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entre RSE et performance et qui tente de définir les spécificités de la RSE.
Mots-clés : responsabilité sociale des entreprises, développement Durable,
l’heure où une littérature pléthorique explore le lien empirique
performance, parties prenantes. entre performance et responsabilité sociale des entreprises
(RSE), l’article de Jean-Yves Saulquin et Guillaume Schier
vient utilement mettre en perspective cette problématique. Ils
montrent habilement, en rapprochant le vaste contenu des deux
concepts, une importante proximité et une convergence entre
responsabilité sociale et performance des entreprises, allant
L’on peut retrouver l’intégralité de cet article sur notre nouveau site parfois jusqu’à la confusion. Ce résultat très intéressant évoque
www.larsg-revue.com et sa version imprimée avec les résumés anglais plusieurs réflexions qui fondent l’objet de notre article. Plus
et espagnols dans le numéro 223 de notre revue.
précisément, nous cherchons ici à prolonger l’analyse du lien
The complete article is available on our new site
www.larsg-revue.com and its printed version, with summaries in English
entre performance et RSE dans une perspective économique. La
and Spanish, is in the issue 223 of our journal. spécificité de l’approche économique est double. Elle concerne,
Puede encontrar la versión completa de este artículo en nuestro nuevo sitio d’une part, les outils d’analyse et, d’autre part, les objectifs de
web www.larsg-revue.com y su versión impresa con los resúmenes en inglés recherche.
y español en el número 223 de nuestra revista.
La première réflexion développée dans cet article tient au lien entre
RSE et performance de l’entreprise stricto sensu. Si les concepts
de performance et de responsabilité se recoupent, se fondent
l’un dans l’autre, la quête d’un lien de causalité d’un concept
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Économistes et gestionnaires débattent de la RSE
par rapport à l’autre apparaît vaine ou caduque. En particulier, Notre travail va donc s’articuler autour de ces deux parties. La
il semble sans fondements de vouloir répondre à la question première traitera de l’aspect purement microéconomique en se
suivante : une politique de responsabilité sociale génère-t-elle plus centrant sur la seule performance de l’entreprise, tandis que la
de profit ? Car la RSE serait à la fois le moyen et le résultat. Le seconde élargira la notion de performance à l’échelle sociétale.
problème est donc circulaire. L’économiste, influencé par le fameux
article de M. Friedman (1970), est toutefois gêné à ce niveau :
loin de toute idée de substituabilité, notamment, une politique 1. RSE et performance
de responsabilité sociale doit nécessairement accroître le profit des entreprises
d’une entreprise. C’est sa seule raison d’être selon Friedman. La
réflexion se situe ici dans une optique purement microéconomique Le lien entre RSE et performance est ambigu sur le plan théorique
et la notion de performance, plus riche et complexe, est ramenée comme empirique. Partant de ce constat, les économistes vont
à celle de profit. Cela dénote une divergence importante entre les proposer une gamme différente d’outils pour l’explorer. Les
sciences économiques et les sciences de gestion. Ainsi, à l’image travaux d’analyse concurrentielle dans un cadre de la théorie des
d’ailleurs de travaux en sciences de gestion (cf. par exemple jeux constituent alors une approche intéressante pour envisager
L. Preston et D. O’Bannon, 1997), l’économiste va poursuivre la la RSE offensive. La vision de la RSE comme un instrument de
quête d’une relation de causalité entre RSE et profit. Des outils couverture contre le risque de réputation représente également
spécifiques seront alors utilisés, allant de la théorie des jeux à une piste particulièrement intéressante, tant pour les gestion-
celle de l’assurance. naires que pour les économistes, pour appréhender les aspects
La seconde réflexion que nous évoque l’article de J.-Y. Saulquin et défensifs de la RSE.
