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Homogénéité, hétérogénéité
1. Pour une synthèse des travaux, voir J. Caby (1997) et G. Hirigoyen et J-P
Pichard-Stamford (2003).
2. Ce qui reste vrai, malgré la fécondité des débats, c’est que la science ne
peut pas dire en terme absolu quels sont les mécanismes qui garantissent la
légitimité du pouvoir et la transparence des décisions dans les organisations.
Suite aux scandales financiers de ces cinq dernières années, on s’accorde
aujourd’hui à mettre un accent sur la reglementation du cadre relatif à la
gouvernance des entreprises. D’où, par exemple aux Etats-Unis, la loi
Sarbanes-Oxley (2002) qui constitue un véritable point d’ancrage du cadre
américain.
3. A. Bourguignon (1995) note que le terme performance est largement utilisé
sans que sa définition ne fasse l’unanimité. On peut aussi voir C. Germain
(2004) pour ce qui est de la méthodologie de mesure de la per formance.
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l’entreprise doit disposer des outils de cohésion et de contrôle nance dans les pays du Nord et aux Etats Unis, la question sur
efficaces. Or le dirigeant a une fonction d’utilité personnelle à l’homogénéité et l’hétérogénéité du groupe dirigeant reste
maximiser, notamment, en restant le plus longtemps possible bien actuelle en Afrique. En d’autres termes, les probléma-
au pouvoir4. L’enracinement apparaît ainsi comme un thème tiques sur les caractéristiques psychologiques, socio-
essentiel dont la maîtrise des mécanismes par les action- démographiques et professionnelles du groupe dirigeant ne
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs
naires permet de réduire les dérives managériales. sont pas nouvelles7. Les différents travaux seront progressi-
Au regard des performances des entreprises dans la plupart vement élucidés à travers la conceptualisation des notions de
des pays en Afrique, on relève que le problème de la gouver- l’équipe dirigeante, d’homogénéité et d’hétérogénéité, d’enra-
nance des organisations se pose de manière urgente dans cinement du dirigeant et leur impact sur la performance de
tous les secteurs d’activité5. Les chercheurs et les managers l’entreprise.
se sont jusqu’ici ingéniés à mettre en relief les sources d’inef-
ficience des entreprises dans ce contexte. D’où une floraison
des travaux centrés sur la culture, le comportement managé- 1.1. La notion de groupe dirigeant :
rial des dirigeants et les facteurs économiques et financiers6. une approche fonctionnelle
Pourtant, la gestion de la configuration de l’équipe drigeante
de l’entreprise et le maintien (ou la mutation) du principal La taille et la dichotomie homogénéité/hétérogénéité sont les
dirigeant sont des problèmes qui se posent actuellement avec deux vecteurs de caractérisation du groupe dirigeant. De ce
acuité dans les conseils d’administration. Ces problèmes sont fait, elles seront successivement présentées dans ce
d’une grande importance dans certaines entreprises camerou- paragraphe.
naises où la propriété du capital est détenue par des
personnes ayant un faible niveau d’éducation et fortement
identifiées dans leurs valeurs socioculturelles, et la gestion 1.1.1. La taille du groupe dirigeant
par un capital humain certes, assez outillé, mais, parfois aux
profils très hétéroclites. Or il faut trouver un compromis entre Le groupe dirigeant désigne les mandataires sociaux de
le souci d’adaptation et de créativité (œuvre du groupe hétéro- l’entreprise, les responsables des décisions et des choix
gène) et le souci d’efficacité (œuvre du groupe homogène) stratégiques (D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984),
A.C. Filley, R.J. Housse et S. Kerr (1976), W. G. Ouchi (1980), B. Baysinger et R.E. Hoskisson (1990)) ou de la politique
D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), A.I. Murray (1989), K.A. générale de l’entreprise. Pour définir le groupe dirigeant,
Bantel et S.E. Jackson (1989). D’où la contribution de cet nombre d’auteurs font appel à sa taille. Ainsi, A.I. Murray
article dont l’objectif est de comprendre le lien qui existe (1989) distingue deux types de groupes dirigeants : les
entre la configuration du groupe dirigeant, la performance de groupes larges (inclusive groups) composés de tous les
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B. Pigé (1994) parlant du groupe dirigeant, se limite aux investissent dans le domaine social. Que ce soit dans
groupes restreints. l’approche psychologique, socio-démographique ou profes-
La taille de l’équipe dirigeante se définit donc en fonction de sionnelle, la définition de l’homogénéité des groupes reste
l’architecture organisationnelle de l’entreprise et plus préci- cependant un problème.
