choses se compliquent dans la
lorsque dans l’approche de J. Allouche et P. Laroche (2006), la mesure où la RSE représente une caractéristique de qualité très
performance sociale est considérée comme une variable dépen- particulière. En effet, la RSE et plus largement la qualité sociale
dante, la relation est alors globalement positive puisque 68,4 % d’un produit ne peut pas se mesurer : ni avant, ni pendant, ni
des études empiriques (N = 19) montrent que la performance après l’acte d’achat puis de consommation du produit. C’est
financière influence le niveau de responsabilité sociale. En somme, une particularité car les autres éléments de la qualité (solidité,
bien que performance sociale et performance financière apparais- longévité, goût pour les produits alimentaires, etc.) peuvent se
sent en général comme des concepts liés, l’importance relative mesurer, si ce n’est avant l’acte d’achat, au moins après la
des travaux aux résultats contradictoires laisse une partie des consommation du produit. La RSE constitue donc une « caracté-
chercheurs sceptiques quant à la robustesse du lien. ristique de confiance » au sens où elle est invérifiable, à l’image
De nombreuses questions méthodologiques sont alors posées qui des biens de confiance (cf. W. Emons, 1997). Dès lors, cela
pourraient expliquer l’inconstance des résultats empiriques. Dès permet aux entreprises de mentir sur le contenu réel de leur
lors, nous proposons deux pistes de renouvellement de ce débat : politique de responsabilité sociale. Les jeux stratégiques décrits
les analyses concurrentielles en théorie des jeux et la RSE en tant précédemment vont alors se trouver singulièrement complexifiés
qu’instrument de couverture contre le risque de réputation par cette asymétrie d’information.
Les jeux stratégiques qui prennent en compte cette spécificité de la
RSE révèlent tout l’intérêt que peuvent avoir les entreprises à mentir
1.2. Les analyses concurrentielles sur leur réel engagement social (J.-M. Cardebat et P. Cassagnard,
en théorie des jeux 2008). Intuitivement, si l’on simplifie les mécanismes du modèle,
on comprend bien que si la RSE permet de gagner des parts de
La théorie des jeux offre un cadre d’analyse microéconomique marché mais n’est guère vérifiable in fine par le consommateur,
des interactions entre les entreprises. Le raisonnement, le jeu, alors la stratégie optimale sera de déclarer une politique de
est séquentiel. Chaque action d’une entreprise donne lieu à une responsabilité sociale importante mais de ne rien en faire afin de
réaction de la part de l’autre ou des autres entreprises. Le jeu se ne pas en subir les coûts3. Il s’agit d’un comportement classique
stabilise lorsqu’on arrive à un équilibre et qu’aucune entreprise en asymétrie d’information (cf. G. Akerloff, 1970) qui peut justifier
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n’a plus intérêt à bouger. On se situe alors au point de croisement qu’une entreprise avec une faible politique de responsabilité
des fonctions de réaction. En quoi ce cadre théorique peut-il être sociale mais une forte communication peut accroître sa perfor-
pertinent pour éclairer le lien entre RSE et performance ? mance. Toute la difficulté va alors consister pour les entreprises
Les jeux stratégiques permettent d’éclairer l’aspect offensif de la vertueuses (ou qui ont un intérêt interne à la RSE) à signaler la
RSE. En effet, la RSE est en soi un élément de différenciation du qualité sociale de leurs produits. Mais quels instruments de signal
produit. Une politique de responsabilité sociale peut attacher des existent pour ces entreprises ? La normalisation sociale est tout
attributs de qualité sociale aux biens d’une entreprise. La RSE juste émergente. Comme toujours dans l’histoire des standards,
peut alors être associée à une stratégie de montée en gamme, notamment techniques, il faut attendre parfois plusieurs années
de différenciation verticale, sur la base de la qualité sociale des avant qu’un standard ne s’impose sur les autres et permette
biens. On retrouve au départ dans ce type de stratégies des ensuite une homogénéisation des règles du jeu. Dans cette jungle
entreprises dites pionnières, comme Reebok dès le début des des labels, certifications, standards, codes de bonne conduite,
années 1990, qui voient dans la RSE un moyen d’accroître leurs chartes, etc., il est difficile de s’y retrouver, en particulier pour
parts de marchés. La théorie des jeux permet ensuite d’analyser le consommateur.
