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Par
Saïd AKRICH
&
Lhoussaine OUABOUCH
&
Btissam EL GHAZI
Résumé :
Le renouvellement des approches dans le domaine du management a permis d'intégrer
les préoccupations de la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) et du développement
durable (DD) dans les systèmes de pilotage de la performance. Les entreprises sont appelées à
redéfinir la notion de performance et à adapter par conséquent leurs systèmes de pilotage aux
nouvelles exigences de l'environnement.
A partir d’une revue de la littérature, l’article traite le concept de performance et son
évolution vers une approche globale intégrant à la fois les volets économique, social et
écologique. Par ailleurs, le contrôle de gestion jusque-là centré sur le contrôle de la
performance économique de l’entreprise, se voit de plus en plus assigner la maîtrise d’un
champ d’application plus élargi du pilotage des organisations, intégrant de nouvelles
dimensions de la performance notamment sociale et environnementale.
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Dans cette optique, l’article conclut que l'entreprise ne peut être pilotée dans la durée
que sur la base d’une éthique forte et d’une confiance réciproque entre les individus et une
prise en compte d'indicateurs environnementaux.
Mots clés :
Contrôle de gestion, performance, développement durable, pilotage de la performance durable
Abstract:
The renewal of approaches in the field of management has made it possible to integrate
the concerns of Corporate Social Responsibility and Sustainable Development in performance
management systems. Companies are called upon to redefine the concept of performance and
to adapt their management systems to the new requirements of the environment.
From a literature review, the article discusses the concept of performance and its
evolution towards a global approach integrating both economic, social and ecological aspects.
On the other hand, management control hitherto centered on the control of the economic
performance of the company is increasingly being assigned to the control of a wider field of
application of the management of organizations, integrating new dimensions particularly
social and environmental performance.
From this perspective, the article concludes that the company can only be managed over
time on the basis of strong ethics and mutual trust between individuals and taking into account
environmental indicators.
Key words:
Management control, performance, sustainable development, Sustainable performance
management.
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Introduction :
Depuis son apparition au début des années trente du siècle passé au sein des grands
groupes industriels américains, le contrôle de gestion n’a pas cessé d’évoluer. En effet, dans
une économie de production, le contrôle de gestion se basait essentiellement sur deux
principales techniques : la comptabilité analytique et les budgets. La première a pour objectif
de calculer les coûts de revient qui permettront de déterminer les prix de vente et par
conséquent les rentabilités partielles. La deuxième a pour vocation de faciliter la comparaison
entre les prévisions et les réalisations en mettant en avant un management basé sur les chiffres.
Par ailleurs, nous avons assisté par la suite à l’émergence du contrôle de gestion par les
activités (Activity Based Costing), de la méthode des coûts cibles (Target Costing), de la
gestion stratégique des coûts de Shank et Govindarajan (1995) et du contrôle de gestion fondé
sur l’empowerment proposé par Johnson (1992) et Lorino (1995).
Ces évolutions s’expliquent d’une part par les mutations du contexte organisationnel et
d’autre part par les exigences de l'environnement externe marqué par l'instabilité et
l'incertitude. Force donc est de constater que le champ d’intervention du contrôle de gestion
s’élargit de plus en plus pour intégrer plusieurs dimensions. Ainsi, son rôle en matière de
pilotage de la performance, autrefois basé sur la performance économique, a évolué vers le
pilotage de la performance sociale et environnementale.
En effet, la prise en compte, dans le processus managérial, des objectifs sociaux et
environnementaux a permis d’intégrer la dimension sociale et environnementale dans le
système du contrôle de gestion. Par conséquent, on est passé d’un rôle de pilotage de la
performance essentiellement économique vers un pilotage de la performance globale.
Ainsi, en réponse aux préoccupations du développement durable, nous assistons
actuellement à l’émergence d’un nouveau contrôle de gestion appelé contrôle de gestion
durable ou éco-contrôle. Ce dernier propose d’adapter les outils de contrôle de gestion pour en
faire des instruments de mesure et de gestion de la performance environnementale de
l’entreprise (Crutzen et Van Caillie, 2010 ; Fülöp et Hernádi, 2014).
L’objectif de cet article est de clarifier cette évolution du rôle de contrôle de gestion au
niveau du pilotage de la performance. Il s’agit de comprendre dans quelle mesure peut-on
intégrer des informations extra-comptables, en particulier environnementales et sociales dans
les systèmes de pilotage de la performance.
