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Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation

importée
Alain Piveteau
Dans Afrique contemporaine 2018/2 (N° 266), pages 75 à 96
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 0002-0478
ISBN 9782807391734
DOI 10.3917/afco.266.0075
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 28/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.157.137.235)

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Au Maroc, l’épreuve politique
d’une industrialisation importée
Alain Piveteau

Le Maroc s’est doté d’une stratégie d’émergence industrielle au milieu


de la décennie 2000. Cette « politique industrielle », que l’article
passe en revue au regard de l’histoire longue de l’industrie au Maroc,
vise explicitement la diversification de l’économie par l’attraction des
investissements directs à l’étranger (IDE) et l’amélioration de la com-
pétitivité externe de l’industrie. Elle combine grands projets infras-
tructurels et programmes de modernisation industrielle. En dépit de
réels succès sectoriels, comme dans l’automobile ou l’aéronautique,
le bilan insuffisant des deux premiers Plan et Pacte pour l’émergence
a cependant conduit l’État marocain à ajuster son approche au tra-
vers du Plan d’accélération industrielle (PAI 2014-2020). La logique
d’écosystème promue par le PAI se trouvera confirmée si elle par-
vient à accroître les relations industrielles (production, formation,
technologie) entre les TPME/PME locales et les grandes entreprises
à participation étrangère leaders des chaînes de valeur mondiales
(CVM). Elle le sera moins si, en pratique, elle est réduite à une poli-
tique volontariste d’attraction de chaînons manquants des CVM pré-
sentes au Maroc, sans parvenir à y adosser le développement des
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capacités nationales.
Mots clés : Industrialisation – Politique industrielle – Maroc – Économie politique

À compter de la décennie 19901, le rôle de la politique indus-


trielle dans la conduite du changement structurel est réha-
bilité par différents économistes 2 . Leurs travaux, loin de la
« tiédeur » habituelle du courant dominant (Tirole, 2016,
p. 491), prennent empiriquement acte de l’utilité de politiques
sélectives et incitatives pour pallier aux défaillances du mar-
ché (Naudé, 2010 ; Pack, Saggi, 2006 ; Amsden, 1989 ; Wade,
1990 ; Lin, Wang, 2017). L’État, la politique publique et l’industrie ont à nou-
veau partie liée, sous des formes ouvertes, incertaines et souvent controversées,

Économiste à l’Institut de recherche dorénavant les conditions sociales et questionnent la notion d’émergence
pour le développement durable (IRD), politiques des transformations en posant l’hypothèse d’une
Alain Piveteau est l’auteur d’articles économiques en cours dans les pays contribution inédite des pays du Sud
et d’ouvrages sur l’évaluation des en développement. Depuis le Maroc, à la dynamique mondiale des
projets, le développement local et la où il étudie le rôle de la politique capitalismes.
décentralisation en Afrique industrielle dans la conduite du
subsaharienne. Son travail examine changement structurel, ses travaux

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 75


tout en partageant une même vision stratégique de l’industrialisation orientée
par les marchés d’exportation.
En accord avec ce régime général des idées, le Maroc s’est doté d’une
stratégie d’émergence industrielle au milieu de la décennie 2000 3 . Cette « poli-
tique industrielle » (Piveteau, Rougier, 2011) vise explicitement la diversifi-
cation de l’économie par l’attraction des investissements directs à l’étranger
(IDE) et l’amélioration de la compétitivité externe de l’industrie. Elle combine
grands projets infrastructurels et programmes de modernisation industrielle.
L’industrie étant redevenue, dans l’agenda national marocain, un levier impor-
tant de la croissance économique. En dépit de réels succès sectoriels, comme
dans l’automobile ou l’aéronautique, le bilan insuffisant des deux premiers
Plan et Pacte pour l’émergence a cependant conduit l’État marocain à ajuster
son approche. Le Plan d’accélération industrielle (PAI 2014-2020) vise ainsi à
accroître significativement la part du secteur industriel, pour la porter à 23 %
du PIB, en favorisant l’intégration sectorielle et en accompagnant la montée en
gamme de la production vers des produits à plus forte valeur ajoutée. La mise
en place d’« écosystèmes industriels performants », orientés principalement
vers les marchés externes, devant aussi permettre l’intensification des relations
entre les grands groupes industriels présents et les PME, tout en favorisant la
création d’emplois.
L’objectif de cet article est de mettre en perspective l’actuelle stratégie
d’accélération industrielle au regard de l’histoire longue de l’industrialisation
au Maroc, caractérisée par le rôle affirmé du pouvoir royal dans l’économie et
dans la sphère politique, autrement dit dans la formation et la légitimation des
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compromis internes et externes entre acteurs économiques et sociaux (Catusse,
2008). Dans ce but, nous analysons l’industrialisation du Maroc sous deux
angles distincts. Le premier, celui de la trajectoire suivie, étudie l’économie

1.  Cette publication relève du traduisent l’impulsion donnée à puissance publique : les gouvernants,
programme « Made in Morocco » l’industrie par les pouvoirs centraux et de l’activité interprétative, de
financé par l’Académie Hassan II des marocains au début des suggestions, de contournement,
sciences et des techniques du Maroc années 2000. d’arrangement, d’opposition et
et auquel contribue l’IRD. Elle 4.  Depuis les mouvements sociaux d’influence des acteurs qu’elle
prolonge l’étude initiale d’Alain de 2011 qui ont conduit à une implique, directement ou
Piveteau, Khadija Askour et Hanane réponse constitutionnelle des plus indirectement : les gouvernés.
Touzani, Les trajectoires hautes instances du pouvoir 6.  Les super-phosphatiers français,
d’industrialisation au Maroc : une marocain, la contestation du Hirac Kulhmann ou Saint-Gobain, clients
mise en perspective historique, dans la région du Rif depuis principaux de l’exploitation du minerai
Document de travail 02/2013, Rabat, octobre 2016, les « manifestations de par l’Office chérifien des phosphates
42 p. Si les propos ici n’engagent que la soif » à Zagora ou, plus récemment, (OCP), s’opposent efficacement à
leur auteur, ils ont bénéficié des le boycott de grandes marques de l’idée évoquée dès 1953 d’une usine
précieuses remarques et produits agro-alimentaires ou de de traitement d’importante capacité
commentaires de trois référés. Qu’ils carburant, rendent comptent d’une (Oualalou, 1974).
en soient remerciés.  mise sous tension des politiques 7.  Les industries de base fournissent
2.  On songe en particulier aux économiques. des produits semi-finis destinés aux
travaux et prises de positions de Dani 5.  La politique publique est autres activités industrielles situées
Rodrik et John Stiglitz. considérée dans ce texte dans sa en aval. Quant aux industries de
3.  Le Plan émergence (2005-2009), dimension intentionnelle (objectifs) transformation, elles fabriquent des
le Pacte national pour l’émergence et relationnelle (mise en œuvre), produits finis, soit des biens
industrielle (PNEI) et l’actuel Plan autrement dit comme le produit de d’équipement, soit des biens de
d’accélération industrielle (PAI) l’activité d’autorités investies de la consommation.

76  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


politique des impulsions données à l’industrie depuis l’indépendance du pays,
en 1956. Le second, celui du processus, analyse les résultats effectifs de ces
politiques à partir de la statistique nationale disponible. On verra alors que
l’obligation de résultats pour les pouvoirs publics marocains et, en premier
lieu, la promesse d’emplois toujours associée à l’intervention de l’État, se fait
d’autant plus pressante que, depuis 2011 et les printemps arabes, les modes
de gouvernement qui en régulent l’accès sont fréquemment contestés 4 , et que
le processus d’industrialisation reste lent. Autrement dit, la stratégie indus-
trielle marocaine demeure aujourd’hui sous tension, ce qui suggère l’urgence
d’une meilleure articulation de celle-ci à une politique de développement de
long terme.