les réactions des firmes concurrentes, leurs éventuels intérêts En somme, dans un cadre d’analyse concurrentiel, la théorie
à devenir suiveuses ou bien à réagir sur d’autres aspects de des jeux enseigne que l’absence de lisibilité nuit aux entre-
la concurrence, à commencer par les prix. À l’issue du jeu, un
nouvel équilibre s’établit avec des niveaux de profits différents.
Leur lecture révèle qu’elles ont été les stratégies payantes et
donc quelles entreprises ont pu accroître leurs performances
(financière strictement) avec la RSE.
Plusieurs modélisations d’une concurrence par la qualité existent 3. Les arguments d’une RSE qui améliore la performance de l’entreprise en
dans la littérature économique. Elles révèlent régulièrement que les accroissant, sa productivité (G. Akerloff, 1984) et son efficacité sont donc
ignorés dans ce raisonnement. La RSE n’est donc pas désirée pour elle-même
stratégies de montée en gamme, dès lors qu’il existe une demande mais en ce qu’elle étend le marché de l’entreprise.

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prises vertueuses4. Ces dernières peuvent cependant trouver comme crédible par les parties prenantes. Elle doit de la sorte
d’autres intérêts à mener de véritables politiques de responsa- s’accompagner d’une communication large et efficace. Or, cette
bilité sociale. RSE et peut-être plus encore la communication qui l’entoure a un
coût. Ce coût s’interprète alors comme une prime d’assurance
que la firme doit acquitter pour éviter la chute des ventes lors
1.3. La RSE en tant qu’instrument d’évènements négatifs.
de couverture contre le risque Plus précisément, il vaut mieux parler de couverture que d’assu-
rance. En effet, l’assurance implique une mutualisation des risques.
de réputation Avec la RSE, il n’y a pas de mutualisation et la démarche reste
purement individuelle. La firme peut se couvrir en payant le coût
L’un des problèmes méthodologiques des études explorant le de la RSE contre une éventuelle dégradation de sa réputation et
lien entre RSE et performance vient de ce qu’elles cherchent une par là même de ses ventes futures. Le coût de la RSE est alors à
relation contemporaine entre les deux concepts. Cette faiblesse considérer telle une prime d’option plutôt que comme une prime
naît généralement du manque de profondeur des données dispo- d’assurance. La prime est acquittée une fois pour toutes, que le
nibles. Or, les entreprises peuvent souhaiter mettre en place des risque d’un état de la nature défavorable se concrétise ou non.
politiques de responsabilité sociale non pas pour obtenir un gain Cette analogie avec l’option est d’autant plus pertinente qu’elle
immédiat mais dans le but de générer un profit futur ou encore n’est pas incomptable avec les autres déterminants de la RSE.
afin d’éviter une baisse future éventuelle du profit. Le lien entre En effet, un contrat d’assurance n’a, par définition, que le seul
RSE et performance doit subséquemment s’analyser dans la avantage d’assurer contre le risque d’occurrence d’un évènement
durée et renvoie à des notions de profit effectif comme potentiel, négatif. En revanche, une option a potentiellement une valeur
c’est-à-dire à un raisonnement en espérance de profit. intrinsèque. Une option dans la monnaie, suivant le vocabulaire
Le mécanisme sous-jacent tient au lien que l’on peut faire entre consacré, est une option dont l’exercice immédiat procure un
la RSE et l’image ou la réputation des entreprises. La réputation gain. On dit ainsi que la valeur intrinsèque de l’option est positive.