sement du nombre de niveaux hiérarchiques dont les respon- L’homogénéité est un indice composite qui mesure la simila-
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B. Baysinger et R.E. Hoskisson (1990), parlant de l’hétérogé- pointus à l’instar du degré d’homogénéité ou d’hétérogénéité
néité des membres du conseil d’administration, distinguent de l’équipe dirigeante.
entre les administrateurs internes et externes. Ils définissent Depuis les travaux de J. Pfeffer (1972) et D.C. Hambrick et
l’hétérogénéité sur la base de la qualité du membre, de son P.A. Mason (1984), on assiste à une explosion de la littéra-
statut et de son rôle au sein du conseil d’administration. Les ture anglo-saxonne sur l’équipe dirigeante. D.C. Hambrick et
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs
auteurs de l’approche cognitive (D.C. Hambrick et P.A. Mason P.A. Mason (1984) dans un travail qui peut être qualifié
(1984), D. Hurst, J.C. Cush et R.E. White (1989)) recourent comme le point d’accélération des études sur les caractéris-
aux caractéristiques psychologiques des membres de l’équipe tiques du groupe managérial et leurs effets sur les décisions
dirigeante pour définir leur similarité ou leur dissemblance14. stratégiques et la performance de l’entreprise, distinguent
Ces attributs n’étant pas exclusifs, un groupe sera parfaite- entre les attributs psychologiques et les caractéristiques
ment homogène s’il est semblable sur toutes les variables. observables. Cette dernière catégorie étant celle qui peut
L’homogénéité est donc un facteur fédérateur du groupe servir de base aux travaux empiriques. Le « top managerial
restreint dans les générations, dans l’idéologie, dans les team » peut donc être analysé en terme d’homogénéité ou
opinions, dans la perception, les attitudes, la sensibilité, les d’hétérogénéité de leur profil. Pour A.C. Filley, R.J. Housse et
actes et les motivations. S. Kerr (1976), la routine est une caractéristique des groupes
La définition de l’hétérogénéité des groupes relève aussi des homogènes. Tandis que l’innovation et le changement dûs à la
travaux de sociologie et plus précisément de la théorie de la diversité des opinions, des connaissances et donc des alter-
structure sociale de P.M. Blau (1977). A partir d’une étude natives font l’identité des groupes hétérogènes. Ce résultat
macro sociologique menée aux Etats-Unis sur les conflits suscite une interrogation. Le plus important est-il de multiplier
intergroupes, P.M. Blau (1977) élabore le « théorème de les alternatives ? Ce qui compte pour l’entreprise, c’est le
l’hétérogénéité des groupes ». Cette théorie consacre l’hété- consensus autour d’une alternative jugée plus rationnelle.
rogénéité des groupes comme la source de conflits et de Autant il est possible que les groupes homogènes divergent
crimes intergroupes. I’auteur montre que l’hétérogénéité également dans les opinions, autant ceux dispersés peuvent
n’est intéressante que dans les cas où les relations inter- manquer de consensus sur la solution optimale. Certes, le fait
groupes priment sur les autres considérations15. de dupliquer les mêmes décisions est source d’inertie, mais,
L’homogénéité est définie ici par des variables biologiques et il peut constituer aussi une forte synergie si les mêmes
démographiques (l’âge, le sexe, la race, le clan, le mimétisme décisions peuvent procurer les mêmes avantages17.
dans le mariage, la religion, etc.). R.J. Sampson (1984) D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), A.I. Murray (1989), D.C.
