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MAURICE DUVERGER ET LES PARTIS POLITIQUES

Daniel-Louis Seiler

De Boeck Supérieur | « Revue internationale de politique comparée »

2010/1 Vol. 17 | pages 55 à 65


ISSN 1370-0731
ISBN 9782804160845
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Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 17, n° 1, 2010 55

MAURICE DUVERGER ET LES PARTIS POLITIQUES

Daniel-Louis SEILER

« Depuis que les hommes réfléchissent à la politique,


ils oscillent entre deux interprétations diamétralement
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opposées. Pour les uns, la politique est essentiellement
une lutte, un combat, le pouvoir permettant aux indivi-
dus et aux groupes qui le détiennent d’assurer leur
domination sur la société, et d’en tirer profit. Pour
les autres, la politique est un effort pour faire régner
l’ordre et la justice, le pouvoir assurant l’intérêt géné-
ral et le bien commun contre la pression des revendi-
cations particulières » 1

Assumons d’emblée : sauf à souffrir d’amnésie, les politistes de notre


génération – celle qui se forma dans les années soixante – ont été socialisés,
ont appris leur métier, à la lumière de l’œuvre de Maurice Duverger ! Ne
fut-ce que par la position dominante dont bénéficiaient ses nombreux
manuels de la collection « Thémis » aux Presses Universitaires de France.
Il est vrai que les ouvrages concurrents relevaient plus de la théorie juridi-
que de l’État que de la Science politique, songeons à ceux de Marcel Prélot
par exemple.
En ce qui concerne notre cheminement personnel et le maître-ouvrage de
notre auteur – « Les partis politiques » – je puis affirmer sans exagérer, être
« tombé dedans quant j’étais petit » ! De manière plus précise, j’empruntai
et lus son livre à la bibliothèque municipale vers l’âge de quatorze ou quinze
ans, en ce temps-là, les adolescents lisaient... J’ai donc connu la figure
de Duverger avant de savoir ce qu’était la Science politique. Il faut dire
qu’autour de l’année axiale 1958, notre auteur disposait d’une surface média-
tique fort peu commune à l’époque. Que lorsqu’il lui advenait d’écrire une
tribune dans « Le Monde » – le vrai, celui de Beuve-Méry – c’était en pre-
mière page sur plusieurs colonnes, avec la suite à l’intérieur. Qui plus est, il

1. DUVERGER M., Introduction à la politique, Paris, Gallimard, 1964, p. 20.

DOI: 10.3917/ripc.171.0055
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partageait avec Léo Hamon une chronique télévisée, sur la RTF – chaîne
unique et obligatoire – où tous deux débattaient de l’actualité politique du
moment, durant une dizaine de minutes mais à une heure de grande écoute,
c’est-à-dire après le journal télévisé, du soir bien sûr car il n’y en avait pas
d’autres. Ainsi lorsque étudiant je m’inscrivis en Science politique, Maurice
Duverger incarnait « le politologue » par excellence. Il est vrai que je n’en
connaissais pas d’autres.
Pourtant, avec le recul du temps, d’autres politistes écrivant en français
à la même époque, produisirent une œuvre scientifique plus conséquente,
plus originale et souvent plus profonde : songeons à Jean Meynaud, à
Georges Burdeau, à Jean-William Lapierre, à Jacques Ellul, à Bertrand de
Jouvenel ou, injustement oublié, à Pierre Duclos. Pour ne pas évoquer la
génération de Georges Lavau. Cependant par delà l’aura médiatique, donc
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toujours factice et éphémère, qui entoura Duverger, il reste l’auteur des Par-
tis politiques, livre traduit en anglais dès 1954 2. C’est donc Les Partis poli-
tiques que nous retiendrons et discuterons ici 3. D’une part en évaluant, à
l’aune du recul du temps, la pertinence de critiques qui furent énoncées à
l’encontre de sa théorie des partis. D’autre part, nous verrons quelle
influence elle exerça sur les travaux récents consacrés aux partis politiques.

Critiquer Duverger ?

