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Capacité d'absorption et contraintes de décaissement

Jakob Svensson
Dans Revue d'économie du développement 2006/2 (Vol. 14), pages 43 à 68
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 1245-4060
ISBN 280415128X
DOI 10.3917/edd.202.0043
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 28/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.66.162.26)

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Capacité d’absorption
et contraintes de décaissement
Absorption Capacity and Disbursement Constraints

Jakob Svensson 1
Stockholm University

Comment expliquer le comportement des donateurs et des receveurs ? Dans cet article, j’apporte
certains éléments de réponse en examinant les problèmes d’incitation des donateurs et des béné-
ficiaires. Certaines de ces contraintes, telles que la multiplicité des objectifs, les difficultés de mesure
des résultats ou de performance, et le manque d’incitation à être performant, sont communes à
la plupart des agences publiques, mais se posent avec une acuité particulière pour les organismes
d’aide. Plus important, le secteur de l’aide étrangère se distingue par certains traits caractéristi-
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ques parmi lesquels la multiplicité des agents (donateurs) et la faiblesse ou la rupture de la boucle
informationnelle/de responsabilité entre les bénéficiaires (du pays receveur) d’une part, et les élec-
teurs et décideurs politiques (du pays donateur) d’autre part. Les incitations des agences d’aide
influencent également le comportement des bénéficiaires et leur capacité à utiliser l’aide efficace-
ment. Cet article analysera les problèmes d’incitation en matière de décaissement et d’absorption
de l’aide, ainsi que leur impact sur l’efficacité de l’aide. Ainsi, cet article soulignera non seulement
les difficultés, mais proposera également des recommandations.

Why do donors and recipients act the way they do? In this paper I provide some partial answers by
discussing some of the key incentive constraints facing donors and recipients. Some of these in-
centive constraints, like multiple objectives, difficulties in measuring output or outcomes, and weak
performance incentives, are problems most public agencies face, although they are often more
pronounced in donor agencies. More importantly, there are features that are unique to the foreign
aid sector, including multiple agents (donors) and a weak or broken information/accountability
feedback loop between beneficiaries (in the recipient country) and voters and politicians (in the
donor country). The donor agencies’ incentives also influence the recipients’ behavior, and their
ability to use aid productively. This paper will discuss the incentive problems in disbursing and
absorbing aid and how they interact in determining the efficiency of foreign aid. In so doing, it
will mostly highlight problems, but to some extent also discuss ways forward.

1 Institut des Études Économiques Internationales, Université de Stockholm, NHR, et


CEPR. jakob.svensson@iies.su.se.

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44 Jakob Svensson

1 INTRODUCTION

Par de nombreux aspects, les agences d’aide sont semblables aux autres orga-
nisations publiques dans la mesure où elles partagent les problèmes d’incita-
tion inhérents au secteur public. Ces contraintes incluent la multiplicité des
objectifs ; les difficultés de mesure de résultat et de performance ; et de faibles
incitations à être performant. Toutefois, ces caractéristiques institutionnelles
sont souvent plus marquées dans le domaine de l’aide étrangère. De surcroît,
ce secteur présente certaines spécificités qui le rendent particulièrement sujet
aux distorsions d’incitation. Ces traits distinctifs comprennent la multiplicité
des principaux (donateurs), et une boucle informationnelle (de responsabilité)
rompue entre les donateurs et les bénéficiaires.
Pourquoi les donateurs et les bénéficiaires agissent-ils de la sorte ? Cet ar-
ticle tente d’apporter des éléments de réponse en examinant les problèmes
d’incitation susmentionnés. Le point central de l’article porte sur la nécessité
d’étudier les questions d’incitation pour comprendre le comportement des do-
nateurs et des bénéficiaires, bien que d’autres facteurs influencent la manière
dont l’aide est décaissée et utilisée. Afin d’accroître l’efficacité de l’aide, ces
problèmes doivent être, au moins en partie, surmontés.
L’article s’articule comme suit. Dans la section 2, je m’intéresse aux impli-
cations de la rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité). Je sou-
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tiens que cette caractéristique – qui distingue l’aide étrangère du financement
intérieur des services – explique l’intérêt (des donateurs et des bénéficiaires)
pour le montant d’aide et non pour les résultats, ainsi que l’influence dispro-
portionnée des prestataires de biens et services financés par l’aide dans le pro-
cessus de prise de décision. J’examine les manières d’atténuer les problèmes
liés à la rupture de la boucle informationnelle et illustre mes propos par deux
études de cas sur les dépenses publiques d’éducation primaire financées par
l’aide en Ouganda et en Tanzanie. Dans la section 3, je présente brièvement
les difficultés liées à la multiplicité des objectifs et des tâches – caractéristi-
ques courantes dans le domaine public – et souligne pourquoi les problèmes
d’incitation qui en résultent sont vraisemblablement plus prononcés dans le
domaine de l’aide. Dans la section 4, je me penche sur un problème spécifique
de l’aide – la pression budgétaire – qui me semble dépendre en partie des pro-
blèmes développés dans les sections 2 et 3. Je donne des exemples des consé-
quences macroéconomiques du problème de pression budgétaire et examine
les manières d’atténuer la pression au décaissement. La section 5 est consacrée
au problème de la multiplicité des principaux, l’aide étant gérée non par une
mais de multiples agences. Je souligne les coûts de transaction et les problèmes
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d’action collective qui surviennent lorsque de multiples donateurs fournissent


de l’aide à un pays sans être vraiment coordonnés. Finalement, dans la section 6,
je soulève le difficile dilemme des donneurs : le conflit entre les objectifs de long
terme axés sur le renforcement des institutions et l’objectif de court terme
visant à réduire la capture et la corruption.

2 LA RUPTURE DE LA BOUCLE INFORMATIONNELLE


(DE RESPONSABILITÉ)

Comme la plupart des organismes du secteur public, les agences d’aide font face
à divers problèmes d’incitation qui influencent leur comportement, ainsi que
leurs priorités. La théorie de l’agence des administrations publiques a mis en
avant trois contraintes principales :
1) la multiplicité des objectifs ;
2) les difficultés de mesure de résultat et de performance ;
3) le manque d’incitation à être performant.
Comme je l’ai déjà souligné, bien que ces caractéristiques institutionnelles
soient communes dans le secteur public, elles sont souvent exacerbées dans
les agences d’aide. Toutefois, ces organismes se distinguent des autres organi-
sations du secteur public de manière importante. Tout particulièrement, les
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personnes qui doivent bénéficier de l’aide – les pauvres des pays receveurs – ne
sont pas les mêmes que celles qui fournissent les ressources – les contribuables
des pays donateurs. Comme le soulignent Martens et al. (2002), cette fracture
géographique et politique entre les bénéficiaires et les contribuables bloque la
boucle normale de performance.
Dans le modèle standard de responsabilité publique, les individus et les
ménages ont un rôle double. En tant que clients, les agents espèrent bénéficier
de divers programmes publics. En tant que citoyens, les individus et les ména-
ges ont recours à différents mécanismes afin d’influencer et de contrôler les
gouvernants et, indirectement, la performance de l’administration publique.
Lorsque les agents et les ménages sont bien informés et disposent de mécanis-
mes permettant de sanctionner les décideurs politiques – par exemple, le droit
de les écarter du pouvoir – , les gouvernants sont fortement incités à contrôler
et à contraindre les institutions publiques à se conformer aux attentes des
individus qu’ils représentent 2. Ce type de modèle repose sur deux hypothèses
fondamentales. D’une part, en tant que clients, les agents et les ménages sont

