Vous êtes sur la page 1sur 9

Les influenceurs, nouveaux porte-paroles des marques :

contrats, obligations et statut


Fabien Honorat
Dans Légipresse 2020/HS3 (N° 63), pages 131 à 138
Éditions Dalloz
ISSN 2681-6415
ISBN 9782999820630
DOI 10.3917/legip.hs63.0131
© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-legipresse-2020-HS3-page-131.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour Dalloz.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Les influenceurs, nouveaux
porte-paroles des marques :
contrats, obligations et statut

Fabien Honorat
Avocat au Barreau de Paris

J
e voudrais tout d’abord donner quelques chiffres assez vertigi-
neux sur l’utilisation des réseaux sociaux. Il s’agit sans conteste
de l’activité en ligne la plus populaire et ayant le plus fort taux
d’engagement. On compte 3,2 milliards d’utilisateurs dans le
monde, soit 42 % de la population mondiale, et ce nombre est
© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
en constante augmentation. Facebook a atteint 1,7 milliard
d’utilisateurs actifs en 2019, Instagram 800 millions, Snapchat/
Twitter autour de 300 millions. En France, on compte 38 millions
d’utilisateurs actifs avec 1h22 de connexion en moyenne par jour.

Cet engouement a logiquement attiré les marques, qui se déplacent


avec leur public. À titre d’exemple, en 2017, Instagram comptait
2 millions d’annonceurs.

Nous avons vu émerger depuis quelques années une nouvelle


« race » d’intermédiaires entre le public (les consommateurs) et les
marques : les influenceurs. On les classe souvent selon leurs plate-
formes de prédilection : Youtubeur, Instagrammeur, Facebookien
mais aussi TikTokeur, Snapchatien, Twittos, Twitcheur ? Certains
ont même la double ou triple « nationalité » et agissent sur plu-
sieurs plateformes à la fois…

Ces plateformes ont créé leur propre star. Pour la France, on peut
citer les noms de Squeezie, Cyprien, Norman, Amixem, Léa ELui,
McFly et Carlito … Youtubeurs dont chaque vidéo peut réunir plus
de vues qu’un match de football en prime time sur TF1. Au-delà
des stars des réseaux, toute personne (disposant ou non d’une
certaine notoriété) susceptible de fédérer une communauté peut
devenir un influenceur pour distiller des contenus sponsorisés au
gré de ses espaces sociaux.

www.legipresse.com LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 | 131


Réseaux sociaux, médias en ligne et partage de contenus

On constate que les partenariats avec les marques sont très hétéro-
gènes, allant de la simple photographie sur Instagram avec un petit
commentaire et le hashtag # de la marque (placement de produits),
au tweet ou post Facebook pour faire gagner des jeux ou relayer
une promotion, aux sketchs d’humour/parodie mettant en avant un
produit, aux interviews, mais aussi des vidéos ultra-produites d’une
heure sur YouTube.

L’ARPP (l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité), dans


sa recommandation « Communication publicitaire digitale », définit
l’influenceur comme un « individu exprimant un point de vue ou
donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style
ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie »1.

Selon la « grille de lecture » associée à la recommandation de l’ARPP,


un contenu d’un influenceur sera qualifié de publicitaire lorsque trois
critères sont réunis :
■  le contenu doit être réalisé dans le cadre d’engagements réciproques
avec la marque ;
■ le contenu de la prise de parole de l’influenceur vise à la promotion
du produit ou du service ;
■ la marque exerce un contrôle éditorial prépondérant ou une vali-
dation du contenu avant sa publication.

L’ARPP propose trois typologies de contenus : l’éditorial (sans contrepar-


tie) ; le commercial (sans contrôle de la marque) ; le publicitaire. Rien
ne dit que cette grille sera reprise par les tribunaux. À titre d’exemple,
des organes de presse ont pu être sanctionnés sur le terrain du droit
de la publicité (loi Evin notamment) : Paris Match pour avoir relayé
une campagne internationale de Moët & Chandon dont l’égérie était
Scarlett Johansson2, ou Le Parisien pour un supplément Champagne
pour des contenus éditoriaux3.

De surcroît, le terme générique « publicité » a disparu (ou quasi) du


code de la consommation pour être remplacé par la notion de « pra-
tique commerciale » qui est bien plus large.

I – LE STATUT
© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
Sur le plan juridique, la première question qui s’est posée a été celle
du statut des influenceurs.

