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L’objectif de ce papier est d’estimer le taux d’inflation optimal, défini comme le taux en dessous et
au-delà duquel la croissance économique est affectée, à partir de l’expérience de la BEAC 1. Pour
y parvenir, nous appliquons un modèle Panel Smooth Transition Regression (PSTR) initialement
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CEREG, Université de Yaoundé II-Soa, Cameroun. Auteur correspondant :
I. M. Mondjeli Mwa Ndjokou. Email : motande@yahoo.fr
Ce papier, dans sa version préliminaire, a été présenté aux 32e Journées inter-
nationales sur la monnaie, la banque et la finance à l’Université de Nice Sophia-
Antipolis les 11 et 12 juin 2015. Les auteurs tiennent à remercier le rapporteur
anonyme de la Revue d’économie du développement pour ses pertinentes critiques
et suggestions qui ont permis d’améliorer considérablement la forme et le fond de
ce papier. Ils remercient également Désiré Avom, Kobou Georges, Amadou Bobbo,
Mvondo Émile Thierry, Mignamissi Dieudonné pour leurs contributions diverses
au cours de la rédaction de ce papier. Ils restent toutefois responsables des erreurs
et omissions qui pourraient encore subsister dans le texte.
1
Le sigle BEAC signifie Banque des États de l’Afrique centrale ; c’est une banque
centrale commune à six pays : le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale, la
République du Congo, le Tchad et la République centrafricaine.
DOI: 10.3917/edd.312.0041 41
42 Itchoko Motande Mondjeli Mwa Ndjokou et Pierre Christian Tsopmo
The purpose of this paper is to estimate the optimal inflation rate, defined as the threshold level
below and above which inflation affects economic growth, from the experience of the BEAC. For
this purpose, we use panel data over the period 1985-2013. Relying upon the estimation of Panel
Smooth Transition Regression (PSTR) model inspired from González et al. (2005), our main find-
ings are the following. (i) The optimal inflation rate is around 4.3 %. (ii) Below the threshold, an
increase of 1% of inflation enhances growth by 0.28%. Over the threshold, a one percent increase
in inflation leads to a reduction of 0.26% in growth. These results are robust with respect to sen-
sitivity analyzes and GMM estimation.
1 INTRODUCTION
2
Les perspectives mises à jour pour la BEAC font ressortir un ralentissement des
activités plus accentué qu’attendu initialement, avec un taux de croissance qui
reviendrait à +0,7 % (-6,5 % pour le secteur pétrolier et +3,4 % pour le secteur
non pétrolier), en rapport avec les effets dépressifs sur la demande intérieure et
sur le secteur non pétrolier induits par le repli des activités pétrolières.
44 Itchoko Motande Mondjeli Mwa Ndjokou et Pierre Christian Tsopmo
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1985
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1988
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1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
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2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
‐3
‐8
Croissance inflation
3
L’expression « triangle des incompatibilités » de Mundell désigne le fait qu’un
espace économique ne peut pas bénéficier à la fois de la libre circulation des capi-
taux, de taux de change fixes et de politiques monétaires nationales autonomes.
4
Se référer à Avom et Bobbo (2013) pour la discussion sur l’autonomie de la poli-
tique monétaire de la BEAC.
5
Le taux minimal de couverture extérieure de la monnaie est fixé à 20 %.
6
La valeur de 3 % est définie par les critères de surveillance multilatérale.
Non-linéarité entre inflation et croissance économique 45
Croissance Inflation
0,90***
Croissance 1,000
(10.88)
0,90***
Inflation 1,000
(10.88)
De ces faits stylisés, on constate que les taux d’inflation enregistrés dans
la zone BEAC depuis au moins une décennie ont été compatibles avec des taux
de croissance positifs. Cependant, en s’appuyant sur l’argument théorique
selon lequel, à un niveau élevé, l’inflation affecte négativement la croissance
économique, il semble opportun d’envisager la question du taux d’inflation
optimal dans la BEAC. Le taux d’inflation optimal est défini comme le taux
en deçà et au-dessus duquel la croissance économique est affectée. Des pro-
fonds désaccords apparaissent à propos du seuil d’inflation optimal. Khan et
Senhadji (2001) montrent que les seuils plafonds pour les pays développés
(PD) se situeraient entre 1 % et 3 %, alors que pour les PED, ils oscilleraient
entre 7 % et 11 %. Ainsi, la volonté des autorités monétaires de la BEAC de
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Pour une revue de la littérature des travaux sur la relation non-linéaire entre
inflation et croissance économique, voir l’article de Seleteng et al. (2013).
46 Itchoko Motande Mondjeli Mwa Ndjokou et Pierre Christian Tsopmo
8
A cet effet, nous avons conduit un test de Fisher sur la structure de nos données
qui conforte notre démarche méthodologique.
Non-linéarité entre inflation et croissance économique 47
2 LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE
9
La variable inflation n’a pas été transformée sous la forme semi-logarithmique car,
comme le montre la figure 1, la distribution de l’inflation dans la zone BEAC n’est
pas asymétrique. Contrairement aux études (Vinayagathasan, 2013 ; Villavicencio
et Mignon, 2011) qui ont eu recours à cette transformation, la structure de notre
échantillon est plus homogène.
