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rural.
Potentiel des coopératives et synergies avec les politiques publiques
Ephrem Niyongabo, Anaïs Périlleux
Dans Mondes en développement 2010/4 (n° 152), pages 45 à 56
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 0302-3052
ISBN 9782804161071
DOI 10.3917/med.152.0045
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Microfinance et financement de
l’investissement en milieu rural. Potentiel
des coopératives et synergies avec
les politiques publiques
Ephrem NIYONGABO1, Anaïs PERILLEUX 2
1
CERMi (Centre Européen de Recherche en Microfinance), Université de Mons, Faculté
Warocqué d’Économie et de Gestion, Mons-Belgique. Ephrem.Niyongabo@umons.ac.be
2
CERMi (Centre Européen de Recherche en Microfinance), Université de Mons, Faculté
Warocqué d’Économie et de Gestion, Mons-Belgique. Anais.Perilleux@umons.ac.be
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Une augmentation du produit national brut (PNB) agricole est au moins deux fois plus
efficace en termes d’augmentation des revenus des plus pauvres qu’une augmentation
équivalente dans tout autre secteur (World Bank, 2008).
l’épargne est à vue, même si elle est relativement stable. En 2005, l’épargne
représentait en moyenne 74% du total du passif des COOPEC, dont 57% était
à vue, 8% à terme et 9% d’autres types, principalement de l’épargne obligatoire
(BCEAO, 2005). Le reste du passif était composé de 10% de dettes externes,
2% de subventions et 14% de fonds propres.
Outre le risque de liquidité lié à l’octroi de prêts à long terme avec de l’épargne
à vue, cette pratique est interdite par la loi Parmec. L’article 51 du décret de la
BCEAO (1998) définissant le “ratio de couverture” stipule que "les institutions
sont tenues de couvrir, à tout moment, leurs emplois à moyen et long terme par
des ressources stables". Pour augmenter leurs capacités de financement de prêts
à l’investissement, les COOPEC doivent soit promouvoir l’épargne à long
terme auprès de leurs membres, soit avoir recours à des lignes de financement
externe à long terme. Cependant, la mobilisation des dépôts à terme est difficile
et le recours excessif au financement externe déstabilise l’organisation en
l’exposant davantage aux pressions externes et en affaiblissant sa gouvernance.
Le fonctionnement sur base de l’épargne est une caractéristique intrinsèque à la
structure coopérative et permet un contrôle de l’organisation par ses membres
(Armendariz et Morduch, 2005 ; Banerjee et al., 1994).
L’organisation en réseau peut aider les COOPEC à rendre plus flexible la
gestion de leur bilan. Les coopératives isolées se regroupent en s’affiliant à une
Union, qui peut ensuite s’affilier à une fédération ou à une confédération, afin
de mettre leurs forces en commun et de bénéficier d’économies d’échelle
(Desrochers et Fischer, 2005). Les services de l’Union permettent aux
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Organisation proche de la Banque mondiale, le CGAP (Consultative Group to Assist the
Poor) est le consortium des principaux bailleurs actifs en microfinance.
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Certains grands réseaux coopératifs essayent de développer une offre de prêts à plus long
terme, tels que Kafo Jigninew au Mali (13,4% de son portefeuille de crédit était à moyen
terme, en septembre 2005) et RCPB au Burkina Faso (30%, en décembre 2004). Cependant,
Kafo Jiginew a dû limiter son offre pour respecter le ratio de couverture (Levard et Diop,
2005) et le RCPB a volontairement contourné ce ratio en ne couvrant que 70% de ses
emplois à moyen et long terme par des ressources stables (Lai et Javoy, 2005).
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La loi Parmec, appliquée en 1993, est engagée dans un processus de révision depuis 2008.
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Propos recueillis lors d’un entretien avec un employé du ministère, en juin 2009.
telles politiques, qui impliquent un soutien direct, doivent être menées avec
prudence. Il est crucial de définir des critères d’accès stricts et d’éviter toute
ingérence de l’État dans les politiques de prêt des IMF.
Enfin, les politiques publiques peuvent influencer les comportements des banques privées.