A - L’influenceur peut-il avoir le statut de mannequin ?


On a d’abord pensé à l’analogie avec les mannequins, puisque dans
les deux cas il s’agit d’utiliser l’image d’une personne pour promouvoir
les qualités d’un produit ou d’un service.

Le statut de mannequin est séduisant juridiquement, puisque l’article


L. 7123-2 du code du travail définit celui-ci comme le fait de « présen-
ter au public, directement ou indirectement par reproduction de son
image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service
ou un message publicitaire ».

Toutefois, dans la pratique, ce statut a deux inconvénients majeurs :


■ la présomption de contrat de travail posée par l’article L. 7123-3 du
code du travail : « tout contrat par lequel une personne physique ou
morale assure, moyennant rémunération, le concours d’un man-
nequin est présumé être un contrat de travail » ;

1 ‫ ܫ‬1omv†Ѵ|;u v†u Ѵ; vb|; ‰‰‰ĺ-urrĺou]


2 $ -ubvķ Ɣ; 1_ĺķ ƑƐ l-uv ƑƏƐƒķ mo ƐƐņƏƒƑƒƓĺ
3 $ -ubvķ ƓŦ 1_ĺķ ƑƏ 7࣐1ĺ ƑƏƏƕķ mŦ ƏѵņƏƔƓƏѵĺ

132 | LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 @legipresse


Publicité et communication en ligne

■ l’obligation de passer par une agence de mannequin (disposant


d’un agrément) pour toute opération d’intermédiaire entre un man-
nequin et une marque.

La présomption de contrat travail n’est toutefois pas irréfragable, comme


l’a rappelé la Cour de cassation concernant un partenariat entre une
marque et une joueuse de tennis que l’URSSAF voulait faire requali-
fier en prestation de mannequin. La Haute juridiction, par un arrêt du
16 janvier 19974, a rejeté la qualification de mannequin relevant que la
joueuse de tennis conservait une certaine liberté dans la gestion de ce
partenariat (la sportive pouvait choisir les compétitions sportives où elle
portait les produits de la marque), liberté qui était incompatible avec un
lien de subordination qui aurait pu caractériser une relation de travail.

La doctrine justifie cette décision en


indiquant qu’« à la différence du man-
nequin, le sportif ne participe pas à la
compétition dans le but principal d’ex-
hiber les signes distinctifs du parrain. En
second lieu, l’utilisation publicitaire de
Le statut de mannequin
l’image des sportifs est déterminée par
leur notoriété, plus que par leur physio-
cadre assez mal avec
nomie, ce qui devait conduire à écarter la
présomption de salariat applicable aux la réalité des interventions
mannequins »5. Cette analyse pourrait
être transposée aux influenceurs. des influenceurs.
En réalité, le statut de mannequin cadre
assez mal avec la réalité des interven-
tions des influenceurs (la règle n’est pas
toutefois pas absolue) et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, son
image n’est pas toujours utilisée/reproduite dans le cadre de contenus
faisant la promotion d’un produit (Instagram, Twitter …). De plus, la
participation de l’influenceur va très souvent au-delà de l’utilisation
d’une image (production d’un post, de commentaires, d’une vidéo …).
Par ailleurs, le principe de l’activité de l’influenceur est de conserver
sa liberté éditoriale et la gestion de sa communauté. On se trouverait
donc dans un contrat de partenariat dans la grande majorité des cas.
© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
À deux reprises, des parlementaires ont interrogé le gouvernement no-
tamment sur l’utilisation d’enfants influenceurs (pratique du Unboxing)
pour savoir s’il fallait les assimiler à des mannequins (les mineurs man-
nequins étant particulièrement protégés). Le gouvernement a répondu
qu’il n’y avait aucune obligation à la qualification de mannequin, dès
lors qu’il était avéré que la vidéo ne concernait qu’une activité de loisir. En
revanche, le gouvernement considère qu’il pourrait y avoir une relation
de travail s’il y avait obligation de prendre part à l’activité, de suivre des
règles définies, une absence de liberté dans la parole des enfants et une
sanction en cas de non-respect de telle ou telle obligation6.

B - L’influenceur peut également être artiste-interprète


L’artiste-interprète est défini à l’article L. 212-1 du code de la propriété
intellectuelle comme « la personne qui chante, récite, déclame, joue
ou exécute de toute autre manière une œuvre littéraire ou artistique,
un numéro de variétés, de cirque ou de marionnettes ». Cette définition
n’est pas exhaustive.