Publiés très tôt en langue anglaise, « Les Partis politiques » ont fait de
Maurice Duverger le politiste français le mieux connu dans le monde. Ils
ont suscité également nombre de critiques dont certaines semblent totale-
ment injustifiées, reposant tantôt sur une lecture hâtive ou superficielle du
livre, ou sur des remarques ou sur des prises de positions ultérieures de
l’auteur. Certaines critiques portent sur des éléments particuliers, des théo-
ries partielles et la plus débattue fut celle qui lie systèmes de partis et modes
de scrutins.
Les critiques globales concernaient évidemment la position épistémolo-
gique ou méthodologique subsumant l’ouvrage de Duverger et elles abon-
dèrent dès que parut la traduction anglaise. La grande critique demeurant
celle de Lavau qui fut prolongée par Stein Rokkan mais elles s’attachaient
à réfuter les « lois » reliant les « systèmes de partis » et les modes de scrutin.
Les importantes critiques anglo-saxonnes du livre de Duverger émanaient
de Frederik Engelmann qui « tira » le premier dès 1957, du britannique
Colin Leys et surtout d’Aaron Wildavsky, éminent sociologue de l’Univer-
2. DUVERGER M., Political Parties, Londres, Methuen, 1954.
3. DUVERGER M., Les partis politiques, Paris, A. Colin, 1951, nous nous référons ici à sa publication
en ouvrage « de poche » dans la collection Points 1981, qui reprend la 10e édition.
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sité de Californie, tous deux en 1959 4. La dernière étant, à notre sens, la plus
convaincante. On ajoutera, venant du Continent, les remarques acerbes et
les flèches touchant le centre de la cible émanant du grand politiste néerlan-
dais Hans Daadler. Celui-ci s’en prit à deux reprises à l’ouvrage de Duver-
ger et ce à presque vingt ans d’intervalle : en 1966 dans sa contribution à
l’ouvrage de La Palombara et Weiner, et en 1983 dans un livre collectif co-
dirigé avec Peter Mair 5.
On retiendra trois critiques globales qui émergent avec le recul du
temps : la définition des partis, l’institutionnalisme abstrait et l’évolution-
nisme naïf.
On aurait pu, en premier lieu, s’attendre à ce que dans un livre qui traite
de la théorie générale des partis, à ce que l’auteur définisse le concept qu’il
va manier. Dans « Les Partis politiques », le concept voit ses contours
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esquissés sans faire l’objet d’une véritable définition. En effet, page 20 au
détour d’une phrase, Duverger nous révèle qu’« un parti est comme une
communauté d’une structure particulière » 6. Propos sibyllin qu’il contredit
presque, page 62, en écrivant cette fois que « un parti n’est pas une commu-
nauté, mais un ensemble de communautés, une réunion de petits groupes
disséminés à travers le pays (sections, comités, associations locales, etc.)
liés par des institutions coordinatrices ». Cette description paradoxale qui
érige le concept de parti au rang d’oxymore pourrait convenir pour décrire
nombre d’organisations : syndicats, églises, groupes d’intérêts divers. Sans
remonter à Max Weber, on lui préférera la définition que le grand sociolo-
gue allemand inspira à son disciple Raymond Aron : « Les partis sont des
groupements volontaires plus ou moins organisés, qui prétendent, au nom
d’une certaine conception de l’intérêt commun et de la société, assurer seuls
ou en coalition, les fonctions de gouvernement » 7. Il est vrai que Duverger
considère que les partis constituent essentiellement des organisations mais
faut-il pour autant hypostasier le concept d’organisation au point de nier
toute spécificité aux organisations partisanes dans le vaste ensemble formé
par les organisations sociales ?
En second lieu et même s’il ménage une large part à l’histoire, l’argu-
mentaire des partis est institutionnel dans l’acception la plus étroitement