10
Cette variable permet aussi de contrôler la convergence conditionnelle conformé-
ment à la théorie néoclassique de la croissance.
11
Voir par exemple Vinayagathasan (2013) ; Kremer et al. (2013).
Non-linéarité entre inflation et croissance économique 49
(Term)(quatrième variable) captés par l’indice des prix des exportations sur la
valeur des importations. Conformément aux théories libérales du commerce
international et de la croissance endogène, l’ouverture d’un pays à l’extérieur
favorise la croissance à condition d’avoir une relative compétitivité-prix : le
signe attendu est positif dans un régime d’inflation faible. En revanche, une
inflation élevée peut contribuer à détériorer la compétitivité-prix conduisant
à des effets négatifs du secteur extérieur sur la croissance économique. Ainsi,
dans le régime d’inflation élevée, le signe escompté des variables de l’ouver-
ture extérieure est négatif. Les dépenses publiques (Dep) constituent notre
cinquième variable. Le sens de la relation entre les dépenses publiques et la
croissance économique ne fait pas consensus dans la littérature. En effet, les
travaux empiriques montrent que les dépenses publiques peuvent influencer
la croissance économique négativement ou positivement en fonction de la na-
ture et de la qualité des dépenses publiques (Devarajan et al., 1996 ; Gupta
et al., 2005) ou du seuil des dépenses publiques (Mondjeli, 2015). Deux autres
variables ont été retenues, à savoir le taux de croissance de la population (Pop)
et une variable dummy (Dum) qui capte l’effet de la dévaluation du franc CFA
de 1994. Suivant le modèle de croissance néoclassique, le signe attendu du
taux de croissance de la population est négatif.
Théoriquement, l’inflation pourrait influencer la croissance économique
à travers au moins trois de nos variables de contrôle : l’investissement, les
termes de l’échange et les dépenses publiques. Toutefois, en ce qui concerne
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où les variables sont définies comme indiquées pour l’équation 1. Afin d’esti-
mer l’équation (2), nous avons recours à la méthode des moments généralisés
(GMM) sur panel dynamique (Arellano et Bond, 1991 ; Arellano et Bover, 1995
et Blundell et al., 2000). En spécifiant notre GMM sous la forme quadratique
(le terme p it2 dans l’équation 2), nous postulons l’existence d’une relation non
linéaire entre l’inflation et la croissance économique avec un seuil. Cette spé-
cification conduit à la détermination d’un seuil optimal d’inflation qui s’ex-
prime de la façon suivante :
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La statistique de Fisher (LMF) qui est définie comme suit :
TN (SCR0 − SSR1 ) / mk
LM F = où k est le nombre de variables explicatives. LMF
SCR0 / TN − N − mk
suit une loi de Fisher à mk et TN–N–mk degrés de liberté [F(mk, TN–N–mk)].
Non-linéarité entre inflation et croissance économique 51
Variables Pib (Y) Infla (p) Dep Ouv Term Invest Pop
Série -6,34*** -7,71*** -6,68*** 0,18 -8,55*** -1,12 0,68
à niveau (0,00) (0,00) (0,00) (0,57) (0,00) (0,12) (0,24)
IPS
Série en -11,89*** -10,98*** -6,56***
différence (0,00) (0,00) (0,00)
Série -6,56*** -3,64*** -3,29*** -0,85 -8,68*** -0,93 -2,19
à niveau (0,00) (0,00) (0,00) 0,298 (0,00) (0,17) (0,01)
LLC
Série en -10,85*** -9,65*** -4,78***
différence (0,00) (0,00) (0,00)
Conclusion I(0) I(0) I(0) I(1) I(0) I(1) I(1)
3 LES RÉSULTATS
13
Tableau 5 (suite)
54
13
3,33 = 0,050/ (2*0,0075).
croissance économique dans la zone BEAC. Un tel résultat implique que soit
déterminé le nombre de régimes du processus. À cet effet, l’hypothèse nulle
(H0) est acceptée pour un seuil critique de 5 %. Par conséquent, il existe une
seule fonction de transition et deux régimes d’inflation. Ce résultat traduit
l’idée selon laquelle la non-linéarité de la relation inflation-croissance dans la
zone BEAC donne lieu à la détermination d’un seuil d’inflation. Ainsi l’infla-
tion aurait, jusqu’à un certain niveau, une influence soit nulle, soit positive
sur la croissance économique dans cette zone. Au-delà de ce seuil, l’inflation
serait contre-productive pour l’activité économique.
14
Vinayagathasan (2013) trouve le même taux d’inflation optimal même lorsque
les pays membres de l’OCDE (Japon, Israël, Turquie et Corée du Sud) ainsi que
Singapour sont retirés de l’échantillon de départ.
15
Encore appelée SADC, sigle de l’anglais Southern Africa Development Community.