4 "o1ĺ Ɛѵ f-mˆĺ ƐƖƖƕ mo ƖƔŊƐƑĺƖƖƓķ  1ń ""  ;| -ĸ


5 ĺ !ovhbvķ -uu-bm-]; r†0Ѳb1b|-bu;Ķ =࣐ˆuĺ ƑƏƏƓķ $_࣏v; 7o1|ou-| -ubv Ɛĺ
6 !࣐romv;v lbmbv|࣐ub;ѴѴ;v 7;v ƐƑ f†bm ;| ѵ moˆĺ ƑƏƐѶ ĸ (ĺ -†vvb v†u 1; v†f;| Ѵ- ruorovbঞom 7; Ѵob
ˆbv-m| ࢘ ;m1-7u;u ѴĽ;ŠrѴob|-ঞom 1oll;u1b-Ѵ; 7; ѴĽbl-]; 7Ľ;m=-m|v 7; lobmv 7; v;bŒ; -mv v†u Ѵ;v
rѴ-|;=oul;v ;m Ѵb]m; -7or|࣐; r-u ѴĽ Ѵ; ƐƑ =࣐ˆuĺ ƑƏƑƏĺ

www.legipresse.com LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 | 133


Réseaux sociaux, médias en ligne et partage de contenus

Selon la Cour de cassation, « l’artiste du spectacle participant à un


film publicitaire se distingue du mannequin en ce qu’il ne se limite
pas à prêter son image pour la présentation d’un produit au public
mais qu’il se livre par la voix ou le geste à un jeu de scène impliquant
une interprétation personnelle et relevant de l’activité du spectacle »7.

La jurisprudence, sur ce point, est particulièrement factuelle et donc par


nature changeante. Si la Cour d’appel de Paris a reconnu la qualité d’ar-
tiste-interprète à Gérard Lanvin pour une publicité Connexion8, ce statut a
toutefois été refusé à un présentateur télévisé, dont le rôle constituait à dé-
clamer à l’antenne un texte qu’il a rédigé
afin de présenter une émission. La Cour
d’appel d’Aix-en-Provence a considéré
dans cette affaire que la prestation de
l’intéressé au titre de l’animation et de la
présentation, « en dépit de la faconde ou
En pratique, les influenceurs la manière personnelle qu’il y a apporté »,
ne pouvait pas « par nature se rapporter
interviennent soit en tant à l’exécution d’une œuvre littéraire et
artistique, ou encore d’un numéro de
que travailleur indépendant, variété, de cirque ou de marionnette »
au sens de l’article L. 212-1 du code de la
soit au travers de sociétés propriété littéraire et artistique9.

qui représentent leurs En l’espèce, ce statut pourrait donc s’ap-


pliquer dans les quelques hypothèses
où la publication est une œuvre de
intérêts avec lesquelles les
l’esprit protégeable par le code de la
propriété intellectuelle (c’est-à-dire une
marques contractent. œuvre originale et formalisée), et où
l’influenceur se livre, via sa prestation,
à une interprétation personnelle et ar-
tistique. Le statut d’artiste-interprète a
pour conséquence la nécessaire signa-
ture d’un contrat de travail, ainsi que la mise en place d’une cession
des droits d’artiste-interprète et d’une rémunération en conséquence.

Il semble que dans la majorité des cas, il sera toutefois possible de


© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
considérer que leur prestation de récitation de texte (dans l’hypothèse de
contenus vidéo) est proche de celle d’un présentateur télévisé. On peut
donc raisonnablement penser que le statut d’artiste-interprète serait écarté.

En pratique, les influenceurs interviennent soit en tant que travailleur


indépendant, soit au travers de sociétés qui représentent leurs intérêts
avec lesquelles les marques (ou agences de communication repré-
sentant les marques) contractent.

