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OÙ COMMENCE ET OÙ FINIT UN CORPS DE FOURMI ?

Dominique Lestel

De Boeck Supérieur | Cahiers de psychologie clinique

2008/1 - n° 30
pages 11 à 26

ISSN 1370-074X

Article disponible en ligne à l'adresse:


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http://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2008-1-page-11.htm
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Pour citer cet article :
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Lestel Dominique, « Où commence et où finit un corps de fourmi ? »,
Cahiers de psychologie clinique, 2008/1 n° 30, p. 11-26. DOI : 10.3917/cpc.030.0011
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CORPS ET LIMITES
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OÙ COMMENCE
ET OÙ FINIT UN CORPS
DE FOURMI ?
Dominique Lestel *
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[...] L’évolution biologique peut être envisagée comme un
véritable site expérimental susceptible d’entrer en résonance
avec les risques de l’histoire spéculative [...]. Qu’est-ce qu’un
individu ? Qu’est-ce qu’un groupe ? Qu’est-ce qu’un signal ?
Qu’est-ce qu’un poison ? Qu’est-ce qu’une cause ? Quel est le
pouvoir de la sélection ?
Isabelle Stengers, « Pour une approche spéculative de l’évolution biologique », in,
P.Sonigo et I. Stengers, 2003, L’évolution, EDP sciences, p. 95.

Où commence et où finit un corps de fourmi 1 ? Pour beau-


coup d’éthologues, j’en ai peur, une telle question est avant
tout confuse, triviale ou redondante – ou confuse et triviale et
redondante. Dans les pages qui suivent, j’espère pouvoir con-
vaincre au moins un lecteur qu’il n’en est rien. Ce qui m’inté-
resse ici est de chercher à comprendre pourquoi des animaux
qui semblent avoir une intelligence aussi rudimentaire que les
insectes sociaux sont si difficiles à comprendre pour des hu-
* École normale
mains qui sont, eux, plutôt bien pourvus en intelligence – ou supérieure – 45 rue
qui en sont persuadés tout au moins. La réponse que j’esquisse d’Ulm, 75005 Paris.
est que nous n’avons que des réponses extrêmement sommai- 1 Je tiens à remercier
res et très insatisfaisantes vis-à-vis de questions tout-à-fait Isabelle Stengers pour
fondamentales, comme celles de savoir ce qu’est un corps de son travail de fourmi
fourmi (et plus généralement un corps d’insecte social – où ce sur ce texte et les
améliorations
corps commence-t-il et où finit-il ?) ou comment caractériser substantielles qu’elle
le savoir d’un insecte social. y a apportées.

13
14 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

Introduction

Lorsque Benjamin Beck (1980) écrit son livre classique sur


les outils chez l’animal, il distingue soigneusement outils et
organes, en faisant sienne une conception de l’outil qui vient
plutôt de la préhistoire mais qui est également devenue la
norme en éthologie. Pour l’éthologue américain, l’outil est un
objet utilisé qui se trouve dans l’environnement, mais qui
reste détaché de son support pour altérer le plus efficacement
la forme, la position ou la condition d’un autre objet, d’un
autre organisme ou de l’utilisateur lui-même. L’outil est porté
pendant son usage ou juste avant, et son utilisateur décide de
son orientation effective. Beck ne sous-estime pas pour autant
les savoir-faire requis dont il identifie une vingtaine de moda-
lités – et il range d’ailleurs la plupart d’entre elles dans quatre
catégories centrales : l’extension des facultés de saisie et d’at-
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teinte ; l’augmentation des démonstrations et l’incorporation
d’objets dans des usages sociaux ; l’amplification de la force
mécanique, et enfin, le contrôle effectif des fluides. De nom-
breux insectes utilisent des outils qui remplissent les pré-requis
de cette définition. Certaines guêpes ammophiles utilisent des
cailloux pour tasser la terre des entrées des « garde-mangers »
dans lesquels elles disposent leurs larves (Evans & Eberhard,
1970). Quelques-unes de ces femelles sondent même la fer-
meture de terre avec une petite brindille. Certaines myrmici-
nes utilisent des morceaux de feuilles, de bois, de sable ou de
boue pour ramener au nid des composants organiques comme
de la gelée, du miel, de la pulpe de fruit ou des fluides corpo-
rels de proies (J. Feller & G. Feller, 1976). La définition de
Beck est pourtant loin d’être satisfaisante. Elle est excessive-
ment restrictive en considérant que l’outil doit être libre de
toute connexion ou substrat, qu’il doit être en dehors du corps
de l’utilisateur et ne pas en être un produit, qu’il doit être un
« objet » (même si Beck envisage qu’il puisse être animé ou
inanimé), et qu’il doit être tenu ou porté au moment de son uti-
lisation.
Trente ans auparavant, dans un livre tout aussi intéressant,
Andrée Tetry (1948) n’opérait pas cette restriction. Elle y pré-
sentait en fait presqu’exclusivement ce que Beck rejette avec
force comme outil, à savoir des organes. Dans un esprit pro-
Où commence et où finit un corps de fourmi ? 15