des firmes représente un actif intangible souvent rattaché à une De la même façon, on peut considérer que la RSE possède une
marque phare (G. Rejda, 1992 ; D. Hawkins, 2006). Cet actif peut valeur intrinsèque positive dès lors qu’elle permet d’engendrer
atteindre des valeurs extrêmement élevées : selon le classement un gain, indépendamment de son rôle d’assurance.
annuel de Business Week (sur la base des travaux du cabinet Ainsi, le raisonnement en termes d’options est compatible avec
Interbrand), l’utilisation du nom « Coca-cola » représentait en 2006 les approches de type coût/avantage qui attribuent à la RSE une
près de 70 milliards de dollars de CA. Le calcul repose sur une valeur monétaire (A. McWilliams et D. Siegel, 2001, B. Husted et
évaluation des gains futurs espérés actualisés directement issus J. de Jesus Salazar, 2006). Il permet également de justifier que
de l’utilisation du nom « Coca-cola ». Mais la réputation permet les firmes plus exposées au risque de réputation de par leur spéci-
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aussi d’éviter des pertes plus importantes en cas de survenance ficité sectorielle investissent plus dans la RSE (R. Miles, 1987).
d’évènements négatifs. En particulier, les firmes vendant des biens de consommation
Cet actif intangible, de par sa nature, ne peut pas être couvert par seraient plus exposées au risque de boycott (C. Smith, 2003). Les
un mécanisme d’assurance classique (G. Rejda, 1992). La RSE comportements de couverture vont aussi varier suivant la valeur
est alors de plus en plus vue comme un amortisseur, un tampon, de départ de l’actif immatériel. On peut s’attendre à ce que les
entre des états de la nature défavorables5 et la réputation de la firmes de grande taille, qui sont celles attachées en général aux
firme (cf. J. Klein et H. Dawar, 2004 ; P. Godfrey, 2005). Or, derrière marques fortes, soient plus sensibles au besoin de couverture
la réputation, se trouve le volume de ventes. Autrement dit une car leur valeur intangible, leur réputation, est plus grande : elles
politique de RSE permettra de lisser les ventes et notamment investissent donc plus dans la RSE.
d’éviter les baisses trop brutales malgré une défaillance liée à Le raisonnement en termes d’option a en conséquence le double
la réputation (E. Creyer et W. Ross, 1996, J. Klein et H. Dawar, avantage d’être compatible avec les faits stylisés entourant la
2004 et S. Knox et S. Maklan, 2004). Bien entendu, la RSE en RSE et avec les autres déterminants de la RSE6. Il justifie en outre
tant qu’assurance implique que cette politique soit ressentie l’absence de lien clair et immédiat entre RSE et performance
puisque ce lien doit ici s’analyser dans une perspective temporelle
bien plus longue et décalée.
4. Reebok constitue là encore un exemple intéressant de la difficulté de se
signaler dans un secteur qui est globalement pointé du doigt pour ses mauvaises L’apport des outils de la théorie économique en sciences de gestion
pratiques sociales. Cette réputation sectorielle est liée au leader mondial des semble jusqu’ici profitable puisque ceux-ci permettent de lever
articles de sport (Nike) alors même que les situations sont en fait très diverses.
Reebok a notamment été distingué en 2004 par la FLA (Fair Labour Association) le voile sur les différentes relations que peuvent entretenir RSE
pour la qualité de sa politique de responsabilité sociale.
5. Un état de la nature défavorable pour une firme signifie l’occurrence d’un 6. En accord avec les faits stylisés car il justifie notamment que les grandes
évènement négatif pour sa réputation. Ces évènements sont par exemple : un firmes s’impliquent plus dans la RSE que celles de taille plus réduite. En outre,
incident écologique ayant des répercussions sur l’environnement, un problème ce raisonnement n’exclut nullement les autres déterminants de la RSE puisqu’il
sanitaire impactant la santé des consommateurs, un scandale social comme la accorde une valeur intrinsèque à celle-ci. L’aspect assuranciel s’ajoute donc
découverte d’un sous-traitant qui ne respecterait pas les normes fondamentales simplement à ces déterminants et reste parfaitement compatible avec tous les
du travail de l’OIT. mécanismes habituels justifiant l’occurrence de la RSE dans les entreprises.

