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Développement durable et logement social, une tension

dialectique autour de la qualité


Paul Wallez
Dans Pensée plurielle 2006/2 (no 12), pages 35 à 43
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1376-0963
ISBN 2-8041-5144-1
DOI 10.3917/pp.012.43
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Développement durable
et logement social, une tension
dialectique autour de la qualité
PAUL WALLEZ 1

Résumé : Dans le contexte français, la recherche d’une définition de la qualité


dans le logement social interpelle le développement durable sur le plan tech-
nique et politique. Gros consommateur d’énergie, l’habitat suscite le déve-
loppement durable qui veut promouvoir un nouveau projet de société et des
initiatives françaises prises par les pouvoirs publics dans la décennie 1990.
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Mots clés : qualité, logement social, réhabilitation, haute qualité environnementale,
développement durable, logement HLM, politique de construction.

Fin des années 1960, le Club de Rome souligne le danger d’une crois-
sance économique et démographique exponentielle que son rapport « Halte à
la croissance » popularise sous le slogan de « croissance zéro ». Cette réflexion
se trouve relayée lors de deux conférences des Nations unies, Stockholm en
1972, Mexico en 1974, qui développent l’idée de stratégies de développement
socioéconomique équitables et respectueuses de l’environnement, dites stra-
tégies d’écodéveloppement. Écartée par Kissinger 2, la notion resurgit sous le
concept de « sustainable development », traduit par « développement soute-
nable », puis en 1980, « développement durable » 3. Le rapport Brundtland
(CEMD, 1988) avait défini ce développement comme « un développement qui

1
Paul WALLEZ est docteur en sociologie et directeur de recherches au CRESGE-LEM (UMR
CNRS 8179), Université catholique de Lille.
2
La notion d’écodéveloppement est écartée par Kissinger à la conférence de Cocoyoc ; elle traduit
l’idée d’un développement non seulement guidé par des considérations économiques mais égale-
ment par des exigences sociales.
3
La notion de développement durable est d’origine plus ancienne, et remonte à la fin du XIXe siècle
d’après une publication récente de l’IAURIF. Pour l’histoire du concept, voir l’introduction de Zuindeau
(2000).

35
répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des généra-
tions futures à répondre aux leurs », en reprenant la notion d’équité intergéné-
rationnelle qu’il complète par celle d’équité intragénérationnelle ou de justice
sociale 4. La conférence de Rio, en 1992, légitime le concept de développement
durable et propose à l’adoption des États un texte fondateur, « La déclaration
de Rio sur l’environnement et le développement », enrichi d’un ensemble de
propositions qui constituent l’Agenda pour le XXIe siècle, dit Agenda 21. Celui-ci,
décliné au plan national, se traduit pour les États signataires par l’obligation
d’œuvrer à la réalisation de ces propositions.
Dans cet article, deux aspects sont abordés : le développement durable et
la haute qualité environnementale concernent le logement HLM en France ; le
montage d’une opération expérimentale dans le département du Nord fait
émerger la nécessaire dialectique entre développement durable et politique de
logement social.

1. Développement durable et logement social

En appui de ces initiatives mondiales, la Communauté Européenne orga-


nise la conférence d’Aalborg en 1994 en réunissant hommes politiques et res-
ponsables des politiques urbaines. Cette conférence adopte la Charte d’Aalborg
qui reprend les propositions de l’agenda 21 en les déclinant au niveau local,
c’est-à-dire urbain.

A. Consommation d’énergies et gestion du logement


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La charte d’Aalborg fait des recommandations applicables à la gouver-
nance des villes elles-mêmes, prenant en compte l’extension de l’urbanisation
et l’écart de plus en plus grand entre les catégories sociales les plus opposées
quant aux ressources et aux connaissances. L’extension des villes et l’amplifi-
cation des phénomènes que produit l’urbanisation – ségrégation, exclusion,
inégalités – complètent la relation entre développement économique et envi-
ronnement promue par le développement durable associé à plus de justice
sociale. La France, signataire de la déclaration de Rio et adhérente à la Charte,
favorise en 1998 l’adhésion à l’Agenda 21 local, par un appel d’offres du minis-
tère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement (MATE) à destina-
tion des collectivités locales, en vue de « l’élaboration et de l’application par les
villes, d’un cahier des charges s’inspirant directement de l’Agenda 21 ».
La réhabilitation des logements sociaux est alors au centre des préoccu-
pations écologiques et environnementales car les immeubles construits avant
la décennie 1990 ont un rendement énergétique peu satisfaisant, du fait de la
conception de l’immeuble, voire de la cellule, des matériaux de construction
employés et du mode de chauffage utilisé. Le logement construit après 1960

4
Le rapport Brundtland (du nom de la présidente de la commission qui l’établit, madame Gro Harlem
Brundtland) est le résultat du travail de la Commission mondiale sur l’environnement et le dévelop-
pement ou CMED.