4. LAVAU G., Partis politiques et réalités sociales, Paris, A. Colin, 1953 ; ENGELMANN F. C., « A
critique of Recent Writings on Polical Parties », Journal of Politics, volume 19, n°9, 1957, p. 423-440 ;
LEYS C., « Models, Theories and the Theory of Political Parties », Political Studies, volume 7, n°2,
1959, p. 127-146 et WILDAVSKY A. B., « A Methodological Critique of Duverger’s Political Parties »,
Journal of Politics, volume 21, n°2, 1959, p. 309-318.
5. DAALDER H., « Parties, Elites and Political Developments in Western Europe », in LAPALOM-
BARA J. and WEINER M., Political Parties and Political Development, Princeton, Princeton, Univer-
sity Press, 1966 et DAALDER H., « The comparative Study of European Parties and Party Systems »,
in DAALDER H. et MAIR P., (eds), Western European Party Systems, Londres, Sage, 1983.
6. Édition 1981. (texte de 1976), nos italiques.
7. ARON R., Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1964, p. 117.
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juridique du terme. Pour paraphraser Durkheim, c’est comme si le politique,


ou mieux, le politico-institutionnel s’explique par le politique. Or, ce qui
peut être soutenable lorsqu’il s’agit du social ou de la société – et encore ce
fait est contesté par les tenants de l’individualisme méthodologique –
devient carrément absurde lorsqu’il s’agit du politique. Comme l’écrivit
jadis Pierre Birnbaum dans un fort beau livre « le politique [n’est] que le
lieu d’expression et éventuellement de négociation des oppositions sociales
[...] Signe du conflit, le politique ne saurait s’expliciter par les seules causes
qu’il exprime : il est aussi lui-même car il constitue une activité spécifique
qui se déroule dans un lieu particulier » 8. La spécificité du politique et, par-
tant, des organisations partisanes, n’implique nullement son irréductibilité
vis-à-vis « des réalités sociales ». Envisagé sous cet angle, Duverger fait
figure de juriste à l’ancienne ; fait d’autant plus paradoxal qu’il batailla lon-
guement, contre Prélot et nombre de publicistes de l’Après guerre, pour
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faire de la Science politique, une sociologie politique qui ne soit pas une dis-
cipline ancillaire du droit public. Cette dérive juridicisante peut exister chez
les politistes attachés, comme Georges Burdeau, à la définition de la
Science politique comme « Science du pouvoir », à laquelle Duverger sous-
crit par ailleurs 9. Ce qui explique l’accusation, à notre avis, erronée, de
Colin Leys qui dénonçait le psychologisme de Duverger.
On préférera donc James Bryce qui, soixante ans avant la parution des
« Partis politiques », décrivait dans une métaphore les partis comme « les
nerfs et les muscles » du système politique et les institutions comme les « os
et le squelette » 10.
En dernier lieu, et cette critique fut énoncée par Aaron Wildavsky,
« Les partis politiques » cédant à un évolutionnisme naïf, souffrent d’une
« illusion évolutionnisme ». Ainsi pour Duverger, faisant l’impasse sur
toutes les exceptions aux règles qu’il énonce, la tendance au bipartisme
est « naturelle », le scrutin majoritaire à un tour engendre le bipartisme
composé de partis rigides, le scrutin majoritaire à deux tours produit deux
coalitions de partis généralement souples, la proportionnelle crée le mul-
tipartisme, l’avenir appartient aux partis de masses, etc. Quant au futur de
ces derniers, on pouvait le penser en 1951, toutes choses restant égales par
ailleurs. Malheureusement pour Duverger, en matière de partis comme
dans le domaine des réalités sociales, les choses ne restent pas égales et
l’histoire est constituée de ruptures, de rebondissements, de bifurcations
imprévues. Dans nos disciplines qui, comme l’écrivait Lévi-Strauss, « avan-
cent sous le fouet de la contention et du doute » 11, nul ne détient la clef du

8. BIRNBAUM P., La fin du politique, Paris, Seuil, 1975, p. 7.


9. On se rapportera aux excellentes critiques, émises, in illo tempore, par le politiste québécois Gérard
Bergeron. Cf. BERGERON G., Le fonctionnement de l’État, Paris, A. Colin, 1965.
10. BRYCE L. J., The American Commonwealth, Londres, MacMillan, 1881, tome 1, p. 3.
11. LEVI-STRAUSS C., Le cru et le cuit, Paris, Plon, 1964, p. 15.
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temps, la solution de « l’énigme » pour reprendre une expression de Fran-