évoque la subjectivité de cette théorie et propose la culture Hambrick et M.J. Chen (1992), K.A. Bantel (1993) et D.C.
comme déterminant principal de l’analyse de l’hétérogénéité Hambrick (1996), introduisent la dynamique de l’environne-
des groupes sociaux. ment comme déterminante dans l’appréciation des effets de
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1.2. Groupe dirigeant et performance : 14. A partir d’une analyse des caractéristiques cognitives, ils classent les
membres dirigeants en quatre groupes : ceux intuitifs animés par l’imagination
une discussion des travaux antérieurs et la réalisation, les membres actifs déterminés par la satisfaction antérieure
et la motivation future, les membres analystes animés par l’évaluation et l’éla-
boration des plans d’action et les membres sensibles caractérisés par leur
L’interrogation sur la composition du groupe dirigeant n’est
spontanéité et leur capacité d’adaptation.
pas récente. Elle date du début du XXe siècle avec les travaux 15. Le théorème cherche donc à promouvoir les relations intergroupes à
de C.I. Barnard (1938)16. Cet auteur a été le premier à initier travers le mariage qui est un facteur fondamental dans l’accroissement des
relations intergroupes et donc dans la réduction des conflits et des crimes
une étude sur la similarité interpersonnelle et la cohésion sociaux.
sociale entre les membres de l’équipe dirigeante. Il montre, 16. Depuis Adam Smith (1776), Berle et Means (1932), C.I. Barnard a été en
1938 le premier à focaliser une étude sur les caractéristiques des dirigeants
outre le rôle prééminent du dirigeant, que la similarité inter- (relations interpersonnelles et cohésion sociale entre les membres de l’équipe
personnelle, source de cohésion sociale, peut agir positive- dirigeante).
17. A ce sujet, S. Finkelstein (2004) montre que le fait pour le dirigeant de
ment sur les performances de l’entreprise. Depuis lors, que ce
vouloir changer ce qui dans le passé a permis de réussir est l’un des péchés
soit dans les travaux portant sur l’analyse des organisations capitaux qui expliquent les échecs les plus cinglants des dirigeants d’entre-
ou ceux consacrés à la stratégie et à la gouvernance, les pays prise.
18. Les travaux de D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984) n’ont été testés
africains souffrent d’une carence de littérature. Ce déficit qu’empiriquement. Mais, ils constituent le point de base des travaux posté-
s’aggrave davantage lorsqu’on s’intéresse aux sujets plus rieurs.
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décisions stratégiques par rappor t à l’hétérogénéité. Mason (1984)) ou du staff (P. Shrivastava et S.A. Nachman,
Cependant, cet accroissement et son impact sur la perfor- 1989). Dans ce dernier cas et en fonction de la taille du staff,
mance dépendent du climat de stabilité ou de turbulence dans une forte hétérogénéité des membres est favorable aux
le secteur de la firme. conflits et aux coalitions contre l’exécutif. L’efficacité, l’adap-
A.I. Murray (1989) distinguant l’efficacité de la capacité tation et la créativité de l’entreprise ne peuvent dépendre que
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dépendent de la coalition dominante23. En d’autres termes, les l’entreprise sa capacité d’adaptation et de créativité. D’où les
groupes homogènes n’inhibent pas la performance dans le sous-hypothèses suivantes fondées sur le contexte de l’étude
même sens que ceux qui sont hétérogènes. Ces effets antago- et la discussion des travaux antérieurs.
nistes sur les résultats de l’entreprise semblent mieux s’expli-
quer par la divergence des fonctions d’utilité des différentes H1 : A court terme, les entreprises ayant un groupe dirigeant
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs
catégories d’administrateurs que par les états de l’environne- homogène sont plus performantes que celles ayant un
ment. Certes, tout comme le secteur d’activité, l’environne- groupe dirigeant hétérogène.
ment détermine la discrétion managériale (D.C. Hambrick et H2 : A long terme, les entreprises groupe dirigeant hétérogène
S. Finkelstein (1987)24 à travers laquelle les dirigeants satis- réalisent des performances supérieures à celles de leurs
font leur fonction d’utilité. Mais, la nature de l’impact de homologues ayant une équipe dirigeante homogène.
l’homogénéité ou de l’hétérogénéité sur les résultats de Après cette présentation de la notion du groupe dirigeant, des
l’entreprise ne saurait être le fait de l’environnement. concepts d’homogénéité et d’hétérogénéité, le paragraphe
L’explication du plan de rémunération des dirigeants et leur suivant sera consacré à la notion d’enracinement qui peut être
indexation sur la performance subit l’influence de la configu- le fait ou non de la composition de l’équipe dirigeante.
ration du groupe dirigeant et des administrateurs (J.D.
Wesphal et E. Zajac, 1995)25. A titre d’illustration, les recher-
ches psycho-sociologiques montrent l’existence d’un biais 1.3. Le concept d’enracinement :
démographique lors de l’évaluation des performances quand définition et lien avec l’homogénéité
l’évaluateur et l’évalué présentent des profils similaires (J.