36
fait l’objet d’un entretien permanent depuis 1977 5. Bien durable, le logement
HLM encore récent n’évoluera que progressivement. Occupé par des ména-
ges populaires aux ressources limitées, l’enjeu environnemental d’économie
d’énergie et de lutte contre l’effet de serre se double d’un enjeu de justice sociale
et de qualité de vie pour l’ensemble du parc social.

B. Développement durable et haute qualité environnementale

L’habitat, dans son ensemble, représente en France 44 % des consomma-


tions d’énergie, et contribue au réchauffement de la planète par la production
de l’effet de serre pour 25 %. En 1994, le Plan Construction et Architecture
(PCA), organisme du ministère de l’Équipement, du Logement et des Trans-
ports (MELT), lance un appel à projets auprès des bailleurs sociaux, pour des
réalisations expérimentales. Chaque opération engage une action sur une à
deux cibles, telles que la gestion des déchets sur le chantier, le confort acous-
tique, le recyclage des matériaux de construction, la réutilisation des eaux de
pluie. D’autres appels à propositions prolongent cette première initiative pour
des logements à haute qualité environnementale. (HQE). Parallèlement aux
réflexions générales sur l’environnement par le développement durable, l’ap-
proche en termes de HQE initie une démarche nouvelle en direction des loge-
ments sociaux par le mouvement HLM et les bailleurs sociaux directement en
rapport avec le MELT. Ces réalisations expérimentales interrogent les politi-
ques de construction à partir de la qualité. D’abord, la qualité de la construction
en relation avec l’environnement s’intéresse au choix des matériaux et à leur
mise en œuvre. Ensuite, la qualité d’usage examine si la réhabilitation est en
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adéquation avec l’exigence des habitants en matière de logement. Enfin, la
qualité urbaine s’intéresse à l’utilisation des opportunités locales, foncières et
sociales, en matière de développement urbain. Les milieux politiques et admi-
nistratifs qui pilotent ces réalisations, se demandent si, du fait des consomma-
tions d’énergies qu’impose l’habitat, il ne faut pas adopter une approche
nouvelle, respectueuse des ressources naturelles et des écosystèmes, qui
tient compte de l’efficacité économique et des politiques fondées sur un autre
projet de société.
À l’initiative du ministère de l’Environnement, et sous l’influence du minis-
tère du Logement, le développement durable intègre ces programmes, autant
pour les modifier que pour les prolonger. Le PUCA, créé en 1998 au MELT,
établit une relation entre haute qualité environnementale, construction et renou-
vellement urbain 6. La haute qualité environnementale, surtout axée dans un
premier temps sur la construction neuve, s’élargit à la réhabilitation de loge-
ments existants, dans le programme Renouvellement urbain et environnement
lancé en 2000, dit RUE 2000. Développement durable, Agenda 21 et HQE se
recoupent et se superposent partiellement.

5
Cette politique a été impulsée par la réforme du financement de la construction en 1977, en con-
trepartie, pour les organismes d’HLM, du passage de l’aide à la pierre à l’aide à la personne (APL).
6
Ville et écologie, bilan d’un programme de recherche 1992-1999, Mate, Melt, et Puca.

37
C. Des principes à la pratique

L’analyse d’une expérience de mise en œuvre de la haute qualité environ-


nementale permet de saisir les questions posées et les difficultés rencontrées.

