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SANDRINE ZUFFEREY
JACQUES MOESCHLER
Initiation
à la linguistique
française
3e édition
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Table des matières
Avant-propos 13
PARTIE 1
INTRODUCTION À LA LINGUISTIQUE FRANÇAISE
2 Langage et communication 37
1 Communication littérale et communication non littérale 37
2 Pourquoi la communication est-elle non littérale ? 39
3 Modèle du code et modèle de l’inférence 40
Le modèle du code 40
Le modèle de l’inférence 41
PARTIE 2
LES DOMAINES DE LA LINGUISTIQUE FRANÇAISE
14 Implicatures 221
1 La théorie gricéenne des implicatures 221
Signification non naturelle 221
Coopération et maximes de conversation 223
Implicatures conversationnelles 225
Implicatures conventionnelles 227
Propriétés des implicatures 228
2 L’approche néo-gricéenne des implicatures 229
Principes-Q, -I et -M 229
Implicatures conversationnelles généralisées 232
Implicatures conventionnelles et anti-arrière-plan 232
3 Implicatures et implications contextuelles 235
4 Références de base 236
15 Sociolinguistique 237
1 Les variations dans l’usage du langage 238
Les fondements de la sociolinguistique 238
La notion de sociolecte 240
2 Les français régionaux 242
Variations phonologiques, lexicales et grammaticales 243
Influence des variables sociales sur la variation 246
Variétés et perceptions des locuteurs 247
3 Références de base 249
4 Pour aller plus loin 249
Bibliographie 251
Index 337
C
e livre propose, de manière originale et certainement unique,
un cours d’initiation à la linguistique française permettant à des
enseignants universitaires de construire un enseignement magis‐
tral et des séminaires d’accompagnement (travaux dirigés ou travaux pra‐
tiques). Ses quinze chapitres, suivis d’exercices et de leur corrigé,
permettent en effet une présentation concise des principaux domaines de
la linguistique. Du point de vue de l’enseignement, l’ouvrage représente
une version plus adaptée à une initiation regroupée sur un semestre ou une
année d’enseignement que l’ouvrage de Jacques Moeschler et Antoine
Auchlin, Introduction à la linguistique contemporaine. Le livre de Moeschler
et Auchlin, publié pour la première fois en 1997, s’est révélé un excellent
outil de travail, mais qui est adapté à un cycle de formation plus large et
plus complet que celui prévu par le présent ouvrage. On peut aussi espérer,
étant donné que les questions de langage et de linguistique font partie du
cursus de philosophie en terminale, que la matière présentée ici apportera
une vision du langage plus précise aux professeurs de lycée en philosophie,
ainsi que des outils conceptuels nouveaux.
En 2005, les auteurs de cette Initiation à la linguistique française ont
développé, testé et amélioré un cours destiné à des étudiants non formés
à la linguistique, venant principalement des études littéraires et de la psy‐
chologie, afin de leur permettre d’acquérir les bases nécessaires à de futures
lectures et de suivre des cours plus approfondis dans les différents domaines
de la linguistique. Pendant près de quinze ans, le contenu de ce livre a été
testé, modifié, adapté pour donner lieu à cette troisième édition. L’ajout
de trois chapitres, depuis sa première édition en 2010, montre que nous
nous sommes adaptés, dans nos universités respectives, à l’enseignement
de la linguistique à un public d’étudiants de langue et littérature françaises.
Le format choisi pour cette initiation explique le caractère ramassé de
la présentation, mais aussi la diversité des sujets abordés. La linguistique
Avant-propos 13
d’aujourd’hui, contrairement à ce qui a été longtemps enseigné comme
première introduction, ne se réduit pas aux domaines classiques de la lin‐
guistique structurale. Il nous a semblé en effet nécessaire de commencer
par des chapitres de nature générale, qui indiquent respectivement l’objet
de la linguistique, mais aussi le rapport entre langage et communication,
la diversité et l’universalité du phénomène langagier dans le monde, sa
dimension historique (appliquée au français) ainsi que les deux grands
paradigmes de la linguistique théorique, le structuralisme fondé par Fer‐
dinand de Saussure et la théorie générative de Noam Chomsky. Relative‐
ment à ses différents développements récents, nous avons insisté sur les
domaines traditionnels (phonologie, morphologie, syntaxe, sémantique),
avec un accent original dans quatre derniers chapitres sur des aspects
importants de la pragmatique – actes de langage, pragmatique lexicale,
style, implicature, ainsi qu’une ouverture sociolinguistique aux variétés du
français.
Si la perspective globale de ce livre est ainsi multiple dans ses domaines
et dans ses sources théoriques, nous avons cherché à unifier autant que
possible l’arrière-plan théorique. Ce choix, essentiellement lié à des
contraintes de place (livre) et de temps (cours), laisse une place extrême‐
ment réduite à certaines approches en linguistique comme la linguistique
cognitive (traitée partiellement à propos de la métonymie dans le cha‐
pitre 13), alors que les rapports entre langage et cognition traversent de
manière constante les différents chapitres du livre (acquisition du langage,
communication humaine et communication animale, communication
inférentielle, théorie de l’esprit). En revanche, les chapitres classiques des
cours de linguistique (phonétique-phonologie, morphologie, syntaxe,
sémantique) sont abordés avec les outils traditionnels de la linguistique
structurale et générative (notamment la théorie X-barre et la théorie des
principes et paramètres). Par ailleurs, les apports principaux de la séman‐
tique formelle et de la philosophie du langage sur la question de la référence
sont abordés dans le chapitre de sémantique lexicale, avec une insistance
particulière sur la sémantique des noms et des verbes. Dans cet esprit, nous
avons cherché à montrer les grands aspects des propriétés formelles et
sémantiques des langues naturelles, ainsi que leur application au français.
Avant-propos 15
grammaticalisation qui a permis de faire d’un nom (du latin casa, maison)
une préposition. Peu penseront que cette nouvelle préposition pose un
conflit, insoluble pour certains, à cause de l’existence d’une autre propo‐
sition locative (à) utilisée pour des noms de lieux (je vais à Paris et non je
vais chez Paris). Encore moins savent que le processus de grammaticali‐
sation ne permet pas, à l’inverse, de passer d’une préposition à un verbe
ou à un nom (traverser est une exception toute française à partir de la
préposition à travers). Ces connaissances linguistiques ne sont pas sim‐
plement une accumulation de petits faits (certes avec de grands effets),
mais une manière raisonnée et documentée de comprendre la complexité
du langage humain et des langues.
L’un des thèmes que les auteurs de cette initiation ont à cœur de
défendre est la différence entre le langage et la communication, en d’autres
termes, la différence entre la linguistique et la pragmatique. Contrairement
à ce que prévoient les thèses structuralistes classiques, le langage n’a pas
de fonction communicative première. Les recherches sur l’origine du lan‐
gage, mais aussi sur son évolution et son acquisition, permettent de penser
que la fonction du langage est premièrement cognitive. Nous transmettons
la faculté de langage à nos enfants, à savoir la faculté à acquérir naturelle‐
ment et sans effort une ou plusieurs langues. Cependant, la chose extra‐
ordinaire est que l’espèce humaine a trouvé un avantage certain à utiliser
les langues naturelles dans la communication, et même si l’apparition du
langage s’est certainement greffée sur un mode préalable de communica‐
tion inférentielle (selon la thèse de Sperber et Origgi), l’usage du langage
a donné, aux cours des millénaires et des siècles, des résultats que les
cultures ont soigneusement conservés : poésie, littérature, récits mytho‐
logiques, textes sacrés, textes juridiques…
Comprendre la complexité du langage, la question de son origine, de
son acquisition, de son histoire, de ses différentes dimensions, de son usage
est donc au centre de ce livre. Notre conviction est que l’ensemble de ces
thèmes sont des éléments de connaissance fondamentaux que tout étu‐
diant en sciences humaines, littérature, sciences du langage ou sciences
cognitives devrait maîtriser, simplement parce que les développements
scientifiques nouveaux se feront dans l’interdisciplinarité, et que celle-ci
doit s’appuyer sur des compétences disciplinaires solides.
Avant-propos 17
Partie 1
Introduction
à la linguistique
française
Chapitre 1
Introduction à l’étude
du langage
L
e langage est un phénomène à la fois vaste et complexe. Comme
nous le verrons dans ce chapitre, il est unique, spécifique à l’espèce
humaine, mais se présente sous des formes variées. Si l’étude du
langage est maintenant une discipline établie, les questions que se pose le
linguiste sont souvent bien éloignées de la vision commune que les locu‐
teurs ont du langage. Nous allons commencer ce livre par formuler deux
ensembles de propositions, celles qu’un non-spécialiste pourrait formuler
sur le langage, et leur opposer les questions auxquelles les linguistes
cherchent à répondre. C’est essentiellement ce deuxième groupe de ques‐
tions qui sera abordé dans ce chapitre et dans le reste de cet ouvrage.
1. Affirmations ordinaires
et questions non ordinaires
sur le langage
Voici un échantillon non exhaustif d’affirmations sur le langage qui
reviennent régulièrement dans les questions posées par nos étudiants :
1) Les langues non écrites ne sont pas de vraies langues et il y a des langues
plus importantes que d’autres.
2) Le français est une langue logique, claire et belle.
3) Les enfants apprennent à parler en imitant leurs parents.
4) Une langue est composée de lettres, de mots et de phrases.
L’acquisition du langage
L’acquisition du langage est l’un des domaines de la linguistique qui
nous permet de mieux comprendre les propriétés des langues naturelles,
mais aussi d’imaginer comment le langage a pu émerger chez l’homme –
l’idée étant que l’ontogénèse, le développement de l’individu, permet de
comprendre la phylogénèse, le développement de l’espèce. Il y a actuelle‐
ment deux grands modèles de l’acquisition du langage : le modèle social
et le modèle cognitif.
Selon le modèle social, l’acquisition du langage est fondamentalement
un fait d’imitation de la part du jeune enfant. Dans ce modèle, l’acquisition
dépend fortement des stimuli verbaux (données initiales ou inputs) fournis
par l’environnement social et culturel de l’enfant. Selon le modèle cognitif,
l’acquisition du langage n’est pas un fait d’imitation, mais est directement
dépendante d’une faculté cognitive, la faculté de langage. L’idée étant que
le langage est inné et se développe naturellement par l’exposition à une
langue particulière dans les premières années de vie, sans qu’un appren‐
tissage explicite ne soit nécessaire. L’argument principal qui corrobore le
modèle cognitif est la pauvreté des stimuli, à savoir le fait que les enfants
savent (linguistiquement) beaucoup plus que ce qu’ils entendent.
Par ailleurs, l’hypothèse d’un organe du langage, à l’origine de l’acqui‐
sition du langage, peut être précisée d’un point de vue physiologique. Cer‐
taines aires du cerveau humain, appelées les aires de Broca et de Wernicke
d’après les chirurgiens qui les ont découvertes, sont dévolues au langage.
Le lien entre ces aires cérébrales et le langage a été découvert au xixe siècle,
lorsque des analyses post-mortem ont révélé qu’elles étaient systémati‐
quement lésées chez des patients qui avaient souffert de troubles impor‐
tants du langage. L’aire de Broca est plus spécifiquement liée à la
production des phrases, comme l’illustre ce fragment de discours, produit
par un patient souffrant d’une lésion à cet endroit (Pinker 1999a : 306).
Enfin, l’argument d’un organe du langage est renforcé par le fait que
l’enfant peut acquérir n’importe quelle langue parlée par les gens de son
environnement. Dans les grandes lignes, l’acquisition du langage chez
l’enfant suit les étapes suivantes. Jusqu’à douze mois, période de babil, le
bébé exerce ses articulateurs sur les sons de son entourage, et cible ainsi la
langue qui fera l’objet de l’acquisition. Dès l’âge d’un an environ, le bébé
produit des mots isolés (nounours, oui, non, bébé, maman, papa), puis à partir
de dix-huit mois, des phrases à deux mots (veux pas, veut ça, donne nou‐
nours). Au cours de la troisième année se produit une véritable explosion
grammaticale, avec l’apparition de l’ensemble des catégories grammati‐
cales présentes dans la langue maternelle, et l’acquisition de la plupart des
structures complexes comme les phrases relatives, les questions, etc. Dans
le cas du français, la catégorie la plus représentée est d’abord les noms, puis
les verbes et enfin les catégories fonctionnelles (prépositions, articles,
conjonctions, etc.). Vers l’âge de quatre ans déjà, le langage de l’enfant
s’apparente grandement à celui de l’adulte. Ces étapes sont par ailleurs
constantes, quelle que soit la langue à laquelle l’enfant est exposé.
syntaxe
phonologie sémantique
5. Je suis fatigué.
6. a. Jacques veut aller se coucher.
5. Références de base
Les deux fonctions du langage sont résumées dans l’introduction de
l’ouvrage de Reboul & Moeschler (1998a). Pinker (1999a, chapitre 1)
présente la notion d’instinct du langage. Anderson (2004) fournit une
introduction très accessible aux différents modes de communication ani‐
male. Lestel (1995) résume et discute les tentatives réalisées pour
apprendre à parler aux singes. Les différentes pathologies du langage ainsi
que les méthodes utilisées en neurosciences pour les étudier sont présentées
de manière très accessible par Cohen (2004).
• Questions de révision
1.1. Quelles sont les deux fonctions envisagées pour le langage ?
1.2. Quels sont les arguments en faveur de chacune d’elles et quels contre-
arguments peut-on y opposer ?
1.3. Qu’est-ce que la théorie de l’esprit et en quoi cette faculté est-elle utile pour
communiquer ?
1.4. La théorie de l’esprit est-elle spécifique à l’être humain ?
1.5. Pourquoi l’acquisition du langage ne peut-elle pas être expliquée par un
simple phénomène d’imitation comme le prévoit le modèle social ?
1.6. Quelles sont les principales étapes de l’acquisition du langage ?
1.7. Quelles sont les aires cérébrales impliquées dans la faculté de langage et à
quoi servent-elles ?
1.8. Citer et expliquer les critères qui permettent de distinguer la communication
humaine de la communication animale.
N
ous avons vu au chapitre 1 que la fonction du langage est fon‐
damentalement cognitive. Dans ce chapitre, nous allons nous
demander comment expliquer que le langage soit également uti‐
lisé pour la communication verbale. Nous commencerons par constater
que la communication verbale est bien souvent non littérale et expliquerons
les raisons de ce phénomène. Nous montrerons ensuite que la communi‐
cation verbale repose sur un double processus : le décodage d’un contenu
linguistique et l’enrichissement de ce contenu par des mécanismes infé‐
rentiels. Enfin, nous verrons par quels processus pragmatiques la signifi‐
cation de la phrase une fois décodée doit être enrichie pour comprendre
le vouloir dire du locuteur.
1. Communication littérale
et communication
non littérale
Le premier fait à mentionner à propos de la communication verbale est
que, la plupart du temps, les locuteurs ne communiquent pas directement
leurs intentions, mais le font de manière indirecte ou implicite. Voici
quelques exemples de communication non littérale :
Cet exemple montre que la compréhension des énoncés passe par deux
étapes : une étape linguistique, codique, et une étape pragmatique, infé‐
rentielle. Dans le cas de notre exemple, en plus de comprendre le sens des
mots utilisés par son fils (étape linguistique), Jacques doit faire des
2. Pourquoi la communication
est-elle non littérale ?
Commençons par la seconde question et imaginons que nous ne puis‐
sions communiquer que littéralement. Dans cette hypothèse, il faudrait
non seulement utiliser les mots dans leur sens propre, mais surtout expli‐
citer, à savoir rendre manifeste, l’ensemble des informations d’arrière-plan
qui permettent de comprendre l’intention du locuteur. Le dialogue (5)
pourrait prendre alors la forme (8) :
bruit
Le modèle de l’inférence
Comment concilier le fait que les langues sont des codes et que la
communication verbale comporte presque toujours une part d’implicite ?
Pour résoudre ce paradoxe apparent, il faut ajouter au modèle du code un
autre modèle de la communication, que Sperber & Wilson (1989) ont
appelé le modèle de l’inférence. Ce modèle explique comment les phrases,
dotées d’une signification donnée par le code linguistique, sont augmen‐
tées d’un sens, produit dans un contexte particulier. On peut représenter
le modèle de l’inférence de la manière suivante (voir figure 2.2).
contexte
INFÉRENCE
sens inférences énoncé
4. Signification de la phrase
et sens de l’énoncé
Nous avons à disposition, pour comprendre la communication verbale,
trois ensembles de concepts, en opposition :
– phrase vs énoncé
– signification vs sens
– système linguistique vs inférence
La dernière opposition résulte du double mode de communication,
codique et inférentiel, décrit plus haut : un code associe des messages à des
signaux, alors que l’inférence consiste à tirer des conclusions à partir de
prémisses. Par exemple, le raisonnement de Jacques en (5) peut recevoir la
forme de la déduction présentée en (10). Dans cet exemple, (10c) et (10d)
sont des conclusions tirées des prémisses (10a) et (10b).
Phrase et énoncé
Cette distinction n’est pas seulement terminologique, elle a un contenu
empirique et pratique. En effet, il existe trois différences importantes entre
phrase et énoncé.
Premièrement, certains énoncés ne sont pas des phrases : il y a des
énoncés qui correspondent à des phrases non grammaticales, mal formées,
gagnent aussi en information (ils sont plus informatifs que les énoncés
littéraux).
5. L’enrichissement
pragmatique
Il faut maintenant expliquer comment le sens d’un énoncé est enrichi
à partir du contexte et de la signification linguistique. Nous appellerons
enrichissement pragmatique le passage de la signification linguistique au sens
de l’énoncé, car le résultat obtenu, le sens, est plus riche que le point de
départ, la signification, qui est sous-spécifiée. Le sens est pragmatique,
car l’enrichissement se fait via l’usage du langage et n’est pas un processus
codique : c’est un processus inférentiel au sens du modèle de l’inférence.
Voici des exemples d’enrichissement qui sont en revanche déclenchés
par l’environnement linguistique : (i) le sujet d’un verbe intransitif comme
marcher spécifie son sens ; (ii) l’objet direct du verbe ouvrir spécifie son
sens ; (iii) le type de nom (concret, abstrait, etc.) sélectionne l’un des sens
de l’adjectif plat :
Implicatures et explicatures
L’enrichissement pragmatique ajoute de l’information à la signification
linguistique pour déterminer quatre niveaux de sens : (i) la proposition
communiquée ; (ii) la force illocutionnaire de l’énoncé ; (iii) l’attitude pro‐
positionnelle du locuteur ; (iv) les implicatures de l’énoncé.
Détermination de la proposition communiquée : la proposition com‐
muniquée, ou forme propositionnelle, correspond à l’explicature basique de
l’énoncé, qui est nécessaire à sa compréhension et correspond notamment
à la désambiguïsation et à l’attribution des référents (chapitre 12). À titre
d’exemple, l’explicature basique de l’énoncé (17) est donnée en (18).
Dans l’énoncé (19a), Pouvez-vous ouvrir la fenêtre ? est une vraie ques‐
tion, c’est-à-dire une demande d’information. En revanche, en (19b),
21. Jacques affirme que sa voiture est garée juste devant le parking de
la faculté.
sens de l’énoncé
explic implic
Le sens d’un énoncé n’est donc pas réductible à une seule information,
ni à un seul niveau : le contenu pragmatique d’un énoncé est formé de cinq
niveaux différents.
Spécification et élargissement
Quel est le niveau de compréhension le plus important ? En d’autres
termes, que faut-il au moins avoir compris pour comprendre, même par‐
tiellement, l’énoncé du locuteur ? Plus nous allons à droite dans le schéma
ci-dessus, plus nous augmentons la complexité du travail de compréhen‐
sion. L’accès aux implicatures suppose l’accès aux bonnes prémisses impli‐
citées, de même que la détermination de la bonne attitude propositionnelle
suppose que la force illocutionnaire soit correctement identifiée. On consi‐
dère généralement que c’est la forme propositionnelle qui est le niveau
de compréhension le plus important, car elle suppose la compréhension
de l’ensemble des informations communiquées explicitement par l’énoncé.
On distingue en pragmatique lexicale (Wilson 2007) principalement
deux processus d’enrichissement pragmatique, qui concernent tous les
deux la forme propositionnelle : la spécification et l’élargissement.