Caby, 1997). D’une manière générale, les dirigeants préfèrent et la performance
expliquer le plan de rémunération par les ressources humaines Les stratégies des entreprises sont au centre des questionne-
pour accroître leur réputation et le conseil d’administration ments principaux de la finance moderne (M. Paquerot, 1996)
par la théorie de l’agence. La similarité des caractéristiques et du management stratégique. L’enracinement du dirigeant
professionnelles entre les deux instances fait en sorte est compris comme une stratégie mise sur pied pour se rendre
qu’elles aient des positions convergentes. La composition de indispensable (B. Pigé, 1998) ou pour s’affranchir de la tutelle
l’équipe dirigeante est donc de nature à influencer le degré de de son conseil d’administration afin de réduire son risque de
conflit entre ses membres. révocation et accroître son pouvoir discrétionnaire (P.G.
La lecture chronologique et transversale de ces différentes Berger, E. Ofek et D.L. Yermack (1997), J.-P. Pichard-Stamford
contributions depuis D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), (2000)). C’est aussi une technique pour évincer d’éventuels
relève une influence notable de l’homogénéité et de l’hétéro- concurrents et rendre son remplacement onéreux pour l’orga-
généité du groupe dirigeant sur les choix et les décisions nisation à laquelle on appartient (A. Shleifer et R.W. Vishny
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sont les nôtres dans cette section sont celles de savoir si par l’enracinement. En d’autres termes, le dirigeant n’est pas
l’homogénéité ou l’hétérogénéité enraciné parce que l’équipe est homogène, mais l’équipe est
de l’équipe dirigeante est de nature à favoriser l’enracinement homogène parce que le dirigeant est enraciné33. En tout état
du dirigeant28 ; et si cette stratégie de domination est préjudi- de cause, seul l’accroissement de la valeur de la firme est
ciable aux actionnaires. légitime pour ses partenaires.
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mesure de l’enracinement basée sur la durée de fonction et la littérature est d’approche très difficile et donc non testable
longévité du dirigeant n‘implique-t-elle pas de l’expérience empiriquement (D.C. Hambrick et P.A. Mason, 1984) ;
capitalisée dans le secteur et le domaine d’activité de la firme – la méthode socio-démographique qui permet d’appréhender
et mise au service de la richesse des actionnaires ? Nous les caractéristiques psychologiques de l’approche précé-
pensons que les stratégies théoriques d’enracinement ne sont dente. Elle est actuellement la plus utilisée même si elle ne
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs
pas forcement de type à permettre aux dirigeants de se permet pas d’appréhender très exactement les attributs
soustraire à la vigilance des structures de contrôle et de cognitifs de l’équipe (D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984),
maximiser les prélèvements prévus et non prévus liés à leur K.A. Bantel et S.E. Jackson (1989)). Nous avons emprunté
fonction. L’enracinement légitime nous semble être le souci cette méthode dans une logique multivariée.
des dirigeants dans la mesure où leur cote sur le marché de Pour mesurer le plus ou moins degré d’homogénéité de
l’emploi devrait dépendre de la légitimité de leur enracinement l’équipe dirigeante, quatre indicateurs nous ont semblé perti-
au poste occupé. Les cas de baisse de performance peuvent nents : l’âge des membres, leur ancienneté dans l’entreprise,
arriver ; mais, sans être le fait strictement intensionnel du leur ancienneté dans l’équipe dirigeante et leur cursus
mauvais comportement du dirigeant. Sur la base de tous ces scolaire et universitaire35. Pour obtenir l’indice d’homogénéité
développements, nous formulons la proposition suivante. ou d’hétérogénéité, nous avons_ pour chacune des variables
H4. Le différentiel de performance dû à l’enracinement du calculées : la moyenne (X) et l’écart-type (σ) entre les
dirigeant est marginal. membres d’une même entreprise ; ensuite, pour chaque entre-
L’enracinement du dirigeant peut pareillement dépendre de la prise, nous avons calculé l’écart-type des écarts-types (σσ)
performance passée de l’entreprise. Un succès antérieur des
_ différentes variables ainsi que la moyenne des moyennes
étant de nature à accroître la confiance vis-à-vis du dirigeant, (XX_) desdites variables. Le plus ou moins degré d’homogé-
et par conséquent, d’exercer un contrôle moins strict à son néité est donné par un indice composite rapportant l’écart-
endroit (B. Pigé, 1998). Comme le relève J.-P. Pichard- type des écarts- types (σσ_) des différentes variables à la
Stamford (2002), l’enracinement du dirigeant par la perfor- moyenne de leur moyenne (XX_). Il s’agit bien du coefficient de
mance est très souligné dans la littérature. Le contexte sans variation (CV)
σ
marché financier de cette recherche permettra soit de prendre
effectivement parti dans le débat actuel sur les concepts CV = _σ
analysés, soit d’ouvrir de nouveaux axes de réflexions. XX_
CV→0 implique groupe homogène
CV→1 implique groupe hétérogène
2. Méthode de mesure Nous avons groupé les entreprises en deux : le groupe de
des variables et d’analyse dirigeants homogène et groupe de dirigeants hétérogène sur
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Pour mesurer la performance à long terme, nous avons arbitré l’équipe dirigeante et à la tête de l’entreprise est strictement
entre deux variables aussi pertinentes que fondamentales : supérieure à dix ans, l’entreprise reçoit également la note
– la rentabilité moyenne des investissements encore appelée « 1 » ; dans le reste des cas, elle reçoit la note « 0 ».
