Régimes douaniers économiques et compétitivité des

petites et moyennes industries des départements français

d'Amérique
Katie Lanneau
Dans La Revue des Sciences de Gestion 2012/2 (n° 254), pages 31 à 38
Éditions Direction et Gestion
ISSN 1160-7742
ISBN 9782916490335
DOI 10.3917/rsg.254.0031
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 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit 31

Crise et environnement institutionnel

Régimes douaniers économiques
et compétitivité des petites et moyennes
industries des départements français
d’Amérique
par Katie Lanneau

D
ans un contexte de globalisation des échanges commer-
ciaux, la survie des petites et moyennes industries (PMI)
implantées sur le territoire européen dépend de leur
capacité à mettre en œuvre des stratégies de management
visant visent à augmenter ou maintenir leur compétitivité. La
législation douanière européenne propose des régimes douaniers
économiques pour accompagner ces stratégies. Pourtant, les
PMI présentent des comportements différents des grandes sur
cette question comme l’attestent diverses études sectorielles
réalisées par l’administration douanière française et des cabinets
Katie LANNEAU de conseils internationaux tels que Hertz et Young (2002). Ces
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Chargée de cours - chercheur dispositifs, certes complexes, visent globalement à suspendre
les droits de douane, la taxe sur la valeur ajoutée pour les
Université Antilles Guyane importations hors de l’Union Européenne (UE), jusqu’au marché
Campus de Fouillole destinataire final ou jusqu’à la réexportation vers les pays tiers
France-Antilles des produits ayant subi des transformations dans l’UE. Pourquoi,
les PMI des départements français d’Amérique (DFA) utilisent-
elles faiblement les dispositifs douaniers pour optimiser leur
performance ? Ces dispositifs matérialisés par une convention
entre la douane et l’entreprise utilisatrice limitent les déséqui-
libres en trésorerie de celle-ci. Ainsi la performance des PMI
peut s’améliorer en fonction des régimes douaniers utilisés et
de leurs conditions d’application.
Nous analysons cette question, à partir des résultats de l’enquête
réalisée entre 2004 et 2005. Notre échantillon se compose
de 85 entreprises représentatives des secteurs industriels de
Guadeloupe, Martinique et Guyane. Dans une première partie
l’évolution du cadre institutionnel des régimes douaniers écono-
miques et la structure des entreprises sont présentées. Dans une
seconde partie, nous illustrons les pratiques des PMI en matière
de régimes douaniers et suggérons des solutions adaptées à
ces organisations.