La trajectoire singulière de la politique industrielle marocaine


Nous considérons la politique industrielle marocaine 5 , tributaire des héritages
économiques contraignants du protectorat français (1912-1956), à compter de
l’indépendance du pays, en mars 1956, et plus particulièrement à l’occasion
du premier Plan quinquennal (1960-1964). La singularité des impulsions sui-
vies depuis soixante ans, et les discontinuités dont il sera question, s’éclaire-
raient d’une analyse de la trajectoire de l’État au Maroc, compte tenu de son
rôle central dans l’industrialisation. Mais, pour l’exercice qui nous concerne ici,
nous limiterons l’approche à l’identification et à la caractérisation des grandes
séquences de la politique industrielle du pays et des compromis politiques qui
les ont sous-tendues.
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La primauté de la souveraineté politique et la tentative de rupture :
1956-1972. À l’indépendance, l’État cherche à organiser une «  rupture dans les
relations nouées avec l’ancienne métropole » (Jaidi, 1992), mais sans y parvenir.
Le secteur industriel est resté entre les mains des dirigeants français, qui n’in-
vestissent plus dans leur activité, précipitant le déclin des petites et moyennes
entreprises. À l’exploitation des ressources minières à destination de la métro-
pole ont succédé des investissements industriels « tardifs » et « faibles », en
dehors des matériaux de construction (Belal, 1980) : le Maroc exporte la quasi-
totalité de son minerai à l’état brut 6 . Pour sortir le pays d’une relation de dépen-
dance, l’industrialisation par substitution des importations (ISI) est retenue,
mais sans exclusive. Les nouveaux pouvoirs indépendants procèdent aussi bien
par alliance avec le secteur privé, en soutenant les « initiatives hasardeuses »
de la bourgeoisie fassie de Casablanca et d’anciens membres de l’Union natio-
nale des forces populaires (Marais, 1964), qu’en investissant directement dans
l’économie. Les efforts de pénétration des milieux d’affaires marocains dans le
domaine industriel restent toutefois timides, leur pouvoir économique prove-
nant d’abord du commerce d’importation et de la spéculation. L’État s’engage
dans le développement d’une industrie de base 7 et participe également au déve-
loppement d’entreprises stratégiques, dont la rentabilité ne peut être assurée

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 77


que par une situation de quasi-monopole, à l’image de la raffinerie de produits
pétroliers ou de l’assemblage de véhicules automobiles 8 .
Poussé en 1958 par la fuite massive de capitaux après la sortie de la zone
franc et par le manque de substituts nationaux, l’État fait preuve de volonta-
risme et de pragmatisme en tentant d’imposer un principe d’économie mixte.
L’investissement privé étranger associé à l’investissement public est encouragé.
Des conventions régissent l’implication et les devoirs de chaque associé. Mais,
au plan politique, l’étroite coalition d’acteurs portant cette orientation indus-
trialiste s’avère de trop faible pouvoir. Les milieux d’affaires européens, contes-
tés dans leurs intérêts historiques monopolistes, expriment quant à eux leur
colère (Vermeren, 2006). À compter de 1964, un nouveau mouvement de rapa-
triement des capitaux étrangers s’opère vers l’Europe, et les IDE décroissent.
Le premier Plan quinquennal (1960-1964) fait ainsi l’objet d’une seconde ver-
sion dès la fin de l’année 1961. Aux tensions économiques s’ajoutent les tensions
politiques, avec la réactivation de la crise du Rif en 1959.
L’ambition industrialiste des premières années d’indépendance est ajus-
tée dans les Plans de 1965-1967 et de 1968-1972. Reléguée au troisième rang
des priorités, derrière l’agriculture et le tourisme, elle est réorientée vers les
industries légères de substitution aux importations, principalement l’agroali-
mentaire, le plastique et les articles de ménage. L’ensemble de ces dispositions
et la remise en cause du premier Plan dès le début des années 1960 encouragent
le développement d’une industrie de transformation à destination du marché
domestique ; développement qui sera cependant rapidement saturé par l’exi-
guïté du marché intérieur.
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L’extension contrôlée du domaine économique : 1973-1977. Le Plan
quinquennal (1973-1977) de « développement économique et social » s’appuie
sur des ressources publiques croissantes engendrées par la hausse significative
du prix des phosphates, dont le Maroc est devenu le premier exportateur mon-
dial. Il ouvre la deuxième séquence de la politique industrielle marocaine, où
l’État réaffirme son rôle, une ambition et un principe d’intervention dans l’éco-
nomie. La puissance publique s’implique dans les activités technologiquement
avancées, à travers la production et le financement de plans sectoriels (chimie,
ciment, sucre) 9 . L’Office de développement industriel (ODI), créé en 1973,

8.  Respectivement l’ENI (50 % 11.  Loi n° 1.73.2 10 du 2 mars 1973 de filiales, la création de succursales
capital public) et la Somaca (50 %). relative à la marocanisation active ou d’établissements sans
9.  En particulier, l’OCP bénéficie l’article 15 de la Constitution qui personnalité juridique (Ouiazzane,
d’un plan d’expansion et la production permet de limiter, en le contrôlant, le 2008, p. 23).
de produits intermédiaires issus des droit de propriété des étrangers (El 13.  Le groupe Karim Lamrani
phosphates (acides phosphoriques Aoufi, 1990). En cela, elle renforce (ancien Premier ministre et PDG de
entrant dans la production d’engrais) l’état de droit en venant couvrir un l’OCP), Benjelloun, Kettani, Chaâbi,
est visée. état de fait tout aussi prégnant Guessous, Agouzzal, etc.
10.  Créée en 1966 par décret royal, (Belghazi, 1999). 14.  Le groupe français Omnium
l’entreprise publique doit favoriser le 12.  L’étude approfondie de ce nord-africain (ONA) en 1980.
développement de l’industrie par dispositif atteste de pratiques de
prise de participations. contournement avec, en lieu et place

78  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


constitue l’un des nouveaux leviers de l’État, avec la Société nationale d’inves-
tissement (SNI, créée en 1966)10 et la Caisse de dépôt et de gestion (CDG). La
substitution aux importations vise les branches d’industries légères non satu-
rées et la satisfaction des besoins nationaux en produits alimentaires de base et
en produits stratégiques (Jaïdi, 1992, p. 95).
Face à l’étroitesse du marché intérieur déjà éprouvé, une logique d’at-
traction d’IDE verticaux se dessine dès la décennie 1970, l’État cherchant alors
à adosser l’expansion industrielle du pays sur la demande externe : les mesures
de soutien à l’exportation s’étendent aux activités manufacturières et aux unités
de petite dimension. Le Maroc veut ainsi capter les opportunités d’investisse-
ments qu’ouvrent, au Nord, le redéploiement spatial des industries de première
spécialisation et la croissance des activités de sous-traitance (Jaïdi, 1992).
Mais c’est une tout autre disposition du Code des investissements du
13 août 1973 qui marque cette séquence : celle qui traduit la loi du 2 mars
1973 relative à la marocanisation11. Elle contraint la participation maximale
du capital étranger dans une société de droit interne, fixe par voie réglemen-
taire une liste d’activités qui ne peuvent être exercées que par des personnes
physiques ou morales marocaines12 et instaure des limitations aux bénéfices
des entreprises non marocaines. Face aux contestations sociales et politiques
grandissantes de l’héritage colonial, l’État est ainsi contraint de corriger une
répartition des revenus défavorable aux nationaux en contrôlant le pouvoir des
capitaux étrangers sur le processus de développement économique (Belghazi,
1999) et en élargissant quelque peu sa base de soutien.
Si la marocanisation reste limitée dans les faits, elle relance indé-
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niablement la lente constitution d’un capital privé marocain engagé depuis
l’indépendance, à l’appui de protections douanières et de la substitution aux
importations. Elle favorise aussi la reconversion de certains cadres de l’ad-
ministration (Jaidi, 1992), tandis que l’ascension d’une nouvelle génération
d’industriels élargit la base sociale historique de l’entrepreneuriat marocain,
qui s’ouvre désormais, au-delà des couches traditionnelles aisées, à la classe
moyenne (El Aoufi, 1992). Mais elle entraîne surtout la formation de groupes
familiaux aux activités diversifiées13 dont l’inf luence est consolidée par l’obten-
tion concomitante de postes clés dans l’administration, dans les banques natio-
nales et dans les organisations de producteurs (Cammett, 2007). En situation
de quasi-monopole, ces groupes privés, fortement connectés au pouvoir cen-
tral par l’activation de liens personnels et familiaux, orientent et structurent
durablement la dynamique économique du pays, au côté de la famille royale
qui choisit de prendre le contrôle d’importantes sociétés étrangères (Berrada,
Saadi, 1992 ; Saïd Saadi, 2016)14 .