2 Voir Becker (1983) et Whitman (1995).


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informés des programmes mis en œuvre dans leur intérêt. D’autre part, en tant
que citoyens, ils peuvent rendre leurs représentants responsables de leur action
en sanctionnant les gouvernants peu compétents.
Concernant l’aide étrangère, la séparation géographique et politique entre
les bénéficiaires (les consommateurs du pays receveur) et les donneurs (les
citoyens du pays donateur) limite fortement ces deux mécanismes. Les citoyens
du pays donateur ne connaissent pas les programmes financés par les agences
d’aide. De plus, il est très coûteux, pour les contribuables du pays donateur,
d’obtenir une information fiable quant aux résultats des programmes qu’ils
financent. D’autre part, les bénéficiaires ne sont pas les électeurs du pays qui
fournit l’aide et ils n’ont par conséquent aucun moyen de pression sur les déci-
deurs politiques qui approuvent ces programmes (Martens et al., 2002).
La rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité) exacerbe les
problèmes liés à la multiplicité des objectifs, aux difficultés de mesure de
résultat et de performance, et au manque d’incitation à être performant. Cela
affecte aussi bien les donateurs que les bénéficiaires. De surcroît, cela engen-
dre de nouveaux problèmes d’incitation. Tout particulièrement, bien que de
nombreux agents – aussi bien dans le pays receveur que dans le pays donateur
– doivent assurer l’efficacité et la soutenabilité de l’aide, aucun n’est réellement
responsable (Ostrom et al., 2002). Il en résulte de nombreuses distorsions des
incitations.
Par exemple, les électeurs du pays donateur ne tirent aucun bénéfice direct
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de la fourniture de services financés par l’aide, pas plus qu’ils n’observent les
résultats dans les pays bénéficiaires. Toutefois, ils peuvent connaître la part du
budget gouvernemental allouée à l’aide étrangère. Ainsi, le montant d’aide est
devenu l’un des principaux indicateurs de performance de l’aide, et les débats
politiques en la matière se concentrent quasi exclusivement sur le montant de-
vant être alloué aux pays pauvres. Dans la mesure où la majorité des électeurs
sont favorables à l’aide aux pays pauvres, cette préoccupation profite également
aux organismes d’aide. Cependant, le montant d’aide et les résultats ne sont pas
nécessairement corrélés.
L’intérêt politique pour le montant plutôt que pour l’impact de l’aide in-
fluence également le fonctionnement des agences. Lorsque les fonctionnaires
ne sont pas tenus pour responsables de la performance, cela biaise leurs inci-
tations en matière de gestion de leur temps et de recherche d’information sur
le succès et la soutenabilité des projets en cours.
La rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité) explique éga-
lement le rôle dominant des intérêts des prestataires nationaux de biens et
services financés par l’aide dans le processus de prise de décision (Martens
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et al., 2002). Les cabinets de conseil, les experts et les prestataires de biens
sont des bénéficiaires directs de l’aide (via les rémunérations contractuelles)
et disposent d’un moyen de pression direct sur les décideurs politiques du pays
donateur. Par conséquent, ils exercent une influence disproportionnée sur la
conception et la mise en œuvre des programmes d’aide. Les études transversa-
les sur les déterminants de l’allocation de l’aide apportent une preuve indirec-
te de ce biais. Par exemple, Alesina et Dollar (2000) et Collier et Dollar (2002)
montrent que près de la moitié de l’aide étrangère des pays de l’OCDE n’est
pas allouée en vue de réduire la pauvreté.
La rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité) induit égale-
ment une plus grande influence des médias sur les programmes d’aide que sur
les projets nationaux. Etant donné que les électeurs ne connaissent pas ou très
peu l’aide étrangère, les médias sont l’unique source d’information. La presse
étant à l’affût des sujets médiatiques, cela introduit un biais dans la politique
d’aide. Certains travaux empiriques mettent en évidence cet effet. Eisensee et
Stromberg (2005) montrent que l’aide américaine aux victimes de catastro-
phes dépend dans une large mesure de l’occurrence d’autres événements média-
tiques lors de la catastrophe et non des besoins des victimes. Selon les auteurs,
les décisions d’aide sont guidées par la couverture médiatique des catastro-
phes, laquelle est évincée par de nouveaux sujets médiatiques. Les catastrophes
étant plus ou moins médiatiques, certains désastres, tels que les tremblements
de terre reçoivent beaucoup d’attention, au contraire des famines. Eisensee et
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Stromberg (2005) indiquent qu’une famine doit faire 40000 fois plus de victimes
pour avoir la même probabilité espérée qu’un tremblement de terre d’entrer
dans le paysage médiatique.
La rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité) influence éga-
lement le comportement du receveur. Plus important, lorsque les projets sont
conduits ou financés par un donateur, les consommateurs du pays bénéficiaire
anticipent de manière rationnelle que l’influence qu’ils exercent sur le dona-
teur est au mieux limitée. En résumé, ils ne peuvent rendre le donneur res-
ponsable de sa performance. Les fonctionnaires publics du pays receveur assignés
au projet/programme d’aide sont confrontés aux mêmes incitations, et ne sont
par conséquent que peu incités à être performants.
Comment atténuer le biais introduit par la rupture de la boucle informa-
tionnelle (de responsabilité) ? Martens et al. (2002) affirment que la rupture
de la boucle informationnelle « naturelle » impose d’intégrer une évaluation
formelle dans les programmes d’aide afin d’éliminer les problèmes de per-
formance. Toutefois, cela ne constitue, au mieux, qu’une solution partielle.
Premièrement, les évaluations étant menées par l’agence d’aide, ce qui est
48 Jakob Svensson

typiquement le cas, elles peuvent faire l’objet de manipulations. Ainsi, des


évaluations de faible qualité peuvent être privilégiées dans la mesure où il sera
plus difficile d’en tirer des conclusions définitives sur la véritable performance.
En outre, même si les évaluations sont correctement réalisées, s’il n’existe
aucun mécanisme pour les exécuter, c’est-à-dire des moyens pour transmettre
l’information au public, le comportement de l’agence d’aide ne sera pas modi-
fié. Un organisme d’évaluation indépendant pourrait limiter ces problèmes 3.
Deuxièmement, même si les donateurs intègrent une évaluation formelle dans
les programmes d’aide, il subsistera toujours des difficultés pour exercer une
influence externe sans affaiblir les relations locales de responsabilité (Banque
Mondiale, 2003).

Ces problèmes requièrent une approche complémentaire afin de renforcer


le pouvoir du consommateur. Par exemple, lorsque cela est possible, les dona-
teurs peuvent encourager le contrôle des projets d’aide par les citoyens, sous
forme de bulletins d’évaluation et d’enquêtes de suivi des dépenses publiques,
comme l’illustre l’étude suivante réalisée en Ouganda.

2.1. Deux études de cas : les dépenses d’éducation


en Ouganda et en Tanzanie
Dans tous les gouvernements, les ressources réservées à certains usages sui-
vent les circuits institutionnels légaux. Les fonds passent par divers niveaux
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de l’administration nationale jusqu’aux services chargés de dépenser les fonds.
Cependant, dans les pays en développement, l’information sur les dépenses
publiques réelles de première ligne ou par programme est rarement disponi-
ble. Afin de remédier à ce problème, une enquête de suivi des dépenses publi-
ques (Public Expenditure Tracking Survey : PETS) fut mise en place. Un PETS
permet de suivre les flux des fonds à travers les différents niveaux d’adminis-
tration pour déterminer combien des fonds affectés parviennent réellement à
chaque niveau. Cela constitue par conséquent un moyen efficace pour repérer
et quantifier la capture politique et bureaucratique, le détournement de fonds,
et les problèmes de déploiement des ressources en nature et humaines. Cela
peut également permettre d’évaluer ce qui bloque le retour de l’information,
élément nécessaire pour rendre compte des dépenses réalisées (Dehn, Reinikka,
et Svensson, 2003).