mars-avril 2012
Dossier I
 32 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit
1. É volution de la législation
Crise et environnement institutionnel
douanière dans le contexte
des accords commerciaux
internationaux et structure
des entreprises
L’évolution des régimes douaniers est liée aux politiques commer-
ciales de grandes nations qui passent de cycles marqués par le
renforcement ou l’affaiblissement du protectionnisme. En règle
générale les périodes de récession favorisent la montée du
protectionnisme. En témoignent les plans de relance économique
proposés par les gouvernements des états européens et améri-
cains lors des évènements récents de la crise des « subprimes »
(août, septembre 2008). Ils sous-tendent la question des accords
douaniers internationaux, la structure des entreprises ainsi
que les fonctionnalités des régimes douaniers économiques
d’aujourd’hui.
1.1. Les accords douaniers internationaux
et la structure des entreprises
La question du libre-échange commence à se poser au xixe siècle
avec l’émergence des théories des avantages absolus (A. Smith,
1776) et des avantages comparatifs (D. Ricardo, 1821). Adam
Smith fonde son analyse sur les ressources naturelles favorables
d’un pays. Les états ont intérêt à importer les biens pour lesquels
ils disposent de coûts moyens de production élevés. Au concept
d’avantage absolu Ricardo propose celle de l’avantage comparatif
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absolu relatif. Un pays dispose d’un avantage comparatif relatif
par rapport à un autre quand l’écart de coût entre les deux pays
est le plus faible. Les pays gagnent à favoriser les importations
à faible coût qui bénéficient aux firmes utilisatrices pour les
exportations de produits industriels. Que ce soit Smith ou Ricardo,
le développement des échanges internationaux repose sur la
spécialisation des nations dans des secteurs d’activité, sans
pour autant prendre en considération les surcoûts liés aux frais
d’acheminement et la taxation des marchandises dans le pays
importateur. Ce n’est qu’un siècle plus tard que les premiers
accords internationaux se concrétisent dans le cadre du G.A.T.T
(1947), créé provisoirement et destiné à régir les accords commer-
ciaux des marchandises entre pays. Les accords issus des
négociations du Tokyo Round (1973-1979) sont décisifs pour la
libéralisation des échanges. La plupart des réductions des droits
de douane débute le 1er janvier 1980 alors que les PMI sortaient
à peine de leur « ignorance » (O. Torrès, 1998 ; M. Marschenay,
2003). En marge des efforts mondiaux de coopération, la
coopération économique européenne née du plan Marshall,
s’oriente vers le développement des échanges intra-européens
qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale, sont soumis
aux contraintes relevant des systèmes nationaux de contrôle du
commerce extérieur et des changes et des accords bilatéraux de
mars-avril 2012
Dossier I
contingentement et de paiement. À partir de 1948, les pays de
l’Europe occidentale sont groupés au sein de l’Organisation pour
la Coopération du Développement Economique (O.C.D.E). L’un
des exemples de coopération économique est représenté par
la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (C.E.C.A)
établi par le traité de Paris en 1951. Cette réalisation est la
première étape du traité de Rome par l’Acte Unique de 1986
qui conduit à la Communauté Economique Européenne (C.E.E).
La libéralisation des échanges commerciaux s’institutionnalise,
l’OMC créée en 1995 se substitue au GATT. L’OMC est mandatée
par 151 pays, dont les membres de l’UE, pour la mise en œuvre
et l’administration des accords de Marrakech (15 avril 1994).
L’évolution communautaire de la douane s’effectue désormais
dans un contexte de mondialisation. L’état français renforce les
mesures d’accompagnement des entreprises exportatrices :
« Toutes les grandes entreprises exportatrices des années 1960
et 1970 défilent dans les bureaux du Quai Branly et du Quai
d’Orsay : Air liquide, Alsthom, Badcock et Wilcox, Brissonneau
et Lotz, Campenon Bernard, CGE International, Dassault etc. (L.
Badel, 2008). En 1997 ; 25,2 % des importations françaises et
11, 5 % des exportations ont été dédouanées dans d’autres
pays de l’UE. Des études empiriques portant sur la performance
des entreprises sur le marché d’exportation (P. Koening, 2006)
montrent que les caractéristiques de taille ou de productivité des
entreprises déterminent leur activité d’exportation. P. Koening
souligne comme l’ont fait précédemment A.B. Bernard et J.B.
Jensen (1995) pour une étude similaire effectuée aux États-Unis
en 1987 que ce sont les entreprises de grande taille et de chiffre
d’affaires importants qui exportent. Placée au sein des dispositifs
de conquête des marchés extérieurs, la mission économique
que s’est assigné l’État dans le cadre des dispositifs douaniers
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peut être contestée, car elle ne porte que sur les grandes entre-
prises. L’histoire nous montre que l’évolution de la législation
communautaire européenne du Code des douanes (J. C. Berr et H.
Trémeau, 2001)1 s’est fondée dans le cadre de la mondialisation
sous l’influence de sociétés manufacturières de grande taille
ou encore dans un contexte concurrentiel du secteur agricole.
Aujourd’hui l’appui de l’État à l’égard du commerce international
est symbolisé par Ubifrance, agence française pour le dévelop-
pement international des entreprises, créée par l’article 50 de la
loi sur l’initiative économique du 1er août 2003. Ubifrance a en
charge de favoriser l’augmentation des entreprises exportatrices.
Dans quelle mesure pourra-t-elle prendre en compte au regard