che de celui de l’éthologue américain, David McFarland (1981)


n’insère pas d’article sur les outils dans son « Dictionnaire du
comportement animal », mais en propose un sur « l’usage
d’instruments ». Il n’y explique pas pourquoi il ne parle pas
d’outils, mais Jacques Vauclair et Jean-Marie Vidal le font
pour lui en expliquant qu’évoquer des outils chez l’animal est
anthropomorphique et qu’il faut mieux parler d’instruments.
En 1987, Michael Hansell aborde les techniques d’une toute
autre façon. Il considère qu’elles permettent à l’animal de
mobiliser certains éléments de son environnement en vue de
ses objectifs et qu’elle repose sur une disposition mentale par-
ticulière qui permet de voir un objet autrement que ce qu’il
semble être. M. Hansell propose ainsi une définition psycho-
logique de l’outil qui est très éloignée de la définition logique
de B. Beck. Il insiste sur le rapport de l’animal à l’objet, et
relativise l’objet lui-même en privilégiant le comportement
technique. En passant de l’outil à l’action technique, c’est-à-
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dire de l’outil au comportement avec des outils, il effectue un
écart essentiel ; est-il pour autant suffisant ?
Humains et animaux n’utilisent pas les outils de la même
façon, mais s’agit-il pour autant de deux mondes radicalement
séparés ? Outils et organes ne sont pas non plus assimilables
et la distinction entre les deux espaces n’est ni aussi claire ni
aussi utile que le prétendent beaucoup de rigoristes. Sans re-
chercher la moindre exhaustivité, je voudrais présenter dans
les pages qui suivent quelques réflexions sur des distinctions
qui sont beaucoup plus problématiques que ce qu’on est géné-
ralement prêt à accepter. Les insectes sociaux constituent de
ce point de vue un excellent terrain de réflexion pour mettre
quelques-unes de nos notions les plus évidentes à l’épreuve.

Les médiations de l’action

L’éthologue ne doit pas seulement s’intéresser aux comporte-


ments de manipulation d’outils, mais à tous les comporte-
ments qui lui sont liés d’une manière ou d’une autre. On peut
aller plus loin encore. Savoir si les animaux utilisent ou non
des outils, tels que les philosophes ou les anthropologues cul-
turalistes les ont définis, n’est pas la démarche la plus intéres-
sante qui se présente à l’éthologue. Celui-ci doit plutôt élargir
les perspectives et adopter une véritable approche comparée et
16 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

