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Université Sultan Moulay Slimane

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines


Beni Mellal

Département de Langue et de Littérature Françaises


Master Sciences du langage

Module : Syntaxe, Initiation à la linguistique


Semestre 1

Linguistique générale
Théorie et description
De Bernard POTTIER

Préparé par :
Dans le cadre du séminaire dirigé par le
Hamid NADI prof :
Khalil REBBALI
 Mme. Amal OUSSIKOUM
Fatima zahra AZIZI

Année universitaire : 2022-2023


Table des matières
Introduction……………………………………………………………..1
1. La communication linguistique…………………………………….3
1.1 schémas de la communication……………………………………3
1.2 La complexité du message………………………………………..6
2. Le signe linguistique …………………………………………...…...7
2.1 les constituants du signe…………………….…………..……….12
2.2 les relations entre les constituants……………………………….15
2.3 La substance du signifié…………………………………………16
2.4 La forme du signifié………………………………......…………18
2.5 La structure de la forme du signifié…………………..…………18
2.6 Les caractéristiques du signifiant…………………………….….20
2.7 Les dimensions du signe linguistique……………………………21
3. Les mécanismes linguistiques……………………………………...22
3.1 la compétence et l’acte de discours……………………………...22
3.2 la contrainte de linéarisation…………………………………….24

4. les formulations……………………………………………………..25
4.1 la formulation modale…………………………………………...25
4.1.1 la modalité…………………………………………………..26
4.1.1.1 considérations générales………………………………...26
4.1.1.2 les axes modaux………………………………………....26
4.2 vision perspective………………………………………………..27
4.2.1 impulsion……………………………………………………27
4.2.2 éventualité…………………………………………………..28
4.3 vision constative…………………………………………………29
4.3.1 sensation……………………………………………………29
4.3.2 déclaration………………………………………………….29
4.3.3 appréciation………………………………………………...30
4.4 vision factitive…………………………………………………..30
4.4.1 permissif……………………………………………………30
4.4.2 causatif……………………………………………………...31
4.4.3 déclaratif……………………………………………………31
4.5 Les modes……………………………………………………….32
4.6 Les liens modaux………………………………………………..33
4.7 L’assertion………………………………………………………33
4.7.1. l’interrogation……………………………………………...34
4.7.2. La négation………………………………………………...34
4.7.3. L’emphase…………………………………………………36
4.8 Le déroulement…………………………………………………36
4.8.1 Considérations générales………………………….………..36
4.8.2 Les stades……………………………………….………….37
4.8.3 Les relations………………………………………………..37
5 . La forme de signifié……………………………………………….39
5.1. l’énoncé………………………………………………………...39
5.1.1 Structure générale de l’énoncé fondamental………………..39
5.2. Les fonctèmes, constituants de l’énoncé……………………….43
5.2.1 les fonctèmes………………………………………………..43
5.2.2 Les divers syntactème ……………………………………...45
5.2.3 Les transferts au niveau du fonctème……………………….50
5.3 Aux cas NOM, ERG, ACC …………………………………….50
5.4 les structures internes…………………………………………...51
5.4.1 structures : des fonctème aux catégories…………………....51
5.4.2 Les lexis…………………………………………………….54
5.4.3 les types de lexis……………………………………………55
4-4 les propriétés des lexis…………………………………………..56
Conclusion……………………………………………………………59
Bibliographie…………………………………………………………61
INTRODUCTION
Comme dans la plupart des domaines de la recherche, la linguistique a connu,
et connaît, de nombreuses écoles, dont la partialité mène à des développements,
en profondeur, d'aspects non-négligeables des mécanismes des langues naturelles,
mais qui, en contrepartie, isolent les phénomènes et excluent les interactions
constantes entre les différentes composantes du fonctionnement du langage à
travers ces langues.

Dans son ouvrage majeur LINGUISTIQUE GENERALE théorie et


description publié en 1974 et dans d’autres ouvrages ainsi dans plusieurs articles,
Bernard Pottier a abordé la question du signe linguistique dans une perspective de
sémantique structurale, cognitive et textuelle.

Cet ouvrage tente de préserver un équilibre entre les domaines qui en réalité
coexistent à tout moment de l'acte de langage, et dont il convient de tenir compte
dans une perspective historique.

Pendant le développement historique du concept du signe, plusieurs modèles


du signe ont été conçu et plusieurs théories établies. Ces conceptions du signe sont
bien liées aux théories de la pensée et des relations entre la pensée, le langage et
la langue. Ces théories sont interdépendantes, et il est à noter aussi que les visions
théologiques et les attitudes philosophiques définissent très souvent les
conceptions linguistiques des auteurs. Un des buts principaux des linguistes était
de trouver des unités minimales indécomposables du signe linguistique, de trouver
ainsi ses primitifs.

Cette globalisation oblige à ne présenter que l'essentiel, à établir des principes


fondés sur quelques exemples, les analyses détaillées se trouvant dans les
publications plus spécialisées de l'auteur. Les représentations visualisées et la
terminologie y ont à la fois une valeur heuristique et une fonction pédagogique.

1
Dans notre exposé nous étudierons le concept de signe linguistique de Bernard
Pottier et sa théorie énonciative et son positionnement sur et autour de la question
du signe linguistique et sa fonction dans sa théorie énonciative. Il va sans dire que
des points de vue théoriques, pratiques et concurrents du sien seront, au besoin,
convoqués pour éclairer et dynamiser notre travail.

Nous avons défini les finalités suivantes :

- La connaissance et la compréhension du concept de signe en général et


concrètement de Bernard Pottier : sa structure du signe linguistique, les signes
linguistiques minimaux dans sa théorie, les composants du signe linguistique et
les relations entre eux.

- La découverte des particularités et des innovations introduites et formulées par


Bernard Pottier dans son concept de signe et sa théorie énonciative et cognitive.

2
1.La communication linguistique
1.1 Schémas de la communication
B. POTTIER déclare dans son premier chapitre de cet ouvrage que la
communication linguistique est essentiellement l’échange de messages de nature
linguistique (m) entre deux interlocuteurs tout en supposant que l’émetteur E a
une connaissance linguistique comparable à celle du récepteur R .

Pour effectuer cette communication l’émetteur doit faire une saisie mentale
pour sélectionner un certain nombre d’éléments de la perception ou réduction
sélective de la référence, c’est ce qu’il appelle le phénomène de la
conceptualisation , qui va dès lors jouer un rôle primordial. Une première
définition de la conceptualisation est donnée en 1972 : « c'est l'étape qui permet
de passer de l'infini pensable au fini pensé ; c'est un processus de réduction, de
choix (au niveau de la pensée a-verbale) subissant une influence culturelle
(individu/groupe) »1.

Dans Théorie et analyse en linguistique, Pottier décrit la conceptualisation


comme « le mécanisme par lequel l’émetteur transforme ses perceptions et
imaginations, il aboutit à des choix des signifiés (sémèmes) qui ont naturellement
un lien avec le monde référentiel.»2.

Bernard Pottier explique en effet: « Le stimulus est le monde de référence (réel


ou imaginaire). Il est non fini et non discret. L’émetteur doit en faire une saisie
mentale pour sélectionner un certain nombre d’éléments de la perception : tout ce
qui est imaginé ou perçu n’est pas dit. C’est le phénomène fondamental de la
conceptualisation, ou réduction sélective de référence R »3.

1
B.POTTIER, Cours
de sémantique, Mons, Université de l'Etat, 1972, 40.
2
B.POTTIER, Théorie et analyse en linguistique, Paris, Hachette, 1987,p66 .
3
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p21

3
Selon Pottier, en conceptualisant la vision du monde, l’énonciateur est obligé
de faire des choix pour transmettre du sens dans les limites de ressources que lui
offre sa langue. Il encode ce stimulus conceptualisé dans la langue naturelle (LN)
pour pouvoir être exprimé sous forme de message qui a son tour sera le stimulus
du récepteur qui va le rapporter à son code en LN, afin de l’identifier ,puis le
comprendre et l’interpréter dans une structure d’entendement qui dans le cas
d’une bonne communication sera proche et voisine de celle du départ . Pottier
propose ce premier schéma de base de la communication :

Parcours du récepteur ( compréhension )

1 1 2 2
R Co LN m LN Co R

E
Parcours de l’émetteur ( énonciation )

La théorie linguistique de la communication ne tient pas seulement compte des


caractéristiques physiques de l’information à transmettre mais aussi chez
l’émetteur l’objet représenté, la conceptualisation de cet objet par l’émetteur, sa
compétence linguistique pour traduire cette conceptualisation en un ensemble
d ’énoncés en une langue particulière. Ainsi de la compétence du récepteur, sa
capacité à comprendre les énoncés produits par l’émetteur, sa capacité de
mémorisation, sa capacité de conceptualisation des énoncés produits par
l’émetteur et sa représentation qui dans le cas d’une bonne communication ne doit
pas être trop éloignée de la représentation de l’émetteur.