Le retrait ordonné de la politique industrielle : 1978-1997. La chute des


prix du phosphate, à partir de 1975, fait apparaître les contradictions de la
croissance économique marocaine et de son économie politique stato-centrée
(Collectif, 2006) : l’État accumule les déséquilibres budgétaires et les dettes

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 79


au moment où les marchés de destination entrent en crise, et les premières
mesures du Plan de transition (1978-1980) n’y changent rien. En 1983, la
Banque mondiale et le FMI enjoignent les autorités marocaines de s’engager
dans un programme standard de réformes. La stabilisation macro-budgétaire
et l’ajustement structurel vont alors tenir lieu de cadre unique de la réforme,
institutionnelle et économique, tant pour la politique agricole que pour la
politique industrielle. La loi de marocanisation, qui contraint l’admission des
IDE à une participation locale, ne sera abrogée qu’en 1993, mais son appli-
cation est assouplie par les codes commerciaux de 1982 et 1983, puis de 1984
et 1986, qui activent un « appel aux capitaux extérieurs ». La réforme promeut
les activités d’exportations de produits industriels et l’amélioration de leur
compétitivité-coût par une réduction de la protection douanière, tandis que
la dévaluation progressive de la monnaie et une série de mesures bancaires et
fiscales doivent faciliter l’accès des entreprises aux financements et améliorer
leur compétitivité.
Dans cette troisième séquence (1978-1998), la politique industrielle
s’efface au profit d’un horizon encore lointain : la mise en conformité de l’éco-
nomie marocaine avec les standards de qualité et de compétitivité des marchés
externes, qui prend la forme classique de programmes de privatisations, d’ou-
verture économique et de mise à niveau des entreprises. L’examen minutieux
de leur mise en œuvre (Najem, 2001 ; Cammett, 2007 ; Catusse, 2009) traduit
moins le retrait de l’État de la régulation sociale et économique qu’une conver-
gence, contre-intuitive mais bien réelle, entre les modes profonds de gouverne-
ment au Maroc et les principes de la gouvernementalité néolibérale décrits par
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Foucault (1979). En pratique, le pouvoir central se redéploie et se réorganise
sous les formes prescrites, c’est-à-dire marchandes, privatisées, décentralisées
et déléguées. On parle de « privatisation » ou de « décharge » pour qualifier ces
transformations de l’action publique par un système politique inchangé (Hibou,
1999 ; Catusse, 2009).
L’État s’arrange15 des objectifs nominaux de la réforme en consolidant
l’alliance établie avec les milieux d’affaires au moment de la marocanisation.

15.  Le terme plus habituel de reprise d’entreprises publiques 17.  L’expression renvoie
« détournement » suggère que le comme la SNI par la holding royale, historiquement à une relation de
marché est porteur d’une vérité et les deux sociétés fusionnant en 2010 travail entre un artisan qui possède
considère, en conséquence, la pour devenir SNI-SA. son outil de production et un
réforme libérale sous l’angle unique 16.  Il s’agit d’un régime douanier commanditaire, le donneur d’ordre,
d’une nécessité. Or, la réalité d’exportation temporaire en vue de qui commercialise le modèle. Elle
observée ne se laisse pas ramener à faire « ouvrer, monter ou désigne ici une relation de
un tel schéma instrumental. Elle transformer » un produit dans un pays sous-traitance simple où l’amont de la
révèle d’autres usages sociaux du tiers et de réimporter les produits production (la conception et
marché, des privatisations et de ainsi obtenus en exonération partielle l’approvisionnement) et l’aval (la
l’ouverture que le terme ou totale de droits de douane. Dans le vente) restent aux mains du donneur
« arrangement » restitue avec plus de cas marocain, ce régime concerne d’ordre en position dominante.
neutralité ; comme, par exemple, principalement la France dans le 18.  L’Association marocaine des
l’implication directe des plus hautes cadre de quotas sur le textile- industries du textile et de
instances du pouvoir dans le choix habillement et sera pleinement l’habillement est la première
des nouveaux détenteurs d’actifs intégré à l’Accord multifibres III association professionnelle créée au
privatisés (Catusse, 2009) ou la (1982-1986) (Andreff et al., 2001). Maroc en 1960.

80  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


À l’opposé du mouvement de déconcentration du capital attendu, il résulte des
privatisations une concentration du capital économique et commercial autour
des grands groupes familiaux marocains qui détiennent une part importante
des moyens financiers nécessaires au transfert du capital vers le privé. Des
groupes étrangers, obligés de céder une part de leur capital au moment de la
marocanisation, profitent de cette même politique de privatisation pour réin-
vestir quelques secteurs clés comme le tourisme ou les télécommunications.
C’est toutefois de la combinaison d’un nouveau régime commercial
orienté vers l’exportation et du redéploiement spatial des chaînes de valeur
mondiales (CVM) que proviennent les transformations les plus significatives
dans l’industrie et dans le secteur privé marocain. De très nombreuses PME
marocaines sont créées suite à la mise en place, par la Communauté euro-
péenne, du Trafic de perfectionnement passif (TPP)16 , un dispositif commercial
qui favorise le développement d’une sous-traitance au sud de la Méditerranée
(puis à l’est de l’Europe), l’amont de la filière à plus forte valeur ajoutée restant
dans les pays d’origine. Au Maroc, la disposition favorise surtout la création
d’entreprises de sous-traitance dans la confection, à tel point que la structure
des exportations du pays s’en trouve modifiée. Les entreprises familiales qui se
lancent dans cette forme internationalisée du « travail à façon17 » sont issues de
catégories sociales relativement modestes. Au sein de la puissante Amith18 dont
elles prennent le contrôle, elles contestent les intérêts protectionnistes décli-
nants des grands fabricants de tissus et dénoncent les pratiques clientélistes,
pour défendre auprès de l’État une autre vision de la politique industrielle, fon-
dée sur le clustering, l’intégration verticale et la formation (Cammett, 2007).
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Aussi, et au moment où se confirme une insertion régionale subordonnée et
limitée (sous-traitance simple) dont le dépassement forme le but et la princi-
pale difficulté de la stratégie industrielle marocaine, se dessinent les premiers
contours d’une politique industrielle proactive, contractuelle et sectorielle, sur
fond d’engagements réciproques de l’État et des milieux d’affaires : le contrat-
programme présenté par l’Amith au gouvernement, en 2000, préfigure l’ins-
titution graduelle d’un nouveau modèle de relations États-entreprises, fondé
sur la réciprocité, l’intégration sectorielle (le passage de la sous-traitance à la
cotraitance) et l’objectif d’augmentation de la valeur ajoutée locale (Piveteau,
2009). En échange d’une amélioration du climat des affaires, principalement
portée par des mesures fiscales, les membres de l’association des industries
textile et de l’habillement s’engageaient à créer 125 000 emplois sur trois ans
(Cammett, 2007). L’État le refusera toutefois, et ne signera un accord-cadre
avec les représentants du secteur qu’en 2002.

