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HOMOGÉNÉITÉ, HÉTÉROGÉNÉITÉ DE L'ÉQUIPE DIRIGEANTE

Performance de l'entreprise et enracinement du dirigeant

Jules Roger Feudjo

Direction et Gestion | « La Revue des Sciences de Gestion »

2006/3 n°219 | pages 115 à 128


ISSN 1160-7742
ISBN 9782916490035
DOI 10.3917/rsg.219.0115
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2006-3-page-115.htm
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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation 115

Homogénéité, hétérogénéité

Entrepreneurs, créateurs et repreneurs


de l’équipe dirigeante,
performance de l’entreprise
et enracinement du dirigeant
par Jules Roger Feudjo

’équipe gouvernante dans les entreprises semble être le

L credo le plus convoité dans les développements actuels


de la finance. L’intensité des débats autour du dirigeant
et son iconographie a inondé ces trois dernières décennies
tous les domaines de la finance moderne. Le gouvernement de
l’entreprise et les structures de gouvernance constituent
jusqu’ici l’épine dorsale de la quasi-totalité des travaux1.
Malgré la fécondité des débats2, les études portant sur la
configuration des mandataires sociaux restent marginales
dans l’espace francophone et plus particulièrement en
Afrique. La composition de l’équipe gouvernante et son
impact sur les choix stratégiques et la performance de
J u l e s Ro ge r F E UD J O l’entreprise demeurent donc une préoccupation de grande
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Maître de conférence en Science de Gestion importance et un thème original en management stratégique
et en finances.
Département Comptabilité – Finances, Le concept de performance lui-même reste un sujet central
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion des sciences de gestion (C. Gauzente, 2002). De par son rôle
(FSEG) dans les incitations de financement et les débats méthodolo-
Université de Ngaoundéré (Cameroun) giques et épistémologiques qui gravitent autour de sa défini-
tion et de sa mesure3, les problématiques sur la performance
de l’entreprise restent au centre des recherches en manage-
ment. Elle traduit le vœu d’accomplissement de l’entreprise
ou son succès (C. Gauzente, 2002). Pour réaliser cet objectif,

1. Pour une synthèse des travaux, voir J. Caby (1997) et G. Hirigoyen et J-P
Pichard-Stamford (2003).
2. Ce qui reste vrai, malgré la fécondité des débats, c’est que la science ne
peut pas dire en terme absolu quels sont les mécanismes qui garantissent la
légitimité du pouvoir et la transparence des décisions dans les organisations.
Suite aux scandales financiers de ces cinq dernières années, on s’accorde
aujourd’hui à mettre un accent sur la reglementation du cadre relatif à la
gouvernance des entreprises. D’où, par exemple aux Etats-Unis, la loi
Sarbanes-Oxley (2002) qui constitue un véritable point d’ancrage du cadre
américain.
3. A. Bourguignon (1995) note que le terme performance est largement utilisé
sans que sa définition ne fasse l’unanimité. On peut aussi voir C. Germain
(2004) pour ce qui est de la méthodologie de mesure de la per formance.

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l’entreprise doit disposer des outils de cohésion et de contrôle nance dans les pays du Nord et aux Etats Unis, la question sur
efficaces. Or le dirigeant a une fonction d’utilité personnelle à l’homogénéité et l’hétérogénéité du groupe dirigeant reste
maximiser, notamment, en restant le plus longtemps possible bien actuelle en Afrique. En d’autres termes, les probléma-
au pouvoir4. L’enracinement apparaît ainsi comme un thème tiques sur les caractéristiques psychologiques, socio-
essentiel dont la maîtrise des mécanismes par les action- démographiques et professionnelles du groupe dirigeant ne
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naires permet de réduire les dérives managériales. sont pas nouvelles7. Les différents travaux seront progressi-
Au regard des performances des entreprises dans la plupart vement élucidés à travers la conceptualisation des notions de
des pays en Afrique, on relève que le problème de la gouver- l’équipe dirigeante, d’homogénéité et d’hétérogénéité, d’enra-
nance des organisations se pose de manière urgente dans cinement du dirigeant et leur impact sur la performance de
tous les secteurs d’activité5. Les chercheurs et les managers l’entreprise.
se sont jusqu’ici ingéniés à mettre en relief les sources d’inef-
ficience des entreprises dans ce contexte. D’où une floraison
des travaux centrés sur la culture, le comportement managé- 1.1. La notion de groupe dirigeant :
rial des dirigeants et les facteurs économiques et financiers6. une approche fonctionnelle
Pourtant, la gestion de la configuration de l’équipe drigeante
de l’entreprise et le maintien (ou la mutation) du principal La taille et la dichotomie homogénéité/hétérogénéité sont les
dirigeant sont des problèmes qui se posent actuellement avec deux vecteurs de caractérisation du groupe dirigeant. De ce
acuité dans les conseils d’administration. Ces problèmes sont fait, elles seront successivement présentées dans ce
d’une grande importance dans certaines entreprises camerou- paragraphe.
naises où la propriété du capital est détenue par des
personnes ayant un faible niveau d’éducation et fortement
identifiées dans leurs valeurs socioculturelles, et la gestion 1.1.1. La taille du groupe dirigeant
par un capital humain certes, assez outillé, mais, parfois aux
profils très hétéroclites. Or il faut trouver un compromis entre Le groupe dirigeant désigne les mandataires sociaux de
le souci d’adaptation et de créativité (œuvre du groupe hétéro- l’entreprise, les responsables des décisions et des choix
gène) et le souci d’efficacité (œuvre du groupe homogène) stratégiques (D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984),
A.C. Filley, R.J. Housse et S. Kerr (1976), W. G. Ouchi (1980), B. Baysinger et R.E. Hoskisson (1990)) ou de la politique
D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), A.I. Murray (1989), K.A. générale de l’entreprise. Pour définir le groupe dirigeant,
Bantel et S.E. Jackson (1989). D’où la contribution de cet nombre d’auteurs font appel à sa taille. Ainsi, A.I. Murray
article dont l’objectif est de comprendre le lien qui existe (1989) distingue deux types de groupes dirigeants : les
entre la configuration du groupe dirigeant, la performance de groupes larges (inclusive groups) composés de tous les
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l’entreprise et l’enracinement du principal dirigeant. En cadres dirigeants, c’est-à-dire des personnes occupant un
d’autres termes, quel est l’intérêt pour l’entreprise d’avoir une poste hiérarchique (y compris évidemment le PDG/DG et les
équipe dirigeante homogène ou hétérogène ? Cette configura- DGA) ; les groupes restreints (exclusive groups) comprenant
tion favorise t-elle la performance de l’entreprise ou l’enraci- uniquement le Président du Conseil d’Administration (PCA), le
nement du dirigeant ? Et si ces liens sont avérés, peut-on Directeur Général (DG) ou le Président-Directeur Général
parvenir à une configuration type ? Au cas où elle favorise le (PDG), les Directeurs Généraux-Adjoints (DGA) et assimilés.
maintien du dirigeant au pouvoir, cette stratégie d’enracine-
ment est-elle légitime ou opportuniste ? 4. Tel n’est pas l’objectif de tout dirigeant. Dans l’entreprise familiale par
exemple, le dirigeant peut, avoir un attachement « viscéral » ou « sentimental »
Cette recherche novatrice dans son domaine et dans son à l’entreprise. L’enracinement à ce moment n’a pas forcement pour objectif
environnement présente à la fois un intérêt théorique, de rechercher un intérêt égoïste.
5. Une étude diagnostic réalisée par nos soins dans le secteur industriel au
empirique et pratique. Dans cette perspective, elle présente, Cameroun sur la période allant de 1995-1996 à 1999-2000 montrent que :
dans une première partie, la discussion des travaux antérieurs 50 % environ des entreprises du secteur réalisent un résultat net nul ou défici-
taire ; la rentabilité moyenne du secteur s’élève à 4,23 % pour une fortune
consacrés à l’équipe dirigeante. La seconde partie consacre
d’environ 4 168 milliards de francs CFA. investis. Pis encore, presque toutes
le cadre méthodologique et la dernière, les résultats et leurs ces entreprises végètent et sont gravement exposées au risque de faillite. Ces
implications. statistiques témoignent que le problème de la gouvernance des entreprises
est réel et préoccupant
6. On peut consulter à ce sujet : J.-P. Tchankam (2000), E. Kamdem (2002),
L. Kombou et J.-R. Feudjo (2003), etc.
1. Cadre théorique et hypothèses 7. Trois conceptions théoriques complémentaires peuvent être considérées
comme base soujacente à cette étude : la conception économique de la
de recherche théorie de l’agence, la théorie du gouvernement et de la gouvernance des
entreprises et la théorie managériale (le groupe dirigeant étant le principal
responsable de la politique générale et des décisions stratégiques de l’entre-
Si tout semble être dit et redit sur le profil et le comportement prise. D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984) parlent de l’entreprise comme le
du dirigeant et sur les systèmes et les mécanismes de gouver- reflet de ses dirigeants).