La spécification consiste à rendre la proposition exprimée plus spéci‐
fique, plus précise, comme les différents sens de l’adjectif froid en (23) : en
(23a) une température de 15o suffirait pour que le lac soit considéré comme
7. Références de base
Le chapitre 3 de Reboul & Moeschler (1998a) aborde de manière
simple les modèles du code et de l’inférence et le chapitre 8 traite de l’usage
non littéral du langage. Sperber (1994) aborde de manière accessible les
mécanismes qui sous-tendent la communication. La théorie de la perti‐
nence est résumée dans Wilson & Sperber (2004). Les questions de prag‐
matique lexicale sont discutées dans Wilson (2007).
• Questions de révision
2.1. Pourquoi la communication verbale ne peut-elle pas être expliquée de
manière satisfaisante par le modèle du code ?
2.2. Donner un exemple qui illustre le rôle de l’ostension dans la communication
verbale.
2.3. Donner un exemple qui illustre le rôle des inférences dans la communication
verbale.
2.4. Quels sont les critères qui permettent de définir un énoncé par opposition à
une phrase ? Donner des exemples de phrases et d’énoncés.
2.5. L’énoncé suivant peut avoir différents sens : Il est quatre heures. Donner trois
exemples de contextes qui correspondent à des sens différents et dire quelles
sont les hypothèses contextuelles utilisées dans chaque contexte.
2.6. Comment les énoncés ci-dessous doivent-ils être enrichis pour arriver à la
bonne forme propositionnelle ? (utiliser les notions de spécification et d’élargis-
sement).
– A : J’ai de la température. / B : Alors il faut beaucoup boire.
– La piqûre sera indolore.
– Est-ce que les sauveteurs travaillent toujours avec des chiens ?
– Je ne peux pas boire mon café : il est bouillant.
2.7. Donner les prémisses et les conclusions implicitées des énoncés ci-dessous :
– Jean est Suisse donc il est toujours à l’heure.
– Pierre : Voudrais-tu avoir une Rolex ? Jacques : Je déteste les montres
de luxe.
2.8. Résumer la manière dont la théorie de la pertinence explique la communi-
cation non littérale à l’aide d’un exemple.
S
i l’objet d’étude de la linguistique est le langage en tant que
faculté cognitive propre à l’espèce humaine, celui-ci se manifeste de
manière variée dans les quelque 6 000 langues actuellement parlées
dans le monde. Nous verrons dans ce chapitre que si les langues du monde
sont diverses et nombreuses, elles sont également reliées les unes aux autres,
à la fois historiquement, géographiquement et génétiquement. Ce cha‐
pitre répond à un double objectif : expliquer les causes de la diversité des
langues et illustrer les méthodes utilisées pour les regrouper en familles,
afin de comprendre à la fois leur répartition et leur différenciation. En
guise d’introduction, nous commencerons par aborder la question de l’ori‐
gine du langage.
1. Origine du langage
et évolution
En 1866, la question de l’origine du langage faisait l’objet d’un décret
de la Société de linguistique de Paris, qui interdisait toute publication sur
ce sujet, aux motifs que cette question ne pouvait donner lieu qu’à de vaines
spéculations, et non à de la science. Depuis quelques dizaines d’années, la
question de l’origine du langage a repris toute son actualité, grâce aux pro‐
grès réalisés dans de nombreuses disciplines comme la paléontologie,
l’éthologie, la primatologie et les neurosciences cognitives. Par ailleurs, le
développement des connaissances en linguistique au xxe siècle a également
permis de comprendre comment fonctionne le langage, notamment de
2. Pidgins et créoles
Il arrive encore de nos jours que des groupes d’humains créent une
nouvelle langue pour répondre à leurs besoins de communication. Ces
langues, que l’on appelle des créoles, représentent donc un témoignage
vivant des étapes par lesquelles une langue se développe. C’est pourquoi
elles constituent une source d’information essentielle pour comprendre
mangez mãʒe
il a mangé li mãʒe
je mange mo ka mãʒe
je mangeais mo te ka mãʒe
je mangerai mo ke mãʒe
Tableau 3.2.
Je ne suis pas d’accord avec toi. Toi avec d’accord pas suis ne je.
Veux-tu venir manger à la maison ce soir ? Soir ce maison la à manger venir tu veux ?
J maẽ français mẽ
L te japonais te
Tableau 3.4.
Nombre Nombre
Familles
de langues de locuteurs
Figure 3.1.
Le tableau 3.5 recense les douze langues les plus parlées au monde.
Il est évident que les langues ne sont pas égales du point de vue de leur
nombre de locuteurs natifs. On constate également de grandes différences
dans le nombre de locuteurs qui les parlent comme langue de communi‐
cation. De ce point de vue, l’anglais domine, devant le chinois et le hindi.
L’espagnol, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ne s’est pas encore
développé comme langue de communication, au contraire du français, qui
reste sur un ratio identique à l’anglais (87 % de locuteurs non natifs contre
85 % pour l’anglais).
En conclusion, on assiste actuellement à un phénomène d’émiettement
linguistique, avec quelques langues parlées par beaucoup de locuteurs et
un très grand nombre de langues parlées par très peu de locuteurs. Ce
phénomène n’est pas étranger à un problème que l’on commence à bien
étudier et comprendre : celui des langues en danger.
Nombre
Nombre de locuteurs
de locuteurs Total
de langue
Langue de langue des locuteurs
de communication
maternelle (en millions)
(en millions)
(en millions)
indonésien,
80 130 210
malien
français 80 70 150
allemand 90 10 100
Sous-
Familles Langues
familles
romanche
grecque grec
albanaise albanais
anatolienne anatolien
6. Références de base
Comrie et al. (2008) fournit un état des lieux concis et actuel de la
situation des langues parlées dans le monde. Le site internet www.ethno‐
logue . com contient également de nombreuses données et statistiques
récentes à ce sujet. L’encyclopédie dirigée par Crystal (2010) reste aussi
une référence incontournable sur cette question. Ruhlen (1997) est une
introduction très accessible à la méthode comparatiste de classement des
langues en familles. Enfin, la dissémination de la famille indo-européenne
est présentée dans Renfrew (1990).
• Questions de révision
3.1. Pourquoi la question de l’évolution du langage est-elle si controversée ?
3.2. Quels types de preuves peut-on avancer pour étayer des hypothèses dans
ce domaine ?
3.3. Quelles sont les caractéristiques des pidgins et des créoles ?
3.4. Pourquoi l’étude des créoles nous renseigne-t-elle sur la question de l’évo-
lution du langage ?
L
e français fait partie de la famille des langues indo-
européennes, et plus spécifiquement d’un sous-groupe de cette
famille appelé les langues romanes ou langues latines, qui par‐
tagent la propriété de descendre d’une même langue mère : le latin. Dans
ce chapitre, nous verrons comment le français se situe parmi les langues
romanes. Nous proposerons ensuite un bref aperçu de l’histoire de cette
langue, au travers des événements historiques marquants qui ont influencé
son évolution. Enfin, nous verrons que le français est parlé dans de nom‐
breux autres pays que la France, et explorerons les contours du monde
francophone.
1. On parle ici de voyelles phonologiques et non pas de lettres de l’alphabet. Voir le chapitre 6 pour une explication
détaillée des notions de voyelle et de consonne en phonologie.
2. Quelques éléments
de l’histoire de France
et du français
Avant l’arrivée du latin
Afin de pouvoir identifier la langue parlée par une ancienne population,
il faut disposer de traces écrites de cette langue. Or, il ne nous est parvenu
presque aucun témoignage des langues parlées en France jusqu’à l’arrivée
des tribus dites indo-européennes. C’est pourquoi, même si l’on a la cer‐
titude que le territoire correspondant à la France actuelle était peuplé bien
avant l’arrivée des Indo-Européens, on ne possède que très peu d’indica‐
tions sur les langues parlées par ces populations. Au mieux, on a pu iden‐
tifier quelques racines de mots correspondant à des noms de lieux
(toponymes), dont on sait qu’ils ne sont pas reliés à la famille indo-
européenne, car on les retrouve dans d’autres langues extérieures à ce
groupe. Seule exception notable au manque de données linguistiques
remontant à cette époque : le basque, qui perpétue aujourd’hui encore la
langue des Aquitains. Cette langue ne fait pas partie du groupe des langues
indo-européennes, et ne peut d’ailleurs (fait rarissime) être rattachée avec
certitude à aucune langue ou famille de langues du monde.
Vers – 250, une tribu de langue indo-européenne, les Celtes, a envahi
la France par l’Est. Cette tribu parlait le gaulois, une langue qui n’a eu que
très peu d’influence sur le français actuel. En fait, on ne sait que très peu
La latinisation de la Gaule
La situation a ensuite changé radicalement en Gaule avec la conquête
romaine, commencée vers – 120 dans la région appelée la Narbonnaise
(qui englobait la Provence, le Languedoc et le Dauphiné). Vers l’an – 50,
l’ensemble de la Gaule est passée en main romaine. Suite à cette invasion,
les Gaulois ont progressivement choisi d’abandonner leur langue pour le
latin, qui était la langue de l’administration et du commerce. Cette lati‐
nisation ne s’est toutefois pas faite rapidement ni de manière uniforme.
Dans un premier temps, le latin a surtout été pratiqué par les notables et
les marchands dans les régions urbaines. À la campagne, l’abandon du
gaulois a été nettement plus graduel, jusqu’au ve siècle. L’influence du latin
n’a pas non plus été la même sur l’ensemble du territoire gaulois. En effet,
l’invasion romaine s’est faite par le Sud et dans ces régions, la latinisation
a été à la fois profonde et durable. En revanche, l’influence romaine a été
nettement plus faible dans les régions du Nord.
À la chute de l’empire romain d’Occident en 476, diverses tribus bar‐
bares ont envahi la France : les Francs au Nord, les Burgondes puis les
Huns au centre-Est et les Wisigoths au Sud. D’un point de vue linguis‐
tique, cette division est à l’origine des différences dialectales observées
entre les langues d’oïl d’où le français est issu (au Nord), les langues d’oc
(au Sud) et les dialectes franco-provençaux (au centre-Est)1. Ces invasions
barbares ont ainsi contribué à diversifier linguistiquement le territoire. Si
le latin est malgré tout resté la langue principale de la Gaule, c’est à cause
1. Les mots oïl et oc veulent tous deux dire oui. On sépare ainsi les familles de langues selon le mot utilisé pour
dire oui : oïl au Nord et oc au Sud.
L’affirmation du français
Dès le xive siècle, la demande de connaissances rédigées en français est
devenue toujours plus importante. En témoigne notamment la politique
de traduction systématique des grandes œuvres mise en place par
Charles V.
Au xvie siècle, l’utilisation du français comme langue de culture et de
transmission de connaissances s’est intensifiée. François Ier a créé en 1530
une institution concurrente à la Sorbonne, le Collège des trois langues (grec,
hébreu, latin), actuel Collège de France, où les cours étaient donnés en
français. En 1530, la première grammaire française a été écrite en anglais
par Palgrave. Le français commençait également à être utilisé dans des
ouvrages scientifiques : Ambroise Paré a publié tous ses ouvrages de méde‐
cine en français, langue également choisie par Nostradamus pour ses Pro‐
phéties.
D’un point de vue de politique linguistique, l’événement le plus impor‐
tant de cette époque est l’ordonnance de Villers-Cotterêts, prise en 1539
3. Quelques témoignages
de la naissance du français
Il ne nous reste que très peu d’écrits de la période de transition entre le
latin et le très ancien français, aussi appelé le roman. Voici quelques-uns
des tout premiers textes qui nous sont parvenus.
Les Serments de Strasbourg (842) : ce texte est souvent considéré
comme le premier monument de la langue française. Il contient le premier
texte écrit en roman, et scelle une alliance entre deux petits-fils de
4. Français et francophonie
En plus de la France, le français est une langue officielle dans 32 autres
pays partout dans le monde. En Europe, le français est notamment parlé
en Belgique (40 % de francophones) et en Suisse (20 % de francophones),
5. Références de base
L’histoire du français est racontée de manière très concise et accessible
dans Walter (1988) et Rey (2008). Perret (2008) est une introduction
didactique, qui comporte également une analyse linguistique des processus
qui ont marqué l’évolution de la langue. Walter (1998) offre une présen‐
tation synthétique des différentes variétés de français parlées dans le
monde. Enfin, toutes les informations concernant l’Organisation de la
francophonie se trouvent sur le site internet :
www.francophonie.org.
• Questions de révision
4.1. À quel sous-groupe de la famille des langues indo-européennes appartient
le français ?
4.2. Peut-on situer le français encore plus précisément à l’intérieur de ce groupe ?
Sur la base de quels critères a-t-on établi cette distinction ?
4.3. Quelles sont les raisons historiques pour lesquelles le français s’est diffé-
rencié des autres langues du groupe ?
4.4. Comment l’influence du germanique est-elle reflétée dans le français actuel ?
4.5. Quel est le premier texte qui a été écrit en français et de quand date-t-il ?
4.6. Quel est l’intérêt actuel des écrits en très ancien français pour les linguistes ?
4.7. Qu’est-ce que l’ordonnance de Villers-Cotterêts et de quand date-t-elle ?
4.8. À partir de quelle époque le français a-t-il été normalisé et par qui ?
4.9. Comment peut-on définir la notion de francophonie ?
D
ans ce chapitre, nous allons parcourir l’évolution de la lin‐
guistique au xxe siècle au travers de ses deux représentants les
plus éminents : le linguiste genevois Ferdinand de Saussure et le
linguiste américain Noam Chomsky. Nous verrons plus spécifiquement
comment Saussure a jeté les bases de la linguistique moderne en proposant
une nouvelle méthode de travail fondée sur une série de dichotomies et
comment Chomsky a contribué à faire passer la linguistique du domaine
des humanités à celui des sciences cognitives.
La méthode de Saussure
Saussure a été le premier à utiliser une méthode permettant de définir
un objet d’étude précis pour la linguistique, en opérant par distinctions (ou
dichotomies) et en éliminant à chaque fois l’une des branches de l’alternative.
Son approche est de ce point de vue réductionniste, et constitue l’un des
fondements de la méthode scientifique. Dans cette section et les suivantes,
nous allons passer en revue les principales dichotomies proposées par
Saussure, ce qui nous permettra d’aboutir à une vision générale de l’objet
de la linguistique, tel qu’il la percevait au début du xxe siècle.
La première distinction fondamentale opérée par Saussure a consisté à
séparer l’objet d’étude de la linguistique de sa matière. En effet, toute
forme de production langagière, par exemple un discours ou un texte,
pourrait a priori constituer un objet d’étude possible pour le linguiste. Selon
Saussure, l’objet d’étude de la linguistique ne peut toutefois pas inclure
Langue et parole
Saussure a proposé de diviser le langage en deux entités distinctes : la
langue et la parole. La parole peut être définie comme l’action individuelle
d’un locuteur qui utilise le langage pour parler ou rédiger un texte. La
parole correspond donc à des productions concrètes de langage. De par ce
fait, elle est également variable (notamment d’un individu à l’autre) et reste
imprévisible.
1. Le système de représentation formelle des sons utilisé ici est introduit au chapitre 6.
En résumé
Selon Saussure, la linguistique doit distinguer son objet de sa matière.
La linguistique de la langue prime sur la linguistique de la parole et la
2. Chomsky et la grammaire
générative
Un nouveau programme pour la linguistique
Dans les années cinquante, Noam Chomsky (1928- ), un jeune lin‐
guiste du Massachusetts Institute of Technology (MIT) à Boston, révo‐
lutionne la linguistique en proposant un nouveau programme de recherche.
Aux États-Unis, le paradigme dominant en linguistique à cette époque
était la grammaire distributionnelle, un courant qui envisageait la gram‐
maire des langues par l’élaboration de listes, issues de données de produc‐
tion réelles par des locuteurs (des corpus). À cette conception empiriste
de la linguistique, Chomsky oppose le modèle rationaliste de la gram‐
maire générative. Dans cette approche, l’objectif de la linguistique est de
caractériser le savoir linguistique des locuteurs adultes, ce que Chomsky
nomme leur langue interne. Chomsky a par ailleurs bousculé la vision
dominante de son époque en proposant que toutes les langues du monde,
bien que différentes en apparence, sont fondamentalement similaires
quant à leurs mécanismes profonds, et reflètent une grammaire univer‐
selle, faculté biologique et spécifique à l’espèce humaine.
Chomsky a également eu une influence déterminante sur la psycho‐
logie, par sa conception de la manière dont les enfants acquièrent le lan‐
gage. Au milieu du xxe siècle, le courant dominant en psychologie était le
comportementalisme (aussi appelé béhaviorisme), qui consistait à expli‐
quer des phénomènes d’apprentissage uniquement par les comportements
observables (externes) des sujets, en interdisant toute spéculation sur leurs
La langue interne peut donc être étudiée, par le biais des jugements de
grammaticalité, au niveau de chaque locuteur. Ce concept s’oppose à
celui de langue externe, qui caractérise la langue en tant qu’entité partagée
par une communauté linguistique, par exemple le français ou l’espagnol.
Dans sa conception externe, la langue n’est pas une réalité psychologique
ou neurologique individuelle, mais une entité historique, politique et
sociologique. Elle ne peut donc pas faire l’objet d’une analyse linguistique
dans la conception cognitive défendue par Chomsky.
3. Références de base
Pour une introduction à l’œuvre de Saussure, on lira nécessairement
Saussure (1955), ainsi que Saussure (2002) pour une mise en regard de la
version établie du Cours avec les notes de l’auteur. La linguistique saussu‐
rienne est également abordée par Gadet (1987) et Amacker (1975). Une
introduction très accessible à la notion de faculté de langage telle que
l’entend Chomsky se trouve dans le chapitre 4 de Pinker (1999a). Le début
de la linguistique en tant que science cognitive est résumé par Gardner
(1993, chapitre 3). Enfin, Smith (1999, chapitres 1 et 2), offre une vision
globale et accessible des différents thèmes linguistiques et cognitifs abor‐
dés par Chomsky.
Les domaines
de la linguistique
française
Chapitre 6
Phonétique
et phonologie
du français
D
ans la seconde partie de cet ouvrage, nous allons nous inté‐
resser successivement aux différents niveaux d’analyse du lan‐
gage que sont notamment les sons, les mots et les phrases. En
guise d’introduction, nous commencerons par montrer dans ce cha‐
pitre comment ces différents niveaux d’analyse sont définis par les lin‐
guistes et dans quelles disciplines ils sont étudiés. Le reste du chapitre sera
consacré à la plus petite des unités d’analyse du langage, le phonème, objet
d’étude de la phonologie.
1. Max mange.
Tout comme les mots, les phrases ne sont pas des unités minimales
d’analyse, car elles sont constituées d’autres éléments qui entretiennent un
rapport particulier entre eux. Par exemple, en (2), les éléments la sœur de
Jeanne forment une unité de sens au sein de la phrase. On le constate
notamment par le fait qu’il est possible de remplacer toute cette unité par
le pronom elle comme en (4) ou d’en faire le sujet d’une question comme
en (5).
Tableau 6.1.
Exemples [a] [e] [u] rapide maison mon ami Max est fort.
[f] [b] [g] dé-fais-able chemin de fer aime Jean croit que
les fleurs Max est fort.
6. Le chat mange.
1. L’ensemble des symboles phonétiques utilisés pour représenter les sons du français sont reproduits, avec des
exemples, dans les sections sur les voyelles et les consonnes du français ci-dessous.
3. Éléments de phonétique
articulatoire
Consonnes, voyelles et semi-voyelles
Du point de vue de l’articulation, les consonnes sont des sons carac‐
térisés par la présence d’un obstacle partiel ou total au passage de l’air. Une
première distinction entre les consonnes peut être établie en fonction de
la manière dont l’air est retenu (ce critère est aussi appelé le mode d’arti‐
culation). Lorsque l’obstruction de l’air est totale, on parle de consonnes
occlusives. C’est le cas par exemple de la prononciation du son [p] dans
le mot parler, où le passage de l’air est totalement bloqué par les lèvres,
avant d’être relâché brusquement. Lorsque l’obstruction de l’air n’est que
partielle, on parle de consonnes constrictives, comme dans la prononcia‐
tion du son [f ] de frère, où l’air n’est que partiellement retenu par les lèvres.
C’est pour cette raison qu’il est possible de tenir la prononciation d’une
consonne constrictive pendant longtemps alors qu’une consonne occlusive
ne peut pas être tenue.