II – LA RELATION CONTRACTUELLE ENTRE


L’INFLUENCEUR ET LA MARQUE

A - Le difficile équilibre entre l’absence et le trop plein


de contrôle
L’annonceur a tout intérêt à contrôler le contenu des communications
faites par l’influenceur, ne serait-ce que pour limiter le risque de voir
sa responsabilité engagée. L’influenceur, quant à lui, est souvent atta-
ché à sa liberté de parole, lui permettant de conserver une confiance

7 "o1ĺ ƐƏ =࣐ˆuĺ ƐƖƖѶķ mo ƖƔŊƓƒĺƔƐƏķ ĺ ƐƖƖѶĺ ƕƒĺ


8 -ubvķ Ɣ; rॖѴ;ķ Ƒ; 1_ĺķ Ɛѵ o1|ĺ ƑƏƏƖķ mŦ ƏƖņƐƓƔƔƏķ †ubv -|- mo ƑƏƏƖŊƏƐѶƑѶĺ
9 bŠŊ;mŊuoˆ;m1;ķ Ɛu; 1_ĺ ķ Ɛƕ moˆĺ ƑƏƐƐĺ

134 | LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 @legipresse


Publicité et communication en ligne

auprès de sa communauté. Les clauses de contrôle de la prestation


sont donc particulièrement délicates dans ce type de contrat.

À l’inverse, l’excès de subordination pourrait faire pencher le contrat


du côté du droit du travail. On rappellera par analogie la décision de
la Cour de cassation du 4 février 201510 qui a approuvé la cour d’appel
de Versailles laquelle avait vu, dans les relations entre le producteur
d’une émission de télévision (Pékin Express) et les participants à cette
émission, une relation de travail : « Mais attendu que l’existence d’une
relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties
ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des
conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ;
Et attendu que la cour d’appel a constaté que le règlement candi-
dats, effectivement appliqué, comportait des dispositions plaçant les
participants sous l’autorité d’un « directeur de course » qui disposait
d’un pouvoir de sanction, que les participants se voyaient imposer
des contraintes multiples, tant dans leurs comportements que rela-
tivement aux effets personnels qu’ils pouvaient garder, qu’ils étaient
privés de tout moyen de communication avec leur environnement
habituel, que les règles du « jeu » pouvaient être contournées à l’ini-
tiative de la société de production pour le rendre compatible avec les
impératifs du tournage ; que le règlement prévoyait, outre la prise en
charge par la société des frais de transport, de logement et de repas,
un dédommagement forfaitaire de 200 € par couple et par jour de
présence sur le lieu de tournage, versé après la fin de l’émission, et un
gain de 50 000 € ou 100 000 € pour le couple vainqueur, ces sommes
constituant en réalité la contrepartie de l’exécution d’une prestation de
travail ; qu’elle a ainsi caractérisé l’existence d’une relation de travail
dans un lien de subordination ».

B - La rémunération (nécessité d’une facturation)


La question de la valorisation d’une rémunération en produit ou ser-
vice gratuit doit se poser, sauf à encourir un risque fiscal. On se trouve
dans la même situation que celle des conventions de bartering ou
de sponsoring.

Il convient également de prévoir des dispositions spécifiques et une


© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
rémunération différente pour les cessions de droit éventuelles (image
et droits d’auteur).

Enfin, la question d’une rémunération par incentive peut intervenir,


surtout dans le domaine de l’affiliation, lorsque les influenceurs sont
chargés de relayer des offres promotionnelles pour l’achat de produit
ou de service.

C - La fraude (nombre de followers)


L’une des plaies des réseaux sociaux est l’achat de followers ou de
faux commentaires (cela concerne plus de 50 % des influenceurs selon
l’étude faite par l’agence Influence4You). Il peut s’agir d’une intention
délibérée ou non (des robots viennent automatiquement s’abonner à
un fil twitter ou un profil Instagram)

Une marque va conclure un contrat avec un influenceur en fonction


de sa communauté (définie de façon quantitative et qualitative). En
cas d’intention délibérée (ce qui pourrait être difficile à démontrer
en pratique), la marque pourrait alors demander l’annulation du
contrat pour dol.

10 "o1ĺ Ɠ =࣐ˆuĺ ƑƏƐƔķ mo ƐƒŊƑƔĺѵƑƐķ "|ߪ "|†7bo ѴƔ ruo7†1ࢼomv ;| -ĸķ ! $ ƑƏƐƔĺ ƑƔƑķ 
ƑƏƐƔķ mŦ Ƒƒķ rĺ ƐƐķ o0vĺ ĺ !b;†0omĺ

www.legipresse.com LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 | 135


Réseaux sociaux, médias en ligne et partage de contenus

III - L’APPLICATION DES RÈGLES DE DROIT


Il n’y a évidemment aucune zone de non-droit pour les influenceurs.
Toutes les règles propres à la publicité et la promotion viennent
s’appliquer dès lors que l’on se trouve dans un contexte de contenu
publicitaire.