3 En Suède, une agence indépendante d’évaluation de l’aide étrangère a été mise en


place. Toutefois, des préoccupations d’ordre régional ont déterminé la localisation et le
budget de cette nouvelle agence, soulevant la question de la crédibilité et de l’indépen-
dance des évaluations de l’aide.
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 49

2.1.1. L’Ouganda
Le premier PETS fut mis en place au milieu des années 1990. En effet, les rap-
ports officiels n’indiquaient aucune amélioration de la scolarisation primaire
alors que les dépenses d’éducation avaient considérablement augmenté. Plus
précisément, l’hypothèse consistait à penser que la fourniture de services,
approximée par le taux de scolarisation primaire, était plus mauvaise que ne
l’impliquaient les allocations budgétaires en raison de la capture des fonds pu-
blics (par les hommes politiques locaux et les fonctionnaires) lesquels ne par-
venaient pas aux infrastructures auxquelles ils étaient destinés (les écoles).
Afin de tester cette hypothèse, une étude fut réalisée sur 250 écoles primaires
tirées de manière aléatoire. L’étude comportait des données sur cinq ans con-
cernant les dépenses (y compris les transferts en nature), les résultats et les
caractéristiques des prestataires. Ces données furent ensuite reliées aux don-
nées d’enquêtes réalisées sur 18 gouvernements locaux (districts) et aux données
relatives aux déboursements détaillés de trois ministères du gouvernement
central (Reinikka et Svensson, 2004).

Ce type de programme – une dotation par capitation pour couvrir les dépen-
ses non salariales des écoles – est assez répandu dans les pays en développe-
ment. Comme beaucoup d’autres programmes de dépenses destinés aux pays
fortement dépendants de l’aide, il fut en grande partie financé par les fonds des
donateurs. Dans le cadre d’un plan d’ajustement structurel, la Banque Mon-
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diale fut impliquée dans la supervision du programme. Sur la base des données
budgétaires du gouvernement central, le programme semblait bien fonctionner.
Les fonds furent décaissés par le ministère de manière régulière, et une analyse
menée par la Banque Mondiale démontra que l’incidence des dépenses publi-
ques était neutre. Toutefois, comme pour beaucoup de programmes de dépenses
menés dans les pays à faible revenu, les statistiques officielles ne reflétaient
absolument pas la situation sur le terrain (Reinikka et Svensson, 2004).

De 1991 à 1995, seulement 13 % des dotations annuelles par capitation, en


moyenne, ont bénéficié aux écoles. 87 % des fonds ont disparu aux profits d’in-
térêts privés ou furent utilisés pour financer des activités politiques au niveau
local. La plupart des écoles n’ont absolument rien reçu. La situation apparaît
plus favorable lorsqu’on restreint l’échantillon à la dernière année de la période
considérée. Toutefois, seulement 20 % des dotations par capitation du gouver-
nement central atteignaient les écoles en 1995 (Reinikka et Svensson, 2004a).

La situation ougandaise au milieu des années 1990 illustre deux phénomè-


nes qui découlent, au moins en partie, de la rupture de la boucle information-
nelle (de responsabilité). Premièrement, alors qu’ils finançaient le programme,
50 Jakob Svensson

les donateurs n’avaient pas la moindre idée (et ne firent pas grand-chose pour
se renseigner) de l’impact de ce dernier : les écoles recevaient-elles les fonds et
cela permettait-il d’améliorer la situation scolaire ? En réalité, les principaux
bénéficiaires de ce programme furent les officiels locaux et les politiques. Comme
le soulignent Ostrom et al. (2002), ce manque de connaissance de la réalité de
terrain est courant. Lorsque les donateurs ou le personnel ne sont pas respon-
sables de la performance, ils se concentrent sur d’autres tâches. Deuxièmement,
les bénéficiaires (les parents) ne disposaient d’aucune information concernant
le programme – la plupart ne connaissaient probablement pas son existence – ce
qui facilitait le détournement de fonds par les officiels et les hommes politiques
locaux.

L’exemple ougandais illustre le pouvoir des analyses d’impact de manière


générale et, tout particulièrement, dans l’appréciation de la corruption. Il est
difficile pour les gouvernements d’ignorer un constat flagrant de corruption
ou de détournement, et face au fort taux de détournement local des fonds
d’éducation, le gouvernement central a rapidement réagi. Chose intéressante,
la réponse ne consista pas à appliquer la pratique standard – améliorer le sys-
tème financier en renforçant le contrôle des agences du gouvernement central.
En effet, le gouvernement central fit appel à la citoyenneté. Sous l’impulsion
des ministères des Finances et de l’Administration Locale, il a commencé à
publier dans la presse nationale des statistiques sur les transferts mensuels de
fonds vers les districts. Par la suite, le ministère de l’Education a proposé d’éten-
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dre la campagne d’information à tous les centres scolaires. Il a été demandé
aux écoles primaires (et aux administrations de district) d’afficher des notes
sur tous les flux entrants. En résumé, cette campagne comportait deux volets :
l’information relative aux transferts du gouvernement central était disponible
dans la presse, alors que l’information sur les montants réellement perçus par
chaque école était affichée dans les écoles afin d’informer les parents.

Dans Reinikka et Svensson (2005a), nous utilisons un nouveau PETS afin


d’évaluer les effets de la campagne médiatique. Les données brutes indiquent
d’importants progrès. En 2001, les écoles ont reçu, en moyenne, 80 % des dota-
tions annuelles et la campagne d’information explique une part importante
des progrès réalisés 4.

4 Dans Reinikka et Svensson (2005a), nous montrons que l’accès de la population à l’infor-
mation peut réduire considérablement les détournements de fonds au niveau local.
Nous indiquons que les directeurs d’écoles proches d’un point de vente de journaux sont
plus au fait des règles régissant le programme et de la date des décaissements de fonds
par le gouvernement central. Ces écoles sont également parvenues à obtenir une part
plus importante de leurs droits une fois que la campagne d’information fut lancée.
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 51

L’exemple ougandais indique également que les interventions visant à amé-


liorer la responsabilité dans le secteur public peuvent constituer le meilleur
moyen, le plus efficient en termes de coût, d’améliorer les résultats de l’offre
de services, dans la mesure où la fourniture de services sociaux souffre d’ineffi-
ciences et de corruption dans les pays en développement. Plus précisément, les
taux de scolarisation et de réussite scolaire ont considérablement augmenté
dans les écoles ayant réussi à obtenir une part plus importante de leurs droits
grâce à la campagne d’information (Reinikka et Svensson, 2005b).

2.1.2. La Tanzanie
Le Plan de Développement de l’Education Primaire (PDEP) débuta en 2002 en
collaboration avec le gouvernement de Tanzanie, divers donateurs bilatéraux,
et la Banque Mondiale. Le programme comprend trois volets : une dotation
par capitation versée sous forme monétaire et en nature (manuels scolaires) ;
un don de développement pour les investissements et un don pour les dépenses
de fonctionnement.
Une enquête de suivi des dépenses publiques sur le PDEP fut mise en place
en 2003-2004 (Voir Tungodden pour les détails). Par de nombreux aspects, les
résultats sont semblables à ceux observés dans le cas ougandais. Par exemple,
la communauté de l’aide manquait d’information sur l’impact du programme.
De manière plus frappante, les donateurs ne savaient pas que le programme
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était mené par trois ministères différents. Ils pensaient que le programme ne
dépendait que d’un seul ministère. Par conséquent, les donateurs ne savaient
pas quel montant était versé aux administrations locales et si ces fonds attei-
gnaient les bénéficiaires.
Le bilan de l’enquête fut alarmant. Tout d’abord, il n’était pas évident que
l’ensemble des fonds affectés par les donateurs au financement du programme
soit effectivement déboursé. Concernant l’un des principaux programmes (le
financement des manuels scolaires), seulement 20 % atteignaient les écoles en
moyenne. Ainsi, comme dans le cas ougandais, les donateurs n’avaient que peu
d’information sur la réalité de terrain et les bénéficiaires ne savaient pas com-
ment le programme fonctionnait.
L’exemple de la Tanzanie souligne également le pouvoir des analyses d’im-
pact, bien que dans ce cas la réaction fût initiée par l’un des principaux dona-
teurs. Plus précisément, lorsque le projet fut couvert par les médias norvégiens,
le commissaire aux comptes entreprit une étude afin de déterminer si l’Am-
bassade de Norvège devait continuer à financer le programme, en dépit des
détournements de fonds, de la corruption et des rapports incomplets.
52 Jakob Svensson