des régimes économiques, la structure des PMI ?
1.2. L es régimes douaniers économiques :
structure et fonctionnalités
Depuis la mise en place du marché unique au 1er janvier 1993,
les régimes douaniers économiques s’appliquent exclusivement
aux échanges entre les pays tiers, les États membres de l’UE et
1. art.4,5 et 16 et a
 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit
Tableau 1 : Les entrepôts de type A et B
Types d’entrepôt A B
Statut Public, agrément obligatoire
Responsabilité l’entreposeur
Comptabilité Tenue d’une comptabilité matières
Garantie Souscrite par l’entreposeur
Montant = 5 % du montant des droits à l’impor-
tation et des taxes nationales en jeu sauf pour
les produits sensibles (alcools, tabacs, produits
agricoles), la garantie = 30 % du montant.
Particularitésb Procédures simplifiées de dédouanement pour le
placement, l’apurement et le transfert.
a. DAU : Document administratif unique qui sert à la déclaration des marchandises à l’entrée. b. Présentation des avantages et inconvénients des régimes pour
l’entreprise. 3. MADT : Lieux agréés comme magasins de dépôt temporaires, peuvent également être autorisés comme entrepôts douaniers (type A, B, C, D et
E). Les marchandises peuvent passer d’un statut juridique (MADT) à l’autre.
les parties du territoire douanier de la CE exclues du territoire
fiscal par la 6e directive TVA (les Départements d’outre-mer dont
les DFA, les îles Canaries, les îles Anglo-Normandes…). Cette
partie traite des procédures communes aux différents régimes
douaniers économiques et ceux adaptés aux opérations réalisées
dans le cycle d’activité des entreprises. Les régimes sont au
nombre de cinq, l’entrepôt douanier, le perfectionnement actif,
la transformation sous douane, l’importation temporaire, le
perfectionnement passif et le perfectionnement actif. Quel que
soit le régime, il existe deux types de procédure de dédouane-
ment pour l’entrée des marchandises sur le territoire européen.
La procédure normale, dans laquelle l’exportateur informe son
bureau de contrôle selon un délai fixé d’un commun accord, un
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Document Administratif Unique (DAU) est établi. La procédure
simplifiée est celle dans laquelle le DAU est établi en deux
exemplaires (un exemplaire pour le premier entrepositaire et un
second qui accompagne la marchandise), et présente l’avantage
d’une part d’éviter la présentation des marchandises au bureau
de contrôle, et d’autre part le DAU peut être remplacé par un
autre support tel que le document commercial. À l’inverse,
l’apurement est l’opération douanière qui met fin au régime de
l’entrepôt en attribuant aux marchandises une destination. Nous
présenterons les régimes douaniers les plus pertinents dans un
cadre industriel, ils intègrent le stockage et la transformation
ou production.
– Les opérations de stockage : le régime de l’entrepôt douanier
Le Code des douanes communautaires2 distingue quatre types
d’entrepôts en fonction de l’activité principale de l’entreprise et
de l’importance des flux. Le délai de délivrance des autorisations
douanières est de 60 jours (Art. 532 du Code des douanes
communautaires). L’autorisation administrative des douanes est
soumise aux conditions de garantie financière, facteur limitant
pour les petites et moyennes industries. Si le stockage des biens
2. Règlement CE 2913/92 du Conseil Européen du 12 octobre 1992 articles 84
à 90 ; 98 à 113, Règlement CE 2454/92 du 2 juillet 1993 articles 268 à 274,
278, 496 à 535, plus les annexes 67 ; 68 ; 71 ; 72.
mars-avril 2012
33
Crise et environnement institutionnel
public, agrément obligatoire
l’entrepositaire
Absence de comptabilité matières donc :
– la procédure de dédouanement à domicile est impossible
mais DAUa incomplet possible ;
– la procédure de transfert de marchandises est impossible.
idem
système de gestion de stock non indispensable, investisse-
ment moindre, adapté pour des durées de stockage courtes
en suite de MADTc
constitue la prestation principale de l’entreprise, les entrepôts
de type A et B sont proposés (Tableau 1). L’entrepôt de type C
est adapté aux entreprises ayant le stockage concentré en un
seul lieu avec des flux peu fréquents (Tableau 2). Par contre,
l’entrepôt de type D convient à l’entreprise ayant peu de références
et qui désire sortir ses marchandises à tout instant (Tableau
3). L’entrepôt de type E privilégie les entreprises qui désirent
stocker des marchandises dans des lieux multiples avec des
surfaces variables (Tableau 4). Une combinaison est possible
entre l’entrepôt de type E et de type D.
– La taxation et la base d’imposition des marchandises en sortie
d’entrepôt douanier (Règlement CEE n° 1224/80 du 28 mai
1980) : Les droits de douane pour toute marchandise résultent
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de la combinaison de trois éléments : l’espèce (dénomination
attribuée à une marchandise dans le tarif des douanes, c’est
d’elle que dépend le taux de base des droits susceptibles d’être
prélevés), l’origine (information essentielle puisqu’elle conditionne
l’application soit, a contrario, des restrictions quantitatives aux
échanges), la valeur (sert à fixer l’assiette taxable, établie le plus
souvent à partir des données de transactions commerciales).
Dans le cas de cessions successives, l’opérateur peut choisir
une des valeurs transactionnelles suivantes pour la détermina-
tion des droits de douane ; soit la valeur transactionnelle lors
de l’entrée en entrepôt, la valeur à la sortie, ou encore l’une des
valeurs de cession sous le régime de l’entrepôt (C. Teule-Martin,
1995). Dans la pratique, l’application de la taxation s’effectue