phylogénétique. En tenant compte de l’ensemble des organis-


mes, des plus primitifs à l’humain, quelles sont les médiations
de l’action que les animaux mobilisent ? On appellera média-
tions de l’action les aides écologiques qui permettent à l’ani-
mal de transformer ses performances et ses compétences en
changeant la nature de leur déroulement, ou en augmentant
leur champ d’action (Lestel & Grundmann, 1999).
En m’intéressant aux médiations de l’action et non aux
outils, la définition préalable de l’objet pertinent (est-ce un
outil ou non ?) n’est plus une difficulté. Il n’est même plus
nécessaire de se focaliser sur l’« objet » outil. La question
pertinente devient celle de savoir quels sont les moyens par
lesquels l’animal actualise ses actions et accroît ainsi ses pos-
sibilités d’agir sur elles au sein d’une collectivité et dans le
contexte d’une écologie des actions : l’action d’un organisme
n’a souvent de sens que par rapport à celle des autres organis-
mes avec lesquels il interagit. L’éthologue se donne ainsi les
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moyens de comprendre le rôle et les usages de certaines tech-
niques comme celles des nids, que des définitions inutilement
restrictives écartent d’emblée. Les objets peuvent désormais
être caractérisés par rapport aux actions qui les supportent, et
non l’inverse. Les comportements médiatisés de l’animal,
c’est-à-dire les comportements techniques de l’animal, peu-
vent non seulement être décrits mais de surcroît compris, en
distinguant les actions médiatisées par lesquels l’animal agit
sur le monde, celles par lesquelles l’animal agit sur les autres,
et celles par lesquels l’animal agit sur lui-même. Les cas limites
de Beck (ces « techniques » que Beck répugnait à considérer
comme telles sans fournir de raisons vraiment convaincantes),
par exemple les nids et les terriers ou les « cadeaux » offerts
lors des « cérémonies nuptiales », n’ont plus aucune raison de
rester à l’écart sans raison. Le ménage conceptuel étant fait,
on peut reprendre à nouveaux frais la question des « techni-
ques fourmis », des « techniques abeilles », des « techniques
guêpes » ou des « techniques termites ».

Le corps de l’insecte social comme agencement

L’approche de Beck obligeait à grapiller quelques exemples à


droite ou à gauche et à éviter le problème central, c’est-à-dire
Où commence et où finit un corps de fourmi ? 17

celui du corps de l’insecte. Ou plus exactement, celui des corps


de l’insecte. Car l’une des particularités de beaucoup d’insec-
tes, en particulier des insectes sociaux, tient précisément à
leur multiplicité corporelle – et en particulier à l’existence de
corps artificiels. Ces derniers sont les corps opérationnels que
se construisent les corps organiques individuels de chaque
insecte. Les myrmécologues se sont bien rendus compte de
ces phénomènes, mais leurs référents sont restés trop proches
de ceux des mammifères pour comprendre vraiment ce qui est
ainsi en jeu. Lorsque Beck requiert que l’outil soit détaché du
corps, il exprime ainsi une contrainte faussement simple : de
quel corps parle-t-il ?
Le corps est souvent instrumentalisé. Pour être un outil,
l’objet ne doit pas nécessairement n’être utilisé que comme
outil. Quand les fourmis tisserandes utilisent certaines de leurs
larves comme navettes pour coudre les feuilles les unes avec
les autres, le corps lui-même est un outil, mais cet outil est un
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autre corps que celui de l’animal qui utilise l’outil. Ce qui
conduit à la question des techniques du corps. Andrée Tétry
expliquait très justement que l’usage inédit de la queue ne
devait pas être assimilé à un usage spécifique de l’élytre de
l’insecte qui s’en servait pour produire des sons. Les phéno-
mènes de symbiose, de mimétisme, de mutualisme et de para-
sitisme peuvent eux aussi être compris dans cette perspective
d’une poly- instrumentalisation du monde. De ce point de vue,
ces phénomènes sont d’une incroyable richesse, par la diver-
sité des processus qu’ils mettent en œuvre et par la complexité
de certains d’entre eux.

Corps agissant et corps agi

Contrairement à celles des animaux plus cognitifs comme les


mammifères ou les oiseaux, les techniques des insectes so-
ciaux ne passent pas tant par des objets qui servent à transfor-
mer les actions de l’animal (même si ça peut être le cas
localement), que par des agencements par lesquels ce dernier
s’instrumentalise lui-même. Le corps de la fourmi n’est pas de
même nature que celui du mammifère. Ce dernier est un corps
agissant – qui peut donc utiliser des outils. Le corps de l’in-
secte social est un corps agi – qui devient lui-même outil. Le
corps agissant est le sujet de l’action médiatisée alors que le
18 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