Le phénomène de la traduction d’une langue à une autre montre bien comment


fonctionne ce schéma de communication susmentionné. Il propose le schéma de
la traduction, dans lequel la conceptualisation indispensable à ce mécanisme et la

4
partie commune n’est plus le message mais la structure d’entendement ( la
conceptualisation ).

m1 LN1 CO LN2 m2

Pottier affirme que s’il y a une bonne intercommunication, c’est que l’émetteur
et le récepteur ont en commun une certaine connaissance du code en LN, et des
mêmes habitudes de mise en signes des conceptualisations. Cet ensemble de
correspondances peut être appelé leur compétence. la production d’un message
particulier ,ou performance, est toujours la manifestation de la compétence, et ne
lui ajoute rien, par définition.

Cela dit que toutes les possibilités de réalisation en performance sont inscrites
dans la compétence. c’est-à-dire que la performance ne crée pas mais manifeste
une utilisation spécifique des capacités de compétence.

Bernard Pottier précise : « Le référent  est infini ; la chaîne du message est


unique. Entre les deux, se trouvent une conceptualisation réductrice, et un code
de LN, délimitable mais complexe » (1974, p. 23)

5
1.2 La complexité du message

Bernard Pottier signale dans ce sens que :« seule l'analyse de l’intention du


discours permet de différencier les sens recouverts par une même expression
linguistique ». Il est certain que l'essentiel du message est directement lié à
l'intention de dire du locuteur.

L'intention conceptuelle est à l'origine, mais « elle n'est pas totalement


recouverte par les ressources de la langue » et il s'ensuit un remodelage constant
au cours de l'émission (ainsi que de la réception).

D'autres éléments, en dehors de l'intention, entrent en jeu dans la complexité


du message à savoir le contexte et la situation de communication (personnes,
propos et circonstances). Ils sont très tôt pris en compte, le contexte étant déjà
amorcé à propos de la résolution de certaines polysémies en traduction
automatique sous la forme 'contexte immédiat ' ou micro-contexte dans
Recherches sur l'analyse sémantique en linguistique et en traduction mécanique ,
et la situation, dans la langue en situation. Il propose ces éléments :

contexte

Communication = + message

situation
Cela dit que l’acte de communication dépend des circonstances du contexte et
de la situation de cet acte avec bien évidemment un message qui en fait n’exprime
qu’une petite partie de l’intention de la communication car Il trouve que dans les
études linguistiques, à côté de l’explicite, on doit considérer l’implicite, il s’agit
ici des savoirs culturels, des contextes, des situations et des intentions des inter
locuteurs, puisque il y a toujours une part de l’implicite qui varie naturellement
selon ces facteurs déjà mentionnés.

6
2 . Le signe linguistique

Toute l’histoire de la linguistique peut être présentée comme l’histoire de


l’interprétation du signe. La compréhension du signe linguistique et sa
signification sont sous-jacentes dans chaque théorie linguistique.

La discussion autour de signe existe depuis de l’Antiquité, et toute la réflexion


philosophique occidentale se fonde sur le concept du signe.

F .de Saussure est le premier linguiste qui parle de « signe linguistique » en


introduisant la distinction entre signifiant et signifié dans son Cours de
linguistique générale (1906-1910) (plus loin CLG), rédigé et édité par ses élèves
en 1916.

Dans son CLG, Saussure n’est pas d’accord avec ceux qui voient la langue
comme « une nomenclature, c’est-à-dire une liste de termes correspondant à
autant de choses.»4 Il trouve que cette conception mérite une critique parce que,
selon elle, des idées préexistent aux mots, et elle ne nous dit rien si la nature du
nom est vocale ou psychique. En outre, cette conception « laisse supposer que le
lien qui unit un nom à une chose, comme une opération toute simple, ce qui est
bien loin d’être vrai.»5

Selon Saussure, le signe linguistique unit « non une chose et un nom, mais un
concept et une image acoustique»6. Ces deux termes ont la nature psychique et
sont unis dans notre cerveau par le lien de l’association.

Dorothé affirme à cet égard que : « Le concept de « signe » est donc, bien sûr,
essentiel à la linguistique en général et à la sémantique, en particulier. Mais il
est aussi nécessaire à l’anthropologie, à la psychanalyse ou encore à la

4
SAUSSURE, F. d. Cours de linguistique générale. Paris , éditions Payot&Rivages. (2005 )
5
SAUSSURE, F. d. Cours de linguistique générale. Paris , éditions Payot&Rivages. (2005)
6
SAUSSURE, F. d. Cours de linguistique générale. Paris , éditions Payot&Rivages. (2005)

7
philosophie, laquelle s’est toujours interrogée sur les relations que l’on pouvait
établir entre les signes et la réalité.»7

Pour Benveniste, le signe est un élément primordial du système linguistique.


Il voit un problème plus profond qui consiste à retrouver la structure du signe
linguistique et à décrire sa relation avec l’ensemble des manifestations dont il
dépend.

Dans son ouvrage Problèmes de linguistique générale, Benveniste reconnaît


le mérite de Saussure dans le développement du concept du signe linguistique
affirmé ou impliqué dans la plupart des travaux de linguistique générale.

Pour Benveniste, le raisonnement de Saussure est clairement faussé à cause


de son recours inconscient à une troisième chose, la réalité, qui n’était pas
comprise dans sa définition originale. Benveniste explique qu’il est nécessaire
« de laisser la « substance » des mots hors de la compréhension. » 8

Benveniste affirme qu’entre des composantes du signe, le signifiant et le


signifié, il y a un lien, et ce lien n’est pas arbitraire mais, au contraire, il est
nécessaire. Selon lui, l’esprit ne contient pas de formes vides, de concepts
innommés.9

Pour Benveniste, un signifiant et un signifié sont deux composantes


inséparables du signe linguistique, et Benveniste est sûr que la liaison entre ces
deux composantes doit être reconnue comme nécessaire. La faute de Saussure,
d’après Benveniste, réside dans le fait que Saussure parle d’une idée, il pense à la
représentation de l’objet réel et au caractère évidemment non nécessaire du lien
qui unit le signe à la chose signifiée. 10

7
Dorothée, S. À l’origine du signe : le latin signum, Paris: Association KUBABA, l’Hartmattan (2006) p 13
8
E. BENVENISTE, problèmes de linguistique générale ,1974 P 50
9
E. BENVENISTE, problèmes de linguistique générale ,1974 p 51
10
E. BENVENISTE, problèmes de linguistique générale ,1974 p 54

8
Il constate que d’une part le signe est l’unité sémiotique, mais en référant à la
doctrine saussurienne du signe, il nous rappelle que le signe est « la notion de sens
donc aussi la notion de forme.»11

Alors que Louis Hjelmslev, propose une approche influencée par la logique
formelle et essaie de donner une description abstraite des systèmes sémiotiques,
ce qu'il appelle la glossématique. Dans la glossématique, qui est une variante du
structuralisme linguistique, le système se fonde sur les relations et non sur des
entités.12

Dans sa théorie, Hjelmslev prolonge l'idée de Saussure : « la langue est forme


et non substance » et propose de définir la structure comme une « entité autonome
de dépendances internes ».13

« Selon la théorie traditionnelle, le signe est l’expression d’un contenu


extérieur au signe lui-même ;[…]. »14

Hjelmslev soutient la théorie moderne, formulée en particulier par F.de


Saussure, qui, au contraire de la conception traditionnelle, décrit le signe comme
un phénomène consistant d’une expression (signifiant) et d’un contenu
(signifié).15

Hjelmslev tient à la définition du signe où est attribué au signe le rôle


particulier d’être un porteur de signification:

« […] qu’un « signe » est d’abord et avant tout un signe de quelque chose
d’autre, particularité qui nous intéresse dès l’abord, car elle semble indiquer qu’un

11
E. BENVENISTE, problèmes de linguistique générale ,1974 p 217
12
Encyclopædia Universalis France (2016), http://www.universalis.fr/encyclopedie/louis-trolle-hjelmslev/
13
Encyclopædia Universalis France (2016), http://www.universalis.fr/encyclopedie/louis-trolle-hjelmslev/
14
Hjelmslev, L. Prolégomènes à une théorie de langage. Paris : Les éditions de minuit. (1968) P71
15
Hjelmslev, L. Prolégomènes à une théorie de langage. Paris : Les éditions de minuit. (1968)P71

9
« signe » se définit par une fonction. Un « signe » fonctionne, désigne, signifie.
S’opposant à un non-signe, un signe est porteur de signification.»16

Pour Hjelmslev, le fait que la langue se présente comme un système de signes


semble évident et fondamental. Les signes se présentent pour lui comme des
unités d’expression ayant un contenu, ou sens.

Pour tous ces linguistes, le signe est un élément primordial du système


linguistique dont la propriété fondamentale est de signifier. Ils considèrent la
langue comme un système de signes. Une autre opinion qui est aussi commune
pour tous « nos » linguistes est que la signification du signe peut être définie
seulement en contexte.

Tous les linguistes voient et reconnaissent la possibilité de décomposer le


langage en unités et la plupart essaie de réaliser une analyse exhaustive du signe
et de trouver les unités les plus primitives, indécomposables.

La structure et la typologie du signe linguistique chez Bernad POTTIER

Dans plusieurs œuvres, Pottier analyse différents aspects du signe linguistique


parmi lesquels est la structure du signe qui prend une grande place dans ses
écrits.

Tout d’abord, pour Pottier, un signe doit avoir un signifiant. Il dit qu’un signe
ne sera pas un signe, si un signifié n’a pas de signifiant dans une langue
naturelle.