Voyelles palatales
Voyelles vélaires (postérieures)
(antérieures)
[u] nous,
orales fermées [i] nid, vie [y] mur, jus
loup
nasales [ɛ]̃ brin, gain [ɶ̃] un, brun [ã] banc, gant [ɔ]̃ bond, don
[j] abeille,
semi-voyelles [ɥ] lui, huit [w] oui, loi
lien
la retrouve par exemple dans le mot petite, où le e final n’est pas prononcé
par de nombreux locuteurs. De même, le fait de dire f(e)nêtr(e) en pro‐
nonçant les e ou non ne change pas la signification de ce mot. Lorsqu’il
est prononcé, le schwa est un son central : mi-ouvert et mi-fermé, mi-
antérieur et mi-postérieur et même mi-labialisé. Son rôle consiste princi‐
palement à faciliter la prononciation en évitant la succession de certaines
consonnes. C’est pourquoi, il est généralement prononcé dans le mot
contrebasse, afin d’éviter la succession difficile des trois consonnes [t], [ʀ]
et [b].
Lieu d’articulation
[l] loup,
latérale
large
[ʀ] raie,
vibrante
rang
4. Éléments de phonologie
La notion de phonème
Jusqu’à présent, nous nous sommes intéressés aux sons, entités
concrètes, objets d’étude de la phonétique. La phonologie s’intéresse quant
à elle aux phonèmes. Un phonème peut être défini comme la plus petite
unité discrète qui permet d’isoler des éléments de la chaîne parlée. En
d’autres termes, seuls les sons qui produisent des différences de significa‐
tion dans un mot, également appelées différences fonctionnelles, sont
considérés comme des phonèmes. Ainsi, tous les phonèmes sont des sons,
mais tous les sons ne sont pas des phonèmes dans une langue donnée. Afin
5. Enchaînement et liaison
En plus de l’unité minimale qu’est le phonème, la phonologie s’inté‐
resse également à d’autres unités de l’oral. À un niveau supérieur au pho‐
nème, on trouve notamment la syllabe, dont nous avons déjà parlé. À un
niveau encore plus global, la phonologie s’intéresse également au contour
mélodique des phrases, et notamment à leur intonation et leur prosodie.
L’ensemble des études qui portent sur des unités supérieures au phonème
entrent dans le domaine de la phonologie suprasegmentale. À titre
d’exemple, nous allons nous intéresser dans cette section à deux phéno‐
mènes suprasegmentaux qui ont une grande importance en français :
l’enchaînement et la liaison.
• Questions de révision
6.1. Donner quelques exemples de chaque niveau d’analyse linguistique à partir
du texte ci-dessous :
Jean pense que le chien de la voisine est monstrueux. Le facteur m’a d’ailleurs
dit qu’il l’avait méchamment mordu à la cheville la semaine dernière.
6.2. Dire à quel(s) domaine(s) d’étude de la linguistique chaque unité identifiée ci-
dessus correspond traditionnellement.
6.3. Qu’est-ce qu’un phonème par opposition à un son ? Donner trois exemples
de phonèmes du français.
6.4. Quelles sont les réalisations graphiques possibles du son [ɛ] en français ?
6.5. Expliquer les notions de trait pertinent et de différence fonctionnelle. Donner
des exemples.
6.6. Quelle est la définition de la consonne, de la voyelle et de la semi-voyelle ?
6.7. À quoi sert la méthode des paires minimales ? Donner un exemple pour la
paire de voyelles orales mi-fermées et mi-ouvertes.
6.8. Quels sont les enchaînements ou les liaisons contenus dans les phrases ci-
dessous ?
– J’ai reçu une boîte à musique.
– J’ai eu un rhume.
– J’ai deux enfants.
– J’ai fort à faire.
L
a morphologie étudie les procédés de formation des mots.
L’unité d’analyse de la morphologie est le morphème, notion que
nous allons définir en ouverture de ce chapitre. Nous verrons
ensuite par quels procédés morphologiques de nouveaux mots sont créés
en français. Nous terminerons en montrant que la morphologie fait inter‐
venir, au même titre que la syntaxe, la faculté humaine de langage.
1. La notion de morphème
Un morphème peut être défini comme la plus petite unité linguistique
qui possède à la fois une forme et une signification. En effet, le phonème
(voir chapitre 6), unité de rang inférieur au morphème, est un son qui ne
porte pas de signification. Un morphème possède quant à lui toujours une
signification, même s’il ne peut pas toujours former un mot à lui tout seul.
Prenons le mot impensable. Ce mot contient trois morphèmes : im – pens –
able (nous verrons comment faire cette division à la section suivante). Bien
qu’aucun de ces morphèmes ne puisse à lui tout seul former un mot, chacun
d’eux possède un sens qui lui est propre. Le préfixe im- marque la négation,
la racine verbale pens- vient du verbe penser et le suffixe -able signifie « que
l’on peut ». Mis ensemble, ces morphèmes forment le mot impensable, qui
signifie par addition des significations « que l’on ne peut pas penser ». Cet
exemple montre que la morphologie est compositionnelle, c’est-à-dire
qu’au moment de leur formation, le sens des mots construits morpholo‐
giquement est égal au sens des éléments qui le composent. Toutefois, la
signification globale d’un mot évolue au gré de l’usage et bien souvent cette
Types de morphèmes
Il faut tout d’abord distinguer les morphèmes libres des morphèmes
liés (on parle parfois aussi de morphèmes autonomes et non
La dérivation
L’un des processus les plus courants pour créer un nouveau mot en
français est de lui ajouter un élément au début ou à la fin, que l’on appelle
un affixe. Plus spécifiquement, on parle de préfixe lorsque l’élément est
ajouté au début du mot et de suffixe lorsque l’élément est ajouté à la fin.
La spécificité des préfixes de dérivation est qu’ils ajoutent un élément
de sens au mot mais ne changent la plupart du temps pas sa catégorie
grammaticale. Par exemple, à partir du verbe faire, on peut créer défaire
par l’ajout du préfixe de privation dé-. Attention, dans certains cas, les
préfixes peuvent être des homophones (c’est-à-dire partager les mêmes
La composition
Un autre processus morphologique très fréquent en français consiste à
mettre ensemble deux ou plusieurs mots existants, ce qu’on appelle la
composition. Ce processus se distingue de la dérivation principalement
par le fait que tous les mots qui interviennent dans la composition ont une
existence autonome. Par exemple, alors que l’on crée par dérivation asocial
4. Morphologie et faculté
de langage
Morphologie et lexique
En exploitant les procédés morphologiques de leur langue, les locuteurs
peuvent à tout moment créer un nouveau mot. Par le recours aux mêmes
principes, d’autres locuteurs de cette langue peuvent comprendre le sens
de ces nouveaux mots même s’ils ne les ont jamais entendus auparavant.
Ainsi, par exemple, en connaissant le sens du mot nouveau courriel pour
désigner la messagerie électronique, il est possible de comprendre le sens
du verbe courrieliser dans la phrase je te courrielise cette information. C’est
pour cette raison que les procédés morphologiques permettent un usage
créatif du langage par l’utilisation de règles, au même titre que la syntaxe.
Dans un cas, on crée des mots nouveaux en suivant les règles de combi‐
naison de morphèmes, dans l’autre, on crée des phrases nouvelles à partir
des règles de combinaison de mots. Toutefois, l’usage des règles de
5. Références de base
Les processus de formation des mots en français sont décrits par Leh‐
man & Martin-Berthet (1998, chapitres 6 à 9), ainsi que par Mortureux
• Questions de révision
7.1. Chercher les allomorphes des verbes suivants : pouvoir/payer. S’agit-il de
variantes conditionnées ou libres ?
7.2. Faire une décomposition en morphèmes des mots : rechargeables, intrigante,
antilope.
7.3. Qu’est-ce qu’un affixe ?
7.4. Quelles sont les caractéristiques des suffixes flexionnels ? Donner trois
exemples de suffixes flexionnels du français.
7.5. Comment peut-on former un mot par dérivation ?
7.6. Quelles sont les caractéristiques formelles qui permettent de reconnaître un
mot composé par opposition à un mot construit par dérivation ?
7.7. Qu’est-ce qui différencie les mots composés des autres syntagmes ?
7.8. Comment peut-on adapter le test du wug pour le rendre utilisable en français ?
D
ans la première partie de ce chapitre, nous nous intéresse‐
rons aux différents points de vue sur la langue proposés par les
grammaires prescriptives et la syntaxe. Nous aborderons égale‐
ment le purisme, en expliquant en quoi il ne constitue pas un point de vue
scientifique sur la langue. La seconde partie de ce chapitre est consacrée à
la présentation des catégories syntaxiques de rang inférieur à la phrase.
Nous aborderons notamment la question des catégories grammaticales,
appelées traditionnellement les parties du discours. Nous montrerons éga‐
lement que les fonctions grammaticales ne sont pas des constituants pri‐
mitifs de la syntaxe, mais qu’elles s’expriment à partir des catégories
grammaticales. Enfin, nous expliquerons comment certains mots au sein
d’une phrase sont regroupés syntaxiquement en une unité d’analyse que
nous appellerons le syntagme.
1. Grammaire et syntaxe
À un niveau général, la grammaire se définit comme un ensemble de
règles, conventions et normes, ainsi que leurs exceptions, caractérisant un
certain état de langue. Les règles de grammaire portent sur une version
standard de la langue écrite. Par exemple, les règles de formation du pluriel
des noms en -s ou en -x en français ne sont pas pertinentes à l’oral. Par
ailleurs, les normes sur lesquelles sont fondées les grammaires sont souvent
prises dans la littérature plutôt que dans l’usage courant. La syntaxe d’une
langue correspond quant à elle à l’ensemble des règles qui décrivent les
connaissances que les locuteurs ont de leur langue, ce que nous avons
2. Les puristes
Contrairement aux grammairiens, la position puriste est plus un réflexe
qu’une position raisonnée. Elle est principalement basée sur la présuppo‐
sition, erronée, que le français est une langue menacée, tant de l’intérieur
par des usages fautifs, que de l’extérieur par l’influence de langues péri‐
phériques au français comme l’allemand ou par des langues dominantes
mondialement comme l’anglais. Les explications des usages fautifs don‐
nées par les puristes sont principalement basées sur le recours à l’étymo‐
logie, c’est-à-dire à l’origine du sens des mots, à la grammaire,
principalement la valence des verbes, et au génie de la langue française.
L’exemple type d’usage erroné, basé sur l’étymologie, est l’adjectif
achalandé, qui vient du nom chaland (client), utilisé pour signifier « avec
beaucoup de marchandises » alors qu’il devrait signifier « avec beaucoup
de clients ». Or la relation entre client et marchandises est compréhensible
par métonymie (cf. chapitre 13), car les clients sont ceux qui achètent des
marchandises.
Les erreurs grammaticales condamnées par les puristes sont en général
liées à la valence des verbes, à savoir le nombre de leurs compléments
3. La syntaxe
Il reste donc une troisième approche de la grammaire des langues, celle
du linguiste, qui propose une démarche à la fois descriptive et explicative.
Le linguiste n’est en effet ni un prescripteur comme le grammairien, ni un
législateur de la langue comme le puriste. Son travail consiste à décrire des
faits de langue et à les expliquer à l’aide d’une théorie. Dans le cadre de la
syntaxe, ce qu’il faut décrire et expliquer est essentiellement notre capacité
à distinguer des phrases grammaticales de phrases agrammaticales (notées
*), ainsi que les phrases sémantiquement interprétables des phrases inin‐
terprétables (notées #). L’hypothèse est que c’est la compétence des locu‐
teurs du français qui leur permet de produire ces jugements, qui ne sont
par ailleurs que peu soumis à variation. Prenons l’exemple des phrases
Alors que (4b-c) sont acceptables mais d’un registre moins soutenu que
(4a et d), la grammaticalité de (5c) est douteuse et (5d) est clairement
agrammatical. Ces différences montrent que la syntaxe du français utilise
deux règles différentes pour former les phrases interrogatives, selon la
nature du sujet. De plus, la copie pronominale du sujet (l’inversion com‐
plexe) n’est possible qu’avec un sujet plein (4d vs 5d). Il s’agit là d’une règle
syntaxique, qui contribue à expliquer la formation des phrases interroga‐
tives en français.
Grâce à leur langue interne, les locuteurs d’une langue peuvent non
seulement distinguer les phrases grammaticales et agrammaticales, mais
aussi les phrases interprétables et ininterprétables. Les exemples en (6)
montrent que ces deux critères sont en outre indépendants. Alors que (6a)
et (6b) sont toutes les deux des phrases grammaticales, seule (6a) est inter‐
prétable. En revanche, (6c) est agrammaticale mais tout de même inter‐
prétable, et (6d) n’est ni grammaticale ni interprétable.
6. a. Quand vient-il ?
b. # D’incolores idées vertes dorment furieusement.
c. *Quand il viendra-t-il ?
d. *Incolores dorment idées de furieusement vertes.
4. Mots et catégories
grammaticales
D’un point de vue grammatical, les mots se répartissent en différentes
catégories, traditionnellement appelées parties du discours, que sont les
noms, les verbes, les adjectifs, les conjonctions, les prépositions, etc.
L’appartenance d’un mot à une catégorie grammaticale donnée détermine
la manière dont il peut fonctionner dans une phrase. Par exemple, seul un
nom peut en remplacer un autre dans les phrases (7) ci-dessous, comme
le montre l’agrammaticalité des phrases listées en (8).
Un autre problème vient du fait que les mots peuvent parfois changer
de catégorie comme dans les phrases (10) ci-dessous, où marron a alter‐
nativement le rôle de nom (10a) et d’adjectif (10b).
5. La notion de syntagme
Dans une phrase, les mots ne sont pas simplement alignés les uns après
les autres. Au contraire, certains groupes de mots fonctionnent comme
une sous-unité de la phrase. Par exemple, en (30), les éléments la sœur de
Pierre ou encore à la campagne fonctionnent comme des unités gramma‐
ticales et de sens. À un niveau plus local, la sœur ou la campagne forment
aussi des unités, alors que sœur de ou à la n’en sont pas.
Ainsi, le nom chien est la tête de ce syntagme, auquel il donne son nom de
syntagme nominal. Une autre spécificité de la tête est d’être toujours
constituée d’un seul mot plutôt que d’un syntagme, au contraire du com‐
plément.
Le complément est optionnel au sein du syntagme (par exemple les
verbes intransitifs n’en ont pas). En revanche, un syntagme ne peut com‐
prendre qu’un seul complément. On appelle les autres éléments (non limi‐
tés) qui entrent dans la structure d’un syntagme des ajouts. Par exemple,
en (31), le syntagme nominal un os occupe le rôle de complément du syn‐
tagme verbal alors que les syntagmes prépositionnels qui suivent (avec
appétit, depuis 10 minutes et devant la maison) sont des ajouts.
6. Références de base
Pinker (1999a, chapitre 2) discute des différences entre règles syn‐
taxiques et normes grammaticales. Pour un point de vue grammatical sur
la langue, Grevisse (1980) reste une référence. Riegel, Pellat & Rioul (1994)
offre également une description systématique et très abordable des diffé‐
rentes catégories grammaticales et syntagmatiques du français. Enfin,
Leeman-Bouix (1994) discute de la notion de faute de français en com‐
parant les points de vue des puristes, grammairiens et linguistes.
• Questions de révision
8.1. Pourquoi les puristes condamnent-ils les usages suivants : des dégâts
conséquents, débuter quelque chose, un faux prétexte, indifférer, avoir une
opportunité ?
8.2. Les phrases suivantes sont-elles grammaticales et/ou interprétables ?
– Marie promène chien de elle.
– Les flots incandescents rêvent du nuage.
8.3. Qu’est-ce qu’une catégorie grammaticale ? Donner des exemples d’éléments
appartenant aux catégories lexicale, non lexicale et syntagmatique.
8.4. La classification des éléments en catégories est-elle suffisante pour éviter
de produire des phrases agrammaticales ? Pourquoi ?
8.5. Indiquer les catégories grammaticales, les fonctions grammaticales et les
fonctions sémantiques des éléments entre crochets. Que peut-on conclure des
résultats obtenus ?
– [Jean] mange [la pomme].
– [La pomme] est mangée par [Jean].
– [La perceuse] a traversé [le mur].
– [Les retraités] touchent [une rente].
– [Manger] est vital.
8.6. Donner deux exemples de computations syntaxiques.
8.7. Expliquer au moyen des tests pour l’identification des syntagmes que les
élements entre crochets forment une unité en (1) mais pas en (2).
– Max [mange une pomme].
– [Max mange] une pomme.
N
ous avons vu au chapitre 8 comment les mots sont regroupés
en structures que nous avons appelé des syntagmes. Dans ce
chapitre, nous nous intéresserons à la structure syntaxique des
phrases simples et complexes en français. Nous allons dans un premier
temps indiquer en quoi consiste une structure syntaxique, avant de donner
les principes d’organisation de différentes formes de phrases simples et
complexes, en expliquant pourquoi les structures syntaxiques des phrases
sont hiérarchiques et dominées par des projections fonctionnelles comme
les marques de temps et les déterminants plutôt que lexicales comme les
verbes ou les noms.
1. Règles et normes
La syntaxe d’une langue comme le français est organisée par un certain
nombre de règles. Certaines de ces règles lui sont spécifiques, comme par
exemple la règle d’inversion du clitique sujet dont nous avons parlé au
chapitre 8, alors que d’autres comme celle qui dicte l’ordre entre le déter‐
minant et le nom au sein du syntagme nominal (le chien, ta montre, etc.)
sont générales et partagées par toutes les langues qui sont structurées dans
l’ordre sujet-verbe-objet (SVO), comme par exemple l’anglais, le chinois
et le russe. Pour des raisons dont nous allons discuter plus bas, ces langues
sont appelées des langues à têtes initiales. Les langues qui structurent le
Cet exemple montre que les règles syntaxiques sont abstraites et com‐
plexes, et font intervenir des relations de mouvement qui ne sont pas
immédiatement visibles si on ne considère que l’ordre des mots d’une
phrase donnée sans envisager sa relation à une structure profonde. Afin
d’illustrer les structures principales des phrases, nous allons commencer
par examiner sur quels domaines linguistiques elles opèrent.
2. Structure hiérarchique
L’hypothèse principale de la syntaxe est que les phrases ont une orga‐
nisation hiérarchique : elles sont formées de constituants qui sont
5. Sophie m’a dit [que Paul croit [que Marie aime Jean]].
6. J’ai vu [la fille [de la sœur [de mon collègue]]].
son cadeau
4/ 47
D N V 4/
D N
syntagme
spécifieur
tête complément
XP
YP X’
X ZP
le livre de mon fils
veut manger une glace
51
/1 (sujet) 5’
5 (flexion) 71
V /1 (objet)
51
/1 "VY1
Aux 71
V /1
Marc a embrassé Julie.
51
/1 5’
T 71
V /1
Marc -e <embrass-> Julie.
5P
/1 5P
5 /1
Adv /1
V /1
Marc embrass+e souvent <embrass-> Julie.
Le syntagme déterminant
Jusqu’à présent, nous avons décrit les arguments des verbes (sujets,
objets) comme des syntagmes nominaux, dont la tête est lexicale. On peut
se demander si cette vision des choses est correcte, car nous pouvons uti‐
liser le même argument que celui utilisé pour la phrase. Les syntagmes
nominaux sont introduits par des déterminants, qui sont comme les suf‐
fixes de flexion et les auxiliaires des morphèmes grammaticaux, apparte‐
nant à la classe des catégories non lexicales. Par ailleurs, certains
déterminants sont le résultat d’un processus d’incorporation : en français,
le déterminant s’incorpore à la préposition, lorsque le nom est masculin.
Ce phénomène est illustré par les syntagmes en (14). Il ne s’applique pas
au féminin singulier, mais aussi au féminin pluriel, comme l’illustre (15).
DP
D /1
le garçon
PP
P DP
D /1
à le garçon
La notion de complémenteur
et la phrase complexe
La syntaxe a pour propriété fondamentale d’être récursive, c’est-à-dire
de permettre l’enchâssement d’une catégorie dans une même catégorie.
C’est le cas par exemple des syntagmes nominaux (NP) comme en (16)
mais également de phrases (S) entières comme en (17). C’est notamment
grâce à cette propriété que le langage humain permet d’exprimer un
nombre infini de significations et de représenter des paroles et des pensées
d’autrui. En (17), le locuteur enchâsse la croyance de Paul (que la fille que
son interlocuteur a rencontrée est norvégienne) dans la représentation de
ce qu’il sait :
Les phrases qui enchâssent d’autres phrases sont appelées des phrases
complexes. Cette catégorie inclut les phrases complétives (18), les phrases
interrogatives indirectes (19), les phrases interrogatives (20) et les phrases
relatives (21).