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B. Pigé (1994) parlant du groupe dirigeant, se limite aux investissent dans le domaine social. Que ce soit dans
groupes restreints. l’approche psychologique, socio-démographique ou profes-
La taille de l’équipe dirigeante se définit donc en fonction de sionnelle, la définition de l’homogénéité des groupes reste
l’architecture organisationnelle de l’entreprise et plus préci- cependant un problème.
sement du nombre de niveaux hiérarchiques dont les respon- L’homogénéité est un indice composite qui mesure la simila-

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sables participent à la prise de décision8. Pour une structure rité interpersonnelle (A.I. Murray, 1989), le degré de cohésion
plate, la taille du « top management team » est appréhendée sociale (J.G. Michel et D.C. Hambrick, 1992) ou des relations
par le nombre de managers qui transmettent l’information au sein d’un même groupe (C.I. Barnard, 1938), en fonction
directement au principal dirigeant, et qui exercent de fait9 ou d’un ou de plusieurs critères. Ainsi, une équipe homogène
de droit une fraction du pouvoir réel. Sur la base de cette serait composée des personnes dont l’âge, le sexe, l’ancien-
définition, J.R. Feudjo (2004) complète la classification de A.I. neté, la fonction, la formation, les cursus scolaire, universi-
Murray (1989) en identifiant dans le secteur manufacturier au taire et idéologique, les carrières civile et professionnelle, la
Cameroun la monodirection ou « dirigeant dictateur ». Dans ce perception, les attitudes, etc. sont semblables (S. Finkelstein
dernier type de groupe dirigeant, les décisions sont centrali- et D.C. Hambrick (1990), D.C. Hambrick et M.J. Chen
sées et concentrées entre les mains d’une seule personne. Le (1992)), et qui sont restées ensemble pendant longtemps
commandement est unique et strict10. Le groupe dirigeant est (A.I. Murray, 1989). Un groupe homogène serait donc
donc composé de l’ensemble des personnes qui travaillent constitué des membres issus du même système de formation,
dans l’entreprise et qui participent à la prise de décision. D.C. possédant un itinéraire social et scolaire semblable, parta-
Hambrick et P.A. Mason (1984) étendent cette notion aux geant les mêmes idéologies et appartenant aux mêmes clubs
membres du conseil d’administration. De par son statut ou aux mêmes cercles (cercle tribal ou familial, club des amis,
ambivalent11, ce maillon est une composante stratégique pour clan d’âge, cercle religieux ou initiatique, etc.). W.G. Ouchi
l’entreprise (P. Shrivastava et S.A. Nachman (1989), C.H. (1980) parle ici de clan12. A.I. Murray (1989) relève que les
d’Arcimoles (1994)). Du fait de ce double rôle, l’équipe effets du groupe clanique d’Ouchi sont compatibles avec les
dirigeante doit satisfaire à trois impératifs : dynamiser le corps recherches sur l’homogénéité des groupes. Ce qui renforce
social dans toutes ses composantes, adapter l’entreprise aux l’argument de l’auteur selon lequel les questions de clan et
mutations de l’environnement et maximiser la rentabilité de celle d’homogénéité des groupes ne représentent qu’un seul
l’action. et même concept. W.G. Ouchi (1980) conçoit le clan comme
Le lien entre la taille de l’équipe dirigeante et la performance un instrument de contrôle13. Le clan est une organisation
de l’entreprise n’a pas fait l’objet de beaucoup d’attention culturellement homogène, hostile aux compor tements
dans les travaux empiriques. Ceux qui s’y sont investis déviants (W.G. Ouchi et I.R. Price, 1993), fidèle à ses objec-
trouvent une corrélation positive entre la taille de l’équipe tifs et se faisant mutuellement confiance (J. Allouche et
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dirigeante et la performance de l’entreprise (V. Dulewicz et B. Amann, 2003). L’homogénéité se définit par opposition à
P. Herbert (2004), J.R. Feudjo (2004)) ou le niveau d’innova- l’hétérogénéité. Les caractéristiques sus-citées étant dissem-
tion (K.A. Bantel et S.E. Jackson, 1989). Pablo de Andres, blables dans les groupes hétérogènes, J. Pfeffer (1972),
V. Azofra et F. Lopez (2005), trouvent une relation plutôt
négative entre la taille du conseil d’administration et la valeur 8. Le premier niveau est constitué du Président ou du Président Directeur
Général (ou encore du Directeur Général). Le second, des Directeurs Généraux-
de la firme. Malgré cette carence des travaux, nous admet-
Adjoints et assimilés et le troisième, des responsables fonctionnels et autres
tons par hypothèse que, plus toutes les compétences capita- cadres dirigeants
lisées dans l’entreprise participent à la prise de décision, plus 9. Un responsable peut, de par les ressources critiques detenues, exercer une
fraction importante du pouvoir du dirigeant. Ce pouvoir peut également lui être
elle peut dégager une différence de performance positive et conféré de façon latérale ou formelle par le dirigeant lui-même.
significative par rapport à ses homologues et ceci quel que 10. C’est très souvent le cas des propriétaires/dirigeants. Les fonctions de
DG ou de PDG, si elles ne sont pas cumulées par le fondateur qui est en même
soit l’état de l’environnement. temps le PCA, sont assumées par des personnes sans pouvoir réel de décision
et liées à lui par « l’affectio societatis familial ».
11. Les membres de l’équipe de gestion sont à la fois les représentants des
1.1.2. Homogénéité du groupe dirigeant : actionnaires et doivent défendre leur fonction d’utilité et les supérieurs hiérar-
chiques des employés qu’ils doivent manager en tenant compte d’un climat
un concept polysémique social dynamisant les relations interpersonnelles entre le personnel de l’entre-
prise.
12. W.G. Ouchi posant la problématique de la composition optimale du groupe
Tout comme la notion de performance, celle d’homogénéité ou dirigeant (top managerial team), parle de clan. Il insiste sur l’importance du
modèle clanique dans l’explication de la supériorité des per formances de
d’hétérogénéité est polysémique et difficile à définir. Malgré certaines organisations sur d’autres. Un groupe clanique serait caractérisé par
l’explosion des travaux sur ce concept dans la littérature une appartenance stable et durable de ses membres aux mêmes idéologies
13. Ouchi distingue dans la littérature sur l’analyse des organisations trois
anglo-saxonne depuis les travaux de D.C. Hambrick et P.A.
sources de contrôle : le marché, la bureaucratie qui sont des sources
Mason (1984), aucune approche n’a jusqu’ici fait l’unanimité classiques et le clan qu’il propose et démontre comme source de contrôle
ni des théoriciens de l’organisation, ni des sociologues qui s’y dans les organisations (voir J. Allouche et B. Amann, 2003).

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B. Baysinger et R.E. Hoskisson (1990), parlant de l’hétérogé- pointus à l’instar du degré d’homogénéité ou d’hétérogénéité
néité des membres du conseil d’administration, distinguent de l’équipe dirigeante.
entre les administrateurs internes et externes. Ils définissent Depuis les travaux de J. Pfeffer (1972) et D.C. Hambrick et
l’hétérogénéité sur la base de la qualité du membre, de son P.A. Mason (1984), on assiste à une explosion de la littéra-
statut et de son rôle au sein du conseil d’administration. Les ture anglo-saxonne sur l’équipe dirigeante. D.C. Hambrick et
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auteurs de l’approche cognitive (D.C. Hambrick et P.A. Mason P.A. Mason (1984) dans un travail qui peut être qualifié
(1984), D. Hurst, J.C. Cush et R.E. White (1989)) recourent comme le point d’accélération des études sur les caractéris-
aux caractéristiques psychologiques des membres de l’équipe tiques du groupe managérial et leurs effets sur les décisions
dirigeante pour définir leur similarité ou leur dissemblance14. stratégiques et la performance de l’entreprise, distinguent
Ces attributs n’étant pas exclusifs, un groupe sera parfaite- entre les attributs psychologiques et les caractéristiques
ment homogène s’il est semblable sur toutes les variables. observables. Cette dernière catégorie étant celle qui peut
L’homogénéité est donc un facteur fédérateur du groupe servir de base aux travaux empiriques. Le « top managerial
restreint dans les générations, dans l’idéologie, dans les team » peut donc être analysé en terme d’homogénéité ou
opinions, dans la perception, les attitudes, la sensibilité, les d’hétérogénéité de leur profil. Pour A.C. Filley, R.J. Housse et
actes et les motivations. S. Kerr (1976), la routine est une caractéristique des groupes
La définition de l’hétérogénéité des groupes relève aussi des homogènes. Tandis que l’innovation et le changement dûs à la
travaux de sociologie et plus précisément de la théorie de la diversité des opinions, des connaissances et donc des alter-
structure sociale de P.M. Blau (1977). A partir d’une étude natives font l’identité des groupes hétérogènes. Ce résultat
macro sociologique menée aux Etats-Unis sur les conflits suscite une interrogation. Le plus important est-il de multiplier
intergroupes, P.M. Blau (1977) élabore le « théorème de les alternatives ? Ce qui compte pour l’entreprise, c’est le
l’hétérogénéité des groupes ». Cette théorie consacre l’hété- consensus autour d’une alternative jugée plus rationnelle.
rogénéité des groupes comme la source de conflits et de Autant il est possible que les groupes homogènes divergent
crimes intergroupes. I’auteur montre que l’hétérogénéité également dans les opinions, autant ceux dispersés peuvent
n’est intéressante que dans les cas où les relations inter- manquer de consensus sur la solution optimale. Certes, le fait
groupes priment sur les autres considérations15. de dupliquer les mêmes décisions est source d’inertie, mais,
L’homogénéité est définie ici par des variables biologiques et il peut constituer aussi une forte synergie si les mêmes
démographiques (l’âge, le sexe, la race, le clan, le mimétisme décisions peuvent procurer les mêmes avantages17.
dans le mariage, la religion, etc.). R.J. Sampson (1984) D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), A.I. Murray (1989), D.C.
évoque la subjectivité de cette théorie et propose la culture Hambrick et M.J. Chen (1992), K.A. Bantel (1993) et D.C.
comme déterminant principal de l’analyse de l’hétérogénéité Hambrick (1996), introduisent la dynamique de l’environne-
des groupes sociaux. ment comme déterminante dans l’appréciation des effets de
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Transposée dans les organisations, cette théorie est un levier la configuration du groupe dirigeant sur la performance de
complémentaire à la problématique de la configuration l’entreprise. Pour Hambrick et Mason (1984)18, les caracté-
optimale du groupe dirigeant. La finalité d’une telle composi- ristiques démographiques et professionnelles des dirigeants
tion étant la création de la valeur et l’amélioration des perfor- expliquent significativement les prévisions stratégiques et les
mances de l’entreprise. résultats de l’entreprise. Ils posent de la même manière que
l’homogénéité des membres dirigeants accroît la prise de

