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CAPITAL-INVESTISSEMENT ET FINANCEMENT DES PME AU

CAMEROUN : ENJEUX ET PERSPECTIVES

Yves-Alain Pougue, Michel Bernasconi

Direction et Gestion | « La Revue des Sciences de Gestion »

2013/1 N° 259-260 | pages 69 à 75


ISSN 1160-7742
ISBN 9782916490373
DOI 10.3917/rsg.259.0069
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2013-1-page-69.htm
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La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 259-260 – Finance-PME 69

Les spécificités des PME/PMI


Capital-investissement et financement
des PME au Cameroun :
enjeux et perspectives*
par Yves-Alain Pougue et Michel Bernasconi

A
ujourd’hui dans toutes les économies, l’on reconnaît aux
PME un rôle-clé dans le processus de la croissance. En
effet, elles disposent, d’un potentiel important en matière
de création de richesses, de création d’emplois et partant, de
réduction de la pauvreté. De tous les facteurs expliquant leur
faible niveau de développement au Cameroun, les difficultés
éprouvées par les promoteurs en quête d’un financement occupent
une place de choix1.
Cette situation est paradoxale dans une économie d’endette-
ment caractérisée par un système bancaire surliquide ; du fait
des effets conjugués d’une conjoncture internationale favorable
Yves-Alain POUGUE (appréciation du cours des matières premières que sont le cacao,
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Msc “Entrepreneurship & Innovation for sustai- le café, le pétrole, etc..) et des programmes d’ajustement de
la dette extérieure des pays en voie de développement, l’État
nable World” camerounais a vu sa situation nette s’améliorer vis-à-vis des
Moniteur InKubateur Campus Sophia Antipolis banques locales (A. N’Nkakey, 2007). Il a eu les moyens de
SKEMA Business School (France) régler sa dette intérieure auprès des entreprises du pays qui
ont vu leurs comptes passer largement créditeurs auprès du
système bancaire.
Selon E. Aithnart (2008), les PME en Afrique, exception faite de
l’Afrique du Sud, souffrent essentiellement de déficits chroniques
de fonds propres, de faiblesses dans leur management, de
manque d’actifs pour sécuriser les crédits bancaires et d’absence
d’innovation technique. Malheureusement ces caractéristiques
excluent le plus souvent, les PME de tout financement bancaire.
Pour résoudre le problème de l’accès aux financements longs
des PME, diverses solutions ont été envisagées par les autorités
locales. La création des banques spécialisées (d’investissement,

Michel BERNASCONI
Professeur Entrepreneuriat et stratégie * Préparé pour la deuxième Conférence internationale sur : « L’entrepreneuriat
SKEMA Business School en Afrique », Whitman School of Management, Syracuse University, New York,
USA du 22 au 24 mai 2011.
(France) 1. Selon le classement Doing Business 2011 de la Banque Mondiale, sur 183
pays, le Cameroun occupe les positions suivantes selon les critères : 168
sur le climat des affaires, 131 sur la création d’entreprise, 138 sur la facilité
d’obtention de prêts.

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Les spécificités des PME/PMI

d’affaires, de développement sur le modèle de la défunte B.C.D2, les PME sont de plus en plus victimes de l’effet d’éviction du
ou encore de financement des PME), la création d’un fonds de marché du crédit traditionnel.
garantie des PME ou encore le développement des systèmes
financiers alternatifs à l’instar de la microfinance.
Le capital-investissement apparaît dans ce contexte être une 1.1. La profession du capital –
réponse adaptée au double besoin de ces PME à la fois d’accéder investissement au Cameroun
à des capitaux à long terme et de bénéficier d’un accompagne-
ment stratégique. Le concept du capital-investissement englobe l’ensemble des
Le but de ce travail est de présenter les particularités de cette interventions en fonds propres aux différents stades du dévelop-
profession au Cameroun et le rôle déterminant qu’elle est appelée pement des entreprises de croissance (A. Dayan et al, 1999). Il
à jouer dans le financement des PME. Il repose sur une étude s’agit d’un terme générique incluant divers procédés (financement
réalisée sur un panel d’entreprises financées par les sociétés de l’accroissement du besoin en fonds de roulement, stratégie
de capital-investissement d’acquisition, transmission, scission ou rachat d’entreprises) par
Nous avons articulé notre travail en deux parties : lesquels un fonds d’investissement entre dans le capital d’une
– la première partie sera consacrée à la présentation de la entreprise pour plusieurs années, dans le but de revendre sa
profession au Cameroun ; participation (S. Raicher, 1998).
– la seconde partie sera consacrée au financement de l’entre- Quelle est l’histoire de la profession au Cameroun ? Quel est le
preneuriat par le capital-investissement au Cameroun. cadre légal d’exercice de l’activité ?