« [...]un signifié naissant dans une LN ne deviendra signe que s’il est relié à un
signifiant [...]. »17

Pottier suit les principes du structuralisme classique et élabore le concept du


signe en y ajoutant, comme Hjelmslev et Guillaume, le troisième élément.

16
Hjelmslev, L. Prolégomènes à une théorie de langage. Paris : Les éditions de minuit. (1968) P65
17
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p(26]

10
Dans la structure du signifié, il distingue la substance du signifié (les structures
sémantiques) et la forme du signifié (les structures syntaxiques).

« Les composantes du signe linguistique ont toujours été pour Pottier au


nombre de TROIS et bien que les étiquettes aient varié au cours du temps, le
principe de fond est maintenu. Au début, Pottier a utilisé forme, fonction et
substance» Pottier Navarro (1988:641)

Dans Introduction à l’étude de la philologie hispanique, Pottier précise :

« [...] tout élément grammatical a un signifiant (son corps phonique) et un


signifié. Le signifié est de deux natures : fonctionnel (un élément fait partie d’une
catégorie grammaticale qui joue un rôle déterminé dans la constitution de
l’énoncé) et sémantique (il signifie quelque chose). C’est pourquoi nous avons
distingué régulièrement la forme, la fonction et la signification » 5.

Plus tard, Pottier remplace ces termes par signifiant et deux signifiés, l’un de
fonction et l’autre de signification.

Dans Présentation de la linguistique, on trouve une définition élargie de Pottier


à tous les signes linguistiques:

• Les moyens d’expression constituent le signifiant du message (Sa).


• Le signifié est constitué par :
✓ la forme du contenu, dans une structuration syntaxique (Sy)
✓ la substance du contenu, dans une structuration sémantique (Sé).

D’où les composants du signe linguistique (quel que soit son niveau) :

(substance coulée dans une forme, et exprimée par une signification).»18

18
POTTIER .B, Cours de sémantique, Mons, Université de l'Etat, 1972 ,p11

11
2.1 Les constituants du signe

Le signe linguistique de Pottier a toujours les mêmes composants : le


signifié et le signifiant. La relation entre ces constituants est de double
implication :

signifié signifiant

Le signifié à son tour est composé d’une substance (spécifique) et d’une forme
(générique), également interdépendantes.

La substance du signifié est constituée par des ensembles de traits


sémantiques. Alors que la forme du signifié est caractérisée par des traits
classificatoires qui sont la base des catégories.

Bernard Pottier propose ainsi une conception du signe linguistique qui est
encore la sienne aujourd’hui.

La structure de signe linguistique de Pottier 19

Dans Systématique des éléments de relation, Bernard POTTIER critique les


positionnements autour du signe linguistique de Saussure. Dans le commentaire
de son tableau où il présente la structure du signe de F.de Saussure et Hjelmslev,

19
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 26

12
Pottier écrit : « Ce tableau n’est pas tout à fait exact. Un élément linguistique a,
en outre, une fonction. …] »20.

Pottier s’adresse à Hjelmslev :« La forme ne peut être reconnue et définie


qu’en se plaçant sur le terrain de la fonction », et il continue :« La forme n’est au
fond qu’un support double. Au lieu de forme et substance, il est donc préférable
d’écrire : fonction et substance. »21.

Il critique aussi Hjelmslev et Saussure parce qu’ils ne focalisent que sur


l’aspect fonctionnel de la forme dans leurs études linguistiques. Il réfère à leurs
citations. «[...] ainsi L. Hjelmslev : « La forme linguistique est indépendante de
la substance dans laquelle elle se manifeste.» « F.de Saussure a dit à plusieurs
reprises que « la langue est une forme et non substance ». L. Hjelmslev entend
suivre cette position […]. »22

Pottier conclut : « Il faut dire que la distinction de forme et de substance à


l’intérieur du signifié et du signifiant n’est pas expressément formulée par de
Saussure.»23

Pour lui, mettre sur le même plan la substance phonique et la substance


sémantique est une erreur de méthode car Selon lui :« La substance phonique est
l’élément constituant du signifiant : la substance sémantique est l’un des éléments
constituant le signifié. »24

Parlant du signifiant (ou expression), Pottier ne voit aucune difficulté à


distinguer la forme de la substance. Il défend l’importance de substance
sémantique : « Il est légitime d’éviter d’avoir recours à la substance tant qu’elle

20
POTTIER.B, Systématique des éléments de relation. Paris : Librairie Klincksieck. 1962 p10
21
ibid ,11
22
ibid ,12
23
ibid ,13
24
ibid ,14

13
ne joue pas un rôle pertinent dans l’analyse. Il est anti-scientifique de vouloir
l’ignorer.»25

Dans sa Linguistique générale, Pottier décrit les combinaisons des composants


du signe. Il affirme que les signes se combinent pour former un message, et chacun
des composants du signe entre dans des combinaisons sur trois plans :

Éléments Combinatoire

Plan I : Substance du signifié Subst.1 x Subst.2 ... x Subst.n ( la sémantique ) Sé

Plan II : Forme du signifié Forme 1 x Forme 2… x Forme n ( la syntaxe ) Sy

Plan III : Signifiant Signif.1 x Signif.2 ...x Signif. n ( la signification ) Sa

Dans chaque plan, Pottier inclut aussi une taxonomie (classes d’éléments) et
une combinatoire. Selon lui, toutes les deux se situent dans la compétence du
locuteur.

En décrivant les relations entre les composants du signe sur ces trois plans,
Pottier explique que chacun des éléments entre dans une relation paradigmatique
et dans une relation syntagmatique. Ces deux contraintes sont interdépendantes et
tous nos choix linguistiques dépendent d’elles :

- chacun des éléments entre dans une relation paradigmatique :

chat
chien
« je voudrais photographier un éléphant »
perroquet

25
POTTIER.B, Systématique des éléments de relation. Paris : Librairie Klincksieck. 1962 14

14
Et dans une relation syntagmatique: le choix de chien entraine des
conséquences sur le plan de la forme du signifié des éléments voisins ( un chien ,
un chien méchant ,*chien un , *méchant un chien ) et sur le plan de la substance
du signifié.
Sé Sy
Pottier donnera cette symbolisation de signe linguistique : signe = Sa
Où Sé symbolise le contenu sémantique,Sy la forme syntaxique et Sa le signifiant.

2.2 Les relations entre les constituants.

La relation entre un signe et un référent réel ou imaginaire (toujours à travers


la conceptualisation ) est la dénomination :

< Co >
R Signe
Dénomination

Référent Conceptualisation Choix d’un signe

Le signifié ( substance sémantique ) tire sa valeur de ses propriétés par la


comparaison avec d’autres signes appartenant au même domaine , on parle de ce
cas de signification : signification

Sé1 Sy Sé2 Sy
Sa Sa

Ainsi maison dénomme , Mais maison tire sa signification de ses


propriétés sémantiques relatives à un ensemble ( maison, villa, hôtel, pavillon).
Pottier précise que « dans un signe, la relation entre Sé et Sa est conventionnel. »26

26
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p28

15
2.3 La substance du signifié

En décrivant les composantes du signe linguistique, Pottier présente tout


d’abord, la substance du signifié (Sé) qui est constituée par un ensemble de traits
distinctifs de signification. « Au niveau du signe minimal, ou morphème,
l’ensemble est appelé le sémème, et chaque trait est un sème» 27.

Cela signifie qu’un sème est un trait considéré comme distinctif relativement
à un ensemble de sèmes. L’ensemble des sèmes caractérisant un morphème est le
sémème, et Pottier présente sa formule ainsi:

Sémème = {sème1, sème2,……..sème n}

Ex :

Chaise = {surface plane au-dessus du sol, pour s’asseoir, avec dossier, sur pieds,
pour une seule personne, avec des bras }

Selon Pottier, les sèmes ne sont pas tous de même nature et distingue les sèmes
dénotatifs et les sèmes connotatifs.

Les sèmes dénotatifs déterminent la signification d’un signe d’une façon


stable et avec une vaste assise sociale, tandis que les sèmes connotatifs
caractérisent la signification d’un signe d’une façon instable et souvent
individuelle. Pour les sèmes dénotatifs, il précise que :

Spécifiques Lorsqu’ils permettent de distinguer deux sémèmes voisins


Les sèmes
(ex /deux/ dans biréacteur vs triréacteur )
dénotatifs

Génériques Lorsqu’ils indiquent l’appartenance à une catégorie générale


(ex /matériel/ pour biréacteur ,triréacteur)

27
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 29

16
Dans la Linguistique générale, Pottier présente la structure d’un morphème ou
nous pouvons voir la structure du sémème qui est composée d’un sémantème,
d’un classème et d’un virtuème. Le sémantème est l’ensemble des sèmes
spécifiques tandis que le classème est constitué par l’ensemble des sèmes
génériques dans un ensemble donné. Un grand nombre de ces sèmes génériques
ont été explicitement grammaticalisés par les langues.