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et performance des entreprises. En ce sens, cet article propose les règles du jeu soient communes et les échanges équitables. Or,
déjà des éléments de débat par rapport à la conception de Y. ces problèmes de non-respect des droits fondamentaux au travail
Saulquin et G. Schier. La seconde partie de l’article prolonge cette sont récurrents dans nombre de pays en développement.
démarche et envisage le lien entre RSE et performance sous un Face à cette situation accréditant la thèse du dumping social, la
angle d’attaque différent. En donnant à la notion de performance mondialisation a mauvaise réputation auprès des populations des
une dimension moins restrictive, permettant d’appréhender le rôle pays développés : la demande de régulation sociale est grande
de l’entreprise dans la société, l’échelle d’analyse se déplace du mais les options disponibles sont assez peu satisfaisantes. On
niveau micro vers le macroéconomique. peut certes envisager une réponse radicale qui consiste à refuser
le commerce avec les Pays en développement. Néanmoins, la
solution protectionniste envers ces pays, à travers la politique
2. RSE et performance sociétale commerciale, est globalement écartée (cf. J.-M. Cardebat, 2006).
L’OMC a clairement rejeté l’inclusion d’une clause sociale dans
Le développement récent des travaux sur la RSE et les normes sa charte lors de la conférence de Singapour en 1996, décision
sociales est symptomatique d’une incapacité des institutions confirmée en 2001. D’un autre côté, l’OIT manque de moyens
nationales et internationales à assurer de manière satisfaisante de coercition pour faire respecter ses conventions alors même
la régulation sociale de la mondialisation. En effet, appeler les que les États membres les ont ratifiées. Il est donc difficile de
entreprises à reconnaître leur « responsabilité » s’interprète par contraindre les PED à accepter les standards sociaux des pays
ailleurs comme un recours en dernier ressort auprès des acteurs développés ; ce qui d’ailleurs, du point de vue du Sud consisterait
de la mondialisation : sans arbitre, les règles du jeu sont laissées à faire le jeu d’un protectionnisme déguisé imposé par le Nord. En
à l’appréciation des joueurs. L’entreprise devient alors juge et somme, d’un protectionnisme à l’autre, les arguments en faveur
partie dans la conception et la mise en œuvre d’un modèle d’une régulation sociale menée par les institutions internationales
social puisque les moyens coercitifs efficaces sont difficilement semblent suffisamment suspects pour qu’une telle réforme ne
concevables dans une économie mondialisée. La possibilité d’une puisse voir le jour dans un futur proche.
substitution entre régulation privée et publique (même partielle) Une des conséquences au niveau national et régional de l’absence
peut être à l’origine de solutions socialement inefficaces et la de régulation sociale internationale tient en ce qu’aucun pays n’a
performance sociétale des entreprises devient difficile à évaluer. intérêt à durcir sa législation sociale de manière unilatérale sous
On peut alors se demander si l’absence de coercition peut être peine de voir fuir les capitaux étrangers et d’inciter ses propres
contrebalancée par la mise en œuvre de mécanismes incitatifs unités de production à délocaliser dans des pays moins-disants
au développement uniforme de la RSE. socialement (i.e. des pays où la réglementation du travail est
moins contraignante). L’évolution récente de l’Europe sociale est
assez éclairante : l’approche normative, qui consiste à légiférer
2.1. La RSE comme mode ultime
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et réglementer dans le domaine social, est devenue très délicate
de régulation dans une Europe à 27, marquée par la polarisation de ses modèles
sociaux. Dès 2001, la commission éditait un livre blanc sur la
La mondialisation confronte directement les marchés du travail à gouvernance européenne soulignant l’intérêt à rationaliser la
l’échelle internationale. Mais au-delà cette mise en concurrence législation et à ne pas en faire l’instrument unique d’intervention.
