Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Chang-Hoon Lee
Résumé : Le langage est en pleine mutation. Phénomène déjà palpable mais qui s’accen‑
tue de nos jours, il n’est pas seulement « instrument », mais toujours davantage « lieu » de
communication par une sorte de spatialisation qui lui est propre. Au travers d’une nouvelle
forme de socialisation, le langage ne redevient‑il pas cette « ancienne nouvelle » manière
d’être ensemble ? On essaie ici d’envisager ce « langage comme lieu » et son enjeu social à
partir d’une approche phénoménologique des pratiques langagières actuelles.
Mots clés : langage, spatialisation, lieu, sentiment
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 197.7.60.235)
2. M.‑H. Milano, « Iconisation du verbal », in La danse des signes…, Hatier, Paris, 1999,
pp. 79‑104.
3. P. Watzlawick et al., Une logique de la communication (1967), Seuil, Paris, 1972,
pp. 57‑65.
4. R. Barthes, « Rhétorique de l’image », Communications, n° 4, 1964, p. 43.
5. M. McLuhan, La galaxie Gutenberg (1967), Gallimard, Paris, 1977.
6. A. Comte, Système de politique positive (1854), Presses universitaires de France,
Paris, 1969, p. 38.
7. M. Maffesoli, Éloge de la raison sensible (1996), La Table Ronde, Paris, 2005, p. 197.
Lorsque la sociologie veut étudier le langage, elle se met dans une situation
bien particulière, où les mots sont à la fois l’objet et le moyen de la recherche.
S’agissant des mots en tant qu’objet pour elle, se pose cette question épineuse
qu’ils relèvent d’un double statut : « signe linguistique » et « pratique sociale ». Pas
de contradiction frontale, mais pas non plus d’accord simple. Puis, s’agissant des
mots en tant que moyens, Michel Maffesoli nous conseille de savoir accepter, avec
modestie, de vivre un paradoxe : « Indiquer une direction assurée avec des “mots”
n’ayant, en rien, l’assurance du concept 8. » Cette situation ne concerne‑t‑elle pas,
après tout, la plupart des sciences humaines et sociales ? Ainsi, Gilles Deleuze fait
remarquer qu’« il n’y a que des mots inexacts pour désigner quelque chose exac‑
tement » 9. C’est, en bref, à cause de cette dualité de statut et de ce paradoxe que
le langage constituera, pour la sociologie, le domaine d’une grande « dé‑simulta‑
néité » 10 entre l’évolution sociale et la réflexion théorique.
8. M. Maffesoli, Le temps des tribus (1988), La Table Ronde, Paris, 2000, p. IV.
9. G. Deleuze, C. Parnet, Dialogues, Flammarion, Paris, 1996, p. 9.
10. M. Maffesoli, Au creux des apparences, Plon, Paris, 1990, p. 244.
11. M. Maffesoli, Le temps des tribus (1988), La Table Ronde, Paris, 2000, p. v.
ces deux avis, nous pensons que la nature sociale du langage de notre époque
pourrait se révéler tout particulièrement au travers d’une étude de cette « appa‑
rence tremblante ».
12. E. Goffman, « Perdre la face ou faire bonne figure ? », in Les Rites d’interaction, Minuit,
Paris, 1974, pp. 9‑42.
13. A. Mlahi, « La socialité et le langage dans les cafés : les cas de Fès (Maroc) et Barbès
(Paris) », Sociétés, n° 31, 1991, p. 59.
14. Il faudrait signaler qu’avec l’expansion de l’usage des SmartPhone, I‑Phone, I‑Pad, on
assiste en flagrant délit à une intégration électronique sous nos yeux entre deux nouveaux
modes de communication.
15. M. Maffesoli, M. de Lemos Martins, « À propos de l’imaginaire des médias », Sociétés,
n° 111, 2011‑1, p. 7.