rentabilité industrielle calculée sur une période de cinq
exercices allant de 1995-1996 à 1999-2000. Ce ratio a
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dirigeante, 40 entreprises soit 45,45 % sont d’une équipe les équipes homogènes et celles hétérogènes par rapport à
dirigeante de grande taille ; 31 soit 35,22 % sont de taille leurs performances est très faible et non significatif. Ce qui
stricte et 17 soit 19,31 % sont des monodécideurs44. confirme les résultats du khi-deux et la corrélation de
Au départ, nous avions défini comme unité d’échantillonnage, Pearson. Même s’il est nécessaire de combiner les différentes
toute personne de l’entreprise faisant partie de l’équipe variables dans une analyse multidimensionnelle afin d’appré-
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs
dirigeante au sens strict. A l’issue des enquêtes, les répon- cier leurs effets simultanés sur la performance, il convient de
dants sont constitués des personnes visées au départ à noter ici que les hypothèses H1. et H2. sont totalement infir-
29,5 %. Cependant, vu les fonctions des responsables qui ont mées. Ceci revient à dire que le différentiel de performance
eu l’amabilité de répondre au questionnaire sur la recomman- généralement attribué à la configuration de l’équipe dirigeante
dation de leur hiérarchie, nous n’avons en aucun cas douté de en fonction de la dynamique de l’environnement n’est pas
la pertinence et de la fiabilité des données obtenues. Nous toujours vérifié dans tous les contextes.
pouvons au contraire relever que ces responsables font partie Comme le dit A.I. Murray (1989), D.C. Hambrick (1996), etc.
de l’équipe dirigeante de leur entreprise45. les groupes homogènes tendent à favoriser la cohésion, une
Pour tester nos hypothèses, nous avons utilisé plusieurs tests compréhension sociale partagée et une communication inter-
statistiques : la corrélation de Pearson, le khi-deux et les personnelle fréquente et fluide. Nous relevons que ces
mesures d’association que sont les coefficients phi (φ) et de propriétés semblent être aussi bien celles des groupes hétéro-
contingence (C), le test du rapport de vraisemblance et enfin gènes. En effet, la flexibilité et la capacité du groupe dirigeant
la régression linéaire multiple. à trouver une nouvelle stratégie adaptée aux nouvelles
contraintes de l’environnement apparaissent dans les travaux
de A.I. Murray (1989) comme étant l’œuvre des seuls groupes
3. Résultats et implications hétérogènes. Ceci est très discutable dans la mesure où, la
flexibilité, la volonté d’agir et de riposter face aux attaques
Nous allons présenter dans un premier temps et dans une des concurrents ou aux perturbations de l’environnement
logique unidimensionnelle, l’influence de la composition de relèvent de la multirationalité et du multidynamisme du
l’équipe dirigeante sur la performance (3.1) et sur l’enracine- groupe dirigeant47 (qu’il soit homogène ou non). La communi-
ment (3.2) et celle de l’enracinement sur la performance cation permanente et la fluidité de l’information relèvent de la
(3.3). Secondement, les analyses multidimensionnelles volonté du système de poursuivre les mêmes objectifs, à
permettront d’apprécier les effets simultanés des différentes savoir : l’efficacité, l’adaptation aux changements et la
variables sur la performance et sur l’enracinement (3.4). maximisation du profit. Les divergences dont les groupes de
44. Dans la logique de cette étude, les entreprises dirigées par un dictateur
3.1. L’impact de l’homogénéité et de
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dirigeants hétérogènes peuvent faire preuve dans leur compor- des membres de l’équipe autour du dirigeant et par consé-
tement quotidien de prise de décision semblent bien margi- quent, une source de domination de ce dernier sur les adminis-
nales, même si l’on ne doit pas les perdre de vue. Garantir la trateurs.