Le retour tardif de la stratégie industrielle. Le processus d’ouverture


engagé dans les années 1980 s’accélère au cours des deux décennies suivantes.
La signature de l’accord d’association avec l’Union européenne en 1996 succède
à celle de la Zone de libre-échange arabe (1981) entrée en vigueur en 1998. Elle
est complétée durant les dix années suivantes par six accords de libre-échange

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 81


(ALE) bilatéraux, par la déclaration d’Agadir 19 et le GAFTA 20 . Au moment où
le Maroc redéfinit sa politique industrielle et cherche à développer les bases
d’une régulation du rapport salarial (El Aoufi, 2000), il s’affirme en tant que
plate-forme d’exportation (cinquante-cinq pays concernés) vers les marchés
développés ou émergents dont l’industrie, souvent très compétitive, augure de
termes de l’échange peu favorables aux industriels marocains (IRES, 2013).
Inspiré des travaux de Porter dans les années 1990 et de l’expérience
mexicaine des zones franches d’exportation – ainsi que de celles de Shenzen
(Hong Kong) ou de Kaosong (Corée du Sud) –, le Plan émergence (2005-2009)
prolonge les réformes institutionnelles et les nouveaux arrangements entre
l’État et la sphère des intérêts privés, amorcés par le gouvernement de « l’alter-
nance 21  ». Le Plan promeut en particulier des zones franches d’exportation dans
des secteurs tournés vers l’exportation pour lesquels le Maroc dispose, après
expertise, d’avantages comparatifs : l’offshoring 22 , l’automobile, l’aéronautique,
l’électronique, l’agroalimentaire, les produits de la mer et l’artisanat industriel,
auxquels s’ajoutera le textile habillement sous la pression de la puissante Amith.
Ces sept moteurs de croissance, dits « métiers mondiaux du Maroc » (MMM),
doivent représenter 70 % de la croissance économique à partir de 2015. Cette
stratégie industrielle (2005-2009) se décline en contrats d’engagements entre
l’État et les représentants des secteurs clés, et en investissements infrastructu-
rels, avec un objectif général de création de 240 000 emplois directs en 2015,
soit 440 000 emplois au total. Dans la foulée de ce premier Plan, le contrat de
programme Pacte national pour l’émergence industrielle (2009-2015) reprend
la logique de coordination et de contractualisation des actions de l’État et des
opérateurs économiques 23 . Chaque secteur-cible bénéficie d’un cadre fiscal et
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19.  Signé entre le Maroc, l’Égypte, la d’infrastructures, le développement (Melloni, 2013). Quant aux
Tunisie et la Jordanie, à Rabat le de logiciels, le Maroc cherchant à législatives du mois de novembre,
25 février 2004, l’accord est entré en prendre le leadership dans le elles amènent au pouvoir le Parti
vigueur le 27 mars 2007. nearshore francophone et islamiste de la justice et du
20.  Le Greater Arab Free Trade Area hispanophone. développement (PJD).
signé en 1997, en vigueur depuis le 23.  Le contrat de programme est 25.  D’où la dénomination du
1er janvier 2005, créé une zone de conclu entre l’État, la Confédération PAI 2014-2020 « d’émergence aux
libre-échange entre dix-neuf des générale des entreprises du Maroc écosystèmes performants ».
vingt-deux pays de la Ligue arabe et (CGEM) et le Groupement 26.  La publication, le 28 mars 2014,
un marché de plus de trois cents professionnel des banques du Maroc. de l’étude commanditée par la CGEM,
millions de personnes. 24.  Les mouvements sociaux de « Les leviers de la compétitivité des
21.  L’« alternance », en mars 1998, 2011 ont entraîné un changement de entreprises marocaines », juste avant
désigne l’arrivée à la tête du la Constitution. Sans remettre en les Assises de l’industrie marocaine
gouvernement du secrétaire général cause la suprématie constitutionnelle où le nouveau ministre de l’industrie
de l’USFP suite aux élections du monarque, la nouvelle constitution présentait son PAI, a donné à voir
législatives de 1997. L’expérience fait explicitement référence à une cette tension entre gouvernants et
prend fin en 2002 avec la nomination « monarchie parlementaire ». Les gouvernés et la réalité du débat au
de Driss Jettou à la primature, dont le pouvoirs du Parlement sont sein des milieux patronaux
parcours d’industriel puis de ministre, renforcés. Le Premier ministre prend marocains. L’actuel ministre de
hors des partis politiques, lui vaut le le titre symbolique de chef de l’industrie, nommé en octobre 2013,
qualificatif de « technocrate ». gouvernement et acquiert une double est l’ex-président du groupe Saham,
22.  L’offshoring désigne ici des autonomie par rapport au roi, devant mais aussi de la CGEM de 2006 à
services de support administratif et la Chambre des représentants et le 2009.
de gestion délocalisés, tels que la Conseil de gouvernement investi,
relation client, la gestion pour cela, de nouvelles compétences

82  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


d’un système d’aide incitatif, d’un programme de formation spécifique, d’un dis-
positif de promotion à l’international, et du développement ou de la création de
plateformes industrielles intégrées. Le développement de parcs industriels de
nouvelle génération, dits « P2i », puis de six agropoles, donne lieu à la démul-
tiplication d’une offre foncière industrielle, dédiée ou généraliste. Le ciblage
sectoriel demeure inchangé, mais il s’agit d’innerver de façon volontariste l’es-
pace national de pôles industriels, au-delà du seul littoral. À l’horizon 2015, le
PNAEI réaffirme un objectif de 250 000 créations d’emplois industriels et le
PIB doit augmenter de cinquante milliards de dirhams.
Le récent Plan d’accélération industrielle (PAI, 2014-2020) s’inscrit
quant à lui dans une toute nouvelle configuration critique – qu’il intègre sans
toutefois modifier en profondeur la trajectoire prise au début de la décen-
nie 2000 24 . La référence à l’émergence laisse alors symboliquement place aux
« écosystèmes industriels performants 25 ». La politique industrielle s’affiche
dorénavant comme un outil au service de la constitution de chaînes de valeur
complètes (encadré 1). L’ouverture économique et les accords de libre-échange,
dont certains sont en cours de négociation, ne sont pas remis en cause, mais un
principe de compensation et de transferts de technologie – à l’image des règles
de compensation pratiquées par les grands émergents –, associé à une logique
dite de « substitution » aux importations, doit s’appliquer aux négociations
avec les investisseurs internationaux. Le PAI répond en cela à la critique adres-
sée à la stratégie d’ouverture du pays (en particulier à l’encontre des accords de
libre-échange) par les représentants du patronat marocain 26 .
Les « écosystèmes industriels » deviennent ainsi l’outil d’une mise en
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œuvre coordonnée des divers dispositifs publics de soutien aux secteurs expor-
tateurs, dans le but de produire et d’assembler localement les pièces et compo-
sants qui aujourd’hui encore sont importés. En incitant à la coopération entre
acteurs concurrents, l’État cherche à accroître significativement les volumes
produits au Maroc, pour favoriser in fine de nouveaux investissements et dimi-
nuer le contenu en importations des produits exportés.