1.2. Groupe dirigeant et performance : 14. A partir d’une analyse des caractéristiques cognitives, ils classent les
membres dirigeants en quatre groupes : ceux intuitifs animés par l’imagination
une discussion des travaux antérieurs et la réalisation, les membres actifs déterminés par la satisfaction antérieure
et la motivation future, les membres analystes animés par l’évaluation et l’éla-
boration des plans d’action et les membres sensibles caractérisés par leur
L’interrogation sur la composition du groupe dirigeant n’est
spontanéité et leur capacité d’adaptation.
pas récente. Elle date du début du XXe siècle avec les travaux 15. Le théorème cherche donc à promouvoir les relations intergroupes à
de C.I. Barnard (1938)16. Cet auteur a été le premier à initier travers le mariage qui est un facteur fondamental dans l’accroissement des
relations intergroupes et donc dans la réduction des conflits et des crimes
une étude sur la similarité interpersonnelle et la cohésion sociaux.
sociale entre les membres de l’équipe dirigeante. Il montre, 16. Depuis Adam Smith (1776), Berle et Means (1932), C.I. Barnard a été en
1938 le premier à focaliser une étude sur les caractéristiques des dirigeants
outre le rôle prééminent du dirigeant, que la similarité inter- (relations interpersonnelles et cohésion sociale entre les membres de l’équipe
personnelle, source de cohésion sociale, peut agir positive- dirigeante).
17. A ce sujet, S. Finkelstein (2004) montre que le fait pour le dirigeant de
ment sur les performances de l’entreprise. Depuis lors, que ce
vouloir changer ce qui dans le passé a permis de réussir est l’un des péchés
soit dans les travaux portant sur l’analyse des organisations capitaux qui expliquent les échecs les plus cinglants des dirigeants d’entre-
ou ceux consacrés à la stratégie et à la gouvernance, les pays prise.
18. Les travaux de D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984) n’ont été testés
africains souffrent d’une carence de littérature. Ce déficit qu’empiriquement. Mais, ils constituent le point de base des travaux posté-
s’aggrave davantage lorsqu’on s’intéresse aux sujets plus rieurs.

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décisions stratégiques par rappor t à l’hétérogénéité. Mason (1984)) ou du staff (P. Shrivastava et S.A. Nachman,
Cependant, cet accroissement et son impact sur la perfor- 1989). Dans ce dernier cas et en fonction de la taille du staff,
mance dépendent du climat de stabilité ou de turbulence dans une forte hétérogénéité des membres est favorable aux
le secteur de la firme. conflits et aux coalitions contre l’exécutif. L’efficacité, l’adap-
A.I. Murray (1989) distinguant l’efficacité de la capacité tation et la créativité de l’entreprise ne peuvent dépendre que

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d’adaptation et la créativité, montre que l’homogénéité du charisme de l’exécutif, de sa force de mobilisation et de
produit dans un environnement stable l’efficacité tandis que domination des coalitions. Certes, l’homogénéité du groupe
l’hétérogénéité la détruit. Inversement, l’hétérogénéité est plus propice à un tel dynamisme, mais, indépendamment
accroît la capacité d’adaptation et la créativité dans un de l’environnement dont le rôle modérateur nous semble bien
contexte turbulent tandis que la similarité des profils les marginal. Dans cette même perspective, D. Hurst, J.-C. Rush
effrite. La perplexité de ce résultat vient du fait que l’effica- et R.E. White (1989) analysent les caractéristiques psycholo-
cité, condition de la performance à court terme, est un giques des groupes dirigeants et montrent que la diversité des
préalable à la créativité et à la capacité d’adaptation, et cela attributs cognitifs peut influencer la stratégie et la perfor-
quelle que soit l’acuité de la concurrence dans les secteurs mance de l’entreprise, si l’hétérogénéité des perceptions ne
spécifiques et la mouvance générale de l’environnement. se manifeste pas dans l’anarchie et si les différences sont
Efficacité, créativité et capacité d’adaptation sont un conti- transcendées et focalisées sur les objectifs à atteindre.
nuum qui détermine de façon séquentielle et cumulative la L’homogénéité ou l’hétérogénéité des dirigeants peut donc
performance durable de l’entreprise. être source de rentabilité. Cependant, la nature (positive ou
Les résultats de A.I. Murray (1989) sont comparables à ceux négative) de cette influence ne dépend pas de la dynamique
de J.R. Kimberly et M.J. Evanisko (1981), K.A. Bantel et S.E. de l’environnement comme le soutiennent D.C. Hambrick et
Jackson (1989) et K.A. Bantel (1993) qui montrent que le P.A. Mason (1984), A.I. Murray (1989), D.C. Hambrick et M.J.
niveau d’innovation croît avec le niveau d’éducation et de Chen (1992), K.A. Bantel (1993) et D.C. Hambrick (1996),
formation des dirigeants, la diversité des types de formation mais plutôt de la capacité du groupe ou des forces coalisées
reçus dans des écoles différentes, la diversité des compé- à transcender leurs différences lors des choix et des décisions
tences et de l’expertise de l’équipe étant favorable lorsque stratégiques.
l’entreprise se situe dans une phase de développement Jusque là, on a comme impression que la configuration de
complexe (K.A. Bantel et S.E. Jackson, 1989). Ce qui corro- l’équipe dirigeante est le fait du hasard et qu’aucune stratégie
bore bien les travaux de A.I. Murray (1989) sur les groupes n’est jusqu’ici prescrite pour déterminer sa composition
hétérogènes. Dans cette même perspective, D.C. Hambrick et optimale. J. Pfeffer (1972) soutient que la composition du
M.J. Chen (1992) affirment que la diversité de la surface des conseil d’administration (« inside and outside directors ») est
compétences techniques et intellectuelles capitalisées dans une réponse rationnelle de l’entreprise aux conditions de
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l’organisation détermine sa compétitivité19. Ils relèvent tout l’environnement21. L’hétérogénéité22 du conseil d’administra-
de même une restriction à ce résultat, à savoir que les tion reflète donc l’environnement de l’entreprise et explique
équipes de direction très hétérogènes ripostent tardivement positivement sa performance. T. Randoy et J.I. Jenssen
aux attaques du marché. Ce qui pourrait dépendre du type de (2004) relativisent ce résultat en prenant en compte la situa-
réaction et de l’environnement. Les résultats de K.A. Bantel et tion du marché. Ils montrent que dans un contexte de marché
S.E. Jackson (1989), D.C. Hambrick et M.J. Chen (1992) et très compétitif, l’accroissement de l’effectif des administra-
K.A. Bantel (1993), posent tout de même un paradoxe par teurs indépendants rétrécit la performance de l’entreprise et
rapport à la théorie de la structure sociale de P.M. Blau inversement lorsque le marché est moins compétitif. Pour
(1977) et les résultats de D.C. Hambrick et P.A. Siegel B. Baysinger et R.E. Hoskisson (1990), l’influence de la struc-
(1997)20. L’hétérogénéité définie sur la base du niveau de ture du conseil d’administration sur la performance, le choix
formation, de la diversité des compétences et de l’expertise des méthodes d’évaluation et le niveau de diversification
de l’équipe dirigeante influence positivement le niveau d’inno-
vation ou de compétitivité. Cependant, les groupes hétéro-
gènes définis à partir des variables socio-démographiques 19. Ce qui est logique car une organisation qui dispose des compétences
sont présumés vivre un climat de croisade. Comment l’entre- techniques et intellectuelles dans toutes ses spécialités opérationnelles
devrait être compétitive quel que soit l’environnement et la situation du
prise peut-elle accroître sa souplesse et sa capacité de créati- marché.
vité ? La taille de l’équipe dirigeante est positivement corrélée 20. D.C. Hambrick et P.A. Siegel (1997) trouvent que les disparités profes-
à sa performance (K.A. Bantel et S.E. Jackson (1989), sionnelles et socio-démographiques entre les membres de l’équipe dirigeante
effritent les résultats de l’entreprise.
J.R. Feudjo (2004)). 21. Il n’est pas super flu d’évoquer les recherches sur la composition des
La théorie du management stratégique montre que la prise organes de contrôle. Le souci étant d’éclairer davantage la compréhension de
l’impact que peut avoir la configuration d’un groupe sur la per formance.
des décisions stratégiques relève de la compétence des direc- 22. L’hétérogénéité du conseil est définie ici sur la base du statut des adminis-
teurs généraux (J. Pfeffer (1972), D.C. Hambrick et P.A. trateurs (administrateurs internes, administrateurs indépendants, etc.).