corps agit en est un élément auto-constitutif. Le mammifère


ou l’oiseau peuvent être intelligents avec les autres, l’insecte
social l’est par les autres. L’expression « faire corps » n’a ja-
mais eu autant de pertinence qu’avec les insectes sociaux.
Les myrmécologues ne connaissent cependant que deux
types de corps : les corps organiques et les corps sociaux. Je
veux suggérer ici que les « corps artificiels » des insectes
sociaux (ce qui ressemble donc le plus à des outils chez eux)
ne sont justement ni les uns ni les autres. Le super-organisme,
évoqué dès le début du 20e siècle est moins un organisme, ani-
mal ou végétal, qu’une technique associative, ce que ne sont
jamais des sociétés d’animaux plus évolués. C’est parce que
la fourmi individuelle est agie plutôt qu’agissante et qu’elle
devient un processeur dans un réseau que la colonie de fourmis,
avant d’être une société au sens usuel du terme, doit être con-
çue comme une technique de société, assez comparable, à
première vue, à la notion de technique du corps quand elle
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s’applique par exemple à un animal qui manipule sa queue de
façon inédite. Je précise « à première vue », parce que la situa-
tion est beaucoup plus complexe. Dans le cas de la queue
manipulée du macaque, il s’agit de la manipulation d’une par-
tie de son corps par un individu clairement identifié. Ce n’est
pas ce qui se passe avec les insectes sociaux, vis-à-vis desquels
la notion même d’individu est problématique.

Qu’est-ce qu’un individu ?

La notion d’« individu » est loin d’être claire en biologie


comme l’a montré en détail Bernabé Santelice (1999). Trois
attributs sont utilisés avec une très grande variabilité pour la
définir : celui de l’unicité génétique, celui de l’homogénité
génétique (on trouve par exemple ces deux critères chez
A.Weismann en 1904), et celui de l’autonomie physiologique
(que défend Huxley en 1932). Mais ces trois caractéristiques
peuvent être présentes dans des types d’organismes multicel-
lulaires à des degrés divers. Dans le cas de l’insecte social,
quel est le niveau pertinent à prendre en compte ? Celui de
l’insecte individuel, celui de ses gènes, celui de la caste, celui
du nid, celui de la colonie, voire celui de l’espèce ?
L’idée de « corps artificiel » est proposée par Scott Turner
(2000), même si le physiologue américain ne prononce pas le
Où commence et où finit un corps de fourmi ? 19

mot. Lui-même évoque la notion d’« organisme étendu 2 ».


Dans son livre, il considère que les structures qui sont cons-
truites par l’animal doivent être perçues comme des parties de
l’animal lui-même. Ces organes artificiels jouent un rôle voi-
sin de ceux qui sont plus classiquement étudiés en physiologie,
tels que le rein, le cœur, le poumon, etc. L’organisme étendu
est considéré exclusivement comme un dispositif technique
qui agit sur les flots d’énergie, de matière et d’information
entre l’organisme et son environnement. Un évolutionniste
comme Richard Dawkins voit, quant à lui, le « phénotype
étendu » comme une extension de l’action des gènes au-delà
des frontières de l’organisme. Il veut comprendre le rôle de
ces phénotypes étendus dans la transmission des gènes qui les
contrôlent.
Quoique les centres d’intérêt du physiologue soient sensi-
blement différents de ceux de l’éthologue britannique, Turner
conçoit les deux perspectives comme complémentaires. Cha-
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cune d’elle conduit pourtant à des interprétations divergentes
de la vie. Que la biologie des fonctions physiologiques et la
biologie évolutionnaire restent relativement autonomes l’une
par rapport à l’autre n’est pas réellement surprenant. Pour les
sociobiologistes, l’organisme est perçu stratégiquement. Il est
constitué par une coalition transitoire de gènes qui ‘conspi-
rent’ ensemble pour promouvoir l’intérêt de ses membres.
Dans ce contexte, il est toutefois impossible d’approcher une
question telle que celle de savoir si les tourbillons peuvent être
considérés comme des organismes. A un niveau superficiel,
tout au moins, ils apparaissent pourtant très similaires. Ils
semblent avoir une identité. Non à cause de leur distinction,
mais à cause de leur persistence. En ce sens, ce sont sans doute
des organismes. Mais si on enlève la source d’énergie le tour-
billon disparaît.
Que cette frontière entre le vivant et le non vivant soit
« floue » est précisément au cœur de la physiologie du phéno-
type étendu que propose Scott Turner. La frontière qui distin-
gue l’organisme de son environnement est importante, mais
son intérêt réside plutôt dans son statut de processus que dans
celui de limite. En modifiant cette frontière pour des raisons
adaptatives, un organisme confère un certain degré de vie à 2 C’est B. Corbara qui
un environnement apparemment inanimé. Dans une logique attiré mon attention sur
darwinienne orthodoxe l’adaptation à l’environnement devient le travail de Scott Turner.
20 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