3 LA MULTIPLICITÉ DES OBJECTIFS ET DES TÂCHES

La plupart des donateurs poursuivent de multiples objectifs. A titre d’exem-


ple, l’agence d’aide suédoise, Sida, qui a récemment regroupé ses principaux
objectifs autour d’un but global (un développement global équitable et durable),
spécifie huit domaines pour la coopération suédoise :
1) les droits de l’Homme ;
2) la démocratie et la bonne gouvernance ;
3) l’égalité des genres ;
4) l’utilisation durable des ressources naturelles et la protection de l’environ-
nement ;
5) la croissance économique ;
6) le progrès social et la sécurité ;
7) la gestion des conflits et la sécurité ;
8) les initiatives mondiales visant à préserver l’environnement et à lutter con-
tre les épidémies.
Le développement étant multidimensionnel, il n’y a rien de surprenant à
ce que les agences de développement poursuivent de multiples objectifs. Mais
cela implique de faire des compromis, en particulier à court terme. Les agen-
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ces d’aide ne formulent que rarement de tels compromis de manière explicite,
si bien que les directeurs ne savent pas quelles doivent être leurs priorités face
à une situation donnée 5. Comme il courant que les directeurs des agences d’aide
changent de fonction à intervalles réguliers, les choix politiques, concernant
un secteur ou un pays, évoluent au cours du temps, et les engagements de long
terme sont difficilement maintenus. Evidemment, le pays receveur réagit en con-
séquence. Les objectifs de court terme sont favorisés aux dépens de ceux de
long terme. La rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité) et le
manque de mécanismes assurant le transfert de connaissance au sein des
organismes d’aide lorsque les directeurs et le personnel changent, amplifient
le problème.
Les fonctionnaires des agences d’aide poursuivent également de multiples
tâches. Si ce phénomène caractérise l’ensemble des organismes publics, la rup-
ture de la boucle informationnelle (de responsabilité) accentue le problème d’in-
citation au sein des agences d’aide. Lorsqu’ils doivent accomplir de multiples

5 La solution ne consiste pas à définir un objectif très large et général qui englobe pres-
que tout. Le problème est plus profond.
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 53

tâches sur un même laps de temps, les fonctionnaires auront tendance à privi-
légier les objectifs satisfaisant leurs ambitions carriéristes ou nécessitant le
moins d’effort. Dans la mesure où certaines tâches sont plus facilement con-
trôlables (telles que les activités d’input comme le budget, les achats, le recru-
tement des consultants), ces dernières recevront une attention disproportionnée
aux dépens des tâches plus difficilement contrôlables (par exemple, l’effort
consenti dans la mise en place d’un projet). Ainsi, la rupture de la boucle de
performance, la complexité de la mesure de la performance, et le fait que les
promotions ne soient souvent pas liées à la performance des projets anté-
rieurs, entraînent un intérêt disproportionné pour les activités d’input aux dé-
pens de l’attention accordée à la qualité des résultats, à savoir le véritable impact
des programmes d’aide (Martens et al., 2002).
Résoudre ce problème n’est pas évident. Premièrement, les objectifs étant
multiples, il est plus difficile d’établir, ou de se mettre d’accord sur des con-
trats de performance, tout particulièrement si certains buts sont plus difficiles
à mesurer ou à mettre en œuvre que d’autres. Deuxièmement, même si l’on
surmonte cette difficulté, un tel contrat implique que les salaires ou les promo-
tions soient liés à la performance des projets/programmes d’aide – un mode de
rémunération très éloigné du système traditionnel de la fonction publique de
la plupart des pays donateurs 6. Les actions visant à rétablir la boucle informa-
tionnelle (de responsabilité), telle que la mise en place d’une évaluation for-
melle des programmes d’aide, peuvent atténuer ce problème.
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4 LA PRESSION BUDGÉTAIRE

« Les structures incitatives du donateur et du receveur récompensent un mon-


tant élevé de transfert de fonds, évalué selon un plafond prédéfini… Dans beau-
coup d’administrations, bilatérales ou multilatérales, l’attention porte sur les
déboursements et les allocations aux pays. Les montants non versés ne seront
pas notifiés par les directoires ou les commissions parlementaires et entraîne-
ront une baisse des allocations pour l’année budgétaire suivante… Les résul-
tats sont évalués en fonction des montants, sans aucune considération pour la
qualité… De plus, lorsque le temps est venu d’évaluer le véritable impact, la
plupart des responsables du projet, de part et d’autre, auront été mutés. »
[Edgren, 1996, p. 11 (Ancien économiste en chef de l’agence d’aide suédoise)]

6 Ostrom et al. (2002) indiquent que seulement 2 % des personnes interrogées à Sida
affirment que les promotions sont liées à la performance des projets pour lesquels les
agents ont travaillé par le passé.
54 Jakob Svensson

Même dans le cas d’une tâche unique, des problèmes d’incitation dans
l’agence d’aide attisent l’intérêt pour l’affectation et la dépense des budgets plu-
tôt que pour les résultats. Dans la plupart des organismes d’aide, il est courant
de séparer les décisions d’allocation et de déboursement 7. Alors que le proces-
sus d’allocation est centralisé (dans de nombreux pays, les directives générales
et les allocations aux pays sont établies par le parlement), les décisions relatives
aux déboursements sont décentralisées (c’est-à-dire spécifiques au pays ou au
projet). Ce schéma est également valable pour l’aide projet. La planification et
la mise en œuvre d’un projet vont de pair avec un engagement des fonds pour ce
projet. Vient ensuite la décision de déboursement (des fonds affectés).
Ce schéma institutionnel a engendré un biais important consistant à « tou-
jours » débourser les fonds alloués ex ante au bénéficiaire ou au projet, quelle
que soit la performance du gouvernement receveur, ou du projet, et les condi-
tions dans les autres pays bénéficiaires (projets) potentiels. Ainsi, les fonds ne
sont pas affectés aux pays ou projets où ils pourraient être le plus efficaces et
les « menaces » ex ante de ne pas débourser l’aide promise si le bénéficiaire ne
suit pas certaines politiques ne sont pas crédibles. Ce biais, à son tour, résulte
du faible coût d’opportunité d’un montant d’aide (ou d’un prêt d’ajustement)
pour le donateur.
Pourquoi le coût d’opportunité est-il faible ? Les études des agences d’aide
bilatérales affirment, qu’en pratique, « dépenser le budget » est devenu un
objectif central en soi (Paldam, 1997 ; Edgren, 1996), du fait de la multiplicité
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des objectifs et de la rupture de la boucle informationnelle (de responsabilité).
De plus, d’importants fonds non distribués sont perçus comme le signe d’un
dysfonctionnement du département d’un pays, ou d’un projet. Sinon pourquoi
les fonds ne seraient-ils pas déboursés ? Etant donné que l’allocation du bud-
get total de l’aide entre les différents départements est en partie déterminée
par les déboursements précédents, un département ne versant pas les fonds
engagés risque de recevoir une allocation plus faible l’année suivante 8. La
taille du budget, à son tour, contraint non seulement le programme de dépen-
ses global du département du pays mais détermine également le prestige des
emplois (pour les références sur la théorie de la bureaucratie, voir Wintrobe,
1997 ; Moe, 1997 ; et Niskanen, 1994). Cet argument est également valable
pour l’aide projet ou sectorielle.