performance de long terme dans un contexte de turbulence Le statut familial de l’entreprise est un facteur significatif
n’est donc pas le pari des seuls groupes de dirigeants aux dans la configuration de l’équipe dirigeante et le maintient au
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tement de la satisfaction de la fonction d’utilité et le renfor- (v4), le type de formation du dirigeant (v13), le diplôme du
cement de la position sociale du dirigeant et de ses collabo- principal dirigeant (v14) et la proportion des administrateurs
rateurs. externes dans les organes de contrôle (v44). La proportion de
la variation de l’enracinement sera présentée d’abord, et
ensuite, celle de la performance.
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Coefficient
Ordre Variables R2 partiel R2 cumulé F de Fisher Prob
de régression
mance impliquent une efficacité de la structure de contrôle. domination et de réduction de risque de révocation se relati-
On peut donc conclure que la performance de l’entreprise est vise avec cette recherche qui prend le parti des auteurs
déterminée par l’efficacité des structures de contrôle, les militants en faveur d’une relation positive entre l’enracine-
compétences techniques ou managériales et le charisme54 ment du dirigeant et la per formance de l’entreprise.
des dirigeants. Finalement, la configuration optimale de l’équipe gouvernante,
L’homogénéité ou l’hétérogénéité de l’équipe gouvernante par si on peut y parvenir, ne peut être structurellement définie que
rapport aux travaux de D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), sur la base de la surface de compétences techniques, intel-
A.I. Murray (1989), K.A. Bantel (1993), D.C. Hambrick lectuelles et managériales de ses membres et du charisme du
(1996), etc. peut agir sur la performance indépendamment du principal dirigeant.
niveau des mutations dans les secteurs spécifiques et dans
l’environnement économique en général. Même si A.I. Murray
(1989) nuance ses trouvailles en faisant allusion à l’homogé- Bibliographie
néité et à l’hétérogénéité temporelle, la présente étude Alexandre H. et Paquerot M. (2000), « Efficacité des structures de
présente l’avantage d’être menée dans un environnement contrôle et enracinement des dirigeants », Finance – Contrôle –
fortement perturbé et caractérisé par la recrudescence des Stratégie, vol. 3, n° 2, pp. 5-29.
crises sectorielles plus pointues. Si l’objectif du clan, comme Allouche J. et Amann B. (2003), « William. G. Ouchi : la régulation par
le clan », Encyclopédie des Ressources Humaines, éditions Vuibert,
semble l’indiquer W.G. Ouchi (1980) est d’encourager une
Paris, pp. 1740-1752.
forte proportion d’individus à donner leur avis sur les
Arcimoles C.H. (1994), « Relation d’agence actionnaire-dirigeant : le
décisions ou de faire perdurer les liens au-delà de l’exécution cas de la gestion sociale », Annales du Management, tome 1, pp. 271-
des contrats (J.P. Pichard-Stamford, 2002), la mise sur pied 286.
dans un groupe (clanique ou non), d’une méthodologie de Bantel K.A. (1993), « Strategic clarity in banking : role of top manage-
prise de décision concertée et discutée impliquerait toutes les ment team demography », Psychological Reports vol 73.
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Caby J. (1997), « Les dirigeants et la performance de l’entreprise : une Michel J.-G. et Hambrick D.C. (1992), « Diversification posture and top
revue de la littérature », Economie et Société, Science de Gestion, management team characteristics », Academy of Management
série n° 7, pp. 287-313. Journal, vol 35, n° 1, pp. 9-37.
Dulewicz V. et Herbert P. (2004), « Does the composition and pratice Murray A.I. (1989), « Top management group heterogeneity and firm
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mai-juin 2006
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