problématique puisque la frontière entre l’animal et son envi-


ronnement est justement à construire et ne constitue pas un
donné : chaque organisme doit s’adapter à lui-même, en par-
ticulier parce que ses gènes eux-mêmes doivent s’adapter à
son organisme comme le remarque ironiquement Scott Tur-
ner. L’environnement, comme l’organisme lui-même, doivent
donc s’ajuster mutuellement. Scott Turner ne parle pas de co-
adaptation conjointe – mais c’est clairement ce qu’il a en tête.
Quand ils modifient la structure de leur environnement, les
organismes manipulent et modifient la circulation des énergies
et des matières. Une « physiologie externe » de l’organisme en
résulte. Elle se superpose à sa « physiologie interne », plus
conventionnelle, qui est régulée par la structure de son orga-
nisme dans ses limites tégumentaires. Dans certains cas, par
exemple celui du corail de la grande barrière de corail ou celui
des « corps » des éponges, ces structures intermédiaires jouent
un rôle essentiel dans la survie de l’animal. Dans d’autres cas,
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comme dans celui des vers de terre, une plasticité plus grande
est tolérée. En manipulant les propriétés physiques de l’envi-
ronnement, ils transforment les sols en « rein accessoire »
grâce auxquels ils peuvent survivre dans des environnements
qui leurs seraient interdits autrement.

La colonie comme corps artificiel qui mime l’organisme

Le corps artificiel qu’élaborent les insectes sociaux constitue


un agencement des corps organiques de chaque insecte qui y
participe. Ce corps est artificiel en ce sens qu’il est construit
par les insectes. Il n’a aucune naissance, aucun développement,
et aucune mort programmée – en bref il n’a rien d’un orga-
nisme, social ou biologique. La fondation d’une colonie n’est
pas l’équivalent d’un « bébé » colonie, sauf à titre métapho-
rique. C’est une petite colonie qui se structure progressive-
ment au cours de son extension quantitative. Les agencements
associatifs des colonies d’insectes sociaux sont d’autant plus
difficiles à penser qu’ils sont hétérogènes. Georges Guille-
Escuret (1994) a raison de faire remarquer que ces organisa-
tions sont incompréhensibles sans tenir compte du rôle de
l’architecture des nids dans la structuration des sociétés. En ce
sens, et bien que l’anthropologue français n’aille pas jusque-
là, il faudrait mieux concevoir l’architecture du nid comme
Où commence et où finit un corps de fourmi ? 21

une prothèse que comme un outil sensu stricto. Le nid fait par-
tie intégrante des agencements associatifs des insectes. Il ne
s’agit donc pas vraiment d’un outil, parce qu’un outil est une
aide supplémentaire et non pas un constituant intrinsèque de
soi comme c’est ici le cas. Le nid fait partie intégrante du phé-
nomène « insecte social ». L’insecte social sans son nid ne
peut d’ailleurs survivre.
Mais si le nid est une prothèse, c’est une prothèse pour
quoi ? Mon hypothèse, non exclusive, est que le nid est une
prothèse adaptative qui permet aux insectes sociaux de mimer
fonctionnellement un organisme. C’est un cas rare au cours
duquel un agencement social mime un individu biologique.
Plus exactement, c’est un cas au cours duquel un agencement
mime la fonctionnalité d’un organisme. Ce mimétisme est
purement fonctionnel. On peut d’ailleurs se demander si ce
n’est pas celui qu’on rencontre aussi, de façon peut-être plus
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spectaculaire encore dans le cas des acrasiales de Jerome