çois Borella 12.
On découvre derrière l’évolutionnisme qui subsume le livre de Maurice
Duverger, une croyance normative dans la bienfaisante nécessité du bipar-
tisme, comme le relève Daalder, « Britain and the United States have two
parties, their politics are apparently satisfactory to the theorist, ergo a two-
party system is good. In contrast, France, Weimar- Germany, and Italy had
many parties, their politics were unsatisfactory, hence a multiparty system
is a lesser if not an outright degenerated form » 13. En fait Duverger ne
retient que les cas qui l’arrangent et arrange la riche information qu’il manie
de manière à l’inclure dans le lit de Procuste de ses théories. Il se méprend
sur la Scandinavie, les Pays-Bas ou la Suisse ; quant au cas belge dont il se sert
pour étayer sa démonstration sur le bipartisme et les modes de scrutins, jamais
le parti catholique n’a voulu « sauver » le Parti libéral, aucun parti ne sauverait
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un compétiteur dont il peut espérer récupérer l’électorat en tout ou partie. Le
but du gouvernement catholique qui introduit la RP, était d’éviter tant l’oppo-
sition Flamands/Wallons que celle entre la ville et la campagne que le système
majoritaire exacerbait. Cette mauvaise interprétation factuelle eût, à l’époque,
l’heur d’irriter les spécialistes des pays concernés. Depuis et malheureuse-
ment, l’argument d’autorité aidant, les erreurs commises par Duverger, furent
souvent reproduites et répétées de façon totalement acritique par des généra-
tions de politistes y compris aux États-Unis.

Une œuvre séminale

Les scories enfin éliminées, il n’en demeure pas moins que « Les Partis
politiques » représentent une œuvre majeure qui marque un tournant décisif
dans l’étude comparée des partis politiques et ce dans trois directions
particulières : les organisations partisanes, l’approche historico-conflictuelle
et les systèmes de partis. Ces trois voies méritent encore d’être empruntées
par les spécialistes d’aujourd’hui, et contrastent avec l’impasse empirique où
conduisent les « lois de Duverger ».

Une dichotomie canonique

« Les partis politiques » restent un livre canonique car ils établissent une
classification encore valable des organisations de partis. En effet, lorsqu’on
prononce le nom de Duverger, c’est l’opposition partis de cadres/partis de

12. BORELLA F., Critique du savoir politique, Paris, Seuil, 1990.


13. DAALDLER H. in LAPALOMBARA J. et WEINER M., op. cit., p. 68.
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masses qui apparaît à l’esprit des politistes actuels et ce quel que puisse être
leur pays. Une dichotomie très souvent mal comprise et dont notre auteur ne
fut pas vraiment l’inventeur.
Une dichotomie dès l’origine incomprise – et de plus en plus mal
comprise – car, devenue canonique, elle entra dans le répertoire des indivi-
dus cultivés qui s’intéressent à la chose publique. En effet, l’opposition
entre partis de masses d’une part et partis de cadres de l’autre se vit souvent,
trop souvent, réduite à une question de nombre d’affiliés envisagé en dehors
de tout contexte culturel. Par exemple, dans le système de partis de la
France d’aujourd’hui, le NPA d’Olivier Besancenot pourrait très bien ne
regrouper dans ses rangs que quatre chats et vingt pingouins, il n’en consti-
tuerait pas moins un parti de masses. Inversement l’UMP pourrait compter
plusieurs centaines de milliers d’adhérents, dont un grand nombre dragué
sur les plages, il n’en resterait pas moins un parti de cadres. Même un spé-
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cialiste des partis aussi éminent que Jean Blondel céda à « l’erreur du
nombre » lorsqu’il se demandait pourquoi le Parti conservateur britannique
qui rassemblait un million d’affiliés en 1969 ne pouvait être considéré
comme un parti de masses 14. La réponse se trouve dans le livre de Duverger,
plus que le nombre d’encartés dans un parti, c’est leur position dans « l’arma-
ture » de ce dernier qui fournit le critère. « La distinction des partis de
cadres et des partis de masses ne repose pas sur leur dimension, sur le nom-
bre de leur membres : il ne s’agit pas d’une différence de taille, mais de
structure » 15. Dans les partis de masses « les adhérents sont la matière
même du parti, la substance de son action » 16. En quelque sorte, la légiti-
mité appartient aux militants au sein desquels le parti « dégage une élite ».
Cependant, le critère distinctif fondamental est financier : « La technique
du parti de masses a pour effet de substituer au financement capitaliste des
élections, un financement démocratique ». Ce sont également des « partis
de création extérieure. Dans les partis de cadres, créés à partir d’un groupe
parlementaire, le pouvoir appartient à ce dernier appuyé sur des réseaux
notabiliaires. Des notables influents d’abord, dont le nom, le prestige ou le
rayonnement serviront de caution au candidat et lui gagneront des voix : des
notables techniciens, ensuite, qui connaissent l’art de manier les électeurs et
d’organiser une campagne ; des notables financiers enfin, qui apportent le
nerf de la guerre » 17. Ainsi le parti de cadres peut se passer d’adhérents
même si certains « feignent d’en recruter à l’image des partis de masses, par
contagion » (Ibidem). Duverger ne méconnait pas du tout la réalité d’un
engagement militant et de cotisations régulières, mais, écrit-il, « la vie réelle