Deux mécanismes sont envisageables : un premier, de type contraignant, par le
biais de la réglementation et de la sanction ; un second, de type incitatif, par
l’intermédiaire des politiques fiscales et des systèmes d’incitants. Dans le
premier cas, l’État oblige les institutions bancaires à orienter une partie de leurs
ressources vers l’agriculture et le monde rural. À titre d’exemple, en Inde, la
RBI impose aux institutions bancaires l’affectation d’une partie de leur
portefeuille de prêt à des secteurs dits "prioritaires", dont la microfinance fait
partie (Fouillet, 2009). En Thaïlande, la BAAC s’est appuyée sur les ressources
des banques commerciales, le temps de développer de bonnes pratiques de
mobilisation des dépôts (Doligez et Wampfler, 2009). Dans le deuxième cas,
l’État favorise l’implication des banques commerciales en microfinance par un
système d’incitants. Nsabimana (2002) propose un modèle basé sur la notion de
régulation incitative, qui encourage cette implication en fixant des objectifs aux
banques dans le cadre d’une politique nationale, et en liant ces objectifs à des
incitations ciblées et régulées. Ces deux options peuvent être pertinentes dans le
contexte ouest-africain. Si les banques commerciales interviennent modérément
dans le financement de la commercialisation, elles ne participent pas au
financement de la production ou de la transformation agricole (Lesaffre, 2000).
Des mécanismes d’incitation pourraient encourager le développement de prêts
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CONCLUSION
L’agriculture revient au sommet des agendas internationaux du développement.
L’accès à des services financiers adéquats est une condition sine qua non du
développement des zones rurales et de l’agriculture en Afrique de l’Ouest. Les
paysans ont besoin de prêts à moyen et long terme pour pouvoir investir et
faire évoluer leurs conditions de vie. Cependant, ni le système bancaire, ni le
secteur de la microfinance ne fournissent ce type de prêts au monde rural. Deux
pistes prometteuses sont étudiées : le potentiel des COOPEC et les mécanismes
d’intervention publique. Les COOPEC dominent le secteur ouest-africain de la
microfinance. Leur structure de propriété et leur fonctionnement démocratique
rendent ces organisations plus enclines à servir le milieu rural et à répondre aux
besoins de financement à long terme de leurs membres. Elles sont néanmoins
limitées par la nature court terme de leurs ressources, principalement
10
La méconnaissance de la microfinance limite les résultats des banques. Une assistance
technique visant à améliorer cette connaissance accroîtrait leur présence (Westley, 2007).
constituées d’épargne à vue, et par la législation qui impose que les prêts à
moyen et long terme soient couverts par des ressources stables. La croissance
en réseau permet aux COOPEC d’avoir plus de flexibilité dans la gestion de
leur bilan, grâce à une meilleure gestion des liquidités et aux services offerts par
la centrale (tels que l’octroi de prêts express). Ainsi, le “ratio de couverture”
devrait être en partie assoupli en l’adaptant en fonction de la taille, des pratiques
de bonne gouvernance et de la solidité financière des COOPEC, afin que ces
dernières puissent accroître leur offre de prêts à long terme dans la mesure de
leurs capacités. Cette politique doit toutefois être menée avec une extrême
prudence, après avoir mis sur pied un système de supervision efficace
permettant de contrôler les risques pris.
Outre la régulation et la supervision, le recours à des politiques publiques plus
interventionnistes se justifie pour combler le vide laissé par le marché. Un
premier axe d’intervention publique est le recours aux banques publiques de
développement, qui font l’objet d’un regain d’intérêt ; mais la réforme de la
gouvernance est un élément déterminant pour la réussite de ces organisations.
Des banques aux structures de propriété incluant plusieurs types d’acteurs
pourraient être initiées en Afrique de l’Ouest en s’inspirant d’expériences de
réussites étrangères. Ce type d’initiatives demande cependant des études de
faisabilité rigoureuses. Un deuxième axe consiste à développer des synergies
entre les nouvelles formes d’intervention publique et les acteurs de la
microfinance. Dans ce cadre, les organisations coopératives pourraient jouer un
rôle important, notamment grâce à leur bonne maîtrise du milieu agricole et
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BIBLIOGRAPHIE
ARMENDARIZ B., MORDUCH J. (2005) The Economics of Microfinance, Cambridge
Massachusetts, MIT Press.
BACHELIER B., MORVANT-ROUX S. (2009) Introduction au huitième rapport
Microfinance pour l’agriculture des pays du Sud, in Morvant-Roux S. (éd.), 11-22.
BANERJEE A., BESLEY T., GUINNANE T. (1994) Thy Neighbor’s Keeper: the
Design of a Credit Cooperative with Theory and a Test, Quarterly Journal of Economics,
109(2), 491-515.
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