1. Le capital-investissement 1.1.1. Historique et évolution de la profession


au Cameroun : spécificités au Cameroun
d’une profession Au lendemain de son indépendance, pour accompagner et
favoriser le développement de son économie, l’État camerou-
L’originalité du capital-investissement réside dans le fait qu’il nais créa en 1964 la SNI (Société Nationale d’Investissement).
apporte à une entreprise, présentant un potentiel de croissance Une société à capitaux publics avec l’État comme actionnaire
important, non seulement des fonds propres mais aussi une unique dont le rôle était d’appuyer toutes les stratégies et les
assistance dans le management au moment où l’activité de politiques du gouvernement camerounais en matière économique,
l’entreprise et le risque qui y est associé sont si importants industrielle et sociale au travers de prises de participations au
que le banquier classique ne peut s’engager à la financer. La capital d’entreprises nouvelles, ou existantes, présentant de
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contribution des professionnels du private equity est à la fois bonnes perspectives commerciales et financières. Ces prises
matérielle (renforcement de la structure des capitaux propres) de participation peuvent se faire en joint-venture avec des
et immatérielle (ils mettent à la disposition de l’entreprise leur partenaires techniques, financiers ou commerciaux, nationaux
savoir-faire), ils suivent la gestion de l’entreprise et s’assurent ou internationaux.
de sa rentabilité. À la fin des années 1980, est créée la SAPA (Société Africaine
À la différence des financiers classiques qui jugent le niveau de de Prise de Participation), une société de capital-risque filiale de
risque des jeunes entreprises trop élevé, les acteurs du capital- la CCEI Bank (Caisse Commune d’Épargne et d’Investissement)
investissement sont attirés par les perspectives de rentabilité devenue Afriland First Bank3. La SAPA avait une double mission :
rapide et élevée, inhérentes à l’activité de ces jeunes pousses. – prendre une part active dans le processus de privatisation des
Selon Alain Barbier (2003) leur apport est financier, mais ils entreprises publiques ;
courent aussi le risque industriel avec l’entrepreneur. – être un élément catalyseur de l’entrepreneuriat local.
En effet, les investisseurs en capital-investissement partagent La fin des années 1990 est marquée par la création d’Emerging
les risques de succès ou d’échec de l’entreprise et, pour cette Capital Partners (ECP), fonds d’investissement américain de
raison, ils escomptent des rendements élevés lors de la cession capital-investissement spécialisé sur le continent africain. À
de leurs actions à des tiers au moment de la sortie (J. Levitsky, travers le fonds West Africa Growth Sicar (WAGS) d’un montant de
1999). 28 millions de dollars, ECP investit dans Ecobank Transnational
Fort des success stories de la profession aux USA et en Europe, qui ouvrira plus tard une filiale au Cameroun.
ce mécanisme de financement est reproduit partout dans le En 1998, Afriland First Bank crée la Cenainvest (Central Africa
monde. Le développement de cette profession au Cameroun Investment). La société prend des participations dans des
est une solution à envisager aujourd’hui, dans un contexte où PME à fort potentiel de croissance dans toute la zone CEMAC
(Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale).

2. B.C.D : Banque Camerounaise de Développement. 3. Afriland First Bank : Groupe bancaire camerounais.

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Les spécificités des PME/PMI