CP
SpecCP C’
que C 5P
mange NP 5’
Paul 5 VP
<mang+e> v NP
<mang-> <que>
Les mots interrogatifs et les pronoms relatifs ont des fonctions diffé‐
rentes, mais la plupart ont des formes identiques. Il y a cependant une
différence formelle importante, spécifique au français : la différence entre
qui et que est une différence de trait sémantique pour les interrogatives
(qui est [+humain], que est [-humain]), alors que l’opposition qui/que dans
les relatives est fonctionnelle (qui est sujet, qu’il soit animé ou inanimé,
que est objet, animé ou inanimé).
Dans certaines variétés du français, comme le québécois, le complé‐
menteur que est compatible avec le pronom relatif, comme illustré en (32)
(Puskas 2013) :
32. Il connaît les gens [CP [SpecCP à qui] [C que] [TP tu parles <à
qui>]].
DP
D NP
N CP
CP
DP 5P
D NP 5 VP
le N CP dort <dort>
Si l’on compare la structure d’une relative avec pronom sujet avec une
relative avec pronom objet, on comprend que les relatives avec pronom qui
reprend l’objet de la phrase relative sont plus complexes et plus difficiles à
traiter que les relatives dont le pronom reprend le sujet de la relative. On
peut en effet le montrer avec une expansion de la phrase relative, qui ne
34. Le chat [qui <le chat> a mangé la souris grise élevée par Abi] dort.
35. La fille [que tu dis à tout le monde [que tu aimes <la fille>]]
a téléphoné.
3. Références de base
Pinker (1999a, chapitre 4) fournit une introduction concise à la syntaxe.
Haegeman (2006) offre une approche originale et très didactique qui per‐
met de s’initier au raisonnement syntaxique. Moeschler & Auchlin (2018)
en fournissent un court résumé en français aux chapitres 7 à 10. Baker
(2001) comprend une approche comparative de la syntaxe des langues du
monde sur le modèle des principes et paramètres. Smith (1999, chapitre 2)
résume les différentes étapes historiques de la syntaxe générative jusqu’au
modèle le plus actuel : le programme minimaliste. Laenzlinger (2003) est
une introduction à la syntaxe du français.
• Questions de révision
9.1. Parmi les deux phrases ci-dessous, laquelle peut être considérée comme
fausse pour des raisons de normes et laquelle est syntaxiquement agrammati-
cale ?
– Jean allait pas au cinéma.
– Jean ne pas allait au cinéma.
9.2. Expliquer les principes de l’analyse hiérarchique des phrases.
9.3. Faire une analyse en arbre des phrases suivantes :
– Un bon journal annonce les nouvelles à ses lecteurs.
– Jean salue gaiement la petite fille devant sa maison.
9.4. Comment peut-on expliquer la différence de placement de l’adverbe jamais
entre ces deux phrases :
– Émile ne va jamais au concert.
– Émile n’a jamais été au concert.
9.5. Qu’est-ce qu’un complémenteur ?
9.6. Qu’est-ce que le principe de récursivité ?
9.7. Pourquoi le principe de récursivité est-il fondamental pour caractériser le
langage humain ?
9.8. Comment peut-on expliquer l’agrammaticalité des phrases ci-dessous :
– *Qui dis-tu que Pierre aime Marie ?
– *Comment crois-tu que je suis arrivé quand ?
L
a sémantique est l’étude de la signification des mots (séman‐
tique lexicale) et des phrases (sémantique compositionnelle).
Dans ce chapitre, nous présenterons brièvement les principes de
la sémantique compositionnelle, avant de nous consacrer à l’étude de la
sémantique lexicale, avec la question des relations de sens comme la syno‐
nymie et l’antonymie. Nous décrirons aussi le type de signification com‐
muniquée par l’usage des deux grandes classes lexicales que sont les noms
et les verbes. Enfin, nous aborderons la question des mots qui ont plusieurs
significations reliées (polysémie) et expliquerons comment, grâce à un
mécanisme appelé la coercion, les locuteurs trouvent la signification qui
prévaut en contexte. Mais avant cela, nous commencerons par revenir sur
la notion de signification telle que définie par Saussure et montrerons
comment la linguistique actuelle l’a adaptée et complétée.
1. Signification, concept
et dénotation
Dans l’approche saussurienne, le signe linguistique comprend deux
faces : une image acoustique (les sons ou les lettres du mot) et un concept
(la signification du mot), qui sont indissociables mais dont l’association
est par nature arbitraire. Dans cette approche, ce qui fait la valeur séman‐
tique d’un signe, ce sont simplement les liens qu’il entretient avec les autres
éléments du système lexical. Ce qui fait qu’un tigre est un tigre, c’est qu’il
n’est pas un lion, ni une girafe, etc. Par conséquent, le système de la
Figure 10.1.
Concept
Le signe linguistique selon Saussure
Image
acoustique
Concept
1. Ce modèle a conduit dans la première moitié du XXe siècle à la fameuse hypothèse de Sapir et Whorf sur le
relativisme linguistique, qui a par la suite largement été rejetée par une grande partie des linguistes, notamment
suite aux travaux de Noam Chomsky (cf. chapitre 5). À ce sujet, voir notamment Pinker (1999a), chapitre 3.
2. Sémantique
compositionnelle
Du point de vue de la signification, une phrase se compose générale‐
ment de deux types d’éléments : un prédicat, la plupart du temps accom‐
pagné d’un ou de plusieurs arguments. Le prédicat est le terme général
qui décrit la propriété ou la relation dont parle la phrase. Les arguments
décrivent les entités reliées par le prédicat. Prenons quelques exemples :
1. Jean dort.
2. Marc mange une pomme.
1. DORMIR ( Jean)
2. MANGER (Marc, une pomme)
3. RECEVOIR (Yves, un livre, ses parents)
4. NEIGER (ø)
L’exemple (4) avec le verbe neiger illustre les cas (rares) où un prédicat
ne prend aucun argument. En effet, dans la phrase il neige, il n’est pas le
sujet sémantique de la phrase (personne ne neige). Toutefois, comme le
français exige qu’un élément occupe la position grammaticale de sujet, un
pronom (dit explétif ) est ajouté pour la remplir (voir chapitres 4 et 8).
Dans tous les exemples ci-dessus, le rôle de prédicat est rempli par le
verbe de la phrase. Toutefois, lorsqu’une phrase contient la copule être, il
est plus judicieux de considérer que d’autres éléments prennent le rôle de
prédicat, car cette copule signifie uniquement qu’une certaine relation
existe (est) entre des éléments. Dans ce cas, un adjectif, un nom ou encore
une préposition peut prendre le rôle de prédicat, comme en (5) à (7) ci-
dessous.
3. Sémantique lexicale :
les relations de sens
Comme le notait déjà Saussure, au sein du lexique, chaque mot ne
possède pas une signification isolée mais entre en relation avec la signifi‐
cation d’autres mots. Dans certains cas, ces relations de sens relient un mot
plus général à un mot plus spécifique (hyponymie, méronymie), alors que
dans d’autres, elles portent sur des mots du même degré de spécificité, soit
parce que leur signification est similaire (synonymes) soit parce qu’elle est
opposée (antonymes et complémentaires).
Hyponymie et méronymie
La relation d’hyponymie s’établit entre un mot spécifique appelé
l’hyponyme et un autre mot plus général appelé l’hyperonyme. Par
exemple, rose est l’hyponyme de fleur qui est son hyperonyme. De même,
piller est l’hyponyme de voler et cyan est l’hyponyme de bleu. Bien entendu,
chaque hyperonyme possède plus qu’un seul hyponyme. Ainsi, fleur a éga‐
lement pour hyponymes primevère, tulipe, pensée, etc. On parle de co-
hyponymes pour désigner la relation que les différents hyponymes
entretiennent entre eux. La relation d’hyponymie est fondamentale pour
la cognition humaine, car c’est sur elle que repose notre faculté à former
des catégories. En effet, l’hyperonyme désigne la catégorie dans laquelle
l’hyponyme est inclus. C’est pour cette même raison que la relation
d’hyponymie est souvent utilisée dans les définitions lexicographiques. On
peut par exemple définir le voilier (hyponyme) comme un navire (hyper‐
onyme) à voiles.
1. Pour une introduction approfondie de la sémantique compositionnelle, nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage
de Moeschler & Auchlin (2018), chapitres 11 à 14.
Synonymie
La synonymie est une relation d’équivalence sémantique entre des
mots différents comme policier et agent de police, paysan et agriculteur, etc.
Les synonymes sont toujours des mots appartenant à la même catégorie
grammaticale. Ainsi, un nom ne peut pas être le synonyme d’un verbe, par
exemple.
Malgré l’utilité de cette relation de sens, il n’existe pas de synonymes
absolus. En effet, il arrive que deux mots différents servent à désigner un
même référent dans le monde. Toutefois, le sens de ces mots est toujours
partiellement distinct. C’est notamment l’une des raisons qui nous a
conduits plus haut à adopter une approche triangulaire de la signification,
qui différencie le sens (concept) de la référence (entités du monde). C’est
aussi la raison pour laquelle le logicien Gottlob Frege a introduit la dis‐
tinction entre sens (Sinn) et dénotation (Bedeutung) (Frege 1971).
Les différences entre synonymes peuvent se situer à plusieurs niveaux.
Dans de nombreux cas, les mots ne sont synonymes que dans une partie
de leurs usages. Cette différence peut se remarquer au niveau sémantique,
par exemple entre les différents sens des mots polysémiques. Si l’adjectif
aigu est synonyme de fort dans l’expression une douleur aiguë, ces deux mots
ne sont pas synonymes lorsque aigu a le sens de haut comme dans un son
aigu (on ne peut pas dire un son fort dans ce cas). Dans d’autres cas, c’est
la construction syntaxique dans laquelle un mot est utilisé qui détermine
ses synonymes. Par exemple, tenir n’est synonyme de ressembler que dans
Antonymie et complémentarité
L’antonymie est la relation qui sert à opposer deux mots dans le lexique,
elle est donc l’inverse de la synonymie. Comme les synonymes, les anto‐
nymes varient en fonction du contexte et des sens des mots polysémiques.
Si lumineuse est l’antonyme de sombre dans la construction une pièce lumi‐
neuse, cet adjectif est opposé à stupide dans la construction une idée lumi‐
neuse. Le lexique contient à la fois des antonymes morphologiques, c’est-à-
dire construits à partir de préfixes de privation comme faisable et infaisable
Tableau 10.1.
états – – + – – +
activités + – + – – +
accomplis-
+ + – + + –
sements
achèvements + + – ø + ø
5. Polysémie et coercion
sémantique
Le terme de polysémie s’emploie lorsque des mots ont plusieurs signi‐
fications qui sont reliées entre elles. Lorsqu’un mot a plusieurs significa‐
tions non reliées, par exemple le mot bière qui désigne à la fois une boisson
et un cercueil, on parle d’homonymie. Dans certains cas, les mots ne sont
identiques qu’à l’oral, on parle alors d’homophones (vert, vair, ver, verre,
vers, etc.).
Dans le cas des mots polysémiques, la relation entre les différents sens
fait intervenir la notion de changement de type. Un exemple d’un tel
changement a été vu plus haut au sujet des noms massifs et comptables.
D’autres exemples se trouvent entre le contenant et son contenu (21), le
producteur et son produit (22) ou encore un lieu et ses habitants (23).
6. Références de base
Reboul & Moeschler (1998a, chapitre 6) ainsi que Pinker (1999a, cha‐
pitre 3) contiennent une présentation de la notion de concept. Lehmann
• Questions de révision
10.1. À quoi servent les concepts ?
10.2. Indiquer les prédicats et les arguments des propositions suivantes :
– Il pleut.
– Pierre cueille des cerises.
– Jeanne résume le cours à Paul.
– Yves est à la maison.
10.3. Quels sont les différents types de relations d’opposition du lexique ?
10.4. Quels sont les points communs et les différences entre les relations d’hypo-
nymie et de méronymie ?
10.5. Donner des exemples de noms massifs et comptables.
10.6. À quelle classe aspectuelle appartiennent les constructions verbales sui-
vantes : manger chinois, écrire une lettre, concrétiser un plan, être heureux ?
Justifier au moyen de tests linguistiques.
10.7. Indiquer par des exemples les changements de type qui peuvent intervenir
entre les divers sens des mots suivants : biberon, kleenex, bière.
D
ans le chapitre 10, nous nous sommes penchés sur la signi‐
fication des mots et des phrases, objets d’étude de la sémantique.
Toutefois, la valeur sémantique d’une expression ou d’une phrase
n’est que l’un des aspects de ce qui est communiqué par le locuteur, comme
nous avons déjà eu l’occasion de le voir au chapitre 2. La compréhension
de ce que le locuteur veut dire en prononçant un énoncé est la tâche prin‐
cipale de l’interlocuteur. Dans les trois derniers chapitres de cet ouvrage,
nous aborderons différents thèmes liés à la pragmatique, discipline qui a
pour objet d’étude le vouloir dire des locuteurs et les mécanismes de com‐
préhension qui assurent la réussite de la communication. Ce chapitre est
plus spécifiquement consacré à la théorie des actes de langage, qui a marqué
le début des travaux dans le domaine de la pragmatique.
1. Les débuts
de la pragmatique : Austin
On considère généralement que la pragmatique est née dans les années
cinquante avec les travaux du philosophe anglais John Austin (1911-1960).
Le point de départ de la réflexion d’Austin a consisté à remettre en cause
l’idée selon laquelle le langage sert avant tout à décrire la réalité, et par
conséquent chaque phrase peut être évaluée comme étant vraie ou fausse.
Ce principe, qu’Austin nomme péjorativement « l’illusion descriptive »,
était l’un des fondements de la philosophie analytique anglo-saxonne de
son époque.
1. Je t’ordonne de te taire.
2. Je te baptise au nom du père, du fils et du Saint-Esprit.
3. Je te promets que je viendrai demain.
4. Il pleut.
5. Paris est la capitale de la France.
6. Tu te tais.
7. Je viendrai te voir lundi.
8. Je t’ordonne de te taire.
9. Je te promets que je viendrai te voir lundi.
Si tel est bien le cas, alors les constatifs doivent être évalués en termes
de bonheur ou de malheur plutôt que de vérité ou de fausseté, et la dis‐
tinction entre le fait d’utiliser le langage pour décrire quelque chose
(constatifs) ou pour faire quelque chose (performatifs) devient caduque.
Pour ces raisons, Austin décide de renoncer à la distinction entre perfor‐
matifs et constatifs et de se concentrer sur les différents types d’actes qui
peuvent être réalisés par l’énonciation de n’importe quelle phrase.
Searle justifie cette division de la phrase par le fait que certains phé‐
nomènes linguistiques comme la négation s’appliquent différemment à ces
deux composants. En effet, dans le cas du marqueur de contenu proposi‐
tionnel, deux négations entraînent une affirmation. Dire il n’est pas vrai
que je ne viendrai pas revient à dire je viendrai. En revanche, cette logique
ne s’applique pas au marqueur de force illocutionnaire. Ainsi, dire je ne te
promets pas que je ne viendrai pas ne signifie pas je te promets que je viendrai.
D’un point de vue typologique, Searle (1982) a également proposé une
version corrigée de la classification des actes illocutionnaires d’Austin.
Searle reproche notamment à cette classification de ne pas être fondée sur
un principe clair mais sur un ensemble de principes, ce qui provoque des
chevauchements entre certaines catégories, du fait que certains verbes
appartiennent à plusieurs catégories différentes. Searle propose pour sa
part une douzaine de critères permettant de classer les actes illocution‐
naires en cinq grandes catégories. Parmi les plus importants, il y a le but
de l’acte, les états psychologiques exprimés et le contenu propositionnel.
Sur la base de ces critères, Searle propose les classes d’actes illocutionnaires
suivantes :
a) les représentatifs (expositifs chez Austin), qui engagent le locuteur sur la
vérité de la proposition exprimée (asserter, conclure) ;
b) les directifs (exercitifs chez Austin), qui sont des tentatives du locuteur
de conduire l’interlocuteur à faire quelque chose (demander, ordonner) ;
c) les commissifs (promissifs chez Austin), qui obligent le locuteur à effec‐
tuer une action future (promettre, menacer, offrir) ;
d) les expressifs (comportatifs chez Austin), qui expriment un état psycho‐
logique (remercier, s’excuser, accueillir, féliciter) ;
e) les déclaratifs (verdictifs chez Austin), qui entraînent des changements
immédiats d’ordre institutionnel et tendent à impliquer des structures
Dans un acte de langage indirect comme (17), il n’y a pas un, mais
deux actes de langage qui sont accomplis : un acte primaire, qui corres‐
pond à une requête, accomplie par l’intermédiaire d’un acte secondaire,
qui est une question. Tout le problème, pour une théorie conventionnelle
Cette contrainte semble pourtant trop forte. Dans le cas de cet exemple,
ce qui importe, ce n’est pas que l’auditeur comprenne que le locuteur avait
l’intention de réaliser un acte de prédiction mais simplement que l’énoncé
communique quelque chose à propos d’un événement futur. Ainsi, com‐
prendre la nature exacte de l’acte illocutionnaire n’est pas toujours indis‐
pensable pour comprendre le sens des énoncés.
Une autre critique que l’on peut formuler à l’égard de la théorie des
actes de langage est que tous les actes de langage ne relèvent pas du
domaine de la linguistique ou de la pragmatique. Par exemple, les actes
déclaratifs comme excommunier et baptiser comportent une forte compo‐
sante institutionnelle et leur réussite nécessite qu’ils se produisent dans un
contexte bien spécifique. Dans le cas des déclaratifs, il est également
nécessaire qu’ils soient le fait de locuteurs particuliers qui sont institu‐
tionnellement habilités à les réaliser. Ainsi, seuls les actes représentatifs
comme asserter et directifs comme demander ne dépendent pas de
contraintes extérieures à l’usage du langage. Qui plus est, les actes sociaux
ou institutionnels comme le baptême et la promesse varient en fonction du
contexte culturel dans lequel ils ont lieu. Or, une théorie qui vise à décrire
l’usage du langage doit tendre vers l’universalité.
Enfin, la théorie des actes de langage présuppose un rapport conven‐
tionnel entre certains mots ou tournures syntaxiques et le type d’acte de
langage qui peut être accompli. Or, il n’existe pas toujours de rapport entre
5. Références de base
Reboul & Moeschler (1998a, chapitre 1) contient une présentation
succincte de la théorie des actes de langage. Une introduction plus appro‐
fondie se trouve également chez Moeschler & Reboul (1994, chapitre 1).
Sperber & Wilson (1989, pp. 364-381), contient une critique de la notion
d’acte de langage et une révision de cette notion du point de vue de la
pragmatique cognitive.
L
a pragmatique lexicale s’intéresse aux mots du lexique qui
acquièrent une signification en contexte. Contrairement aux mots
comme les verbes et les noms étudiés au chapitre 10, les éléments
lexicaux auxquels nous nous intéresserons dans ce chapitre n’ont pas pour
signification un concept mais une procédure. Plus spécifiquement, leur
rôle consiste à donner des instructions sur la manière de relier les autres
éléments dans la phrase. Nous commencerons par aborder la différence
entre signification conceptuelle et signification procédurale, avant d’étu‐
dier plus en détail quelques catégories d’éléments qui encodent de l’infor‐
mation procédurale : certaines expressions référentielles comme je ou lui,
les temps verbaux et les connecteurs pragmatiques comme mais, parce que
et donc.
1. Signification conceptuelle
et signification procédurale
Au chapitre 10, nous nous sommes intéressés exclusivement à des élé‐
ments lexicaux comme les noms, les verbes et les adjectifs, pour lesquels
5. Je suis linguiste.
6. C’est un linguiste.
7. Max est professeur. Il est linguiste.
8. Ce génie est étudiant.
9. L’imbécile a encore planté l’ordinateur.
10. Max est professeur. L’imbécile a encore planté l’ordinateur.
L’anaphore
On parle d’anaphore lorsqu’un terme est utilisé pour reprendre une
autre expression nominale qui le précède et à laquelle il emprunte sa réfé‐
rence. On parle d’anaphore pronominale lorsque la reprise anaphorique
se fait par un pronom comme en (11). Dans ce cas, le pronom il tire sa
référence de la référence actuelle de Fred. On dit qu’il y a coréférence entre
Fred et il. On parle d’anaphore nominale lorsque l’expression référentielle
est reprise par une autre expression nominale, comme en (12).