Les cibles HQE et le développement durable

Les cibles Le développement


Définitions
HQE durable

01 Relation harmonieuse bâtiment-voisinage


Éco- 02 Choix des procédés et des produits de Durabilité
construction construction écologique
03 Chantier à faibles nuisances
04 Gestion de l’énergie
05 Gestion de l’eau
Durabilité
Éco-gestion 06 Gestion des déchets d’activité
économique
07 Gestion de l’entretien et de la
maintenance
08 Confort hygrothermique
Durabilité sociale :
09 Confort acoustique
Confort environnement sain et
10 Confort visuel
confortable
11 Confort olfactif
12 Conditions sanitaires des espaces
Santé 13 Qualité de l’air intérieur Durabilité sociale
14 Qualité de l’eau
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Dans le cadre du MELT, un groupe de hauts fonctionnaires et de profes-
sionnels du bâtiment et des travaux publics crée, en 1996, une association
(loi 1901) pour diffuser et communiquer l’information sur la haute qualité envi-
ronnementale. Cette association contribue à donner un contenu à la HQE en
définissant des cibles sur lesquelles maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage
peuvent intervenir. Si le terme de cible n’effraie pas, il s’inscrit dans une pers-
pective générale où la technicité se fait le vecteur des projets de transforma-
tions urbaines au risque d’en occulter les dimensions sociales.
Le développement durable se déploie en trois dimensions, écologique,
économique et sociale, selon lesquelles se répartissent 14 cibles qui tradui-
sent le champ d’intervention de la HQE. Dans Récits d’opérations, publication
du Centre de ressources du développement durable (CERDD), celui-ci pré-
sente ces trois dimensions en les qualifiant de durabilité écologique, durabilité
économique et durabilité sociale (CERDD 2002, p. 3). Cet effort d’opération-
nalisation nécessaire du concept HQE lui permet de passer du discours spécu-
latif au plan pratique pour déboucher sur la réalisation de nouvelles opérations
de construction ou de réhabilitation de l’habitat (équipements et logements). On
comprend que les maîtres d’œuvre ne peuvent intervenir sur des immeubles
existants pour les transformer, sans avoir une grille pour piloter analyses, dia-
gnostics, choix de travaux, de matériaux et financements. Mais appliquée au
sens strict, cette grille présente les risques de dérives technicistes qui éloignent

38
du développement durable. Il semble donc nécessaire de tenir de tels projets
par deux bouts : d’une part sur le plan politique pour répondre aux demandes
des habitants, et d’autre part sur le plan technique et financier pour assurer sa
faisabilité. Voyons comment à partir de l’exemple d’une réhabilitation HQE.

2. La réhabilitation HQE de 104 logements HLM

La Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) décide de signer la charte


d’Aalborg, sur base de la délibération de son Conseil communautaire du 5 dé-
cembre 1996 7. Elle axe sa stratégie sur le développement durable 8. Parce que
cette démarche nouvelle, transversale et partenariale, est complexe, la CUD a
sélectionné un thème précis pour une procédure expérimentale qui impose
une évaluation in fine. Du fait de la vocation industrielle du Dunkerquois, le loge-
ment social est retenu 9. Notre analyse concerne l’action de réhabilitation expé-
rimentale HQE de 104 logements sociaux dans le quartier du Courghain à
Grande-Synthe.

A. De l’élaboration d’un agenda 21 local à une réhabilitation HQE

Créé en 1979, le quartier du Courghain présente des logements en acces-


sion et en locatif. Construit sur la dissociation des circulations automobile et
piétonnière, et séparé du centre de quartier par un watergang, l’îlot retenu est
constitué de six immeubles, trois immeubles en copropriété et trois immeubles
en locatif. La réhabilitation expérimentale HQE ne porte que sur les immeubles
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locatifs, soit 104 logements gérés par « La Maison flamande ». Une dalle de
béton, qui abrite un parking en sous-sol, supporte le passage piétonnier, espace
de liaison entre les immeubles, tandis que, traversant un immeuble au niveau
du premier étage, elle aboutit à une passerelle qui la relie au centre du quartier.
Dénommée « la dalle CIL », parce que les logements qu’elle relie sont finan-
cés par le 1 % logement collecté par le CIL (Comité interprofessionnel du loge-
ment), elle fait parler d’elle depuis longtemps. En 1996, les dégradations dont
elle est l’objet sont à l’origine d’une réunion à la Maison de quartier qui donne
le signal d’une action de réflexion dans le cadre d’un atelier urbain « cadre de
vie », qui se tiendra en 1997 : les habitants y produisent un premier diagnostic
informel sur le thème des incivilités, complété de souhaits pour une transfor-
mation urbaine autour de la passerelle.

7
La Communauté urbaine de Dunkerque porte le nom de Dunkerque Grand Littoral Communauté
urbaine.
8
Habitat et développement durable : réponse à l’appel à projets du ministère de l’Environnement,
Dunkerque Grand Littoral, Communauté urbaine, 12 p. Les premières initiatives et réalisations de
la CUD se situent dans la collecte des déchets ménagers, les alternatives énergétiques, une charte
pour la qualité de l’environnement et l’environnement industriel.
9
Deux actions expriment cette volonté : la construction neuve de 14 logements ZAC de la Licorne
à Dunkerque même et la réhabilitation de 104 logements sociaux dans le quartier du Courghain à
Grande-Synthe, commune périphérique de Dunkerque.