sur la base de la valeur « CIF 3» des marchandises à l’import (K.
Lanneau, 2006).
– Les opérations de transformation : Trois opérations de transfor-
mation sont possibles dans le cadre du stockage sous douane.
Elles permettent la suspension des droits et des taxes à l’impor-
tation. Le régime du perfectionnement actif (PA) au sein d’un
entrepôt permet aux industriels communautaires de transformer
3. CIF « Cost insurance and freight : Incoterm maritime par lequel, le vendeur
prend en charge le transport principal, le dédouanement de l’export et la
souscription de la police d’assurance.
Dossier I
 34
Tableau 2 : L’entrepôt de type C
Crise et environnement institutionnel
Type d’entrepôt C
Statut Privé, agrément obligatoire
Responsabilité Entreposeur entrepositaire
Comptabilité matières Tenue obligatoire
Garantie Souscrite par l’entreposeur
Montant = 5 % du montant des droits à l’importation et des taxes nationales en jeu sauf pour les produits
sensibles (alcools, tabacs, produits agricoles), la garantie = 30 % du montant
Particularités Procédures simplifiées utilisables
Convient pour un seul local de stock bien délimité
Flux d’opérations peu importantes et les sorties de marchandises se font aux heures d’ouverture du bureau des
douanes
des matières premières ou des marchandises semi-ouvrées ou
semi-finies importées à l’intérieur de la Communauté, en vue de
réexporter des produits compensateurs4 obtenus, hors de l’UE.
Il existe deux systèmes de perfectionnement actif : le perfec-
tionnement actif suspensif (PAS) et le perfectionnement actif
rembours (PAR). Le PAS permet d’importer en suspension de droits
de douane, de TVA et de mesures de politique commerciale, des
marchandises afin de les transformer. Les produits compensateurs
obtenus sont supposés être réexportés. Le PAR s’applique à un
opérateur qui n’est pas certain de pouvoir exporter la majeure
partie des produits compensateurs hors de l’UE. Le placement
des biens se fait sous couvert d’une déclaration type DAU5 et la
mise en place d’une caution d’un montant de 5 % du montant total
des droits de douane et TVA. Au niveau des DFA s’ajoute l’octroi
de mer et l’octroi de mer régional, ressources financières des
collectivités (communes et Conseil régional). Des procédures de
dédouanement simplifié sont utilisables, notamment le dédoua-
nement à domicile. La comptabilité matières est obligatoire. Le
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perfectionnement passif (PP) assure une exonération totale ou
partielle de droits de douane sur les marchandises importées
des pays tiers et qui ont été obtenues à partir de biens préala-
blement exportés de l’UE sauf :
– les marchandises agricoles, qui bénéficient à l’exportation
des restitutions,
– les marchandises mises en libre pratique avec réduction ou
exonération de droits de douane en raison d’une destination
particulière. Ce régime permet de réduire les coûts de production
en favorisant l’implantation des unités de production sur les
marchés des pays concernés tout en favorisant l’utilisation de
matières premières ou produits semi-finis communautaires.
Cependant, ce régime est accordé aux sociétés établies dans
l’UE. Le placement sous le régime PP s’effectue sous couvert
d’une déclaration, les procédures simplifiées de dédouanement
peuvent être utilisées. Les demandes sont justifiées au moyen
d’un dossier technique qui décrit les marchandises utilisées,
les contrats, la description des processus de perfectionnement.
4. Produits compensateurs : Ce sont tous les produits résultant de la transfor-
mation ou de la réparation des marchandises d’importation.
5. Formulaire DAU IM ou EU régime 51.
mars-avril 2012
Dossier I
La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit
Tableau 3 : L’entrepôt de type D
Type d’entrepôt D
Responsabilité Entreposeur entrepositaire
Statut Privé, agrément obligatoire
Comptabilité Tenue obligatoire
matières
Garantie Souscrite par l’entreposeur
Montant = 5 % du montant des droits à l’impor-
tation et des taxes nationales sauf pour les
produits sensibles (alcools, tabacs, produits
agricoles), la garantie = 30 % du montant.
Particularités Procédures de dédouanement à domicile sont
obligatoires.
La taxation est effectuée en fin de mois. La
mise en libre pratiquea est le mode principal
d’apurement (ex : aéronautique, pièces
détachées…). elle peut être effective sans
information préalable du service des douanes.
Non préconisé pour des entreprises ayant
des stocks très diversifiés de marchandises
soumises à des réglementations spécifiques
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à l’importation (contrôle des normes, licences,
origines tarifaires préférentielles)
a. La Mise en libre pratique : Opération qui consiste à permettre aux
marchandises de circuler librement sur le territoire européen en réglant
les droits de douane.
Les marchandises utilisées à l’étranger répondent aux critères
suivants : le même code de nomenclature combinée (NC) à huit
chiffres, la même qualité commerciale et les mêmes carac-
téristiques techniques que les marchandises d’exportation
temporaire. Le délai de séjour tient compte du temps nécessaire
à l’ouvraison à l’étranger et au transport des marchandises. La
méthode de calcul du taux de rendement qui est la quantité de
produits compensateurs obtenue à partir d’une quantité donnée
de marchandises exportées, est indiquée dans la demande, dans
le cas où il y a plusieurs références.
Tableau 4 : L’entrepôt de type E
Type d’entrepôt E
Statut Privé
Responsabilité Entreposeur entrepositaire
Comptabilité Tenue centralisée obligatoire pour l’ensemble
matières des sites
 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit 35