7 Cette section est extraite de Svensson (2003).


8 Ostrom et al. (2002) fournissent des exemples de pression budgétaire au sein de
l’agence Sida. Ainsi, ils indiquent que dans de nombreux départements, 40 % des débour-
sements annuels sont réalisés lors des deux derniers mois du cycle budgétaire et qu’il
n’est pas rare que les chefs de division présentent leurs propres projets à la fin de
l’année fiscale afin d’augmenter les possibilités de débourser des fonds.
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 55

Les évaluations des prêts de la Banque Mondiale ont révélé des problèmes
d’incitation similaires. Mosley et al. (1995) affirment que les fonctionnaires de
la Banque Mondiale subissent d’importantes pressions pour respecter les four-
chettes de déboursement du pays bien que la performance future du gouver-
nement ne soit pas garantie. Outre l’argument de « maximisation du budget »,
les auteurs soulignent le problème de coordination/passager clandestin ; sa-
chant que les autres pays n’ont pas été inquiétés, le personnel de la Banque
sait qu’il ne sera pas financièrement intéressant de montrer l’exemple en re-
fusant de verser les fonds affectés à un pays ne respectant pas les conditions.
De plus, l’application de la conditionnalité peut entrer en conflit avec les autres
objectifs de la Banque, tels que le décaissement rapide de fonds afin d’éviter
un défaut de paiement 9.
Une fois encore, les incitations des donateurs influencent le comporte-
ment des pays receveurs. Lorsque l’assistance est fournie sous forme d’aide
conditionnelle, cela implique que les donateurs paient le bénéficiaire pour qu’il
entreprenne une réforme qu’il n’aurait pas faite le cas échéant. Pour que ce
contrat soit crédible, le donateur doit être incité ex ante à interrompre les
déboursements si les conditions ne sont pas respectées. Cependant, si le véri-
table objectif du donateur consiste à dépenser son budget, et non à assurer la
performance du projet/programme, un tel contrat ne sera pas crédible. En
effet, l’aide sera versée quelque soit le comportement du pays receveur. Cela
incitera par conséquent le bénéficiaire à ne pas respecter le contrat défini
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ex ante.
L’hypothèse de faible coût d’opportunité des fonds engagés a une consé-
quence empirique évidente : la décision de déboursement doit être indépen-
dante de la mise en œuvre des réformes. Les fonds engagés doivent être versés
quel que soit le comportement des bénéficiaires. Svensson (2003) propose quel-
ques indications préliminaires allant dans ce sens. Basé sur une étude récente
portant sur les déterminants d’environ 200 plans d’ajustement structurel (Dollar
et Svensson, 2000), Svensson (2003) utilise comme variable approchée de
l’effort de réforme une variable muette indiquant le succès ou l’échec des pro-
grammes de réforme de la Banque Mondiale, tels que l’indique (ex post) le
Département d’Évaluation des Opérations (OED) de la Banque. Cette variable
présente des avantages et des inconvénients. Elle offre une mesure cohérente

9 Comme l’indique Svensson (2003), la Banque Mondiale dispose de plusieurs mécanis-


mes de contrôle pour éviter les prêts « irresponsables ». Toutefois, beaucoup des condi-
tions sont rédigées en des termes permettant une appréciation subjective (« progrès
important », « performance satisfaisante ») ce qui, à son tour, facilite le déblocage des
fonds.
56 Jakob Svensson

du succès ou de l’échec des programmes de réforme. En revanche, l’évaluation


du succès est subjective 10.
Afin de déterminer dans quelle mesure les décisions de déboursement dépen-
dent du résultat perçu des réformes, Svensson (2003) utilise une procédure en
deux étapes. Dans un premier temps, la probabilité de réforme est estimée
grâce à un modèle probit (suivant en cela Dollar et Svensson, 2000). Dans un
second temps, la probabilité estimée est utilisée comme variable approchée du
succès perçu de la réforme afin d’expliquer la différence entre les fonds affectés
et déboursés. La procédure en deux étapes prend la forme suivante,
Si = probit (ri = E’x Xi + Qi) (1)
^ + E’ Z + H ,
s fi = JS (2)
i z i i

où ri représente la variable muette présentée précédemment (réforme) ; Xi est


un vecteur des déterminants politiques de réforme (identifiés par Dollar et
Svensson, 2000) ; s fi indique la part des fonds engagés déboursée durant la
période de réforme ; ^ Si est la probabilité estimée du succès des réformes ; Zi
un vecteur des autres variables de contrôle influençant la décision de débour-
sement, et Qi et Hi des termes d’erreur iid.
Dollar et Svensson (2000) montrent qu’un nombre limité de variables
politico-économiques peut, dans 75 % des cas, correctement prédire l’issue
d’un plan d’ajustement. Leurs résultats suggèrent qu’un gouvernement démo-
cratique (démo) et la stabilité politique (stabilité) sont favorables à la réussite
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des réformes. Une forte fragmentation ethnique (ethnic) est néfaste pour les
réformes, tout comme des gouvernements en place sur une longue période
(pouvoir). Les résultats de base de Dollar et Svensson (2000) sont reproduits
dans le tableau 1. Pour estimer l’équation de seconde étape, Svensson (2003)
rassemble des données sur les fonds engagés et déboursés. Comme variables de
contrôle supplémentaires, Svensson (2003) inclut le logarithme du PIB par habi-
tant initial (logPIBh), ainsi que le logarithme de la population initiale (logpop).
Ces deux variables se sont révélées fortement corrélées aux flux d’aide (voir,
par exemple, Banque Mondiale, 1998). Mosley et al. (1995) affirment que le dé-
caissement rapide de fonds en vue d’éviter les défauts de paiement constitue
un objectif implicite des prêts. Afin de contrôler pour cette éventualité, Svensson
(2003) inclut également le ratio de la dette rapporté au PIB initial (dette).
Que se passe-t-il lorsque le receveur ne semble pas appliquer les réfor-
mes ? D’après le tableau 2, « pas grand-chose ». En effet, il n’existe aucune
relation significative entre la part de fonds engagés versée et l’effort estimé de

10 Voir Svensson (2003) pour les détails.


Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 57

réforme 11. En réalité, la mesure de réforme estimée entre avec le « mauvais »


signe, bien que proche de zéro. Les pays plus petits (mesurés par la taille de la
population) ont plus de chance de recevoir les fonds engagés et les prêts défen-
sifs. Enfin, les pays ayant une dette initiale plus importante sont moins sujets
aux annulations des engagements, quelque soit le résultat des réformes. La
colonne (2b) indique que les résultats sont identiques lorsque l’on ne consi-
dère que les prêts de l’Agence de Développement International (IDA) de la
Banque Mondiale 12.

Tableau 1 : Modèle probit de réforme, 1980-1995

Var. dep c démo stabilité ethnic ethnic 2 pouvoir pouvoir 2


réforme -.098 .585 -1.30 5.93 -6.51 -.089 .0033
(.304) (.224) (.330) (1.43) (1.53) (.043) (.001)

Notes : Les écarts-types sont reportés entre parenthèses. Toutes les variables, ex-
ceptée la constante (c), sont significatives au seuil de 5 %. 220 observations (épi-
sodes de réforme). Prédictabilité (p > .05) = .75. Log de vraissemblance: -119.8.
Source : Svensson (2003)

Tableau 2 : Décision de décaissement, 1980-1995

Equation (2a) (2b) (2c)


Var. Dep. sft sfwb sfc
constante 1.23 *** .680 *** 1.94 ***
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(.154) (.126) (.255)
réforme estimée -.056 .065 -.088
(.058) (.045) (.111)
logPIBh -.010 -.003 -.065 **
(.013) (.010) (.027)
logpop -.018 ** .015 ** -.038 ***
(.008) (.006) (.012)
dette .0004 ** .0002 * .0003**
(.0002) (.0001) (.0001)
Obs. 208 209 182
R2 .12 .05 .17
S.E. regression .141 .107 .208

Notes : Estimations MCO avec les écarts-types corrigés de l’hétéroscédasticité


par la méthode de White reportés entre parenthèses.
La réforme estimée est issue du tableau 1. *** [**] (*) indique respectivement
un seuil de significativité de 1 [5] (10) %.
Source : Svensson (2003)

11 sfti représente la part des fonds engagés réellement déboursée au cours de la période de
réforme.
12 sfwbi représente la part des engagements de la Banque Mondiale déboursée durant la
période de réforme.
58 Jakob Svensson