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Dossier
120 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation

dépendent de la coalition dominante23. En d’autres termes, les l’entreprise sa capacité d’adaptation et de créativité. D’où les
groupes homogènes n’inhibent pas la performance dans le sous-hypothèses suivantes fondées sur le contexte de l’étude
même sens que ceux qui sont hétérogènes. Ces effets antago- et la discussion des travaux antérieurs.
nistes sur les résultats de l’entreprise semblent mieux s’expli-
quer par la divergence des fonctions d’utilité des différentes H1 : A court terme, les entreprises ayant un groupe dirigeant
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs

catégories d’administrateurs que par les états de l’environne- homogène sont plus performantes que celles ayant un
ment. Certes, tout comme le secteur d’activité, l’environne- groupe dirigeant hétérogène.
ment détermine la discrétion managériale (D.C. Hambrick et H2 : A long terme, les entreprises groupe dirigeant hétérogène
S. Finkelstein (1987)24 à travers laquelle les dirigeants satis- réalisent des performances supérieures à celles de leurs
font leur fonction d’utilité. Mais, la nature de l’impact de homologues ayant une équipe dirigeante homogène.
l’homogénéité ou de l’hétérogénéité sur les résultats de Après cette présentation de la notion du groupe dirigeant, des
l’entreprise ne saurait être le fait de l’environnement. concepts d’homogénéité et d’hétérogénéité, le paragraphe
L’explication du plan de rémunération des dirigeants et leur suivant sera consacré à la notion d’enracinement qui peut être
indexation sur la performance subit l’influence de la configu- le fait ou non de la composition de l’équipe dirigeante.
ration du groupe dirigeant et des administrateurs (J.D.
Wesphal et E. Zajac, 1995)25. A titre d’illustration, les recher-
ches psycho-sociologiques montrent l’existence d’un biais 1.3. Le concept d’enracinement :
démographique lors de l’évaluation des performances quand définition et lien avec l’homogénéité
l’évaluateur et l’évalué présentent des profils similaires (J.
Caby, 1997). D’une manière générale, les dirigeants préfèrent et la performance
expliquer le plan de rémunération par les ressources humaines Les stratégies des entreprises sont au centre des questionne-
pour accroître leur réputation et le conseil d’administration ments principaux de la finance moderne (M. Paquerot, 1996)
par la théorie de l’agence. La similarité des caractéristiques et du management stratégique. L’enracinement du dirigeant
professionnelles entre les deux instances fait en sorte est compris comme une stratégie mise sur pied pour se rendre
qu’elles aient des positions convergentes. La composition de indispensable (B. Pigé, 1998) ou pour s’affranchir de la tutelle
l’équipe dirigeante est donc de nature à influencer le degré de de son conseil d’administration afin de réduire son risque de
conflit entre ses membres. révocation et accroître son pouvoir discrétionnaire (P.G.
La lecture chronologique et transversale de ces différentes Berger, E. Ofek et D.L. Yermack (1997), J.-P. Pichard-Stamford
contributions depuis D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), (2000)). C’est aussi une technique pour évincer d’éventuels
relève une influence notable de l’homogénéité et de l’hétéro- concurrents et rendre son remplacement onéreux pour l’orga-
généité du groupe dirigeant sur les choix et les décisions nisation à laquelle on appartient (A. Shleifer et R.W. Vishny
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stratégiques, le degré d’innovation et la performance de (1989), H. Alexandre et M. Paquerot (2000)). M. Paquerot
l’entreprise. La similarité interpersonnelle étant un (1996) l’assimile à un excès de pouvoir du dirigeant sur les
mécanisme de coordination au sens de Mintzberg fondé sur autres partenaires de l’entreprise. Cette domination peut être
les relations interpersonnelles, latérales ou verticales (J. Nizet légitime ou opportuniste27 (M. Paquerot (1996), B. Pigé
et F. Pichault, 1999) ou la primauté des liens sur les engage- (1998), J.-P. Pichard-Stamford (2000)). Les interrogations qui
ments contractuels, nous restons optimiste sur la supériorité
des per formances des entreprises à groupe dirigeant
homogène dans une période infra courte. 23. Si les administrateurs internes dominent le conseil d’administration, le
choix des méthodes d’évaluation et les critères de per formance financière
Comme on peut le remarquer, beaucoup de travaux soulignent sont moins objectifs et le niveau de diversification faible et inversement
le rôle moteur ou modérateur de l’environnement. Le lorsque le conseil est dominé par les administrateurs autonomes.
24. Ces auteurs développent le concept de discrétion managériale et propo-
Cameroun qui est le terrain d’investigation de cette recherche sent un modèle explicatif théorique composé de trois facteurs : l’environne-
traverse depuis le début des années 80 de multiples crises26, ment, le secteur d’activité et le dirigeant lui-même. Ce modèle a été ensuite
conjuguées à l’ultra-libéralisme du contexte de la mondialisa- testé empiriquement et validé par les travaux de S. Finkelstein et D.C.
Hambrick (1990).
tion. Durant ces bouleversements économiques et politiques, 25. Ces auteurs posent, par exemple, que plus le profil des dirigeants et des
les entreprises ont connu des crises sectorielles plus membres du conseil d’administration est similaire, plus l’adoption du plan de
rémunération des dirigeants à long terme est justifiée par des explications en
pointues. En effet, dans un environnement for tement terme de « ressources humaines ». Et inversement par des explications en
perturbé, l’entreprise est confrontée à un double souci : le terme d’agence surtout en cas de faible performance.
26. Crise économique du début des années 1980, crise politique et écono-
souci d’efficacité, condition de sa performance à court terme, mique de la dernière décennie du XXe siècle, dévaluation du franc CFA de
et celui d’adaptation et de créativité, condition de sa survie et janvier 1994, etc.
de sa performance durable. Au regard des travaux théoriques, 27. L’enracinement est dit légitime s’il est issu d’un accroissement de la
rentabilité (M. Paquerot, 1996) ou lorsqu’il a des effets positifs sur cette
les groupes de dirigeants homogènes devraient assurer l’effi- dernière (J.P. Pichard-Stamford, 2000). Il est dit opportuniste lorsqu’il est issu
cacité, tandis que ceux qui sont hétérogènes garantissent à d’un pouvoir illégitime ou lorsqu’il déprécie la rentabilité de l’entreprise.

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation 121

sont les nôtres dans cette section sont celles de savoir si par l’enracinement. En d’autres termes, le dirigeant n’est pas
l’homogénéité ou l’hétérogénéité enraciné parce que l’équipe est homogène, mais l’équipe est
de l’équipe dirigeante est de nature à favoriser l’enracinement homogène parce que le dirigeant est enraciné33. En tout état
du dirigeant28 ; et si cette stratégie de domination est préjudi- de cause, seul l’accroissement de la valeur de la firme est
ciable aux actionnaires. légitime pour ses partenaires.