Non-linéarité entre inflation et croissance économique 57
les pays de la zone BEAC peuvent encore bénéficier d’un gain de croissance
suite à une augmentation de l’inflation, cette dernière pouvant résulter d’une
expansion monétaire. Cette explication semble logique dans la mesure où le
fait d’avoir une politique monétaire commune limite la capacité des autori-
tés gouvernementales à utiliser l’instrument monétaire, en plus des réformes
structurelles, comme levier de croissance économique. Toutefois, la valeur du
paramètre indique que la politique monétaire pourrait contribuer pour moins
d’un tiers à la croissance économique de la zone BEAC. Ainsi, le rôle de la
politique monétaire commune dans les mauvaises performances économiques
des pays de la zone BEAC doit être relativisé, contrairement à ce qui est relayé
ces derniers temps par certains observateurs et la société civile. Cependant,
au-dessus de ce seuil (régime à inflation élevée), l’augmentation de l’inflation
de 1 % conduit à une réduction de la croissance économique de 0,26 16 %. Ce
résultat est le même que celui obtenu dans plusieurs travaux antérieurs et il
est conforme à la théorie économique (Seleteng et al., 2013). De l’analyse des
effets de l’inflation, nous constatons que cette dernière a une influence signi-
ficativement négative et positive sur la croissance économique respectivement
en deçà et au-dessus du seuil ; ce qui implique que le taux d’inflation obtenu
est optimal en termes de croissance, donnant ainsi une justification supplé-
mentaire à notre résultat. Il est utile de mentionner qu’il existe un certain
délai pour que les effets de l’inflation se répercutent sur la croissance écono-
mique. Une justification est que l’inflation affecte théoriquement la croissance
économique à travers plusieurs canaux. Loin d’être exhaustifs, nous pouvons
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Nous rappelons que le coefficient de la variable d’intérêt au-dessus du seuil est
égal à (b0 + b1), c’est-à-dire 0,28 – 0,54 = – 0,26.
17
La démarche méthodologique et les résultats ne sont pas consignés dans le texte.
58 Itchoko Motande Mondjeli Mwa Ndjokou et Pierre Christian Tsopmo
pas plus vite. Cette variable est significative lorsque l’inflation est au-dessus
du seuil optimal, ce qui suggère qu’à un niveau élevé d’inflation, les chances de
rattrapage économique entre pays de la zone BEAC diminuent. L’ouverture
commerciale joue un rôle important dans la croissance économique de la zone
BEAC. En régime de basse inflation, l’ouverture commerciale stimule la crois-
sance économique. Ce résultat, similaire à celui obtenu par Villavicencio et
Mignon (2011), est conforme à la théorie néoclassique et endogène de la crois-
sance. Par ailleurs, il confirme les prédictions des théories du commerce inter-
national quant aux effets bénéfiques sur la croissance économique des avan-
tages comparatifs, des dotations factorielles, de la différence technologique,
des économies d’échelle, de la diffusion technologique etc. À l’inverse, lorsque
l’économie se trouve dans la zone d’inflation élevée, l’influence de l’ouverture
commerciale devient négative et significative à 10 %. En effet, une inflation
élevée renchérit la valeur des biens exportés relativement aux biens importés ;
il s’ensuit une détérioration du solde extérieur qui, toutes choses étant égales
par ailleurs, affecte négativement la croissance économique. Il est important
de relativiser ces effets de l’ouverture commerciale dans la zone BEAC qui est
pour l’essentiel constituée des pays pétroliers.
L’investissement a un effet positif de l’ordre de 0,21 % au seuil critique de
1 % sur la croissance économique en régime de basse inflation. Cet effet, bien
que non significatif, diminue dans le régime de haute inflation mais demeure
positif. Ainsi, l’investissement privé influe positivement sur la croissance éco-
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4 CONCLUSION
Depuis les réformes monétaires de 1990, l’un des objectifs explicites assignés à
la BEAC est d’assurer la stabilité interne de la monnaie, c’est-à-dire le main-
tien de l’inflation autour de 3 %. Cet objectif a été entériné par l’adoption des
critères de convergence en 2001 par les États membres. Cet article s’est inter-
rogé sur la capacité d’un tel objectif à garantir une croissance économique
soutenue et durable dans la BEAC. À cet effet, nous avons déterminé le taux
d’inflation optimal en ayant recours au modèle PSTR. L’estimation de ce mo-
dèle, appliqué aux données des six pays de la BEAC sur la période 1985-2013,
60 Itchoko Motande Mondjeli Mwa Ndjokou et Pierre Christian Tsopmo
TEMPLE, J. (2000). “Inflation and Growth: Short Stories and Tall”, Journal of
Economic Surveys, 14 (4), p. 395-426.
VILLAVICENCIO, A., MIGNON, V. (2011). “On the Impact of Inflation on Output
Growth: Does the Level of Inflation Matter?”, Journal of Macroeconomics, 33
(3), p. 455-464.
VINAYAGATHASAN, T. (2013). “Inflation and Economic Growth: A Dynamic
Panel Threshold Analysis for Asian Economies”, Journal of Asian Economics,
26, p. 31-41.
WORLD BANK (2013). World Development Indicators, Washington DC: The World
Bank. http://databank.worldbank.org/data/download/WDI-2013-ebook.pdf
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