La dernière composante du sémème, le virtuème, est définit et introduit


principalement par Pottier. Le virtuème est présenté par l’ensemble des sèmes
connotatifs ou, comme Pottier les voit, virtuels. C’est une partie selon pottier une
parie connotative du sémème, et elle est dépendante de la compétence socio-
culturelle des interlocuteurs. Pottier remarque que ce composant est instable et se
situe dans la compétence à un moment donné.

« Est virtuel tout élément qui est latent dans la mémoire associative du sujet
parlant, et dont l’actualisation est liée aux facteurs variables des circonstances
de communication.» 28
Il présente aussi cette variante du tableau qui montre les éléments qui
composent des constituants du sémème et leur caractère :

Ensemble des Ensemble des


Dénotation
sèmes spécifiques sèmes génériques

Ensemble des sèmes virtuels Connotation

Sémème =

Ou tout simplement :
Sémème =

28
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 74

17
2.4 La forme du signifié
Selon Pottier, quand on dit « forme du signifié », on indique bien qu’il s’agit d’un
choix de signifié. Dans ce cas, nous conservons la substance sémantique, donc
l’idée de notre message, mais modifions la forme, par exemple, nous avons choix
de dire :29

« décider qu’on annule un vol » ou « décider l’annulation d’un vol ».


« il l’a rendu riche » ou « il l’a enrichi »
« l’équipe de France » ou « l’équipe française »
Ces exemples de Pottier illustrent les distinctions dans le choix des formes:

Vb /v/ Sb Adj /v/ Vb Sb /v/ Adj


annule /annulation rendre riche/ enrichir France/français

Les traits de signifié qui semblent distinguer ces formes sont : vision
d’indépendance sémantique Sb et vision de dépendance sémantique Adj, Vb.

2.5 La structure de la forme du signifié


Chez Pottier, la forme du signifié du signe est présentée par les catégorèmes qui
sont une classe formelle de morphèmes.

« Les lexèmes (L) et les grammèmes (G) sont deux catégorèmes (ou classe
formelles de « morphèmes) ».

Pottier constate que la forme du signifié (Sy) est intégrante vis-à-vis de la


substance, et qu’elle la saisit.120 Selon lui, une substance n’a de statut
linguistique que si elle met en forme à travers des classes – les parties du discours
traditionnels.

29
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p( 284-289]

18
Dans le cas où une même substance prend des formes différentes, l’entier du
signifié sera aussi différent121 :
Subst.1 + Forme 1 /v/ Subst.1 + Forme 2
signifié A signifié A’
un train infernal /v/ un train d’enfer
Pottier ajoute que dans cette perspective, la synonymie totale ne peut pas exister.
Il fait un simple test distributionnel qui montre qu’il n’y a pas d’identité :
un enfant infernal /v/ *un enfant d’enfer
Pottier distingue plusieurs niveaux dans la sémantique :
• La forme du signifié (éléments et combinatoire) est au niveau de la
macrosémantique.
• Un autre niveau des sèmes spécifiques et virtuels, très particuliers, qui
constituent la microsémantique. Les sèmes génériques constituent la
mésosémantique.

Pottier les présente ainsi 30:

30
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 31

19
2.6 Les caractéristiques du signifiant
« On entend par signifiant (Sa) l’ensemble des moyens d’expression d’une langue.
Ces moyens sont audibles, visibles et combinables.

Le support de la communication audible est l’ensemble des phonèmes, auquel


s’ajoute l’ensemble des prosodèmes. L’expression étant linéaire , on a recours à
des tactèmes. » ( 1974: 32)

Pottier décrit les traits du signifiant et distingue les traits audibles et les traits
visibles. Les traits graphiques sont exprimés par l’ensemble des graphèmes qui
supportent la communication visible, par exemple, ch est un graphème pour /ʃ/.

Aux graphèmes, Pottier ajoute l’ensemble des mimèmes. Si on accompagne le


discours d’un mouvement de la main vers le bas pour montrer sous, c’est un
mimème Et dans ce cas, on a également recours à des tactèmes. Par exemple, si
on écrit de haut en bas plutôt que de gauche à droite, c’est un tactème d’orientation
graphique .

Ex : « sous-chef »

Dans ce mot on a une suite de phonèmes /suʃɛf/ ;

un prosodème d’accent qui fait que chef est plus accentué que sous ;

un tactème d’ordre qui entraîne l’antéposition de sous par rapport à chef.

Traits du signifiant

Audibles visibles
phonémiques ( PH) graphiques (GR)

prosodiques (PR) mimiques (MI)

organisation tactique (TA)( TA )

Pottier appelle l’ensemble des traits signifiants d’un morphème un glossème.

20
En résumé :
Substance du signifié Forme du signifié
SÉMÈME CATÉGOREME
Sémantème Classème Gramème / v / lexème

Virtuème
Un
morphème =
signifiant
GLOSSÈME
Phonémique ~ prosodique ~ graphique
~ mimique ~ tactique

2.7 Les dimensions du signe linguistique


Selon Pottier, la définition des composantes du signe linguistique ne limite pas sa
complexité. Il voit la nécessité de définir aussi ses dimensions.

➢ le morphème, est une unité minimale de signification et le plus petit signe


qui doit toujours comporter les trois éléments « Sé/Sy/Sa ».
➢ l’énoncé, est une unité minimale d’énonciation « un message qui doit
satisfaire à un minimum formel : forme du signifié, ou plan syntaxique ».
➢ le texte clos, est une unité intentionnelle de communication close. La
dimension du texte clos peut varier de l’énoncé à une suite de milliers
d’énoncés.

Ces dimensions du signe sont les seuls qui sont universelles.»31

Morphème Énoncé Texte

31
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 33

21
Pottier va plus loin dans son analyse et situe les différents niveaux de
complexité du signe, morphème, syntagme, énoncé et textes, sur les différents
niveaux sémantiques. Il les combine dans un tableau où il décrit aussi les
processus qui se produisent sur ces niveaux.

Morphème Énoncé Texte clos

microsémantique extrême première sélection forte sélection sémique en


richesse de de la masse sémique mémoire ; transformation
(sèmes distinctifs)
sèmes organisés dans les schémas constante de la
casuels de l’énoncé compréhension

mésosémantique sèmes de classe isosémie (ou isotopie sémique)


(animé,
(sèmes génériques) tout au long du message : redondance de
matériel, mâle,
cohérence
discontinu...)

macrosémantique classe besoin de grammaticalité


syntaxique
(forme du signifié)
(formelle)

3. Les mécanismes linguistiques

Pottier explique ainsi le processus du parcours conceptualisant. Les formes très


variées d’un meuble ont un certain nombre de caractéristiques en commun qui
peuvent être désignées immédiatement comme tables. Grâce à la
conceptualisation ces « noms communs » ont la faculté de pouvoir avoir une
infinité de référents. Le « nom propre » apparaît comme une désignation directe
du référent unique au signe. Pottier nous rappelle qu’il y a une liberté de parcours
conceptualisant.

22
Ce tableau d’ensemble32 décrit à la fois le parcours onomasiologique et le
parcours sémasiologique, mais à la différence d’autres schémas, il nous montre
aussi la structure du signe et la participation de celui-ci dans les parcours
communicationnels.

32
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 37

23
3.2 La contrainte de linéarisation

Pottier reconnaît la linéarité des signes linguistiques, mais il souligne qu’il existe
la contrainte de la linéarité :

« C’est au niveau sémantique que la successivité des signes a le plus de


conséquences. On transforme sans arrêt le sémantique en conceptuel. » 33

Quant à la compréhension, Pottier souligne qu’elle n’est pas linéaire. Selon lui, le
locuteur ne conceptualise pas linéairement, et c’est prouvé par le phénomène du
lapsus le prouve : si B apparaît avant A, A va prendre la place de B.

« La compréhension n’est pas linéaire, et qu’on conceptualise des tranches de


discours, constamment remodelés par la conceptualisation des tranches
suivantes. » 34

Selon pottier Le mécanisme de la compréhension peut être figuré ainsi :

EN1 EN2 EN3 ……………. ENn

Compréhension
A

Compréhension
B …………………..

Compréhension
Finale

33
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 79
34
Pottier, B. (1974) Linguistique générale théorie et description. Paris : Klincksieck p 36

24
4. Les formulations
Présentation :
Un message est la formulation de relation entre désignations.
Dans tout message, le je formule un propos à l'adresse d'un tu :
je [Formulation -> propos] tu
Parmi les formulations, certaines relèvent de ce qu'il est convenu d'appeler les
modalités. Le français a peut-être une centaine d'expressions usuelles pour les
exprimer, sous forme de verbe, d'adjectif, de substantif, ou d'éléments
grammaticaux divers.
Les formulations peuvent être communicatives ou descriptives. Les premières
sont soit modales soit locutives, alors que les secondes sont quantitatives ou
qualitatives.
Les formulations sont des classes sémantiques générales qui varient selon les
langues, mais qu’on peut grouper en quatre séries universelles.
F1 et F2 sont liées au procès de communication
F3 et F4 sont des indications qualitatives et quantitatives applicables à toute
désignation, ou relation, ou formulation.
Si le Je se manifeste dans le propos, il le formule en le modalisant. ( formulation
modale F1). S’il tient compte du destinataire, du Tu, il a recours à des
formulations locutives (F2)
- exemple de F1 : volonté, doute.
- exemple de F2 : vocatif ‘), tutoiement.
- exemple de F3 qualitative et F4 quantitative : duratif, numéral.
4.1La formulation modale :

La manifestation du Je énonciateur sur le propos et sur sa propre formulation


peut revêtir des aspects très variés. Le français en distingue les suivants :
La Modalité est une critique du propos.
« Je crois que Pierre est un être insupportable ».