Elle lance la même année son premier fonds d’investisse- contrôle de leurs entreprises, mais bénéficier d’un appui financier
ment, Cenainvest Fund I, un fonds d’amorçage qui s’élève à et d’une expertise supplémentaire dans le management.
5 millions4 d’euros. Tableau 1 : Date de création des sociétés de capital-investissement au Cameroun
En novembre 2000, la CIC (Camship Investment Corporation), et spécialisation des acteurs. Source : Entretiens des auteurs avec les respon-
filiale de la Cameroon Shipping Line, voit le jour. Cette structure sables des SCI
est dédiée au capital-risque et à toute prestation pouvant s’y
rattacher. Date de Société de capital-
En 2001, Emerging Capital Partners entre dans le capital de la
Métiers
création investissement
société SAPPC (société anonyme les poissonneries populaires) 1964 Société Nationales Capital-risque/Capital-
par le biais de son fonds West Africa Growth Sicar. d’Investissement développement/Capital-
En 2003, Cenainvest lève 10 millions d’euros auprès d’inves- (SNI) transmission
tisseurs internationaux du développement d’Afriland First Bank 1990 Société Africaine de Capital-risque/Capital-
prise de participa- transmission/Capital-retournement
et lance Cenainvest Fund II, un fonds de capital-risque et de tions (SAPA)
capital-développement dédié à la zone CEMAC. 1997 Emerging Capital Capital-développement/Capital-
En 2004, Investisseur et Partenaire pour le Développement Partners (ECP) transmission
(I&P), société de financement privée, basée à Paris et spécia- 1998 Central Africa Capital-risque/Capital-
lisée dans le capital-développement, entre dans le capital de Investment développement/Capital-
Cameroun Breuvages. (Cenainvest) transmission/Capital-retournement
En novembre 2005, Emerging Capital Partners s’installe au 2000 Camship Investment Capital-risque
Corporation (CIC)
Cameroun en acquérant la Framlington Asset Management et
2002 Investisseurs et Capital-développement
son fonds Central Africa Growth Sicar (CAGS) d’un montant de partenaires pour
22 millions de dollars, dédié au capital-développement et capital- le développement
transmission, passe sous la gestion d’ECP. (I&P)
Travant Capital Partners est créée en 2007 au Nigéria. Son 2007 Travant Capital Capital-risque/Capital-
premier appel de fonds d’un montant de 107 millions de dollars Partners développement
est achevé en mai 2008. La société ouvre des bureaux au
Cameroun et entend investir dans des entreprises de croissance.
En janvier 2011, Cenainvest a été sélectionné par la Société
1.1.2. Le cadre légal d’exercice de la profession
financière internationale (SFI, filiale de la Banque mondiale pour Le développement du capital-investissement dans un pays est
le secteur privé) pour gérer le Central Africa SME Fund. Ce fonds, lié, d’une part, au dispositif réglementaire et fiscal qui encadre
qui comprend actuellement 16 millions d’euros sous gestion, l’activité et d’autre part, au statut accordé à ces institutions.
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sera investi en République Démocratique du Congo (RDC) et en Ces outils constituent un signal fort donné au marché quant à
Centrafrique. Le tableau 1 récapitule ces initiatives la volonté d’un État d’encourager ou non les professionnels du
Les différentes sociétés de gestion reprennent 4 principaux secteur.
modèles de gestion : Qu’en est-il du cas du Cameroun ? Quelle est l’organisation de
– la SNI correspond au modèle de la Caisse des dépôts et de la profession ?
consignation (CDC) en France qui est l’instrument utilisé par l’État
pour accompagner et soutenir les entreprises du secteur privé. Un environnement réglementaire et fiscal
– la CIC renvoie à un modèle classique de corporate venture
– Cenainvest et Sapa sont des sociétés de gestion adossées à peu incitatif
un établissement bancaire L’État du Cameroun classe dans une même catégorie l’industrie
– ECP, I&P, Travant Capital correspondent au modèle de société du capital-investissement et celle de la gestion d’actifs finan-
de gestion indépendante ciers pour le compte de tiers. Il s’agit pourtant de deux métiers
Bien qu’initié par l’État après l’Indépendance, le private equity différents de par leur finalité et leur vocation.
est un mode de financement en croissance au Cameroun, eu La Commission Bancaire de l’Afrique Centrale (Cobac) assimile
égard à l’augmentation du nombre d’acteurs observée ces les institutions du capital-investissement à une catégorie d’éta-
dernières années. blissements de crédit dénommée « établissements financiers ».
L’activité des opérateurs est plus concentrée sur les métiers du À l’instar des banques traditionnelles, les sociétés du capital-
capital-risque et du capital- développement, ce qui correspond au investissement font de l’intermédiation financière, mais la
niveau de développement de l’économie du pays et également manière diffère : le banquier reste un créancier de l’entreprise.
aux besoins des entrepreneurs locaux qui souhaitent garder le Il est un partenaire externe qui ne court pas le risque industriel
avec l’entrepreneur – tandis que le professionnel du capital-
investissement est un actionnaire qui court le risque industriel
4. Source : www.cenaninvest.com. avec l’entrepreneur –, ce qui lui donne le statut de créancier