Encadré 1 – Les écosystèmes industriels au centre d’une stratégie


d’offre exportable

Compte tenu de la taille modeste du marché national et de la fragmentation du


marché régional, le Plan d’accélération industriel (PAI) mise sur les effets sup-
posés vertueux et mécaniques d’une meilleure intégration aux chaînes de valeur
mondiales (CVM). Il fixe trois objectifs ambitieux à l’horizon 2020 (MIICEN,
2014 ; BAD, 2017) :
– accroître la part du secteur industriel de neuf points pour la porter
à 23 % du PIB, ce qui correspond en six ans à une inversion très rapide de la
tendance en cours ;

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 83


– créer 500 000 emplois en six ans, dont la moitié provenant des IDE
et l’autre moitié du tissu productif national rénové, ce qui revient à doubler
l’objectif d’emplois du précédent Pacte national pour l’émergence industrielle ;
– rééquilibrer la balance commerciale par une politique de promotion
des exportations et de substitution aux importations, quand le taux de cou-
verture des importations par les exportations, inférieur à l’unité en 1998, s’est
continuellement abaissé (81,5 % en 2015) et que la contribution des échanges
extérieurs à la croissance du PIB est nettement négative (– 4,5 % en 2016).
Pour y parvenir, le gouvernement marocain soutient l’offre et poursuit
une politique d’attractivité des IDE. Les principales mesures et dispositifs inci-
tatifs, financés par un fonds industriel de développement doté de vingt mil-
liards de dirhams, concernent :
– la formation (au travers de subventions à la formation continue et de
partenariats publics-privés pour des programmes de formations ciblées dans
les secteurs clés du développement industriel) ;
– le financement des investissements contribuant à l’internationalisa-
tion du tissu productif et à la substitution aux composants importés ;
– le développement de parcs industriels locatifs (PIL) et la réhabilita-
tion des zones industrielles pour une offre foncière portée à 1 000 ha ;
– la mise en place et l’animation d’écosystèmes, pour accroître l’inté-
gration sectorielle (taux d’intégration locale) autour de firmes leaders et déve-
lopper des liens technologiques et productifs avec les PME qui restent les
principales pourvoyeuses d’emplois, et les TPME dont l’accompagnement vers
le formel est encouragé avec la création du statut d’auto-entrepreneur et d’une
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offre bancaire dédiée (MIICEN, 2014).
Les écosystèmes industriels, produits de l’expertise marocaine, sont
érigés en espaces d’accélération de l’industrialisation (Benabdeljlil, Lung,
Piveteau, 2016 ; BAD, 2017, p. 4). L’écosystème industriel se rapproche de l’éco-
système d’affaires : la logique d’association entre entreprises, promue dans le
cadre d’un projet de développement commun avec les fournisseurs et les pres-
tataires de services, doit être source d’externalités locales, aussi bien techno-
logiques qu’en termes de formation, et avoir des effets d’entraînement sur les
autres industries (Jaidi, Msadfa, 2016).
Le PAI sélectionne aujourd’hui quarante-neuf écosystèmes dans des sec-
teurs stratégiques permettant d’accroître le niveau de complexité des produits
exportés et de remonter dans les chaînes de valeur mondiale (CVM), et cela en
tenant compte des capacités productives et cognitives actuelles du pays : l’in-
dustrie automobile, l’aéronautique, la chimie et la parachimie, les poids lourds
et la carrosserie, les matériaux de construction, l’industrie pharmaceutique

27.  Les tenants d’un changement pensent trouver dans les services enfermées dans une trappe à revenu
structurel par la croissance des industrialisés le prochain relais de intermédiaire (Agénor et al., 2012).
activités manufacturières, tel que croissance (Ghani, O’Connell, 2014 ;
Dani Rodrik, font face à ceux qui Mouhoud, 2012) d’économies

84  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


puis, dans une moindre mesure s’agissant du degré de complexité des produits
concernés, l’industrie textile et le cuir (El Mokri, 2016).
Chaque écosystème bénéficie de moyens publics dans le cadre d’un par-
tenariat privé-public contractualisé. Les entreprises s’engagent sur un objectif
d’emplois et, dans certains cas récents, sur un taux d’intégration-cible. La gou-
vernance, centralisée autour du ministre de l’Industrie, responsable de l’exé-
cution de la stratégie industrielle, associe en son centre le secteur privé et les
institutions gouvernementales en charge de la promotion des investissements
et des exportations.
Le PAI prévoit l’extension des partenariats industriels en direction
d’économies du Sud comme la Chine, et inscrit à son agenda une dynamique
d’intégration africaine.

La dynamique d’ouverture commerciale des années 1990 et 2000, com-


binée à la neutralité du PAI vis-à-vis du tissu productif marocain et de l’in-
vestissement domestique, conduit de fait à privilégier l’attraction des IDE et
l’implantation de nouvelles entreprises multinationales dans des secteurs à fort
potentiel d’exportation, plus que la dynamisation des PME et TPME existantes.
La croissance extensive de la participation aux CVM doit se traduire par une
augmentation de la valeur ajoutée locale des exportations (montée en gamme)
et par la diversification des produits exportés. L’industrialisation de l’économie
dépend alors de la capacité de la politique industrielle à accroître les liens de
ces secteurs tournés vers l’exportation avec l’ensemble du tissu productif maro-
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cain, et à obtenir le soutien suffisant des milieux d’affaires locaux.

La faiblesse chronique du processus d’industrialisation


L’industrialisation mesure le changement structurel qui se traduit par la réal-
location de la main-d’œuvre d’activités à faible productivité vers des activités à
productivité élevée. Elle renvoie au processus de long terme qui modifie la base
productive de l’économie, initialement agricole et rurale, ainsi que l’organisa-
tion de la production, initialement artisanale. Le processus voit se multiplier
de nouvelles organisations, les industries, au sein desquelles s’opère une double
division du travail, entre les opérations de conception et de fabrication et dans
la fabrication elle-même. Au sens large, l’industrialisation d’une économie se
traduit par une hausse générale de la productivité. Elle concerne, par réaction
en chaîne, de très nombreuses branches et touche les trois grands secteurs de
l’économie (primaire, secondaire, tertiaire) pour se confondre avec le dévelop-
pement économique… Dans une acception plus stricte, celle qui nous occupe
ici tant elle continue de faire débat 27, l’industrialisation notifie le rôle-clé de la
production manufacturière dans le processus général. Elle donne lieu et ren-
voie à l’augmentation de la part de la production industrielle dans la richesse
annuelle créée et dans l’emploi.

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 85


Les succès enregistrés dans les secteurs émergents ne modifient pas
en profondeur la structure de la valeur ajoutée de l’économie maro-
caine. À la veille de l’indépendance, le Maroc n’a pas enclenché de processus
d’industrialisation : la structure productive est marquée par l’importance des
activités agricoles et artisanales traditionnelles – qui concentrent environ
70 % de la population active – et par un secteur moderne étroit, qui subit des
termes de l’échange défavorables à l’accumulation 28 . Les activités industrielles
de transformation, non négligeables 29 , se concentrent autour de Casablanca et
le long d’une bande côtière qui s’étend jusqu’à l’actuel port de Kénitra. Le sec-
teur secondaire, comprenant les activités de BTP, représente environ 30 % du
PIB, et les activités primaires (principalement l’agriculture) 35 %, autant que
les activités de services. L’intégration des activités d’extraction et de transfor-
mation est inexistante, le Maroc ne possédant pas de grandes usines de trans-
formation des minerais. L’économie dans son ensemble est faiblement intégrée,
et la grande majorité des activités de production restent en dehors du circuit
monétaire. Les produits manufacturés ne représentent qu’une faible part des
exportations, dominées par les produits agricoles et minéraux.
Au cours des deux décennies suivant l’indépendance, la politique maro-
caine tente d’inverser la tendance. Les cinq premières années d’indépendance
(1956-1961) font figure « d’impulsion primitive », au cours de laquelle le nou-
vel État marocain, sans véritables ressources, tente d’investir le champ écono-
mique et industriel (Piveteau et al., 2013). De 1973 à 1977, l’État, qui trouve
des marges de manœuvre budgétaire, réinvestit le domaine industriel par un
programme combiné d’industrialisation par substitution aux importations,
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de soutien à l’exportation, et de marocanisation. Malgré cela, en termes de
poids relatif, la diminution du secteur primaire profite au secteur tertiaire, à
la différence de ce que l’on a observé dans les pays industriels. Le changement
structurel se fait ainsi de l’agriculture vers les services, dans des activités à
faible productivité. Le secteur tertiaire passe de 35 % du PIB en 1955 à 42 % en
moyenne entre 1965 et 1971, et à plus de 48 % avant que le Maroc ne s’engage
dans un Programme d’ajustement structurel (1983-1993).
L’évolution de la composition sectorielle du PIB sur la période 1980-
2016 confirme cette tendance. Le poids du secteur secondaire dans l’écono-
mie marocaine n’augmente pas, voir baisse légèrement, depuis le début des
années 1980, contrairement à ce qu’on a observé dans le même temps dans
les économies émergentes, en particulier celles du sud-est asiatique (Lectard,
Piveteau, 2015, p. 15).
En prix constants, la baisse de la contribution des industries de
transformation à la richesse annuelle créée signale une désindustrialisation