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Bonner 3. Cet exemple est intéressant, parce que les acrasiales
n’ont pas de nids ; pourquoi les insectes sociaux en auraient-
ils donc besoin ? Une différence fondamentale, qui distingue
les agencements associatifs des acrasiales et ceux des insectes
sociaux, permet de répondre à la question : les mimes des
acrasiales sont limités dans le temps, ils ne sont que temporai-
res, alors que ceux des insectes sociaux avec nids sont tous des
agencements mimes permanents.
Quand George Pasteur définit ainsi le mimétisme dans un
ouvrage remarquable : « [...] un mimétisme, au sens biologi-
que du terme, est une supercherie. A l’échelle écologique,
c’est l’imitation simulatrice d’un organisme par un autre, ou
encore, d’un objet par un organisme, afin de duper des ani-
maux grâce à la ressemblance. » (1995 : 14), il introduit une
intentionalité qui n’existe pas. Il passe du coup à côté de ce qui
le rend si intéressant. Le mimétisme est un phénomène, et non
une action, et c’est précisément ce qui le rend remarquable. Le 3 Mais non dans la
constitution en banc
mimétisme est l’assimilation de fait d’un organisme à un autre chez certains poissons,
ou d’un environnement à un autre, et l’autre est dupé sans que où il s’agit plutôt de
personne l’aie jamais voulu, surtout pas celui qui en profite – mimer non un organisme
mais l’apparence de
mais le phénomène subsiste parce que l’un des protagonistes l’organisme, comme l’a
au moins en tire un avantage réel. bien vu Konrad Lorenz.
22 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

Que sait le « corps artificiel » de l’insecte social ?


Puissance d’une épistémologie négative
Que sait l’insecte social sur son corps artificiel et que sait ce
dernier ? Une technique ne sait rien, mais c’est justement l’une
des particularités fondamentales de ces agencements associa-
tifs de savoir quelque chose. Ils n’ont certes pas de systèmes
nerveux. On pourrait donc penser qu’un avantage important
des agencements sociaux comme ceux qu’on voit chez les
insectes sociaux est de pouvoir être un substitut aux fonctions
du système nerveux. La colonie « sait » des choses que cha-
que fourmi « ignore ». Lorsque Diderot et ses amis conçoi-
vent le projet d’une Encyclopédie au 18e siècle, ils veulent
résumer et exposer les savoirs et savoir-faire de leur époque.
Le projet est ambitieux ; il se restreint pourtant à l’humain, et
qui plus est, à l’Occidental. D’où la question de son extension.
Le projet encyclopédique peut-il être étendu au non-humain en
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particulier aux insectes sociaux ? Peut-on rêver à une Ency-
clopédie nouvelle qui donnerait tous les savoirs et savoir-faire
de la colonie ? La question est vaste. Elle est surtout fonda-
mentalement problématique comme on va s’en rendre compte.
Elle revient en effet à se demander s’il est possible de réunir à
un moment donné et en un espace donné tout ce que sait la
colonie. Mais comme chacun sait la colonie ne parle pas et
elle n’écrit pas. Ni archives ni manuels ne peuvent servir de fil
directeur dans cette entreprise titanesque. Avons-nous néan-
moins les moyens de les « faire parler » ? Enfin, quels sont les
liens qui peuvent rapprocher le savoir de la colonie et celui de
la colonie dans laquelle il évolue ? Ou pour le dire autrement :
le corps de l’insecte peut-il « savoir » quelque chose que ne
« sait » pas la colonie – et inversement ?

Connaissance négative

Le premier point intéressant qu’une épistémologie des agen-


cements associatifs des insectes sociaux met en évidence est
le caractère négatif des savoirs en jeu. La connaissance néga-
tive n’est pas l’ignorance. Ignorer quelque chose, c’est ne pas
le savoir. Savoir négativement quelque chose, c’est savoir ce
que ce n’est pas. Ainsi les colonies d’insectes sociaux ne sa-
vent pas qui elles sont, elles ne savent pas non plus qui fait
partie de ce qu’elles sont – mais elles savent très bien qui n’en
Où commence et où finit un corps de fourmi ? 23