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résiduel. Les activités du private equity sont donc distinctes de un suivi distant et sans contrôle des affaires « en portefeuille »
celles des établissements de crédit. (J. Bessis, 1988).
Le terme établissement financier est un terme générique sous Dans son acception anglo-saxonne, il s’agit d’investissements à
lequel on retrouve des myriades d’activités financières (crédit-bail, haut risque, dans des affaires à haut potentiel, le plus souvent
crédit à la consommation, affacturage, capital-investissement, de haute technologie, dans le cadre d’un partenariat actif et
etc.) dont le principal sinon le seul-point commun-est d’être dense (J. Bessis, 1988).
encadré par des législations idoines.
Du fait d’une fiscalité inadaptée, la majeure partie des fonds
opérant au Cameroun ont élu leur domicile fiscal en dehors du
1.2.1. Une activité dépendante des institutions
pays, principalement aux îles Maurice et au Luxembourg reconnus internationales de financement du développement
en la matière pour leurs fiscalités fort attractives.
En 2001 l’État camerounais a créé la bourse des valeurs mobilières
(IFID)
de Douala, signe de son refus de participer au projet de mise Exception faite de la SNI et de la CIC dont les financements
en place d’une bourse de valeurs commune à tous les États de proviennent de l’État camerounais pour le premier et de la Camship
la région (CEMAC). Shipping Lines pour le second, tous les acteurs du secteur se
Depuis sa création, la bourse des valeurs de Douala est restée financent auprès d’institutions financières internationales et
à l’état embryonnaire et la démarche volontariste de l’État s’est régionales de développement.
arrêtée en chemin, plusieurs entreprises du secteur public ayant En effet, Selon Mohammadou Diop (2007), R. Geiss, J. Hajdenberg
été privatisées hors de ce marché. Dans ce contexte, on imagine et M. Renchon (2008) la plupart des fonds de private equity en
très mal les acteurs de l’industrie y effectuer des sorties. Afrique, exception faite de ceux dédiés à l’Afrique du Sud, se
refinancent en majeure partie auprès de bailleurs de fonds publics :
L’organisation de la profession la Société financière Internationale filiale de la banque mondiale
– SFI ; le néerlandais Netherlands Development Finance Company
En Afrique les professionnels du private equity sont regroupés au – FMO ; le scandinave Norfund ; le britannique Commonwealth
sein de l’AVCA (African Venture Capital Association) dont le siège Development Corporation - CDC ; le français Proparco filiale de
se trouve au Kenya. Sa mission est d’œuvrer pour la promotion l’Agence Française de Développement ; la Banque Européenne
et le développement de la profession. Parmi ses membres, on d’Investissement – BEI.
retrouve plusieurs acteurs du secteur installés au Cameroun
(Cenainvest, ECP, I&P, SNI). Ces différents acteurs, accompagnés par la Banque Africaine de
Au Cameroun, les acteurs du secteur se sont réunis en 2007 Développement - BAD, ont une part importante et déterminante
et ont décidé de créer ensemble la CAVCA (Cameroon Venture dans le développement de cette activité au Cameroun. Leur
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Capital Association), association dont l’objet serait de défendre contribution ne se cantonne pas à celle de fonds des fonds, ils
les intérêts du capital-investissement. vont plus loin que les fonds de fonds classiques, ils apportent leur
Dans la foulée, les professionnels du métier ont lancé des assistance technique et leur expérience dans la gestion de fonds.
réflexions sur un projet de loi relatif au capital-risque, ils ont Les sociétés de gestion des fonds au Cameroun, contrairement à
également décidé de la création du « Cameroon Project Preparation celles basées en Afrique anglophone, n’ont pas encore réussi le
Facility » (CPPF), structure qui aurait vocation à préfinancer les pari d’intéresser les investisseurs institutionnels internationaux
études nécessaires aux investissements. (les caisses de retraite, les fonds de pension, les compagnies
d’assurance, les grandes banques internationales et les fonds
souverains).
1.2. La pratique du métier au Cameroun
Au final, le schéma de financement correspond à celui de J.
Le concept de capital-investissement recouvre plusieurs notions Lachmann (1997), excepté qu’au Cameroun à la place des inves-
que l’on a tendance à amalgamer selon l’endroit où l’on se tisseurs institutionnels les IFID jouent le rôle de fonds de fonds.
trouve. Le plus « petit dénominateur commun » des opérateurs
du capital-investissement étant l’apport de fonds propres et
de compétences à une entreprise ayant des perspectives de
croissance qui permettront à moyen terme de réaliser des plus-
values importantes (H. Hutin, 2003).
En France, il s’agit d’opérations de « haut de bilan » sur différentes
activités avec une prédilection pour des affaires établies, au
détriment des entreprises jeunes et en croissance rapide, dans
le cadre d’un partenariat « passif » - ou hands off – caractérisé par Schéma 1 : les opérateurs du capital-investissement au Cameroun.