14. BLONDEL J., Voters, Parties and Leaders, Harmond Worth, Penguin, 1969.
15. Cf. DUVERGER M., op. cit., 1951, p. 119-120.
16. DUVERGER M., op. cit., 1951, p. 120.
17. DUVERGER M., op. cit., 1951, p. 121.
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du parti se déroulait en dehors des adhérents » 18. L’excellente machine


électorale de Nicolas Sarkozy, l’UMP, pilotée à partir de l’Élysée qui dési-
gna Xavier Bertrand et son cercle dirigeant, constitue un excellent exemple.
Son chef, son leader est Nicolas Sarkozy, son organisation est vouée à la
promotion et à la défense de la pensée et de l’action de ce dernier. Il n’y a
là rien de choquant ni de critiquable et la presse aurait tort de s’en gausser.
En revanche, il est un concept mythique, forgé par des commentateurs
en mal de références, auquel le livre de Duverger permet de tordre le cou :
celui de « parti d’élus ». Les partis dits d’élus ne peuvent être que des partis
de cadres, et l’appliquer au PS relève du non-sens. En effet, dans un pays
où, d’une part, les organisations recrutent peu, où le nombre de communes
est proportionnellement le plus élevé d’Europe et, d’autre part, lorsque le
membership du PS connait une phase d’étiage, la proportion d’élus locaux
parmi les militants devient considérable.
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La distinction entre partis de cadres et de masses reste d’actualité mais
dans des termes qui rendent compte de l’évolution des organisations parti-
sanes depuis un demi-siècle. Les partis américains, souvent cités par Duver-
ger au titre des partis de cadres, constituent, en fait, un type d’organisation
très différent et spécifique comme le démontre Eldersveld 19. Il est intéres-
sant de noter que la spécificité des deux grands partis des USA fit l’objet
d’une thèse brillante de Jean-Louis Seurin dirigée par Duverger qui fît mon-
tre d’une ouverture qu’on aimerait rencontrer aujourd’hui dans le milieu
politologique où le dogmatisme s’accroît. L’actualité de la typologie partis
de cadres/partis de masses est attestée par les travaux d’Angelo Panebianco
dont le « parti électoral-professionnel » représente l’actualisation adaptée
aux conditions nouvelles de la lutte politique et où le « Parti bureaucratique
de masses » assume l’héritage des vieux partis de masses 20. Dans la décen-
nie qui suivit la publication du livre du politiste italien, nouvel « arrêt sur
image » du paysage partisan : Peter Mair et la « cartellisation » des organi-
sations partisanes 21. On ne peut plus soutenir aujourd’hui que des forma-
tions politiques qui, naguère encore, ressortissaient à la catégorie « partis de
masse », y entrent encore dans la mesure où leur financement est majoritai-
rement assuré par l’État. De même dans la mesure où le financement « capi-
taliste » comme aurait dit Duverger est totalement interdit ou limité par le
législateur, les frais des campagnes électorales plafonnés ou remboursés, en
tout ou partie par les pouvoirs publics, les partis de cadres cessent d’exister.
Les conditions d’organisation des partis se transformant, les théories poli-
tologiques se doivent d’en rendre compte.