Crise et environnement institutionnel

Type d’entrepôt E ceux des entreprises localisées en France métropolitaine dans
Garantie Souscrite par l’entreposeur.
Montant = 5 % du montant des droits à l’impor-
tation et des taxes nationales en jeu sauf pour
les produits sensibles (alcools, tabacs, produits
agricoles), la garantie = 30 % du montant.
Particularités Les procédures simplifiées de dédouanement
possibles.
L’absence d’agrément permet une souplesse en
cas de :
-multiplicité de lieux de stockage,
-variations de stock nécessitant le recours
ponctuel à d’autres lieux de stockage,
-mise en œuvre du régime d’entrepôt douanier
dès l’entrée des marchandises dans l’Union
Européenne.
2. L a difficile prise en compte
des régimes douaniers dans la
structure managériale des PMI
L’entrepôt douanier combiné avec d’autres régimes douaniers
et les procédures simplifiées de dédouanement constituent un
outil d’aide à la décision dans le cadre de l’amélioration de la
compétitivité des entreprises. Cependant, nos recherches (K.
Lanneau, 2006), enquêtes et analyses statistiques réalisées à
partir d’échantillons d’entreprises en France métropolitaine et
en Guadeloupe, Martinique et Guyane montrent une sous-utili-
sation de ces derniers (2-1). Nous démontrerons que le manque
d’effectivité des régimes dans la gestion stratégique des PMI
est lié à la nature des contraintes de certains régimes (2-2).
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le cadre d’une enquête réalisée par le Direction des douanes
en 2001 et 2004. Toutes proportions gardées, l’application des
régimes douaniers économiques par les entreprises de France
métropolitaine n’est pas fondamentalement différente de celle
faite par les entreprises des DFA ; même si les raisons ne sont
pas toujours identiques. Les 85 entreprises interrogées affirment
connaître l’existence des régimes à 68 % en Guadeloupe contre
55 % en Martinique et 50 % en Guyane. L’enquête réalisée par
la Direction des Douanes, montre que sur 145 entreprises qui
ont répondu à l’enquête, 78 % d’entre elles n’ont jamais utilisé
de régimes économiques et 39 % d’entre elles disent connaître
les régimes, mais ne pas avoir souhaité les utiliser. Le régime le
plus connu est l’admission temporaire6 avec 40,5 % de réponses
positives en Guadeloupe et 50 % en Martinique ; en Guyane le
régime du perfectionnement actif est utilisé dans une entreprise
de produits de transformation de la mer et une entreprise de
production et de transformation de riz (Tableau 5).� La première
étude réalisée de janvier à décembre 2001 en France métro-
politaine, indique que le régime du perfectionnement actif est
le plus utilisé et représente 59 % de l’ensemble des régimes
utilisés (Tableau 6), il s’agit surtout de grandes entreprises ; le
perfectionnement passif, avec 12 %, et l’entrepôt douanier avec
14 %, constituent des régimes importants. L’étude sur les autori-
sations d’entrepôt douanier montre que sur les 2 323 entrepôts
en France, l’entrepôt de type C est le plus représenté, 53 % de
l’ensemble des entrepôts douaniers en France.
- Les causes de la sous-utilisation des régimes douaniers écono-
miques par les PMI : Parmi les entreprises qui affirment ne pas
avoir utilisé les régimes, la méconnaissance des régimes est
la première cause de leur sous-utilisation. La méconnaissance