Dans ce sui suit, l’article sera subdivisé en deux axes : le premier axe aura pour objectif
de présenter le concept de performance (1). Le second traitera le rôle du contrôle de gestion
en matière du pilotage de la performance durable (2).
1. Le concept de performance : vers une approche globale.
1.1. Notion de performance.
Dans le domaine des sciences de gestion, il existe une littérature abondante sur le
concept de performance, néanmoins, il reste un concept difficile à cerner. En effet, c'est un
"mot-valise" qui recouvre plusieurs acceptations (Lebas M. (1995a, p : 66)). Pour
Bourguignon A. (1995 p : 63-64), la performance recouvre trois principaux sens : la
performance succès, la performance résultat et la performance action. La performance est
succès : la performance n'existe en soi ; elle est fonction des représentations de la réussite,
variable selon les entreprises, selon les acteurs. La performance est résultat de l'action : à
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La meilleure performance se trouve alors dans le meilleur équilibre entre les intérêts des
uns et des autres. Doyle P. (1994, p : 43) suggère un équilibre entre ces différentes attentes
pour assurer la survie et la continuité de l'entreprise. En effet, selon l'auteur, lorsqu'un ou
plusieurs groupes d'acteurs se sentent ignorés, il s'instaure un déséquilibre qui menace la
survie de l'entreprise.
1.3. La performance durable
La performance n'existe que si on peut la mesurer, c'est à dire qu'on peut la décrire par
un ensemble de mesures (ou d'indicateurs) plus au moins complexes (Lebas M.1995a, p : 70).
Naro (2004) montre que les modèles de contrôle de gestion classiques sont fondés sur la
maîtrise de la performance économique et ses critères de compétitivité, de rentabilité et de
productivité. Ces modèles se limitent aux dimensions mesurables de l’entreprise (indicateurs
financiers et comptables) ; cependant le mesurable ne représente qu’une petite partie de la
réalité. Les indicateurs financiers traditionnels s’avèrent insuffisants pour évaluer la
performance de l’entreprise. Des informations non financières, susceptibles d’éclairer
l’appréciation de la performance globale de l’entreprise, sont à l’origine d’un reporting
environnemental et social.
L'évolution du rôle du contrôle de gestion vers le pilotage de la performance sociale
sera présentée dans un premier point (2.1). Le deuxième point sera consacré au rôle du
contrôle de gestion en matière de pilotage de la performance durable (2.2).
2.1. Le contrôle de gestion socio-économique
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sociale est ainsi devenue un thème majeur des recherches en contrôle de gestion (Burlaud et
al., 2004).
Les indicateurs clés de la performance sociale ont été traités par plusieurs auteurs
comme Martory (2001). Ils mettent l’accent sur la mise en place d’un contrôle de gestion
sociale, comme outil du contrôle de gestion, (Burlaud et al., 2004), axé sur la définition
d’indicateurs extra-comptables de la performance sociale (Plane, 2003). L’analyse de la
performance sociale se manifeste le plus souvent en termes de satisfaction des salariés dans le
domaine social (Savall, 1974, 1975, 1979). Martory (2001) propose d’évaluer les indicateurs
de la performance sociale, par les cinq composants du personnel-mix : la politique salariale et
sociale, la valorisation sociale des salariés, le climat et le comportement social, les relations
paritaires, l’image sociale interne-externe.
Ces composants sont des facteurs de la politique des ressources humaines, mesurables
par des clignotants tels que l’absentéisme et le turn-over pour le composant climat et
comportements social. Plane (2003) montre que le contrôle de gestion sociale impose de
compléter le système comptable par un tableau de bord de pilotage social comprenant des
indicateurs de situation (par exemple, les effectifs) et de mouvement (par exemple le taux de
croissance des effectifs) du personnel.
L’évaluation de la performance sociale semble a priori plus difficile, car il demande une
méthode d’évaluation et une définition de l’objet étudié. Lorsque les entreprises implantent
les systèmes d’information sociale, par exemple pour construire le bilan social, c’est souvent à
l’état naissant. Le bilan social reste un outil peu utile et peu lisible pour le management
(Decock Good et Georges, 2003). Pourtant les critères d’appréciation de la performance sont
désormais une priorité de recherche par le gouvernement d’entreprise. La valorisation dans
l’implication du potentiel humain et les comptes de la qualité, par exemple pour mieux
éclairer le goodwill1, fait l’objet de recherches en finance (Tournier et al., 2002).