18. DUVERGER M., op. cit., 1951, p. 123.


19. ELDERSVELD S., Political Parties : A Behavioral Analysis, Chicago, Rand McMully, 1964.
20. PANEBIANCO A., Political Parties : Power and organization, Cambridge, University Press, 1988.
21. MAIR P., Party System Change, Oxford, Clarendon Press, 1997.
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En fait, Mair a raison, les partis se muent en institutions qui ne conservent


des adhérents et des militants que pour des motifs idéologiques. L’organisa-
tion de « primaires ouvertes » par la gauche italienne ainsi que les intentions
du PS en la matière sont la négation même du concept de parti de masses,
comme d’ailleurs le financement public, car ils court-circuitent le militant
– adhérent engagé – considéré au même titre que le sympathisant lambda qui
s’acquitterait d’une modique finance d’inscription aux « primaires ». Bien
sûr, financement public et « primaires » obéissent à une logique de morali-
sation de la vie politique. Mais ce fût déjà le cas au début du XXe siècle aux
États-Unis où les primaries furent inventées, en revanche, elles sont orga-
nisées par les pouvoirs publics.
Le traitement que Duverger consacra aux partis américains trahit donc
une mauvaise compréhension de leur nature propre. Il n’empêche que, encore
en poste à Bordeaux, il dirigea la thèse de Jean-Louis Seurin qui remettait, en
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quelque sorte les pendules à l’heure, le disciple corrigeant les analyses du
maître. De même qu’il préfaça avec élégance, l’ouvrage de Georges Lavau
qui révélait avec efficacité, que les réalités sociales prévalaient sur les modes
de scrutin dans la configuration des systèmes partisans.

Le dualisme des oppositions politiques

Des réalités sociales, le maître-ouvrage de Maurice Duverger ne reconnais-


sait que le caractère « naturellement » dualiste des oppositions politiques
qui fonde une tendance toute aussi « naturelle » au bipartisme. « On veut
dire par là » écrit l’auteur, « que les options politiques se présentent d’ordi-
naire sous une forme dualiste. Il n’y a pas toujours un dualisme des partis :
mais il y a presque toujours un dualisme des tendances. Toute politique
implique un choix entre deux types de solutions : les solutions dites inter-
médiaires se rattachent à l’une ou à l’autre. Cela revient à dire que le centre
n’existe pas en politique : il peut y avoir un parti du centre mais non pas une
tendance du centre, une doctrine du centre. On appelle « centre » un lieu
géométrique où se rassemblent les modérés des tendances opposées : modé-
rés de droite et modérés de gauche. Tout centre est divisé contre lui-même,
qui demeure séparé en deux moitiés : centre-gauche et centre-droit. Car le
centre n’est autre chose que le groupement artificiel de la partie droite de la
gauche et de la partie gauche de la droite. Le destin du centre est d’être écar-
telé, balloté, annihilé : écartelé quand l’une de ses moitiés vote à droite,
l’autre à gauche ; balloté quand il vote en bloc tantôt à droite, l’autre à
gauche ; annihilé quand il s’abstient. Le rêve du centre est de réaliser la syn-
thèse d’aspirations contradictoires : mais la synthèse n’est qu’un pouvoir de
l’esprit » 22. On ne saurait taper plus fort sur le clou et ce bon M. Hegel n’a