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2.1. L a sous-utilisation des régimes
douaniers économiques par les PMI
Nous avons réalisé une enquête à l’aide d’un questionnaire auprès
d’un échantillon de 85 entreprises représentatives des PMI des
DFA (Guadeloupe, Martinique et Guyane), du secteur industriel.
Le questionnaire portait sur la connaissance des dispositifs
douaniers, leur utilisation, la fréquence et les causes de leur
non utilisation. Nous avons comparé les résultats obtenus à
porte principalement sur les modalités de fonctionnement.
Les entreprises se sont estimées peu ou mal informées, que
ce soit par l’administration des douanes ou leurs prestataires
de services. La complexité des régimes est la seconde cause
(18 % en France métropolitaine, 35 % dans les DFA) de leur
sous-utilisation (Tableau 7).
6. Régime douanier qui suspend les droits et taxes à l’importation de manière
temporaire sous condition de réexportation en l’état (ex : cas de forum
commercial).

Tableau 5 : Réponses des entreprises en Guadeloupe, Martinique et Guyane pour la connaissance spécifique des régimes douaniers économiques

Guadeloupe Guyane Martinique

Types de régime effectif pourcentage effectif pourcentage effectif pourcentage
Perfectionnement actif 4 10,8 % 2 33,3 % 1 16,7 %
Perfectionnement passif 1 2,7 %
Entrepôt douanier 10 27 % 2 33,3 % 1 16,7 %
Admission temporaire 15 40,5 % 2 33,3 % 3 50 %
Transformation sous douane 6 16,2 % 1 16,7 %
Carnet ATA 1 2,7 %
Total 37 100 % 6 100 % 6 100 %
D’après l’enquête réalisée au niveau des entreprises aux DFA (2004).

mars-avril 2012
Dossier I
 36 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit

2.2. La stratégie des PMI et l’utilisation

Crise et environnement institutionnel

La comptabilité matières est un facteur de complexité qui est

évoquée dans 17 % des cas en France métropolitaine et 20 %
dans les DFA. Cette dernière porte sur les documents à fournir
(18,5 % en France métropolitaine), la tenue de la comptabilité
matières (16,8 % en France métropolitaine et 20 % dans les DFA),
les modalités d’apurement (16,8 % en France métropolitaine),
les formalités particulières liées à certains régimes tels que le
dédouanement auprès du bureau de douane le plus proche de
l’entreprise (11,9 % en France métropolitaine), les délais jugés
insuffisants pour la réalisation des opérations (8,4 %).
Tableau 6 : Représentation de la part de chaque régime économique utilisé
en 2001 en France métropolitaine.
Le coût de mise en place et de gestion du régime constitue un
frein à son utilisation par rapport au gain potentiel en formalité
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des régimes douaniers économiques
La stratégie trouve son origine dans « l’art de la guerre » (100
ans de management, Bruno Jarrosson, 2004), mais ce concept
« vague » comme le soulignent H. Mintzberg et J-A Waters (1982)
est devenu une problématique centrale de management pour les
entreprises face aux pressions des tiers (actionnaires, clients,
fournisseurs). Nous définirons la stratégie de l’entreprise comme
l’ensemble des actions à long, moyen et court terme à mettre
en place afin d’assurer son développement et sa pérennité.
L’enjeu de cette stratégie comme le définit M. Porter (1980) est
l’amélioration du rapport de forces concurrentiel de l’entreprise
ou encore « consiste dès lors à rendre le système concurrentiel
instable » (M. Zarka, B. Jarosson, 1995). Ceci s’exprime par la
capacité de l’entreprise de produire à moindre coût. En fonction
de l’activité de stockage et de ses besoins, plusieurs critères
peuvent être pris en considération par les PMI pour appréhender
l’intérêt économique de la création d’un entrepôt et la mise en
place des régimes douaniers tels que :
– la nature et l’importance des flux, les perspectives de dévelop-
pement,
– la durée moyenne estimée du stock, la comptabilité analytique,
– l’existence d’autres entrepôts à proximité ou pour la même
entreprise,
– l’évaluation du montant des droits et taxes suspendus,
– les moyens de contrôle possibles.
Cependant notre analyse du rapport stratégie des PMI/Régimes
douaniers économiques est majoritairement teintée de déter-
minisme. La soumission des entreprises de petite taille à leur
environnement est forte du fait de leurs caractéristiques intrin-