39
1. Concertation avec les habitants pour un programme
Officiellement proclamé comme constitutif du projet lui-même, l’apport du
point de vue des habitants, ici locataires, à la définition du programme semble
aller de soi dans l’exemple des 104 logements. Les demandes des locataires,
qui remontent à la Maison de quartier, mettent en cause la qualité d’usage de
l’habitat du Courghain. La réponse par une réhabilitation HQE semble perti-
nente sur le plan technique ou économique, mais aussi pour la recherche
d’une qualité d’usage que les occupants des logements voudraient retrouver
ou améliorer.

2. Une réponse institutionnelle à travers un programme


En avril 1998, la Communauté urbaine de Dunkerque répond à l’appel à
projets « Outils et démarches en vue de l’élaboration d’un agenda 21 local »
du MATE. Dans le cadre de cet appel à projets, plusieurs sites pour une réha-
bilitation de logements sociaux sont évoqués : celui du Courghain à Grande-
Synthe est favorisé parce que la municipalité adhère à cette démarche, et le
choix des 104 logements est facilité parce que les habitants sont déjà en dis-
cussion dans une commission « cadre de vie » à la Maison de quartier au cours
de l’année 1997. L’obligation de consultation semble ainsi facilitée.

3. La consultation des habitants pour définir le programme des travaux


À l’instigation de la Communauté urbaine de Dunkerque, plusieurs réu-
nions se tiennent pour cerner les demandes des habitants. En 1998-1999,
cette consultation des habitants est menée systématiquement à partir de réu-
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nions publiques, d’une information préalable sur les travaux envisagés et par
l’élaboration de plusieurs scénarios entre lesquels les habitants doivent choi-
sir. Les locataires font état de leurs craintes face à l’augmentation possible des
loyers, d’abord fixée à 15 %, puis à 22 %, aux conséquences des travaux sur
les charges et notamment l’impact de l’APL 10. Cette consultation aboutit à des
éléments de programmation en mars 2001, qui vont générer une augmenta-
tion du coût de l’opération et des retards liés à la nécessité de mobiliser de
nouveaux financements.
La démarche émane à l’origine d’une action des habitants, relayée par
l’obligation pour les promoteurs d’une intervention HQE de les consulter. La
lourdeur de la programmation, le surcoût lié à des choix de matériaux HQE, la
recherche de financements complémentaires ralentissent la procédure et entraî-
nent le démarrage du chantier en 2003. Cet épisode illustre la tension entre
une procédure innovatrice mais lourde sur le plan technique et la nécessité de
maintenir une démarche politique centrée sur la participation et la consultation
des citoyens. La gestion de cette tension s’effectue par l’allongement des
délais de mise en œuvre entre les premières demandes et la fin des réserves
sur travaux (1998-2005).

10
L’APL, ou Aide personnalisée au logement, est attribuée aux locataires aux faibles ressources
en fonction d’un barème. Celui-ci couvre le loyer et une partie des charges. La crainte est de voir
les charges augmenter sans une couverture convenable par l’APL.

40
B. Les demandes des locataires
que le programme a retenues et réalisées

Les demandes des habitants se classent dans deux rubriques, celle des
espaces publics et celle des espaces résidentiels, collectif et privé, ce qui rend
le montage financier complexe.

Les demandes de transformation des espaces publics


• Suppression de la passerelle et création d’un nouveau passage favorisant
la liaison avec le centre du quartier.
• Coupure de la dalle entre deux immeubles, ce qui impose : un change-
ment d’entrée de l’un d’eux ; le traitement de l’extrémité du garage et de
l’accès latéral à la dalle ; l’aménagement des parkings sous dalle ; enfin, la
réorganisation du cheminement piétonnier.
• Création d’une voierie et d’une offre en stationnements latéraux, qui seront
réalisées après les travaux, soit en 2005, ainsi que l’aménagement des
pieds d’immeubles (clôture et traitement végétal).
• Réalisation d’enclos extérieurs pour la collecte des ordures ménagères et
du tri sélectif, qui sera effectuée au cours des travaux et achevée avec la
fin du chantier HQE.