des travailleurs du monde entier, elle confronte surtout des De fait, en matière sociale, depuis le début de la décennie 2000
systèmes sociaux et des modes de régulation sociale et écono- et notamment depuis 2004, les textes contraignants cohabitent
mique différents entre les pays. Certains évoquent l’expression avec la « méthode ouverte de coordination » (MOC). Cette dernière
naturelle d’avantages comparatifs, alors que d’autres dénoncent repose sur la définition d’objectifs communs, d’indicateurs et
le dumping social et la concurrence déloyale de la part des pays de comparaison des résultats des différents États membres. On
du Sud. La croissance exponentielle des importations en prove- peut y voir un glissement de la « hard law » vers la « soft law » à
nance de Chine soulève un certain nombre de protestations aux l’anglo-saxonne et un signe d’émergence du principe de respon-
États-Unis comme en Europe. Le problème qui se pose, au-delà sabilité au détriment de la coercition. La commission reconnaît
du montant de ces importations et des déséquilibres bilatéraux aussi l’apport de la responsabilité sociale de l’entreprise aux
commerciaux qui en découlent, concerne le caractère loyal de objectifs de la stratégie de Lisbonne. En effet, la responsabilité
ces échanges (fair trade). En d’autres termes, les règles du jeu sociale des entreprises s’articule parfaitement avec la politique
sont-elles les mêmes pour tout le monde, tous les producteurs, sociale européenne qui consiste, entre autre, à intégrer le social
qu’ils soient aux États-Unis ou en Chine ? Les biens en provenance à tous les niveaux de l’économie et à impliquer les partenaires
de Chine ont-ils un contenu social acceptable par les pays du sociaux, mais toujours de manière non coercitive.
Nord ? Bien sûr, il ne s’agit pas que les salaires soient égaux. Or c’est précisément cette absence de contrainte dans la mise
Les avantages comparatifs des pays émergents en termes de en œuvre de la RSE qui amène les entreprises à définir elles-
dotation en travail doivent pouvoir librement jouer. En revanche, mêmes le contenu réel de leur politique sociale : elles sont juge
les droits de l’Homme au travail doivent être respectés pour que et partie.

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2.2. L’entreprise juge et partie


Économistes et gestionnaires débattent de la RSE

Sud à mettre en œuvre des normes fondamentales du travail de


manière effective, et la prise en compte de la demande des pays
En l’absence de volonté et de moyens coercitifs, on ne peut développés en biens ayant un contenu éthique.
encourager les entreprises à s’engager dans une politique de Dans le premier cas, il s’agit d’inciter les pays du Sud à renoncer
RSE que sur une base volontaire – en suggérant, au mieux, des à une politique de dumping social et à renforcer leur législation
recommandations qu’elles peuvent suivre (cf. Global Compact par sociale afin de favoriser d’autres leviers du développement, comme
exemple). Mais le concept de responsabilité sociale est encore la réduction des inégalités par exemple. R. Bazillier (2007) et
très flou et chaque entreprise l’adapte à sa façon. Le problème R. Bazillier et N. Sirven (2006) montrent ainsi que sur la mise en
vient alors de ce qu’il n’y a pas de cohérence d’ensemble dans œuvre effective, des normes fondamentales du travail permettent
les actions menées par les entreprises. Cela peut être d’ailleurs d’accroître le revenu par habitant et de réduire les inégalités dans
à l’origine d’inégalités profondes entre les entreprises qui ont un le long terme. Ils arborent également le fait que les normes du
engagement sincère et efficace envers leurs employés et les autres. travail établies par l’OIT jouent un rôle instrumental et constitutif
L’absence de contraintes signifiant aussi l’absence de contrôle dans le processus de développement des pays du Sud. Toutefois,
par les pouvoirs publics. Des doutes sur l’effectivité des politiques ces résultats empiriques ne sont valables que sur une longue
de responsabilité sociale peuvent ainsi exister. Les structures période et leur coût de mise en œuvre immédiat représente une
syndicales ont dans cette configuration un rôle à jouer en matière forte désincitation pour les pays du Sud à améliorer leur environ-
d’information et de suivi de ces politiques. Cependant, dans les nement social. En revanche, il est possible que le développement
petites entreprises où la représentation est faible la question rapide de la consommation éthique dans les pays développés
reste entière. En effet, la responsabilité sociale concerne encore encourage les pays du Sud à produire des biens selon un processus
très majoritairement l’apanage des grandes firmes. responsable socialement afin de pénétrer les marchés du Nord7.