L’intégration du couplage entre performance financière et responsabilités sociétales des
entreprises « RSE » est au cœur de la problématique actuelle, en effet, comme l’indiquent
Germain et Trébucq (2003) : « S’il existe des entreprises qui développent bien des outils de
pilotage appropriés aux logiques sociétales (ce dont ils doutent) alors il serait intéressant
d’identifier leurs caractéristiques et d’analyser leurs savoir-faire en termes de mesures de la
performance». Douhou et Berland (2007) vont dans le même sens ; pour eux, la mesure de la
performance globale survient d’une convention sociale construite et négociée entre
l’entreprise et ses différentes parties prenantes.
En définitive, il apparaît que l’adaptation des outils de contrôle de gestion est
indispensable afin de répondre aux impératifs de la mise en place d’un pilotage efficace et
efficient de la performance sociale.
2.2. Le contrôle de gestion durable
1 Le goodwill : (appelé aussi survaleur ou écart d'acquisition) représente la différence entre l'actif du bilan d'une
entreprise et la somme de son capital immatériel et matériel valorisée à la valeur de marché ;
https://fr.wikipedia.org/wiki/Goodwill
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Dans une ère où le développement durable s'impose de plus en plus dans les pratiques
managériales des entreprises, il n’est pas étonnant d’évoquer une évolution importante dans le
domaine du management. Ainsi, nous assistons à l'émergence de plusieurs concepts faisant
état de ce constat, tels que la gestion durable, la performance durable, le contrôle de gestion
durable... La prise en compte de la protection de l’environnement dans le management
constitue aujourd'hui un nouvel enjeu stratégique pour l’entreprise (Crutzen et Van Caillie,
2010). En effet, « le concept de performance globale est mobilisé dans la littérature
managériale pour évaluer la mise en œuvre par l'entreprise des stratégies annoncées de
développement durable » (Capron et Quairel, 2006).
Tout comme la stratégie générale d’une entreprise, la stratégie environnementale a été
décrite de nombreuses façons. Même s’il n’existe pas encore de paradigme dominant dans la
littérature dite de management environnemental, de nombreux auteurs (Hunt & Auster, 1990 ;
Van Wassenhove & Corbett, 1991 ; Roome, 1992.) font la différentiation entre des stratégies
qui permettent de dépasser des réglementations afin d’être proactifs et d’intégrer
l’environnement naturel comme un indicateur clé de la stratégie de l’entreprise, et des
stratégies environnementales qui ont pour objectif le strict respect de la législation .
Afin d’illustrer les définitions des stratégies environnementales, nous avons sélectionné
la typologie de Roome (1992), l’une des plus citées, et qui distingue cinq aspects
environnementaux, présentés dans le tableau suivant :
Tableau 3 : Typologie des stratégies environnementales de Romme (1992)
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2 QUAIREL F. (2006), " Contrôle de la performance globale et responsabilité sociale de l'entreprise (RSE)
"COMPTABILITE, CONTROLE, AUDIT ET INSTITUTION(S), AFC, Tunis.
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3 Il existe des normes qui visent à améliorer la production de l'information sociale et environnementale (ISO9001, ISO14001,
ISO9004, ISO14004, ISO26000). La norme ISO14001 par exemple permet de constater l’aptitude d’une société ou d’un
organisme à maîtriser l’impact de son activité sur l’environnement et le respect réglementaire. Cette norme internationale,
rédigée en septembre 1996, repose sur le principe d’amélioration continue de la performance environnementale. En outre, la
norme ISO 26000 « donne des lignes directrices aux entreprises et aux organisations pour opérer de manière socialement
responsable. Elle permet en revanche de clarifier la notion de responsabilité sociétale, d’aider les entreprises et les
organisations à traduire les principes en actes concrets, et de faire connaître les meilleures pratiques en matière de
responsabilité sociétale, dans le monde entier. Elle vise les organisations de tous types, quelle que soit leur activité, leur taille
ou leur localisation. » (http://www.iso.org/iso/fr/home/standards/iso26000.htm).