22. DUVERGER M., op. cit., p. 303-304.


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Maurice Duverger et les partis politiques 63

qu’à bien se tenir. De même, peut-on s’interroger sur les raisons obscures
qui poussent certains partis, souvent « de gauche », à tenter de rechercher la
synthèse entre différentes motions...Mais trêve d’ironie car derrière la véhé-
mence du propos, deux éléments, deux assertions doivent être distingués
que Duverger assimile lestement : la tendance au dualisme d’une part, l’iné-
luctabilité du bipartisme et, partant, l’inanité du centrisme d’autre part.
Le caractère dualiste qui structure la logique du conflit reste évidente et
l’histoire des sociétés occidentales est là pour en témoigner : « toutes les
grandes luttes de faction furent dualistes ». Et Duverger de convoquer suc-
cessivement à la barre : « Armagnacs et Bourguignons, Guelfes et Gibelins,
Catholiques et Protestants, Girondins et Jacobins, Conservateurs et Libé-
raux, Bourgeois et Socialistes, Occidentaux et Communistes ; toutes ces
oppositions sont simplifiées mais seulement par effacement des distinctions
secondaires » 23. On pourrait d’ailleurs élargir le constat et allonger la liste :
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« Noirs et Blancs, Biga et Busca, Leliaerts et Klauwaerts, York et Lancas-
ter, Huguenots et Ligueurs, Cavaliers et Têtes rondes, Whigs et Tories, Cha-
peaux et Bonnets, etc. On le sait, au moins depuis Carl Schmitt, la notion de
politique repose sur la distinction ami/ennemi, même le caractère antipathi-
que de cet auteur ne doit pas nous voiler le caractère dualiste du conflit. À
l’exception de ceux qui confondent le débat politique avec une réunion du
Rotary club et que dénonçait Robert Dahl, le jeu partisan est essentiellement
conflictuel et donc dualiste au sens de Duverger. Sauf que le centre existe
bel et bien et depuis plus de soixante ans que notre auteur annonce l’inéluc-
table marche des sociétés vers le bipartisme, le multipartisme se porte à
merveille. En fait de 1919 à 2009, le mouvement qui anime les systèmes de
partis oscille en alternant périodes marquées par une tendance au bipartisme
et périodes caractérisées par une tendance au multipartisme et ce, indépen-
damment des modes de scrutins utilisés. Il serait d’ailleurs plus judicieux de
parler de bipolarisation plutôt que de bipartisme.
Là où Duverger se trompe, c’est lorsqu’il assimile assez rapidement dua-
lisme et bipartisme, concepts qu’il avait au préalable pourtant bien distin-
gués. Lorsqu’existe, dans un système politique, un seul conflit majeur, un
seul dualisme, le recours au mode de scrutin majoritaire de préférence à un
seul tour, entrainera le bipartisme contraignant modérés et radicaux de cha-
que camp à soutenir un seul parti, faute de quoi ils offriraient la victoire à
l’adversaire. Dans cette occurrence, que l’auteur qualifie de fractionnement,
le centrisme n’existe pas. Il faut se garder de confondre l’auteur de « Partis
politiques » avec les thuriféraires de l’axe ou continuum droite-gauche, le
long duquel viendraient s’échelonner des partis reflets des tendances idéo-
logiques ramenées à une espèce de gradient universel. Pour Duverger, le