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1.2.2. Les mécanismes d’interventions 2.1.1. L’assistance aux entreprises

Les spécificités des PME/PMI


Les différentes interventions des acteurs du capital-investisse- Au Cameroun les professionnels du capital-investissement
ment sont liées au stade de développement de l’entreprise. En sont des personnes issues du monde de l’entreprise et de
effet les interventions se font à tous les stades du cycle de vie l’administration publique, mais la fraction la plus importante
de l’entreprise, du décollage à la reprise/transmission en passant est représentée par des transfuges du milieu bancaire, local
par la maturité et le développement, chacune des interventions et international. Grâce à leurs expériences passées, ils ont
implique un type de financement et des instruments particuliers. de bonnes connaissances de l’environnement des affaires et
Fondamentalement, le seul instrument financier correspondant à de fortes capacités à anticiper les problèmes des entreprises.
l’approche du capital-investissement est la souscription d’actions Les équipes sont en général réduites, le deal flow est assuré par
ordinaires ou privilégiées au capital social de l’entreprise pour une prospection active auprès des différents réseaux (experts-
une nouvelle entreprise ou l’augmentation du capital pour une comptables, avocats, cercle d’amis…). La notoriété sans cesse
entreprise existante (J. Lachmann, 1997). croissante des sociétés de capital-investissement et le besoin
exprimé par les entrepreneurs d’accéder à des capitaux à long
Dans leur démarche au Cameroun, les sociétés de capital-inves- terme ont entraîné une augmentation du deal flow des acteurs.
tissement ont recours aux actions ordinaires, mais également L’examen du business plan est la première étape de l’évaluation
aux prêts participatifs. En effet, une partie des fonds apportés de l’entreprise cible. Contrairement à la démarche observée
est destinée à l’achat d’actions et une autre partie représente en Occident, au Cameroun les chargés d’affaires assistent les
des titres subordonnés de dernier rang. Les détenteurs n’étant entrepreneurs dans la construction du business plan ; ce qui
désintéressés qu’après remboursement de toutes les créances, leur permet très rapidement d’avoir une meilleure visibilité de
la rémunération comprend une partie fixe et éventuellement une l’activité de l’entreprise.
partie variable. La première étape des due diligences consiste en une inves-
Dans un environnement où les entrepreneurs ont du mal à tigation approfondie des qualités personnelles et expériences
accepter des joint-ventures, ces titres sont très prisés car ils professionnelles, des porteurs de projet et des équipes. Faute
protègent les propriétaires des entreprises du risque de dilution de données fiables sur les perspectives de marché et des
qui entraînerait la perte de contrôle de leurs entreprises. produits, les investisseurs s’appuient sur leur connaissance de
l’environnement, sur leur réseau d’informations et sur le track
record des cibles.
2. Capital-investissement Les investisseurs participent au conseil d’administration et aux
et financement de l’entrepreneuriat comités de direction des entreprises. Ils assistent les équipes
des entreprises dans la gestion du fonds de roulement et la
au Cameroun
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recherche de partenaires ou de débouchés à l’étranger.
Une autre approche du suivi consiste à recourir, grâce au concours
Pour E. Aithnard (2008), le capital-investissement, dont le but financier des IFID, aux services d’un ou plusieurs consultants
avoué est de financer les PME, constitue une des réponses spécialisés qui apportent aux PME, dans la durée, une assistance
les plus complètes et les mieux adaptées aux besoins de ces spécifique sur les fonctions-clés de leurs activités. Au terme de
structures. En effet, les investisseurs privés apportent dans un la mission, les PME adoptent une structure plus adaptée à la
même package les fonds propres, une assistance en manage- croissance et un meilleur standard de management.
ment ainsi que les possibilités d’accès à de nouveaux marchés
et à de nouvelles technologies.
Nous consacrerons la première section à l’étude de la relation
2.1.2. Le portefeuille des sociétés de capital-
entre les professionnels du capital-investissement et les entre- investissement au Cameroun
preneurs. La seconde section sera consacrée à l’impact du
capital-investissement au Cameroun. L’objectif majeur des SCI est de dégager une rentabilité, elle
résulte d’une moyenne entre les échecs et les succès des affaires
en portefeuille. Cet objectif de rentabilité est lié à la taille et à
2.1. Relation capital-investissement – PME la composition du portefeuille d’affaires.
Contrairement à ce qui est observé en Occident et dans certains
Le capital-investissement sous sa forme moderne est une profes- pays africains, au Cameroun les opérateurs ne sont pas spécia-
sion jeune qui est appelée à apporter des solutions aux carences lisés selon les industries dans lesquelles ils investissent ou par
du système financier traditionnel au Cameroun. Comment se zone géographique. Ils recherchent de bonnes affaires présentant
déroule l’assistance aux entreprises ? Quel type d’entreprises un potentiel de croissance élevé et ce, quel que soit le domaine
compose le portefeuille des investisseurs ? d’activité de l’entreprise.