Entrepreneurs, créateurs et repreneurs


1.3.1. Composition du groupe dirigeant 1.3.2. Les effets de l’enracinement
et enracinement sur la performance
Les travaux portant sur cette problématique sont presque Deux courants dichotomiques s’affirment dans la littérature.
inexistants pour un thème aussi séduisant. La théorie de – Le premier atteste les effets néfastes de l’enracinement sur
l’enracinement met en relief plusieurs stratégies de domina- la valeur de la firme en attribuant la baisse de la richesse au
tion du dirigeant sur les autres partenaires de la firme29. comportement opportuniste du dirigeant (A. Shleifer et R.W.
Aucune de ces stratégies n’est fondée explicitement sur Vishny (1989), M. Paquerot (1996), P.G. Berger, E. Ofek et
l’homogénéité psychologique, démographique ou profession- D.L. Yermack (1997), H. Alexandre et M. Paquerot
nelle du groupe dirigeant. La constitution des réseaux d’admi- (2000))34.
nistrateurs (J.P. Pichard-Stamford, 2000), ou des liens inter- – Le second affirme l’influence positive de l’enracinement sur
conseils fondés sur les relations interpersonnelles formelles la performance (B. Pigé (1998), J.-P. Pichard-Stamford
ou informelles restent les seuls travaux proches de cette (2000)). Les tenants de ce courant insistent sur le fait que,
problématique30. L’ajustement mutuel et la standardisation la réalisation des investissements spécifiques liés aux
des qualifications préconisés par Mintzberg parmi les compétences des dirigeants leur permet de générer des
mécanismes de coordination (J. Nizet et F. Pichault, 1999), rentes qu’ils n’auraient pas créées autrement. De ce fait, ils
sont bien de nature à favoriser les actions du dirigeant s’il a peuvent se maintenir au pouvoir tant qu’ils procurent aux
un profil similaire à celui de ses collègues de l’équipe actionnaires une rentabilité minimale.
dirigeante. Sans prendre le parti de faire de l’enracinement une stratégie
L’impact de cette similarité sur le potentiel d’enracinement du légitime de conquête de la performance, la période d’évalua-
dirigeant peut dépendre de la position de l’entreprise dans sa tion de la rentabilité des investissements engagés par le
branche d’activité et de la dynamique de l’environnement. dirigeant est un levier à ne pas négliger dans l’appréciation
Pour une entreprise en situation de monopole et dans un des effets de cette stratégie sur la performance. De plus, la
contexte de libre marché, la configuration de l’équipe
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dirigeante peut générer un enracinement légitime, dans la 28. L’enracinement du dirigeant implique à ce moment celui de toute l’équipe
mesure où elle tarifie en considérant exclusivement ses objec- dirigeante dans la mesure où les avantages inhérents doivent être partagés
par tous.
tifs de profit31. Par contre, dans un environnement dynamique, 29. On peut faire abstraction ici du cas de certaines entreprises familiales où
l’hétérogénéité des membres dirigeants peut entraîner soit la composition du groupe dirigeant (ou du conseil de famille) peut entrainer
un enracinement viscéral du principal dirigeant. Pour une synthèse, voir
une forte rotation des dirigeants, soit un enracinement B. Pigé (1998), J.-P. Pichard-Stamford (2000)
légitime ou opportuniste32. La nature de l’influence dépend 30. Or, comme le relève J. Caby (1997), dans les études psycho-sociologiques,
l’évaluation des per formances intègre un biais énorme lorsque l’évaluateur et
également de la perception que le chercheur ou l’analyste a
l’évalué présentent des profils similaires
de l’enracinement et donc des outils de mesure utilisés. De 31. Ici, les dérives managériales et les conflits de dissemblance sont moins
tout ce qui précède et compte tenu du contexte de cette perceptibles. Les recettes restant globalement satisfaisantes pour les action-
naires.
étude, nous proposons : 32. Ceci peut être le cas lorsque le dirigeant est de la coalition dominante ou
H3. La configuration de l’équipe dirigeante est d’une influence lorsqu’il domine les coalitions. De plus, lorsque l’entreprise est dirigée par un
dictateur à commandement unique et strict, on a une forme par ticulière
notable sur l’enracinement du dirigeant. d’enracinement : « l’enracinement de fait ». cette forme ne peut intervenir que
H3.1. Plus l’équipe dirigeante est homogène, plus la durée de lorsque le dictateur est le propriétaire de la firme ou lorsqu’il détient la
majorité absolue du capital investi.
fonction du DG ou du PDG est élevée.
33. Tel est souvent le cas dans les entreprises familiales lorsque le dirigeant
H3.2. L’hétérogénéité de l’équipe dirigeante est d’une occupe une position dominante au sein de la famille (ou du conseil familial).
influence négative sur la durée de fonction du DG ou du De ce fait, il assure l’allocation et l’exercice du pouvoir réel (par opposition
au pouvoir théorique). En fait, le dirigeant dans un tel contexte assure au sens
PDG. strict la gouvernance de l’entreprise c’est-à-dire l’allocation et l’exercice du
Au-delà de ces hypothèses, plusieurs comportements peuvent pouvoir. Si nous définisons la gouvernance comme l’ensemble des mécanismes
d’allocation, d’exercice et de contrôle du pouvoir du dirigeant, le pouvoir dans
être vécus au sein de l’entreprise. Par exemple, une industrie un tel contexte n’est pas contrôlé car assumé par celui qui l’alloue.
qui a une équipe homogène et un dirigeant enraciné. 34. Ces auteurs soutiennent que les dirigeants enracinés accroissent leurs
prélèvements dans l’entreprise sans que les administrateurs ne soient en
L’enracinement n’est pas forcement la conséquence de
mesure de s’y opposer. Cet immobilisme est également motivé par les liens
l’homogénéité. Plutôt, l’homogénéité peut être phagocytée latéraux qu’entretiennent les dirigeants et les administrateurs.

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122 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation

mesure de l’enracinement basée sur la durée de fonction et la littérature est d’approche très difficile et donc non testable
longévité du dirigeant n‘implique-t-elle pas de l’expérience empiriquement (D.C. Hambrick et P.A. Mason, 1984) ;
capitalisée dans le secteur et le domaine d’activité de la firme – la méthode socio-démographique qui permet d’appréhender
et mise au service de la richesse des actionnaires ? Nous les caractéristiques psychologiques de l’approche précé-
pensons que les stratégies théoriques d’enracinement ne sont dente. Elle est actuellement la plus utilisée même si elle ne
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs

pas forcement de type à permettre aux dirigeants de se permet pas d’appréhender très exactement les attributs
soustraire à la vigilance des structures de contrôle et de cognitifs de l’équipe (D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984),
maximiser les prélèvements prévus et non prévus liés à leur K.A. Bantel et S.E. Jackson (1989)). Nous avons emprunté
fonction. L’enracinement légitime nous semble être le souci cette méthode dans une logique multivariée.
des dirigeants dans la mesure où leur cote sur le marché de Pour mesurer le plus ou moins degré d’homogénéité de
l’emploi devrait dépendre de la légitimité de leur enracinement l’équipe dirigeante, quatre indicateurs nous ont semblé perti-
au poste occupé. Les cas de baisse de performance peuvent nents : l’âge des membres, leur ancienneté dans l’entreprise,
arriver ; mais, sans être le fait strictement intensionnel du leur ancienneté dans l’équipe dirigeante et leur cursus
mauvais comportement du dirigeant. Sur la base de tous ces scolaire et universitaire35. Pour obtenir l’indice d’homogénéité
développements, nous formulons la proposition suivante. ou d’hétérogénéité, nous avons_ pour chacune des variables
H4. Le différentiel de performance dû à l’enracinement du calculées : la moyenne (X) et l’écart-type (σ) entre les
dirigeant est marginal. membres d’une même entreprise ; ensuite, pour chaque entre-
L’enracinement du dirigeant peut pareillement dépendre de la prise, nous avons calculé l’écart-type des écarts-types (σσ)
performance passée de l’entreprise. Un succès antérieur des
_ différentes variables ainsi que la moyenne des moyennes
étant de nature à accroître la confiance vis-à-vis du dirigeant, (XX_) desdites variables. Le plus ou moins degré d’homogé-
et par conséquent, d’exercer un contrôle moins strict à son néité est donné par un indice composite rapportant l’écart-
endroit (B. Pigé, 1998). Comme le relève J.-P. Pichard- type des écarts- types (σσ_) des différentes variables à la
Stamford (2002), l’enracinement du dirigeant par la perfor- moyenne de leur moyenne (XX_). Il s’agit bien du coefficient de
mance est très souligné dans la littérature. Le contexte sans variation (CV)

σ
marché financier de cette recherche permettra soit de prendre
effectivement parti dans le débat actuel sur les concepts CV = _σ
analysés, soit d’ouvrir de nouveaux axes de réflexions. XX_
CV→0 implique groupe homogène
CV→1 implique groupe hétérogène
2. Méthode de mesure Nous avons groupé les entreprises en deux : le groupe de
des variables et d’analyse dirigeants homogène et groupe de dirigeants hétérogène sur
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la base de l’indice moyen du degré d’homogénéité.
de données
Nous présenterons dans un premier temps la mesure des
variables et dans un second, la méthode de collecte des 2.1.2. La mesure de la performance
données, les caractéristiques de l’échantillon et les outils
statistiques d’analyse. Cette recherche met en relief deux variables : la performance
de courte période et celle de longue période.
Pour mesurer la performance à court terme, nous avons
2.1. La mesure des variables retenu la rentabilité commerciale appréhendée par le ratio
Excédent Brut d’Exploitation (EBE) rapportée au Chiffre
La mesure de l’homogénéité sera d’abord présentée, ensuite d’Affaires (CA) :
celle de la performance et enfin, les variables de mesure de
E.B.E. 36
l’enracinement. R=( ) .
C.A.