23. DUVERGER M., op. cit., p. 305.


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dualisme oppose des pôles, concept que reprendra Sartori 24. Comme le
constatait Stein Rokkan, ce sont justement les pays qui connaissent le dua-
lisme des tendances politiques qui ont maintenu un système électoral majo-
ritaire, les autres introduisant la proportionnelle, s’inclinant devant la réalité
des faits.
Or, le fractionnement tel que le définit Duverger représente une occur-
rence très rare et il en convient volontiers 25. Dès lors le centrisme constitue
une réalité, mais une réalité qui ne correspond en rien au portrait qu’en des-
sine Duverger. Contrairement à ce qu’assène la Doxa politologique et jour-
nalistique majoritaire en France, et pour user d’un vocable qui la hérisse, le
centrisme constitue un « ailleurs ». En effet, là où existent des partis situés
au centre, ces derniers ne regroupent nullement des modérés des deux camps
mais bien des acteurs mobilisés sur d’autres enjeux – religieux, nationalis-
tes, paysans, etc. – issus d’autres dualismes. En 1951, c’est-à-dire du temps
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de la Quatrième République, notre auteur avait analysé et observé cette réa-
lité, lorsqu’il écrit page 322 que « la superposition paraît plus répandue que
[...] le fractionnement. Elle consiste dans un défaut de coïncidence entre
plusieurs catégories d’oppositions dualistes : de sorte que leur entrecroise-
ment donne une division multipartiste » 26.
Entrecroisement : Ce mot apparaît bel et bien sous la plume de l’auteur
et Maurice Duverger se découvre, malgré lui, comme la source des théories
multidimensionnelles de l’origine des partis, de l’approche par les Cross
Cutting Cleavages – en bon français « entrecroisement des clivages » –
telle que la formulèrent Seymour Lipset et Stein Rokkan en 1967 et que
nous aurons le plaisir de développer dès 1978 27. De même la thèse de la
« superposition des dualismes » se situe à la racine de la théorie de Sartori
sur la distinction entre polarisation et polarité et la possibilité d’un multipar-
tisme polarisé.
Il est intéressant de noter que dans la préface qu’il consacra en 1981 à
l’édition « de poche » de son œuvre majeure, Duverger ne cite ni Lipset, ni
Rokkan ni davantage Sartori. Face à la réalité du phénomène d’entrecroise-
ment des clivages, souvenir stigmatisé des horreurs de la « Quatrième », il
céda même au déni de la paternité. Cependant point n’est besoin de recourir
à des tests ADN, une simple lecture du livre sinon l’étude et l’illustration gra-
phique (figure 28). Toutefois, de l’entrecroisement des dualismes, Duverger
glisse rapidement vers une interprétation en termes de « sédimentation » des
dualismes, ce qu’exprime le mot « superposition » des dualismes. Comme

24. SARTORI G., Parties and Party Systems, ECPR Press, 2008 1°ed., 1994.
25. Op. cit., p. 322.
26. Op. cit., p. 383.
27. LIPSET S. N et ROKKAN S., (eds), Party Systems and Voters Alignments, New York, Free Press,
1967 ; SEILER D-L, Les Partis Politiques en Europe, Paris, PUF, 1978.
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si ces derniers s’entassaient en couches successives, le dernier « dualisme »


abolissant les précédents, alors qu’en Écosse, l’opposition entre nationalis-
tes et « unionistes » pro-british, ne périme en rien celle qui existe entre tra-
vaillistes et conservateurs.
Avec le temps et l’instauration de la Cinquième République, à laquelle
s’ajoute en 1962, la décision d’élire le Président au suffrage universel,
entrainant par surcroît la bipolarisation, la croyance en l’avènement du
bipartisme devint obsessionnelle chez Maurice Duverger. Mais le plus sur-
prenant, est qu’il parvint à faire partager cette obsession métaphysique, non
seulement à de nombreux politistes mais encore aux élites de la politique et
de la presse et, qui plus est, en France et en Italie. Il provoqua ainsi un aveu-
glement face aux « réalités sociales » qui légitime l’usage de modes de scru-
tin de plus en plus injustes – les seuils requis pour se maintenir au second
tour des législatives – de plus en plus tordus (les modes de scrutins des
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municipales et des régionales) ou les découpages aberrants (circonscrip-
tions pour les européennes).
En assignant à son meilleur livre – Les partis politiques – la fonction de
premier acte dans une trilogie non comparative et des plus « hexagonales »
comprenant La Monarchie républicaine (1974) et Échec au Roi (1978),
Duverger se détourna de la politique comparée et même de la science poli-
tique pour se lancer dans le débat public et l’action politique. Il siégea ainsi
au Parlement Européen comme élu du PCI. En définitive, on peut conclure,
avec Hans Daalder, que son « real interest was with French politics, and
notably with his preoccupation to do away with the eternel marais of the
centre, though introducing some manner of alternative electoral choice for
a supreme executive ».

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