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2.2. L’impact du capital-investissement


Les spécificités des PME/PMI

Les prises de participations se font principalement dans les


secteurs des services financiers, de l’agroalimentaire, du textile,
de la santé, de la boisson et de l’alimentation. Des secteurs où
au Cameroun
l’offre est inférieure à la demande locale ce qui laisse entrevoir Le capital-investissement est un mécanisme de financement
des perspectives de croissance rapides pour les entreprises qui qui a une influence directe dans la gestion des entreprises mais
se positionnement très tôt sur ces marchés. plus encore, les professionnels du métier ont des exigences
Le tableau 2 fait état de la structure actuelle du portefeuille de en termes de prérequis aux investissements qui peuvent avoir
participation des sociétés de capital-investissement au Cameroun. une incidence significative sur l’environnement des affaires au
Tableau 2. Prises de participations directes d’ECP, I&P, SAPA et SNI Cameroun.
au Cameroun. Sources : www.afrilandfirstbank.com/www.ecpinvestments.com/ Quel est l’impact économique du capital-investissement au
www.ip-dev.com/www.sni.cm. Cameroun ? Quel peut être son impact sur le climat des affaires ?

Société de capital- Nombre


investissement
Secteur
d’entreprises
2.2.1. L’impact économique et social au Cameroun
I&P - SAPA Services financiers 4 Les acteurs du private equity (SNI, SAPA, ECP, I&P) ont investi dans
I&P – SAPA - SNI Agroalimentaire 13 près de 50 entreprises au Cameroun à ce jour. Si l’on y ajoute
I&P - ECP Boissons et alimentation 2 les investissements d’ECP dans de grands groupes africains tels
I&P Textile 3 qu’Ecobank Transnational, NSIA, Continental réassurance qui ont
I&P - ECP Santé 3 des filiales au Cameroun, le cap des 50 entreprises est dépassé.
ECP - SNI Pétrole & gaz 3 En 2005, les entreprises appartenant au portefeuille de la SNI
SAPA - SNI Logistique et transport 3 employaient 9 4835 personnes pour un chiffre d’affaires d’un
SAPA Sécurité 1 montant d’un milliard d’euros. Les entreprises financées par I&P6
SAPA -SNI Édition 4 de 1,7 million d’euros en 2008 contre 2 millions d’euros en 2009,
SAPA -SNI Immobilier et BTP 2 soit une variation positive de 37,76 %. Elles employaient un total
SNI Industrie du bois 1 de 161 personnes contre 259 en 2009, soit une augmentation
SNI Métallurgie et Électromécanique 6 de 60,86 %.
SNI Tourisme 4 À l’image de la SNI et d’I&P, les sociétés de capital-investisse-
ment ont un impact sur le processus de la croissance ; elles
permettent la création d’entreprises nouvelles et le développe-
ment de celles existantes. Elles contribuent ainsi à la création
de nouveaux emplois dans les entreprises où elles investissent,
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mais également leurs investissements ont un effet multiplicateur
sur l’ensemble de l’économie-Ils génèrent en effet une demande
supplémentaire qui permet de créer des emplois chez les fournis-
seurs et partenaires des entreprises financées.
La présence d’un capital-investisseur constitue également une
garantie de solidité financière de la société dont on peut penser
qu’elle sera aidée financièrement en cas de difficultés transitoires
(M. Chérif, 1998). Cette présence est un gage de sérieux pour
le banquier qui sera plus enclin à financer l’entreprise.
Diagramme 1 : Composition en pourcentage du portefeuille ECP, I&P, SAPA et
SNI participations directes dans des entreprises au Cameroun.
2.2.2. L’impact sur l’écosystème des entreprises
À la suite du tableau 2 et du diagramme 1 on peut noter que La plupart des PME camerounaises sont soit des affaires