4 le global reporting initiative est une initiative internationale a laquelle participent des entreprises des ONG , des cabinets de
consultants , des universités qui s’efforce donner une structure d’indicateurs de performance selon une hiérarchie par
catégorie, aspect et indicateur a cela s’ajoute d’autre indicateur tel que l’agence de notation sociale et environnemental. Le
global reporting initiative a été crée en 1997 par l’association américaine coalition for environementaly responsable
économies, elle a été jusqu’en 2002 un projet sous l’égard du PNEU, et elle est aujourd’hui une organisation
indépendante, elle est ouverte a toutes les organisations et à tous particuliers ayant un intérêt dans le reporting de
la responsabilité sociale de l’entreprise.
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de performance selon une hiérarchie par catégorie. Les indicateurs sont regroupés en fonction
des trois axes de la définition conventionnelle du développement durable ; économique,
environnemental et social.
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moins polluant et faisant appel à des technologies propres. En effet, la réduction des
émissions de CO2 qui contribuent au réchauffement climatique, devient de plus en plus un
argument de différenciation de produit.
Au Maroc, pour évaluer le degré de respect des préoccupations du DD par les entreprises,
nous pouvons citer la réflexion développée par les la Confédération générale des entreprises
du Maroc (CGEM). Il s'agit d'un «label CGEM» destiné aux entreprises respectueuses à la
fois des principes fondamentaux de la Constitution et des conventions et recommandations
internationales relatives aux droits de l'Homme, à la protection de l'environnement, à la bonne
gouvernance, et à la concurrence loyale.
Toutefois, malgré l'existence de ce type d'outils ayant pour objectif de mettre en exergue les
trois volets de la performance durable, nous pensons qu'un certain nombre de difficultés
persistent au niveau de la mise en place d'un système de pilotage de la performance durable.
Ces difficultés s'expliquent essentiellement par les attentes souvent contradictoires des parties
intéressées et de la prédominance des objectifs économiques et financiers dans les pratiques et
la culture des managers (Crutzen et Van Caillie, 2010 ; FÜLÖP et HERNÁDI, 2014). Comme
le notent Capron et Quairel (2004), « ces trois objectifs assignés généralement au
développement durable : prospérité économique, justice sociale et qualité environnementale,
au niveau de l’entreprise, engendrent des tensions, ce qui suppose de concilier des intérêts
souvent opposés et par conséquent de trouver des arbitrages et des compromis susceptibles de
satisfaire les différentes catégories de parties concernées ».
Conclusion
Le rôle du contrôle de gestion dans la mise en place d'un système de pilotage axé sur les
principes du développement durable est capital. Il s'agit principalement d'intégrer des
indicateurs variés qui permettent aux entreprises de mieux gérer la performance dans sa
globalité.
D’où, le défi est donc aujourd’hui de proposer un cadre conceptuel spécifique pour cette
pratique en émergence du contrôle de gestion durable et de positionner les outils existants
dans ce cadre. S’il est vrai que sa mise en œuvre au sein des entreprises reste encore limitée
puisqu’il suppose l’existence d’un système d’information environnemental, d’une stratégie de
développement durable et d’une approche managériale fondée sur la notion de RSE.
Par ailleurs, le contrôle de gestion est souvent confronté à de multiples forces d’opposition : la
résistance au changement, les comportements individualistes, les directions autoritaires, la
méfiance des opérationnels, l’insuffisance des compétences, l’opacité des règles, l’absence de
crédibilité de la fonction (Capron et Quairel, 2004 ; Crutzen et Van Caillie, 2010 ; FÜLÖP et
HERNÁDI, 2014). Malgré ces difficultés, chaque entreprise a intérêt à mettre en place un
système de pilotage de la performance durable, adapté à ses spécificités et permettant ainsi
d'arriver à une situation d'équilibre à la fois entre la performance de nature économique,
sociale et environnementale
En dépit des développements théoriques, l'approche normative est loin d'être la bonne réponse
à cette exigence d'adaptation du contrôle de gestion aux nouveaux besoins des entreprises en
termes de pilotage. En effet, il est plutôt souhaitable de construire un système de contrôle de
gestion « sur mesure », adapté à chaque entreprise, qui devra être le résultat d’une démarche
d’apprentissage progressive et collective. Nous avons surtout cherché, à travers ce papier, de
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