L’approche aspectuelle
Selon l’approche aspectuelle, c’est la classe aspectuelle à laquelle appar‐
tient un verbe (voir chapitre 10) qui définit son rôle dans la détermination
de l’ordre temporel. Plus précisément, seules les phrases dénotant un
achèvement (19) ou un accomplissement (20) font avancer le temps.
Avec les états (21) et les activités (22), le temps n’avance pas.
23. Marie entra dans le bureau du président. Il y avait une copie reliée
du budget sur la table.
24. Le juge alluma une cigarette. Le tabac avait un goût de fiel.
L’approche anaphorique
Dans cette approche, ce ne sont plus les classes aspectuelles mais les
temps verbaux qui fixeraient l’ordre temporel. Plus spécifiquement, les
phrases au passé simple (25) font avancer le temps, les phrases à l’imparfait
(26) englobent ou recouvrent temporellement les phrases au passé simple
et les phrases au plus-que-parfait (27) font régresser le temps.
L’approche pragmatique
Dans l’approche pragmatique, l’ordre temporel n’est pas marqué lin‐
guistiquement par les temps verbaux, mais inféré pragmatiquement. La
question qui se pose pour cette approche est de savoir pourquoi des pro‐
cessus inférentiels se superposeraient à des indications linguistiques
comme les temps verbaux. L’hypothèse est que les temps verbaux sont des
Pour bien comprendre la nature des segments reliés dans chacun de ces
exemples, voyons sur quel élément porte la cause dans chaque cas. Dans
l’exemple (43), c’est le fait que Jean ait trop mangé qui cause le fait qu’il
soit malade. C’est pour cette raison que nous avons dit plus haut que le
connecteur parce que relie des faits dans ce cas. Comparons maintenant
avec (44). Dans ce cas, ce n’est pas le fait que je n’aie pas vu Jean ce matin
qui cause sa sortie. C’est le fait que je ne l’aie pas vu qui cause que je crois
qu’il est sorti. C’est pourquoi, dans ce cas, le connecteur agit sur le domaine
des croyances. En (45), c’est le fait que je cherche Jean depuis tout à l’heure
qui cause que je pose la question de savoir où il est. Ici, le connecteur agit
donc au niveau des actes de langage.
Notons encore que, contrairement à parce que, tous les connecteurs ne
peuvent pas être utilisés pour relier chacun de ces types de contenus. Cer‐
tains connecteurs sont au contraire spécialisés dans l’un ou l’autre domaine.
Par exemple, le connecteur puisque ne peut agir que sur des croyances et
des actes de langage.
Ces exemples illustrent une fois encore que dans tout phénomène
pragmatique, les informations linguistiques fournies par les éléments de
la phrase – qu’ils soient de nature conceptuelle ou procédurale – inter‐
agissent avec le contexte pour fournir une interprétation optimalement
pertinente.
5. Références de base
Une introduction à la notion de signification procédurale se trouve chez
Reboul & Moeschler (1998a, chapitre 7). Les trois thèmes abordés dans
ce chapitre font chacun l’objet d’un chapitre de Reboul & Moeschler
(1998b), à savoir le chapitre 4 pour les connecteurs, le chapitre 5 pour les
temps verbaux et le chapitre 6 pour la référence.
• Questions de révision
12.1. Quelle est la différence entre la signification descriptive et la signification
procédurale ?
12.2. Identifier les marques de signification descriptive et de signification pro-
cédurale dans la phrase suivante : Je me sens ici comme à la maison.
12.3. Chercher un exemple d’expression référentielle autonome et non autonome.
12.4. Chercher des exemples d’anaphores pronominale, nominale et associative.
12.5. Qu’appelle-t-on l’ordre temporel ?
12.6. Comment les temps verbaux influencent-ils l’ordre temporel dans le dis-
cours ?
12.7. Qu’est-ce qu’un connecteur pragmatique ?
12.8. Pourquoi les connecteurs sont-ils des marques procédurales ?
L
es questions de style ont pendant longtemps été étudiées sous
l’angle de l’analyse rhétorique. Dans ce chapitre, nous montrerons
comment ces questions ont été reprises et développées dans le
cadre de nouvelles approches en pragmatique, qui permettent de fournir
des modèles motivés cognitivement de ces différents phénomènes. Nous
nous intéresserons tour à tour à la métaphore, à la métonymie et à l’ironie
et verrons dans chaque cas comment l’analyse pragmatique permet de
dépasser certains problèmes liés à l’analyse rhétorique classique.
1. Je meurs de faim.
2. Métaphore et pragmatique
lexicale
Comme nous l’avons vu plus haut, tout énoncé est dans une relation
de ressemblance avec la pensée qu’il sert à communiquer. Ainsi, aucun
processus spécifique n’est à l’œuvre dans le traitement des métaphores.
Comme le démontre l’exemple (1) ci-dessus, la métaphore fait intervenir
les mêmes processus de pragmatique lexicale que ceux que nous avons
définis au chapitre 2, à savoir la spécification et l’élargissement. Plus spé‐
cifiquement, dans l’analyse pragmatique, on dit que la métaphore est un
cas extrême d’élargissement. En revanche, l’ironie requiert un traitement
différent, contrairement à ce que prévoyait l’analyse rhétorique (voir plus
bas).
3. Métonymie et espaces
mentaux
Dans l’analyse classique, la métonymie est un trope par connexion, qui
s’établit entre des référents en raison du rapport de contiguïté qu’ils entre‐
tiennent entre eux. Par exemple, il y a une contiguïté physique entre le
contenant et le contenu d’un verre, qui explique la possibilité d’utiliser l’un
pour désigner l’autre dans la phrase : « Boire un verre ».
Dans le cadre de la théorie pragmatique, l’approche la plus aboutie dans
le traitement de la métonymie est l’analyse en termes d’espaces men‐
taux, proposée par le linguiste français Gilles Fauconnier (1984). Dans
cette approche, un espace mental est un espace structuré d’éléments et de
relations entre ces éléments, construit par le langage dans l’esprit des locu‐
teurs. Les espaces mentaux sont connectés par une fonction appelée
connecteur, qui relie un déclencheur (a) à une cible (b). Le principe
d’identification relie déclencheur et cible si deux objets a et b sont liés par
une fonction pragmatique F. Dans ce cas, une description de a peut servir
à identifier son correspondant b.
Par exemple, en (5), le déclencheur est la personne Marguerite Your‐
cenar et la cible est le (ou les) livres écrits par cette auteure. Le principe
d’identification qui permet de passer de l’un à l’autre est la relation qui
existe entre un écrivain et ses œuvres. En (6), le déclencheur est le plat
constitué par l’omelette au jambon et la cible le client qui a commandé
cette omelette. Le principe d’identification qui permet de passer de l’un à
Dans l’exemple (7), la reprise porte sur la cible (les livres), comme le
montre l’absence d’accord avec l’antécédent Marguerite Yourcenar. Dans
l’exemple (8) en revanche, la reprise porte sur le déclencheur (la personne),
comme le montre l’accord. Lorsque la reprise porte sur le déclencheur,
l’absence d’accord conduit à une reprise incorrecte, comme le montre
l’exemple (9).
Un connecteur est dit fermé s’il a pour seul antécédent d’un pronom
la cible, comme c’est le cas du lien qui unit un client et sa commande.
10. L’omelette au jambon est partie sans payer. *Elle était imman-
geable.
11. L’omelette au jambon est partie sans payer. Il s’est jeté dans un
taxi.
12. L’omelette au jambon est partie sans payer. *Elle s’est jetée dans
un taxi.
5. Références de base
Reboul & Moeschler (1998a, chapitre 8) comporte une introduction
générale aux questions liées à l’usage non littéral du langage. Une synthèse
de la théorie des espaces mentaux est présentée par Moeschler & Reboul
(1994, chapitre 5). Dans le chapitre 15, les auteurs abordent la question
de la métaphore.
D
ans plusieurs chapitres (2 et 13), nous avons fait référence
à la notion d’implicature. Ce concept, avec celui d’acte de lan‐
gage (chapitre 11), est certainement le concept le plus important
de la pragmatique. Il a été élaboré dans un article du philosophe oxonien
Paul Grice, dans un article publié en 1975, et reprise dans l’ouvrage
regroupant ses articles les plus importants (Grice 1989), transcription des
William James lecture de 1967 (Harvard University). L’article sur les
implicatures, intitulé Logique et conversation (Grice 1979 pour une tra‐
duction française), est la poursuite d’une investigation sur la signification,
développée dans plusieurs articles, dont le point de départ est son article
Meaning de 1957 (repris dans Grice 1989, chapitre 14). Dans cet article,
Grice introduit une conception nouvelle de la signification, qu’il appelle
non naturelle. C’est en fait ce concept qui permet de comprendre la notion
d’implicature. Nous commencerons donc par l’introduire, avant de pré‐
senter deux éléments fondamentaux qui caractérisent les conversations et
qui sous-tendent chez Grice la notion d’implicature, à savoir le principe
de coopération et les maximes de conversation.
1. La théorie gricéenne
des implicatures
Signification non naturelle
Quelle est la signification du verbe signifier, to mean en anglais ? C’est
la question que se pose Grice, car l’usage de ce verbe lui permet de dis‐
tinguer deux types de signification : la signification naturelle d’une part,
Dans ce cas, on dit que la signification est non naturelle, qu’elle n’est
pas factive (elle n’implique pas ce qui est signifié) mais elle est sous le
contrôle de la volonté du locuteur.
Comment définir la signification non naturelle ? Cette question est
centrale, car on voit qu’elle a un rapport avec la communication et surtout
avec le langage. Voici la définition que donne Grice (1989, 219) de la
signification non naturelle, notée dorénavant significationNN : « A signi‐
fieNN quelque chose par x » est à peu près équivalent à « A a énoncé x avec
l’intention d’induire une croyance au moyen de la reconnaissance de cette
intention ». Le point central est que la significationNN requiert la recon‐
naissance de deux intentions par l’interlocuteur : l’intention de commu‐
niquer quelque chose par la reconnaissance de son intention de transmettre
de l’information. Par la suite, Sperber & Wilson (1989) les ont définies
Implicatures conversationnelles
Pour Grice, il y a deux types d’implicatures conversationnelles selon
que le déclencheur est une expression linguistique ou une hypothèse
contextuelle. Les premières sont appelées généralisées et les secondes
particulières. Par exemple, si un menu contient Fromage ou dessert et un
autre Fromage et dessert, le client est invité à comprendre qu’avec le menu
Fromage ou dessert, il ne peut pas avoir les deux. En d’autres termes,
lorsqu’un locuteur choisit ou à la place de et, c’est qu’il ne peut pas affirmer
les deux. De même, si Jacques annonce que quelques étudiants ont réussi
l’examen de pragmatique, l’auditeur est invité à comprendre quelques étu‐
diants seulement ont réussi, mais pas tous. Dans les deux cas, le choix d’un
terme faible (ou, quelques), dans une échelle quantitative, respectivement
les échelles <et, ou> et <tous, quelques>, suppose que le terme fort (et, tous)
ne peut pas être affirmé. On dira donc que le choix d’un terme faible dans
une échelle implicite la négation du terme fort.
conventionnellement conversationnellement
généralisée particulière
Cette distinction entre ce qui est dit et ce qui est implicité est actuel‐
lement largement acceptées en pragmatique. Elle a cependant été modifiée
à la fois dans les approches néo-gricéennes, dont les représentants les plus
connus sont Horn et Levinson, et dans les approches post-gricéennes,
représentées par la Théorie de la Pertinence. Nous allons maintenant passer
brièvement en revue ces deux approches.
2. L’approche néo-gricéenne
des implicatures
L’approche néo-gricéenne est représentée par les travaux de Laurence
Horn et Stephen Levinson, qui arrivent aux mêmes conclusions. L’idée
est de réduire le nombre des maximes de conversation, et de les transformer
en principes.
Principes-Q, -I et -M
Ces principes éclairent des propriétés attribuées aux langues naturelles :
le principe-Q (pour quantité) permet de faire l’hypothèse que le locuteur
a donné l’information la plus forte, alors que le principe-I (pour infor‐
mativité) autorise l’interlocuteur à amplifier le contenu, sous-spécifié, de
la phrase énoncée ; ces deux principes ont déjà été illustrés plus haut. Enfin,
contradictoires
IMPLICITE IMPLICITE
pas tous pas aucun = quelques
Tous les x implique quelques x, comme aucun x implique pas tous les x.
En revanche, quelques x implicite pas tous les x et pas tous les x implicite
quelques x, à savoir la négation de aucun x. Traditionnellement, les quatre
coins du carré sont identifiés comme A et I (AffIrmo) pour les universaux
(tous) et particuliers (quelques) positifs, et E et O (nEgO) pour les uni‐
versaux (aucun) et particuliers (pas tous) négatifs, représentés respective‐
ment par les symboles logiques ∀, ∃, ¬∃ et ¬∀.
• Questions de révision
14.1. Quels sont les différents types d’implicatures selon Grice ?
14.2. Quel est le critère permettant de différencier les implicatures des implica-
tions et des présuppositions ?
14.3. Quel est le rôle des maximes de conversation dans le calcul des implica-
tures ?
14.4. Pourquoi Grice prévoit-il aussi la possibilité que les maximes puissent être
transgressées de manière manifeste ?
14.5. Quels sont les critères permettant de distinguer les implicatures conversa-
tionnelles des implicatures conventionnelles ?
14.6. Quelles sont les propriétés des implicatures conventionnelles selon Potts ?
La notion de sociolecte
Un sociolecte caractérise le type de langage utilisé par un groupe de
locuteurs, qui se définit selon une certaine variable sociale comme le genre,
l’âge, le niveau socioéconomique, l’appartenance ethnique, etc. Ainsi, par
exemple, il existe dans certaines langues des traits linguistiques qui sont
spécifiques aux hommes et aux femmes. Dans une langue amérindienne
appelée l’atsina ainsi que dans une langue du Nord-Est asiatique appelée
le youkaguir, les femmes et les jeunes enfants utilisent certains phonèmes
spécifiques qui les différencient des hommes. Lorsque les jeunes garçons
grandissent, ils abandonnent ces phonèmes en faveur de la prononciation
des hommes. Pour prendre un exemple plus proche linguistiquement, en
français canadien, il a été observé que les hommes éliminent les [l] finaux
des mots beaucoup plus souvent que les femmes. Ces différences entre
hommes et femmes ne touchent d’ailleurs pas que la phonologie. Dans
certaines langues caribéennes, les hommes et les femmes assignent un
genre grammatical différent aux noms génériques, masculin pour les
hommes et féminin pour les femmes.
Les sociolinguistes ont aussi observé que la différence entre les genres
joue un rôle dans l’évolution des langues. Les hommes tendent à utiliser
3. Références de base
De nombreuses introductions à la sociolinguistique existent en anglais.
Parmi celles-là, nous recommandons particulièrement Bell (2013) et
Meyerhoff (2019). En français, Gadet (2007) fournit une introduction
succincte à certains aspects de la variation sociale et Gadet (2003) présente
de manière accessible les différentes dimensions de la variation linguistique.
De nombreuses spécificités des français régionaux dont nous avons évoqué
les résultats dans ce chapitre sont présentées par Avanzi (2017, 2019) sur
la base d’enquêtes réalisées en ligne. Ces ouvrages contiennent de nom‐
breuses cartes illustrant les aires de diffusions de régionalismes lexicaux,
phonologiques et grammaticaux. Walter (1999) ainsi que Avanzi & Horiot
(2017) sont aussi des introductions très accessibles aux français régionaux.
• Questions de révision
15.1. Pourquoi la notion de variation est-elle centrale en sociolinguistique ?
15.2. Qu’appelle-t-on un changement en cours et en quoi cette notion est-elle
liée à celle de variation ?
15.3. Quelles sont les dimensions du langage qui varient le plus entre les régions ?
15.4. Quelles sont les principales sources des différences régionales ?
15.5. Qu’appelle-t-on la dialectologie perceptuelle ?
15.6. Qu’appelle-t-on l’insécurité linguistique et en quoi cette notion est-elle liée
à la notion de variation ?
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1. Chapitre 1 :
Introduction à l’étude
du langage
1.1.
Quelles sont les deux fonctions envisagées
pour le langage ?
Le langage peut avoir une fonction sociale ou une fonction cognitive.
En d’autres termes, le langage peut être utilisé pour communiquer de
l’information aux autres (fonction sociale) et pour former des pensées
organisées et structurées (fonction cognitive).
1.3.
Qu’est-ce que la théorie de l’esprit et en quoi
cette faculté est-elle utile pour communiquer ?
Avoir une théorie de l’esprit, c’est être capable d’attribuer des états
mentaux comme des désirs ou des croyances à soi-même et à autrui et de
raisonner à partir de ces informations. Avoir une théorie de l’esprit est un
prérequis fondamental afin de pouvoir mener à bien toute interaction
sociale. Dans la communication, l’attribution d’états mentaux est forte‐
ment liée à la composante pragmatique du langage. En effet, utiliser le
langage de manière appropriée en contexte nécessite la faculté de s’adapter
en fonction de ce que son interlocuteur sait ou croit.
1.5.
Pourquoi l’acquisition du langage ne peut‑elle
pas être expliquée par un simple phénomène
d’imitation comme le prévoit le modèle social ?
Apprendre une langue est un processus très complexe. Songez notam‐
ment aux efforts nécessaires pour apprendre une deuxième langue (règles
de grammaire, vocabulaire, etc.). Pourtant, à l’âge de quatre ans environ,
l’enfant possède un langage qui s’apparente à celui de l’adulte. Cette
incroyable facilité serait inexplicable si l’enfant se contentait d’imiter et
n’avait aucune prédisposition innée pour le langage à la naissance.
Cette facilité est d’autant plus surprenante que l’enfant ne reçoit que
des indices très partiels et inexacts en écoutant parler les adultes. En effet,
le langage oral est caractérisé par des faux départs, des répétitions, des
phrases parfois grammaticalement incorrectes ou du moins incomplètes,
etc. Dans la littérature, ce second argument est appelé la pauvreté du sti‐
mulus. Ainsi, si l’apprentissage se faisait par imitation, l’enfant enregis‐
trerait des données incorrectes à partir de ce qu’il entend. Or, l’enfant ne
répète jamais ce type d’erreur.
L’argument le plus décisif qui contredit la théorie de l’imitation est le
suivant : dès qu’il commence à parler, l’enfant est capable de produire des
phrases qu’il n’a jamais entendues auparavant. Il est donc impossible qu’il
puisse les imiter.
1.7.
Quelles sont les aires cérébrales impliquées
dans la faculté de langage et à quoi servent-
elles ?
L’aire de Broca (du nom du chirurgien français Paul Broca
[1824-1880], qui l’a localisée en 1865) est située dans l’hémisphère gauche,
plus précisément au pied de la troisième circonvolution frontale gauche.
Son rôle dans le langage a pu être identifié en étudiant les troubles de
langage rencontrés par des patients souffrant de lésions à cet endroit. On
parle maintenant d’aphasie de Broca pour caractériser ces troubles. Les
patients souffrant d’aphasie de Broca ont des difficultés à produire des
phrases. Leurs énoncés sont courts, en moyenne moins de quatre mots.
Ces patients ont également des problèmes d’accès au lexique : ils ont de la
difficulté à trouver le mot qu’ils veulent utiliser. En revanche, ils n’ont pas
de problème de compréhension du langage et conservent souvent la faculté
de lire. Ils sont par contre incapables d’écrire.
L’aire de Wernicke (du nom du neurologue allemand Carl Wernicke
[1848-1905]) est une aire corticale située dans l’hémisphère gauche, plus
1.8.
Citer et expliquer les critères qui permettent
de distinguer la communication humaine de la
communication animale.
La créativité : les signaux employés par les animaux sont très limités
(quelques cris différents selon le prédateur pour les singes vervet) alors que
l’être humain est capable d’exprimer un nombre de significations quasi
illimité. L’être humain utilise le langage pour raconter, décrire, enseigner,
légiférer, etc.
La compositionnalité : le langage humain est constitué d’une double
articulation. Les sons (phonèmes) peuvent être associés pour créer des
mots différents. Ensuite, les mots peuvent être associés pour créer des
phrases différentes. La communication animale ne comprend pas cette
flexibilité. Les signaux ne sont pas combinés entre eux. En d’autres termes,
la syntaxe est toujours absente des modes de communication chez les ani‐
maux.