les SCI sont plus attirées par les entreprises opérant dans le personnelles reposant essentiellement sur le gérant qui est très
secteur de l’agroalimentaire. Il ne tient pas compte des inves- souvent actionnaire majoritaire et seul à présider aux destinées
tissements d’ECP dans les groupes Continental réassurance, de l’entreprise (A. N’Nkakey, 2007), soit des sociétés familiales
NSIA, Ecobank Transnational, de grands groupes africains avec où l’on retrouve les membres de la famille à tous les niveaux
des filiales au Cameroun. de décision.
Elles ont des difficultés récurrentes à trouver des débouchés,
On peut noter qu’aucun de ces acteurs n’a investi dans les le manque d’expertise personnelle des promoteurs qui font
secteurs des services informatiques et des télécommunications.
Ce sont des secteurs à forte valeur ajoutée, avec une demande
5. Source : rapport d’activités de la SNI 2005.
largement inférieure à l’offre actuelle du marché. 6. Rapports d’activités I&P 2009-2010 et 2008-2009.

janvier-avril 2013
Dossier I
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 259-260 – Finance-PME 75

Les spécificités des PME/PMI


appel au concours bancaire comme seule et unique source de financement suscite des craintes dans la mesure où les fonds
financement. Malheureusement l’insuffisance de garanties et d’investissement opérant au Cameroun se financent essen-
la fragilité de leurs structures les excluent le plus souvent du tiellement auprès des IFID. On peut donc à juste titre redouter
système bancaire. qu’avec les divers programmes de relance des économies, une
Les professionnels du capital-investissement par le biais de diminution de la part allouée aux IFID soit fatale au financement
leurs investissements apportent à l’entreprise des fonds et une des PME au Cameroun.
expertise dans le management mais plus encore, la crédibilité Le contexte international actuel suscite également des espoirs
dont elle a besoin vis-à-vis des stakeholders (clients, fournisseurs, dans la mesure où les investisseurs internationaux, ayant retenu
salariés…). L’entreprise acquiert une certaine notoriété qui lui les leçons de la dernière crise financière, se détournent peu
garantit un portefeuille de clients et attire les meilleurs talents. à peu des marchés spéculatifs pour investir dans l’économie
De plus, L’entrée de l’investisseur dans le capital de l’entreprise réelle. Dans ce nouveau schéma, la zone du Golfe de Guinée,
permet de discipliner l’équipe dirigeante du projet et constitue particulièrement le Cameroun par sa position stratégique, la
un signal donné au marché quant à la qualité du management diversité de ses ressources et sa stabilité politique, pourrait
de l’entreprise. être leur nouvelle destination.
Le fait que les fonds de capital-investissement en direction du
Cameroun soient financés essentiellement par les institutions
internationales de financement du développement constitue un Bibliographie
atout important pour les entreprises financées. Dans la mesure Agbado, F. (2008), « L’Afrique et le capital – investissement : le point de vue
où les bailleurs de fonds ont un poids plus important auprès des d’unspécialiste », Communication au forum d’Abidjan sur ea capital – investis-
sement, Juin.
gouvernements, ils peuvent intervenir pour obtenir des conditions Aithnart, E. (2008), « Expériences de capital – risque à l’échelle régionale :
favorables à l’activité des entreprises ; ce lobbying permet de cas de l’Afrique de l’Ouest », communication au forum d’Abidjan sur le capital –
réduire le risque politique. investissement, Juin.
Babissakana, Abissama Onana (2005), « Impératif technologique et industriel pour
le développement des pays africains », in les Débats Économiques du Cameroun