Les résultats précédents sont critiquables dans la mesure où la variable


dépendante sft regroupe les sources de financement concessionnel et non-con-
cessionnel. La colonne (2c) indique les résultats lorsque la variable dépendante
sfc représente la part des fonds concessionnels engagés effectivement débour-
sée (à savoir l’aide officielle au développement (AOD) bilatérale et les prêts
concessionnels de la Banque Mondiale (IDA)). Les résultats sont quasiment
identiques à ceux présentés dans la colonne (2a).
Comment les agences d’aide peuvent-elles atténuer cette pression au décais-
sement indépendant du résultat d’un projet ou d’un programme ? Une solu-
tion envisageable consisterait à trouver des moyens d’internaliser le coût
d’opportunité de l’aide au niveau du décaissement. Pour ce faire, on pourrait
regrouper les projets et les programmes, et donc centraliser en partie la déci-
sion de décaissement. Ainsi, au lieu de promettre un montant donné d’aide t à
chaque bénéficiaire (ou projet) n ex ante, et de rendre l’aide conditionnelle aux
réformes ou au résultat, le donateur liera la décision d’allocation et de décais-
sement en affectant un montant important (t*n) à un groupe de receveurs/pro-
jets. Mais le montant réellement déboursé à chaque pays (projet) dépendra de
sa performance relative ex post. Relier la décision d’allocation et de décaisse-
ment présente deux atouts indéniables par rapport aux pratiques actuelles.
Tout d’abord, cela augmente le coût d’opportunité du décaissement ex post,
incitant ainsi les donateurs à utiliser les fonds où ils sont le plus efficaces. De
plus, la concurrence entre les receveurs et les projets (dans un sens, un tournoi
d’aide) permet au donateur de distinguer les chocs communs, lesquels auraient
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dissimulé le choix d’action des receveurs. Cela lui permet d’allouer l’aide de
manière plus efficiente. Ces deux effets renforcent également les incitations
pour le bénéficiaire à fournir un effort (ou à appliquer les réformes).
Deux objections à une telle réforme institutionnelle peuvent être avancées.
Premièrement, il est possible que la concurrence entre les bénéficiaires soit
génératrice d’incertitude sur les flux financiers, rendant ainsi les programmes
plus difficiles et les dépenses plus volatiles. Cet argument est recevable si l’on se
réfère au fonctionnement actuel du système d’aide – les fonds étant toujours
déboursés. Toutefois, ce n’est plus le cas si l’on se réfère à la conditionnalité
telle qu’elle est censée fonctionner. En effet, si les chocs des pays bénéficiaires
sont (fortement) corrélés, les incertitudes seront réduites en instaurant une
concurrence entre les receveurs.
Deuxièmement, la mise en œuvre des réformes, ou l’effort du receveur,
peut dépendre des forces politico-économiques nationales plutôt que de l’aide
conditionnelle. En effet, les résultats de certaines études récentes vont dans
ce sens (Burnside et Dollar, 2000 ; Dollar et Svensson, 2000). Toutefois, ces
travaux étudient l’impact de l’aide conditionnelle (telle qu’elle fonctionne), et
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 59

non telle qu’elle devrait fonctionner. Par conséquent, on ne peut trouver aucu-
ne corrélation significative entre les flux d’aide et les réformes politiques.
Plus important, la réforme institutionnelle précédemment avancée concerne la
structure incitative de l’organisme d’aide. Même si les réformes politiques dé-
pendent uniquement des forces politico-économiques nationales et en aucun cas
de l’assistance étrangère, relier les décisions d’allocation et de déboursement
permettra d’inciter le donateur à allouer/débourser l’aide de manière efficace.
Une question demeure : pourquoi la communauté de l’aide ne relie-t-elle
pas les décisions d’allocation et de déboursement si cela permet d’améliorer
les résultats ? Une explication consiste à penser que le coût potentiel semble
très élevé (par exemple le coût lié au risque politique engendré par la concur-
rence entre les pays ou les projets). Cependant, le niveau de concurrence entre
les pays, et par conséquent le coût potentiel, peuvent être maîtrisés en faisant
varier la part d’aide déboursée sur la base d’un « tournoi ». De plus, le pro-
blème est beaucoup moins préoccupant pour l’aide projet. Le changement des
rapports de force au sein de la communauté de l’aide induit par une telle ré-
forme fournit une explication plus plausible. En particulier, cette réforme
réduirait le pouvoir discrétionnaire des directeurs en charge des débourse-
ments. De surcroît, en rendant le coût d’opportunité explicite dans le proces-
sus de décision, la direction devrait faire des choix plus « drastiques ». Les
groupes d’intérêt du pays bénéficiaire (les firmes nationales, les ONG), et par-
fois le gouvernement, pourraient également s’opposer à un tel changement
institutionnel qui rendrait les flux d’aide conditionnels à la performance, et non
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plus systématiques.

5 LA MULTIPLICITÉ DES PRINCIPAUX (DONATEURS)

Une autre caractéristique distingue l’aide étrangère des services financés natio-
nalement : elle concerne non pas une mais de multiples agences. Lorsque les
donateurs ne sont pas parfaitement coordonnés, de sévères problèmes d’action
collective surviennent. Le succès du Plan Marshall permet un parallèle inté-
ressant (voir Knack et Rahman, 2004).
On a estimé que le succès relatif du Plan Marshall tenait aux caractéristi-
ques des bénéficiaires. Contrairement à la plupart des receveurs de l’aide
étrangère des dernières décennies, l’Europe occidentale présentait un avan-
tage indéniable pour utiliser l’aide efficacement. Elle disposait d’une main-
d’œuvre qualifiée, de directeurs et d’entrepreneurs expérimentés, ainsi que
d’institutions financières et juridiques relativement efficaces. Les administra-
tions publiques étaient également relativement compétentes. Cependant, les
60 Jakob Svensson

différences au niveau des donneurs ont aussi contribué au succès du Plan


Marshall (Birdsall, 1999). Les bénéficiaires du Plan Marshall ne devaient trai-
ter qu’avec un seul donateur, alors que l’aide étrangère actuelle comporte de
multiples agences bilatérales, multilatérales et ONG. De Long et Eichengren
(1993) ajoutent que le Plan Marshall, « le plan d’ajustement structurel le plus
fructueux de l’histoire », ne fut pas déboursé sous forme de projets indépen-
dants dans chaque pays. Comme le soulignent Knack et Rahman (2004), les
succès de l’aide à Taiwan, au Botswana, et en Corée furent également attribués
à la présence d’un donateur dominant (Brautigam, 2000).
En 2000, le nombre médian de donneurs officiels dans les pays receveurs
s’élevait à 23 (Acharya et al., 2003) et en Afrique l’aide est fournie par « environ
trente donateurs officiels en plus de quelques douzaines d’ONG internationa-
les… pour mille projets de district et plusieurs centaines d’experts étrangers »
(van de Walle, 1991, p. 58).
Pourquoi la présence de multiples donateurs dans chaque pays receveur
affecte-t-elle l’efficacité de l’attribution et de l’utilisation de l’aide ? L’aide
implique divers problèmes d’action collective. Lorsqu’il y a de multiples dona-
teurs, chacun se préoccupant du développement du pays receveur mais égale-
ment de considérations d’ordre national, les donateurs individuels n’internalisent
pas l’ensemble des coûts du projet d’aide alors qu’ils internalisent complète-
ment les bénéfices de court terme, ou dans certains cas internalisent l’ensem-
ble des coûts mais pas les bénéfices sociaux. Plus précisément, l’action d’un
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donateur peut, de manière directe ou indirecte, influencer l’efficacité des actions
des autres donneurs. Cette externalité n’est absolument pas prise en considé-
ration. Le problème d’action collective peut nuire à l’efficacité de l’aide et, de
manière plus générale, aux possibilités financières et à la capacité à gouverner
des pays receveurs.
Les coûts liés à la prolifération des donateurs peuvent être regroupés en
trois catégories principales. La première concerne les coûts de transaction
associés aux multiples règles et procédures des donateurs dans la gestion des
projets et des programmes d’aide (Berg, 1993). Le gouvernement tanzanien
devait préparer chaque année 2000 rapports de différentes natures et recevoir
plus de 1000 délégations (Banque Mondiale, 2003). Les redondances de travaux
analytiques tels que les évaluations de pauvreté, les enquêtes de dépenses
publiques, les évaluations de gouvernance et d’investissement, sont autant
d’exemples des coûts croissants de fonctionnement. Easterly (2003) indique
que les auteurs de ces rapports n’ont souvent pas connaissance des études
récentes traitant du même sujet dans le même pays financé par différents
donateurs.
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 61