G. Schier renvoie également à une frontière disciplinaire évidente
entre gestionnaires et économistes. Elle concerne la notion de
performance. La performance ne doit-elle se comprendre que dans 1.1. Le constat d’une relation incertaine
une logique d’entreprise ? Les économistes vont en effet moins
s’inquiéter de la performance intrinsèque de l’entreprise que de Les relations entre la performance sociale des firmes et leurs
la performance sociétale liée au développement de la RSE. Le performances financières2 sont assez délicates à mettre en
lien entre RSE et performance renvoie autant à la performance évidence parce qu’elles s’avèrent souvent équivoques. En effet, les
de l’entreprise elle-même qu’à la performance globale de la RSE hypothèses théoriques reliant ces deux concepts sont nombreuses.
pour accroître le bien-être général à l’échelle de la société. Ce J. Allouche et P. Laroche (2006) en dénombrent neuf, envisa-
qui intéresse in fine le décideur politique, qui choisira ou non de geant alternativement l’existence d’un lien positif, négatif, mixte
favoriser le développement de la RSE, c’est bien l’impact macro- ou neutre entre ces deux variables. Les choses se compliquent
économique et pas simplement l’impact isolé sur l’entreprise. encore lorsque l’on envisage le sens de causalité : est-ce la RSE
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1. Le commerce juste, qui ne s’appuie pas sur un dumping social de la part des 2. Mesurées généralement soit par le profit soit par l’évolution de la valorisation
pays du Sud. boursière.
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prises vertueuses4. Ces dernières peuvent cependant trouver comme crédible par les parties prenantes. Elle doit de la sorte
d’autres intérêts à mener de véritables politiques de responsa- s’accompagner d’une communication large et efficace. Or, cette
bilité sociale. RSE et peut-être plus encore la communication qui l’entoure a un
coût. Ce coût s’interprète alors comme une prime d’assurance
que la firme doit acquitter pour éviter la chute des ventes lors
1.3. La RSE en tant qu’instrument d’évènements négatifs.
de couverture contre le risque Plus précisément, il vaut mieux parler de couverture que d’assu-
rance. En effet, l’assurance implique une mutualisation des risques.
de réputation Avec la RSE, il n’y a pas de mutualisation et la démarche reste
purement individuelle. La firme peut se couvrir en payant le coût
L’un des problèmes méthodologiques des études explorant le de la RSE contre une éventuelle dégradation de sa réputation et
lien entre RSE et performance vient de ce qu’elles cherchent une par là même de ses ventes futures. Le coût de la RSE est alors à
relation contemporaine entre les deux concepts. Cette faiblesse considérer telle une prime d’option plutôt que comme une prime
naît généralement du manque de profondeur des données dispo- d’assurance. La prime est acquittée une fois pour toutes, que le
nibles. Or, les entreprises peuvent souhaiter mettre en place des risque d’un état de la nature défavorable se concrétise ou non.
politiques de responsabilité sociale non pas pour obtenir un gain Cette analogie avec l’option est d’autant plus pertinente qu’elle
immédiat mais dans le but de générer un profit futur ou encore n’est pas incomptable avec les autres déterminants de la RSE.
afin d’éviter une baisse future éventuelle du profit. Le lien entre En effet, un contrat d’assurance n’a, par définition, que le seul
RSE et performance doit subséquemment s’analyser dans la avantage d’assurer contre le risque d’occurrence d’un évènement
durée et renvoie à des notions de profit effectif comme potentiel, négatif. En revanche, une option a potentiellement une valeur
c’est-à-dire à un raisonnement en espérance de profit. intrinsèque. Une option dans la monnaie, suivant le vocabulaire
Le mécanisme sous-jacent tient au lien que l’on peut faire entre consacré, est une option dont l’exercice immédiat procure un
la RSE et l’image ou la réputation des entreprises. La réputation gain. On dit ainsi que la valeur intrinsèque de l’option est positive.
des firmes représente un actif intangible souvent rattaché à une De la même façon, on peut considérer que la RSE possède une
marque phare (G. Rejda, 1992 ; D. Hawkins, 2006). Cet actif peut valeur intrinsèque positive dès lors qu’elle permet d’engendrer
atteindre des valeurs extrêmement élevées : selon le classement un gain, indépendamment de son rôle d’assurance.
annuel de Business Week (sur la base des travaux du cabinet Ainsi, le raisonnement en termes d’options est compatible avec
Interbrand), l’utilisation du nom « Coca-cola » représentait en 2006 les approches de type coût/avantage qui attribuent à la RSE une
près de 70 milliards de dollars de CA. Le calcul repose sur une valeur monétaire (A. McWilliams et D. Siegel, 2001, B. Husted et
évaluation des gains futurs espérés actualisés directement issus J. de Jesus Salazar, 2006). Il permet également de justifier que
de l’utilisation du nom « Coca-cola ». Mais la réputation permet les firmes plus exposées au risque de réputation de par leur spéci-
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