Les demandes concernant les logements


• L’insonorisation.
• La sécurité intérieure dans l’immeuble et la sécurité extérieure.
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• Des interventions sur le cadre bâti : terrasses, escaliers extérieurs, locaux
poubelles, locaux à vélos et entrées traversantes.
• La luminosité des appartements, le confort intérieur (isolation, étanchéité).
• Des volets roulants à tous les étages et pas seulement au rez-de-chaussée.
• La création d’espaces de rangement et la remise aux normes de l’électricité.
• La présence d’un concierge (cette demande étant moins fortement expri-
mée).

Ces travaux ont imposé la gestion de plusieurs chantiers, les espaces


publics et résidentiels faisant intervenir plusieurs maîtres d’ouvrage. Après une
évaluation de cette action, que penser de la démarche HQE ?

Conclusion

La démarche HQE comme méthode

La démarche HQE fonctionne comme une méthode d’élaboration d’un pro-


gramme de travaux. Elle se situe à l’intersection de trois champs. Le premier
concerne l’architecture à l’opposé d’une fonction utilitaire. Le projet HQE du
Courghain introduit des éléments architecturaux par la modification de l’image

41
du bâtiment pour faire évoluer une conception primitive très compliquée ; il
apporte des surfaces nouvelles à l’intérieur de l’appartement au moyen de log-
gias et de vérandas dans le triple but de corriger les défauts d’une mauvaise
orientation, de transformer les façades et d’améliorer le confort thermique.
Le deuxième champ concerne l’usage (Pinson, 1990), notion qui intègre
des pratiques sociales toujours porteuses de signification symbolique. La modi-
fication des entrées de l’immeuble pour une luminosité accrue, l’utilisation du
carrelage et la pose de nouvelles boîtes aux lettres y concourent ; le change-
ment des portes d’appartement par adjonction d’un sas ou d’une pièce gagnée
sur la trop grande surface du palier, y contribue d’une autre façon. Les cibles
techniques du programme HQE débouchent ainsi sur des possibilités nouvel-
les d’usage pour les habitants.
Le troisième champ aborde la citoyenneté : l’habitant retrouve des droits,
une exigence de confort, etc., indépendamment de son statut et de ses reve-
nus. La dimension urbaine par la transformation de la dalle, l’accès à l’îlot, un
nouveau dessin des espaces extérieurs et des pieds d’immeubles, va dans ce
sens. La haute qualité environnementale apporte aux habitants une qualité que
l’habitat social veut reconnaître comme inaliénable au logement des familles
populaires : il s’agit d’un projet politique d’habitat social.

Les obstacles tiennent à la nouveauté


et à la complexité de la démarche

La mise en œuvre du chantier n’est pas sans difficulté. Trois thèmes sont à
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examiner : celui des matériaux en rapport avec les exigences écologiques ;
celui de leur coût et de leur accès dans les enveloppes budgétaires définies ;
celui enfin d’une attitude mentale plus générale qui tranche avec la pratique de
la construction. Le développement durable impose aux opérateurs un appren-
tissage, afin de tenir compte d’une rationalité économique nouvelle au service
d’une politique sociale plus équitable. La tension dialectique développement
durable / logement social fait évoluer les métiers du chantier dans un appro-
fondissement du politique.

Paul WALLEZ
CRESGE, Université catholique de Lille
1, rue Norbert Segard – BP 109
F-59016 Lille Cedex
Tél. : +33 (0)3 20 13 40 60
Fax : +33 (0)3 20 13 40 70
pwallez@cresge.be

42
Bibliographie
BRUNDTLAND Gro Harlem (1988), Notre avenir à tous, Montréal, Éd. du Fleuve.
CAMAGNI Roberto et GIBELLI Maria Cristina (1997), Développement urbain durable. Quatre
métropoles européennes, Paris, Éditions de l’Aube, Datar.
CERDD (2002), Récits d’opérations : HQE et logements sociaux, Lille, Cerdd.
CHAMPY Florent (1998), Les architectes et la commande publique, Paris, PUF.
PARIS D. (2000). « Renouveler la ville : un enjeu de développement pour la ville post-indus-
trielle », in Renouveler la ville : les enjeux de la régénération urbaine, Actes de la Commission
nationale de géographie urbaine.
PINSON Daniel (1990), Usage et architecture, Paris, L’Harmattan.
ROUSSEL François-Xavier (2000), Ville renouvelée en Nord-Pas-de-Calais : rapport de
directeur d’étude, SCET.
WALLEZ Paul (2005), Haute qualité environnementale, vecteur du développement durable,
Paris, PUCA-CRESGE.
ZUINDEAU Bertrand (2000), Développement durable et territoire, Villeneuve d’Ascq, Presses
universitaires du Septentrion.
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