25
L’Assertion est une formulation à incidence variable. Elle comprend
l’interrogation, la négation, l’emphase.
- « Je crois que Pierre n’est pas un être insupportable ».
- « Je ne crois pas que Pierre soit un être insupportable ».
Le Déroulement est une formulation également à incidence variable. Elle
exprime le point de vue du JE parlant sur l’événement :
- « Je crois que Pierre devient un être insupportable ».
- « Je commence à croire que Pierre est un être insupportable ».
La Détermination résulte d’une chronologie appliquée par le locuteur au
degré d’actualisation des éléments du message.
- « Je crois que Pierre est un être insupportable ».
4.1.1- La modalité :

Toutes les langues expriment des modalités. Chacune a ses propres


systèmes et sous-systèmes : le français connait trois types d’organisation
grammaticale : les axes modaux, les modes et les liens modaux
Les axes modaux peuvent dans une certaine mesure se distribuer ainsi :
Je tout seul avec une vision perspective (je veux) ou constative (je vois), ou Je +
autrui qui exprime une vision factitive (je permets).

4.1.1.2 - Les axes modaux :


a. La marque de modalité peut être un morphème qui s’unit à un lexème, et
il n’y aura pas de modification syntaxique notable.
b. Cependant en français, il est fréquent de recourir à un morphème qui a
toutes les propriétés d’une forme verbale. On se trouve donc en présence
de deux verbes ; celui de la formulation et celui du propos qui est
nominalisé.

Je pense que je sortirai / Je pense sortir

26
- On remarquera que ces verbes « auxiliaires » peuvent subir les transferts
dus à la vision :
Je désir partir
Mon désir est de partir
- Celle-ci pouvant entraîner des mises en subordination/
On dit qu’il est arrivé
Il est arrivé, dit-on
Il est arrivé, à ce qu’on dit
On constate que les axes modaux contiennent des sous-classes : vision
perspective, vision factitive et vision constative.
La combinatoire formelle de ces éléments permet des groupements, dont il
faut tirer ensuite des enseignants sémantiques. Par exemple :
Je veux partir je veux que tu partes
Je peux partir *je peux que tu partes
On doit passer par « faire en sorte que » et dire :
« je peux faire en sorte que tu partes ».
Je veux que tu partes Je me vois décliner
Je vois que tu pars * Je me pense décliner
4.2 Vision perspective
4.2.1-Impulsion
a- Trois verbes dominent cette classe: devoir, pouvoir, vouloir
La distribution fait rapprocher devoir et pouvoir.
Il veut avoir la clé
Il veut la clé *il peut la clé
Il peut avoir la clé
Il doit avoir la clé *il doit la clé
Ce livre doit être vendu / peut être vendu. *vouloir
b- devoir a une forte polysémie :
je dois partir (je agit sur je): obligation morale.

27
je dois partir (quelqu'un agit sur je): obligation dépendant d'autrui.
je dois réussir ; il doit être midi: probabilité.
je devais ne plus jamais le revoir : finalité vue du passé.
D'où des ambiguïtés telles que :
tu dois être réchauffé.
je pense que tu es réchauffé. (cas iii)
il faut que quelqu'un te réchauffe. (cas ii)
La tournure impersonnelle est tirée de falloir :
il faut partir / que nous partirions.
il nous faut partir.
c- pouvoir est également polysémique :
(i) je peux partir. (je me le dis)
(ii) je peux partir. (on me le dit)
(iii) je pouvais ne pas l'avoir vu; il pouvait être midi. Probabilité
On notera la présence du sème / potentiel / dans les aspects en -able, -ible :
Il est traduisible/ il est mangeable.
d- Le verbe vouloir est moins polysémique :
Je veux partir (un actant)
Je veux que tu partes. (deux actants).

4.2.2- Eventualité:
On peut poser un axe allant du – au + dans le degré de certitude accordé
par le locuteur.
Zone du possible : Il se peut que / Peut être (que) / Il peut se faire que / Il est
possible que
Zone du probable : Il est probable que / Probablement
Zone du certain : Il est certain que / Certes / Assurément / Il est évident que /
C’est évident / Il est visible que / Le fait est que
Les substantifs comme; la possibilité, la certitude rentrent dans ces modalités.

28
Il est évident qu’il a peur.
Il a peur, c’est évident
Il a peur, c’est l’évidence même
Il a peur, évidemment

4.3 Vision constative


4.3.1- sensation:
a- Les verbes de cette classe se distribuent entre ceux qui expriment une
sensation réservée, et ceux qui vont jusqu’à l’affirmation:
je crois que je sais que
je pense que je constate que
je trouve que je vois que
je sens que je lis que
il me semble que j’entends que
b- Chaque verbe peut avoir une polysémie née de sa combinatoire:
- croire quelqu’un = je le crois ( je crois ce qu’il dit)
- croire en quelqu’un = je crois en lui ( j’ai confiance)
- croire à quelque chose = j’y crois
je pense prendre les clés à huit heures : (= je pense que je prendrai)
je penserai à prendre les à huit heures : (je prendrai certainement)
- certains verbes entrainent une ambiguïté :
« je crois son frère malade » peut être interprétée comme
« Je crois « son frère est malade » ou « je crois son frère (qui est malade) »

4.3.2 Déclaration
Parmi les verbes de « dire » on a plusieurs séries : - dire que. – crier,
hurler, balbutier que – accepter, refuser que, se refuser à (ce que) – conseiller ;
suggérer que – annoncer que – promettre, jurer, parier que (engagement moral
ou juridique)

29
La construction en « de » est possible (conseiller de sortir) ou non
(*annoncer de sortir)
Les substantifs, en lexie verbale ou non, ont les mêmes propriétés :
Faire la promesse que, faire le pari que, la promesse selon laquelle, l’annonce
que (le match serait rejoué…)

4.3.3- Appréciation
L'appréciation subjective est exprimée avec la connotation - ou +
Exemple de connotation négative :
Il est dommage que Je trouve dommage que
Il est triste que Je trouve triste que
Il est regrettable que Je trouve regrettable que
Je regrette que
Il est étonnant que Je trouve étonnant que
Je m'étonne que
Exemple de connotation positive :
Il est heureux que Je trouve heureux que
Je suis heureux que
Il est avantageux que je trouve avantageux que
Il est passionnant que Je trouve passionnant que
heureusement qu’il est parti / dommage qu’il soit parti

4.4 Vision factitive


4.4.1- Permissif
Dans ce cas, le rapport Je <-> AUTRUI est neutre
Je laisse que Jean parte
Je laisse Jean partir
Je laisse partir Jean
Je le laisse partir

30
Je permets que Jean parte
Je permets de partir à Jean
Je lui permets de partir
On peut avoir Je en rapport avec Je
Je me laisse vivre
Je me permets de fumer

4.4.2 causatif :
a- Bien des langues ont un morphème causatif qui se lie à la forme verbale
b- Le François emploie des verbes « auxiliaire »:
Je fais que Jean parte
Je fais partir Jean
Je fais que Jean mange le poulet
Je fais manger le poulet à Jean
« Fais manger » se comporte syntaxiquement comme un complexe verbal,
Pierre fait que Jean a des ennuis
Pierre fait avoir des ennuis à Jean
Pierre cause des ennuis à Jean
d- on serait tenté d'écrire :
faire mourir : tuer
faire voir : montrer
faire savoir : annoncer
faire avoir : procurer
Au lieu d'une formulation factitive explicite, on a un sème de factitivité dans les
termes de droite. Il n'y a pas identité mais para-synonymie.

4.4.4- Délibératif
C'est le cas de :
Je fais que Pierre soit président

31
Je nomme Pierre président
Je désigne Pierre président
Cette tournure est liée à l'équatif, comme schème de base (Pierre être président)

4.4.5 Les MODES


- les langues romanes ont développé une distinction modale dans les
formes verbales : Le mode subjonctif (-) et le mode indicatif (+)
Chacun deux pouvant avoir deux valeurs ; hypothétiques et thétique:
En espagnol on a:
Subj Ind
- + - +
Tuvier tenga tendria tendra
Le français a perdu cette seconde distinction au subjonctif, et n’a plus que deux
formes d’indicatif en langues parlée:
- Subj: parte
- partirait / partait
- Ind:
+ partira / part
Le mode le plus hypothétique, le subjonctif, a besoin de moins de
distinctions que l’indicatif, plus proche d’une intention descriptive.
On notera les intentions sémantiques du locuteur
« y a-t-il un cas où le choix est / soit possible? »
« cela suppose que l’on introduit / introduise cette notion ».
- Si j’ai le temps, j’irai » ( très réalisable)
- Si j’avais le temps, j’irais ( peu réalisable)

4.6 Les liens modaux


a- L’opposition de base est :si / que
si : lien critiqué : hypothèse que : lien non critiqué : thèse