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ou de droits de douane évités. sèques (R. Coskun et R. Altunisk, 2002). Cependant le pouvoir
Le coût de gestion interne de l’entreprise représente la part de marché des PMI grandissant, les dirigeants ont la possibilité
essentielle de ce coût (42,6 % en France métropolitaine), le d’insuffler d’autres comportements vis-à-vis de leur environnement
suivi de l’intervention d’un prestataire de services (29,6 % en afin de réduire la pression exercée par celui-ci.
France métropolitaine) et le coût du cautionnement (27,8 % en – Analyse déterministe de la stratégie des pmi vis-à-vis des
France métropolitaine). régimes douaniers économiques : le courant déterministe
(écologie des populations (M. Hannan et J. Freeman, 1977),
Tableau 7 : Réponses des entreprises de la Guadeloupe sur les causes théorie de la contingence (P. Lawrence et J. Lorsch, 1989 ; R.A.
de la non-utilisation des régimes douaniers économiques Thiétart, 1980 et H. Mintzberg, 1984), théorie de la dépendance
aux ressources et compétence (B. Wernerfelt, 1984 ; R.P. Rumelt,
Les causes de la non-utilisation des régimes effectif pourcentage 1984 ; J. Barney 1991) considère que pour être performante une
Trop complexes 7 35 % entreprise doit correspondre aux exigences de son environnement
Documents à fournir 2 10 % (Ph. Callot, 2006). En d’autres termes nous pouvons identifier
Tenue de la comptabilité matières 4 20 % un type de stratégie en fonction d’un type d’environnement qui
Peu attractif en raison du taux de droit de 3 15 % permettrait une plus grande performance. La faible utilisation
douane appliqué aux produits importés
des régimes douaniers économiques par les PMI peut s’expli-
Disponibilité 1 5%
quer par les facteurs de contingences ou de spécificités de la
Ne connaît pas 1 5% structure de ces entreprises (P. Lawrence et J. Lorsch, 1989 ;
Simplification 1 5% H. Mintzberg, 1984, H. Boukar 2009) suivants :
Pas de besoin d’utilisation 1 5% – l’âge de l’entreprise : les PMI des DFA sont des structures très
Total 20 100 % jeunes, qui n’ont pas développé leurs compétences en matière
D’après l’enquête réalisée au niveau des entreprises aux DFA (2004).
d’administration douanière ;