28.  En 1955, le rapport relatif entre (recensement général de la 29.  Oved (1961), ex-chargé de
la valeur de la tonne importée et population en 1951-1952, vol. II et III ; mission au commissariat général au
exportée est de 5,5 après avoir été de tableaux économiques du Maroc, Plan, qualifie « d’euphorique » la
3,8 en 1938. Ces données sont issues 1915-1959), citées par Cerish (1964, période de développement industriel
des statistiques marocaines p. 162 et 175). du Maroc jusqu’en 1952.

86  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


Évolution de la composition sectorielle du PIB marocain (1980-2016)
en %
100

90

80

70

60

50 Services
Bâtiment et travaux publics
40
Électricité et eau
30
Industries de transformation,
20 y compris raffinage
Industrie d’extraction
10

EdiCarto, 12/2018.
Agriculture, pêche,
0 aquaculture
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2016

Sources : calculs de l’auteur, HCP, comptes nationaux 1980-2016 (base 2017). Données provisoires 2014, 2015, 2016 (prix chaînés base 2017).

prématurée. Cette contribution passe de 21 % en 1980 à 18 % en 2016. Le chan-


gement structurel attendu des nouveaux métiers mondiaux du Maroc (MMM)
ne se produit pas, bien que les secteurs de nouvelles spécialisations, spécia-
lement l’automobile (encadré 2) ou l’aéronautique, présentent un dynamisme
bien réel.
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Encadré 2 – Le secteur automobile au Maroc

En 2011, Renault implante à Melloussa, près de Tanger, une usine d’assemblage


d’une capacité de production de 360 000 véhicules par an, destinée à la pro-
duction de nouveaux modèles de la gamme « Entry » pour les marchés d’expor-
tation (Dacia). Comparable en volume à l’usine roumaine de Pitesti, elle totalise
6 000 emplois directs et 20 000 à 30 000 emplois indirects en 2015. L’arrivée
du constructeur français, suivi d’une vingtaine d’équipementiers de rang 1,
va profondément modifier la trajectoire du secteur automobile au Maroc. La
décision de Peugeot d’ouvrir à son tour une usine de fabrication de véhicules
et de moteurs, en 2019 à Kénitra, en rend compte. De 90 000 véhicules par
an pour cette usine, les quantités devraient passer à 200 000 unités, pour
3 500 emplois directs.
Avant l’installation de Renault en 2011, le secteur automobile marocain
était organisé autour de deux branches : le montage de véhicules, à Casablanca,
par la Société marocaine de construction automobile (Somaca), créée par l’État
en 1959 et racheté par Renault en 2003, et la fabrication de pièces et d’équi-
pements, autour de Tanger, pour les constructeurs internationaux installés en
Europe.

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 87


Avec l’implantation de l’usine Renault, le Maroc est devenu le premier
constructeur de véhicules d’Afrique du Nord, et le second du continent derrière
l’Afrique du Sud. Le nombre d’entreprises dans le secteur automobile a été mul-
tiplié par six entre 2000 et 2014. Cette croissance se concentre sur le littoral,
le long d’un arc atlantique comprenant dorénavant Kénitra (7 % des activités
en 2015), troisième pôle d’activité automobile derrière Casablanca (39 %) et
Tanger (47 %). Selon le ministère de l’Industrie, en 2016, le secteur automobile
représente 92 500 emplois, et le chiffre d’affaires à l’export augmente de 25 %
par an depuis 2010, pour atteindre soixante milliards de dirhams en 2016.
Depuis 2005 et le lancement du Plan émergence, plusieurs zones d’ac-
tivités et zones franches d’exportation (deux près de l’usine Renault, la Tanger
Free Zone et la Tanger Automative City, et une troisième, l’Atlantic Free Zone, à
Kénitra, à proximité des usines Peugeot) ont été financées pour accompagner le
développement du secteur. Des instituts de formation aux métiers de l’industrie
automobile (IFMIA), dont l’un confié à Renault pour former sa main-d’œuvre,
dispensent des formations à l’embauche, des formations qualifiantes et de la for-
mation continue sur les trois pôles.
Dans le cadre du PAI, sept écosystèmes industriels ont été mis en place
(câblage, intérieur véhicules et sièges, emboutissage, batteries, moteurs et trans-
missions, Renault, PSA) avec l’objectif annoncé de porter le taux d’intégration
locale des exportations de 30 % en 2014 à 65 % ou 80 % (selon les sources) en 2020.

L’implantation d’une usine Renault près de Tanger, en 2011, suivie de


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l’installation de nombreux équipementiers internationaux (Benabdeljlil et al.,
2016), a propulsé, en l’espace de deux ans, l’automobile au premier rang des
produits exportés devant les phosphates. Ce changement du profil des expor-
tations consécutif à l’implantation de « superstars » exportatrices dans des
secteurs technologiquement avancés fait figure, pour de récents travaux d’éco-
nomie du développement, de déterminant essentiel de la diversification et de
la réussite industrielle pour des pays dont les marchés étroits sont peu sophis-
tiqués. Cela suppose cependant que la politique industrielle parvienne à créer
des liens en amont avec les entreprises locales (Freund, Moran, 2017) et que
des liaisons technologiques entre industries permettent l’augmentation de la
productivité dans de nouveaux secteurs (Bahar, 2017).
Manifestement, ces conditions d’intégration ne sont pas encore réunies
au Maroc. Les PME locales peinent ainsi à intégrer les CVM, comme l’ont montré
Benabdeljlil et al. (2016) dans le cas de l’automobile. Cette réalité s’est traduite
au sein de l’Association marocaine pour l’industrie et le commerce automobile
(Amica) par une bataille de leadership entre les équipementiers du « Nord », sor-
tis vainqueurs, connectés aux marchés mondiaux et aux donneurs d’ordre interna-
tionaux, et les équipementiers du « Sud », fournisseurs historiques de la Somaca

30.  Voir Agénor, El Aynaoui (2015).

88  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


Évolution du taux de croissance de la production industrielle (2000-2017)

en %
6
base 1998 (hors mine, électricité)
base 2010 (hors mine, électricité, raffinage pétrole)
5

EdiCarto, 12/2018.
0
2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2017

Sources : calculs de l’auteur, HCP, Indice de la production industrielle.

qui se sont développés à l’abri de protections du marché domestique. Autour de


la nouvelle usine de Renault, les dynamiques de clustering renvoient à ce jour
à une version faible du cluster et des interdépendances sectorielles nécessaires
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au processus d’industrialisation de l’économie (OCDE, 2017). Les pôles exporta-
teurs émergents, soutenus par la politique industrielle, n’ont pas les effets d’en-
traînement escomptés sur le reste de l’économie nationale, à l’image du mauvais
rapport entre l’effort d’investissement et la croissance économique mesuré par
l’Incremental Output Ratio (ICOR) 30 . Dans les deux cas, les modalités d’ancrage
des investissements à la vie économique locale sont en cause. Et, à tout le moins,
le poids des nouveaux secteurs dynamiques en termes d’emplois et d’exportations
reste insuffisant pour transformer structurellement l’économie marocaine ;
que l’on appréhende la transformation structurelle par la valeur ajoutée comme
on vient de le faire, ou par la création d’emplois, comme dans le point suivant.