32
On sentira cette distinction dans :
il y est allé pour voir si tu avais fini / que tu avais fini
je ne me souvenais pas si je te l’avais dit / que je te l’avais dit
b- En français les liens modaux sont compensés par les modes:
« si tu as le temps et qu’il ne pleuve pas … »
- S’il prend le train , je le lui paierai
- Qu’il prenne le train, je lui paierai
c- Le si peut tirer ses effets du sens du contexte:
« Si tu viens, tu le verras »
« Si tu viens, c’est que cela te plait (ou plaisait). »
Dans le second cas, on interprète « si tu se venu » , hypothèse dans l’intention,
mais se trouvant dans un contexte d’accompli.
d- Si et Que se combinent avec les relateurs (pour si, avant que), et que est
intégré dans Quand, Comme Où selon les trois domaines T, N, E.
- avant que tu partes
- * à que tu pars quand tu pars.
e- On remarquera qu’il existe en français deux séries de morphèmes en qu- :
1- le « relatif » qui aussi l’interrogatif, et forme avec celui-ci un système
cohérent, variant en cas (qui, que, dont …)
2- le « modal » où s’opposent si et que, et dont le rôle est double : nuancer
la modalité, et transférer un énoncé en séquence nominale.
je me demande s’il aura fini demain /V/ je demande qu’il ait fini demain

4.7 L’assertion
L’assertion est une proposition, de forme affirmative ou négative, qu'on
avance et qu'on donne comme vraie.
Dictionnaire Larousse
I think
Do you think? Oui/ i do think non / i do not think

33
Ce qui donne : Interrogation + emphase - négation
Chaque langue a sa propre façon de manifester ces distinctions.

4.7.1 L’interrogation:
L’interrogation est à incidence variable. Elle peut porter sur tout un
énoncé, ou seulement sur une partie. Partons de
« Pierre croque des noix »
(i) « Est-ce que Pierre croque des noix? »
L’incidence porte sur tout l’énoncé.
« Est-ce que Paris est la capitale de la Suisse? »
« Est-ce que Pierre croque des noix? » . La réponse « non » laisse une
ambiguité.
- Pierre : C’est Jean qui …
- Croquer : il les suce.
- les noix : Ce sont des amandes qu’il …
(ii) « Qui croque des noix? »
Elle présuppose que « quelqu’un » croque des noix. Plus précis on peut dire
« Est-ce bien Pierre qui croque des noix? »
(iii) « Que croque Pierre? », ou plus précis, « Est-ce des noix que croque
Pierre? » (ou « sont-ce des noix … ».
(vi) « Est-ce que Pierre croque des noix? », avec intensité (audible ou visible)
sur croque. C’est le procédé courant de l’anglais.
(v) « Que fait Pierre? », interroge sur tout le prédicat.

4.7.2 la négation
le français, comme d’autres langues, expriment cette double
caractéristique; ne … pas/ ne … plus,…
Mais d’autres langues ne le font pas.
Espagnol : « no como » (je ne mange pas)

34
Arabe : « la akoulo »
le terme positif réapparait quand il y a spéfication:
Esp: « no como nada »
(je ne mange rien)
Ara: « la akoulo chayane »
Quand il y a opposition, le terme positif peut apparaître:
Esp: « Entre ellos no figura Iribar y si Mora »
(Iribar n'apparaît pas parmi eux et Mora oui)
Il y a redondance en français:
« tu n’as pas fini, non! » « tu as fini, oui! »
(i) La négation partielle s’exprime par ex, par:
: ce n’est pas Pierre qui a tué le serpent.
: ce n’est pas le serpent qu’a tué Pierre.
: ce qu’a fait Pierre, ce n’est pas tuer le serpent.
(ii) Avec un verbe de modalité, on peut avoir:
Jean vouloir Pierre partir
1: ce n’est pas Jean qui veut que Pierre parte
2: Jean ne veut pas que Pierre parte
3: Jean veut que ce ne soit pas Pierre qui parte
4: Jean veut que Pierre ne parte pas
(iii) Pour répondre oui ou non, les langues ont des habitudes:
Ang: Do you travel tomorrow?
Yes i do.
Fra : as-tu le temps? Oui / non
n’as-tu pas le temps? Si / non
Ara : hal tadhabo maana? Naam / la
alan tadhaba maana? Naam / bala
(iv) La négation peut être intégrée:
n’est pas possible / impossible

35
n’est pas contrôlé / non-contrôlé / incontrôlé
(v) Certains lexème incluent le sème / négation /
ne pas fumer / défense de fumer
je n’accepte pas / je refuse

4.7.3 l’emphase:
a- L’anaphore peut être marquée par des morphèmes, à incidence variable:
le chat a mangé la souris
- C’est le chat qui a mangé la souris.
qui a été mangée par le chat
- C’est la souris
qu’a mangé le chat
b- En français, un grammème comme « surtout » marque l’emphase sélective:
« toi surtout, tu es grand »
c- la prosodie: « mon frère, s’est blessé »
d- les procédés tactiques:
« des ruines que c’est »
« il y a trop de choses, que vous y avez mises »
« des livres, j’en ai beaucoup »

4.8 Le déroulement
a- le déroulement exprime le point de vue du locuteur sur l'événement, en
fonction de repères décidés par lui. On peut distinguer :
le stade - le changement d'état - la relativité
le stade marque un moment du déroulement. Ex:
je vais manger / Je suis en train de manger / Je viens de manger
(ii) le changement d'état exprime le passage d'un stade à un autre. Ex:
je me mets à écrire J'arrête de pleurer
(iii) la relativité met en relation deux stades, ou deux moments d'un stade. Ex:

36
il dort encore Il continue à dormir
b- Ces formulations peuvent se combiner :
Il commence à s'endormir Je viens de finir de manger Il est déjà en train
d'écrire
c- le déroulement étant une formulation interne au propos, il y a lieu de le
distinguer de la modalité :
Jean veut partir / v / Jean va partir
Jean veut Jean partir Jean ( DER ) part
d- certains verbes de déroulement permettent, en français, de ne pas exprimer le
verbe impliqué par l'objet :
Il commence à manger sa soupe / Il commence sa soupe
Il commence à faire son travail / Il commence son travail

4.8.2 les stades


a- À la vision directe, on a :
Je vais manger / je suis en train de manger / je viens de manger
( Je suis sur le point de, je viens juste de)
b- À la vision inverse, il en est de même :
Fr: cela est à faire / cela est en train d'être fait / cela est fait
à vendre / en vente / vendu

4.8.3 Les relativités


a- (i) un premier sous-système est constitué par:
déjà : il est déjà venu encore ; il est encore venu / il va encore venir
(ii) Un effet de sens subjectif est possible: déjà = avant le moment que je
prévoyais. - il est déjà arrivé
- il est déjà huit heures.
(iii) Il faut rendre compte de:
*il es déjà tôt / il est encore tôt

37
il est déjà tard / *il est encore tard
(iv) « toujours » indique une continuité:
il a toujours le même chapeau
il dort toujours
b- des séries lexicales recouvrent les mêmes distinctions:
il n’y a pas encore (il manque) - il y a - il y a encore (il reste)
c- le « non-encore » accompli et le « déjà accompli:
Avant / Après
le futur champion (il n’est pas encore champion)
l’ex-champion l’ancien champion (il n’est plus champion)

38
5. La forme du signifié
5.1. L’énoncé
L’analyse syntaxique suppose l’introduction de nouveaux concepts :
Sur le plan sémantique, ou plan de la substance du signifié, l’unité
fonctionnelle de signification, est le schème linguistique.
Sur le plan syntaxique, ou plan de la forme du signifié, l’unité fonctionnelle
est constituée par l’énoncé.
5.1.1 Structure générale de l’énoncé fondamental
Bernard Pottier distingue :
L’énoncé simple qui est l’unité fonctionnelle minimale d’énonciation dont
la structure est l’objet de l’analyse syntaxique
« L’énoncé complexe est l’unité d’énonciation construite d’énoncés simples
par coordination ».35
Structure de base :
L’énoncé simple est formé d’un nucléus et, facultativement d’éléments
marginaux.
EN = +NU, +_ MA
Le nucléus est formé d’une base (B) déterminée par un choix sémantique,
et d’un prédicat (PR).36

NU= +B, + PR

NU

_+B +PR

35
Pottier 1974, p.223 et 323
36
Pottier 1974, p.225

39
Le prédicat (PR), but de communication, est toujours présent dans un discours
achevé ; la base peut être réduite à zéro.
La formule générale, indépendamment de la relation pouvant introduire
l’énoncé, sera : 37
EN

+NU

_
+B +PR _+MA
Pierre viendra si tu le veux

Ce qu’on peut remarquer ; c’est à chaque nœud de l’arbre il y’a une


_
branche obligatoire (+) et une branche facultatives (+)

A +B, +_ C
Ou encore :

+ _+
B C
En français la base doit être exprimée sous une double forme : un élément libre
et un élément lié sauf dans les lexies ou syntaxies telles que : reste, à savoir,
faut faire vite, pleuvra pas.
La structure normale est donc :
NU

B PR
nous -ions étudi- (nous étudions)38
37 Pottier, 1974 , p.225
38
Pottier, 1974, 249 p.226

40
Sauf que d’autres langues, n’ont pas les mêmes contraintes : en espagnol la
structure normale est :
NU

-mos estudi-
(estudiamos) 39
En langue arabe la base est exprimée sous une double forme :
NU

B PR
nahnou na- -drosso
( nahnou nadrosso )

Une même séquence peut fonctionner comme :


Elément marginal primaire : Rapidement, les nuages se sont dissipés
EN

NU MA

B PR
(sens de « peu après »)40
Etre intégrée au prédicat (adjectivation d’énoncé ou de prédicat) : les nuages
se sont dissipés rapidement.