Le second type de coûts tient au fait que, dans la plupart des cas, les pro-
jets d’aide présentent des coûts fixes élevés et d’importants rendements d’échel-
le. Si chaque donateur se concentre sur ses propres projets, ces rendements
d’échelle ne seront pas exploités.
La troisième catégorie de coûts est moins évidente, dans la mesure où elle
concerne les possibilités financières et l’aptitude à gouverner du pays bénéfi-
ciaire (Knack et Rahman, 2004). Premièrement, les donateurs ont tendance à
soutenir l’aide projet – en travaillant avec les ministères, ou en engageant les
prestataires des gouvernements locaux et en finançant directement des pres-
tataires de première ligne (écoles et cliniques) – plutôt que le soutien budgé-
taire. Bien que cela évolue lentement et que le soutien budgétaire présente ses
propres inconvénients, cette solution, qui est censée être appropriée en raison
d’institutions et de compétences administratives inadéquates dans le pays
receveur, tient également au fait que chaque donateur internalise totalement
les coûts et bénéfices individuels d’un projet mais n’internalise pas le concept
plus flou de consolidation des systèmes financier, budgétaire et de la fourni-
ture de services tel que le permet le soutien budgétaire.
Deuxièmement, les donateurs ont tendance à ne soutenir que les dépenses
en capital (investissements), espérant ainsi que le gouvernement du pays rece-
veur assurera la fourniture des inputs complémentaires (personnel et entre-
tien). Chaque donneur considère le budget consacré aux dépenses récurrentes
comme des ressources communes (Brautigam, 2000), créant ainsi une tragédie
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des communs où les routes sont construites mais non entretenues, les écoles
et les cliniques bâties mais sans aucun personnel. Reconnaissant l’incapacité
des gouvernements à maintenir les infrastructures financées par l’aide une
fois leur construction achevée, les donneurs ont souvent tiré les mauvaises
conclusions. Plus précisément, l’accent a été mis sur le manque « d’appropria-
tion », et non sur l’incapacité à internaliser l’externalité, c’est-à-dire la capa-
cité limitée à maintenir les autres projets financés par les donateurs lorsqu’un
nouveau projet est lancé. Les partisans de la soutenabilité financière souli-
gnent l’importance de l’appropriation locale des projets, et ils soutiennent des
interventions nécessitant uniquement un financement initial, pouvant ainsi être
maintenu localement sans soutien externe (Kremer et Miguel, 2004). Alors
que le véritable problème tient à la prolifération des donateurs, une telle recom-
mandation ne peut qu’exacerber le problème 13.

13 L’appropriation devient problématique lorsque les donateurs financent des projets qui
n’intéressent pas les gouvernements receveurs. Si ce projet n’initie pas une nouvelle
approche, ou qu’il n’est pas spécifiquement conçu pour faire face à une situation parti-
culière, une telle pratique entre en contradiction avec l’appropriation et ne peut être
viable (Banque Mondiale, 2003).
62 Jakob Svensson

Troisièmement, les donateurs travaillent avec les membres de l’adminis-


tration locale et attirent ses experts locaux en leur proposant des salaires supé-
rieurs à ceux que perçoit le personnel le plus qualifié du pays (Knack et Rahman,
2004). Comme les fonctions de consultant privé pour un donateur et de fonc-
tionnaire pour l’administration locale s’entremêlent (Cohen et Wheeler, 1997),
cela biaise les incitations des fonctionnaires en les détournant de leurs autres
responsabilités – y compris celles ayant un impact déterminant sur le déve-
loppement – au profit des projets d’aide (Knack et Rahman, 2004). Cette dis-
torsion induite par le comportement du donateur affecte non seulement la
répartition de l’effort du personnel au sein de l’administration, mais égale-
ment l’allocation globale des compétences dans le pays receveur. Lorsque les
directeurs de la fonction publique peuvent gagner 10 fois plus en travaillant
directement pour un donateur, le personnel le plus compétent délaisse le sec-
teur public pour travailler pour un donneur (Knack et Rahman, 2004). De
même, dans de nombreux pays africains, travailler pour un donateur est beau-
coup plus profitable que la plupart des initiatives privées. En définitive, les
personnes les plus talentueuses travaillent pour les donateurs plutôt que pour
la fonction publique ou le secteur privé. Comme pour le choix entre investisse-
ment et dépenses récurrentes, en décidant d’embaucher les agents du secteur
privé et les fonctionnaires les plus qualifiés, les donateurs considèrent la bureau-
cratie, et de manière plus générale, les personnes compétentes, comme une
ressource commune. Alors que les décisions d’un seul gestionnaire de projet
en matière de recrutement n’affecteront que très peu les compétences et la
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capacité à gouverner du pays receveur, si tous les gestionnaires agissent de la
sorte, l’effet agrégé peut être considérable. L’impact sera encore plus nocif si
l’on tient compte de l’influence du personnel local sur les projets des dona-
teurs. Travailler pour un donateur garantit un rendement financier supérieur
à tout autre emploi, si bien que le personnel local compétent est incité à pré-
server et à promouvoir les projets dont il tire profit, quelque soit leur mérite
(Knack et Rahman, 2004). Les contrats de performance pour le personnel local
pourraient permettre de surmonter en partie ce problème.
Certaines études transversales affirment également que les coûts associés
à la prolifération des donateurs sont importants. Knack et Rahman (2004)
montrent qu’une fragmentation plus importante de l’aide (indiquant la présence
de nombreux donateurs disposant chacun d’une faible part d’aide) est corrélée
à un déclin de la qualité de la bureaucratie. Toutefois, ces résultats n’établis-
sent pas un lien de causalité.
Les donateurs doivent-ils par conséquent éviter d’employer du personnel
local ou s’assurer de le rémunérer sur la base de leurs emplois actuels ? La
réponse est vraisemblablement négative. L’apport de ressources produit par
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 63

les salaires versés par les donateurs a un effet net positif sur le développement,
et ce malgré l’impact nocif sur le fonctionnement du gouvernement (Knack et
Rahman, 2004). Cependant, cela suggère également que des bénéfices identi-
ques pourraient être obtenus sans affecter la capacité du gouvernement à éla-
borer et à mettre en œuvre sa propre politique.
La priorité actuelle au soutien budgétaire est perçue par beaucoup comme
le moyen de réduire les coûts de transaction et d’inciter les donateurs et les
bénéficiaires à s’intéresser au renforcement des systèmes financier, budgétaire
et de fourniture de services publics.
Les arrangements institutionnels, tels que le choix d’un donateur domi-
nant pour un pays ou un secteur, afin que les donateurs internalisent pleine-
ment les coûts et les bénéfices du projet ou programme d’aide, pourraient être
une solution. Mais ces changements institutionnels risquent de se heurter à
un problème de faisabilité politique. Il existe également des initiatives visant
à améliorer en partie la coordination des donateurs. Ainsi, l’harmonisation des
politiques opérationnelles et des procédures, ainsi que la mise en place d’un
site Web diffusant l’information sur le travail réalisé et planifié des pays, visent
à réduire les coûts de transaction. Une évaluation de l’impact de ces initiatives
sur les résultats serait fort enrichissante.