fait pas partie, quoi n’est pas elles. Elles n’ont aucune repré-
sentation globale de leur identité, mais elles savent localement
et avec une très grande précision, ce qui n’est pas inclus dans
ce qu’elles sont. Elles ont une identité négative. Une identité
par exclusion. Le soi négatif est celui du système immunitaire
et des colonies d’insectes sociaux. L’image (non visuelle) de
référence qui y est utilisée n’est pas celle de soi mais celle des
autres. Le soi n’apparaît que par défaut. Le système immuni-
taire de même que la colonie de fourmis n’ont aucune repré-
sentations positives de qui elles sont, ou de ce qu’elles sont :
elles n’existent que négativement par détermination de ce qui
n’est pas eux.
Ce sont des sois par défaut, qu’il est très facile de tromper,
comme le montrent les nombreuses maladies immunitaires,
les agressions des colonies d’insectes sociaux par des préda-
teurs qui détournent les visas d’entrée ou les chimères sociales
de Christine Errard. Un bel exemple de ces dissimulations est
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celui de la reine Epimyrma stumperi. Après avoir été fécon-
dée, celle-ci va pénétrer dans un nid de Leptothorax tuberum.
Comment ? La reine commence par s’accrocher à une ouvrière
de la deuxième espèce. Elle peut ainsi s’imprégner de son
odeur et s’introduire dans le nid convoité en chevauchant sa
victime ouvrière. Le processus est intéressant dans le contexte
d’une épistémologie négative, parce que la reine d’E.stumperi
n’a aucun besoin de savoir ce qu’est l’odeur des fourmis du nid
de L.tuberum qu’elle cherche à forcer. Elle doit seulement savoir
comment acquérir cette odeur. Le savoir requis pour dévaster le
nid est avant tout un méta-savoir.

Le savoir des insectes sociaux comme savoir collectif


Fourmis, termites, abeilles ou guêpes savent cependant beau-
coup de choses ensemble. Je crois qu’on peut vraiment parler
de savoir du corps à ce propos. L’architecture en est un bon
exemple. Les insectes sociaux sont les animaux qui ont les 4 Les remarquables
constructions les plus élaborées 4 – à l’exception de l’homme, travaux de Guy
Théraulaz sur la
mais seulement depuis peu. Aucune colonie de guêpes n’est construction des nids
pourtant diplômée d’architecture – même sans garantie du de guêpes ne montrent
gouvernement ! C’est déjà une question qui fascinait Réaumur. pas que les guêpes
ne savent pas mais
A l’autre extrême se trouvent les chimpanzés, par exemple,
seulement qu’elles
qui savent beaucoup de choses ensemble mais d’une autre façon ne savent pas qu’elles
: culturellement. Ils savent par exemple pêcher des fourmis ou savent.
24 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

chasser les colobes, casser des noix avec un percuteur et une


enclume, et bien d’autres choses encore. Une différence fon-
damentale avec les insectes sociaux est que dans le cas de ces
derniers tous savent collectivement la même chose, alors que
le savoir du chimpanzé est régional : un groupe de chimpan-
zés sauvages sait beaucoup de choses qu’un autre groupe de
chimpanzés sauvages ne sait pas. Le cas des oies grises étu-
diées pendant quarante ans par K. Lorenz présente encore un
autre cas de figure. L’éthologue autrichien nous explique en
effet que le savoir des oies est fermé. L’étude minutieuse et
approfondie d’un groupe d’oies grises permet de savoir tout
ce que savent potentiellement toutes les oies grises, que cel-
les-ci soient dans le groupe de référence ou dans un autre
groupe. Les oies grises se rapprochent plus des fourmis que
des chimpanzés de ce point de vue. Mais des différences inter-
individuelles notables singularisent une oie d’une autre, ce qui
éloigne ces oiseaux des insectes sociaux 5.
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L’absence d’expertises individuelles