39
Pottier 1974, 249 p.226
40
Pottier 1974 250 p. 226

41
EN
NU
(Sens de « la dissipation rapide
B PR des nuages »)

La représentation des incidences sera comme suit :

LOGT
LOCT
nuages dissipés nuages dissipés
rapidement
rapidement
(« à un moment proche du (« le dissiper est rapide »)
début de l’événement ») ( § 278)

Le signifiant est donc le tactème d’ordre en transmission écrite, tandis que à


l’orale la prosodie peut manifester cette distinction.
A ce niveau d’analyse, l’énoncé peut être analysé par des schèmes sémantiques
et des graphes syntaxiques 41
Exemple : « A la tombé de la nuit, la biche a été blessé par le chasseur »
SE1
chasseur blesser biche
SE2 o
nuit
SE2 (SE1) aurait été « il faisait nuit quand le chasseur blessa la biche » par ex.
SE1(SE2) donne l’énoncé réalisé, en vision inverse, départ en 3 :

41
Pottier 1974, 251 p. 227

42
+ -

Chasseur blesser biche


1 2 3
Le SE2 a été réalisé selon une des lexies du français :
À la tombée de la nuit
Quand la nuit tombe
Quand il commence à faire nuit
À la nuit tombante
Le graphe syntaxique est :42
EN

MA NU

B PR
à la tombé a été blessé
de la nuit la biche par le chasseur (modèle casuel du « passif »)
(§ 159)
5.2 Les fonctèmes, constituants de l’énoncé.
5.2.1 les fonctèmes
Les éléments constitutifs de l’énoncé, base et prédicat, prennent un certain
nombre de formes, ou fonctèmes.
En français, la base a toujours la forme nominale. Son élément obligatoire est
un fonctème nominal (fN).Le prédicat peut être soit :
Un fonctème nominal : fN’
Un fonctème adjectival : fA
Un fonctème verbal : fV

42
Pottier 1974, 251 p.228

43
Le fonctème nominal de la base doit être différencié du fonctème nominal ou
prédicat, d’où une représentation différente. fN se caractérise par la présence d’un
verbe auxiliaire W. fN peut se rencontrer également dans le prédicat.
La combinaison des fonctèmes formant l’énoncé est un syntactème.
Le français présente donc trois types de syntactème (combinaison de fonctèmes
formant énoncé).
fN × fN’(I)
fN × fA(II)
fN × fV(III)
Ex : « l’éducation est la première priorité nationale »
EN1

+ NU

+B +PR
fN fN’
Les trois types de fonctèmes ont chacun une structure interne type.
Les formules qui suivent doivent être lues en tenant compte de deux
observations.
Chaque composant est décomposable en plusieurs composantes de même
nature juxtaposés, coordonnés ou subordonnés.
Nous conviendrons de représenter la juxtaposition et la coordination et par la
virgules, la coordination ou par / et la subordination par /.
et fN fN, fN
ou fN fN / fN
Subordination
fN fN \ fN

44
5.2.2 Les divers syntactème « Fonctème nominal »
Le syntactème fN fN’
Le fN est composé d’un relateur et d’un syntagme nominal(SN) il est le seul
apparaître en français comme base, il peut être utilisé également dans les trois
types de prédicats. 43

fN Rel + SN
Le SN est composé
SN d’un groupe substantival obligatoire et d’un (ou plusieurs)
fonctème(s) adjectival (aux) facultatifs (s) :
n
_
SN g.Sb _+ fA
Ex : la première priorité nationale
Le groupe substantival est formé d’un substantif et d’un groupe déterminatif :

g.Sb +Sb, _
+ g.Dét
La priorité
Le groupe déterminatif est formé d’une base (l’article en français) et de
quantificateurs facultatifs :

g.Dét + Art +_ Quant.


Les quantificateurs peuvent être des substantifs (une foule de, un groupe de, un
ensemble de,…).
Il y’a par ailleurs possibilité de substitution de l’article par le quantificateur, de
telle sorte que les deux composants sont chacun facultatif, le groupe
déterminatif étant lui-même facultatif.
Application
Ex : « Par prudence, Jean reste à la maison ».
fN fN W fN
CAU fN LOC.

fN’

43
(Opus cit.p.272).

45
On a deux SE :
SE1 : / Jean être prudent /
SE2 : / Jean rester à la maison /
Une relation « SE2 parce que SE1 » avec un SI de la forme : SE2 (SE1).
Dans ce cas SE1 devient marginal (MA) : parce qu’il est prudent
Etant prudent
Par prudence…
Ce qui va donner lieu à la représentation suivante :44
EN

MA NU

B PR

fN fN fN

CAU NOM. W+Fn


LOC.
Le cas d’une base = 0, on ne conserve pas que fN’, avec une représentation
fictive de B :
Ex (1): « il y a du brouillard »
EN

B PR
fN fN’
w + fN
(il°) y a du brouillard

Ex(2) : « il commence à y avoir du brouillard »

44
Pottier 1974, 255 p.232

46
EN

B PR
fN fN
il°
g.W +Fn

WD W
Commence à y avoir du brouillard
(cf. § 283)

W = auxiliaire
g.W = groupe auxiliaire

Ex(3) : « du brouillard se forme »


EN

B PR
fN fV1
du brouillard se forme
Le schème sous-jacent à ces deux derniers exemples est :
Form. (Dès1 < Rel > Dès2 )
« inchoatif » ∃ brouillard
1 2
En vision 1, les exemples (1), (2)
En vision 2, l’exemple (3)
Il se forme du brouillard est l’inchoatif de « il y a du brouillard ».

47
Le fonctème adjectival :
Le syntactème fN fA
Le fonctème adjectival peut être intégré au fonctème nominal, comme on
vient de le voir :
Ex « la première priorité nationale » : fN = Fa1 + g.Sub + fA2
Il peut aussi être incident à l’ensemble du prédicat.
Il peut être accompagné d’un fN.
Il peut être précédé d’un auxiliaire.
D’où la formule générale :

fA _+ W + Adj _+ g.Quant _+ fN

Dans le type à un actant (fA1) on a : 45


EN

B PR

W + fA
Pierre est très heureux

D’autres langues n’ont pas recours à l’auxiliaire, en particulier lorsqu’il n’y a pas
des formulations spécifiques :
Turc : at / güzel le cheval / est beau
Russe : dom / nov la maison est neuve
Le français a besoin d’une situation phatique :
« Heureux / les pauvres d’esprit »

45
Pottier 1974 256 p. 234

48
Si la base est ø, on a :
Il fait chaux
Dans le type à deux actants (fA2), les composantes essentielles sont
EN

B PR

W + fA +fNAGE
Pierre est interrogé par la police

Le fonctème verbal
Le syntactème fN fv2
Le fonctème verbal est constitué d’un syntagme verbal accompagné
éventuellement (verbes transitifs) d’un ou plusieurs fN et éventuellement d’un
ou plusieurs fonctèmes adjectivaux.

fV +SV +_ fN _
+ fA

Le syntagme verbal est lui-même constitué d’un groupe verbal et d’auxiliaires


de modalité et d’auxiliaire de déroulement pouvant être incident à l’auxiliaire
de modalité et à Vb.

SV +g .Vb _
+ g.Wm _
+ WD

49
5.2.3 Les transferts au niveau du fonctème
Le transfert (TR) est un procédé par lequel la fonction d’une séquence est
modifiée selon les choix sémantiques et les besoins combinatoires. 46
Ex : Il y a équivalence fonctionnelle entre
Cette rencontre
Et me fait plaisir
Que tu aies pu venir
Cette rencontre est un fN par nature, alors que : que tu aies pu venir est un fN
par transfert

De même :
que son départ eu ait lieu
Je lui appellerai avant son départ
qu’il parte

Dans ce dernier cas, il est évident qu’il y a option de signifié (dans la forme),
puisqu’il n’y a pas de contrainte combinatoire

5.3 Aux cas NOM, ERG, ACC

que tu y sois venue me réjouit


je me réjouis (de ce) que tu y sois venue
Que a pour variante la lexie « le fait que »: « le fait que tu changes
d’adresse va engendrer des problèmes au niveau de la réception. »
« que
« le fait que maman arrive est surprenant

46
Pottier 1974, 260 p.236

50
EN

B PR

fN(TR) fA1

W + Fa

que + EN est surprenant


(le fait que)

B PR

fN fV
maman arrive

5.4 les structures internes


5.4.1 structures : des fonctème aux catégories
Syntagme groupe et catégories
A chaque fonctème, fN, fV, fA , correspond une série de composantes
hiérarchisées selon le niveau de complexité 47
Fonctème nominal

Fonction : Fn pour le frère de Marie


Syntagme : SN le frère de Marie
Groupe : g.Sb le frère
Intermédiaires Catégorie : Sb frère
Illustration
formels

