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Résumé : Le but de cet article est de présenter un cadre conceptuel permettant d’ana-
lyser les enjeux que soulève la patrimonialisation sur le développement économique et,
par conséquent, de gérer les déséquilibres qui peuvent survenir au niveau national et
international. Une stratégie patrimoniale devrait viser prioritairement le bien-être humain
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 03/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.67.5.193)
Abstract: The goal of this paper is to present a conceptual framework to analyse the stakes
raised by the patrimonialization on economic development and, consequently, to man-
age imbalances induced by this process at the national and international level. While this
strategy should prioritize human well-being, its impact on economic development and eco-
nomic well-being is far-reaching and should be carefully analysed. The OECD developed
Introduction
Hérité du passé, le patrimoine comprend généralement deux grandes catégories :
le patrimoine matériel incluant les édifices, monuments, statues, sites historiques ou
encore des objets d’art, une peinture et le patrimoine immatériel au sein duquel on
retrouve la langue, la littérature, la musique et toute autre forme de connaissance ou
de compétence reconnue par des groupes et communautés. L’environnement et plus
particulièrement la biodiversité font également partie intégrante du patrimoine. La
patrimonialisation est une intervention visant la création, la préservation ainsi que
la diffusion de ces formes de patrimoine dans une perspective intergénérationnelle.
Le but de cet article est de présenter un cadre permettant d’analyser les enjeux
que soulève la protection du patrimoine sur le développement économique et, par
conséquent, de gérer les déséquilibres qui peuvent survenir au niveau national et
international. Par exemple, bien que la liste du patrimoine mondial de l’Unesco ne
constitue pas en soi un outil de développement économique, elle peut produire
des effets positifs ou négatifs sur le développement. Le passage de l’inscription
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1. « Le bien être économique est le fruit du produit économique », OCDE, p.11, 2001.
2. « Le bien-être humain est plus que la somme des différents niveaux de bien-être, car
il est lié aux préférences individuelles et sociétales à l’égard de l’égalité des chances, les
libertés civiles, de la répartition des ressources et des possibilités de toujours apprendre
plus », Ibid., pp. 10-11.
individuel en fonction des valeurs qui varient selon les individus et les groupes
sociaux5. Les différentes formes de capital sont donc des ressources utilisées pour
favoriser le développement économique et social. Nous considérons que le patri-
moine est un élément important du capital culturel et du capital naturel contribuant
à des finalités sociales et humaines qui vont bien au-delà des objectifs de crois-
sance économique6.
5. OCDE, Du bien-être des nations : le rôle du capital humain et social, op. cit., p. 11.
6. Ibid., p. 9.
7. F.-D. Vivien, « Pour une économie patrimoniale des ressources naturelles et de
l’environnement », in Mondes en développement, vol. 1, n° 145, 2009, p. 24.
capital culturel est le patrimoine exprimé sous toutes ses formes et sur une longue
période et que l’on retrouve dans les conventions de l’Unesco. Comme toute autre
forme de capital, le capital culturel constitue un déterminant au développement
économique. En d’autres termes, le patrimoine pourrait difficilement être isolé de
l’économie tout comme de la société. Notre propos est fondé sur le fait que les
capitaux agissent les uns sur les autres et ne peuvent être isolés dans un contexte
national. Par exemple, le capital humain et le capital social ont une très grande
complémentarité et leur accumulation dépendra fortement des dispositions poli-
tiques, institutionnelles et juridiques d’un pays donné.
Le cadre institutionnel national est donc un facteur important dans l’accumu-
lation et la détérioration des capitaux. Il existe une variété d’institutions parmi les
pays qui explique pourquoi certains capitaux sont plus avantagés dans certains
pays alors qu’ils sont négligés dans certains autres. Finalement, les dispositions
juridiques ont également un rôle non négligeable sur ces capitaux. Il suffit de men-
tionner entre autres les droits de propriété intellectuelle ainsi que les instruments
légaux internationaux tels les conventions, les résolutions, etc.
Dans le cadre emprunté de l’OCDE, il est important de mentionner que le
capital culturel n’est pas présent et est, en quelque sorte, intégré au capital social.
Dans cet article, ces deux capitaux sont distingués puisque nous considérons que
le patrimoine culturel ou naturel en constitue une composante importante et agit
directement sur le capital social par sa fonction identitaire et son rôle sur la cohé-
sion sociale. À notre avis, il y aurait une complémentarité aussi importante entre
capital social et capital culturel qu’entre capital humain et capital social. Cette com-
plémentarité étant également soutenue et influencée par les dispositions politiques,
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2. Capital et patrimonialisation
La patrimonialisation est un mode d’intervention qui a pour but d’assurer la créa-
tion, la préservation et la diffusion du patrimoine. Il s’agit d’un processus qui évolue
et est, en quelque sorte, déterminé par les interventions antérieures qu’elles soient
locales, nationales ou internationales. Ces interventions produisent des externalités
qui influencent le développement économique. Il nous faut donc comprendre la
dynamique qui va de la patrimonialisation au progrès économique. Cette straté-
gie contribue à influencer le développement économique, mais également social,
puisque le capital naturel et culturel (qui incluent certains éléments patrimoniaux)
interagissent étroitement avec les autres capitaux qui affecteront à la fois la crois-
sance économique et le bien-être.
12. P. Hugon, « Les frontières de l’ordre concurrentiel et du marché : les biens publics
mondiaux et les patrimoines communs », op. cit., p. 270.
5. Externalités de la patrimonialisation
humain. On revient donc au cadre initial qui tient compte de tous les capitaux pour
atteindre les objectifs de croissance économique et de bien-être.
16. D. Throsby, The Economics of Cultural Policy, Cambridge University Press, Cambridge,
2010, p. 112.
Conclusion
Gérer le processus de patrimonialisation comme s’il ne relevait que de la conser-
vation et de la transmission sans tenir compte de son impact sur le développement
économique est irréaliste. Inévitablement, cette stratégie affectera le niveau de déve-
loppement économique d’un pays en agissant sur les différents capitaux et, ultime-
ment, sur la croissance et le bien-être économique ainsi que sur le bien-être humain.
Le bien-être économique est une composante importante de la production
économique qui va au-delà de l’efficience économique pour tenir compte de
l’équité. Sans création de richesse, il ne peut y avoir de bien-être économique.
Cependant, la croissance économique ne garantit ni le bien-être économique ni le
bien-être humain. Osberg et Sharpe (2005), tous deux économistes, ont développé
un indicateur de bien-être économique tout à fait crédible et ont remarqué sur cette
base un écart grandissant entre la croissance économique et le bien-être écono-
mique. En d’autres mots, la croissance économique progresserait beaucoup plus
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Le cadre conceptuel développé par l’OCDE s’avère utile pour gérer ces enjeux
et développer une stratégie de patrimonialisation dont l’objectif ultime est le bien-
être humain. Il serait impossible de déconnecter la patrimonialisation de cette
dynamique systémique. Cette stratégie sera inévitablement développée dans un
contexte où les objectifs économiques seront entremêlés à ceux du bien-être éco-
nomique et humain. De ce fait, toutes les formes de capital même celles négligées
par la science économique néoclassique devront être prises en compte et stimulées
par des politiques publiques adéquates. Ce cadre permet d’ordonner la gestion de
la logique patrimoniale dans un contexte de développement économique.
Bibliographie
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