D’un point de vue économique, de nos jours, la responsabilité Le commerce international durable a-t-il un avenir ?
sociale des entreprises est une réalité nettement trop floue et Il s’agit d’envisager la seconde alternative qui repose sur le constat
inégalement partagée entre les entreprises pour constituer une que les produits issus du commerce équitable représentent une part
alternative crédible à la régulation publique. Même s’il n’est devenue non négligeable des dépenses de consommation finale
pas question d’une véritable substitution, les dangers pour la des ménages dans les pays développés. Sous l’hypothèse que
régulation sociale d’un développement non encadré de la respon- ces derniers ont des préférences en faveur des produits à contenu
sabilité sociale sont réels. Au premier rang de ces dangers se éthique, J.-M. Cardebat et P. Cassagnard (2008) développent un
trouve une montée des inégalités sociales entre les salariés des modèle théorique (présenté plus haut) mettant en jeu les firmes
(grandes) entreprises socialement responsables et les (petites) localisées au Nord et celles circonscrites au Sud dans lequel ils
autres. D’autre part, avec un contrôle inexistant de l’effectivité montrent que les firmes du Sud ont intérêt à mentir (c’est-à-dire
des politiques, les comportements de type « passagers clandes- à annoncer qu’elles font de la RSE sans en faire en réalité) afin
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tins » devraient se multiplier. Car le fond du problème reste que de conquérir des parts de marché tout en évitant les dépenses
les études économiques ne permettent pas à ce jour de valider associées à la mise en œuvre d’une telle politique. Le fait que
l’hypothèse selon laquelle la responsabilité sociale est profitable les firmes localisées au Sud ne jouent pas véritablement le jeu
aux entreprises (voir le premier point). Dès lors, il est tentant pour du social conduit à une situation moins favorable en termes de
les firmes de déclarer des politiques de responsabilité sociale performance sociétale. On montre néanmoins que la mise en place
sans pour autant s’y engager sincèrement. C’est donc bien un d’organismes de contrôle (organisme public, ONG, etc.) quant au
comportement de « passager clandestin » qui videra à terme de contenu éthique des biens produits permet d’améliorer les gains
sa substance le contenu de la politique de responsabilité sociale à l’échange et les conditions de travail au Sud. Ce dernier point
des entreprises et rendra socialement, au sens macroécono- est crucial car il souligne qu’en définitive, la RSE ne peut à elle
mique, contreproductif le développement de la RSE. L’absence de seule représenter un modèle social juste.
mécanismes de coercition quant au contenu social de la RSE crée
une forte incitation auprès des firmes à ne pas jouer le jeu de la
régulation sociale. Il est nécessaire de se demander si d’autres Conclusion
incitations sont envisageables qui viendraient contrebalancer cet
effet, et dans quelles mesures elles reflètent des alternatives L’article de Jean-Yves Saulquin et Guillaume Schier souligne une
crédibles qui affectent la performance sociétale des firmes. importante proximité et une convergence entre responsabilité
sociale et performance des entreprises, allant parfois jusqu’à la
confusion. L’origine de cette association est peut-être à rechercher
2.3. Quelles incitations à jouer
le jeu du social ? 7. On peut aussi concevoir via l’intermédiaire de la Banque mondiale par
exemple, une série de prêts conditionnels destinés à faciliter la mise en œuvre
Dans le contexte de mondialisation décrit plus haut nous évalue- des normes fondamentales du travail au Sud. Mais cette initiative peut être
interprétée comme une forme d’ingérence de la part des pays en développement.