47
Pottier 1974, 270 p.269

51
Bilan : 48

fN

_
+Rel +SN

+g.Sb _+ fA

+Sb _+g.Dét

+Dét _+ g.Quant
Fonctème verbal

fonction fV a voulu avoir arrivé soudainement


syntagme SV a voulu avoir fini
Intermédiaires
formels : groupe g.Vb avoir fin
catégorie Vb fini

Bilan :49

48
Pottier 1974 275 p.257
49
Pottier 1974, 285 p.263

52
fV

+SV _+ fA

+g.Vb _+ g.W M

+Vb +_ WD +WM _+ W D

Fonctème adjectival

Fonction fA très capable

syntagme
Intermédiaire formels
groupe

catégorie Adj capable

Bilan : 50

fA

+Adj _+ g. Quant

50
Pottier 1974, 280 p. 259

53
5.4.2 Les lexis
Le terme de lexie, ou unité lexicale de langue, a été créée par Pottier en
1962. Pottier définit la lexie comme suit:

« Une séquence mémorisée d’un ou plusieurs morphèmes, est choisie par


l’énonciateur comme une identification partielle entre un objet (vu et
imaginé) et une expression virtuellement satisfaisante.»51

Une autre définition de Pottier précise que la lexie est une « unité
fonctionnelle mémorisée en compétence, constituée naturellement à
partir du mot, et aussi par des transferts variés.»52

Dans la Sémantique générale, Pottier souligne qu’«une lexie est un


condensé de sens, et toute glose en est une paraphrase qui en principe ne
peut en expliciter toutes les composantes.» 53

Pottier définit aussi les composantes d’une lexie et les illustre avec la lexie
« parvis » en utilisant la terminologie suivante54

PHONE GRAPHIE
/parvi/ parvis
Lexie : parvis
TAXIE SÉMIE
nom { place devant
l’église}

51 Pottier 1963:10
52 Pottier Navarro 1988:644
53
Pottier [1992:38]
54 Pottier 2012:41

54
Il emploie la phonie pour un signifiant phonique/oral, et la graphie pour un
signifiant graphique/écrit.
Pottier remarque que chaque lexie est naturellement Polyréférentielle,
comme c’est le cas du « nom commun », mais la lexie est aussi
naturellement polysémique. Dans ce cas, Pottier distingue, une polysémie
légère par exemple, branche: arbre ou généalogie et plus lourde par
exemple, cavalerie : armée ou finances. Au-delà, il existe aussi
l’homonymie : perche - poisson ou bâton.55
5.4.3 les types de lexis
La lexie peut appartenir à une catégorie (forme du signifié) ou à des classes
supérieures : à cause de (relateur); prendre garde (verbe) ; mise en facteurs
(substantif) ; c’est le bouquet (énoncé) ; en vérité (fNLOC (N)).56
Pottier distingue trois types de lexie qui sont théoriquement possibles.57
Parmi eux, il y a des lexies qui n’ont que les éléments des lexèmes {L} et qui
n’ont que les éléments des grammèmes {G} : le, pour, encore, très, hier. Et
le troisième type, c’est la lexie qui a les éléments des lexèmes et des
grammèmes {L, G}. Ce type correspond aux substantifs, aux adjectives et
aux verbes : maisonnettes, récentes, couperions.58
Pottier dit qu’une lexie naît d’une habitude associative. En général, il s’agit
d’un lent processus de lexicalisation d’une séquence.
Dans son analyse de la lexie, Pottier découvre trois types de lexie par
rapport à sa forme.59
La lexie simple correspond au « mot » traditionnel dans de nombreux cas :
chaise, pour, mangeait, la. La lexie complexe est une séquence en voie de
lexicalisation, à des degrés divers : la guerre froide, un complexe industriel,
prendre des mesures, feu rouge, bel et bien, hot dogs. Pottier décrit aussi

55 Pottier [2012:42]
56 Pottier [1974:266]
57
Pottier [1992:38]
58 Pottier [1992:38]
59 Pottier [1974:267]

55
un cas particulier de lexie complexe, les sigles. Ce sont les mots qui sont
composés par les initiales : S.N.C.F. (Société Nationale des Chemins de fer
Français). Le sigle peut devenir un nouveau lexème de la langue : «
Confédération générale du travail »- C.G.T. – CGT – cégétiste60
Un autre type de lexie présenté par Pottier, est la lexie textuelle. C’est une
lexie complexe qui atteint le niveau d’un énoncé ou d’un texte : hymne
national, prière, tirade, devinette, proverbe.
5.4.4 les propriétés des lexis
Les lexies peuvent avoir une structure stable, Pottier appelle ce type de
lexie - la lexie figée61 : Elle forme une séquence mémorisée invariable : faire
flèche de tout bois, mettre la main à la pâte, point d’honneur, eau lourde, à
vol d’oiseau.
La lexie variable se compose d’un cadre stable et d’une zone instable, par
exemple :62
premier
« le dernier né »
nouveau
penser

penser
« il y a tout lieu de croire que »63
supposer

60 Pottier [1974:267]
61 Pottier [1974:267]
62 Pottier [1974:267]
63 Pottier 1974, 291, p.267 et 268

56
vert
« le feu rouge »
orange
clignotant

Étant entendu qu’on « se donne rendez-vous au feu rouge », mais qu’on


« donne le feu vert »
Cette caractéristique est mise à profit, dans les jeux de langage ; on ajoute
un élément au paradigme couramment en usage :
« mon cœur d’attache » < mon port d’attache
« quand passent les faisans » < Quand passent les cigognes
(film humoristique) (film sérieux)
« mariage à l’italienne » < pâte à l’italienne
« divorce à l’italienne »
« Portez Zenophyl, vous n’en < vous n’en croirez pas vos yeux croirez pas
vos jambes »
Pottier remarque que cette caractéristique de la lexie est mise à profit dans
les jeux de langage64

Quand passent les faisans < quand passent les cigognes


Divorce à l’italienne < pâte à l’italienne
Selon Pottier, cette variabilité peut aussi être appliquée aux lexies
composées de cette façon:65

64 Pottier [1974:267]
65 Pottier [1974:267]

57
télé- commande
magnéto- objectif
électro- phone télé- enseignement
gramo- siège
BIGO-

(alors que télégramme et de plus en plus télévision se figent et se démotivent).


C’est là une riche source de néologismes : budgétivore, musi-coroma, …

20
Fr. : « Je le lui ai dit 50 fois. »
100

58
Conclusion

Pottier en suivant les fondements du structuralisme classique,


élabore son concept du signe linguistique en y ajoutant, comme
Guillaume et Hjelmslev, le troisième élément : c’est que dans la
structure du signifié, il distingue entre la substance du signifié « les
structures sémantiques », et la forme de signifié « structures
syntaxiques ».Autre mérite de Pottier est d’élaborer une
conciliation entre une sémantique structurale et une sémantique
plus ouverte, évaluée comme étant une nouveauté par rapport à la
philosophie du langage. On peut mentionner aussi sa description
systémique, dans la sémantique cognitive, de la structure du signe
linguistique et de l’acte de communication.
En outre l’élaboration du concept du sème par Pottier demeure un
palier incontestable dans la progression et l’évolution su signe
linguistique, aussi qu’une contribution émérite dans
l’établissement et le développement du niveau conceptuel.
Pottier a aussi illustré la voie de la perception à la
conceptualisation, le processus et où le « sentiment prototypique »
et la mémoire assume un rôle essentiel.
L’essentiel à retenir est que B.Pottier exhibe une description
minutieuse et profonde de la structure du signe linguistique, de ses
composantes, en présentant une analyse interdisciplinaire profonde

59
et détaillée. Il invente et mène les notions, ainsi que donne les
élucidations théoriques qu’il enlumine avec les spécimens des
langues naturelles ce qui apporte la plausibilité de à sa théorie.

60
Bibliographie

➢ BENVENISTE, E. Problèmes de linguistique générale. Paris:


Gallimard, 1974 .
➢ Dorothée, S. À l’origine du signe : le latin signum, Paris:
Association KUBABA, l’Hartmattan 2006.
➢ Hjelmslev, L. Prolégomènes à une théorie de langage. Paris : Les
éditions de minuit,1968.
➢ POTTIER.B, Systématique des éléments de relation. Paris :
Librairie Klincksieck. 1962
➢ POTTIER .B, Cours de sémantique, Mons, Université de l'Etat,
1972.
➢ POTTIER, B. Linguistique générale théorie et description. Paris
: Klincksieck. 1974
➢ POTTIER. B, Théorie et analyse en linguistique, Paris, Hachette,
1987.
➢ POTTIER NAVARRO, H. Quelques aspects de l’évolution de la
théorie de Bernard Pottier. hommage à Bernard Pottier. T.II,
Paris, Klincksieck, 1988.
➢ SAUSSURE, F. d. Cours de linguistique générale. Paris , éditions
Payot&Rivages. 2005
➢ https://munin.uit.no/bitstream/handle/10037/9730/thesis.pdf?seq
uence=2 (consulté le 10/01/23)
➢ http://www.universalis.fr/encyclopedie/louis-trolle-hjelmslev/
(consulté le 15/01/2023)

61

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