Écarts de croissance réelle industrie/économie (TCAM, %)


1973- 1977- 1980- 1980- 1984- 1994- 1999- 2006-
1977 1980 2016 1983 1993 1998 2005 2016
PIB 7,5 3,6 3,59 1,50 2,71 4,76 3,85 3,18
Industries 6,1 3,9 2,82 1,70 2,55 2,98 2,16 2,80
manufacturières
Écarts – 1,4 + 0,3 – 0,77 + 0,20 – 0,16 – 1,78 – 1,69 – 0,38

Sources : calculs de l’auteur, comptes nationaux (prix constants, base 2007), données provisoires 2014 à 2016.

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 89


La réallocation du travail s’effectue prioritairement vers les services
peu connectés à l’industrie. L’industrialisation d’un appareil économique
conduit à la croissance de l’emploi dans les industries. Le processus qui trans-
forme les paysans en ouvriers « dope » la croissance. L’emploi industriel est
donc l’un des indicateurs de performance de l’industrialisation – l’une des
manifestations tangibles d’un changement des structures productives dans
l’économie. Il constitue surtout l’un des défis majeurs pour l’avenir du Maroc, à
l’instar de la plupart des pays méditerranéens. Confrontées à une forte pression
sur le marché du travail – socialement et politiquement déstabilisatrice (crois-
sance démographique et arrivée massive de primo-accédants qualifiés) –, les
autorités ont placé la création d’emplois au cœur de la nouvelle stratégie indus-
trielle, à tel point qu’aujourd’hui l’évaluation du nombre d’emplois industriels
créés depuis le lancement du PAI oppose publiquement deux administrations,
le Haut-Commissariat au plan (HCP) et le ministère de l’Industrie 31.
Structurellement, toutefois, le transfert d’emplois s’est principalement
fait de l’agriculture vers les activités de services, une tendance maintenue
jusqu’à très récemment. Entre 1999 et 2016, le Maroc est passé de 46,2 à 38 %
d’actifs occupés dans l’agriculture, de 20,3 à 21,1 % dans les activités indus-
trielles (y compris le BTP) et de 33,4 à 40,8 % dans les services. Cela interroge
la profondeur du processus d’industrialisation au sens large, dont l’évolution
du taux de salariat rend compte. Sur la période 1999-2010, ce taux oscille entre
35 et 40 %. Deux sous-périodes sont clairement repérables. De 1999 à 2005, il
passe de 39 à 36 %. Depuis 2005 et le lancement de la stratégie d’émergence
industrielle, l’indicateur suit une pente inverse, pour atteindre 46 % du total
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de l’emploi en 2015 (HCP/Banque mondiale, 2017, p. 18). L’analyse du rapport
salarial met donc en évidence le paradoxe suivant : la nature « extensive »
du régime d’industrialisation en longue période (1956-1990) cohabite avec
une salarisation restreinte (El Aoufi, 1992). Cette configuration dite « sous-
fordiste » se définit par la coexistence de deux modalités d’organisation du
travail, l’une de type taylorien et fordiste renvoyant aux grandes firmes qui
établissent des contrats de travail salarié, et l’autre, plus empirique, non taylo-
rienne et déconnectée du cadre légal, caractéristique des petites et moyennes
entreprises où l’emploi informel est plus fréquent (El Aoufi, 1995). La faible
salarisation de l’économie marocaine au cours des vingt dernières années sug-
gère la persistance de ce trait de longue période. Dans le cas d’une économie en
développement comme le Maroc, elle soulève la question des liens complexes
entre l’informalité des modes de mise au travail 32 , la recherche de compétiti-
vité et la conversion au modèle exportateur (OCDE, 2017). La mise en place des

31.  Voir L’Économiste, « Emploi dans estime le poids de l’économie du cuir), à 10 % des importations et à
l’industrie : Lahlimi réagit à la informelle dans le PIB non agricole en 41 % des actifs occupés hors secteur
polémique », 3 avril 2018. 2014 à 21 % (11,5 % pour le HCP en primaire (CGEM, Roland Berger,
32.  Une étude récente du cabinet 2011), avec de fortes variations selon 2018, http://www.cgem.ma/
Roland Berger, réalisée pour la CGEM les secteurs d’activités (par exemple upload/687807921.pdf).
sur données HCP et entretiens, 54 % dans les industries du textile et

90  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


Évolution du nombre d’emplois dans le secteur manufacturier (1980-2011)
Nombre d’emplois total et décomposition par branches d’activité

Nombre
d’emplois
600 000

500 000

400 000

300 000

200 000

100 000

0
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2008 2011

Emplois manufacturiers (tous secteurs) Industrie mécanique et métallurgique


Industrie textile et cuir Industrie électrique et électronique

EdiCarto, 12/2018.
Industrie agro-industrie Données manquantes
Industrie chimique et parachimique

Sources : Direction des études et des prévisions financières (DEPF, 2013, p. 9).

écosystèmes industriels intègre cette problématique en proposant d’accompa-


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gner de façon pragmatique le passage des TPME de l’informel au formel avec la
création d’un statut d’auto-entrepreneur, l’ajustement de la fiscalité, une cou-
verture sociale et des financements dédiés.
La part de l’emploi manufacturier (industries de transformations par
opposition aux industries d’extraction), faible, n’augmente pas sur l’ensemble
de la période. Hors BTP, elle représente 40 % du total de l’emploi industriel.
Que l’on retienne l’effectif permanent ou total, l’industrie manufacturière
absorbe invariablement 5 % de la population active, soit environ 220 000 per-
sonnes en 1980, 600 000 en 2011, et 625 000 en 2014, selon les données du
HCP. En revanche, au début de la décennie 2010, la contribution des cinq
grands secteurs de transformation est en passe d’être altérée. Les effectifs des
secteurs émergents dans les industries mécaniques et métallurgiques et les
industries électriques et électroniques augmentent, alors que les activités tex-
tiles et cuir, premières pourvoyeuses d’emplois industriels au Maroc (42 % de
l’emploi industriel en 2014 et 20 % de la valeur ajoutée des industries de trans-
formation), subissent des pertes importantes depuis 2005. Le HCP estime à
119 000 emplois ces pertes entre 2008 et 2014, suite au ralentissement de leurs
activités et aux effets de la crise économique internationale, la déconnexion
entre les performances à l’exportation et l’emploi étant systématique depuis
2007 (HCP, 2015).