Ce qu’il faut justement relever ici, c’est que langage et ambiance sociale participent
d’une manière dialectique à cette formation d’espace social, par leur transforma‑
tion réciproque. En d’autres termes, l’ambiance sociale affecte l’usage des mots en
le transformant ou en modifiant ceux‑ci, mais cette mutation participe à la consti‑
tution d’une ambiance autre en retour. En effet, ce jeu sur ou avec les mots rend la
communication plus ludique et familière.
Finalement, nous avons à considérer la formation d’un espace social qui serait
engendré par la « création ». Une telle spatialisation est opérée par les médias
moyennant une communication « créative ». D’une manière générale, les médias,
vulgarisateurs par nature, doivent nécessairement viser à un certain « effet média‑
tique » pour attirer l’attention. Michel Maffesoli évoque ce caractère des médias :
« Celui qui rend public doit avoir du grain à moudre 16. » Ainsi, le langage des
médias, qui doit s’efforcer de constamment manifester quelque chose de « mer‑
veilleux » en mettant en œuvre tous les éléments, est par là poussé à une certaine
forme de créativité. Une telle exploitation du langage se constate dans la forme
que prennent les titres des articles de journaux, des films, des livres, les noms des
programmes télévisuels… Ce type d’espace, espace du « jeu de mots », est bien par
là lui aussi un nouvel espace, créateur d’un lien social avec ce jeu de la trouvaille
verbale, d’un espace public où partager quelque chose qui fait communauté.
En ce sens, l’un des principaux domaines où se crée cette sorte d’espace devrait
bien sûr être la publicité. De fait, une telle formation d’un espace de jeu verbal se
constate bien dans le langage publicitaire, dans les slogans, noms de produits,
noms de marques, etc. Pour attirer l’attention du public et l’amener à s’envier d’un
produit, la publicité va recourir désespérément à tout « effet de choc » productible
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 197.7.60.235)
16. M. Maffesoli, Homo eroticus : des communions émotionnelles, CNRS Éditions, Paris,
2012, p. 17.
Bibliographie
Barthes, R., « Rhétorique de l’image », Communications, n° 4, 1964.
Benjamin, W., « Sur le langage en général et sur le langage humain » (1916), in Œuvres I,
Gallimard, Paris, 2000.
Comte, A., Système de politique positive (1854), Presses universitaires de France, Paris,
1969.
Deleuze, G., Parnet, C., Dialogues, Flammarion, Paris, 1996.
Goffman, E., « Perdre la face ou faire bonne figure ? », in Les Rites d’interaction, Minuit,
Paris, 1974.
Goldstein, K., « L’analyse de l’aphasie et l’étude de l’essence du langage », in H. Delacroix
et al., Psychologie du langage, Alcan, Paris, 1933.
Kristeva, J., Le langage, cet inconnu, Seuil, Paris, 1981.
Maffesoli, M., Le temps des tribus (1988), La Table Ronde, Paris, 2000.
Maffesoli, M., Au creux des apparences, Plon, Paris, 1990.
20. M. Maffesoli, Éloge de la raison sensible (1996), La Table Ronde, Paris, 2005, p. 197.
21. W. Benjamin, « Sur le langage en général et sur le langage humain » (1916), in Œuvres I,
Gallimard, Paris, 2000, pp. 143‑144.
Maffesoli, M., Éloge de la raison sensible (1996), La Table Ronde, Paris, 2005.
Maffesoli, M., Homo eroticus : des communions émotionnelles, CNRS Éditions,
Paris, 2012.
Maffesoli, M., de Lemos Martins, M., « À propos de l’imaginaire des médias », in Sociétés,
n° 111, 2011/1.
McLuhan, M., La galaxie Gutenberg (1967), Gallimard, Paris, 1977.
Milano, M.‑H., « Iconisation du verbal », in La danse des signes…, Hatier, Paris, 1999.
Mlahi, A., « La socialité et le langage dans les cafés : les cas de Fès (Maroc) et Barbès
(Paris) », Sociétés, n° 31, 1991.
Morin, E., Introduction à la pensée complexe, Seuil, Paris, 2005.
Watzlawick, P. et al., Une logique de la communication (1967), Seuil, Paris, 1972.
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 11/05/2022 sur www.cairn.info (IP: 197.7.60.235)