rons les deux incitations suivantes : l’intérêt pour les pays du Quoi qu’il en soit, cette option ne semble pas être d’actualité.

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dans l’interprétation de la RSE comme une réponse de l’entre- Cardebat J.-M., P. Régibeau et N. Sirven, (2008), « An Investigation of
prise à une demande sociale grandissante. La performance, au the CSR Content of Company Websites », forthcoming in Jaspers T. et
sens du profit, mais aussi au sens du produit social, serait alors Veldman A. (eds.), (Auto) regulation of Social Responsibility of Transnational
Enterprises in Europe, ed. Intersentia.
garantie par le développement d’une offre et d’une demande en
expansion. Face à l’impuissance avouée des acteurs traditionnels Commission européenne, (2001), Promouvoir un cadre européen pour la
responsabilité sociale des entreprises, Livre vert, juillet, Bruxelles.
(syndicats, États, institutions internationales) à imposer une
régulation sociale de la mondialisation, le marché devient un Commission européenne, (2006), « Mise en œuvre du partenariat pour
la croissance et l’emploi : faire de l’Europe un pôle d’excellence en
espace privilégié pour relayer les desiderata sociaux directement matière de responsabilité sociale des entreprises », COM (2006) 136
auprès des entreprises. final, Bruxelles, le 22.3.2006.
Or, cette situation ne permet pas d’établir de lien direct et univoque Creyer E. et W. Ross, (1996), « The Impact of Corporate Behavior on
avec l’idée de performance. D’abord parce que la RSE est impal- Perceived Product Value », Marketing Letters, vol. 7, n° 2, pp. 173-185.
pable, diverse et difficile à contrôler : quelle firme peut mesurer le Dowell G., S. Hart et B. Yeung, (2000), « Do Corporate Global Environmental
retour sur investissement de sa politique de RSE ? On touche ici Standards Create or Destroy Market Value ? », Management Science, vol.
à l’image, la réputation et peut-être même à la croyance. Ensuite 46, pp. 1059-1074.
parce que la faiblesse des mécanismes coercitifs ne contrebalance Emons W., (1997), « Credence Goods and Fraudulent Experts », Rand
plus les incitations individuelles dont les répercutions sociales Journal of Economics, vol. 28, pp. 107-119.
peuvent être néfastes (phénomène de « passager clandestin » Friedman, M., (1970), « The Social Responsibility of Business is to Increase
en RSE, de dumping social au Sud). Le risque de dissension le its Profits », New York Times Magazine, September 13th.
plus grand entre RSE et performance tient certainement au fait Godfrey P.C., (2005), « The Relationship between Corporate Philanthropy
que l’entreprise est « juge et partie » de sa responsabilité sociale. and Shareholder Wealth : A Risk Management Perspective », Academy of
Management Review, vol. 30, n° 4, pp. 777-798.
On peut certes envisager de nouvelles formes d’incitations de
marché pour amener les firmes à jouer le jeu du social au Nord Hawkins D.E., (2006), Corporate Social Responsibility-Balancing Tomorrow’s
Sustainability and Today’s Profitability, New-York : Palgrave MacMillan.
comme au Sud, mais en l’absence de mécanismes de coercition
au niveau global, la possibilité d’une RSE vidée de son contenu Husted B. W. et J. de Jesus Salazar, (2006), « Taking Friedman Seriously :
Maximising Profits and Social Performance », Journal of Management
est tout à fait envisageable.
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