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Dossier I
 La Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion n° 254 – Droit
– la taille de l’entreprise : plus l’entreprise est de petite taille,
plus ses compétences en administration douanière ne sont
pas structurées ; plus l’entreprise est de grande taille, plus
ses compétences seront spécialisées ;
– la technologie : plus l’entreprise utilise une technologie complexe
et évolutive, plus ses compétences sont spécialisées. Plus
l’entreprise utilise une technologie peu complexe et peu évolu-
tive, plus ses compétences sont peu spécialisées. Les PMI
et tout particulièrement celles des DFA, emploient majoritai-
rement des technologies peu complexes et peu évolutives
notamment dans la comptabilité matières, par conséquent
leurs compétences ne sont pas spécialisées en matière de
comptabilité analytique ;
- l’environnement : plus l’entreprise évolue dans un environnement
dynamique plus ses compétences en matière logistique sont
spécialisées. Plus l’entreprise évolue dans un environnement
stable, moins ses compétences sont spécialisées. Les PMI
évoluent dans un environnement juridique relativement stable au
niveau fiscal, douanier et social, par conséquent, leurs compé-
tences sont faiblement spécialisées. Ces facteurs témoignent de
la faible prédisposition des PMI à intégrer les régimes douaniers
économiques dans leur stratégie de développement. Cependant,
le seuil de rentabilité des régimes douaniers est en relation avec
le volume d’activité de l’entreprise à l’international, de son secteur
d’activité notamment si elles importent des matières premières
ou des produits semi-finis avec des taux de douane importants
et donc de ses coûts fixes. Dans ce contexte, la solution que
retiendra l’entreprise est celle qui lui permettra de maintenir ses
performances, tout en réduisant les coûts liés à la mise en place
d’un régime douanier. Nous pouvons dès lors penser que le choix
stratégique des PMI vis-à-vis des régimes douaniers économiques
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comme le souligne G. Charreaux (1998) est vraisemblablement
lié au système de gouvernance des dirigeants notamment à la
relation PMI/institution douanière.
- La gouvernance des PMI : la relation PMI/institution douanière :
Le mode de gouvernance des entreprises ont fait l’objet de
nombreux travaux notamment anglo-saxons, allemands et
japonais, mais ils concernaient essentiellement les grandes
firmes. L’introduction des petites entreprises et notamment
des PMI dans ces recherches est récente. Le champ d’étude
de la gouvernance des entreprises est défini par G. Charreaux
(1998) comme « la théorie qui se préoccupe des mécanismes qui
contraignent l’action des dirigeants et définissent leur latitude
managériale », et qu’il est probable que « les choix stratégiques
faits par les dirigeants des PMI soient contingents à la forme
du système de gouvernance et à l’intensité de la pression qu’il
exerce ». Nous nous appuyons sur cette définition du champ
d’application de la gouvernance, mais nous axerons notre réflexion
sur le rôle de l’environnement institutionnel sur la stratégie des
entreprises (K. Udayasankar, 2004 ; S. Ben Mlouka et J.M. Sahut,
2008). Dans notre étude il s’agit des relations entre la PMI et les
parties prenantes externes en l’occurrence l’institution douanière.
Les mécanismes de gouvernance des PMI qui viseraient à intégrer
les dispositifs douaniers dans la stratégie des PMI passeraient par
mars-avril 2012
37
Crise et environnement institutionnel
deux décisions majeures. Celle de l’investissement en ressource
humaine et immatérielles et celle d’améliorer ses relations de
partenariat avec l’administration douanière. La gouvernance des
PMI peut intégrer des décisions d’investissements de la part
de dirigeants. Celles-ci peuvent concerner la mise en place de
ressources humaines internes ou externes visant à mieux gérer,
intégrer et suivre les informations douanières de façon à rendre
efficientes ces dispositifs conçus pour faciliter et réduire les
coûts de transaction liés aux opérations de commerce interna-
tional. L’investissement en formation peut contribuer à amener
une valeur à la gestion des procédures et dispositifs douaniers.
Celle-ci passe également par une formation plus large liée aux
problématiques financières du commerce international comme
le révèle l’étude exploratoire menée par Carrier et présentée
dans le cadre du troisième Congrès International sur les PMI
en 1996 au Québec (C. Carrier, 1996). Le second mécanisme
consisterait à améliorer les relations entre les dirigeants des PMI
et l’administration douanière. Cela peut passer par l’intermédiaire
de corporations ou fédérations professionnelles. Les objectifs
visés d’une part seraient d’améliorer la transmission de l’infor-
mation entre la douane et les PMI et d’autre part, de participer
ou influencer dans la mesure du possible l’adaptation des textes
communautaires aux spécificités des petites entreprises et aux
secteurs d’activités (simplification des procédures, adaptation
des coûts de mise en place des procédures douanières…).
Conclusion
Cet article avait pour objet de présenter l’étude des consé-
quences de l’inadaptation du management des PMI aux régimes
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douaniers économiques. Le cas étudié montre que ces régimes
ont évolué sous la pression de la mondialisation des échanges
mais également avec les changements politiques et institu-
tionnels de grandes nations. Face aux enjeux économiques les
institutions douanières proposent aux entreprises des disposi-
tifs qui visent à améliorer leur compétitivité dans le cadre du
commerce international. Mais les dirigeants intègrent très peu
ces dispositifs dans leur stratégie de développement. Plusieurs
causes expliquent cette faible effectivité dans le management
des PMI, notamment la nature des contraintes des régimes, la
faiblesse des ressources internes et des compétences spéci-
fiques dans ce domaine. Les régimes douaniers économiques
peuvent contribuer à l’amélioration de la compétitivité des PMI.
Cette contribution nécessite la mise en place d’un système
d’information tel qu’un observatoire logistique, permettant aux
acteurs d’établir un cadre relationnel de partenariat.
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