L’influenceur est l’éditeur du contenu qu’il communique au public (sa


communauté). Il sera en premier lieu responsable si certains éléments
enfreignent les droits des tiers (image, auteur, son) ou si des propos
tenus sont potentiellement sanctionnables (injure, diffamation…) ou
relèvent d’une disposition spécifique.

A - Les pratiques commerciales déloyales


L’article L. 121-1 du code de la consommation dispose qu’une pratique
commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la
diligence professionnelle, et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer
de manière substantielle le comportement économique du consom-
mateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé,
à l’égard d’un bien ou d’un service. La sémantique même du mot
« influenceur » soulève une difficulté : qu’est-ce qu’« influencer » si ce
n’est altérer le comportement ? Alors que l’un des deux critères pour
qualifier une pratique commerciale déloyale est celui de l’altération
substantielle du comportement économique du consommateur…

Surtout, le texte prévoit que « le caractère déloyal d’une pratique


commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou
un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité
mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au
regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou
du groupe » (al. 2).

Les adolescents et même les enfants sont particulièrement consomma-


teurs de réseaux sociaux, et la loi leur confère une protection spécifique.
Un influenceur qui sait que sa communauté est en majorité composée
de mineurs (ce qui est parfaitement traçable pour lui) devra prendre
davantage de précautions dès qu’il diffuse un contenu à vocation
publicitaire ou promotionnelle.
© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
C’est la même chose pour les règles régissant les offres promotion-
nelles (réduction de prix, remise de cadeau, jeux concours …). Quand
un influenceur incite sa communauté à bénéficier d’une réduction de
x % en entrant un code qu’il communique, dès lors que l’offre promo-
tionnelle est sujette à des contraintes et des modalités spécifiques,
il appartiendra à l’influenceur de le spécifier.

L’ARPP rappelle dans sa recommandation « Communication publici-


taire Digitale » précitée que « lorsque les formats ne permettent pas
d’indiquer les mentions légales, rectificatives et informatives (ex : tweet
publicitaire), celles-ci peuvent être accessibles via un lien, à condition
que ce lien soit d’accès direct ».

B - Réglementations spécifiques/sectorielles
sur la publicité
Il existe également des réglementations spécifiques propres à certains
types de produit. C’est le cas de la publicité pour l’alcool qui est au-
torisée sur internet mais dans un cadre contraint. En tout cas pas sur
les sites principalement destinés à la jeunesse, nous explique l’article
L. 3323-2 du code de la santé publique.

Le Tribunal de grande instance de Paris, le 20 février 2014, a pu considé-


rer que Facebook n’entrait pas dans cette catégorie, après avoir constaté

136 | LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 @legipresse


Publicité et communication en ligne

que 87 % des utilisateurs étaient majeurs11. Ce n’est pas forcément le


cas d’autres plateformes (Snapchat ou Youtube notamment). Il reste
toutefois la possibilité sur toutes les plateformes de segmenter son
public et de n’autoriser la commu-
nication qu’aux personnes majeures.

En tout état de cause, le contenu pos-


té par l’influenceur doit être conforme
aux éléments autorisés par la loi Evin
sur l’origine du produit, son mode Le contenu posté par
de fabrication, de distribution, de
consommation, des qualités organo- l'influenceur doit être
leptiques (en principe pas de visuel de
personne en situation de consomma- conforme aux éléments
tion d’alcool) … Le périmètre publici-
taire concerne le visuel ainsi que les autorisés par la loi Evin.
textes qui l’accompagnent. Enfin, la
mention sanitaire doit être présente.

On peut évoquer également cer-


taines réglementations spécifiques en
matière de publicité (offre de crédit,
communication sur les produits alimentaires) qui imposent certaines
mentions auxquelles les influenceurs ne devraient pas échapper.

C - L’importance de l’autorégulation
L’autorégulation est sans doute le cadre idéal pour réglementer ce
type de communication qui est en perpétuelle évolution.

Exemple des USA

La Federal Trade Commission (FTC) a édicté un guide en septembre 2017.

C’est à la même période que la FTC a sanctionné plus de 90 influenceurs


pour leurs pratiques publicitaires non déclarées aux consommateurs12.