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 91


Au sens strict, le constat sur le processus d’industrialisation en termes
d’emplois est similaire à celui fait plus haut en termes de valeur ajoutée. Le
relais en termes d’emplois créés par les nouveaux « métiers mondiaux » et la
chimie est à peine suffisant pour compenser les pertes dans les secteurs d’an-
ciennes spécialisations, qui se sont avérés insuffisamment compétitifs pour
affronter l’ouverture commerciale des années 2000. Ce qui explique la réaffir-
mation d’un objectif ambitieux de création d’emplois et d’accroissement de la
valeur ajoutée industrielle par le PAI, et souligne la difficulté du défi à relever.
Selon le ministère de l’Industrie, de 2015 à 2017, les écosystèmes industriels ont
permis de créer 288 126 emplois bruts formels sur les 500 000 annoncés à l’ho-
rizon 2020 33 . Pour la statistique nationale, entre 2015 et 2017, 7 000 emplois
nets ont été créés dans l’industrie.
En fait, la contribution des industries à la création nette d’emplois
baisse depuis le milieu des années 1980. Elle est négative au cours de la période
1999-2005 et modestement positive sur la période 2005-2010 (8 %). De 1982
à 2010, les industries ont contribué à 11 % de la croissance d’emplois et à 17 %
de la croissance de la valeur ajoutée, signe d’une légère amélioration de la pro-
ductivité apparente. Mais, selon les estimations du HCP, sur la période 1999-
2014, le capital disponible par travailleur s’est accru en moyenne de 4,9 % par
an, alors que la productivité totale des facteurs (PTF) diminuait de 2,4 % par
an, la valeur ajoutée par travailleur reculant de 0,8 % par an (OCDE, 2017,
p. 75). La faiblesse de la PTF dans l’industrie provient de la perte d’efficience
des activités traditionnelles et des petites et moyennes entreprises. Il convient
cependant de noter que, tout en restant faible, l’amélioration sensible de la pro-
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ductivité du travail depuis 2010 provient des performances enregistrées par le
secteur manufacturier (OCDE, 2017, p. 111), ce qui confirme son rôle spécifique
dans le développement économique du Maroc, mais encore insuffisant.

Conclusion
Les nouvelles spécialisations productives qui se développent à compter du
milieu des années 2000, principalement dans l’automobile, l’aéronautique et
l’offshoring, n’ont pas entraîné de rupture significative dans la tendance de
long terme. Certes, le choc externe qu’a été la crise économique et financière
de 2008 ne peut être ignoré. Il a d’évidence pesé sur l’émergence industrielle
du pays, fondée sur la conquête de marchés externes entrés en récession. Pour
autant, bien que l’analyse comparative menée par l’OCDE (2017, p. 142) atteste
d’une bonne intégration de l’économie marocaine aux CVM, elle ne se traduit

33.  En mars 2018, selon le MIICEN, 447 896 emplois, dont 20 % dans l’aéronautique (quatre écosystèmes),
quarante-neuf écosystèmes l’automobile (sept écosystèmes), etc.
industriels dans quatorze secteurs 24 % dans le textile (six 34.  La référence récente au modèle
avaient fait l’objet d’un contrat écosystèmes), 13 % dans l’offshoring en « vol d’oies sauvages » d’Akamatsu
d’engagement ou de performance, ce (cinq écosystèmes), 8 % dans le cuir par le secrétaire d’État à
qui représentaient à terme (trois écosystèmes), 5 % dans l’investissement en rend compte.

92  Les trajectoires incertaines de l’industrialisation en Afrique Afrique contemporaine 266


pas à ce jour par une augmentation significative de la valeur ajoutée locale
incorporée dans les exportations et par une montée en gamme.
Puisque les succès du sud-est asiatique inspirent la stratégie marocaine
d’industrialisation 34 , il convient de rappeler trois conditions de la dynamique
de la croissance dans cette région (Palméro, Roux, 2010). Premièrement, la
volonté politique qui a orienté significativement le choix des secteurs industria-
lisant s’est appuyée sur une bureaucratie compétente, relativement autonome
vis-à-vis des milieux d’affaires, et dédiée à l’objectif de croissance et d’indus-
trialisation. Deuxièmement, le développement du secteur tertiaire impliquait
significativement les activités de services industriels. Troisièmement, si l’accu-
mulation de capital a joué un rôle initial majeur (Lee, Hong, 2010), l’améliora-
tion générale des compétences a fait de la croissance de la productivité globale
des facteurs le moteur-relais de la croissance économique (Park, 2010).
À ce jour, ces conditions n’étant pas pleinement réunies dans le royaume
chérifien, elles forment autant de pistes d’amélioration d’une politique indus-
trielle conçue de façon transversale. Il convient à ce titre d’évoquer la dimen-
sion de plus en plus régionalisée des chaînes de valeur depuis la crise de 2008
(Milberg, Jiang, Gereffi, 2014) et leur rôle majeur dans la diffusion de la crois-
sance industrielle en Asie. Alors que l’insertion internationale du Maroc s’opère
principalement par les f lux Nord-Sud et qu’en l’absence d’IDE régional, chaque
pays de la région est relié « verticalement » aux chaînes de valeurs régionales,
il paraît raisonnable d’étudier, comme le font Jaïdi et Msadfa (2017) dans un
article récent consacré à l’automobile et à l’aéronautique, la possibilité de
construire des chaînes de valeur régionales. Cela revient à déplacer la question
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traditionnelle de l’intégration régionale en termes de demande et d’effets pro-
metteurs de l’expansion de la taille des marchés vers celle, plus pragmatique,
des stratégies d’offre.
Dans le cadre d’extension des CVM à de nouveaux domaines de l’activité
productive (l’informatique et l’électronique par exemple), la politique étatique
n’est qu’un déterminant d’une politique industrielle qui se donne pour objectif
la construction d’arrangements performants avec les stratégies commerciales
des grands groupes étrangers. La politique industrielle se déporte ainsi de la
politique macro-économique vers l’organisation industrielle : vers la gestion de
la relation entre les entreprises leaders des CVM et les entreprises nationales à
faible valeur ajoutée (Milberg, Jiang, Gereffi, 2014, p. 173). Or, jusqu’à présent,
le Maroc affiche « une structure industrielle à deux vitesses, dont les compo-
santes évoluent en sens opposé » (OCDE, 2017, p. 76) – suggérant une trans-
formation productive comparable à celle du secteur industriel mexicain des
années 2000. D’un côté, des segments d’activités très dynamiques, tirés par des
grandes entreprises leaders orientées vers les marchés mondiaux et construi-
sant des positions compétitives pour profiter des accords de libre-échange.
De l’autre, des secteurs traditionnels déclinants, historiquement connectés
aux sphères du pouvoir, dont les entreprises, faiblement compétitives, sont en
perte de performance, alors qu’elles continuent d’absorber une part importante

Au Maroc, l’épreuve politique d’une industrialisation importée 93


de l’emploi industriel. Les performances des premières, faiblement reliées au
reste de la structure productive marocaine, sont annulées par les contre-per-
formances des seconds, ce qui renvoie à la désarticulation de la structure de
production et à un manque de liaisons technologiques entre secteurs d’activités
évoluant dans des mondes de production différents.
À ce titre, la logique d’écosystème promue par le PAI se trouvera confir-
mée si elle parvient à accroître les relations industrielles (production, forma-
tion, technologie) entre les TPME/PME locales et les grandes entreprises à
participation étrangère leaders des CVM. Elle le sera moins si, en pratique, elle
se voit réduite à une politique volontariste d’attraction de chaînons manquants
des CVM présentes au Maroc, mais sans parvenir à y adosser le développement
des capacités nationales.
Le modèle exportateur marocain des années 2000 présente donc de
nombreuses limites qui freinent le processus d’émergence industrielle et rendent
encore hypothétique la promesse d’emplois au centre du contrat politico-écono-
mique du Maroc. Une alternative pour la politique industrielle consisterait à la
réassocier aux objectifs de long terme d’une politique de développement visant
l’éducation, la formation, l’amélioration du capital humain, l’innovation et la
R&D, le développement des infrastructures et l’approfondissement des capaci-
tés institutionnelles. En cherchant à articuler plus systématiquement les deux
processus, d’industrialisation et de développement, la politique industrielle
pourrait alors bénéficier d’une base de soutien élargie, économiquement plus
efficace que celle qui prévaut dans la relation traditionnellement établie entre
pouvoirs centraux et milieux d’affaires.
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