La représentation : les mots employés par les humains se distinguent
des signaux comme les cris des singes vervet, qui servent uniquement à
avertir d’un danger et ne sont produits qu’en présence de ce danger. Le
langage humain est constitué de signes arbitraires qui renvoient à des
représentations du monde. En effet, il n’y a aucune relation naturelle entre
le mot chat et l’animal qu’il désigne, il ne s’agit que d’une convention suivie
par l’ensemble des locuteurs. Par ailleurs, le langage humain permet de
parler de choses même en leur absence ce qui n’est pas le cas des signaux
d’alerte.
2.3.
Donner un exemple qui illustre le rôle des
inférences dans la communication verbale.
L’inférence est une déduction que l’on tire à partir de prémisses tenues
pour vraies. Il est souvent indispensable que l’auditeur tire des inférences
pour comprendre le message communiqué par le locuteur, car ce dernier
comporte presque toujours une part d’implicite. Par exemple, pour com‐
prendre que l’énoncé il fait froid est une requête pour demander de fermer
une fenêtre, l’auditeur doit tirer des inférences sur la motivation de la per‐
sonne qui lui parle, d’où l’importance d’avoir une théorie de l’esprit (voir
chapitre 1).
2.4.
Quels sont les critères qui permettent de
définir un énoncé par opposition à une phrase ?
Donner des exemples de phrases et d’énoncés.
L’énoncé est la réalisation concrète d’une phrase, qui apparaît
lorsqu’elle est effectivement prononcée par un locuteur dans un contexte
2.5.
L’énoncé suivant peut avoir différents sens : Il
est quatre heures. Donner trois exemples de
contextes qui correspondent à des sens
différents et dire quelles sont les hypothèses
contextuelles utilisées dans chaque contexte.
Hypothèse
Contexte Énoncé Sens
contextuelle
Forme propositionnelle : Je ne peux pas boire mon café il est trop chaud
pour être buvable.
Il s’agit d’un exemple d’élargissement, par l’usage d’une hyperbole. En
effet, le mot bouillant dénote littéralement une température proche du
point d’ébullition. Or, dans l’usage ci-dessus, cet intervalle est élargi pour
inclure toute température trop élevée pour qu’un liquide puisse être bu,
même s’il s’agit de 50 degrés et non pas de 100 degrés.
2.7.
Donner les prémisses et les conclusions
implicitées des énoncés ci-dessous.
Jean est Suisse donc il est toujours à l’heure.
3. Chapitre 3 :
Le langage et les langues
3.1.
Pourquoi la question de l’évolution du langage
est-elle si controversée ?
Cette question est particulièrement controversée parce qu’il est impos‐
sible de donner des preuves irréfutables dans ce domaine : le langage ne se
fossilise pas ! C’est pourquoi, nous n’avons aucune trace concrète qui per‐
mette d’affirmer quel type de langage existait chez nos ancêtres ni même
à partir de quelle époque exactement la faculté de langage est apparue. Les
premières traces concrètes du langage que nous possédons sont les écrits
des Sumériens, qui datent de 4 000 ans AEC. Ainsi, si la Société de
3.2.
Quels types de preuves peut-on avancer pour
étayer des hypothèses dans ce domaine ?
Malgré la difficulté d’avancer des preuves scientifiques dans ce domaine,
les spéculations concernant l’origine du langage sont fondées sur une série
de découvertes scientifiques :
1. La théorie de l’évolution des espèces : le fait de savoir quels sont les
ancêtres de l’être humain a permis, en comparant les changements évolutifs
entre les espèces, de faire des hypothèses sur la période à laquelle le langage
est apparu et chez quelles espèces il aurait pu être présent.
2. La paléontologie : c’est-à-dire la science des êtres vivants ayant existé
au cours des temps géologiques, et qui est fondée sur l’étude des fossiles.
Au fur et à mesure que les paléontologues ont découvert de nouveaux fos‐
siles ainsi que de nouvelles techniques pour les étudier, il a été possible de
formuler des hypothèses sur la probabilité que telle ou telle espèce possé‐
dait déjà une forme de langage. Par exemple, on a pu estimer la taille de
leur cerveau, la disposition de leur appareil phonatoire, etc.
3. L’éthologie et la primatologie : l’éthologie est la science qui étudie le
comportement des espèces animales dans leur milieu naturel. L’étude de
l’anatomie et des capacités cognitives des primates, ainsi que leur compa‐
raison avec celles de l’être humain, a permis de faire des hypothèses sur les
causes de l’absence de langage chez ces espèces. Ces comparaisons ont
permis de mieux comprendre quelles sont les facultés qui sont uniques chez
l’être humain et qui pourraient avoir contribué au développement du lan‐
gage.
4. Les sciences cognitives et les neurosciences : les connaissances sur le
fonctionnement du cerveau humain nous donnent la possibilité de déter‐
miner quelles sont les parties du cerveau qui ont un lien avec le langage.
3.3.
Quelles sont les caractéristiques des pidgins et
des créoles ?
Les pidgins sont des langues émergentes de contact, qui se développent
lorsque des adultes de langues et de cultures différentes se retrouvent dans
la nécessité de communiquer. La principale caractéristique des pidgins est
qu’ils ne sont la langue maternelle d’aucun locuteur.
D’un point de vue formel, les pidgins sont très limités, à la fois au niveau
du vocabulaire, des structures syntaxiques, des fonctions grammaticales et
de la phonologie (les sons). Les pidgins ne sont toutefois pas dépourvus
de règles ou de structures, ces dernières sont simplement des adaptations
créatives de langues existantes. Étant donné que les pidgins sont parlés par
des gens de langues maternelles différentes, ces structures varient parfois
en fonction de la langue maternelle du locuteur. Par exemple, l’ordre des
mots dans la variété de pidgin à base anglaise parlée à Hawaï est variable.
Les locuteurs japonais placent le verbe à la fin de la phrase alors que les
Philippins le placent avant le sujet, chacun suivant les règles de sa propre
langue.
3.4.
Pourquoi l’étude des créoles nous renseigne-t-
elle sur la question de l’évolution du langage ?
Une caractéristique fascinante des créoles est que tous les créoles du
monde présentent des structures remarquablement similaires. En d’autres
termes, ils se ressemblent plus entre eux qu’avec aucune autre langue, bien
qu’ils se soient développés de manière totalement séparée, à la fois chro‐
nologiquement et géographiquement. Bickerton a fait l’hypothèse que les
créoles reflètent la grammaire innée que possèdent les enfants à la nais‐
sance. L’idée est que ces enfants, n’étant pas influencés par les données
contraignantes d’une langue complète, recréent tous une langue similaire
à partir des indices partiels fournis par les pidgins. Ainsi, les créoles sont
une sorte de laboratoire vivant qui nous permet d’observer la naissance
d’une langue et d’en tirer des conclusions sur l’origine de toutes les langues
du monde.
3.6.
Parmi l’ensemble des langues du globe,
combien sont vouées à disparaître d’ici la fin
du siècle ?
Selon les estimations actuelles, entre 70 % et 90 % des langues du globe
auront disparu d’ici la fin du siècle, soit entre 4600 et 5900 langues environ.
3.8.
D’où viennent les langues européennes ? Que
sait-on de cette ancienne langue commune ?
Les langues européennes font partie de la famille des langues indo-
européennes qui ont pour ancêtre commun le proto-indo-européen. Notons
toutefois que certaines langues d’Europe ne font pas partie de la famille
indo-européenne. Le finnois, le hongrois et l’estonien font partie de la
famille finno-ougrienne (aussi appelée ouralienne) et le turc fait partie de
la famille altaïque.
La langue proto-indo-européenne était parlée au sud du Caucase, en
Anatolie, il y a environ 6 500 ans. Il est possible de situer géographique‐
ment l’origine de cette langue notamment en comparant les mots de son
vocabulaire avec l’environnement local (faune et flore présentes). Le proto-
indo-européen s’est ensuite modifié au cours de sa propagation, dans un
premier temps vers l’Est, puis vers l’Ouest. Cette propagation est associée
au développement de l’agriculture.
4. Chapitre 4 :
Histoire et variétés
du français
4.1.
À quel sous-groupe de la famille des langues
indo-européennes appartient le français ?
Le français appartient au groupe des langues romanes. Ces langues
partagent la propriété de descendre du latin, raison pour laquelle on les
appelle parfois également les langues latines.
4.3.
Quelles sont les raisons historiques pour
lesquelles le français s’est différencié des
autres langues du groupe ?
Le français est la langue romane qui s’est le plus distancée du latin.
D’un point de vue historique, l’origine latine du français remonte à la
conquête romaine de la Gaule. Vers l’an 50 AEC l’ensemble de la Gaule
passe en main romaine avec pour conséquence un abandon par les Gallo-
Romains de leur langue celtique pour le latin, langue associée au pouvoir.
À cette époque, le latin pratiqué par les Romains et qui s’est imposé en
Gaule était un latin dit vulgaire, c’est-à-dire une forme plus tardive que le
latin classique. Cette variété de latin se caractérise notamment par la dis‐
parition de la déclinaison, la création des articles, la généralisation des
prépositions, l’extension des auxiliaires au verbe et l’apparition de nouvelles
formes du futur. Ces caractéristiques du latin vulgaire se retrouvent en
français moderne.
La formation du français a ensuite été fortement influencée par une
autre langue, le germanique, suite aux invasions des Francs qui s’étendront
sur tout le territoire au vie siècle. Malgré cette nouvelle donne, le latin n’a
pas été abandonné pour autant en Gaule et c’est une situation de
4.4.
Comment l’influence du germanique est-elle
reflétée dans le français actuel ?
La cohabitation des Gallo-Romains avec les Francs a entraîné l’adop‐
tion de vocabulaire d’origine francique (et donc germanique) : on
dénombre actuellement environ quatre cents mots d’origine francique en
français. Par ailleurs, la situation de bilinguisme décrite plus haut est à
l’origine de la création d’une double terminologie dans certains domaines
et qui persiste dans le français actuel. Par exemple, le mot épée vient du gallo-
roman, en revanche, le mot brandir vient du mot francique brand qui
signifiait épée.
Une conséquence nettement plus importante de l’influence du germa‐
nique sur le français est la forte évolution phonétique, qui fait la spécificité
du français par rapport aux autres langues romanes. Cette évolution s’est
caractérisée notamment par une réduction des mots suite à la réduction
systématique de certaines consonnes et certaines voyelles. Au point de vue
morphologique (la construction des mots, voir chapitre 7), les suffixes -
and, -ard, -aud, -ais, -er et -ier sont d’origine francique, tout comme un
assez grand nombre de verbes en -ir comme choisir, jaillir, blanchir, etc.
4.6.
Quel est l’intérêt actuel des écrits en très
ancien français pour les linguistes ?
Très peu de textes en très ancien français nous sont parvenus. Pour les
linguistes, ces écrits sont donc des témoignages extrêmement précieux de
l’époque de transition entre le latin et le français.
Les Serments de Strasbourg nous renseignent notamment sur certaines
prononciations et certaines formes grammaticales de l’époque. Par
exemple, le copiste semble avoir hésité sur la forme écrite à donner aux
voyelles non accentuées. Ces hésitations indiquent qu’à cette époque, la
prononciation de ces voyelles était encore incertaine et difficilement
audible. D’un point de vue grammatical, le texte des Serments de Strasbourg
montre que le changement qui s’est opéré dans la formation du futur entre
le latin (radical + désinence -bo / -bis etc.) et le français (infinitif + formes
conjuguées du verbe avoir) avait déjà eu lieu à cette époque.
Du point de vue du vocabulaire ainsi que des processus de formation
des mots, les Gloses sont des sources de renseignement inestimables. Par
exemple, en comparant le mot latin singulariter (individuellement) et sa
traduction en roman solamente, qui est devenu seulement en français, on
constate que le processus de formation des adverbes de manière par la
combinaison d’une périphrase avec le suffixe -mente existait déjà à l’époque.
Ce processus reste actuellement l’un des plus productifs en français, car il
sert à former tous les adverbes en -ment. De manière générale, tous les
mots glosés, c’est-à-dire traduits et expliqués, appartiennent au vocabulaire
4.7.
Qu’est-ce que l’ordonnance de Villers-Cotterêts
et de quand date-t-elle ?
Cette ordonnance, signée par François Ier en 1539, prévoit que tous les
documents administratifs, les actes officiels et les décrets de loi devront
désormais être rédigés en français. Jusque-là, c’est le latin qui était utilisé.
4.8.
À partir de quelle époque le français a-t-il été
normalisé et par qui ?
L’événement qui a marqué le début de la normalisation du français est
la création de l’Académie française par Richelieu en 1635. L’Académie est
sous contrôle direct de l’État qui l’a créée dans le but de renforcer la cen‐
tralisation politique. Dans ses statuts, l’Académie donne pour mission à
ses quarante membres de « travailler avec tout le soin et toute la diligence
possible à donner des règles certaines à notre langue, et à la rendre pure, éloquente
et capable de traiter les arts et les sciences » (art. 24). L’Académie a notamment
pour but de produire une grammaire et un dictionnaire du français. Le
dictionnaire de l’Académie a été mis en chantier dès 1639 mais sa première
édition n’est parue qu’en 1694, soit plus de cinquante ans plus tard.
L’orthographe actuelle du français a été fixée à partir de 1835, dans la
6e édition du dictionnaire de l’Académie.
5. Chapitre 5 :
Une brève histoire
de la linguistique
contemporaine :
de Saussure à Chomsky
5.1.
Quel doit être l’objet d’étude de la linguistique
selon Ferdinand de Saussure ?
La grande innovation de Ferdinand de Saussure a été de séparer l’objet
d’étude de la linguistique de sa matière. Cette dernière inclut toute forme
de langage sans aucune distinction, ce qui la rend impossible à étudier dans
son ensemble. En revanche, l’objet de la linguistique se limite à un sous-
ensemble de cette matière. Il constitue un tout structuré qui résulte de
décisions prises par le linguiste, notamment en fonction de l’aspect de la
matière que ce dernier souhaite étudier. L’objet ainsi défini doit permettre
de classifier la matière afin de mieux la comprendre.
5.2.
Expliquer les notions de signifiant et de
signifié. Illustrez avec le mot chat.
Chez Saussure, le signe linguistique comprend deux éléments indis‐
sociables (deux faces) : l’image acoustique et le concept. Ce sont des entités
psychiques (donc non matérielles) qui ne peuvent exister l’une sans l’autre.
Selon Saussure, la notion de signe ne s’applique pas uniquement au sys‐
tème linguistique mais potentiellement à tous les autres systèmes de signes.
C’est pourquoi, il remplacera le terme d’image acoustique par celui de signi‐
fiant et celui de concept par celui de signifié, jugés plus généraux. Dans le
domaine de la linguistique, le signifiant correspond à l’enveloppe linguis‐
tique du mot et le signifié à son sens. Par exemple, le signifiant de chat est
5.3.
Pourquoi les signes linguistiques sont-ils
arbitraires selon Saussure ?
Lorsque Saussure énonce le principe de l’arbitraire du signe, il veut
souligner le fait qu’il n’existe aucun lien naturel ou logique entre les deux
faces du signe : le signifiant et le signifié. En d’autres termes, on dit que
cette relation est immotivée. Par exemple, la relation entre le mot chat et le
concept qu’il désigne n’a aucune raison d’être en soi, si ce n’est que la com‐
munauté linguistique francophone a adopté conventionnellement cette éti‐
quette linguistique pour désigner le concept de chat. Cette caractéristique
du signe apparaît de manière évidente lorsque l’on compare les différentes
étiquettes linguistiques utilisées dans différentes langues pour désigner des
concepts très proches. Dans le cas de notre exemple, le mot chat devient
cat en anglais, Katz en allemand, gato en espagnol, etc. De par son caractère
arbitraire, le signe linguistique se différencie des autres types de signes
comme les symboles, qui reposent sur un rapport d’analogie entre signifié
et signifiant. Par exemple, les panneaux de circulation routière repro‐
duisent visuellement la situation qu’ils décrivent.
5.4.
Quelle est la différence entre la signification
et la valeur d’un signe ? Illustrez à l’aide du mot
cheval.
Le lien entre un signifiant et un signifié produit la signification d’un
signe. Toutefois, pour Saussure, chaque signe appartient avant tout au
système général de la langue. Il tire donc sa valeur de ses rapports avec les
autres signes de la langue et non de lui-même. Par exemple, ce qui fait la
5.5.
Selon Saussure, les relations entre signes
peuvent être syntagmatiques ou
paradigmatiques. Expliquer ces deux types de
relation et donner des exemples pour chacune
d’elles.
Ces relations peuvent être représentées sur deux axes distincts : d’un
côté, l’axe syntagmatique, horizontal et de l’autre, l’axe paradigmatique,
vertical.
Les rapports syntagmatiques entre des signes peuvent être définis
comme des rapports de successivité et de contiguïté. En effet, les signes se
suivent temporellement sur une ligne. Ce rapport régit le lien entre les
signes à tous les niveaux d’organisation du système linguistique. Au niveau
phonologique, il permet de distinguer une suite comme [b-ʁ-a] d’une
autre comme [b-a-ʁ]. Il conditionne également la relation qu’entre‐
tiennent les mots dans la phrase. En effet, Anne voit Pierre n’est pas iden‐
tique à Pierre voit Anne. Ce type de relation intervient linéairement dans
la chaîne parlée.
Les rapports paradigmatiques se situent hors de la chaîne parlée et
incluent des relations de types très divers. Il s’agit de rapports associatifs
qui peuvent se situer entre signifiant et signifié (manger, mangeable), entre
signifiés (mangeable, comestible), entre signifiants (manger, changer) et au
niveau de la formation du mot (mangeable, buvable).
5.7.
Pourquoi Chomsky parle-t-il de grammaire
générative ?
Le terme générative vient du fait que la grammaire telle que la conçoit
Chomsky permet de générer un nombre infini de phrase à partir d’un
nombre fini d’éléments. Par exemple, la règle selon laquelle un groupe
verbal peut contenir (en français) un verbe et un groupe nominal permet
de générer une série infinie de séquences correctes comme manger la
pomme, voir le chien, caresser le chat, etc. Ainsi, à partir du nombre fini de
mots que contient une langue, la capacité générative du langage nous per‐
met de générer un nombre infini de phrases différentes.
6. Chapitre 6 :
Phonétique et phonologie
du français
6.1.
Donner quelques exemples de chaque niveau
d’analyse linguistique à partir du texte ci-
dessous.
Jean pense que le chien de la voisine est monstrueux. Le facteur m’a
d’ailleurs dit qu’il l’avait méchamment mordu à la cheville la semaine der‐
nière.
Phrases : [ Jean pense que le chien de la voisine est monstrueux] / [le
chien de la voisine est monstrueux], [il l’avait méchamment mordu], etc.
6.2.
Dire à quel(s) domaine(s) d’étude de la
linguistique chaque unité identifiée ci-dessus
correspond traditionnellement.
Les phrases sont l’objet d’étude à la fois de la sémantique et de la syntaxe.
La sémantique étudie la signification de la phrase alors que la syntaxe a
pour objectif de comprendre comment les mots sont organisés pour fournir
une phrase grammaticalement correcte. Les syntagmes sont l’objet d’étude
de la syntaxe (cf. chapitre 8). Les morphèmes sont l’objet d’étude de la
morphologie (cf. chapitre 7). Les phonèmes sont l’objet d’étude de la pho‐
nologie (cf. ci-dessous).
Les disciplines linguistiques étudient également d’autres types d’unités
comme la syllabe en phonologie ou le mot en sémantique et en morpho‐
logie. Toutefois, tout comme la phrase, ces dernières ne sont pas des unités
minimales d’analyse.
6.3.
Qu’est-ce qu’un phonème par opposition à un
son ? Donner trois exemples de phonèmes du
français.
Le phonème constitue l’objet d’étude la phonologie. Il s’agit de la plus
petite unité linguistique pertinente pour la communication. Bien que les
phonèmes ne soient pas en eux-mêmes porteurs de signification, le rem‐
placement d’un phonème par un autre produit une différence de
6.4.
Quelles sont les réalisations graphiques
possibles du son [Ɛ] en français ?
Il est courant qu’en français, un même son soit représenté par une
panoplie de graphies différentes. Dans le cas du son [ɛ], on a notamment :
e (ouvert), ê (tête), è (mètre), é (événement), ë (Noël), ei (verveine), ai
(chaise), aî (maître), ey (poney).