En France

L’ARPP a également cherché à encadrer ces pratiques via sa


© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
Recommandation « Communication Publicitaire digitale » (V4) et
son guide des bonnes pratiques du marketing d’influence.

On retient de ces documents les principes suivants :


■ transparence  : identif ication du caractère publicitaire et de
l’annonceur ;
■ le triptyque classique de l’ARPP : respect d’une publicité loyale,
véridique et honnête ;
■ protection des enfants et adolescents ;
■ respect de l’image de la personne humaine.

La règle essentielle rappelée par l’ARPP est l’identification du carac-


tère publicitaire. Cette obligation découle de l’article 20 de la loi sur
la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 qui
oblige à identifier le caractère publicitaire de toute communication
commerciale : « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, ac-
cessible par un service de communication au public en ligne, doit
pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clai-
rement identifiable la personne physique ou morale pour le compte
de laquelle elle est réalisée ».

11 $ -ubvķ u࣐=ĺķ ƑƏ =࣐ˆuĺ ƑƏƐƓķ mo ƐƒņƔƖѵѵƐķ  1ń -1;0ooh u-m1; ;| -ĸĶ ࣐]bru;vv;
ƑƏƐƓĺ ƒƖѶ ;| Ѵ;v o0vĺ
12 _‚rvĹņņ0b|ĺѴ‹ņƒ7 ƒ,ĺ

www.legipresse.com LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 | 137


Réseaux sociaux, médias en ligne et partage de contenus

L’ARPP précise toutefois que « Pour l’identification de ces communi-


cations d’influenceurs réalisées en collaboration avec une marque (à
moins que cette identification ne soit manifeste), il est recommandé
d’adjoindre une indication explicite permettant de l’identifier comme
telle, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément ».

Toutes les autres recommandations ARPP (sur l’environnement, la


dignité de la personne humaine, la violence, le grignotage…) sont en
principe applicables dès lors qu’on se trouve en présence d’un contenu
publicitaire (au sens de la grille de lecture de l’ARPP), dès lors que la
marque a validé le contenu avant sa diffusion.

D - Les règles imposées par les plateformes


La régulation vient également des plateformes elles-mêmes. Celles-ci
ont tout intérêt à écarter les comportements répréhensibles, d’autant
que la relation de confiance entre les annonceurs et les utilisateurs
est le pilier de leur business model.

D’un point de vue juridique, les plateformes se trouvent dans une situa-
tion ambigüe. Elles jouent pleinement la carte du statut d’hébergeur que
leur offre la LCEN, qui limite leur responsabilité au retrait de contenus
manifestement illicites à la suite d’une notification. Cette position est
extrêmement confortable. Toutefois,
plus ces plateformes prennent de l’am-
pleur, plus elles imposent des règles
à leurs utilisateurs.

Il existe notamment des règles


Les plateformes risquent propres à tout contenu publicitaire,
qui concernent les contenus publici-
d'être contraintes de s'insérer taires interdits (tabac, drogues, pro-
duits illégaux, armes, sexe, contenus
dans la relation entre les trompeurs, ventes pyramidales, infor-
mations financières sans mettre en
avant les risques, injures …) ainsi que
marques et les diffuseurs
les contenus publicitaires restreints
(alcool, jeu de hasard, contenu de
de contenus, et de sortir du
© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)

© Dalloz | Téléchargé le 03/07/2023 sur www.cairn.info via CNRST Rabat (IP: 196.200.131.44)
marque – influenceur – cryptomon-
naie, régime, rencontre …).
simple rôle d'hébergeur.
Les plateformes ont récemment créé
des outils spécif iques pour diffuser
ce qu’elles appellent des contenus
de marques. Cette notion est définie
comme le contenu d’un créateur ou
d’un éditeur qui a été influencé par un partenaire professionnel ou
qui y fait référence, contre rémunération. Ces outils visent clairement
à jouer le rôle d’intermédiaire entre les marques et les influenceurs.

Toutefois, par ce biais, les plateformes risquent d’être contraintes de


s’insérer dans la relation entre les marques et les diffuseurs de contenus,
et de sortir du simple rôle d’hébergeur. En augmentant ce contrôle,
les plateformes augmentent leur intervention et corrélativement le
risque de se voir désigner éditeur ou coéditeur, avec les responsabilités
qui en découlent…

138 | LÉGIPRESSE - Hors série # 63 - 2020-1 @legipresse

Vous aimerez peut-être aussi