2.1.1. La mesure de l’homogénéité et de


l’hétérogénéité du groupe dirigeant 35. Le cursus scolaire et universitaire est appréhendé par le niveau d’étude
et le diplôme le plus élevé obtenu.
La littérature met en relief deux méthodes de mesure de 36. En se servant des données secondaires collectées dans les Déclarations
l’homogénéité d’un groupe : Statistiques et Fiscales (DSF) des entreprises obtenues à la Direction de la
Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN), la rentabilité moyenne des
– la méthode directe basée sur les attributs cognitifs des entreprises sur les deux derniers exercices de la période étudiée a été
membres du groupe. Cette méthode moins utilisée dans la calculée.

mai-juin 2006
Dossier
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation 123

Pour mesurer la performance à long terme, nous avons arbitré l’équipe dirigeante et à la tête de l’entreprise est strictement
entre deux variables aussi pertinentes que fondamentales : supérieure à dix ans, l’entreprise reçoit également la note
– la rentabilité moyenne des investissements encore appelée « 1 » ; dans le reste des cas, elle reçoit la note « 0 ».
rentabilité industrielle calculée sur une période de cinq
exercices allant de 1995-1996 à 1999-2000. Ce ratio a

Entrepreneurs, créateurs et repreneurs


l’avantage d’exprimer l’efficacité marginale des capitaux 2.2. La collecte des données
investis.
R.B.E et les outils statistiques d’analyse
R=
AT Pour collecter les données, nous avons procédé par question-
avec AT = Actif Total ; RBE = Résultat Brut d’Exploitation (ou naire administré en face à face dans les trois principales villes
EBE) ; économiques du Cameroun à savoir Douala, Yaoundé et
– un indice composite calculé à partir d’un ensemble de dix Bafoussam. La méthode d’échantillonnage retenue est le recen-
critères37 appréciés et évalués personnellement par les sement40. Pour cela, nous nous sommes servi d’un « répertoire
chefs d’entreprise en fonction de leur degré de satisfaction opérationnel » intitulé « Douala Zoum 200041 » pour localiser les
par rapport à chacune des variables sur une période de dix entreprises par zone industrielle, par route et/ou par itinéraire.
ans et à partir d’une échelle de type likert à sept points. Au total, nous avons obtenu un échantillon de 88 industries
Pour chaque entreprise, nous avons calculé une note synthé- manufacturières soit 44,22 % des questionnaires administrés et
tique ou score allant de 10 (1*10 critères pour le minimum) 29,63 % de la base d’échantillonnage.
à 70 (7*10 critères pour le maximum). Sur le plan juridique, les entreprises de l’échantillon sont
Pour trancher entre les deux variables, nous avons calculé le composées à 50 % des SA, 37,5 % des SARL, 9,10 % des
coefficient de corrélation de Pearson et avons obtenu un Sociétés Unipersonnelles et 3,40 % des Entreprises
coefficient positif et significatif (corr = 0,59 ; p = 0,000). Ce Coopératives. Les Entreprises Familiales42 représentent
qui veut en principe dire que les données secondaires 39,10 % de l’effectif. Parlant de la taille43 de l’équipe
recueillies à la DSCN reflètent assez bien la situation réelle
des entreprises ou l’appréciation personnelle des dirigeants.
37. La satisfaction des salariés, la productivité des équipements, la progres-
Néanmoins, nous avons préféré cette deuxième mesure du fait sion des résultats, la progression du chiffre d’affaires, l’atteinte des objectifs,
de son origine multicritère. le degré de liquidité, la progression des capitaux propres, la croissance de la
valeur ajoutée, l’évolution de rentabilité des capitaux propres, l’évolution de
la rentabilité économique.
38. Dans le contexte législatif du Cameroun, dix ans correspond à deux
2.1.3. La mesure de l’enracinement du dirigeant mandats de cinq ans chacun.
39. 55 ans est l’âge moyen de mise en retraite des fonctionnaires, des agents
de l’Etat et du personnel du secteur privé au Cameroun.
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La théorie de la légitimité et de l’enracinement met en relief 40. La base d’échantillonnage était constituée des entreprises déposant
régulièrement leurs DSF à la DSCN exemptée celles en situation de monopole
plusieurs outils de mesure de l’enracinement du dirigeant : le et les entreprises publiques.
nombre de mandats accumulés, la durée de fonction, la longé- 41. « Douala Zoum 2000 » est un manuel pratique sorti en l’an 2000 par un
groupe d’experts donnant pour chaque province, la localisation des industries
vité, etc. Compte tenu du contexte de cette étude, l’enraci- par zone industrielle, par route et/ou par itinéraire.
nement du dirigeant sera appréhendé par la durée de fonction 42. Une entreprise est qualifiée de familiale, si son capital social est détenu
et l’âge du dirigeant. Ces deux variables n’étant pas exclu- en totalité par une seule personne ou par une seule famille.
43. La taille de l’équipe dirigeante se définit en fonction du nombre de niveaux
sives, nous allons procéder par combinaison sur la base d’une hiérarchiques dont les responsables par ticipent à la prise de décision. Le
ancienneté moyenne de dix38 ans dans l’équipe dirigeante ou premier niveau est constitué du Président ou du Président-Directeur Général
(ou encore du Directeur Général). Le second, des Directeurs Généraux-Adjoints
à la tête de la société. Sur cette base, si le DG ou le PDG a et assimilés et le troisième, des responsables fonctionnels et autres cadres
dépassé l’âge de la retraite (55 ans)39, l’entreprise reçoit la dirigeants. Les équipes de grande taille regroupent les trois niveaux hiérar-
chiques, la taille stricte comprend les deux premiers et la monodirection le
note « 1 » qui veut dire que le dirigeant est enraciné ; dans le tout premier. Il faut par ailleurs noter que nous n’avons pas eu dans notre
cas contraire, si l’ancienneté cumulée du dirigeant dans échantillon des entreprises ayant une architecture organisationnelle plate.

Tableau : Caractéristiques des entreprises de l’échantillon

Forme juridique Fréquences Taille de l’équipe dirigeante Fréquences


Sociétés Anonymes (S. A) 50 % Equipe de grande taille 45,45 %
S. A à Responsabilité Limitée 37,5 % Taille stricte 35,22 %
Sociétés Unipersonnelles 9,10 % Monodirection 19,31 %
Sociétés Coopératives 3,4 % Total 99.98 %
Total 100 %

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124 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation

dirigeante, 40 entreprises soit 45,45 % sont d’une équipe les équipes homogènes et celles hétérogènes par rapport à
dirigeante de grande taille ; 31 soit 35,22 % sont de taille leurs performances est très faible et non significatif. Ce qui
stricte et 17 soit 19,31 % sont des monodécideurs44. confirme les résultats du khi-deux et la corrélation de
Au départ, nous avions défini comme unité d’échantillonnage, Pearson. Même s’il est nécessaire de combiner les différentes
toute personne de l’entreprise faisant partie de l’équipe variables dans une analyse multidimensionnelle afin d’appré-
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs

dirigeante au sens strict. A l’issue des enquêtes, les répon- cier leurs effets simultanés sur la performance, il convient de
dants sont constitués des personnes visées au départ à noter ici que les hypothèses H1. et H2. sont totalement infir-
29,5 %. Cependant, vu les fonctions des responsables qui ont mées. Ceci revient à dire que le différentiel de performance
eu l’amabilité de répondre au questionnaire sur la recomman- généralement attribué à la configuration de l’équipe dirigeante
dation de leur hiérarchie, nous n’avons en aucun cas douté de en fonction de la dynamique de l’environnement n’est pas
la pertinence et de la fiabilité des données obtenues. Nous toujours vérifié dans tous les contextes.
pouvons au contraire relever que ces responsables font partie Comme le dit A.I. Murray (1989), D.C. Hambrick (1996), etc.
de l’équipe dirigeante de leur entreprise45. les groupes homogènes tendent à favoriser la cohésion, une
Pour tester nos hypothèses, nous avons utilisé plusieurs tests compréhension sociale partagée et une communication inter-
statistiques : la corrélation de Pearson, le khi-deux et les personnelle fréquente et fluide. Nous relevons que ces
mesures d’association que sont les coefficients phi (φ) et de propriétés semblent être aussi bien celles des groupes hétéro-
contingence (C), le test du rapport de vraisemblance et enfin gènes. En effet, la flexibilité et la capacité du groupe dirigeant
la régression linéaire multiple. à trouver une nouvelle stratégie adaptée aux nouvelles
contraintes de l’environnement apparaissent dans les travaux
de A.I. Murray (1989) comme étant l’œuvre des seuls groupes
3. Résultats et implications hétérogènes. Ceci est très discutable dans la mesure où, la
flexibilité, la volonté d’agir et de riposter face aux attaques
Nous allons présenter dans un premier temps et dans une des concurrents ou aux perturbations de l’environnement
logique unidimensionnelle, l’influence de la composition de relèvent de la multirationalité et du multidynamisme du
l’équipe dirigeante sur la performance (3.1) et sur l’enracine- groupe dirigeant47 (qu’il soit homogène ou non). La communi-
ment (3.2) et celle de l’enracinement sur la performance cation permanente et la fluidité de l’information relèvent de la
(3.3). Secondement, les analyses multidimensionnelles volonté du système de poursuivre les mêmes objectifs, à
permettront d’apprécier les effets simultanés des différentes savoir : l’efficacité, l’adaptation aux changements et la
variables sur la performance et sur l’enracinement (3.4). maximisation du profit. Les divergences dont les groupes de

44. Dans la logique de cette étude, les entreprises dirigées par un dictateur
3.1. L’impact de l’homogénéité et de
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ou un décideur unique impliquent une forme particulière d’homogénéité. Dans
la mesure où le dirigeant est identifié par rapport à lui-même et à ses carac-
l’hétérogénéité sur la performance téristiques personnelles, cette catégorie d’entreprise sera exclue dans l’ana-
lyse de l’homogénéité et de son impact sur la performance. Dans le cadre de
l’enracinement, ces dirigeants sont les seuls à décider de leur longévité et
Les principaux résultats sont consignés dans le tableau ci- indépendamment du niveau de rentabilité de l’entreprise. Dans cette analyse,
après suivis des analyses et des commentaires. nous allons les isoler afin d’apprécier leur comportement et les per formances
de leur entreprise.
La lecture de ce tableau montre que la probabilité de signifi-
45. Ils ont pour répondre à l’ensemble de nos questions, eu recours à leurs
cativité « p » des différentes variables est largement collaborateurs ; dans cer taines entreprises, nous étions obligés de passer
supérieure au seuil critique « p* » de 5 %. Autrement dit, la devant plusieurs responsables pour obtenir l’ensemble des informations solli-
citées.
composition de l’équipe dirigeante d’une entreprise ou son 46. Le seuil critique retenu pour les analyses est de 5 %.
plus ou moins grand degré d’homogénéité et/ou d’hétérogé- 47. La multirationalité est une logique qui, dans l’entreprise, concilie rationa-
lité économique, l’enracinement traditionnel et l’épanouissement de l’individu ;
néité n’influence ni sa performance de courte période, ni celle le multidynamisme implique parallèlement un dynamisme intellectuel, physique
de longue période. Le test du rapport de vraisemblance entre et organisationnel de chaque membre de l’équipe.