6.6.
Quelle est la définition de la consonne, de la
voyelle et de la semi-voyelle ?
D’un point de vue articulatoire, la principale différence entre les
consonnes et les voyelles est que les premières impliquent un obstacle par‐
tiel ou total au passage de l’air alors que les secondes sont caractérisées par
une vibration des cordes vocales sans obstruction de l’ouverture de la cavité
buccale. Les semi-voyelles sont associées aux voyelles qui sont articula‐
toirement ou spectralement proches. Par exemple, d’un point de vue arti‐
culatoire, la semi-voyelle [j] et associée à la voyelle [i] comme par exemple
dans la paire abeille-abbaye. Attention : le mot abeille comporte la semi-
voyelle [j] et abbaye la voyelle [i], contrairement à ce que l’orthographe
pourrait laisser penser. En revanche, d’un point de vue de leur rôle dans la
6.7.
À quoi sert la méthode des paires minimales ?
Donner un exemple pour la paire de voyelles
orales mi-fermées et mi-ouvertes.
Nous avons vu plus haut que la phonétique articulatoire a pour but de
classifier les divers sons que peut produire l’être humain en parlant. Or, ce
classement passe par la distinction entre les divers organes utilisés et leur
position. La méthode des paires minimales consiste à faire varier un seul
trait pertinent et d’observer les paires possibles. C’est par ce système
d’opposition qu’on établit quels sont les phonèmes d’une langue. Les sons
[e] et [ɛ] des mots pré et près forment par exemple une paire minimale. Il
s’agit de deux voyelles orales, palatales et non-arrondies. La seule diffé‐
rence entre ces phonèmes se situe dans l’ouverture de la bouche, qui est
mi-fermée pour [e] et mi-ouverte pour [ɛ]. C’est pourquoi les sons [e] et
[ɛ] sont des phonèmes du français.
6.8.
Quels sont les enchaînements ou les liaisons
contenus dans les phrases ci-dessous ?
L’enchaînement consiste à lier à l’oral deux mots qui se suivent dans la
chaîne parlée en joignant le dernier phonème prononcé du premier mot à
la voyelle initiant le mot suivant. Lorsqu’il s’agit d’une consonne, l’enchaî‐
nement modifie le contour syllabique des deux mots, qui sont prononcés
d’un seul groupe de souffle. Dans ce cas, le découpage graphique ne cor‐
respond pas au découpage syllabique, comme l’illustre l’exemple (1) ci-
dessous. Lorsqu’il s’agit de deux voyelles, l’enchaînement est également
prononcé en un seul groupe de souffle mais cette fois-ci la structure syl‐
labique correspond à la structure graphique, comme le montre l’exemple
(2).
7. Chapitre 7 :
Morphologie du français
7.1.
Chercher les allomorphes des verbes suivants :
pouvoir / payer. S’agit-il de variantes
conditionnées ou libres ?
Le terme allomorphe désigne les variantes formelles d’un même mor‐
phème.
pouvoir : /peu/ {peux, peut} /pouv/ {pouvons, pouvais, pouvant}, /
pourr/ {pourrai} /pui/ {puisse}, /p/ {pus, pûmes}
payer : /pai/ {paie, paierai} /pay/ {paye, payais, payai}
Ces verbes se réalisent en plusieurs allomorphes en fonction de leur
conjugaison. Toutefois, toutes ces formes correspondent toujours au même
verbe, conjugué à des temps ou à des formes différentes. Par exemple, le
verbe payer au passé prend nécessairement la lettre -y et le verbe pouvoir
au futur le morphème pourr-. Il s’agit dans ces cas de variantes condition‐
nées (par l’environnement du morphe), elles sont obligatoires. Attention :
7.2.
Faire une décomposition en morphèmes des
mots rechargeables, intrigante, antilopes.
rechargeables : re-charg-able-s
Par substitution on retrouve re- dans : retrouvable, réutilisable. On
retrouve charg- dans charger, chargement. Quant à -able, on le retrouve dans
mangeable, réparable.
intrigante : intrigu-ant-e
On retrouve la racine intrigu- dans les mots intrigue et intriguer. Le
suffixe de dérivation -ant permet de former un adjectif à partir d’une racine
verbale. On le retrouve dans de très nombreux mots comme épuisant,
motivant, lassant, etc. Enfin, le -e final est un affixe flexionnel qui marque
le féminin.
antilopes : antilope-s
Cet exemple rappelle que tout ce qui ressemble à un morphème n’en
est pas un. Dans le mot antilope, anti- n’a évidemment pas le même sens
que dans antibiotique ou antioxydant.
7.4.
Quelles sont les caractéristiques des suffixes
flexionnels ? Donnez trois exemples de suffixes
flexionnels du français.
Les suffixes flexionnels ont pour propriété de marquer les traits gram‐
maticaux de la catégorie, comme le genre, le nombre, la personne, le temps
ou encore le mode. Contrairement aux suffixes dérivationnels, ils ne
peuvent pas modifier la catégorie de la racine. Par exemple, le mot pommes
contient le morphème pomme ainsi qu’un suffixe flexionnel -s, qui marque
le nombre, en l’occurrence le pluriel. Mais avec ou sans adjonction du
suffixe, le mot pomme reste un nom. Prenons un autre exemple. Les mots
mange et mangeait contiennent tous deux la racine mang(e)- mais des
suffixes flexionnels différents. Le premier -e marque la troisième personne
du singulier au présent de l’indicatif. Le second marque la première ou la
deuxième personne du singulier de l’imparfait de l’indicatif. Toutefois,
dans les deux cas, le mot dans lequel ils interviennent reste un verbe.
7.6.
Quelles sont les caractéristiques formelles
qui permettent de reconnaître un mot
composé par opposition à un mot construit par
dérivation ?
Aucun critère formel ne permet de reconnaître un mot composé, y
compris au sein d’une même famille lexicale : certains prennent une forme
soudée (contresens), d’autres sont reliés par un trait d’union (non-sens),
d’autres encore ne portent aucune marque de liaison (faux sens).
Le critère qui permet de différencier un mot composé d’un mot
construit par dérivation est que, dans le premier cas, les deux éléments sont
des morphèmes autonomes alors que, dans le second, l’une des parties
(souvent le préfixe) est un morphème non autonome. Une exception à cette
règle provient des composés savants, dont les morphèmes ne sont pas
autonomes mais conservent toutefois une sémantique de mots pleins (voir
chapitre 10).
7.7.
Qu’est-ce qui différencie les mots composés
des autres syntagmes ?
Le mot syntagme fait référence à un groupe de mots qui forme une unité
syntaxique. Par exemple le petit chien forme un syntagme nominal (cf. cha‐
pitre 8). Ainsi, sur le plan strictement formel, les mots composés sont des
7.8.
Comment peut-on adapter le test du wug
pour le rendre utilisable en français ?
Le test du wug tel que présenté dans le chapitre ne peut pas être utilisé
en français, car le -s du pluriel ne s’entend pas à l’oral. Il faut donc trouver
un cas où l’application d’une règle de morphologie entraîne un change‐
ment régulier et audible. Une idée consiste à inventer un verbe sur le
modèle des verbes en -er et de le faire conjuguer au passé. Par exemple, on
peut montrer une vignette d’un personnage réalisant une action en indi‐
quant à l’enfant qu’il moute, et en lui disant qu’hier il le faisait aussi. Hier
il ______. On s’attend à ce que l’enfant applique par défaut la règle de
conjugaison des verbes en -er au passé.
8.2.
Les phrases suivantes sont-elles
grammaticales et/ou interprétables ?
Marie promène chien de elle. Phrase agrammaticale mais interprétable.
Les flots incandescents rêvent du nuage. Phrase grammaticale mais inin‐
terprétable.
Nous pouvons donc conclure que ces deux notions sont indépendantes
l’une de l’autre. L’étude de la syntaxe s’intéresse au phénomène de la
grammaticalité uniquement, indépendamment du sens des phrases.
8.3.
Qu’est-ce qu’une catégorie grammaticale ?
Donner des exemples d’éléments appartenant
aux catégories lexicale, non lexicale
et syntagmatique.
Les catégories grammaticales sont des classes qui regroupent les mots
ayant des propriétés grammaticales communes. Par exemple, les verbes
partagent la propriété de se conjuguer et les noms celle de porter des
marques de genre et de nombre. C’est ce regroupement qui permet
d’atteindre un niveau d’abstraction suffisant pour la formulation de règles
générales de grammaire.
La grammaire générative prévoit une distinction entre trois types de
catégories. Premièrement, la catégorie lexicale inclut les verbes, les noms,
les adjectifs et les adverbes. Deuxièmement, la catégorie non lexicale com‐
porte les déterminants, les pronoms, les complémenteurs, etc. Enfin, la
catégorie syntagmatique inclut les syntagmes nominaux, verbaux, adjec‐
tivaux, prépositionnels, etc. On remarque que la dernière catégorie ne se
8.4.
La classification des éléments en catégories
est-elle suffisante pour éviter de produire
des phrases agrammaticales ? Pourquoi ?
Non, la classification en catégories ne suffit pas pour éviter d’avoir une
grammaire qui produise des phrases agrammaticales. Par exemple, la caté‐
gorie générale verbe a pour propriété de pouvoir être suivie par un com‐
plément. Mais cette règle générale ne permet pas d’expliquer pourquoi une
phrase comme Jean dort la pomme est agrammaticale. Pour cela, il faut
diviser la catégorie des verbes entre les verbes transitifs et intransitifs et
préciser que seuls les verbes transitifs peuvent être suivis d’un complément.
De la même manière, il convient de distinguer les noms propres des noms
communs pour éviter d’obtenir des phrases comme La Marie mange la
pomme ou Fille mange la pomme.
Conclusions :
1. Les fonctions sémantiques sont constantes alors que les fonctions
grammaticales sont variables. Par exemple, si on transforme la phrase Jean
mange la pomme au passif, elle devient La pomme est mangée par Jean. Dans
ce second cas de figure, Jean conserve la fonction sémantique d’agent et
la pomme de thème. En revanche, la pomme occupe la fonction gramma‐
ticale de sujet et Jean d’objet.
2. Les fonctions grammaticales et sémantiques ne sont pas nécessai‐
rement liées. En effet, une même fonction grammaticale peut avoir plu‐
sieurs fonctions sémantiques différentes. Par exemple, la fonction
grammaticale de sujet peut être occupée par des éléments qui ont la fonc‐
tion sémantique d’agent (Jean mange la pomme), d’instrument (la perceuse
a traversé le mur), de bénéficiaire (les retraités touchent une rente), etc.
3. Une même fonction grammaticale peut être réalisée par différentes
catégories grammaticales. Par exemple, le sujet d’une phrase peut être un
8.6.
Donner deux exemples de computations
syntaxiques et expliquer pourquoi ces
opérations sont utiles pour le linguiste.
Les computations syntaxiques sont des opérations par lesquelles des
constituants syntaxiques d’une phrase, c’est-à-dire les syntagmes,
subissent certaines transformations, qui conduisent à les déplacer ou à les
modifier au sein de la phrase. Les computations syntaxiques pour la phrase
(1) et appliquées au syntagme nominal Pierre incluent le clivage (2),
l’interrogation (3), la passivation (4) et le remplacement (5).
8.7.
Expliquer au moyen des tests pour
l’identification des syntagmes que les
éléments entre crochets forment une unité en
(1) mais pas en (2).
1. Max [mange une pomme].
2. [Max mange] une pomme.
9. Chapitre 9 :
Syntaxe de la phrase simple
et complexe
9.1.
Parmi les deux phrases ci-dessous, laquelle
peut être considérée comme fausse pour des
raisons de normes et laquelle est
syntactiquement agrammaticale ?
–Jean allait pas au cinéma.
Cette phrase n’est pas acceptée selon les normes du français standard
qui dictent que la négation doit s’exprimer par ne…pas. Elle est toutefois
grammaticale pour le linguiste.
NP 5h
5 VP
AdvP VP
V PP
Jean n’ all-ait pas all- au cinéma.
9.2.
Expliquer les principes de l’analyse
hiérarchique des phrases.
Le principe de l’analyse hiérarchique veut que chaque élément de rang
n peut être analysé en unités de rang immédiatement inférieur, n-1. C’est
pourquoi cette analyse se représente sous forme d’arbre, dans lequel chaque
nœud correspond à un niveau de la hiérarchie.
Phrase
SN SV
D ADJ N V SN SP
D N P DN
Un bon journal annonce les nouvelles à ses lecteurs
Phrase
SN SV
SV SP
SV SN P D N
N V ADV DADJN
Jean salue gaiment la petite fille devant sa maison
9.5.
Qu’est-ce qu’un complémenteur ?
Le complémenteur est l’élément qui est à la tête des phrases complexes
et qui sert à introduire des phrases enchâssées. La position de complé‐
menteur peut être occupée par des mots comme que, qui et si, comme nous
le monterons dans l’exercice suivant.
9.6.
Qu’est-ce que le principe de récursivité ?
On parle de récursivité lorsqu’une catégorie est dominée par la même
catégorie, par exemple lorsqu’un groupe nominal contient un autre groupe
nominal. Ainsi, le groupe nominal le chien de mon frère contient un autre
groupe nominal : mon frère. À un niveau plus général, les phrases peuvent
contenir d’autres phrases. On a alors une proposition principale, dans
laquelle est enchâssée une autre proposition (dite subordonnée), qui peut
être, complétive (1), interrogative (2) ou relative (3) comme l’illustrent les
exemples ci-dessous :
9.7.
Pourquoi ce principe est-il fondamental
pour caractériser le langage humain ?
La récursivité est l’une des propriétés qui permet de distinguer le lan‐
gage humain de la communication animale. Cette propriété est fonda‐
mentale, car elle rend le langage humain créatif : grâce à l’enchâssement,
on peut sans cesse créer de nouveaux énoncés. L’enchâssement ne se
retrouve en revanche pas dans les systèmes de communication animale.
9.8.
Comment peut-on expliquer l’agrammaticalité
des phrases ci-dessous :
– (a) Qui dis-tu que Pierre aime Marie ?
– (b) Comment crois-tu que je suis arrivé quand ?
Ces deux phrases sont des questions qui ont donc pour tête un com‐
plémenteur. Dans le cas de la phrase (a), le complémenteur qui correspond
à la position objet déplacée en tête de phrase. Toutefois, malgré son dépla‐
cement, cet élément laisse ce qu’on appelle une trace de sa présence, qui se
traduit par le fait que sa position initiale ne peut pas être occupée une
seconde fois par un autre complément. La phrase déclarative initiale est
représentée ci-dessous avec le mouvement opéré par le complémenteur :
Le cas de la phrase (b) illustre le fait qu’une phrase ne peut pas contenir
deux complémenteurs, en l’occurrence quand et comment, pour les mêmes
raisons que celles évoquées ci-dessus.
10.2.
Indiquer les prédicats et les arguments
des propositions suivantes :
–Il pleut : PLEUVOIR (ø)
–Pierre cueille des cerises : CUEILLIR (PIERRE, CERISES)
[SN1_SN2]
–Jeanne résume le cours à Paul : RÉSUMER ( JEANNE, LE COURS,
PAUL) [SN1_SN2_à SN3]
–Yves est à la maison : À (YVES, LA MAISON) [SN1_SN2]
10.3.
Quels sont les différents types de relations
d’opposition du lexique ?
Le lexique contient premièrement des antonymes, lorsque l’affirmation
d’un terme entraîne la négation d’un autre, mais pas inversement. Par
exemple, riche est l’antonyme de pauvre. En effet, une personne qui est
10.4.
Quels sont les points communs
et les différences entre les relations
d’hyponymie et de méronymie ?
Les relations d’hyponymie et de méronymie se situent toutes deux entre
un terme général et un terme spécifique. Elles s’établissent par ailleurs
toutes deux sur plusieurs degrés successifs et sont de nature transitive (bien
que dans certains cas, la transitivité produise des résultats étranges pour la
méronymie).
La principale spécificité de la méronymie est de s’établir uniquement
entre des référents divisibles en parties. Cette relation est donc plus spé‐
cifique que la relation d’hyponymie. Par ailleurs, dans la relation d’hypo‐
nymie, l’hyponyme hérite de toutes les caractéristiques de son hyperonyme,
ce qui n’est pas le cas du méronyme par rapport à son holonyme.
10.6.
À quelle classe aspectuelle appartiennent
les constructions verbales suivantes : manger
chinois, écrire une lettre, concrétiser un plan, être
heureux ? Justifier au moyen de tests
linguistiques.
Manger chinois est une activité, qui a pour propriété (comme tous les
verbes d’événement) de pouvoir prendre une forme progressive comme
dans je suis en train de manger chinois au resto du coin. Une activité peut être
décrite en utilisant l’adverbe pendant (j’ai mangé chinois pendant 15 jours
lors de mon dernier voyage). Les verbes d’activité réalisent par ailleurs le
paradoxe de l’imperfectif, c’est-à-dire le fait d’avoir déjà fait une activité
au moment où on est en train de la réaliser. Ainsi, quand je suis en train
de manger chinois, j’ai déjà mangé chinois. Les verbes d’activité ne sont
en outre pas bornés sans la présence d’une expression linguistique qui
indique le début et la fin de l’activité comme dans j’ai mangé chinois entre
12 h 00 et 13 h 00. Une conséquence logique de ce qui précède est que les
activités n’ont pas de fin intrinsèque (elles sont atéliques). Ainsi, dans la
phrase je mange chinois, cette activité n’est pas limitée dans le temps. Enfin,
10.8.
Expliquer le phénomène de la coercion au
moyen des phrases suivantes :
–Anne a commencé le pain.
–Paul commence un portrait.
–Marie commence le piano.
11.4.
Expliquer la distinction entre le marqueur de
force illocutionnaire et le marqueur
de contenu propositionnel à l’aide d’un
exemple.
Selon Searle, les actes de langage sont composés par deux types de
constituants différents. Il y a d’une part le marqueur de contenu proposi‐
tionnel qui porte sur la proposition exprimée et d’autre part le marqueur
de force illocutionnaire qui sert à indiquer le type d’acte qui est accompli.
Comparons deux énoncés :
Ces deux énoncés ont des contenus propositionnels proches, car ils
partagent le même acte de prédication (venir demain) mais avec des actes
de référence différents (locuteur vs auditeur). Leur contenu propositionnel
est donc respectivement « le locuteur vient demain » et « l’auditeur vient
demain ». En revanche, les marques de force illocutionnaire sont diffé‐
rentes. Il s’agit dans un cas d’une promesse et dans l’autre d’un ordre (je
te promets / je t’ordonne). La distinction entre ces deux types de marques
11.5.
Dire quels sont les actes de langage primaires
et secondaires réalisés par les énoncés ci-
dessous et expliquer comment le locuteur peut
comprendre l’acte primaire à partir de l’acte
secondaire dans chaque cas.
L’acte primaire est l’acte réalisé par l’énoncé et l’acte secondaire est
l’acte « de surface », qui permet de le véhiculer de manière indirecte. La
transition entre les deux se fait par référence à l’une des règles sémantiques
(préliminaire, essentielle, etc.) qui conditionne la réalisation de l’acte.
a. Sais-tu quelle heure il est ?
acte primaire : requête (Donne-moi l’heure)
acte secondaire : question
transition : interrogation de la capacité de l’auditeur à accomplir l’acte
b. Vous pourriez faire moins de bruit.
acte primaire : requête (Faites moins de bruit)
acte secondaire : assertion
transition : affirme la capacité de l’auditeur
c. J’aimerais bien que tu m’écoutes quand je te parle.
acte primaire : requête (Écoute-moi quand je te parle)
acte secondaire : assertion
transition : déclaration explicite de la volonté du locuteur
d. Tu devrais être plus poli avec ton père.
acte primaire : requête (Sois poli avec ton père)
acte secondaire : assertion
transition : indique l’opinion du locuteur, donc la raison d’accomplir l’acte
11.7.
Dire si les exemples ci-dessous sont des actes
de dire que, dire de ou demander si.
a. Pardon, quelle heure est-il ? : il s’agit d’un acte de demander si, qui
véhicule une demande d’information.
b. Je me demande bien ce que j’ai fait pour mériter un étudiant pareil ! : il
s’agit d’un acte de dire que. Malgré la présence du verbe se demander, il ne
s’agit pas d’une question, au sens d’une demande d’information. La forme
impérative de la phrase n’en fait pas un ordre non plus. Il s’agit d’une
question rhétorique qui n’appelle pas de réponse.
c. Reviens ici tout de suite, sac-à-puces ! : Il s’agit d’un acte de dire de,
qui véhicule un ordre.