6 LE DILEMME DE L’AIDE
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Le problème central de la communauté de l’aide tient au fait qu’elle souhaite
porter assistance aux pays pauvres afin de réduire la pauvreté. Cette dernière
dépend de caractéristiques exogènes et structurelles sur lesquelles les gouver-
nements ne peuvent agir – au moins à court terme – et des décisions politiques
du gouvernement receveur. Il en résulte deux implications.

Premièrement, les bons programmes/projets d’aide sont davantage risqués.


Par définition, un pays ayant besoin de l’aide a des institutions lacunaires, ce
qui affecte le rendement espéré de l’aide. Ainsi, allouer l’aide uniquement aux
pays ayant de bonnes institutions et politiques ne sera pas optimal si la lutte
contre la pauvreté constitue l’objectif prioritaire de l’aide. Toutefois, la rup-
ture de la boucle informationnelle (de responsabilité) confronte les électeurs
du pays donateur à un problème de hasard moral. En effet, ils ne peuvent
savoir si de mauvais résultats sont le fruit d’un bon projet/programme ex ante
présentant un rendement risqué, ou d’une mauvaise élaboration ou mise en
œuvre de la part du donateur. Conscient de cet état de fait, le donateur aura
tendance à privilégier les projets/programmes qui minimisent le risque de
64 Jakob Svensson

mauvaise publicité, aux dépens de ceux qui maximisent ex ante la réduction


espérée de la pauvreté.
Deuxièmement, dans la mesure où le bénéficiaire espère que l’aide est gui-
dée par l’objectif de lutte contre la pauvreté, il sera peu incité à exercer un
effort important (ou à canaliser ses propres ressources) en vue d’atteindre cet
objectif. Ainsi, il se pourrait que les initiatives visant à aider les pauvres soient
implicitement taxées si elles engendrent une baisse de l’aide future 14. Ce
« dilemme du samaritain » est accentué par les problèmes de hasard moral – le
donateur ne pouvant savoir si de mauvais résultats résultent du manque d’effort
(de mauvaises politiques) ou de la malchance (Svensson, 2000).
Au cours des dernières années, plusieurs donateurs ont plaidé pour un chan-
gement des pratiques d’aide. Face aux problèmes d’incitation précédemment
développés et au faible impact de l’aide durant les quatre dernières décennies,
il a été suggéré que les donateurs harmonisent leur soutien sur les systèmes
des receveurs (voir, par exemple, Banque Mondiale, 2003). Lorsque les rece-
veurs ont une stratégie nationale de développement performante, une procédure
budgétaire pouvant servir de cadre commun, ainsi que des institutions per-
mettant de rendre les décideurs politiques et les prestataires en partie respon-
sables de leurs actes, ces recommandations sont pertinentes. Toutefois, si l’aide
doit être prioritairement attribuée aux pays pauvres, peu de receveurs rem-
plissent les critères nécessaires. Si ce problème est parfois ignoré, la Banque
Mondiale a clairement indiqué que ces critères n’étaient pas des conditions
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préalables au changement de la politique d’aide. Même en l’absence de ces fac-
teurs, l’harmonisation et l’unification de l’aide – comme le soutien budgétaire
– peuvent apporter des avantages significatifs et réduire les coûts de transac-
tion (Banque Mondiale, 2003, p. 212-213). En résumé, une autre manière de
distribuer l’aide devrait permettre de réduire les coûts de transaction mais
également de transférer la responsabilité vers le bénéficiaire. Cela devrait ren-
forcer la capacité du receveur et donner davantage d’incitations (et de temps)
aux donateurs à contrôler et à évaluer les impacts et les résultats.
Mais cette approche soulève la question des risques fiduciaires croissants
associés aux transferts d’aide non liée au receveur. Il est difficile pour les do-
nateurs de savoir dans quels cas unir et aligner leur soutien sur le système du
bénéficiaire ou, au contraire, conserver les pratiques actuelles, tout en es-

14 Fisher (2001) fournit un exemple repris par Ostrom (2002). Il s’agit d’une interview
d’un chef des rebelles Nuba de passage au Sud Liban dans une zone ayant reçu une aide
alimentaire conséquente de la part des Nations Unies. Le chef des rebelles explique que
bien que les gens de cette zone soient de grands agriculteurs, ils n’ont plus cultivé suite
à l’aide d’urgence.
Capacité d’absorption et contraintes de décaissement 65

sayant de minimiser, ou de réduire les coûts de transaction. La littérature


consacrée à l’économie politique des pays pauvres, en particulier d’Afrique
Sub-saharienne, a souligné d’importants problèmes structurels de responsabi-
lité. Dans de nombreux pays africains, le pouvoir est détenu par quelques éli-
tes étroitement liées par l’école, le mariage, des amitiés et partageant la même
ethnie ou religion. Maintenir l’équilibre de ce pouvoir est coûteux et les fonds
publics alimentent un système de patronage politique dans lequel les diri-
geants récompensent leurs clients pour leurs services et leur soutien politique
(Reinikka et Svensson, 2004). Le système de patronage prend différentes
formes, allant du détournement de fonds publics par les membres du gouver-
nement au profit de leur campagne électorale ou de leurs amis et famille, au
financement d’activités locales ou privées pour apaiser le mécontentement
des électeurs. Les partis politiques fournissent également des biens à leurs
membres et à leurs employés. En zone rurale, la présence de représentants
permet de maintenir une organisation politique efficace, ce qui nécessite une
hiérarchie institutionnelle très organisée au niveau du village. Ce type de modèle
requiert d’importantes ressources, et le détournement des fonds publics repré-
sente bien souvent la seule source de financement.
Si les incitations aux réformes, y compris de nature politique, sont trop
faibles, fournir d’importants fonds non liés au receveur peut permettre à l’élite
de maintenir sa position, au moins à court terme. Un tel impact est difficile-
ment avouable aux électeurs du pays donateur et les donneurs doivent par con-
séquent trouver les moyens appropriés de les convaincre de l’utilité de leur
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action. Promouvoir l’expression des citoyens constitue une stratégie complé-
mentaire, mais elle est particulièrement difficile pour les donateurs. Identifier
le type d’interventions permettant de renforcer les relations de responsabilité
entre les décideurs politiques, les prestataires de services et les bénéficiaires
représente actuellement la tâche la plus difficile de la communauté de l’aide.
La connaissance étant limitée et les approches traditionnelles visant à amélio-
rer la gouvernance n’ayant pas été très fructueuses dans la plupart des pays
en développement, l’expérimentation et l’évaluation de nouveaux moyens per-
mettant de renforcer la responsabilité doivent être les priorités de l’agenda
des donateurs.

7 CONCLUSION

Dans cet article, j’ai souligné les principaux problèmes d’incitation rencontrés
par les donateurs et les bénéficiaires. Certains de ces problèmes, tels que la mul-
tiplicité des objectifs, les difficultés de mesure de résultats et de performance,
66 Jakob Svensson

et le manque d’incitation à être performant, sont communs à la plupart des


organismes publics, mais sont souvent plus prononcés dans les agences d’aide.
D’autres, tels que la multiplicité des agents (donateurs) et la rupture de la
boucle informationnelle (de responsabilité) entre les bénéficiaires (du pays
receveur) et les électeurs et les décideurs politiques (du pays donateur) sont
au contraire spécifiques à l’aide l’étrangère. J’ai affirmé que les incitations
des donneurs influençaient également le comportement des bénéficiaires, ainsi
que leur capacité à utiliser l’aide de manière efficace.
Cet article ne passe pas en revue les divers problèmes d’incitation de
l’aide. Et si l’on cherche à rendre l’aide plus efficace, une analyse plus globale
est nécessaire. Toutefois, si d’autres facteurs déterminent la manière dont l’aide
est versée et utilisée, comprendre les problèmes d’incitation mis en évidence
dans cet article est essentiel pour appréhender le comportement des donateurs
(et des receveurs). Aborder ces questions doit constituer une priorité de l’agen-
da de la communauté internationale si l’on cherche à améliorer l’efficacité de
l’aide.

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