Tableau 2 : Les résultats du test de Khi-deux46 et des mesures d’association

performance de courte période Performance de longue période


Variables
2
X DL Prob X2 DL Prob

homogénéité/hétérogénéité de l’équipe 0,8970 1 0,3436 0,0092 1 0,9237

Corrélation de Pearson 0,1124 p = 0,3507 0,01137 p = 0,9250

Rapport de vraisemblance 0,9010 P = 0,3425 0,0092 P = 0,9237

Mesures d’association φ= 0,1124 ; C = 0,1117 φ= 0,0114 ; C = 0,0114

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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation 125

dirigeants hétérogènes peuvent faire preuve dans leur compor- des membres de l’équipe autour du dirigeant et par consé-
tement quotidien de prise de décision semblent bien margi- quent, une source de domination de ce dernier sur les adminis-
nales, même si l’on ne doit pas les perdre de vue. Garantir la trateurs.
performance de long terme dans un contexte de turbulence Le statut familial de l’entreprise est un facteur significatif
n’est donc pas le pari des seuls groupes de dirigeants aux dans la configuration de l’équipe dirigeante et le maintient au

Entrepreneurs, créateurs et repreneurs


profils hétérocliques. Le déclarant, on oublie les effets de pouvoir du PDG ou du DG. En effet, 47,62 % des entreprises
l’efficacité sur la créativité et la capacité d’adaptation. Le ayant un dirigeant enraciné sont familiales49. Ce qui implique
premier est un préalable aux seconds et les trois constituent un écart significatif entre les mécanismes théoriques de
un continuum déterminant de la performance durable de gouvernance et l’exercice réel du pouvoir. Compte tenu de la
l’entreprise et de l’enracinement légitime du dirigeant. position du principal dirigeant au sein de la famille et dans
l’entreprise, les décisions sont en parties pilotées en dehors
de l’entreprise (au sein du conseil familial par exemple) ou par
3.2. Impact de l’homogénéité et de le dirigeant tout seul. Ce qui contribue à expliquer le fait que,
l’hétérogénéité sur l’enracinement malgré la diversité des profils au sein de l’entreprise, le
dirigeant se distingue par sa longue durée de fonction50.
La position sociale du dirigeant et les prélèvements divers liés La volonté du groupe homogène d’adopter la stratégie de
à son poste l’incitent à construire des mécanismes dissuasifs rotation du dirigeant semble traduire concrètement l’exis-
ou persuasifs vis à vis des structures de contrôle afin d’éradi- tence d’un consensus formel ou latéral de nature à favoriser
quer son risque de remplacement. La composition de l’équipe l’accession à tour de rôle de chaque membre au pouvoir. Ceci
dirigeante est préconisée comme faisant partie des détermi- est particulièrement vrai lorsque les cadres de l’entreprise
nants de l’enracinement du dirigeant dans un contexte ultra- constituent la source principale de recrutement du nouveau
libéral comme le montrent les analyses statistiques dirigeant51. L’ajustement mutuel basé sur les relations inter-
suivantes : le khi-deux à un Degré De Liberté (DDL) est de personnelles et la réduction des guerres d’intérêts notamment
7,5884 avec une probabilité p = 0,0059. Ce résultat montre par l’ajustement des avantages peut expliquer une telle
qu’il existe une relation très significative entre la composition stratégie. Dans les groupes hétérogènes, la forte propension
du groupe dirigeant et l’enracinement du DG ou du PDG. Le des dirigeants à l’enracinement peut s’expliquer par la
test du rapport de vraisemblance à un DDL donne une valeur construction des coalitions, le principal dirigeant devant soit
de 7,7415 avec une probabilité de significativité p = 0,0054. dominer ces coalitions, soit être de la coalition dominante.
Ce qui veut dire qu’il existe une très grande dissemblance Sans exclure l’hypothèse d’une main invisible du principal
entre le groupe de dirigeants homogène et celui de dirigeants dirigeant52 sur la configuration de l’équipe dans les deux cas,
hétérogène. Laquelle dissemblance se reflète bien au niveau tout semble se jouer autour des avantages mutuels. Que ce
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du comportement d’enracinement des dirigeants. Les coeffi- soit le consensus dans le clan ou les coalitions dans les
cients Phi (0,3269) et de contingence (0,3107) s’écartant groupes hétérogènes, la motivation du choix de la stratégie de
significativement du voisinage de zéro, confirment cette rotation ou de l’enracinement semble bien résider dans l’ajus-
relation de forte intensité. En d’autres termes, l’hypothèse H3
de cette recherche est confirmée.
48. L’organisation est constituée de plusieurs pentes : la pente des adminis-
Cependant, l’observation du tableau de contingence révèle un trateurs et des actionnaires, la pente des fournisseurs et des clients et celle
comportement atypique par rapport à nos attentes. En effet, des salariés de l’entreprise ; le dirigeant ne devant glisser sur aucune de ces
parmi les 29 entreprises de l’échantillon dont les dirigeants se pentes.
49. 34,48 % des entreprises ayant un dirigeant non enraciné sont familiales.
distinguent par leur forte rotation, 20 soit 68,97 % ont une 50. L’enracinement du dirigeant ici peut être viscéral mais légitime. Le test
équipe dirigeante homogène. Par contre, des 42 autres qui se statistique montre que les entreprises familiales sont en général plus perfor-
mantes que celles non familiales.
distinguent par la durée de fonction de leur dirigeant, 27 soit 51. Les statistiques montrent à ce sujet que : parmi les 35 entreprises du
64,29 % ont un groupe de dirigeants hétérogène. Ces résul- groupe homogène, 22 soit 62,86 % déclarent que le recrutement de leur
dirigeant se fait dans la plupart des cas par la promotion d’un cadre hiérar-
tats paradoxaux infirment les hypothèses H3.1. et H3.2. dont chique. Dans un contexte sans marché financier, ni un marché de leadership
la présomption inverse par rapport à l’homogénéité et à l’hété- ou de managership avéré, la stratégie de recrutement interne nous semble
rogénéité aurait dû être confirmée. L’explication d’une telle plus rationnelle. Elle garantit à l’entreprise, un reservoir de compétences et
de savoirs acquis et capitalisés par le nouveau dirigeant. Cer tes, cette
situation s’avère difficile. Car on s’attendait à ce que l’hété- stratégie risque d’intensifier les coûts d’influence exercés par chacun des
rogénéité dénote la fréquence d’enracinement des dirigeants candidats potentiels à la succession. Mais, cela peut produire des résultats
supplémentaires très satisfaisants si l’entreprise la fonde sur une sur face de
tandis que l’homogénéité soit un levier favorable à ce souci de compétence et d’expertise bien définie.
domination sur les autres pentes de l’organisation48. En ce 52. Les études menées aux Etats-Unis par J.-D. Wesphal et E. Zajac (1995)
montrent que le dirigeant peut s’assurer plus facilement l’allégeance des
sens que, la confiance interpersonnelle qui contribue à faire personnalités externes en veillant à ce que les caractéristiques sociodémo-
perdurer les liens au-delà de l’exécution des contrats (J.P. graphiques des administrateurs rejoignent les siennes (J.P. Pichard-Stamford,
Pichard-Stamford, 2002), constitue un facteur de fédération 2002).