12. Chapitre 12 :
Pragmatique lexicale :
expressions référentielles,
temps verbaux
et connecteurs
12.1.
Quelle est la différence entre la signification
descriptive et la signification procédurale ?
La notion de signification descriptive caractérise le type de signification
contenue dans les éléments du lexique qui servent à communiquer un
concept et dont la valeur sémantique est leur référence. Par exemple, le
mot chat sert à communiquer le concept CHAT, qui contient un certain
nombre de propriétés, comme celle d’avoir des moustaches et de chasser
les souris. Le mot chat dénote par ailleurs l’ensemble des chats du monde.
De manière générale, tous les mots qui appartiennent aux classes ouvertes
du lexique (cf. chapitre 10) encodent de l’information conceptuelle.
La signification procédurale est contenue dans les éléments du lexique
qui ne sont pas dotés d’une signification descriptive. Ces éléments appar‐
tiennent typiquement aux classes fermées que sont les pronoms, les déter‐
minants et les connecteurs. Par exemple, le mot mais n’encode pas de
concept, et il serait certainement très difficile pour un locuteur de dire
précisément ce que ce mot signifie sans recourir à des exemples. Son rôle
dans la phrase est d’indiquer que les deux éléments qu’il relie sont en rela‐
tion de contraste. De même, le mot je ne signifie pas une personne en
particulier mais désigne la personne qui l’utilise. Ainsi, son rôle est
12.2.
Identifier les expressions lexicales et non
lexicales dans la phrase suivante : Je me sens ici
comme à la maison.
Signification lexicale : sentir, maison
Signification non lexicale : je, me, indicatif présent du verbe sentir, ici,
comme, à, la
12.3.
Chercher un exemple d’expression
référentielle autonome et non autonome.
Les expressions référentielles sont dites autonomes si leur signification
suffit, en contexte, à déterminer le référent qu’elles dénotent dans le monde.
Ainsi, des descriptions définies comme cet étudiant, des descriptions indé‐
finies comme un arbre ainsi que des noms propres comme Pierre ou Paris
sont des expressions référentielles autonomes.
Les expressions référentielles sont dites non autonomes si leur signifi‐
cation lexicale ne suffit pas pour déterminer le référent qu’elles dénotent
dans le monde. Ainsi, des pronoms déictiques comme tu, des pronoms
anaphoriques comme il dans Mon père est là, il va vous recevoir et des termes
vagues comme la blonde, le petit sont des exemples d’expressions non auto‐
nomes.
1. Jean a renversé son verre sur la robe de Marie. Elle l’a insulté.
2. Marie a insulté Jean. Il a renversé son verre sur sa robe.
Dans cet exemple, le passé simple tend à indiquer que le temps avance
(inférence en avant), mais le connecteur parce que est associé à une inversion
temporelle (inférence en arrière).
L’analyse pragmatique a également pour avantage d’expliquer pourquoi
certains discours semblent plus efficaces (ou optimaux) que d’autres. Dans
le cas où les indices concordent, le discours est optimal. Lorsqu’il y a
contradiction entre les différentes marques temporelles comme en (1), le
discours devient sous-optimal.
12.8.
Pourquoi les connecteurs sont-ils des marques
procédurales ?
L’hypothèse faite par les approches pragmatiques de la signification est
que les connecteurs pragmatiques, à l’instar des expressions référentielles
non autonomes et des temps verbaux, encodent de l’information procé‐
durale. Ainsi, leur signification est une procédure qui indique à l’auditeur
comment relier les segments discursifs.
Par exemple, la procédure encodée par parce que pourrait être para‐
phrasée comme suit : chercher une relation de causalité entre les segments
reliés. Dans le cas de mais, la procédure tiendrait en plusieurs étapes : (i)
chercher une conclusion inférable à partir du segment qui précède le
connecteur, (ii) chercher une conclusion inverse à la première à partir du
segment qui suit le connecteur, (iii) choisir cette dernière conclusion au
détriment de la première.
13.3.
Quelle est la différence entre une implicature
forte et une implicature faible ?
De nombreux énoncés communiquent fortement un seul contenu
implicite. Par exemple, l’énoncé (1) adressé à quelqu’un qui se trouve
devant une fenêtre ouverte implicite fortement (2). L’auditeur peut ainsi
légitimement attribuer le sens de (2) au locuteur qui lui a communiqué (1).
13.4.
En quoi la métonymie est-elle différente
de la métaphore ?
La métaphore consiste à utiliser une propriété d’un concept saillante
en contexte et à appliquer cette propriété à un autre référent, qui n’entre
pas dans la dénotation encodée linguistiquement dans le mot. Par exemple,
dans la métaphore Sarah est un glaçon, la propriété être froid est appliquée
à un référent (Sarah) qui n’entre pas dans la dénotation du mot glaçon. En
effet, les autres propriétés du concept GLAÇON (constitué d’eau, sert à
refroidir une boisson) ne s’appliquent pas à Sarah. C’est cette extension du
concept à un nombre plus important de référents que ceux qui entrent dans
la dénotation du concept encodé linguistiquement qui permet de traiter la
métaphore comme un cas d’enrichissement pragmatique par élargissement
(cf. chapitre 2).
Dans la métonymie, ce n’est pas une propriété d’un concept qui est
appliquée à un autre référent que ceux qui entrent dans sa dénotation mais
le nom d’un référent qui est utilisé pour désigner un autre référent, en vertu
du lien qui connecte leurs espaces mentaux respectifs. Par exemple, il existe
13.5.
Comment peut-on expliquer la possibilité
ou l’impossibilité des reprises anaphoriques
ci‑dessous selon la théorie des espaces
mentaux ?
1. La coccinelle a encore eu un accident. Elle n’est pas très solide.
2. *Le cappuccino demande l’addition. Il était bien mousseux cette
fois-ci.
13.7.
Comment la théorie pragmatique de l’ironie
explique-t-elle que seule la réponse (1) peut
être interprétée comme une marque d’ironie ?
Pierre : La solution à ce problème est vraiment triviale, je l’ai trouvée
en deux minutes.
Pour qu’un énoncé soit interprété comme une marque d’ironie, il doit
remplir deux conditions. Premièrement, il doit pouvoir être interprété
comme une forme d’écho. Deuxièmement, il doit véhiculer une attitude
tacitement dissociative du locuteur vis-à-vis de la proposition à laquelle il
fait écho.
Seule la réponse en (1) remplit ces deux conditions. En effet, Luc
attribue à Pierre la pensée selon laquelle il est plus malin que les autres et
montre son désaccord tacite face à cette affirmation. La réponse (2) peut
également être interprétée de manière échoïque. En effet, Luc fait écho à
l’énoncé de Pierre, qui affirme avoir trouvé la solution du problème en deux
14. Chapitre 14 :
Implicatures
14.1.
Quels sont les différents types d’implicatures
selon Grice ?
Grice a tout d’abord fait une distinction entre les implicatures conven‐
tionnelles et les implicatures conversationnelles. Les implicatures conver‐
sationnelles sont ainsi nommées parce qu’elles sont liées à l’utilisation ou
à la transgression manifeste des maximes de la conversation, comme le fait
de donner autant d’informations que nécessaire, de ne pas donner d’infor‐
mations inutiles, etc. Par exemple, si un étudiant travaille dans une salle
de cours vide et qu’un professeur entre et lui dit : « mon cours commence
dans cinq minutes », l’étudiant en conclura que cette phrase contient une
information pertinente pour lui, notamment le fait que le cours aura lieu
dans la salle où il travaille et qu’il est donc prié de sortir. Les implicatures
conventionnelles sont liées à l’usage de certains mots particuliers comme
les connecteurs pragmatiques mais, donc, etc. Ainsi, l’énoncé « il est tard,
donc je vais me coucher » déclenche l’implicature conventionnelle selon
laquelle le fait qu’il est tard est la raison d’aller se coucher.
Parmi les implicatures conversationnelles, Grice a opéré une deuxième
distinction entre les implicatures généralisées et les implicatures particu‐
lières. Les premières sont dérivées quel que soit le contexte de communi‐
cation, alors que l’interprétation des secondes dépend crucialement du
14.2.
Quel est le critère permettant de différencier
les implicatures des implications et des
présuppositions ?
Rappelons pour commencer que les présuppositions sont des infor‐
mations d’arrière-plan, qui ne peuvent pas être questionnées ou niées. Par
exemple, dire que Jean a arrêté de fumer présuppose que Jean a fumé par
le passé. Si cette assertion est transformée en question, par exemple
« Pourquoi Jean a-t-il arrêté de fumer ? » ou niée « Jean n’a pas arrêté de
fumer », la présupposition est conservée dans les deux cas. Les présuppo‐
sitions sont déclenchées par des expressions linguistiques, par exemple ici
le verbe arrêter. Les implicatures conventionnelles se rapprochent des pré‐
suppositions, car elles sont aussi attachées à l’usage de mots spécifiques.
Toutefois, contrairement aux présuppositions, les implicatures conven‐
tionnelles ne contiennent pas d’informations d’arrière-plan mais des infor‐
mations qui font partie du contenu asserté et qui peuvent être nouvelles
pour l’interlocuteur. Par exemple, ces implicatures peuvent être liées à
l’usage d’une proposition relative explicative, comme : « Jean, qui est un
grand fan de foot, a pris un abonnement saison pour tous les matchs ».
L’information selon laquelle Jean est un fan de foot, qui est une implicature
conventionnelle, est annoncée à l’interlocuteur, ce qui n’est jamais le cas
d’une présupposition.
14.5.
Quels sont les critères permettant de
distinguer les implicatures conversationnelles
des implicatures conventionnelles ?
L’une des principales différences entre ces deux types d’implicatures
est que les implicatures conversationnelles peuvent être annulées alors que
les implicatures conventionnelles, de par leur ancrage dans certains mots,
ne le peuvent pas. Par exemple, le professeur de notre exemple aurait pu
continuer sa phrase en disant « le cours commence dans cinq minutes mais
vous êtes le bienvenu si vous voulez rester ». En revanche, il n’est pas pos‐
sible de continuer l’autre exemple en disant « il est tard donc je vais me
coucher, mais ce n’est pas la raison pour laquelle je vais me coucher ». Une
deuxième différence tient au fait que la dérivation des implicatures conver‐
sationnelles fait intervenir les étapes définies par Grice (le locuteur a dit
que P, etc.) la dérivation des implicatures conventionnelles n’est pas obte‐
nue par un tel raisonnement mais de par leur signification. En effet, ces
implicatures ont une signification conventionnelle ancrée dans la langue,
et elles dépendent de la signification des phrases. En revanche, les impli‐
catures conversationnelles dépendent de l’énonciation d’une phrase par un
14.6.
Quelles sont les propriétés des implicatures
conventionnelles selon Potts ?
Potts a repris et étendu la définition des implicatures conventionnelles
de Grice. Dans cette approche, les implicatures conventionnelles pos‐
sèdent deux propriétés fondamentales. Premièrement, elles sont « anti-
arrière-plan » ce qui signifie qu’elles présentent des informations nouvelles
et qui font partie du contenu asserté et pris en charge par le locuteur. Qui
plus est, elles sont orientées sujet, ce qui signifie qu’elles contiennent des
informations subjectives qui dénotent par exemple l’état d’esprit du locu‐
teur.
15. Chapitre 15 :
Sociolinguistique
15.1.
Pourquoi la notion de variation est-elle
centrale en sociolinguistique ?
La notion de variation est centrale pour la sociolinguistique, car cette
discipline rejette l’idée de norme unique qui régirait l’usage du langage.
La sociolinguistique s’est formée sur l’observation que différents groupes
de locuteurs utilisent différentes normes linguistiques pour communiquer
entre eux. Du fait qu’un locuteur appartient dans les faits à différents
groupes (professionnels, familiaux, etc.), les normes utilisées sont aussi
variables pour une même personne selon les situations de communication.
15.3.
Quelles sont les dimensions du langage qui
varient le plus entre les régions ?
De manière générale, le lexique est la composante du langage qui
connaît le plus de variations entre les régions. Comme nous l’avons vu dans
ce chapitre, il existe de nombreux mots régionaux pour désigner des objets
et situations du quotidien. C’est aussi le lexique d’une langue qui se renou‐
velle le plus rapidement, au gré des modes et des évolutions sociales et
technologiques. Les changements phonologiques et syntaxiques, qui
touchent la structure même de la langue, sont plus limités et lents à se
réaliser. Toutefois, comme nous l’avons vu, ces changements se produisent
également dans une certaine mesure. Il arrive même qu’une langue
connaisse un changement syntaxique radical, comme l’ordre canonique des
mots, qui peut par exemple passer de la forme Sujet-Objet-Verbe à Sujet-
Verbe-Objet. Les changements dans la structure d’une langue sont
d’autant plus lents et modérés qu’il s’agit d’une langue normée et à forte
15.4.
Quelles sont les principales sources des
différences régionales ?
Les différences régionales proviennent principalement de deux sources.
D’une part, il s’agit souvent de normes qui ont été partagées par la com‐
munauté linguistique, puis qu’une partie de la communauté a abandonnées
alors qu’une autre les a conservées. Bien souvent, les innovations viennent
des régions où est parlée la variété considérée comme standard. Les régions
périphériques tendent à être plus conservatrices avec la langue. L’autre
grande source de variations régionales vient des contacts qui touchent une
partie seulement de la communauté linguistique. Ces contacts donnent en
effet lieu à des emprunts qui sont utilisés localement. Dans le cas du fran‐
çais, nous avons notamment vu que selon les régions, ces contacts peuvent
venir du néerlandais (en Belgique), de l’Allemand (en Suisse mais aussi
dans les régions françaises voisines de l’Allemagne), du Breton ou encore
un Catalan. Au Canada, le français connaît de nombreux emprunts à
l’anglais, contre lesquels des commissions locales de terminologie tentent
de lutter en proposant des équivalents français.
15.5.
Qu’appelle-t-on la dialectologie perceptuelle ?
La dialectologie perceptuelle est une branche de la dialectologie qui
vise à étudier les représentations qu’ont les locuteurs d’une variété linguis‐
tique plutôt que d’étudier les propriétés linguistiques (phonologiques,
lexicales, etc.) de cette variété. Par exemple, la dialectologie perceptuelle
s’intéresse à la manière dont les locuteurs perçoivent différents accents ou
caractéristiques régionales. Ces représentations ne correspondent pas tou‐
jours à une réalité scientifique, car parfois les locuteurs ont des apprécia‐
tions différentes de variétés qu’ils ne sont pas capables de différencier
15.6.
Qu’appelle-t-on l’insécurité linguistique et en
quoi cette notion est-elle liée à la notion de
variation ?
La notion d’insécurité linguistique désigne le sentiment qu’ont certains
locuteurs que la variété de langue qu’ils parlent s’éloigne de la norme stan‐
dard de leur langue et n’est de ce fait pas correcte. Souvent, les locuteurs
des régions périphériques savent que leur variété est considérée comme
moins correcte que la variété standard par les locuteurs de cette dernière,
ce qui crée un sentiment d’insécurité linguistique les empêchant d’innover.
C’est pourquoi, de nombreux régionalismes sont des normes vieillies qui
perdurent dans les régions périphériques. Ainsi, l’insécurité linguistique
est motivée par l’existence de variations dans les normes utilisées par dif‐
férents groupes de locuteurs et la manière dont ces variations sont perçues
par les locuteurs de la variété standard.
Index 337
dialectologie, 242 homonymie, 175
dialectologie perceptuelle, 247 hyperonyme, 167
diversification linguistique, 58 hyponymie, 167
E I
effet cognitif, 50–51 idiome, 122
effet poétique, 212 image acoustique, 90
effort cognitif, 50–51 implication, 227
élargissement, 49, 210 contextuelle, 235
enchaînement, 113 implicature, 47, 221
énoncé, 104 conventionnelle, 227
enrichissement pragmatique, 45 conversationnelle, 224
faible, 235
espaces mentaux, 212
généralisée, 225
évolution des langues, 240 particulière, 225
explicitation, indice (de communication), 29
basique, 46
inférence, 38
d’ordre supérieur, 47
directionnelle, 201
expression référentielle, 195, 233
information d’arrière-plan, 233
F insécurité linguistique, 248
faculté de langage, 26, 95 intention communicative, 42, 223
famille de langues, 59, 61 intention informative, 42, 223
flexion, 119 ironie, 38, 215
fonction grammaticale, 138
J
fonction sémantique, 139
jugement de grammaticalité, 94
force illocutionnaire, 46
forme propositionnelle, 48 L
français des banlieues, 241 langue auxiliaire, 56
franco-provençal, 76 langue des signes, 25, 31, 55
francophonie, 83 langue externe (Chomsky), 94
langue interne (Chomsky), 92, 94
G langue régionale, 237
gaulois, 76
langue (Saussure), 88
Gloses, 81
langue vernaculaire, 56
grammaire générative, 92, 96
langues d’oc, 76
grammaire universelle, 95
langues d’oïl, 76
H langues en danger, 63
holonyme, 168 langues indo-européennes, 65
langues romanes, 71
338 Index
latin vulgaire, 77 ordre temporel, 198
lemme, 119
lexique, 123 P
liaison, 113 paradoxe de l’imperfectif, 173
lieu d’articulation, 107 parallélisme logico-grammatical, 130
linguistique diachronique, 89 parole (Saussure), 87
linguistique externe (Saussure), 87 performance, 93
linguistique interne (Saussure), 87 performatif, 180
linguistique synchronique, 89 pertinence, 39
principe cognitif, 50
M principe communicatif, 50
théorie de la −, 50
maxime de conversation, 221
phonème, 103, 110
maximes de conversation,
commutation de −, 111
manière, 223
paires minimales, 111
méronymie, 168 permutation de −, 111
métaphore, 38, 210 phonétique articulatoire, 106
métonymie, 38, 212 phonologie, 28, 110
mode d’articulation, 106 suprasegmentale, 112
modèle de l’inférence, 41 phrase, 43, 102
modèle du code, 40 complexe, 156
morphème, 115 simple, 150
libre, 116 phylogénèse, 26
lié, 116 pidgin, 56
morphologie, 115 politique linguistique, 237
mot composé, 121 polysémie, 169, 175
mot valise, 122 pragmatique, 179
mots logiques, 231 prédicat, 165
mouvement (syntaxique), 152 préfixe, 119
multilinguisme, 237 de dérivation, 119
présomption de littéralité, 209
N présupposition, 233
niveau de base (des catégories), 168 principe de coopération, 223
nom, principe d’exprimabilité, 184
comptable, 172
principes et paramètres, 96
massif, 172
proto-langage, 54
normes (grammaticales), 129, 145
purisme, 131
O Q
ordonnance de Villers-Cotterêts, 78
qualité, 223
Index 339
quantité, 223 structuralisme, 86
structure argumentale, 137
R suffixe, 119
radical, 117 de dérivation, 120
référence, 195 de flexion, 119
actuelle, 196 syllabe, 108
virtuelle, 196 synonymie, 169
référent, 169 syntagme, 103, 140
régionalisme, 246 syntaxe, 28
registre (de langue), 239 système (de la langue), 88
relation, 223
relation paradigmatique, 91 T
relation syntagmatique, 91 télicité, 174
relatives (phrases), 159 test de la performativité, 181
rhétorique, 207 Théorie de la Pertinence, 223
théorie de l’esprit, 24
S transcatégorisation, 123
sémantique, 28 troncation, 122
compositionnelle, 165
trou lexical, 124
lexicale, 167
semi-voyelle, 108
du français, 108
U
universaux du langage, 95
sémiologie, 90
usage descriptif du langage, 217
Serments de Strasbourg, 80
usage interprétatif du langage, 217
signal (de communication), 29
signe (de communication), 30 V
signe (linguistique), 90 valence, 137
signifiant, 90 valeur (d’un signe), 91
signification naturelle, 221 variation, 240
signification non naturelle, 222 vériconditionalité,
signification procédurale, 193, 235 vériconditionnel, 227
signifié, 90 voyelle, 107, 244
singes vervet, 29 à double timbre, 244
sociolecte, 240 du français, 74, 108
nasale, 107
sociolinguistique, 237
orale, 107
spécification, 48
spécifieur, 140
340 Index