Conclusion
et d’Afrique, Prescriptor, p. 279-419.
Barbier, A (2003), « Capital-risque, capital-investissement et formation de l’entre-
preneuriat », Thèse soutenue à l’Université de la Réunion.
Bessis, J. (1988), « Capital-risque et financement des entreprises », in Encyclopédie
Au terme de notre étude, nous pouvons conclure que le mécanisme de gestion, Simon y. et p. Joffre (dir), Paris, Economica, p. 300-317
du capital-investissement constitue une alternative au finance- Cherif, M. (1998), « Analyse du financement des PME innovantes par le capital-
risque : le cas français », La Revue du Financier, n° 115, p. 53- 69.
ment des PME. En effet, il correspond au besoin de ces structures Dayan, A. et al. (1999), « Le capital-risque », in Manuel de gestion, volume 2,
de bénéficier de capitaux à long terme et d’une assistance. collection Universités Francophones AUPELF-UREF, p. 170-171.
Nonobstant un environnement encore peu favorable, le mouve- Diop, M. (2007), « Le capital-investissement en Afrique : dernières évolutions,
© Direction et Gestion | Téléchargé le 28/07/2022 sur www.cairn.info (IP: 102.244.220.41)

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problèmes et perspectives », in “Les Échos de la Banque mondiale”. Numéro 7
ment d’intégration régionale (CEMAC, CEEAC) laisse entrevoir de – mars.
nouvelles perspectives pour les PME : ouverture de nouveaux Geiss, R. ; Hajdenberg J. et Renchon M., (2008), « l’Afrique, terre d’investisse-
marchés, conjoncture internationale favorable, harmonisation ment », www.capafrique.org
Hutin, H. (2003) « Toute la finance d’entreprise en pratique », 2e édition, Paris,
du droit des affaires et de la fiscalité. Edition d’organisation.
Malgré un engouement constaté ces dernières années autour Lachmann, J.  (1997), « Capital-risque », in encyclopédie de gestion, Simon Y. et
des métiers du capital-investissement, ce mécanisme fait face p. Joffre (dir), 2e édition, tome 1, Paris, Economica, p. 287-305
Levitsky, J. (1999), « Financement du développement des entreprises privées en
à différentes barrières règlementaires, juridiques et fiscales qui Afrique », Document d’information de l’ONUDI
hypothèquent son développement. L’acteur historique qu’est la N’Nkakey, A. (2007), « Relation banque- PME : solutions pour un meilleur parte-
SNI s’est cantonné jusqu’ici à une activité de joint-venture avec nariat », exposé au Forum national sur l’entrepreneuriat, décembre 2007
Raicher, S. (1998) « Le capital-investissement européen devient adulte », Revue
de grands groupes internationaux désireux d’ouvrir des filiales d’Économie Financière, n° 50, p. 7-15
au Cameroun. Autres sources d’information :
Jusqu’ici, seules les forces du marché ont aidé la profession à Banque mondiale, Rapport Doing Business (2011)
COBAC, (2005) « recueil des textes relatifs à l’exercice des activités bancaires
se développer, l’État camerounais devrait désormais prendre et financières », ed COBAC.
le relais par la mise en place d’un dispositif légal favorable au Rapports d’activités I&P 2009-2010 et 2008-2009
développement de cette activité, la mise en place d’instruments SNI (2005), « Rapport annuel »

spécifiques tels que des incubateurs, des pépinières d’entre- Liens Internet :
prises, la création de technopôles, des pôles de compétitivités www.afrilandfirstbank.com
et la transformation de la SNI en une véritable structure de www.avca.net
www.beac.int
capital-investissement dont l’essentiel de l’activité serait orienté www.capafrique.org
vers le capital-risque. www.cenainvest.com
Dans le contexte international actuel, caractérisé par la faillite www.ecpinvestments.com
www.I&P-dev. com
de certains États européens et la mise en place des politiques www.sni.cm
d’austérité dans certains pays développés, cette technique de www.worldbank.org

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