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tement de la satisfaction de la fonction d’utilité et le renfor- (v4), le type de formation du dirigeant (v13), le diplôme du
cement de la position sociale du dirigeant et de ses collabo- principal dirigeant (v14) et la proportion des administrateurs
rateurs. externes dans les organes de contrôle (v44). La proportion de
la variation de l’enracinement sera présentée d’abord, et
ensuite, celle de la performance.
Entrepreneurs, créateurs et repreneurs

3.3. Analyse de l’impact


de l’enracinement sur la performance 3.4.1. L’estimation de la proportion de la
Les tests de khi-deux et du rapport de vraisemblance à 1 DDL variation de l’enracinement expliquée
donnent une valeur identique de 0,077 avec une probabilité
p = 0,780. Ces résultats montrent qu’il existe une relation de Les résultats de la procédure montrent peu à peu qu’à l’excep-
très faible intensité entre la stratégie d’enracinement ou de tion du degré d’homogénéité, aucune des autres variables ne
rotation du dirigeant et la performance de l’entreprise. Les s’est révélée explicative du comportement d’enracinement du
coefficients phi et de contingence (φ = C = 0,033) se rappro- dirigeant. L’analyse de la variance donne une valeur de Fisher
chant du voisinage de zéro, confirment cette relation margi- (F = 3,86 et p = 0,0629) et une valeur de R2 = 0,1552. Ces
nale. Ce qui revient à confirmer l’hypothèse quatre de cette statistiques montrent que le modele de régression obtenue
recherche. est valide et explique significativement 15,52 % de la varia-
En fait, il s’agit des présomptions sur des stratégies concur- tion du comportement d’enracinement du dirigeant. Ces résul-
rentes de conquête de la performance. Chacune ayant tats confirment le test du khi-deux et la validation de l’hypo-
engendré des performances significatives dans une proportion thèse H2. La durée de fonction du dirigeant est bien le fait
plus forte d’entreprises. En effet, pour 29 dirigeants non entre autres de la configuration socio-démographique et
enracinés, 17 soit 58,62 % classent leur entreprise parmi les professionnelle de ses collaborateurs. Cependant, la conju-
rentables. De la même manière, parmi les 42 dirigeants gaison d’autres mécanismes de contrôle à cette configuration
enracinés, 26 soit 61,90 % se classent dans le groupe des peut-elle induire des rentes ?
entreprises rentables. La confirmation de l’hypothèse H4 ne
veut pas dire de façon péremptoire que la rotation ou le
maintien au poste du dirigeant n’a pas des effets positifs sur 3.4.2. Analyse multivariée de la proportion de
la performance. Mais plutôt que le différentiel de rente généré la variation de la performance expliquée
par le différentiel d’efficacité des deux stratégies est
marginal. Il s’agit donc comme nous l’avons dit, des straté- La conjugaison d’autres variables avec le degré d’homogé-
gies concurrentes de sorte que, chacune étant mise en œuvre néité ou d’hétérogénéité permet d’observer une proportion
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et suivie rigoureusement engendre des rentes significatives. significative de la variation de la performance expliquée.
On remarque par ailleurs que la proportion des entreprises L’effet simultané de la proportion des administrateurs
performantes est plus élevée dans le groupe des dirigeants externes au conseil d’administration et du type de formation
enracinés. Ce qui montre que l’enracinement n’est pas force- du principal dirigeant permet d’observer la contribution du
ment de nature à servir les intérêts égoïstes des dirigeants en degré d’homogénéité (variable ho) à l’explication de la varia-
dissuadant la vigilance des administrateurs et des action- tion de la performance (voir tableau suivant).
naires. Il est bien légitime dans le cas d’espèce et corrobore La combinaison linéaire de ces variables concourt à l’explica-
le courant des auteurs qui affirment l’influence positive de tion de la variance de la performance pour 44,03 %. Le test de
l’enracinement sur la performance (B. Pigé (1998), J.- Fisher donne une valeur de 4,72 avec une probabilité signifi-
P. Pichard-Stamford (2000)). cative au seuil critique de 5 % (p = 0,0130), ce qui confirme
la validité du modèle. Le signe négatif du coefficient de régres-
sion du degré d’homogénéité indique qu’une forte valeur
3.4. Analyse de la proportion effrite la performance. En d’autres termes, une équipe
de la variation de l’enracinement dirigeante très hétérogène est favorable aux conflits. Elle
constitue donc un facteur de récession marginale53 dans le
et de la performance expliquée par modèle explicatif de la performance des entreprises dans un
la composition du groupe dirigeant contexte turbulent. L’examen des types de formation suivis
par le dirigeant indique que, les dirigeants dont les entreprises
Cet aspect sera appréhendé par la régression linéaire sont les plus performantes, ont suivi une formation soit de
multiple. Nous avons introduit dans cette analyse d’autres type ingénieur, soit en gestion des entreprises. La participa-
variables susceptibles d’induire la position dominante du tion des administrateurs indépendants au conseil d’adminis-
dirigeant et la performance : l’affinité avec les propriétaires tration et leur influence positive sur la variation de la perfor-

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Tableau 3 : Ordre d’entrée des variables significatives dans le modèle

Coefficient
Ordre Variables R2 partiel R2 cumulé F de Fisher Prob
de régression

1 V44 0,2003 0,2003 5,01 0,0377* 0,01020

Entrepreneurs, créateurs et repreneurs


2 V13 0,1171 0,3171 3,26 0,0868** 0,20050
3 Ho 0,1228 0,4403 3,95 0,0623** -0,32805
(*, **) significatif au seuil de confiance de (95 %, 90 %).

mance impliquent une efficacité de la structure de contrôle. domination et de réduction de risque de révocation se relati-
On peut donc conclure que la performance de l’entreprise est vise avec cette recherche qui prend le parti des auteurs
déterminée par l’efficacité des structures de contrôle, les militants en faveur d’une relation positive entre l’enracine-
compétences techniques ou managériales et le charisme54 ment du dirigeant et la per formance de l’entreprise.
des dirigeants. Finalement, la configuration optimale de l’équipe gouvernante,
L’homogénéité ou l’hétérogénéité de l’équipe gouvernante par si on peut y parvenir, ne peut être structurellement définie que
rapport aux travaux de D.C. Hambrick et P.A. Mason (1984), sur la base de la surface de compétences techniques, intel-
A.I. Murray (1989), K.A. Bantel (1993), D.C. Hambrick lectuelles et managériales de ses membres et du charisme du
(1996), etc. peut agir sur la performance indépendamment du principal dirigeant.
niveau des mutations dans les secteurs spécifiques et dans
l’environnement économique en général. Même si A.I. Murray
(1989) nuance ses trouvailles en faisant allusion à l’homogé- Bibliographie
néité et à l’hétérogénéité temporelle, la présente étude Alexandre H. et Paquerot M. (2000), « Efficacité des structures de
présente l’avantage d’être menée dans un environnement contrôle et enracinement des dirigeants », Finance – Contrôle –
fortement perturbé et caractérisé par la recrudescence des Stratégie, vol. 3, n° 2, pp. 5-29.
crises sectorielles plus pointues. Si l’objectif du clan, comme Allouche J. et Amann B. (2003), « William. G. Ouchi : la régulation par
le clan », Encyclopédie des Ressources Humaines, éditions Vuibert,
semble l’indiquer W.G. Ouchi (1980) est d’encourager une
Paris, pp. 1740-1752.
forte proportion d’individus à donner leur avis sur les
Arcimoles C.H. (1994), « Relation d’agence actionnaire-dirigeant : le
décisions ou de faire perdurer les liens au-delà de l’exécution cas de la gestion sociale », Annales du Management, tome 1, pp. 271-
des contrats (J.P. Pichard-Stamford, 2002), la mise sur pied 286.
dans un groupe (clanique ou non), d’une méthodologie de Bantel K.A. (1993), « Strategic clarity in banking : role of top manage-
prise de décision concertée et discutée impliquerait toutes les ment team demography », Psychological Reports vol 73.
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forces de l’entreprise à sa gestion ; ce qui entraînerait à Bantel K.A. et Jackson S.E. (1989), « Top management and innovation
terme, une culture d’entreprise axée sur la recherche de la in banking : does the composition of top team make a difference ? »,
Strategic Management Journal, vol 10, pp. 107-124.
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les compétences techniques et intellectuelles de chaque
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membre de l’équipe dirigeante le prédisposent à une telle of directors and strategic control : effets of corporate strategy »,
culture et au succès global de l’entreprise. Academy Management Review, vol 15, pp. 72-87.
En définitive, cette étude montre que, lorsque les structures Berger P.G., Ofek E. et Yermack D.L. (1997), « Managerial entrench-
de contrôle sont efficaces, et que le dirigeant a les compé- ment and capital structure decisions «, Journal of Finance, vol 3, n° 4,
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l’entreprise, l’homogénéité est de nature à favoriser le
consensus dans la prise de décisions stratégiques, notam-
ment lorsque les intérêts légitimes ou opportunistes des
membres de l’équipe en dépendent. La rotation des dirigeants 53. Facteur de récession marginale parce que, si l’on multiplie ce coefficient
et le recrutement focalisé sur la promotion d’un cadre hiérar- par la valeur maximale du degré d’homogénéité (0,8028750), on obtient une
valeur de – 0,263383 ; ce qui est très faible et totalement absorbable par la
chique en sont quelques témoignages. Dans le même sens, constante de régression (constante de régression = 1,38510 avec
l’hétérogénéité favorise l’enracinement, notamment lorsque le p = 0,0009). En fait, c’est lorsque le groupe est très hétérogène (coefficient
de variation très élevé) que la per formance subit ses effets néfastes.
dirigeant domine les coalitions ou lorsqu’il est de la coalition 54. Dans le cas de cette étude, le charisme des dirigeants doit être positif et
dominante. Par ailleurs, l’enracinement comme source de déterminé par leur compétence personnelle et leur rationalité.

mai-juin 2006
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128 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 219 — Organisation

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mai-juin 2006
Dossier

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