Un autre point intéressant d’une épistémologie des agence-


ments associatifs des insectes sociaux concerne l’absence
d’expertises individuelles. N’existent que des expertises col-
lectives, de surcroît différentielles. Il n’y a rien qu’un insecte
social sache qu’un autre insecte de sa caste fonctionnelle ne
puisse savoir. Son savoir, autrement dit, est un savoir de posi-
tion. Ce qu’il sait dépend moins de qui il est que de l’endroit
5 Une question
importante est celle et du moment où il se trouve. Comment le sait-il ? Surtout,
de savoir si l’absence que sait l’insecte que les autres membres de son groupe ou de
de référence à des son espèce ne savent pas ? Et qu’en fait-il ? Que sait-il de ce
différences inter-
individuelles chez qu’il fait et que fait-il de ce qu’il sait ? Le phénomène des
les insectes sociaux sociotomies est exemplaire ici (Fresneau & Lachaud, 1987).
provient de leur On pourrait résoudre le paradoxe en disant que ce n’est pas
inexistence ou
d’artefacts
l’insecte social qui sait comment construire par exemple un
observationnels. nid, mis le corps simulé évoqué plus haut qui le « sait ».
Peut-on trouver des L’épistémologie de la fourmis ou du termite est non seule-
idiosyncrasies
comportementales chez
ment un épistémologie corporelle, mais cette épistémologie
la fourmi, par exemple, si est de surcroît celle d’un corps simulé. Le plus étonnant, dans
on les considère a priori cette perspective, n’est pas tant que l’insecte apprend, que le
comme inexistantes et si
fait que ce qu’il finit par savoir n’est pas nécessairement
on ne se donne pas la
peine d’essayer de les superposable à ce que sait son congénère voisin. Le régime
trouver si elles existent. épistémique du corps collectif est un régime différentiel.
Où commence et où finit un corps de fourmi ? 25

Ce phénomène renvoie à des observations qui sont vrai-


ment très nouvelles dans l’éthologie contemporaine ; non tant
le savoir que sa différenciation intra-spécifique. Les consé-
quences en sont étonnantes. Pour certains animaux au moins,
la connaissance peut devenir une aventure personnelle. Comme
chez certains humains. A l’inverse, que la connaissance ne
devienne jamais une aventure personnelle, mais qu’elle reste
toujours une aventure collective chez l’insecte social est un
phénomène qui mérite lui aussi d’être expliqué.

Conclusion

Rares sont les chercheurs qui sont prêts à défendre l’anthropo-


morphisme, même s’il en existe quelques-uns ici ou là – par
exemple l’antropologue britannique Pamela Asquith. Cette
dernière réduit pourtant son insolence aux grands singes, et est
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donc à moitié pardonnée. L’espèce des anthropomorphes n’a
cependant pas été complètement éradiquée quoique les moyens
mis en œuvre aient pourtant été considérables, puisqu’il s’agit
tout simplement de menacer d’excommunication ceux qui tom-
beraient dans ce péché majeur : pointés du doigt ils seraient
tout simplement exclus de la communauté scientifique. « Vade
retro », disaient les religieux en croisant les doigts pour éloi-
gner le Malin. N’employons pas les mêmes termes pour parler
de l’humain et de l’animal, dit-on aujourd’hui, dans une envo-
lée lyrique qui mêle le « wishfull thinking » et le politique-
ment correct. Une telle attitude est loin d’aller de soi pour un
darwinien convaincu : si on sépare artificiellement l’homme
et l’animal en posant par principe que ce que font les uns est
incommensurable à ce que font les autres, comment peut-on
rester vraiment darwinien, c’est-à-dire non seulement recon-
naître nos filiations animales mais également se donner les
moyens de les étudier et de les comprendre ? Les questions de
fond sont ainsi éludées au profit d’une posture intellectuelle
plus religieuse que scientifique. Il faut donc commencer par se
poser la question suivante : l’anthropomorphisme est-il un réel
danger pour la compréhension de l’animal ?
Pour les raisons évoquées précédemment, je répondrai que
c’est surtout la question de l’ethnocentrisme qui est un danger
aujourd’hui, et non celle de l’anthropomorphisme lui-même,
26 Où commence et où finit un corps de fourmi ?

qui existe peut-être, mais n’est rien par rapport à la propension


à prendre ses propres catégories culturelles pour des catégories
universelles. Les difficultés que suscitent les notions d’outils,
d’instruments et de corps sont symptomatiques de ces bloca-
ges : nous leur donnons la signification qui est la leur de manière
dominante dans les sociétés occidentales. Rester obsédé par
les mots n’est pas une solution. Considérer que l’hypothèse la
plus simple, voire la plus simpliste, est toujours la bonne par
rapport à l’humain n’en est pas une non plus. Comme on peut
précisément s’en rendre compte avec les insectes sociaux, un
système cognitivement beaucoup plus simple que l’humain
peut être objectivement très complexe.

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